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TUNISIE, ALGERIE ET "FRANCAFRIQUE"

ENTENDEZ-VOUS CETTE IMMENSE CLAMEUR QUI VIENT DE L’EST… ?

Analyses et échos dans la presse algérienne du week-end et dans le mouvement de libération arabe

dimanche 16 janvier 2011

Le Maghreb fait partie d’un ensemble sismique mais pas seulement d’un point de vue géographique et géophysique.
L’intifadha tunisienne vient de provoquer un séisme de grande amplitude sur la scène géopolitique franco-maghrébine, plus largement euro-africaine et arabe.

Avec ses prolongements encore imprévisibles, elle fera encore parler d’elle. Impossible de rendre compte ici de l’ampleur et de la richesse des réactions,le plus souvent pertinentes, dans l’opinion et la presse algérienne, suite au renversement historique initié symboliquement par le sacrifice du jeune Tunisien de Sidi-Bouzid.

"Socialgerie" signale seulement à titre d’exemple quelques articles parus ce week-end dans le "Quotidien d’Oran", en raison des éclairages complémentaires qu’ils apportent sur plusieurs facettes et enjeux nationaux et internationaux de cet évènement. (Auteurs : Kharroubli Habib,K.SELIM, Hadj Ahmed Bey, Abed Charef et Akram Belkaïd).
On notera aussi avec intérêt le communiqué du Parti Communiste Libanais.
Enfin, dans le genre caustique de sa chronique dans "Le Soir d’Algérie, Arezki Metref annonce la nouvelle : Benali, ex-président à vis, accomplit une Omra par inadvertance".


Analyse par Kharroubi Habib (Extraits) - Le Quotidien d’Oran le dimanche 16 janvier 2011


ENTENDEZ-VOUS CETTE IMMENSE CLAMEUR QUI VIENT DE L’ESTpar K. Selim


UNE EMEUTE EN DIX POINTS - par Abed Charef - (Quotidien d’Oran, l’“Actualité Autrement” - le jeudi 13 janvier 2011)


Deux Français morts au cours d’une tentative d’enlèvement au Niger : Bientôt de la France en Afrique, il ne restera peut-être que ses forces spéciales - par Hadj Ahmed Bey


Le silence assourdissant de la France et de l’Europe - par Akram Belkaid - Paris


Le Parti Communiste libanais salue la victoire historique du peuple tunisien - dimanche 16 janvier 2011 - par الحزب الشيوعي اللبناني


Ben Ali, ex-président à vis, accomplit une omra par inadvertance ! - par Arezki Metref - Le Soir d’Algérie - le 16 janvier 2011


Analyse
par Kharroubi Habib
(Extraits)
Le Quotidien d’Oran de dimanche 16 janvier :

… C’est dire que la vigilance des citoyens tunisiens ne doit pas être émoussée par l’euphorie suscitée par la fuite de Ben Ali. Apparemment l’armée tunisienne a pris acte de la volonté de changement démocratique qu’exprime la rue dans le pays et refusé de marcher dans la manœuvre d’arrière-garde de Ben Ali et de son clan. C’est la bonne nouvelle pour le peuple tunisien. Il lui faut maintenant conforter cette armée dans son soutien à ses revendications de changement démocratique. En faisant d’abord et avant tout que la violence ne l’emporte pas dans ses réactions aux provocations et autres tentatives que les tenants du régime déchu feront pour annihiler sa victoire. Pour cela, il lui faut neutraliser les extrémistes en son sein qui sous prétexte de balayer ce qui reste du régime Ben Ali s’adonneront à une surenchère à la finalité aussi totalitaire que le fut celui-ci.

Nos frères tunisiens ont réussi l’inimaginable en pays arabe : se débarrasser par un mouvement populaire d’un dictateur et de son régime. Il leur reste à faire plus et mieux : instaurer une démocratie réelle. Ils en sont capables et serviront ainsi d’exemple aux citoyens du monde arabe. D’avoir déjà réussi à faire tomber une dictature qui passait pour être indéboulonnable, les Tunisiens ont incontestablement montré le chemin que les autres peuples arabes doivent emprunter pour en finir avec leurs régimes du même tonneau. C’est peu dire que ces peuples ont été attentifs aux événements historiques dont la Tunisie est le théâtre depuis un mois. Ils suivront avec encore d’intérêt passionné ceux qui sont en gestation avec l’après Ben Ali dans ce pays. En menant à bon port le projet démocratique pour lequel ils se sont si courageusement soulevés, nos frères et voisins tunisiens seront les déclencheurs d’une lame de fond qui de proche en proche mettra à bas tous les potentats et dictatures qui sévissent dans ce monde arabe considéré comme réfractaire à la liberté et à la démocratie.

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ENTENDEZ-VOUS CETTE IMMENSE CLAMEUR QUI VIENT DE L’EST…

par K. Selim

Les gouvernants algériens entendent-ils cette immense clameur qui vient de l’Est ? A voir l’absence de couverture de la télévision algérienne qui rate volontairement un événement historique considérable, la réponse est indubitablement « oui ». Mais quelle lecture en font-ils ? Se contentent-ils d’un simpliste « l’Algérie n’est pas la Tunisie ? ». Si tel est le cas, il faudra peut-être leur dire de tendre l’oreille à ces très nombreux Algériens qui disent leur grande admiration pour les Tunisiens.

Oui, des milliers d’Algériens ont suivi sur les chaînes de télévision étrangères, Al-Jazira en premier, ce mouvement irrépressible vers la liberté et la démocratie des Tunisiens. Même ceux parmi les Algériens qui avaient, on ne sait d’ailleurs pourquoi, une certaine condescendance à l’égard des Tunisiens sont admiratifs. Les Tunisiens sont en train de réussir à forcer le passage interdit vers la démocratie et ils sont en train de nous faire rêver. De nous donner envie. « Nous sommes tous des Tunisiens » : c’était, après le discours de la défaite de Ben Ali, le message sms, envoyé à chaud par Mostefa Bouchachi, le président de la LADDH. C’est tout sauf une formule creuse.

On se sent Tunisiens car nous ne voulons pas rester en rade du progrès politique et on ne veut pas rater un autre tournant. On se sent Tunisiens car nous avons le sentiment fort qu’ils viennent, dans la douleur et malgré les tentatives en cours des sbires du régime de semer le chaos, de faire un grand pas en avant. Qu’ils viennent de mettre leur pays dans l’histoire et qu’ils se donnent le bon accélérateur. Oui, les Tunisiens sont admirables. Ils nous donnent une grande leçon de maturité politique et ils doivent encore en avoir pour éviter les pièges que leur tend un régime acculé au changement.

