Accueil > FEMMES > LA MOUDJAHIDA ANNIE FIORIO-STEINER. UNE VIE POUR L’ ALGÉRIE

LA MOUDJAHIDA ANNIE FIORIO-STEINER. UNE VIE POUR L’ ALGÉRIE

dimanche 29 avril 2012



LA MOUDJAHIDA ANNIE FIORIO-STEINER - UNE VIE POUR L’ ALGÉRIE
- Extraits du livre de de Hafida AMEYAR.


HOMMAGE DE ANNIE STEINER - ANCIENNE ÉLÈVE DU LYCÉE DE BLIDA -
AU PROFESSEUR HADJ SADOK - POUR SON ENSEIGNEMENT
- Témoignage de Annie Steiner.


LA MOUDJAHIDA ANNIE FIORIO-STEINER.

UNE VIE POUR L’ ALGÉRIE

de Hafida AMEYAR

Extraits

choisis par l’auteur Hafida Ameyar

du livre

“La Moudjahida Annie Fiorio-Steiner. Une vie pour l’Algérie”

Annie-Virginie-Blanche Fiorio est née le 7 février 1928 à Hadjout, wilaya de Tipasa. Elle est mère de deux filles : Edith, 58 ans, et Ida, 56 ans. En novembre 1954, elle travaillait aux Centres sociaux d’Alger ; elle ne militait dans aucun parti politique ni association. Pourtant, elle applaudit pour l’Algérie algérienne et voulut s’engager au FLN.

“Le 1er Novembre 1954 a été comme un coup de tonnerre dans le ciel de l’Algérie. Un coup de tonnerre dans un ciel apparemment serein. En tout cas, pour moi, c’était un coup de tonnerre. (émotion). Ce jour-là, j’étais à la maison. Il y avait mon mari, deux amis et moi. Spontanément, j’ai applaudi. Mon mari et Roland Simounet, un architecte originaire de Aïn Benian, ont souri. Mais l’autre invité a mal réagi et m’a dit : “Tu applaudis à des assassins ?” Je lui ai répondu : “Oui”. Je ne l’ai plus revu, mais nous sommes restés en bons termes avec Roland. (…) Donc, l’histoire se mettait en marche ; c’était le moment d’agir en Algérie. C’est pour tout cela que j’ai applaudi et j’ai tout de suite cherché le contact avec le FLN.” (pp.26 et 27)

“Le FLN était un Front très ouvert à toutes les tendances et avait compris qu’il fallait réaliser l’unité. Plus tard, l’UDMA de Ferhat Abbas, des communistes et des messalistes ont rallié le FLN, mais rares malheureusement sont les gens d’origine européenne qui ont intégré la Révolution. Il y a eu aussi les Oulémas de Ben Badis qui ont rejoint le FLN.” (p. 29)

“J’ai décidé de m’exprimer pour lutter contre l’oubli. Je parle aujourd’hui parce que les moudjahidine et les moudjahidate disparaissent les uns après les autres et parce que j’ai vu aussi comment on traite les vrais moudjahidine, comment on les méprise. J’ai donc décidé de parler, pour laisser quelques traces. (…) Je m’exprime aujourd’hui pour briser le silence et parler avant tout de celles qui sont mortes.” (pp. 31 et 32)

“J’étais agent de liaison. (…) J’avais une voiture et je pouvais me déplacer facilement. Je portais des plis sans jamais les ouvrir, bien sûr. (…) J’ai eu d’autres activités, par exemple transporter des couffins… (…). J’ai travaillé pour un laboratoire de fabrication de bombes et c’était Daniel Timsit qui s’occupait de ce laboratoire. Personnellement je ne suis jamais allée au laboratoire, mais Hassiba Ben Bouali et Boualem Oussedik y travaillaient.” (p. 38) “À Barberousse, la première exécution que j’ai "entendue", parce qu’on ne voyait pas, mais on entendait, c’est celle de Fernand Iveton, avec Mohamed Ouennouri et Mohamed Lakhnèche. Ils étaient trois. Les deux étaient des jeunes et Iveton avait 30 ans. (…)Chaque année, nous commémorons l’exécution de Fernand Iveton. Nous sommes très nombreux au cimetière. C’est bien, mais nous oublions les deux autres, Mohamed Ouennouri et Mohamed Lakhnèche. Et je dis : "Non, ils étaient trois, ne séparons pas ceux que la mort a unis."” (p. 59)

