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ALGERIA. FRANCE’S UNDECLARED WAR - LIVRE DE MARTIN EVANS

jeudi 13 décembre 2012


Le Docteur Martin Evans a participé à de nombreux colloques et activités d’Histoire en Algérie.
Il a organisé aussi au printemps de cette année un colloque international sur les "Révolutions arabes" au cours du quel Sadek Hadjerès est intervenu sur différents thèmes relatifs à l’ histoire du mouvement national algérien.


Algeria.
France’s Undeclared War

livre de
Martin Evans

édition :
Oxford University Press
2011
496 pages
20 livres sterling.


Résumé de l’ouvrage de Martin Evans

Algeria. France’s Undeclared War

présentation du livre
par James House [1]
pour socialgerie

Analyse politique beaucoup plus que sociale, et qui montre la complexité de la situation politique en Métropole et dans les mouvements nationalistes, notamment le FLN.

L’ouvrage pointe toute l’importance du contexte international pour comprendre les enjeux de la guerre : mouvements pour l’indépendance, panarabisme, ONU, Guerre froide, renforcement / mise en place de la coopération économique européenne, désir de gouvernements français successifs de reconstruire la puissance et l’image nationales du pays après la 2ème guerre mondiale, désir de rester en dehors des deux « blocs ».
La guerre y est décrite (p.317) comme l’un des épisodes les plus difficiles des divers processus de décolonisation, un évènement charnière.

L’ouvrage insiste sur le temps long de la colonisation et les résistances que ce processus a générées, ce qui a affaibli les différents projets réformistes que le livre analyse dans le détail.
L’ouvrage souligne la manière dont, à partir des années 1930, différents acteurs - notamment socialistes - ont défendu la vision d’une « troisième voie » visant la création d’une Algérie plus égalitaire, « modernisée » et multiculturelle rattachée à la France (Viollette). La politique de Mollet en 1956 constitue l’aboutissement de ce projet (de « 3ème voie ») - ni nationalisme d’indépendance (et ni communisme), ni domination des Européens « réactionnaires ». De Gaulle va reprendre certains éléments (Plan de Constantine) de ce réformisme (p.264). Très peu sur les positions du PCA ou du PCF : toutefois, l’ouvrage examine l’importance, dans les trajectoires militantes des anticolonialistes radicaux en Métropole (p.276-282), de leur rejet du vote par le PCF des pouvoirs spéciaux en mars 1956. .

Le 1er chapitre insiste sur la manière dont la conquête française a entraîné le repli-sur-soi de la société algérienne dont l’islam constitue la base de résistance.
Le deuxième chapitre montre tout l’impact social et économique de la dépossession des terres, ce qui renforce le clivage entre les différentes communautés.
Le troisième chapitre passe en revue les différents courants émergents au sein du nationalisme, le rejet des festivités du centenaire de 1930, et pointe l’importance du Front populaire comme source d’espoirs et la radicalisation des positions suite aux déceptions politiques que le Front a engendrées chez les nationalistes.
La montée des tensions politiques vers la fin de la guerre explique les évènements de Sétif (quatrième chapitre). L’analyse ici s’appuie sur les archives du Consul britannique, John Cavell. Décrit Guelma en 1945 comme une « insurrection de la part des Européens » (p.89) : polarisation politique et communautaire en résulte.

Pointe l’importance d’Alger-Républicain comme espace qui facilite la contestation (p.98). Insiste également sur le pluralisme des mouvements de contestation de la domination coloniale. Le trucage des élections de 1948 constitue un point de rupture : l’absence d’espace d’expression électoral et la marginalisation politique de par l’administration de Messali et d’Abbas, poussent vers la radicalisation des positions.
Le 5ème chapitre soutient que le FLN n’est pas révolutionnaire mais représente en fait « l’expression du conservatisme de l’intérieur » du pays (p.120), et le FLN rejette le culte de la personnalité.

Le chapitre six souligne l’importance de l’année 1956 dans le déroulement de la guerre, et surtout de février-mars 1956. Le vote des pouvoirs spéciaux constitue un facteur supplémentaire de la « trahison » ressentie par les nationalistes par rapport au gouvernement (surtout socialistes).
Le contexte de 1956 du côté du gouvernement français est celui de la lutte contre les indépendances, contre le communisme, contre Nasser, pour l’Eurafrique.
L’importance de la lutte anti-communiste revient vers les pp.183-4 lors de l’analyse de Suez. Tentative chez Mollet de forger un consensus parmi la classe politique métropolitaine (hors PCF et Poujadistes) (p.195). Palestro déclenche un plus grand soutien à l’armée en Algérie chez des Métropolitains. Pointe l’influence d’Amar Ouzegane dans la rédaction de la Charte de la Soummam (p178).

