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DÉCÈS DU CAMARADE MHAND KASMI

mardi 27 août 2013


LE CIEL T’A PLEURÉ M’HAND ! - Fateh Agrane - le 23 août 2013 ;


HOMMAGE : à M’HAND KASMI, UN PRÉCURSEUR DE L’ÉCOTOURISME - par M’hamed Rebah - reporters.dz - le 27 août 2013 ;


M’HAND KASMI NOUS A QUITTÉS - Fatah Agrane - le 21 août 2013 ;


Où EST PASSÉ LE FEU SACRÉ DE LA NATION ? - RETOUR SUR LE CINQUANTENAIRE DE L’INDÉPENDANCE (1962-2012) - contribution de M’hand Kasmi - “Le Soir d’Algérie” - le 14 janvier 2013 ;


M’HAND KASMI - QUOI D’AUTRE ? Ameziane Ferhani - El Watan - le 25 août 2013 ;


LE CIEL T’A PLEURÉ M’HAND !

Fateh Agrane
le 23 août 2013

En ce vendredi 23 aout, il était couvert comme les yeux de DJAMILA BOUHIRED ta chérie d’amie toute de costume blanc vêtue, notre icône de la résistance et de l’honneur faite femme venue pour la circonstance t’honorer jusqu’à l’ultime adieu !ils sont venus de AIN BENIAN,BOUIRA, D’Alger et de partout

Rendre un dernier hommage au frère, a l’ami, au camarade et collègue

Le ciel a pleuré en petites gouttelettes sur cette colline de cimetière en face du bleu azur de la mer que tu adorais regarder de ton vivant, mais les tiens ont retenu leurs larmes, même ton fils aîné dans un sursaut de dignité a cessé de pleurer dans les bras de AISSA ton frère

Donc je te disais que YOUCEF ton autre camarade de frère complice t’a choisi une place au cœur du cimetière en face de la mer qui sera désormais, vague dans ton âme pour te bercer éternellement !

Tu lui chanteras j’en suis sur Marcel Khalifé
« li 3AYNAYKI GHANNAYTOUHA » comme tu avais l’habitude de chanter quand jeunes, nos rêves en lingots et clandestinement nous fabriquions les tracts pour soutenir les luttes paysannes de STAOUELI et AIN BENIAN et quand nous avions transformé ton domicile de BORDJ EL BAHRI en QG pour tirer nos bulletins et autres plaquettes pour animer nos luttes juvéniles locales

Ta ZASTAVA orange servait à transporter et ravitailler le formidable essaim qu’avait élevé le PAGS ton parti chez les démunis des quartiers populaires ou tu as préféré militer !

Oui c’est dans cette grande école du patriotisme et du progrès social et de la générosité que tu t’es forgé et préparé aux exaltantes taches de cadre de la nation qui t’attendaient !

Nos routes se sont séparés depuis l’implosion du parti en 1990, mais jamais notre affection ni l’amitié ne fut altérée c’est que tu avais toujours ton sourire et ta générosité a offrir et à l’humble main pour aider et secourir !

M’hand te laisser dans ta dernière demeure aussi facilement comme on laisse un corps sans vie par un jour d’enterrement ?
NON !
ta demeure est dans nos cœurs et dans ceux des humbles de ce pays, des laborieux, des hommes honnêtes de ceux qui luttent et ne désespèrent de planter le rêve dans les aurores matinales

Tu germeras chaque fois que le soleil se lèvera car tu fus un rayon de l’indomptable, rebelle et éternelle ALGERIE

Au fait camarade une dernière tape des mains comme tu aimais le faire a chaque fois qu’on se rencontrait, j’ai ouvert mon téléphone portable lors de la mise en terre de ton corps, un ange de l’ATLAS ne pouvant assister a ton départ tenait à te réciter une reconnaissance éternelle, c’est ma dernière tape amicale ! et comme tu aimais à le répéter à chacune de nos rencontres

« Ay na 3aLbbou Elli Ma Ay7abbnache

 »

Fateh Agrane

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HOMMAGE :

M’HAND KASMI
UN PRÉCURSEUR DE L’ÉCOTOURISME

par M’hamed Rebah
reporters.dz
27 août 2013

Notre pays possède de fortes potentialités en écotourisme et tourisme de montagne qui demandent à être exploitées et mises en valeur. C’est ce qu’avait compris, il y a bien longtemps, notre ami M’hand Kasmi - qui vient de nous quitter et auquel nous rendons hommage – un pur écologiste qui a été à l’origine d’un projet exemplaire en matière d’écotourisme qu’il a contribué à développer à Toudja.


DR-Djamila Bouhired à Toudja

C’était en mars 2010, l’inauguration du musée de l’Eau qui donnait à Toudja, comme l’avaient noté les journalistes, le statut de centre écologique par excellence. M’hand Kasmi, lui-même originaire de Toudja, spécialiste du développement durable, grand connaisseur des problèmes des collectivités locales, partisan convaincu de la démocratie participative et, à ce titre, naturellement, incompris des ignares, donnait, à cette occasion, sur place, une conférence sur la façon dont l’idée du musée de l’Eau a mûri et s’est finalement concrétisée.

Toudja venait d’échapper, grâce à ses enfants et à la mobilisation des écologistes, à la catastrophe que lui promettait Lafarge, ou Orascom, on ne sait plus, qui allait investir 250 millions de dollars sur un projet d’implantation d’une cimenterie à cet endroit mythique.