“À Barberousse, nous faisions une grève de la faim, après l’exécution d’un militant. Dans les autres prisons, nous avions entrepris plusieurs actions et fait également des grèves de la faim, pour être respectées, pour améliorer les conditions au parloir et dans la prison en général. Nous avions également fait du cachot… Dans la prison, nous avions continué la lutte de l’extérieur, nous avions transposé notre combat dans la prison. (Emotion)” (p. 80) “La Révolution a été profonde, parce que c’est la base qui l’a faite. Mais, cette base vous dira qu’elle n’a fait que son devoir. La Révolution a été aussi profonde, parce qu’elle n’était pas seulement une guerre d’indépendance, comme certains le disent. Notre guerre de Libération nationale a modifié des rapports sociaux, à l’échelle nationale. Elle a agi en ce qui concerne la condition de la femme. Je parle, par exemple, des jeunes filles qui ont rejoint le maquis et quitté la maison familiale, en laissant derrière elles un mot pour leur famille. Les parents qui n’ont pas trouvé de mot ont dû recevoir une lettre ou avoir de leurs nouvelles plus tard. Cette façon de faire était toute nouvelle. De plus, les jeunes filles et les femmes sont parties, sans avoir demandé l’avis du père, du frère ou de quelqu’un d’autre. Tout cela était nouveau.” (pp. 93 et 94)

“Ce qu’a dit Yacef Saâdi est honteux, mais cela ne m’a pas étonné, parce que depuis l’indépendance, il ne parle qu’en tant que chef unique de la Zone autonome d’Alger. Certes, il a été chef, mais beaucoup de responsables de la Zone autonome d’Alger ont été arrêtés et condamnés à mort. Bouchafa et Fettal ont été arrêtés en 1956 et condamnés à mort. Il y a eu également Ben M’hidi, qui est mort en mars 1957 avec beaucoup de courage et de dignité… Je n’ai jamais entendu Yacef, dans les documentaires qu’on nous a passés, citer des chouhada, alors qu’ils ont été très nombreux pendant la "Bataille d’Alger". Je lui reproche de n’avoir pas parlé de tous les torturés, de tous ces moudjahidine qui sont morts chouhada. Ensuite, il s’est attaqué à Louisette. C’est facile de s’attaquer à la famille Ighilahriz, que j’ai bien connue. Cette polémique, qui se déchaîne maintenant, m’a parue un peu bizarre et je me pose des questions…” (pp. 121 et 122)

“Je m’interroge beaucoup sur les problèmes de la jeunesse. Bien que la jeunesse soit devenue un problème à la mode, je trouve qu’on ne parle pas assez correctement des jeunes. Il y a de tout dans la jeunesse, comme chez les femmes et chez les hommes. (…) Il y a trop de jeunes qui n’ont pas à quoi s’accrocher : ils n’ont rien, ni repères ni valeurs qu’ils auraient dû recevoir de leurs parents et de l’école. Concernant les jeunes harragas, leur cas est très discuté, mais ils ne viennent jamais nous demander d’intervenir pour obtenir un visa. Ils vont mourir dans la mer, alors qu’ils aiment tellement la vie. (…) Les jeunes ont besoin qu’on les respecte et qu’on ne les traite pas à la légère. (Colère)”(p. 125)

“De quel nationalisme parlez-vous ? Il y a plusieurs types de nationalisme… Si c’est le nationalisme pendant la guerre de Libération nationale, oui j’étais nationaliste. Si c’est le nationalisme pour les petites gens, les déshérités, oui je suis encore nationaliste. Mais, si c’est le nationalisme pour les nantis, pour livrer l’Algérie aux prédateurs, non je ne suis plus nationaliste. Où est l’idée de nation dans cette précipitation affolée, dans ce bric-à-brac destructeur ? (Emotion).”(pp. 130 et 131)
“J’ai d’abord aimé les animaux, ensuite les hommes et les femmes, qui étaient sous mes yeux, c’est-à-dire les pieds-noirs. Puis, j’ai compris qu’il y avait la masse des Algériens, des spoliés, des déshérités. C’étaient eux qui méritaient que je les aime totalement.” (p. 141)

“Je n’ai pas fait cinq années de prison et perdu mes enfants, pour voir l’Algérie pillée comme au temps du colonialisme, pour que Monsieur Mohamed remplace Monsieur Pierre. Il me semble évident que bientôt, tous ces prédateurs avides et sans scrupules, pour qui les textes juridiques ne sont que du papier, auront en face d’eux des jeunes et des moins jeunes qui leur demanderont des comptes.” (p. 146)

