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Compte rendu dans "Le Soir d’Algérie" du lundi 11 Octobre

Culture : DEBAT AUTOUR DE "ROMAN DE KABYLIE", D’AREZKI METREF

Un débat serein, apaisé sur un roman politique et non militant

lundi 11 octobre 2010

La présentation par Noureddine Saâdi du dernier ouvrage "ROMAN DE KABYLIE" de notre confrère Arezki Metref a réconcilié les nombreux présents (salle de l’ACB archi-comble, avec des gens debout jusque dans les couloirs) avec les échanges de grande facture.

(Du bureau parisien du Soir d’Algérie, par Khedidja Baba-Ahmed)


Un débat d’idées exprimées avec conviction mais sans invectives ; un exercice réussi de confrontations libres d’opinions diverses.
Le mérite revient d’abord à l’auteur qui n’a pas produit un livre « discours » sur la Kabylie mais une œuvre qui observe, qui photographie en instantané, qui restitue des lieux, et le vécu des gens dans leur histoire et avec leurs petites histoires, et partant, qui questionne sur l’essentiel.
L’autre mérite de ce débat apaisé revient incontestablement à Noureddine Saâdi qui a magistralement et sans aucune complaisance décortiqué l’œuvre que nous-mêmes, comme la plupart des présents, n’avions pas encore eu le plaisir de lire (sortie publique le 14 octobre).

Avec la rigueur et l’esprit mesuré qui le caractérise, Noureddine Saâdi, qui animait la rencontre, a permis de bouleverser quelques certitudes et réussi à éviter un débat pourri, agité, où personne n’écoute l’autre.

L’exercice consistant à parler d’un ouvrage que l’on n’a pas encore lu est des plus déplorables, mais pour une fois nous y cédons, aidés et secourus par la restitution, ô combien claire, fouillée et rigoureuse, qu’en a faite Nourredine Saâdi, complétée, d’ailleurs, par l’auteur lui-même.
Ce dernier nous explique d’abord pourquoi il a fait ce livre et ce qu’il en attend. Au cours des nombreux reportages sur la Kabylie, qu’il a publiés dans le Soir d’Algérie en 2003 et 2004, ses observations et ses rencontres l’ont conduit à conclure qu’il y avait « beaucoup d’autres choses à dire » et l’ont décidé à se déplacer dans les villages « pour voir autre chose, pour rencontrer les préoccupations des gens » et voir ce qu’il peut « trouver d’autre que cette Kabylie polémique qui était bien couverte par ailleurs ».
Mais en même temps, précise-t-il, « moi qui ai fréquenté des intellectuels, des journalistes, des démocrates et des progressistes non kabyles, je rencontrai chez beaucoup d’entre eux des préjugés vis-à-vis de la Kabylie qui me dérangeaient et qui viennent d’une longue histoire de singularisation. Je me suis dit qu’il fallait creuser là-dedans et montrer ainsi que finalement la Kabylie a sa singularité comme toutes les autres régions d’Algérie ».

Pour l’auteur, il était à la fois important d’affirmer ces singularités, de les retrouver mais aussi de dire que ces singularités sont aussi spécifiques à chaque région d’Algérie.

Dans tous ces voyages dans le terroir kabyle, objet du livre, l’auteur se faisait accompagner d’une personne du village visité, qui le guidait, qui lui racontait l’histoire du lieu en évitant au possible de parler de politique « précisément pour éviter de parler de cette Kabylie polémique ».

Mais au 3e jour de son voyage, il a rencontré Abrika qui lui a dit : « Quoi que tu fasses, tu tomberas sur la politique. » Et il n’avait pas tort, nous dit Arezki, parce que ce jour-là Tizi- Ouzou connaissait une grève générale.

Ce qui intéressait Metref c’est à la fois les errances de Si Mohand U M’hand qui allait de village en village et qui remerciait ses hôtes avec des poèmes, mais aussi le désir de l’auteur de faire un travail de photographe, de visualiser des personnages et de saisir leur vécu, ce qu’ils se disent ; en fait, la recherche de ce qu’il a appelé « l’air du temps ».

