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FEMMES - AFGHANISTAN - THÉÂTRE : COMBATTRE L’INJUSTICE

mardi 27 septembre 2011

ACTING OUT THE AFGHAN OUTRAGE
Exprimer le scandale afghan

UN ATELIER DE THÉÂTRE PERMET AUX FEMMES DE RÉÉCRIRE ET TRANSFORMER LES SCENARIOS DE LEURS VIES

Aunohita Mojumdar
Guardian Weekly
Vendredi 23 septembre 2011 14.38 EDT
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Unicef’s Photo of the Year 2007. Photograph : STEPHANIE SINCLAIR/UNICEF/HO/EPA

Sur la scène, un père fait pression sur sa fille pour qu’elle épouse un homme plus âgé, un commandant, pour résoudre les problèmes financiers de la famille. La fille résiste et son père la bat ; la mère de la fille intervient et la fille menace de se suicider.

La scène n’est pas inconnue pour une audience de femmes afghanes. Des mariages forcés, de mineures, sont des évènements habituels, et la tradition l’emporte souvent sur la loi. Tout aussi familier est le pouvoir de « commandants », et autres chefs de groupes de milices qui ont combattu dans des conflits mais n’ont pas été désarmés soit par opportunisme politique ou à cause de l’incapacité de l’état d’exercer son autorité.

Cette scène, où des éléments des guerres d’Afghanistan pendant les 30 dernières années sont représentés est une tribune exceptionnelle pour les femmes pour venir à bout de leurs traumatismes et exprimer leurs sentiments. Changer la scène telle qu’elle est jouée sur la scène est un pas puissant pour la plupart des femmes, qui ont ressenti un manque de contrôle sur leur propre vie.

Malgré les milliards de dollars d’aide, les institutions afghanes restent faibles et corrompues.
Bien que le gouvernement ait introduit un plan pour « une justice de transition » qui reconnaît les souffrances des victimes de la guerre, accepte les poursuites en justice et fournit des indemnisations ; en 2007, ce plan a été devancé par une loi qui accordait l’amnistie à tous ceux qui avaient participé au conflit, y compris ceux accusés de crimes de guerre. Ceci a relégué nombre d’Afghans dans des sentiments d’ impuissance.

S’adressant à une salle de femmes – jeunes et vieilles, éduquées et analphabètes, de classe moyenne ou pauvre - Zahra Yagana invite l’auditoire à intervenir. « Montez ici et racontez nous comment vous pourriez changer la situation, » dit-elle, les encourageant à se défaire de leurs inhibitions.

Yagana travaille pour Qanoon Guzari, un projet de théâtre dirigé par l’Organisation afghane des droits humains et la démocratie (Ahrdo). Il s’attaque aux problèmes que rencontrent les femmes : le patriarcat, le mariage forcé, la violence domestique, le manque d’accès aux emplois et au divorce.

Yagana a connu une expérience personnelle brutale de mariage forcé, de violence domestique, de patriarcat et de pénurie.
Mariée à 13 ans à un homme qui s’est révélé plus tard un intoxiqué de la drogue, elle a lutté contre la violence et une pauvreté débilitante, travaillant 16 heures par jour à un four à briques pour soutenir sa famille alors que son mari avait vendu tous les biens de la famille. La plupart des femme dans la salle peuvent témoigner de situations similaires dans leur voisinage ou leur propre maison.

Farida Majidi, 39 ans, se décrit elle-même comme « une femme au foyer sans éducation ». Elle a perdu plusieurs membres de sa famille dans les conflits. Un beau-frère a été tué par les moudjahidin parce qu’il travaillait pour le gouvernement soutenu par les Sovietiques, un autre a eu les jambes explosées par une mine, tandis que deux neveux ont été tués par des inconnus armés. Après que sa maison ait été touchée par un missile, la famille est partie en Iran comme réfugiés.
« Après notre retour à Kaboul, je suis restée à la maison. J’avais trop peur de sortir. J’étais préoccupée par ce que les gens diraient de moi, » a dit Majidi. Le premier jour où elle est venue à l’atelier de théâtre elle n’a pas voulu découvrir son visage ou parler. Mais l’expérience de la communauté des femmes, de leurs récits et de l’atelier lui-même, ont graduellement gagné sa confiance.
« J’ai appris beaucoup de choses. je sais maintenant que je suis courageuse. Je peux partager mes idées.
J’ai décidé de travailler en faisant des objets artisanaux à la maison. Je contribue aux revenus de la famille, et mon mari aussi en est content. Il m’a même déposé ici aujourd’hui en route pour son travail, »
dit-elle fièrement. Le certificat Ahrdo qui certifie que Majidi a complété deux semaines de formation se trouve dans son coffre-fort chez elle avec ses bijoux.

Les traumatismes émotionnels sont peut-être la retombée la plus largement méconnue des guerres brutales d’Afghanistan.
Pratiquement chaque Afghan a perdu un membre de sa famille ou a eu une expérience directe avec la violence. Bien qu’on estime que 60% souffrent d’un désordre de stress post traumatique lié à un conflit, les établissements de santé mentale sont presque inexistants et ce n’est que très récemment que les travailleurs sociaux ou communautaires commencent à être formés pour être confrontés à ce réservoir d’angoisse.

La majorité des morts sont des hommes, mais ce sont souvent les survivants, les femmes, qui ont supporté le choc de la violence psychologique et physique à la maison, conséquence du conflit. De même, les restrictions sociales ont souvent handicapé les femmes pour qu’elles trouvent des moyens pour se débrouiller, et limité les interaction avec un réseau social plus large.

Wasima Amiri est une jeune femme éveillée, dans la vingtaine, qui a commencé sa propre affaire comme entrepreneur, faisant des confitures et des condiments. Sa vie est relativement confortable maintenant, mais elle porte le poids de ses années antérieures lorsque sa famille était affaiblie par la maladie de son père, obligé à rester couché pendant 11 ans, jusqu’à sa mort. « Avant de venir ici, je ne pouvais pas partager mes sentiments, » dit-elle. « À la maison, nous n’avions pas l’habitude de parler. il y a des choses dont on ne peut pas parler avec sa famille… Ici j’ai pu ouvrir mon esprit et mon cœur ».

Dans le cadre de ce projet, les femmes veulent poursuivre le processus jusqu’au gouvernement, suggérant des lois qui, d’après elles, pourraient être promulguées pour améliorer leur vie. « Je voudrais que le gouvernement assure des lieux de travail sûrs pour les femmes, » dit Majidi . « Le gouvernement devrait faire une loi pour construire des zones de travail sans danger, des industries où les femmes pourraient se sentir en sécurité et confortables. »

Yagana voudrait renforcer la loi pour l’élimination de la violence contre les femmes. En Afghanistan la coutume interdit aux étrangers, même aux autorités, d’entrer dans la maison familiale. « Ils devraient faire en sorte qu’il soit impossible pour les hommes d’infliger de la violence contre leurs femmes dans leurs maisons, » dit-elle. « La loi devrait rendre possible aux autorités d’entrer plus facilement dans une maison et emmener l’homme en prison lorsqu’ elles savent qu’il violente sa femme ».

Bien que ce « théâtre législatif » ne peut pas remplacer l’action du gouvernement, il offre à ces femmes plus de force.
Plutôt que d’attendre que le gouvernement fasse quelque chose, elles transforment leur vie elles-mêmes.


Voir en ligne : http://www.guardian.co.uk/world/201...