C’était, dit-on, un projet d’envergure : 4 000 emplois, dont un bon millier d’ingénieurs et techniciens ; dans un premier temps 1,6 million de tonnes de ciment, puis, progressivement, 3,6 millions de tonnes. Si personne n’avait levé la voix pour s’opposer fermement à cette aventure, Toudja vivrait aujourd’hui le calvaire des poussières de ciment et du bruit de la noria incessante des camions qui le chargent. Heureusement, le projet a fini par tomber à l’eau. On peut maintenant parler de la région de Toudja en évoquant ses atouts naturels, son patrimoine archéologique, social et culturel qui s’intègrent parfaitement dans ce projet sur l’eau initié par M’hand Kasmi. Toudja peut accueillir tous les rêves d’écotourisme, y compris celui qui a eu l’assentiment officiel et qui consiste à remettre au goût du jour « la route de l’eau », datant de l’époque romaine, avec son monumental aqueduc, ses viaducs et ses équipements hors normes.


Les responsables parlent d’« injecter sur le parcours de l’eau, redessiné en forme de boucle de quelque 70 km, des éco gîtes, des espèces de relais verts, et l’aménagement de quelques espaces de repos et de détente ». Tout récemment, la presse rendait compte des perspectives qui s’offrent au mouvement associatif local autour du musée de l’Eau de Toudja. Tout cela, loin des batailles d’arrière-garde que mènent conjointement les responsables du tourisme et de l’environnement qui viennent, visiblement, de saisir que sans une politique environnementale efficace, il n’y a pas de tourisme possible.

Ils constatent que la dégradation de l’environnement ne s’arrête pas aux limites des sites touristiques, au contraire, c’est dans ces lieux qu’elle choque le plus. Il n’y a pas de culture environnementale malgré les campagnes de sensibilisation qui n’ont jamais cessé. Mais ce constat d’échec ne les empêche pas d’annoncer une nouvelle action commune entre les secteurs du tourisme et de l’environnement, dont on ne connaît pas encore les contours, et dont l’objectif serait, encore une fois, la sensibilisation.

Tout le monde a compris que, sans la propreté et le civisme qui garantissent l’hygiène et la tranquillité aux touristes, personne ne voudra passer ses vacances dans notre pays. Il faut prendre exemple sur Toudja.

Source :

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M’HAND KASMI

QUOI D’AUTRE ?

Ameziane Ferhani
El Watan
le 25 août 2013

Avant-hier, Mhand Kasmi a été porté en terre, dans ce beau cimetière d’Aïn Benian qui fait face à la mer, à deux pas de l’ancien où il m’avait montré un jour la tombe du poète Jean Sénac que personne ne savait où enterrer.

Côté chrétien, du fait de ses origines ? Ou côté musulman, du fait de son engagement pour l’Algérie ? Dans les deux cas, cela posait problème. Finalement, c’est à la limite des deux qu’il fut inhumé, sur la ligne de partage des Gens du Livre.

Et c’est tout près de ce cimetière, au carrefour entre la route du Sahel et celle de « Zéralda par les plages », comme l’on disait autrefois, qu’il me conta aussi un événement qui s’y était déroulé et l’avait marqué. Tard dans la nuit, il rentrait d’Alger sur Aïn Benian pour rejoindre le haouch familial ou trône un arbre immense qui avait dû être un baobab dans une vie antérieure, tant sont nombreux les palabres qu’il a accueillis. Arrivé à ce carrefour, Mhand fut témoin d’un grave accident. Il se porta au secours du conducteur ensanglanté, s’assura de la venue de la Protection civile et assista la victime jusqu’à l’arrivée de l’ambulance. Le lendemain, il apprit à la radio qu’il s’agissait de Dahmane El Harrachi, le grand chanteur chaâbi qu’il adorait. Il racontait souvent cette histoire avec une peine immense, comme si elle s’était déroulée la veille, et avec un fort accent de regret. Et il y avait toujours quelqu’un pour lui dire : « Mais tu as fait ce qu’il fallait faire. » Il répondait alors : « Non, car si je savais que c’était Dahmane El Harrachi, je lui aurais parlé en tant que tel, je lui aurais dit combien nous l’aimions et tenions à lui… »

Quand je pense à l’expression « commis de l’Etat », c’est souvent Mhand Kasmi qui me vient à l’esprit. Il faisait partie des promotions d’énarques des années soixante-dix et sa carrière se déploya dans diverses institutions et wilayas : Mostaganem, Bouira, Alger…
Commis de l’Etat ? C’est avec lui et quelques autres que j’ai découvert ce que cela signifiait. Un sacerdoce, un sens élevé de l’intérêt public, une volonté d’avancer soi-même, mais en faisant avancer le pays.
Commis mais non larbin, ce que prouvera son éviction brutale, en 2000, du poste de directeur de la réglementation et de l’administration générale de l’éphémère gouvernorat du Grand-Alger.
Ce DRAG donc, que j’aimais taquiner en l’appelant « dragon », fut victime des brontosaures qui règnent sur nos vies.
Du jour au lendemain, il se trouva débarqué de son poste, sans emploi, sans ressources, à la fleur de l’âge et, pour ce que j’en ai su, parce qu’il avait eu l’audace d’appliquer la réglementation lors d’élections.
Il fut inscrit sur le registre noir des représailles administratives où tant de cadres valeureux ont été bannis, enfants du pays devenus pestiférés en col blanc.

De ce jour, il connut une terrible traversée du désert, ponctuée d’emplois occasionnels, de jobs et de piges, pris dans l’engrenage d’un ostracisme opaque et mortel. Mais ce n’est pas tant les faits qui le minaient, ni les difficultés sociales. Rien ne l’affectait plus que d’avoir cru en l’Etat et de continuer malgré tout à y croire, au point que certains proches lui reprochaient affectueusement une candeur doublée d’entêtement. Il était loin d’être naïf et connaissait mieux que quiconque les rouages et méandres de la grande machine à gouverner.

