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OPINIONS DE FOND AUTOUR DES PRÉSIDENTIELLES

mardi 25 février 2014


PRÉSIDENTIELLES : INQUIÉTUDES ET ESPOIR - Smail Goumeziane - “El Watan” - “Contributions” - le 24 février 2014 ;


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© photo : b. souhil

“PRÉSIDENTIELLES : INQUIÉTUDES ET ESPOIR”

Smail Goumeziane
“El Watan” - “Contributions”
le 24 février 2014 ;

extraits :

…/… Pourtant, à y regarder de plus près, l’important n’est ni dans le nom du locataire d’El Mouradia ni dans son visage. La logique électorale est ailleurs. Elle est dans le scénario dont ce nom et ce visage sont, souvent « à l’insu de leur plein gré », le sujet et qui va engager l’avenir du pays à court, moyen et long termes. Pour cette raison, la vraie question est bien de savoir de quels scénarii ces élections pourraient-elles accoucher ? Probablement de l’un des trois scénarii suivants, peut-être d’un mixage des trois :

  • 1 - Le scénario du statu quo rentier.
    Dans cette perspective, sous l’autorité du Président élu et du comité restreint, l’après-élection ressemblerait à s’y méprendre à l’avant-élection.
    Il aurait pour axes essentiels la poursuite du pompage effréné du pétrole et du gaz (y compris de schiste), la multiplication des grands projets improductifs et l’expansion des programmes d’importations, sous l’œil « plus ou moins bienveillant » du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.
    Car, mondialisation ultralibérale oblige, il faut bien veiller, de gré ou de force, à ce que chacun reste à la place qui lui est dictée par le nouvel ordre international.
    Ce scénario se déroulerait alors avec son clientélisme hétéroclite, régional, tribal ou clanique et ses affaires politico-judiciaires à répétition, sur fond d’émeutes sociales et d’affrontements pseudo-communautaires, plus ou moins attisés ou manipulés par des mains criminelles, comme au M’zab ou ailleurs, allant jusqu’à mettre en cause, sur la base d’idéologies fumeuses, notamment religieuses, venues d’ailleurs, l’algérianité millénaire des uns et des autres et l’unité indivisible du pays.
    Avec pour principales conséquences la multiplication des victimes, l’approfondissement de la crise multiforme du pays et l’expansion du sentiment d’insécurité au niveau des populations et des entreprises aux plans économique, juridique et politique.
    Une situation propice à l’élargissement de toutes les fractures, à la disparition de toute culture du compromis et à la résurgence de tous les extrémismes et de toutes les violences.
  • 2 - Le scénario de l’autoritarisme productif.
    Dans cette autre perspective, sous l’autorité du Président et du comité restreint, l’après-élection se traduirait progressivement — malgré les obstacles que ne manqueraient pas de multiplier les tenants du statu quo rentier — dans la discipline restaurée, la cohésion retrouvée et la mise au point d’un compromis politique minimal par la réorientation du secteur énergétique pour le mettre au service du développement de tous les secteurs productifs du pays, par la promotion des investissements productifs publics et privés, par l’émergence d’une double politique d’import-substitution et d’export-substitution, par la réhabilitation de la valeur du travail et de ses deux revenus productifs que sont les salaires et les profits, et par la lutte contre toutes les formes de rente et leur corollaire : les activités corruptrices et informelles.
    Il aurait pour vertu de relancer efficacement la machine économique du pays, aujourd’hui fortement marquée par l’effondrement de ses entreprises productives, l’inquiétude de ses cadres, le découragement de ses travailleurs et le désespoir de ses jeunes chômeurs, au bénéfice d’activités commerciales « douteuses et juteuses » plus ou moins légales.
    Un tel scénario, pour viable qu’il puisse être à court terme, pourrait cependant évoluer dans deux directions opposées.
    • Primo, sous l’autorité du Président et du comité restreint, il pourrait, se contentant du compromis minimal obtenu, garder la société civile du pays hors des grandes décisions et de leur contrôle, dans un champ politique dénué de tout contrepouvoir réel et fermé à tout exercice effectif des libertés fondamentales.
      À terme, une telle évolution serait bien entendu économiquement intenable, socialement insupportable et politiquement ingérable. Avec le risque de voir le fragile compromis voler en éclats, la discipline se déliter à nouveau et la cohésion nationale se fissurer avec, in fine, la réouverture des vieilles plaies.
    • Secundo, sous l’autorité du Président et du comité restreint, en impliquant dans la mise en œuvre du compromis les institutions du pays et la société civile, ce scénario pourrait conduire… à une véritable transition démocratique, c’est-à-dire au troisième scénario.
  • 3 - Le scénario de la transition démocratique.
    Dans cette ultime perspective et au-delà du compromis minimal initial, le pays pourrait se doter légalement et de manière consensuelle d’un véritable contrat social historique — noué par le dialogue entre toutes les forces démocratiques du pays, présentes dans toutes les organisations du pays, notamment dans les institutions fondamentales de la République et approuvé par le peuple ou ses véritables représentants — engageant l’avenir du pays sur la base d’un Etat de droit moderne, s’alimentant à toutes les sources et valeurs de notre histoire et en mesure de mener pacifiquement jusqu’à son terme le processus démocratique.
    À son niveau, à celui de ses institutions, à celui des régions comme à celui de toutes organisations politiques, économiques, syndicales et sociales. Autrement dit, jusqu’à l’exercice plein et entier de toutes les libertés fondamentales, individuelles et collectives par chaque Algérien et chaque Algérienne sur l’ensemble du territoire national.
    Dans ce cas, l’après-élection se traduirait alors par un double processus :
    la réhabilitation-consolidation du système productif national, public et privé ;
    la mise en œuvre d’une transition politique démocratique pacifique, progressive et maîtrisée.
    De sorte que la liberté économique et la liberté politique se conjuguent efficacement pour renforcer la dynamique de progrès économique et de justice sociale du pays, dans son unité, son indivisibilité et sa diversité — face aux ennemis internes et externes qui continueront de souffler sur les braises pour entretenir les divisions et raviver les conflits — pour conforter pacifiquement toutes les institutions de la République, restaurer leurs missions constitutionnelles, réhabiliter leurs véritables fonctions et renforcer leurs moyens d’intervention pour défendre, protéger et sécuriser efficacement le pays, et garantir le développement durable au service du plus grand nombre.

Au bout du compte, à courte vue, la lassitude aidant, il y aurait probablement plus de « raisons » ou de « déraisons » pour que le premier scénario finisse par s’imposer.
Pour le pire.

Pour autant, d’ici le jour du scrutin, si la mobilisation et les débats pacifiques s’amplifient dans une certaine discipline et sans contrainte, on peut encore espérer le second scénario, voire le troisième, car « l’espoir est prometteur du futur », comme l’écrivit Khalil Gibran.
Plusieurs indices, quelques interventions et déclarations de personnalités nationales respectables vont déjà dans ce sens. Elles montrent que ces deux derniers scénarii sont souhaitables et possibles, dans l’intérêt du pays tout entier.

Pour le meilleur. En tout état de cause, à plus ou moins brève échéance, électorale ou non, ce second et ce troisième scénario finiront par émerger.
C’est le sens de l’histoire.
Pour que ces électeurs, plus ou moins ignorés depuis plus d’un demi-siècle, deviennent enfin des citoyens libres, dans un pays libre. Histoire de renouer enfin avec la Déclaration du 1er Novembre 1954.

Smaïl Goumeziane

sources : El-Watan du 24 février 2014

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