Insiste tout au long de l’analyse sur les conflits internes, voire personnels au sein du FLN : intérieur vs extérieur en plus les luttes pour le pouvoir qui augmentent au fur et à mesure que l’idée d’une Algérie indépendante devient une réelle possibilité politique.
Les militaires prennent le contrôle de la lutte pour l’indépendance à partir d’août 1957 : selon l’ouvrage, cette puissance militaire reste en place depuis. Très critique à l’égard de Boussouf.

Souligne l’impact démoralisateur du Plan Challe sur l’armée de l’intérieur et le ressentiment des soldats de l’ALN contre le GPRA et l’extérieur (p.247).
Insiste sur la montée de Boumediene fin 1959 (réunions de Tunis et Tripoli) (p.248).
Soutient que la population algérienne est prise entre FLN/ALN et réforme/répression de l’Etat français (p.255).
L’importance de janvier 1960 : pour le gouvernement français la situation politique se transforme, et les partisans de l’Algérie française sont désormais l’adversaire.
Les manifestations de décembre 1960 constituent l’un des tournants majeurs de la guerre du côté français (p.288).
En avril 1961, la stratégie gaullienne soutient que le retrait de l’Algérie constitue l’intérêt politique et économique de la France (p.292).
Notons que l’ouvrage ne soutient pas l’idée que, en 1958, Charles de Gaulle avait une idée claire de la ligne à suivre par rapport à l’Algérie.

Charonne pousse de Gaulle vers la table des négociations.
Analyse dans le détail des enjeux des négociations à la fois chez le GPRA et l’Etat français. Insiste sur la manière dont la guerre de libération avait consacré le culte des armes (depuis Boussouf) et marginalisé les politiques.
Le succès de Boumediene résulte de l’affaiblissement de l’armée de l’intérieur.
Section intéressante sur le départ des Juifs d’Algérie, leur enracinement dans l’histoire du pays (p.325).
Souligne la gravité des problèmes posés lors de l’indépendance (économie, éducation, logement) (p.340).

Voit dans la guerre un conflit d’un nouveau type – une guerre pour le peuple.
Le FLN a gagné parce que sa vision d’une Algérie indépendante résonnait avec l’opposition de longue durée à la domination coloniale. Cette vision attirait beaucoup plus les Algériens que la « troisième voie » proposée en 1956 par Mollet (p.358-9).

La Conclusion insiste sur la présence active du passé franco-algérien dans les deux pays (supplétifs, pieds-noirs, racisme).

présentation du livre
par James House
pour socialgerie


dans le Monde Diplomatique
Avril 2012
sur ce même livre :

Algeria : France’s Undeclared War
de Martin Evans

Martin Evans propose trois pistes d’étude pour l’analyse de la guerre d’Algérie :
la haine tenace envers leur « mère la France » suscitée chez les musulmans par la sanglante conquête du pays et ses suites ;
l’émergence d’un mouvement nationaliste moderne et déterminé ;
enfin, la volonté tenace du pouvoir, à Paris plus qu’à Alger, de tracer une troisième voie entre colonialisme et nationalisme.
C’est sans doute sur ce dernier point que sa thèse est le plus originale.

Le Front républicain au pouvoir de janvier 1956 à mai 1957, dominé par le Parti socialiste de Guy Mollet, a été selon lui le catalyseur de la réponse française à l’insurrection algérienne. Le « national-molletisme » reposait sur le mythe de la mission civilisatrice de la France et sur l’affirmation que le nationalisme algérien, féodal, fanatique et bigot, n’était que l’antichambre du communisme. Ce qui justifiait d’intensifier la guerre en envoyant, au printemps 1956, les conscrits en Algérie.

Il faudra attendre la conférence de presse du général de Gaulle, le 11 avril 1961, pour que la Ve République admette enfin la réalité : l’Algérie n’est pas la France.
Mais l’affrontement des valeurs entre la gauche socialiste et le nationalisme algérien laissera des séquelles pour longtemps.

Jean-Pierre Séréni

Oxford University Press, 2011, 496 pages, 20 livres sterling.

http://www.monde-diplomatique.fr/2012/04/SERENI/47617



[1James House, historien auteur de nombreux travaux sociologiques sur l’Algérie coloniale et sa lutte de libération

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