Mais les gouvernants d’Alger entendent-ils cette clameur ? Sentent-ils que nous voulons, en cet instant et pour les jours qui viennent, être comme les Tunisiens ? S’ils le sentent - et on a toutes les raisons de croire que c’est le cas -, quelle conclusion en tirent-ils ? On n’est pas dans le secret de leurs pensées et d’ailleurs on attend qu’ils s’expriment sur le sujet sans recourir à la peu crédible assertion de « non-ingérence ». On peut néanmoins constater sans faire d’erreur que si la Tunisie est pour de nombreux Algériens un rêve, une espérance, elle est pour le pouvoir algérien un avertissement lourd. Le premier des avertissements est qu’il ne faut jamais croire qu’une gestion autoritaire est capable d’apporter de la tranquillité. Beaucoup croyaient que la Tunisie était définitivement tenue, soumise, contrôlée, que rien ne pouvait ébranler un régime qui avait de surcroît la bénédiction de Paris et des capitales occidentales. Ben Ali et ses courtisans le croyaient sans doute encore plus. Et c’est pour cela qu’ils n’ont rien vu venir du tsunami déclenché par le jeune Bouazizi.

Oui, la démocratie est énervante, fatigante, exigeante, ardue, difficile, mais elle est plus sûre que l’autoritarisme. En démocratie, une crise peut se résoudre par des élections, par une alternance, en autoritarisme cela ne peut se faire que par la violence ou par la révolution. Oui, nous regardons la Tunisie en espérant que nos gouvernants perçoivent la clameur encore inexprimée de très nombreux Algériens qui veulent en ces instants être Tunisiens. Qu’ils comprennent qu’ils ont encore la possibilité d’impulser le mouvement vers la démocratie, l’Etat de droit avant qu’ils ne le subissent. Le régime de Ben Ali a raté ce tournant. Le régime algérien a encore l’opportunité d’agir, de discuter avec ceux qui ne partagent pas ses vues et d’épargner à cette société, trop violentée, une rupture brutale qui peut venir n’importe quand. Oui, espérons que nos gouvernants entendent cette immense clameur qui vient de l’Est.

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UNE EMEUTE EN DIX POINTS

par Abed Charef
(Quotidien d’Oran, l’“Actualité Autrement”
jeudi 13 janvier)

La rue a explosé. Nouvelle jacquerie sans véritable perspective. Mais pas sans effets.

Même si les ingrédients étaient réunis depuis longtemps, et si le rituel de la protestation violente est devenu d’une grande banalité, en Algérie, l’ampleur des émeutes de ce début janvier a surpris. Car on a beau être prudent, on ne s’attend jamais au pire. Et quelles que soient les épreuves, on ne s’habitue jamais définitivement à ce spectacle de violence aveugle et de destruction.

Certes, il était visible que la colère grondait, que le gouvernement était devenu totalement autiste, et qu’il a fermé toute possibilité au pays d’organiser une contestation pacifique et structurée. Il était aussi visible que le citoyen n’avait plus de recours face à une machine infernale qui broyait rêves, projets et ambitions. De plus, la résignation qui s’était emparée d’une partie de la population, l’incapacité de la véritable opposition à s’imposer comme véritable alternative, ont fini par pousser les dirigeants à se convaincre qu’ils sont invincibles. D’où ce comportement, aussi arrogant que méprisant, à l’égard des Algériens. Les émeutes de ce début d’année ont sonné comme un rappel à l’ordre. Même s’ils restent sans effet significatif sur le long terme, ces évènements n’en ont pas moins bouleversé la donnée politique. La rue existe. A défaut d’imposer sa volonté, elle peut perturber les calculs. Mais pour l’heure, il faudra noter ce qui a compté durant ces chaudes journées de janvier 2011. En dix points, voici l’essentiel de cette crise.

1. Au départ, l’intention du gouvernement était louable. Il s’agissait de pousser le monde du commerce, dominé par l’informel, à intégrer progressivement les réseaux officiels. Le gouvernement voulait également amener les commerçants à payer leurs impôts, et permettre aux structures officielles de savoir qui vend quoi, qui gagne quoi, où va l’argent et où vont les denrées alimentaires importées et, pour certaines, subventionnées. Autre objectif visé par le gouvernement : inciter les opérateurs à recourir aux banques dans les transactions commerciales. Tous ces objectifs visent clairement à moderniser l’économie. Que fait un pouvoir bureaucratique et autoritaire en de pareilles circonstances ? Il prend des mesures bureaucratiques et autoritaires. Celles-ci étaient contenues dans la loi de finances, et devaient entrer en vigueur à partir du 1er janvier. De manière brutale, sans concertation, ni préparation. M. Ouyahia n’a-t-il pas procédé d’autorité à une ponction sur les salaires, il y a quelques années, sans que personne ne bronche ? Il pense qu’il peut recommander indéfiniment. Il l’a fait.

2. Le gouvernement a joué de malchance, cette fois-ci. Il a sous-estimé, ou négligé un certain nombre de facteurs. Il a sous-estimé la colère qui gronde au sein de la rue. Des milliers de jeunes, sans perspective ni horizon, ont accumulé une haine que M. Ouyahia ne soupçonne même pas. Cette colère ne cherche que des prétextes pour exploser. Le football ne suffit plus pour lui servir de déversoir. Il y a un trop-plein qui avait besoin d’être évacué. La hausse des prix des produits alimentaires en a été le prétexte. Un parent, regardant les jeunes barrer une route, a eu cette réflexion : ces jeunes ne connaissent même pas le prix de l’huile, a-t-il dit.

3. Les produits alimentaires ont connu une flambée sur le marché international. À court terme, cela devait se répercuter sur les prix, en Algérie. C’était donc le mauvais moment pour imposer de nouvelles règles dans les circuits commerciaux. Car si on cumule une TVA à 17% et une augmentation de 30 % des prix, cela donne une hausse des prix de 40 % pour le consommateur. C’est beaucoup. Il fallait être aveugle, pour ne pas voir le risque.

4. Le gouvernement est prêt à acheter la paix sociale à n’importe quel prix, mais comme sur de nombreux autres dossiers, il ne sait pas comment faire. Il avait la possibilité de jumeler les nouvelles règles (facturation obligatoire, utilisation du chèque, recours au système bancaire) avec une augmentation des salaires. Il aurait pu l’étaler dans le temps, pour en atténuer l’effet. Mais cela semble hors de portée de la réflexion des bureaucrates.

5. Quand les émeutes ont commencé, le gouvernement n’a pas su quoi faire. Pendant quarante huit heures, ce fut le silence, particulièrement visible dans les médias publics, qui ont occulté le sujet, alors que les ministres gardaient prudemment le silence. On attendait de voir : est-ce une vague de protestation spontanée ? Jusqu’où irait-elle ? Y avait-il quelque « force occulte » derrière ?