Il disait : « Si l’Etat se perd, le pays se perdra. » Il a tenté un moment l’aventure politique, se présentant, après maintes hésitations, aux législatives de 2012. Ses convictions forçaient le respect, même de ceux qui ne les partageaient pas, tant il les défendait avec passion, sincérité et humour. Mais au fond, il restait convaincu que sa place était au service de l’Administration qu’il concevait comme un levier de l’ordre, un outil de justice et un instrument du bonheur. Longtemps, il est resté persuadé qu’on le rappellerait, qu’« un Quelqu’un » – comme on dit chez nous pour signifier que les autres sont personne – se souviendrait de sa compétence et réparerait l’injustice. Certains responsables l’ont appelé à leurs côtés mais on les en a vite dissuadés.

À bien des égards, c’est moins une maladie fulgurante qui l’a emporté que le sort globalement réservé à la génération de cadres née dans les années cinquante, élevée dans l’amour de la patrie, disposant d’une culture solide et qui commence à s’éteindre sans qu’on lui aie jamais donné la chance de prendre véritablement le relais.
Mhand aura bu jusqu’à la lie ce destin collectif, gardant sa dignité en toutes circonstances, prenant le bus quand il lui fallut le prendre, en ramenant même des observations sociologiques.

Son goût de l’ordre, il le tenait de sa famille, originaire de Toudja. Le père, personnage haut en couleur, avait été un agriculteur émérite et avait travaillé aux Ponts et Chaussées. La route, les voies, les alignements, les bornes, l’organisation, cela vous forge un homme. Mais la famille Kasmi a surtout été un foyer de nationalisme. La demeure familiale, en retrait du village, fut, dès 1956, un centre d’hébergement et de transit des moudjahidine, jusqu’à ce jour fatidique du 6 mars 1958 où l’aîné, Mouloud, membre de l’ALN, fut abattu sous les yeux de la famille réunie. La maison et la terre furent brûlées.

Mhand a toujours gardé en lui le souvenir lointain mais effroyable de cette journée. Par la suite, l’engagement du nouvel aîné, Hadj Aïssa, moudjahid, notamment à Bou Saâda, puis cadre supérieur de la police après l’indépendance, constitua pour son cadet un autre motif de fierté et d’inspiration.

Mis aux oubliettes, Mhand se retrouva volontiers auprès des intellectuels, des artistes, des journalistes et des « petites gens » qu’il avait toujours fréquentés et pour lesquels son rang importait peu. À ce moment, il se mit à écrire dans la presse, heureux d’être libéré de son « devoir de réserve », produisant des réflexions et des points de vue, quelques pamphlets politiques aussi.

Avec Malika Lafer, il anima sur la Chaîne III la belle émission « Villes et histoires » qui arpenta l’Algérie profonde quand on ne pouvait pas l’arpenter.
Il participa aussi à l’émission « Remue-méninges », capitalisant ainsi une expérience antérieure à la radio où il répondait, en tant que DRAG, aux questions des citoyens.
Il donnait des conférences et participait à de nombreuses rencontres culturelles, collaborait avec la maison d’édition Synergie.

Mais c’est en tant que président de l’“Association du musée de l’eau de Toudja” qu’il trouva peut-être son plus grand bonheur, faisant le lien entre son village d’origine, ses penchants écologiques, sa conception de la bonne gouvernance et de la citoyenneté. Le musée a vu le jour. “La Fête de l’eau” est née, devenant déjà une tradition…

Rejeté par un Etat qu’il pensait servir loyalement, Mhand Kasmi lui a prouvé qu’il pouvait agir et créer par lui-même. Et il a commencé ainsi à se libérer de sa dure et longue illusion d’un retour à l’administration.
Récemment, il avait trouvé un poste dans un établissement financier et quelques perspectives s’ouvraient à lui. Hélas tardives.

Je garde de lui le souvenir flamboyant d’escapades que nous avions menées dans le pays à ses pires moments. Nous avions conscience de notre témérité, prenant des précautions qui, avec le recul, semblent ridicules et surtout folles. Mais nous ne pouvions nous passer tout le temps de voir notre Algérie claquemurée dans la terreur, de rencontrer ses habitants, de partager sa nature, son terroir, sa poésie secrète et ses galettes. « On fait un raid ? » me demandait-il, car nous nommions ainsi ces excursions. Et nous partions.
En tant que cadre de l’Etat, il avait été un des premiers à disposer d’un portable. Mais les relais étaient alors rares et, sorti d’Alger et de quelques villes, l’appareil ne servait à rien d’autre qu’à frimer pour ceux que cela amusait.

Un jour, sur une route quasiment déserte en surplomb de la mer, pris par un besoin impérieux, nous nous arrêtâmes pour nous soulager. Soudain, le téléphone sonna. Nous découvrîmes ainsi qu’il existait là un champ de captation d’environ deux mètres de diamètre. Nous l’avons borné de grosses pierres en cercle, riant de créer ainsi « la première cabine téléphonique à ciel ouvert pour portables », nous promettant de la faire inscrire au Guinness Book ! De fait, elle nous resservit et servit à d’autres qui nous avaient vu l’utiliser pour rassurer nos familles.

Avant-hier, Mhand Kasmi a été porté en terre. Abdallah Dahou, son ami éditeur, l’avait vu quelques jours avant son départ pour Paris où il a été opéré pour s’endormir à jamais. Mhand voulait lui confier ses textes pour les éditer. Abdallah lui demanda quel titre il envisageait. « Quel titre ? lui répondit aussitôt Mhand, souffrant mais optimiste. Eh bien ALGERIE ! Tout court et tout simple. » Et, pour reprendre la fameuse publicité, quoi d’autre ?

Avant-hier, quelques gouttes de pluie sont tombées sur le cimetière. Pas grand-chose mais suffisamment pour étonner la foule qui couvrait la moitié du lieu. Et je ne peux écrire qu’à d’autres ce que j’aurais voulu lui dire : soit ce que lui-même aurait voulu dire à Dahmane El Harrachi agonisant dans ses bras. Oui, quoi d’autre ? -

Ameziane Ferhani

sources :

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RETOUR SUR LE CINQUANTENAIRE DE L’INDÉPENDANCE (1962-2012)

Où EST PASSÉ LE FEU SACRÉ DE LA NATION ?