____________________

La Moudjahida Annie Fiorio-Steiner. Une vie pour l’Algérie”, de Hafida Ameyar, 190 pages, livre édité par l’association Les Amis de Abdelhamid Benzine, septembre 2011

Sources : Réseau des Démocrates, le 29 septembre 2011

haut


HOMMAGE DE ANNIE STEINER
ANCIENNE ÉLÈVE DU LYCÉE DE BLIDA

AU PROFESSEUR HADJ SADOK
SON ENSEIGNANT

J’ai connu le professeur Hadj Sadok au lycée ex-Duveyrier, à Blida, où je faisais mes études secondaires pendant la seconde guerre mondiale. Lycée de garçons à l’origine, il était devenu mixte après le débarquement des américains qui s’étaient installés à l’établissement de jeunes filles.

Excellent pédagogue qui savait nous communiquer son amour de la langue arabe, enseignant par vocation, Si L’Hadj m’a donné de solides bases dans cette langue que j’avais choisie pour le baccalauréat avec le latin.

Outre ses cours de grammaire d’une grande clarté, cours qu’il avait élaborés lui-même en partant, sans doute, de plusieurs ouvrages, il nous avait appris tous les modes de versification de la poésie arabe pour former notre oreille aux rythmes et ondulations de cette poésie.
Et j’ai encore en mémoire un poème de Tounadhir El Khansa appris par cœur il y a plus de 60 ans.

Bâtiment cossu où Si L’Hadj a formé des générations de lycéens, le lycée se situait entre le jardin Bizot et la place d’armes avec son kiosque à musique, la librairie-papeterie Mauguin très bien achalandée en fournitures scolaires (elle existe toujours), et, sur un côté dans une petite rue, des calèches à chevaux pour des promenades désuètes et agréables. Un peu plus bas se situait le Bois sacré, avec son marabout et ses oliviers, près duquel habitait la famille Hadj Sadok. J’ai pris des cours dans cette demeure pendant l’été qui a précédé mon entrée au lycée car, venant de Sidi Bel Abbès où je n’avais fait qu’un an d’arabe parlé, j’avais besoin d’une mise à niveau, ce dont Si L’Hadj a bien voulu se charger.
Et je me souviens que Madame Hadj Sadok m’apportait des pâtisseries faites par elle-même, ce qui soutenait mon attention d’une façon bien agréable. J’habitais alors un peu plus haut, l’ex-avenue de la Marne, chez ma tante et mon oncle qui m’avaient accueillie à la mort de mon père.

J’ai revu ce lycée l’année dernière ; il est mixte et bien entretenu. Une plaque en marbre, fixée dans l’entrée, donne la liste des martyrs anciens élèves du lycée ; parmi eux Abane Ramdane, Ali Boumendjel et tant d’autres, élèves de Si L’Hadj.

Dans ma classe nous n’étions que trois européens (Champier, Melle Ripoll qui étaient à côté de moi, et moi-même) et trois algériens (les deux fils du docteur Bachir, Hassen et Aladin, et leur cousin Abdellouhab) : les quatre garçons étaient à droite de l’allée, Melle Ripoll et moi-même étions à gauche de l’allée. Et pendant le cours, Si L’Hadj marchait dans la salle sans nous quitter des yeux afin que notre attention ne se relâche pas : personne ne pouvait tromper sa vigilance !

Ses cours, soigneusement préparés, étaient un modèle de rigueur et de clarté dans leur agencement et leur progression : énoncés, tableaux, règles de grammaire, tout était bien ordonné pour faciliter notre compréhension. Et pour la prononciation de ces sons nouveaux pour moi, de ces lettres dont il fallait restituer les nuances et l’emphase, sa patience était sans limite, sa rigueur était sans pitié. Il aimait et encourageait ceux qui travaillaient ; pour les autres il fallait qu’ils suivent. Je ne pensais pas, à l’époque, à quel point son enseignement me serait indispensable et bénéfique après 1962 où l’arabe est devenu langue officielle.

Merci, Si L’Hadj, de m’avoir donné les bases et l’amour de cette belle langue, et, puisqu’il m’arrive de la malmener régulièrement, je ne peux que vous dire : « pardonnez-moi, cher Maître ; Vous avez toute la reconnaissance, sincère et fidèle, d’une de vos anciennes lycéennes, Melle FIORIO ».

Annie Steiner
Alger
le 15 mai 2005

haut


Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

  • Lien hypertexte

    (Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)