Une fois rassuré, le gouvernement a commencé à agir. Il a décidé que les émeutes étaient le résultat d’une hausse des prix. Il a donc axé sa solution sur ce volet. Comment ramener les prix à des seuils acceptables ? Les bureaucrates se sont mis autour d’une table, et ont trouvé la solution : réduire la part de ce qui revient à l’Etat dans le prix des produits alimentaires. A aucun moment, on n’a parlé d’augmenter la production, d’améliorer la transparence ou d’améliorer les circuits de distribution.

6. Dans la solution adoptée, le gouvernement a commis deux grandes erreurs. Il fait machine arrière face aux émeutes, donnant raison aux promoteurs de la violence. Désormais, tout contestataire potentiel sait que seule la violence paie. Le gouvernement signifie aussi aux casseurs qu’ils avaient raison. On peut se passer des factures et de la TVA, et le pays peut très bien s’accommoder du commerce informel.

7. Seconde erreur : le gouvernement a dépouillé l’Etat algérien de ses principales prérogatives. L’Etat a abandonné son pouvoir régalien de percevoir les droits de douanes et de collecter l’impôt. En parallèle, on a noté qu’un opérateur privé, Cevital, est devenu, pour la première fois, un acteur dans une crise majeure. Le patron de Cevital, M. Issaad Rebrab, a même organisé une conférence de presse pour affirmer son innocence dans ce qui vient de se passer.

8. Au chapitre de l’improvisation, on notera que personne n’a demandé l’abolition de l’impôt sur le bénéfice et des droits de douanes. Le gouvernement a pris la décision tout seul, dans le but de faire baisser les prix, le plus possible. Au bout du compte, il a abandonné 40 % de ses recettes sur le sucre et l’huile, sans contrepartie.

9. Le gouvernement a décidé que les émeutes sont dues à la hausse des prix. Il limite donc la solution à ce seul volet. Il faut donc maîtriser les prix des produits alimentaires pour maîtriser la rue. Plus tard, les émeutes ont connu une baisse en intensité à partir de l’annonce des décisions sur la suppression des taxes. De là à ce que le gouvernement puisse croire que ses décisions ont calmé les émeutiers, il y a un pas allègrement franchi par les membres du gouvernement. Ceci est très dangereux. D’abord, cela conforte le gouvernement dans ses thèses, ce qui risque de renforcer l’aveuglement des dirigeants. Le gouvernement a apporté une fausse solution à un vrai problème.

Ensuite, le gouvernement risque de considérer, définitivement, que les Algériens ne s’occupent finalement que de leur ventre, et qu’il est possible de maîtriser la rue en agissant sur ce seul volet, sans jamais aborder les questions politiques. Ce qui a poussé le sociologue Zoubir Arous à dire que le gouvernement « a perdu toute capacité de comprendre les jeunes ».

10. Enfin, Les émeutes en Algérie ont été, cette fois, moins meurtrières que celles de Tunisie. Mais on ne peut occulter le parallèle entre les deux pays, avec peut-être même un effet stimulant. Le Maghreb par l’émeute ? Marocains et Tunisiens ont longtemps vécu dans une illusion d’avoir dépassé le problème, en s’engageant dans une libéralisation forcenée, labellisée par les pays occidentaux. L’illusion n’a que trop duré. Les pays maghrébins vivent les mêmes mutations socio-politiques, et font face aux mêmes blocages et aux mêmes impasses. Jusque là, ils les ont gérés par la même recette : l’autoritarisme. Ils font aujourd’hui face aux mêmes peurs. La Libye a même anticipé, en décidant de supprimer les taxes sur les produits alimentaires. Mais aucun pays ne semble désireux à la véritable solution, qui passera inévitablement par l’ouverture démocratique.

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Deux Français morts au cours d’une tentative d’enlèvement au Niger :
Bientôt de la France en Afrique, il ne restera peut-être que ses forces spéciales

par Hadj Ahmed Bey

Vendredi soir dernier 2 jeunes Français ont été enlevés par des hommes et pour des raisons inconnues à ce jour. Naturellement, le soupçon s’est très vite porté sur les islamistes de Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

Il est entendu que kidnapper deux jeunes, un futur marié et son témoin, seulement là pour des noces, piégés par les circonstances, qui n’ont ainsi rien à voir avec la présence française en Afrique et la situation géostratégique du Niger et de son uranium, ne fait pas avancer la cause de quiconque veut un meilleur sort pour le continent. S’attaquer à des civils et risquer leur vie, personne ne peut soutenir et cautionner un tel acte.

Mais, dans ce qui s’avère être de plus en plus un fiasco, crier à la « barbarie » et tout mettre sur le dos des « barbares » est peut-être un peu trop facile. Un vieux truc éculé qui ne marche plus.

« J’ai appris hier dans l’avion qui m’emmenait de Fort-de-France à Pointe-à-Pitre l’assassinat particulièrement odieux de deux de nos compatriotes au Niger (...). C’est la nation toute entière qui condamne un acte barbare perpétré par des barbares, un acte d’une lâcheté inouïe », a déclaré depuis la Martinique M. Sarkozy au début de son discours de vœux aux Français d’outre-mer. « Ce crime odieux ne fait que renforcer la détermination de la France à lutter sans relâche contre le terrorisme et contre les terroristes. Les démocraties ne peuvent pas accepter cela », a-t-il ajouté. « Les démocraties, c’est leur honneur, c’est leur noblesse, doivent lutter pied à pied contre ces barbares venus d’un autre âge qui veulent terroriser le monde entier. Nous n’accepterons jamais le diktat des terroristes et du terrorisme »

D’ailleurs, ici et là des voix s’élèvent pour s’interroger sur les conditions de la mort de ces deux Français. Car enfin intervenir ainsi pour sauver les « otages », ça n’a de sens et de pertinence que si effectivement ça devait leur sauver la vie.

« La décision, il faut la prendre très vite : soit on y va, soit on laisse passer. Et ça devenait très dangereux pour les otages si on laissait passer », a déclaré l’état-major français.

À l’évidence, il s’avère que ça devient davantage périlleux pour eux de ne pas « laisser passer ».

Il est possible que dans leur fuite, l’opération d’enlèvement compromise, les assaillants pourchassés aient décidé de ne plus s’encombrer d’otages.

Il est possible que des soldats nigériens mal préparés à ce genre de situation aient pu tirer sans prêter l’attention voulue aux captifs. Nous prenons acte pourtant des déclarations de M. Laouali Dan Dah, porte-parole du gouvernement nigérien, précisant que les forces nigériennes « n’ont pas voulu ouvrir le feu sérieusement de crainte de blesser les otages et de mettre leur vie en danger, raison pour laquelle les ravisseurs ont pu passer à travers les mailles du filet ».