Contribution de M’hand Kasmi
Le Soir d’Algérie
14 janvier 2013

« Le feu qui semble éteint, souvent dort sous la cendre »
(Pierre Corneille)

Les hautes autorités de notre pays ont été bien inspirées de confiner de manière drastique les réjouissances populaires nationales du cinquantième anniversaire de l’indépendance, aux flamboyants et magiques « feux de Bengale » dont ils ont embrasé à profusion, à partir des cieux francs à haute densité patriotique de Sidi Fredj et du Maqam Echahid, les autres portions de ciel de notre vaste pays-continent.
La magique voûte céleste dressée au-dessus des fiers contreforts de l’Atlas et de l’altier Hoggar méritait bien cet hommage éclair. Passé l’intermède providentiel de cette illumination pyrotechnique, l’Algérie a vite fait de se replonger et sombrer dans l’atmosphère ubuesque et sans relief des milliers de souks électoraux programmés en amont et en aval de cet historique anniversaire. Le feu sacré de la nation, douloureusement arraché aux premières lueurs du 5 juillet 1962 aux dieux barbares du colonialisme, était étrangement absent des cérémonies officielles d’anniversaire du demi-centenaire de la fin de la nuit coloniale. Ses gardiens ont eu une année civile pour le raviver. En vain ! En l’absence de combustible durable arrosé du souffle épique que commande la lumineuse mission prométhéenne qui est la leur, ils ont tout simplement décidé de jouer avec ses cendres incandescentes ! Au risque de se brûler !

Un demi-siècle d’indépendance
et toujours pas de bilan de l’Etat de la nation

Les célébrations majeures de la vie d’une nation du type de celles que vient de vivre en 2012 notre pays sont toujours propices sous d’autres cieux à l’élaboration de bilans, de diagnostics rigoureux de l’Etat, de la nation, de l’état de la nation. Des évaluations stratégiques qui sont érigées en autant de prétextes et d’occasions pour donner des contours moins imprécis et plus colorés aux horizons futurs de ces Etats, des réponses prospectives aux aspirations de leurs peuples. Chez nous, ce bilan ne relève d’ailleurs pas uniquement d’une quelconque exigence morale et politique interne. Il intéresse, en fait et au plus haut point, tous les observateurs de la scène politique mondiale qui continuent d’accorder au cheminement historique de notre pays, l’intérêt que lui confèrent son histoire héroïque et sa géographie d’exception. Il n’y a qu’à voir l’engouement des plus éminents universitaires du monde entier à participer aux rares colloques organisés çà et là, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance, pour se convaincre que le sort de la nation algérienne, dernière grosse fécondité et moisson du processus historique de la décolonisation, demeure un sujet d’étude qui ne perd ni de son actualité ni de sa capacité d’attraction. Un « dossier » qui ne laisse en tout cas personne indifférent. Les ennemis avant les amis !

Les Constitutions de l’Algérie indépendante :
le syndrome du faux départ originel

En matière de dotation du pays et de la nation d’une loi fondamentale, nous pouvons affirmer en paraphrasant le célèbre agronome René Dumont à propos des indépendances africaines, que l’Algérie « est mal partie » ! Dès le premier jour de l’indépendance ! En faisant en effet adopter sa première Constitution en 1963 dans une salle de cinéma, le Majestic, l’Algérie a inauguré le cycle maléfique qui se continue aujourd’hui encore, de faux départs constitutionnels, ponctués de vraies-fausses révisions, qui ne pouvaient déboucher que sur des arrivées virtuelles, sans gloire. Des « arrivées » aussitôt converties en nouveaux départs tels des « chevaux de manège constitutionnel », pour reprendre l’heureuse formule de notre ami, le constitutionnaliste avisé Walid Laggoun. Résultat des courses : d’un rendez-vous constitutionnel à un autre, tous présentés comme « historiques », notre pays s’est durablement installé dans le fataliste statut ayant pour sclérosé credo « changer pour ne pas changer ». En réalité, à force de mettre du cœur à l’ouvrage, nos constitutionnalistes-maison ont fini par exceller dans le seul art qui pourrait leur être rétrospectivement reconnu : tailler des costumes sur mesure aux différents locataires de la plus haute loge du pouvoir d’Etat du moment. En tout et pour tout, l’Algérie aura ainsi connu quatre Constitutions depuis son indépendance.

Nous sommes aujourd’hui à la veille d’une énième révision constitutionnelle, et bien malin le mage inspiré qui pourra en deviner l’alchimie décapante annoncée. Une certitude pourtant : elle ne fera que replâtrer les lézardes par trop béantes apparues dans la précédente version et le déséquilibre des pouvoirs patent et manifeste qu’elle maintient, vaille que vaille. Une révision qui tentera en fait désespérément d’assurer la survie d’un régime en mal d’équilibre durable et en fin de cycle historique. C’est à notre constitutionnaliste Walid Laggoun que revient le mot le plus juste sur ce brûlant sujet d’actualité. « L’Algérie a durant plus d’une décennie opéré sa transition normative. Il lui reste à assurer sa transition institutionnelle portée dans ses textes constitutionnels depuis 1989, mais chaque fois contrariée par les aléas de la vie politique. Elle gagnerait à l’accomplir en sachant distinguer l’essentiel de l’accessoire, les vues de l’esprit de la réalité objective. » Et d’ajouter avec une délicate finesse, « avec une lime, pas une hache ! ».