Au bout de ses voyages, l’auteur avoue : « Je ne me rendais pas compte de l’importance de deux choses : la culture en premier lieu et le patrimoine historique chez les individus en second lieu. »

Et d’expliquer qu’il est allé nulle part sans que l’on lui parle de personnages de l’histoire ou de légendes. « C’est un livre qui est tissé : c’est un ensemble de tissages fait de pérégrinations très courtes, d’une ou deux journées dans les villes, les villages, les plaines, les montagnes de Kabylie » qui sont décrits, nous dit Saâdi, avec beaucoup de poésie et ajoute que dans chacun de ces textes qui évoquent aussi les rencontres de l’auteur, ceux qu’il connaît ou ceux qui lui sont désignés par les gens du village, il y a une plongée dans l’histoire et en quelques mots « un clin d’œil à ce qui fait la particularité du lieu ».

L’auteur, au travers de ses pérégrinations, va rencontrer de nombreux personnages mythiques ou réels, des rencontres des référents — Kateb Yacine, Camus, Feraoun Fatma N’Soumer, Slimane Azem, Ferhat, Aït Menguellet et tant d’autres —, mais aussi, au gré des évocations historiques, des rencontres insolites comme celle d’Arezki Bachir, le bandit d’honneur, ou Hamani le boxeur, dans un café, en compagnie d’Alain Delon.
Roman de Kabylie de Metref se rattache, sans prétention, selon Noureddine Saadi, à ce qu’on appelle dans la littérature arabe à une rihla, celle d’Ibn Battûta (voyageur, écrivain marocain ayant écrit en 1355 le monument de littérature Le grand voyage de Tanger à la Mecque) ou, plus près de nous, l’écrivain voyagiste et photographe, Nicolas Bouvier.

Tout lecteur, nous dira enfin le présentateur de l’ouvrage, qu’il connaisse la Kabylie un peu, beaucoup ou pas du tout, doit se rendre compte à la fin de sa lecture, que dans le roman de Metref il s’agit bien « à la fois de la complexité de cette terre et de sa singularité, que l’on peut mettre en rapport avec d’autres régions de l’Algérie, qui seraient pour beaucoup d’entre elles (Aurès, Oranie …) dans le statut de singularité.

Et Saâdi de conclure : « On comprend d’ailleurs mieux, plus que ne le ferait un discours idéologique ou politique, pourquoi la Kabylie a été une terre d’irrédentisme, comme on nomme maintenant « l’irrédentisme kabyle » et qui explique cette résistance millénaire ».

L’analyse complète et fouillée du livre n’en a pas été moins critique, sur un ou deux aspects évoqués par Metref et qui font, par certains côtés, le débat public aujourd’hui.
Il en a été ainsi du « génocide en 2005 par les gendarmes en Kabylie ». Peut-on parler de « génocide » et le concept de « génocide » n’est-il pas exagéré, même si les populations locales, fortement réprimées par les gendarmes, le ressentent encore aujourd’hui comme tel ?
Le concept de génocide, concept juridique et historiquement marqué, dégagé après 1945, ne peut être employé abusivement par des intellectuels parce qu’il signifie la volonté de détruire un peuple pour ce qu’il est. Et pour Saâdi qui appelle à plus de mesure et de rigueur, l’auteur, qui a reconnu avoir utilisé un peu trop vite la formule, comme ceux qui sont intervenus pour confirmer le terme génocide, pour Saâdi donc, « ce qui s’est passé en 2005 en Kabylie, c’est une répression atroce, d’un pouvoir atroce, mais il n’y a pas dans les faits, ce qui est apparenté à une volonté génocidaire, mais il y a bien eu un ethnocide culturel ».
Le procès du prosélytisme chrétien a aussi longuement été évoqué par plusieurs intervenants. La conclusion est que cette évangélisation, souvent adoptée en rejet de l’islamisme ambiant, ne concerne pas seulement cette région de Kabylie mais tout le Maghreb, et, dit encore Saâdi, lorsque cela se passe en Kabylie, ça devient plus sensible au nom de l’équation idéologique : Kabyle-chrétien = France.
Autre point et non des moindres : l’opposition kabyle-arabe entretenue et qui ne date pas d’aujourd’hui mais bien des tentatives de division opérées savamment par le pouvoir colonial et prolongée aujourd’hui par le pouvoir en place.

K. B.-A.

Roman de Kabylie” d’Arezki Metref, aux éditions Sefraber.

Pour atteindre le site des editions sefraber, cliquer sur le lien :
http://www.sefraber.com/php_creations/sefraber/cms/


Voir en ligne : http://www.lesoirdalgerie.com/artic...

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