Il est tout aussi vraisemblable qu’il s’est agi d’un raté des forces spéciales françaises. Un de plus. On se souvient qu’en juillet dernier, lors d’une intervention similaire dans laquelle le service action de la DGSE (contre-espionnage) était intervenu, Michel Germaneau, militant humanitaire de 78 ans enlevé le 19 avril y a laissé la vie.

Il est à peu près certain que l’exécutif français voulait donner une leçon et désirait « coûte que coûte » en découdre avec les « terroristes » qui hantaient le désert sahélien. « J’assume ! », droit dans ses bottes (posture dérisoire en la circonstance), clame le ministre de la Défense.

C’est très (c’est trop) facile.

Il faudra expliquer cela aux parents de ces deux jeunes partis à Niamey pour festoyer et qui leur reviennent dans des cercueils. C’est eux qui auront à assumer l’inconséquence d’une opération à la Sarkozy : vite fait, mal fait. Dans la précipitation, comme tout ce qu’il a entrepris jusque-là dans les autres domaines et qui a fait flop à tous les coups. Au point que parmi les hommes d’Etat dans les grandes réunions internationales, les déconfitures sarkoziennes s’ajoutent à celles de Berlusconi pour épicer l’attraction.

Qui douterait un seul instant que le président français alors en visite dans les Antilles, ignorait ce qui se passait ? Il est à peu près certain que l’hyper président suivait minute par minute le cours des événements et décidait de ce qu’il convenait de faire et des bribes de nouvelles qu’il convenait de distiller aux Français. En attendant de torcher un scénario vraisemblable.

De la même manière (mais cela est une autre histoire), qui douterait une seconde que les Américains, implantés discrètement dans la région, dédaigneraient de suivre en temps réel (peut-être même en s’en réjouissant secrètement) les instructifs déboires français… ? Il est même fort probable qu’ils aient fourni de précieux renseignements aux Français, pour suivre nuitamment le déplacement des ravisseurs.

Au passage, le « J’assume » du ministre fait office d’aveux. Pendant plus de 24 h, en effet, les autorités françaises étrangement silencieuses, ont laissé aux médias plus que complaisants le soin de laisser croire que l’opération militaire était le seul fait des forces nigériennes. Au moment où s’écrivent ces lignes, on ignore ce qui s’est réellement passé.

On le saura.

On apprend qu’en fin de compte, c’est au Mali que s’était déroulé le dernier épisode de cette triste affaire

, avec pour acteurs les seules forces françaises. Au moment où se déroulaient ces événements, le Président français prétendait que l’armée nigérienne « semblait » toujours à la poursuite de leurs ravisseurs (AFP, S. 08/01/2011 à 16:22).

Même scénario en juillet et en septembre dernier. Les opérations sont d’abord imputées aux Mauritaniens ou aux Maliens (aujourd’hui aux Nigériens), alors que tout le monde sait que les 10 000 commandos français (peut-être davantage) déployés dans la région (dont la moitié au Mali) sont très proches du terrain et prennent toutes les initiatives à propos desquelles on peut se demander si les autorités des pays sont en état réel de les envisager, de les approuver ou de les discuter.

La vraie question qui n’a pas été traitée par les médias français qui ont réagi de manière Brejnévienne (qu’Alain Peyrefitte n’aurait pas renié, de l’époque où en « démocratie » française le ministre de l’Intérieur officiait à la tête de l’imprimatur de l’information publique sous la Vème République). Au fond, cela a-t-il vraiment et fondamentalement changé sous un régime libéral où les médias par dizaines, qu’ils soient publics ou privés, scandent une information formatée selon un codex unique d’apothicaires ? Les téléspectateurs algériens le constatent à l’évidence.

Sans polémiquer on pouvait, en régime de liberté d’expression, oser quelques questions raisonnables.

Sur toutes les chaînes de TV de la République sarkozienne nous avons eu droit aux mêmes images et aux mêmes commentaires (à un Paul Quilès près qui a rompu timidement une unanimité sans tache). Avec des « experts ès terrorisme islamiste » qui bondissaient de plateaux en plateaux pour expliquer aux braves téléspectateurs la menace que représentaient les hordes de barbares hirsutes vouées à la perte de l’Hexagone et de l’Occident chrétien.

Certes, la décence incline au consensus national, mais pas au prix de l’effacement du principe d’opposition, aux fondements des sociétés politiques occidentales qui se posent en norme universelle.

Ou ce que l’on nous dit de la démocratie au ratio de laquelle on nous somme de nous conformer, sous peine d’être mis au ban de l’humanité fréquentable. Ou les préceptes démocratiques s’appliquent indifféremment à tous, sans exception et, dans ce cas, s’interroger est une vertu citoyenne.

Certes, la sécurité des opérateurs économiques devra être assurée et les Etats d’accueil devraient la garantir, plus particulièrement lorsque ces opérateurs sont étrangers. Toutefois, l’importance stratégique des ressources et de leur exploitation profitable pour toutes les parties ne devrait pas faire d’un pragmatisme dévoyé l’alpha et l’oméga des relations internationales, au point de reléguer la souveraineté des nations à une question subalterne. L’Afghanistan, l’Irak, le Soudan… sont charcutés comme à la belle époque du XIXème au service des Compagnies Coloniales.

La question du Sahel n’est pas une question militaire et encore moins une question militaire extra-africaine.

Il n’est ni dans l’intérêt de la France, ni dans ses prérogatives de s’improviser nouveau gendarme dans la région, de la Mer Rouge à l’Océan Atlantique.

À ce compte, un peu partout dans le monde, citoyens et hommes d’Etat français deviendront persona non grata et ne seraient plus les bienvenus nulle part.

Que Paris agisse pour son propre compte ou pour celui de Washington à l’ombre duquel elle a décidé de placer ses forces militaires et sa sécurité, ne change rien à l’affaire.

La tragédie de la disparition violente et cruelle de ces 2 jeunes français cache une tragédie plus vaste et plus inacceptable. Celle de la situation dans laquelle se trouve l’Afrique dans un monde entièrement dominé par des forces transnationales mondialisées


pour lesquelles les Etats ne sont plus que des faire-valoir, déplacés sur un échiquier très peu préoccupé de la prospérité et de la sécurité des nations.

Des pans entiers de souveraineté ont été concédés à des groupes d’intérêts occultes dont on a du mal à identifier les contours et qui semblent organiser dans les coulisses la politique à entreprendre pour l’ensemble de la planète. On le voit de manière si caricaturale dans la gestion des dettes souveraines des Etats européens du sud : les marchés décident, les gouvernements s’alignent.

Soyons naïfs et interrogeons-nous : A-t-on vu cette scène singulière, celle d’un pays (le Portugal cette semaine), refuser une aide que le FMI et les marchés tiennent - sous une menace fermement réitérée - à lui apporter ?