L’Algérie de l’indépendance à nos jours :
un État-nation en éternelle transition

Il aura fallu cinquante longues années de réalisation de « tâches d’édification nationale », cinq bonnes et mauvaises décennies de tâtonnements, plusieurs révolutions inscrites dans le sens de l’histoire du moment, de douloureuses et inaccomplies transitions, pour que l’Algérie réalise finalement l’ampleur de l’impasse historique réelle dans laquelle elle se trouve en ces lendemains de célébration d’un demi-siècle d’indépendance. Un Etat-nation malmené dans ses fondements intimes, sans visibilité stratégique pour ne pas dire sans visibilité tout court.

Après avoir lamentablement échoué dans sa première transition vers le socialisme et s’être fourvoyé dans les méandres des voies qu’il s’est choisi pour s’en « sortir », en tentant de libéraliser l’économie et démocratiser la vie politique, l’Etat algérien, surestimant ses forces et victime de ses propres abus et excès, a frôlé le suicide qu’il a lui-même et en toute inconscience programmé. Une fois appliquée la thérapie de choc qui a coûté la vie à des dizaines de milliers de citoyens qui ont payé le prix du divorce tragique entre cet Etat fort de ses seules faiblesses et une nation en devenir bouillonnant, le corps inanimé de l’Algérie a fini par reprendre vie et se secouer de nouveau. Trop tard ! Le pouls du monde s’est entre temps emballé et celui de l’Algérie trop faible ne suivait pas, ne suivait plus, ou de loin seulement. « Le temps d’apprendre à vivre, il est déjà trop tard ! », écrivait Aragon. Le modèle de l’Etat-nation que nous avions pris pour repère absolu au lendemain de notre indépendance et que nous nous évertuâmes à bâtir laborieusement et surtout à défendre quasi religieusement depuis, bâtit de l’aile, perdit de l’altitude et s’effondra comme un château de cartes !

Aux dernières nouvelles, certains analystes porteurs d’une froide lucidité estiment même que le processus de la fin prévisible du cycle historique de l’Etat universel avec la relativisation de l’utilité politique de l’Etat-nation, est déjà en marche. Sommes-nous arrivés trop tard ? Incontestablement, c’est à la naissance d’un nouveau monde que nous assistons depuis la fin de l’ordre de Yalta, qui a paradoxalement été porteur à sa périphérie de l’accélération décisive de l’accomplissement de notre destin national. Dans cette phase de transition post-étatique qui n’en finit pas de s’amorcer et de se réamorcer, l’Etat national algérien ne possède plus le monopole de la violence légitime organisée, qui lui a fait souvent perdre la tête par le passé. Il faut qu’il se le tienne pour dit ! En réalité, les phases de transition, ces phases de béance qui révèlent les fractures et les coutures de l’histoire et de la géographie réelle d’un pays sont ailleurs habilement mises à profit pour dessiner les contours du cadre de l’ordre nouveau à venir.

Rien de tout cela chez nous ! L’occasion du cinquantenaire de l’indépendance aurait pu s’avérer bien judicieuse pour ce travail de conversion des nombreuses faiblesses et carences d’hier en synergie retrouvée, décuplée, structurée et organisée pour demain. Surtout que les moyens de l’action n’ont jamais été autant disponibles. Elle ne fut pas saisie. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, de redoutables nouvelles transitions pointent déjà du nez à l’horizon : transition institutionnelle, transition démographique, transition énergétique, transition sanitaire pour ne citer que celles qui mettent déjà le feu aux poudres des méninges des spécialistes familiers de ces questions.

Un « après-pétrole » compromis
par les premières émanations du gaz de schiste

S’il est un constat sur lequel s’accordent depuis au moins le début des années 1980 du siècle dernier, l’ensemble des économistes qui ont eu à se pencher sur les bilans d’évaluation des différentes politiques économiques suivies par l’Algérie depuis son indépendance, c’est celui qui établit que l’Algérie ne peut plus continuer à opter pour un modèle de développement reposant sur la mono-exportation de ressources épuisables. Ce constat, catégorique, est du reste largement partagé par les hommes politiques, la société civile et les experts qui pensent globalement qu’en dépit de réalisations infrastructurelles importantes, l’économie algérienne, passant par divers cycles de tâtonnements, n’arrive toujours pas à trouver ses repères et à tirer les leçons de ses échecs patents, répétés. Est-ce pour autant l’impasse ? Les experts le pensent, du moins si le pays ne réussit pas à transformer son économie dont le fonctionnement est tout entier dépendant de la rente pétrolière, en une économie moderne, qui générerait ses propres ressources et s’affranchirait de la rente. Mais partager le poids d’un constat d’une tare congénitale aussi grave qui n’en finit pas de pervertir l’économie algérienne est une chose, et agir durablement pour relativiser et limiter ses effets décapants et corrupteurs multiformes sur la vie de tous les jours des Algériens en est une autre.

Alors que de larges secteurs de l’opinion publique nationale s’attendaient en cette veille d’anniversaire historique à plus d’un titre, à de courageuses annonces de décisions décrétant enfin ouverte l’ère de « l’après-pétrole », ne voilà-t-il pas que l’Algérie décide subitement de se lancer dans une nouvelle aventure destinée à prolonger indéfiniment la dépendance absolue aux hydrocarbures, à travers l’option pour l’exploration plutôt avancée des gaz de schiste. Notre pays, on le sait, n’est pas un eldorado pétrolier. Il est par contre le quatrième exportateur mondial de gaz naturel (qui fournit 90% de ses recettes) derrière la Russie, la Norvège et le Qatar. La tentation sera grande parmi les décideurs d’aujourd’hui et de demain, en mal de stratégie industrielle cohérente, de substituer l’ère inaccomplie et ratée de « l’après-pétrole » par celle plus prometteuse et encore vierge de l’« avantgaz ». De schiste, bien évidemment ! En attendant, les bassins schisteux des grands ergs occidental et oriental tremblent déjà à l’idée du traitement de choc écologiquement incorrect qu’ils vont subir, pour livrer sur-le-champ et en liquide leurs précieuses entrailles pétrifiées par les féconds accidents géologiques souterrains de notre toujours généreux Sahara !