De l’Egypte au Maghreb, sans oublier l’Afghanistan, l’Irak et les ex-pays de l’Est, le feu est allumé partout. Parce que partout les peuples sont soumis à un diktat inique : où ils consentent à un ordre économique où le seul avantage comparatif qui leur est proposé est d’offrir un travail sous-traité, docile et sous payé, ou on les bombarde . « Avec moi ou contre moi » criait Bush Jr.

Un peu partout, au cœur de la Mitteleuropa, nos voisins rejouent au XXIème siècle un jeu dangereux qui a fait führer au cours des années 30. Un jeu dont on connaît l’issue…

Pendant qu’à Niamey on enlevait deux jeunes Français,

le peuple tunisien, « peuple modèle » jusque-là, se mettait debout pour dire « non ! »


de manière plus évidente et plus visible (merci Internet !). On aura beau cacher les images venues de Tunis sous celles venues d’Alger où on ne peut plus museler la liberté d’expression des foules, il s’avérait clair que la pratique du deux poids, deux mesures ne pouvait se soustraire au regard de tous.

Derrière la Tunisie des complexes touristiques qui fait la fortune des transnationales du loisir industriel et de quelques nababs indigènes, il y a une Tunisie que tous faisaient mine de ne pas voir, celle que les vacanciers ne parviennent pas à distinguer à partir de Sidi Bou Saïd, de Hammamet, Houmt Essouk ou par-delà Bab El Khadra.

Parmi les clients du Club Med, se glissent selon les saisons ceux venus des Emirats, de la Libye voisine ou d’Algérie. Depuis que les islamistes ont mis la main sur l’ordre culturel du pays, les « touristes » algériens dérivés d’une nouvelle classe moyenne de parvenus, fuient leurs responsabilités le temps d’une libation estivale.

Dignitaires (gradés ou non), démocrates en chambre, francophones en perte de repères auxquels la France (et Dubaï) refuse la charité d’un visa, intellectuels libéraux éblouis par les réussites apparentes de leurs voisins et aveuglés par l’idée qu’il y a là un modèle à imiter, puisqu’ils s’avèrent incapables d’innover, nouvelle bourgeoisie islamiste reconvertie aux joies du capitalisme informel…

Tout ce bric-à-brac d’Algériens se laisse servir après s’être servi, se retrouve dans un Maroc ou une Tunisie un peu comme au spectacle et s’adonnant aux récréations touristiques en se mêlant aux troupeaux de vacanciers septentrionaux. S’illusionnant comme eux.

Jamais le projet Blum-Violette n’aurait pu espérer tout cela.

La France et L’Union européenne sont les grandes absentes d’un espace abandonné aux soldats et aux techniciens de la guerre asymétrique, après avoir été concédé aux banquiers et aux affairistes.

Comment la classe politique française (conservateurs et « socialistes » confondus) qui s’est rassemblée au Maroc cet hiver pour délibérer discrètement du sort de 2012, fera-t-elle pour expliquer que dans les marches de l’Europe civilisée, on soutient des dictateurs à bout de bras, des autocrates qui tabassent les avocats dans des salles obscures, après des plaidoiries jugées hétérodoxes, des satrapes incultes qui utilisent des armes de guerre contre leur peuple ?

Sans doute, les enfants de Halq El Oued et de la Ghriba qui ont désormais pignon sur rue à Paris, ont plus de mal à verrouiller les réseaux d’information.

Comment les autorités françaises (et les entreprises qui les financent parce qu’ils y trouvent leur compte) pourraient-ils justifier le soutien apporté à leurs « amis » (rois et omnipotents héréditaires d’Egypte, du Maroc ou de Tunisie, lesquels se maintiennent au pouvoir avec des scores électoraux qui rappellent Staline, Ceauþescu, ou Chirac (2002) ? Et continuer à abandonner la Palestine à un ordre colonial raciste qui bafoue tous les jours, depuis 1948, les résolutions des Nations unies ?

En sorte que la question qu’il aurait été pertinent de poser – pour ce qui concerne cette région du monde qui leur est historiquement liée - est celle des politiques internationales de la France et de l’Europe. La France et L’Union européenne sont les grandes absentes d’un espace abandonné aux soldats et aux techniciens de la guerre asymétrique, après avoir été concédé aux banquiers et aux affairistes.

À la suite de la mort tragique de ces jeunes Français au Niger, sans doute eût-il été opportun de dépêcher non pas un ministre de la Défense à Niamey, mais la ministre des Affaires etrangères (qui a d’ailleurs l’expérience des deux fonctions) voire le Premier ministre, pour montrer à quelle hauteur la France entendait placer les enjeux.

Mais évidemment, un ministre des Affaires étrangères ne sert que si on a une politique étrangère à proposer et à défendre…

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Le silence assourdissant de la France et de l’Europe

par Akram Belkaid
Paris

Le Maghreb, sa population, n’ont rien à attendre de l’Europe en général et de la France en particulier. Ou pour être plus exact ils n’ont rien à attendre de la Commission européenne, des gouvernements européens et des classes politiques européennes, surtout la française. C’est l’une des réflexions que je ne cesse de ressasser depuis que l’Algérie et, plus encore, la Tunisie ont été entraînées dans une spirale de violences dont il faut craindre qu’elles ne se répètent (pour l’Algérie) ou qu’elles ne s’aggravent encore (pour la Tunisie). J’ai été interrogé par un confrère du Golfe qui m’a demandé s’il fallait accorder de l’importance à la thèse de la « main de l’étranger » telle que la défendent les dirigeants des deux pays. J’ai commencé par répondre que c’était bien commode comme explication et que cela en devenait lassant. A chaque épreuve, à chaque révolte, à chaque crise politique, c’est cette fameuse main, aussi invisible que celle évoquée par Adam Smith pour ce qui concerne l’économie, qui est incriminée. Un gamin qui manifeste ou qui accompagne un cortège funéraire avant qu’on ne lui loge une balle dans le corps n’est donc pas simplement un « voyou » ou un « terroriste », ce serait aussi un agent d’une puissance hostile.

J’ai donc conseillé à ce confrère de suivre de près la manière dont réagissent actuellement les capitales européennes et de peser cela à l’aune des récriminations des pouvoirs maghrébins – mais aussi sub-sahariens quand il s’agit d’autres crises – pour qui toute critique et mise en cause ne peuvent que relever de l’intelligence avec l’étranger. Bien entendu, est-il utile de le préciser, cet étranger comploteur est de préférence l’ancienne puissance coloniale.