Le feu aux portes du pays

De mémoire de citoyen algérien soucieux de la sécurité de ses nombreuses et trop rectilignes frontières, jamais notre pays n’a connu autant d’incendies allumés aux confins des vastes espaces qui délimitent aux quatre coins cardinaux de l’Afrique du Nord, les formes territoriales si généreuses de l’Algérie. Au journaliste algérien qui lui demanda à brûle-pourpoint il y a quelques années de lui résumer précisément et en deux mots notre pays où il venait d’atterrir quelques semaines plutôt en tant que haut représentant diplomatique de son pays, un ambassadeur américain répondit : « L’Algérie est le 9e plus grand pays de la planète par sa superficie, il est l’un des rares pays à avoir des frontières terrestres avec 7 autres pays et il est riche de ses ressources naturelles… ». Tout est dans cet aveu incisif du premier représentant plénipotentiaire de la première puissance du monde ! Tel est effectivement notre pays : grand, massif, regorgeant de richesses insoupçonnées mais aussi objet de convoitises anciennes et nouvelles. Après le brasier tunisien, l’enfer libyen et aujourd’hui le purgatoire malien, ajoutés aux velléités hégémoniques de la monarchie marocaine toujours aux aguets à nos frontières ouest, la problématique de la défense des frontières de notre pays n’a jamais connu de niveau de complexité aussi préoccupant. Si nous n’y prenons garde, Etat, armée, diplomates et citoyens, les frontières de notre pays qui sont aujourd’hui externes et convexes risquent de se confondre demain avec les nombreuses frontières internes en escargot que nous imposeront les nomades et turbulentes conjonctions de nébuleuses agressives d’ici et d’ailleurs, avides de revanches et de recompositions territoriales. Des laminages qui ont hier encore coupé le Soudan en deux et qui demain pulvériseront la Syrie en autant de ghettos confessionnels qu’il y a de milices et de sectes ! Du pain sur la planche pour notre diplomatie et des nuits blanches en perspective pour nos stratèges militaires !

La gouvernance du pays :
« Trop grand pour les petites choses
et trop petit pour les grandes choses »

Cette heureuse formule de l’universitaire américain Daniel Bell résume à elle seule le dilemme auquel l’ordre international soumet désormais la plupart des Etats comme le nôtre, qui ne sont plus les uniques et exclusifs instruments pour tricoter paisiblement au coin de leur bien spécieuse cheminée, l’avenir de leurs nations. L’Etat national algérien est en ce début de nouveau millénaire entré dans cette espèce d’oscillation pour le moins déstabilisatrice, de « grand écart vertical » qui l’appelle tantôt vers le haut à se dépasser pour rallier un espace plus grand et plus vaste, tantôt vers le bas, à se disloquer pour donner plus d’espace à la démocratie locale. Ce mouvement permanent n’est pas toujours facile, et il arrive qu’en l’absence d’une réelle autonomie locale nourrie du principe de la subsidiarité de l’action entre ses différents échelons, le niveau central le plus haut se mette en mouvement précipité pour réaliser des opérations de rattrapage qui relèveraient sous d’autres cieux des tâches de proximité les plus élémentaires des pouvoirs locaux. Nous l’avons vu en cette fin d’année avec le Premier ministre contraint d’ordonner et d’encadrer de ses instructions une campagne de salubrité publique d’enlèvement des ordures et un ministre de l’Intérieur lancer l’opération de lutte contre le petit commerce informel qui représente pourtant l’une des principales sources renouvelables de la production intérieure brute, hors rente pétrolière.

Nous avons également vu en cette année de célébration d’un demi-siècle d’indépendance, un président d’APC qui a passé plus de quinze ans à la tête d’une riche municipalité d’Alger (la plus riche d’Algérie) justifier sa décision de ne pas se représenter pour un nouveau mandat, par son souci de favoriser l’alternance politique, comme si son poste était tout simplement celui d’un président… de la République ! Un Premier ministre devenu par la « farce des choses » maire et un maire se prenant pour le premier magistrat du pays. Jamais le jacobinisme d’Etat n’a trouvé de terre aussi accueillante que l’Algérie après qu’il ait été éradiqué par de nombreux pays, y compris sa patrie de naissance : la France napoléonienne.

Les relations avec l’ancienne puissance colonisatrice :
les feux de la rampe dressés à Hollande

Nous ne pouvions pas clore cette contribution consacrée à l’évocation des grandes questions qui préoccupent nos citoyens au moment où l’Algérie célèbre un demi-siècle de liberté recouvrée, de dignité reconquise de haute lutte, sans évoquer le sujet si sensible des rapports avec l’ancienne puissance colonisatrice. La fin de l’année 20I2 s’est, en effet, symboliquement achevée par la visite d’Etat du chef de l’Etat de l’ennemi d’hier, « ami » d’aujourd’hui. Dans sa poche, de nombreux papiers qu’il s’évertua à essaimer sur tous les feux de la rampe qui lui furent dressés à la hâte afin d’amplifier l’effet d’annonce de déclarations présentées comme « historiques ». Des messages savamment élaborés qui se sont avérées être en bout de tapis rouge amplement déployé, ceux d’un président français « normal », venu « normaliser » des relations que les thuriféraires patentés des deux diplomaties n’ont jamais pu élever au rang de relations « d’exception ». Quoi de plus « normal » en somme pour un homme de gauche que de déclarer que « le système colonial avait été injuste et brutal » ou d’honorer la mémoire de ceux d’entre ses « camarades » alliés de gauche comme Maurice Audin, qui sont allés jusqu’au bout de leurs convictions en menant du « dedans », c’est-à-dire de la gueule même du loup qui l’a cruellement puni, le féroce et inégal combat contre l’hydre coloniale. En ne faisant, contrairement à Audin, que la moitié du chemin vers la rédemption historique de la France en matière de reconnaissance de ses crimes d’Etat, le président Hollande n’a fait que ménager sa monture en gardant un pied hors de l’histoire commune, la vraie, « celle qui reste après que l’on ait tout oublié ».