Qu’entendons-nous de la part de la classe politique française pour ne prendre que cet exemple ? Un silence assourdissant, parfois troublé par quelques déclarations qui nous expliquent que tout ne va pas si mal au Maghreb, que les trois pays ne sont pas des dictatures, que des progrès importants ont été réalisés, que la France n’a pas de leçon à donner (elle qui passe son temps à le faire quand il s’agit d’autres pays dits voyous tels l’Iran ou la Syrie) et qu’il faut donner du temps au temps. Imaginez une voix, un peu cassante, un peu impatiente, certainement pas gênée : « des morts ? Oui, d’accord, mais cela finira bien par changer… » Désinvolture, mépris aussi.

On pourra me demander mais que peut l’Europe ? Que peut la France ? Et j’imagine que les défenseurs de la souveraineté nationale, et les défenseuses aussi - car il y en a et, paraît-il, très bien récompensées – s’apprêtent à bondir. Je les entends déjà m’accuser de trahison pour avoir appelé, ou tout simplement évoqué, une quelconque interférence étrangère dans les affaires des Algériens mais aussi des Tunisiens, sans oublier les Marocains - lesquels sont embarqués dans la même galère même si cela ne bouge guère chez eux, en ce moment (cela viendra, croyez-moi).

Disons donc que la France et l’Europe sont dans la même position que celui qui entend son voisin cogner, femmes et enfants, jusqu’au sang, voire jusqu’à les tuer. Ils peuvent effectivement se boucher les oreilles ou monter le son de la télévision. Ils peuvent regarder ailleurs et uriner sur ces valeurs dont ils se gargarisent si souvent, en se posant comme exemple à suivre par le monde entier. Ensuite, quand ils croiseront le coupable dans les escaliers, ils discuteront avec lui comme si de rien n’était et la vie suivra son cours, du moins pour celles et ceux qui ne l’auront pas perdue.

En réalité, la France et l’Europe sont dans une position bien plus forte qu’on ne le croit. N’existe-t-il pas un certain accord d’association signé, de façon séparée, par l’Union européenne et les trois pays du Maghreb ? Cet accord qui fait la part belle au libre-échange et à la baisse des tarifs douaniers, n’est-il pas accompagné d’un volet qui porte sur la question des droits de la personne humaine ? De même, ce fameux « partenariat privilégié » que l’Europe agite comme une carotte aux yeux des pays du sud et de l’est de la Méditerranée, n’est-il pas aussi porteur, du moins sur le papier, d’exigences à propos du respect des libertés individuelles et du pluralisme politique ?

Mais il est vrai que les Européens sont tétanisés. Les régimes maghrébins, nous expliquent-ils, sont malgré tout le rempart contre tous les « ismes » : l’intégrisme, le radicalisme, le terrorisme, l’islamisme et même, que l’on me permette ce néologisme, le « harraguisme ». C’est d’ailleurs ce que clament nos dirigeants. Etrange mais très habituelle situation où celui qui crée le problème se targue d’être le seul à le résoudre. Le fait est que les pouvoirs maghrébins font chanter l’Europe avec cette menace de l’islamisme. Ils savent que c’est un sujet dont la seule évocation fera taire les scrupules et disparaître les bons conseils à propos de l’importance d’un Etat de droit et du respect des libertés.

Ce n’est pas tout. Si la France politique – Verts exceptés – est si silencieuse, c’est aussi parce qu’elle est tenue. Voilà le grand tabou qui devient tellement évident quand le Maghreb s’embrase. Nous le savons tous. C’est même de bonne guerre. Parmi ceux qui clament, contre toute évidence, que la démocratie fait son chemin au Maghreb, combien sont vraiment sincères ? Et combien ont peur que soient révélées leurs compromissions ? Que cessent leurs vacances au soleil, tous frais payés, dans des palaces de luxe ou des palais ? Combien sont « couscoussés » ou « tajinés » ? Combien ont peur que ne soient révélés leurs rapports bidons, dûment rémunérés ? Combien ont peur que ne soient dévoilés leurs petits péchés mignons ou, plus grave encore, leurs turpitudes et leurs actes immoraux – dont ils n’ignorent pas qu’ils ont certainement été enregistrés et filmés par ceux qui sauront les ramener dans le droit chemin, s’ils osent la moindre critique ? Quand les Maghrébins auront repris leur destin en main, et cela finira par arriver car rien n’est immuable, il faudra se souvenir de ces lâchetés intéressées.

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Le Parti Communiste libanais salue la victoire historique du peuple tunisien

dimanche 16 janvier 2011,
par الحزب الشيوعي اللبناني

La direction et les militants du Parti Communiste libanais saluent les actes héroïques enregistrés par « l’Intifada des pauvres » du peuple tunisien et ses dirigeants, dont, en particulier, la gauche tunisienne, contre la dictature de la mort exercée par Zein Al-Abidin Ben Ali et ses proches.

« L’Intifada des pauvres » a réalisé, hier, une victoire historique en supprimant le régime familial qui perdurait, depuis 23 ans, et qui a transformé la Tunisie en une vaste prison, mais aussi en un pays où sévissaient la corruption, le recel des biens publics et la mainmise des gouverneurs sur les secteurs productifs.

Mais, le résultat le plus important de cette victoire reste sans aucun doute, en plus de la fin de la dictature et de la fuite de Ben Ali en Arabie Soudite, la portée arabe qu’elle revêt, tant par les forces qui sont à la base de sa réalisation, et en premier lieu les forces de gauche et la Fédération générale des syndicats ouvriers, que par le programme et les mots d’ordre que le mouvement avait adoptés et poursuivis jusqu’à la victoire finale.

Cette portée nous pousse à affirmer que l’influence de ce qui s’est passé en Tunisie le 14 janvier 2011 sera marquante pour tous les peuples arabes. Nous pouvons méme affirmer que ce 14 janvier constituera le point de départ d’un nouveau mouvement populaire dont les prémices se font sentir, non seulement en Tunisie, mais aussi en Algérie, en Egypte, en Palestine, au Liban, en Jordanie et au Kuweit. Un mouvement qui s’élargit, prônant les deux slogans de la Résistance contre les projets politiques impérialistes et israéliens et ceui du changement démocratique.

Le Parti Communiste libanais, tout en s’inclinant devant les martyrs de « l’Intifada des pauvres », appelle à préserver la grande victoire réalisée grâce aux sacrifices du peuple tunisien et à aller de l’avant contre les forces de l’ancien régime qui tenteront de la faire avorter. Il appelle aussi les forces de la gauche et de la démocratie à poursuivre la voie jusqu’à la construction d’un nouveau régime basé sur la démocratie, le progrès social et l’égalité.