C’est peut-être là le sens symbolique du cadeau d’Etat que lui a offert l’Algérie : deux chevaux de race dont un jeune cheval barde de trois ans que nos ancêtres, des célèbres cavaliers numides héros de toutes les guerres de l’antiquité à ceux de l’Emir Abdelkader, n’ont jamais ménagé, eux. Nous espérons seulement que cet étalon ne subisse pas le sort peu enviable qu’a réservé en 1975, le président Giscard d’Estaing à Ouassal, un étalon identique que lui offrit lors de sa visite en Algérie le président Boumediène. Quand les spécialistes de l’élevage équin de l’Elysée se rendirent compte que la race barde n’était plus reconnue par le Haras de France, Ouassal, le bien nommé, fut à son honneur barde défendant, réduit au rôle ingrat et cruel de souffleur au Haras national de France du Pin, un vocable bien poétique pour désigner un job qui l’est moins : un mâle chargé de détecter les chaleurs des juments. Le premier qui devait être ravi de ce rôle d’esclave finalement dévolu à notre distingué pur-sang a dû être le président français Giscard d’Estaing lui-même, lui qui a donné le nom de Jugurtha à son chien, un braque de Weimar, qui, semble-t-il, « riait » à force de prendre du thé en compagnie de son illustre maître, au coin des ronronnantes cheminées des somptueux bureaux et salons de l’Elysée.

Baba Merzoug, la Biche morte et les caves macabres
du Muséum national d’histoire naturelle de Paris

De tous les cadeaux que les spécialistes des échanges symboliques entre l’Algérie et la France disaient que les bras de Hollande allaient être chargés lors de sa visite d’Etat en Algérie, aucun ne fut finalement embarqué dans les soutes de l’avion présidentiel en route vers Alger. Ni les clefs de la « Casauba » (comme on disait à l’époque) remises par le Dey d’Alger au moment de sa honteuse capitulation et de sa reddition sans gloire, encore moins la Biche morte, tableau du célèbre peintre français Gustave Courbet, volé au Musée national Ahmed- Zabana d’Oran en 1985 et retrouvé à Paris en 2001. Certaines sources avaient même annoncé avec grand fracas le retour du célèbre canon Baba Merzoug, qui barra pendant près de trois siècles l’entrée du port d’Alger à toutes les entreprises pré-coloniales qui ont visé à partir du nord de la Méditerranée, notre pays. Il faut avoir lu la lettre écrite par l’amiral Dupperré, commandant en chef du corps expéditionnaire de la marine française, à son ministre de la Guerre le 8 août 1830, ainsi que le contenu de la plaque en marbre du socle de granit supportant « la Consulaire » (nom français de notre Baba Merzoug national) sur le parvis de l’esplanade du port de Brest, pour faire définitivement le deuil sur cette pièce d’artillerie prestigieuse qui a défrayé en son temps et aujourd’hui encore la chronique. Dans la lettre de l’illustre amiral, on peut en effet lire : « C’est la part de prise à laquelle l’armée attache le plus grand prix », et sur la plaque de marbre de Brest, la grandiloquente glorification suivante de la grande colonisation « positive » dans ce qu’elle a de plus déclamatoire, « la France civilisatrice tendant la main à l’Afrique, éclairée par les bienfaits de la science ».

Au risque de frustrer notre ami Babaci et tous ceux comme lui font de l’entretien du feu sacré de notre pays leur patriotique mission d’aujourd’hui, Baba Merzoug ne symbolise plus depuis le 8 août 1830, la « virilité militaire » majeure qui a enflammé plus d’une fois les horizons d’« El Mahroussa Djazaïr Beni Mezghenna ». Il sert aujourd’hui de perchoir au coq gaulois et de curiosité durablement réduite au silence aux touristes en mal de nostalgie des conquêtes de la France d’outre-mer d’antan ! Et gare à celui qui se hasarde à le déboulonner. Ce ne sera certainement pas le fragile (politiquement parlant) François Hollande, fut-il aujourd’hui président de la République française ! Mais qu’a donc en fin de compte offert le président Hollande à son homologue algérien : un livre ancien datant de 1859 relatant le récit des deux voyages en Algérie que fit l’abbé Jean- Joseph Léandre Bargès, le premier historien orientaliste de la ville de Tlemcen, et une sculpture d’un pur-sang arabe en biscuit de porcelaine de Sèvres, signée d’un grand sculpteur français contemporain. Si nous admettons que le président français n’a pas pu « offrir » à l’Algérie les cadeaux de haute valeur symbolique qui auraient constitué l’écrin artistique dont il aurait délicatement enveloppé ses amicales et chaleureuses déclarations politiques, de peur de se mettre à dos les gardiens de temple de la très napoléonienne et spartiate réglementation française sur le patrimoine, pourquoi n’intimerait-il pas aujourd’hui l’ordre hautement régalien à ces mêmes gardiens de réserver un traitement moins humiliant à l’endroit de nos héros de la résistance à la colonisation française, encore entassés pêlemêle dans le caves humides du Muséum national d’histoire naturelle. Des restes mortuaires de héros calfeutrés comme des dinosaures dans un musée d’histoire « naturelle » et pardon du peu, dans de vulgaires boîtes cartonnées, qui évoquent les emballages des magasins à souliers ! Ces restes, des crânes secs pour la plupart, appartiennent à Mohamed Lamjad Ben Abdelmalek, dit Cherif « Boubaghla », héros de plusieurs insurrections en Haute et Basse- Kabylie, à l’intrépide Cheikh Bouziane, le chef de la révolte des Zaâtchas (dans la région de Biskra en 1849), à Moussa El-Derkaoui et à Si Mokhtar Ben Kouider Al-Titraoui. La tête momifiée d’Aïssa Al-Hamadi, qui fut le lieutenant du Chérif Boubaghla, fait partie également de cette « rare » collection classée « ethnique ». Ces restes macabres, dont on soupçonnait depuis longtemps l’existence, ont été confirmés, détails insoutenables à l’appui, par un jeune spécialiste de l’histoire antique et de l’épigraphie libyque et phénicienne, Ali Farid Belkadi, dans une déclaration diffusée par l’APS, le 7 mai 2011. Ce dernier a même lancé une pétition sur la Toile appelant le président Abdelaziz Bouteflika et le gouvernement algérien à entreprendre « auprès de l’État français, les démarches nécessaires au rapatriement en Algérie des restes mortuaires de résistants algériens conservés dans les musées français ».