(Beyrouth, le 16 janvier 2011)
Le Bureau politique du Parti Communiste libanais

***

الحزب الشيوعي اللبناني يحيي الانتصار التاريخي لشعب تونس

يتقدم الحزب السيوعي اللبناني، قيادة ومناضلين، من الشعب التونسي البطل وقياداته الوطنية، واليسارية منها بالتحديد، بأسمى التحيات للبطولات التي سطرتها انتفاضة الفقراء المنطلقة من سيدي بو زيد لتشمل كل مناطق البلاد ومدنها، متحدية كل أساليب القتل والقمع والترهيب التي مارسها الديكتاتور زين العابدين بن علي والمقربين اليه.

لقد سجلت انتفاضة الفقراء في تونس، بالأمس، انتصارا تاريخيا، فأطاحت بحكم العائلة الجاثم منذ ثلاثة وعشرين عاما فوق صدور أبناء الشعب التونسي والذي حول البلاد الى سجن كبير، بعد أن استولى على مقدراتها وعاث في الأرض فسادا وافسادا. والأهم في هذا الانتصارأن نتائجه لا تنحصر فقط في سقوط الديكتاتورية، بفعل الحركة الشعبية العارمة، وهروب رمزها الأول خارج البلاد. فهي تتعدى أهمية هذا السقوط المدوي لتأخذ بعدا عربيا شاملا، ان من حيث القوى التي انخرطت في الانتفاضة أو قادتها، وفي مقدمتها الاتحاد العام للنقابات، أم من حيث البرنامج والشعارات التي رفعتها هذه القوى والتي شكلت المرشد لاستمرار انتفاضة الفقراء وتصاعدها حتى بلوغ الهدف. وهذا البعد هو ما يدفعنا لنؤكد أن تأثير ما جرى في تونس يوم 14 كانون الثاني 2011 سيكون كبيرا وكبيرا جدا في كل أرجاء العالم العربي. بل يمكن القول أن 14 كانون الثاني سيشكل منطلقا ودفعا جديدين، ليس فقط للحركة الشعبية التونسية، بل للحركات الشعبية العربية التي تنطلق مجددا في أكثر من بلد عربي، بدءا بالجزائر ومصر وفلسطين ولبنان، تحت شعاري مقاومة المشاريع السياسية الامبريالية والصهيونية والتغيير الديمقراطي.

ان الحزب الشيوعي اللبناني، اذ يحيي شهداء انتفاضة الفقراء، يرى أن الانجاز العظيم الذي تحقق بفعل تضحيات الشعب التونسي لا بد وأن يصان ويستكمل من خلال منع بقايا قوى السلطة من الالتفاف عليه وكذلك من خلال الاصرار على بناء نظام جديد يستند الى الديمقراطية والتقدم الاجتماعي والمساواة.

بيروت في 16 كانون الثاني
2011

المكتب السياسي للحزب الشيوعي اللبناني

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Chronique du jour : ICI MIEUX QUE LA-BAS

Ben Ali, ex-président à vis, accomplit une omra par inadvertance !

Par Arezki Metref
arezkimetref@free.fr

Dimanche 10 : Mauvais élèves, ces parleurs !
Y’en a un là qui nous la refait, « chahut de gamins » ! Pire : délinquants ! Il nous la rejoue ce-sont-des-casseurs- pas-des-manifestants. Il nous l’interprète sur le mode de
la criminalisation de la révolte. Il nous la retourne voyous. Y a de qui tenir !

Déjà en 1988, on se souvient de celui-là, tu vois, qui a transformé une révolte sociale en un « chahut de gamins ». Te souviens-tu de cet autre qui a dit de Massinissa Guermah que c’était un délinquant ? Voilà maintenant que l’actuel ministre de l’Intérieur nous refait, à la note près, le même refrain archi-éculé. Ce ne sont pas des jeunes sans avenir et même sans présent qui, privés d’espaces d’expression, s’en prennent violemment aux biens publics et privés. Non, il n’y a rien de social ni de politique dans la révolte de ce mois de janvier. Il n’y a que des casseurs qui, pour assouvir l’un de leurs bas instincts de casseurs, s’adonnent à la déglingue générale du pays ! C’est tout, ne cherchez rien d’autre ! Affligeant ! Comme dirait le camarade général Giap, ce sont de « mauvais élèves », ces gens-là, ils ne tirent jamais de leçons de l’Histoire. « L’insurrection confine à l’esprit, l’émeute à l’estomac », Victor Hugo.

Lundi 11 : Le problème n’est pas le lait mais la vache !
Ça se calme plus ou moins chez nous, mais ça barde crescendo chez nos voisins de l’est. L’annonce de la baisse des prix des produits incriminés a tempéré chouïa les ardeurs colériques des jeunes. À part ça, tout est resté comme avant. Le président continue à se murer dans un silence sidéral, le Premier ministre joue les abonnés absents, les grouillements de clientèles qui d’habitude se portent volontaires pour en découdre avec ceux qui ne sont pas d’accord avec les maîtres, ont compris que l’ordre est donné du couchez-vous ! Chacun rejoint pénard sa tranchée où il attendra que l’explosion passe, après quoi ils vont ressortir bomber le torse dans les journaux et à l’Assemblée nationale.
On a envie de leur dire : c’est maintenant qu’il faut sortir des trous ! Espérons que ça ne s’arrête pas à cette mesurette de baisse de prix.
La révolte qui secoua le pays ces derniers temps n’est pas une émeute de la faim. Non ! C’est une protestation contre le pouvoir, sa façon inique et incompétente de gouverner, son autoritarisme manœuvrier, la gangrène de la corruption, la harga comme seule issue possible pour l’avenir de la jeunesse, le scellement à la baïonnette des champs politiques…
Tu en veux encore ? T’as qu’à regarder autour de toi… Ce serait un sacré rendez-vous raté si cette révolte ne débouchait pas sur une quelconque incidence politique. On serait en-deçà d’Octobre 88 où, au moins, on a eu droit au multipartisme...
Mais il est vrai que le train Algérie s’est fait pour spécialité et objectif de rouler en marche arrière. « La bouse de la vache est plus utile que les dogmes : on peut en faire de l’engrais » Mao Tsé-toung.

Mardi 11 : Président à vis !
Il manque vraiment pas d’air Ben Ali ! Hier encore, lui, son clan, ses clientèles bassinaient les Tunisiens qu’il était la providence et qu’après 2014, date de fin de son mandat en cours, il était impératif qu’il continue à gouverner. Il nous disait aussi, et cette fois avec l’aval des protecteurs occidentaux, que le pays était à niveau, que l’islamisme y était éradiqué... Bref, les Tunisiens devaient louer Dieu et Ben Ali pour leur avoir construit un paradis sur terre. Et voilà que, désespéré, un jeune s’immole par le feu, décrivant par son sacrifice la parabole d’un pays en trompe l’œil. Premières manifestations, premiers coups de feu en représailles... Autisme. Mépris. Puis embrasement généralisé. Comme tout bon dictateur, Ben Ali a fait fuir les siens à l’étranger. Air de déjà vu. Pour apaiser un peuple en colère d’être depuis 23 ans le dindon de la farce, Ben Ali croit encore qu’il suffit de quelques bons mots susurrés à l’oreille du peuple pour que la paix survienne. Trois interventions télévisées en quelques jours. Chacune a, comme il se doit, attisé la colère plutôt qu’elle ne l’a amoindrie. Il promet une baisse des produits de première nécessité ? C’est bien, mais ce n’est pas ce que souhaitent les Tunisiens. Il promet 300 000 emplois ? C’est bien, mais le mal est plus profond. Il s’engage à ne pas se représenter en 2014 ? C’est bien, mais c’est maintenant que les Tunisiens veulent son départ. La tête ne sait plus où donner d’elle-même. Que va-t-il advenir de Ben Ali ? T’inquiète, il a amassé un magot suffisant pour se mettre à l’abri de ces petites choses qui empoisonnent le quotidien des manifestants. « La vie m’a appris qu’il y a deux choses dont on peut très bien se passer : la présidence de la République et la prostate », Georges Clemenceau.

Mercredi 12 : Nouvel an nagh !
Veillée de Yennayer ! Scoop : nous sommes en 2961 ! Jamais les autres ne nous rattraperont. Pas ceux qui chevauchent le calendrier grégorien, et encore moins l’hégirien... Il est réconfortant que l’on revienne à la célébration de ce nouvel an antéislamique. Ça fait partie d’un héritage qui remonte au temps où l’un des nôtres, Chanchaq 1er, était pharaon d’Egypte. Comme quoi être de notre terre mène à tout, à condition d’en sortir. Quand on voit, par exemple, comment les Chinois fêtent leur nouvel an où qu’ils soient dans le monde, on se dit qu’on a encore du chemin à faire. Mais, ne boudons pas notre plaisir, on se réveille à Yennayer, c’est déjà pas si mal. Peut-être que nous devrions remercier les Egyptiens qui, nous ayant rappelé que nous n’étions pas des Arabes lors de la guerre autour d’un match de foot, nous ont poussés à revenir à nos fondamentaux. « Ce que vous avez hérité de vos ancêtres, il faut le mériter par vous-mêmes, autrement ce ne sera jamais à vous, Goethe.

Jeudi 13 : Sacrifiés ! Revu
Les sacrifiés, le film de Okacha Touita. Réalisé en 1982, il relate l’histoire d’un émigré qui débarque au début de la guerre d’indépendance dans un bidonville de Nanterre. Pris en main par le FLN, il se trouve mêlé à la lutte intestine contre le MNA. Il participe aussi, tout en les désapprouvant, aux représailles du FLN à l’encontre des timorés, des contrevenants aux lois sur l’alcool... Il finira par perdre la tête, un peu comme l’Algérie...
Il convient de rappeler que ce film a été réalisé 28 ans au moins avant Hors la loi de Rachid Bouchareb, à une époque où, côté algérien, contrevenir à l’héroïsation du combat était presque un acte de trahison. Le film n’a pas vieilli. Revu aujourd’hui à la lumière des déchirements intra-algériens, il a quelque chose de lucidement prophétique. « Fanatique-Héros qui, pour le triomphe de ses préjugés, est prêt à faire le sacrifice de votre vie », Albert Brie.

Vendredi 14 : Le fuyard !
Incroyable ! Il s’est débiné fissa ! Comme un rôdeur, Ben Ali s’est tiré en catimini !
Qui aurait imaginé que son règne de fer se termine aussi piteusement ? Car, franchement, hein, c’est pas piteux ça, de fuir son peuple soumis à la trique et à la paupérisation cependant qu’on conviait sa famille à un festin perpétuel sur les deniers publics ?
Camarades maghrébins, pas besoin d’attendre, dans vos guérites, que les pilleurs viennent de l’extérieur. Ils sont déjà là, parmi nous !
L’histoire de Ben Ali est aussi tragique que tragiquement banale. Ce type, il y a 23 ans, déposait Bourguiba par un « coup d’Etat » chirurgical, car il estimait que le père de la Tunisie moderne, tout père qu’il était, devait quitter le pouvoir. Il s’était engagé, le putschiste médical, à rendre le sceptre, le temps d’une brève transition. Tu parles, un quart de siècle plus tard, il en était encore à briguer le énième mandat après avoir transformé la Tunisie en un État policier où même pour respirer, il faut que les flics laissent faire.
Avec ça, sa belle-famille, insatiable, se mit à mastiquer tout ce qui bouge. Le festin dure depuis lors ! L’empire créé à partir des biens publics donne le vertige. Pour y parvenir, il fallait gouverner d’acier et ça, Ben Ali savait y faire. On n’entendait pas une mouche voler, surtout dans les communications téléphoniques. Répression tous azimuts contre les militants des droits de l’homme et de la liberté d’expression.
Brutal, le régime Ben Ali n’hésita pas à utiliser tous les moyens répressifs pour faire taire les protestataires : emprisonnement, bastonnades, surveillance, mise sur écoute du téléphone, retrait de passeport, intimidations, etc.
Sur l’autre face, la propagande présentait une Tunisie clean et prospère, adoubée et soutenue par l’Occident, où il fait bon vivre… Puis, ça pète.
Et voilà que l’édifice, que certains même chez nous en Algérie donnaient en exemple, se met à se fissurer. Très vite, en quelques jours, les manifestants dégorgent une colère accumulée depuis plus de deux décennies contre celui qui n’est, au fond, qu’un tyran et même pas franc du collier.
Aux premiers jours de la révolte, il essaye de garder la main en précisant, par exemple, qu’il avait été trompé par son entourage. Ouais, ils disent tous ça… Ensuite, il prend la poudre d’escampette. Paris ne voulant pas de lui, il se tourne, en bon musulman, vers La Mecque. Pitoyable, là aussi ! L’ennui, c’est que des gens comme lui ne vont jamais rendre de compte à personne ! Ils vont couler certainement des jours heureux, en feuilletant l’album de photos du palais. Ils ont peut-être même laissé traîner, en quelques endroits sensibles, des fidèles… Qui sait ?
Les Tunisiens, qui ont arraché cette victoire aux prix de lourds sacrifices, vont alors s’apercevoir, comme nous autres jadis, qu’ils ont bossé pour du beurre. On ne sait encore à qui va profiter la fuite de Ben Ali. Si ça se trouve, on en prend d’autres et on recommence à l’identique ! Mais soyons optimistes… « La force et la faiblesse des dictateurs est d’avoir fait un pacte avec le désespoir des peuples », Georges Bernanos.

A. M.
Le Soir d’Algérie, le 16 janvier 2011

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