« Monsieur le Président, je vous fais cette lettre
que vous lirez peut-être, si vous avez le temps… »

La lettre du chercheur Ali Farid Belkadi, qui est aussi la nôtre à partir d’aujourd’hui, datée d’avant l’année symbole du cinquantenaire de l’indépendance, commence ainsi : « Comme vous le savez, Monsieur le Président, il n’est pas de mon ressort en tant que simple chercheur de rapatrier les restes mortuaires de ces illustres compatriotes. C’est à l’Etat algérien de faire les démarches officielles auprès des autorités françaises, à défaut, il appartient aux familles des intéressés de se manifester. Ces découvertes, chargées pour moi d’une émotion considérable, méritent en ces temps de déréliction idéologique, un hommage national parfait (...) » La France post-coloniale, la France européenne de ce début de millénaire déploie tout un pan de sa prestigieuse diplomatie en Algérie à préserver l’intégrité mémorielle des européens d’Algérie reposant dans les centaines de cimetières chrétiens de notre pays. Elle devrait pouvoir honorer, au moins dans le cadre du principe diplomatique bien compris de la réciprocité, cette demande de réhabilitation post mortem de nos héros à avoir enfin une sépulture digne de leur légende d’ici, de leur « humanitude » là-bas et de leur repos éternel là-haut et dans… l’au-delà. Oui, Monsieur Hollande, le système colonial a bel et bien été brutal. Se pourrait-il qu’il soit au moins un peu moins injuste avec les morts, aujourd’hui encore, près de deux siècles après leur martyre ? Si l’Algérie ne fait pas sienne cette pathétique demande de rapatriement d’ossements sacrés, comme le souhaiterait secrètement et publiquement tout Algérien digne de ce nom, c’est que les clefs de la « Casauba » devenues symboliquement celles de toute l’Algérie, sont politiquement encore en dépôt dans les coffres parisiens ! Si la France de Hollande n’honore pas cette demande, ce sera la grande France, patrie universellement célébrée des droits de l’homme, qui jouera cette fois-ci avec le feu… une fois encore de l’Algérie ! Si les deux pays réellement libérés de leurs démons d’hier et résolument tournés vers de nouveaux et apaisés horizons le font, main dans la main, alors l’honneur de nos Panthéons nationaux respectifs en sera sauf et nous inventerions, nous Algériens, une musicalité nouvelle et une intonation cinquantenaire à la formule avec laquelle nous honorons depuis bien avant l’indépendance, le sacrifice de nos héros : « Allah Yerham echouhada », gloire à nos martyrs et paix éternelle à leur âme… immortelle !
Le Soir d’Algérie

1 - « Chevaux de manège constitutionnels ? A propos de la révision de la constitution » professeur Walid Laggoun, El Watan, 5 juin 2011.

2 - Voir Jeune Afrique, n°2710 du 16 au 22 décembre 2012

3 - Idem-op cité-

4 - Voir l’article de ce chercheur intitulé « Nos héros abandonnés en France », in l’Expression, 8 mai 2011.

5 - Le déserteur : célèbre chanson française écrite par Boris Vian en pleine guerre d’Algérie pour inciter les jeunes Français à refuser de se laisser enrôler pour faire la sale « guerre d’Algérie ».

Sources :

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Je viens de perdre aujourd’hui mon ami, mon camarade

MHAND KASMI
Emporté par un cancer

À l’âge où on fleurit à la vie celle de la soixantaine

Il nous a laissé sa poésie

Et une terrible envie de vivre et se battre

Depuis notre jeunesse nous avions

Partagé tout, ce pays dans nos tripes

Et l’universel dans nos cœurs

Nous avons partagé le même amour

Et notre duel était beau

C’est à qui donner plus

Et tu as a donné du beau

Tu m’avais dis qu’a ton retour de paris

Où tu as été hospitalisé depuis deux semaines

qu’on devrait se voir pour s’enlacer

Tu as enlacé l’univers et nous avec

MHAND tu fus un grand

Et tu le resteras

Merci AMI

ÉPILOGUE comme tu te plaisais à me dire a chaque
Séparation momentanée

PASSE LE BONJOUR À NOS AUTRES CAMARADES ET AMIS que tu vas rejoindre :

BOUDJEMMAA SADOU
SALAH BADIR,
SADEK AISSAT,
TAHAR ABADA ,
FERHAT DJEBBAR ,
SAKINA GUERIMES,
RADIA MOKHTARI ,
FADILA BAHMED

ces militants et camarades que nous avons connus dans la grande forteresse et école du patriotisme et du progrès le glorieux P.A.G.S,
et tous les autres géants de ta stature que je n’ai pas cité ici mon ami

FATEH AGRANE

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