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MOHAMED LASSOUÂNI EST PARTI IL Y A QUELQUES JOURS…

samedi 23 novembre 2013


Abed Ghali
le 22 Novembre 2013

Nous venons d’apprendre la triste nouvelle du décès, à l’âge de 81 ans, du valeureux militant communiste. Il est mort vendredi 8 novembre chez lui à Tlemcen. J’ai eu le privilège de le rencontrer il y a 2 ans pour un entretien filmé, que cet homme modeste et agréable a consenti à nous donner, comme amis communistes soucieux de consigner la mémoire vivante des combats du mouvement communiste algérien. Nous avons passé un moment chaleureux et rare avec cet homme de 79 ans, souriant, humble et lumineux, d’un dévouement souriant et ferme au parti.

Mohamed Lâssouani a grandi dans une famille modeste. Dès sa jeunesse il travaille comme ouvrier agricole sur les terres des colons dans la région de Tlemcen. À l’âge de 18 ans, l’armée française l’enrôle de force comme appelé, comme des milliers d’autres Algériens. Son contingent est envoyé en Indochine combattre les Vietnamiens en lutte pour leur indépendance sous la direction de Ho Chi Minh et du PCV. Ses camarades et lui-même suivent à la radio la situation en Algérie, et prennent conscience des enjeux. « Les français oppriment notre pays, et nous, nous devrions combattre à leurs côté ? Notre place est aux côtés des Vietnamiens ! », affirmait Mohamed Lâssouani. Et, en homme libre, avec quelques compagnons, il s’engage sur cette voie.

Ils entreprennent un périple interminable, les pieds blessés à force de longues, périlleuses et difficiles marches, pour rallier les troupes vietnamiennes. Avec quelques algériens, marocains et tunisiens, ils parviennent à constituer une troupe qui atteindra en 1954 près de 600 nord-africains, dont 300 algériens. Cette troupe infligera de lourdes pertes à l’armée française, et prendra une part active dans la bataille de Dien Bien Phu, où les vietnamiens infligèrent aux français une défaite décisive, qui déboucha sur l’Indépendance du nord Vietnam le 21 juillet 1954 reconnue dans le cadre des Accords de Genève.

Au même moment, les autorités françaises, qui avaient retrouvé des camarades de Mohamed qui avaient rejoint les maquis algériens, pensaient que celui-ci était rentré en Algérie. Ils se retournèrent sur les parents de Mohamed pour obtenir des renseignements permettant sa capture. Pour cela, et sans états d’âme, les militaires ont tué deux de ses frères et torturé son père, sans résultats. Ils en ont déduit qu’il était mort au maquis, alors qu’il était encore au Vietnam avec ses frères de combat.

Les prisonniers français détenus par l’armée vietnamienne, sont par la suite remis aux autorités françaises, hormis les déserteurs passés à l’ennemi armes à la main. Ces derniers ont été faits citoyens vietnamiens, et ont été gardés afin d’éviter les représailles du côté français. La France a demandé aux autorités vietnamiennes qu’elle leur rende ces combattants, le Vietnam a refusé. Des observateurs de l’ONU ont été dépêchés pour obtenir leur transfert, mais les soi-disant prisonniers ont clarifié leur position vis-à-vis de la France, par une bordée d’insultes et un rejet franc et massif. Les délégués français sont repartis bredouilles, accompagnés des inspecteurs de l’ONU...

Mohamed Lâssouani et ses camarades survivants, restent donc au Vietnâm, et participent ensuite à la construction de la République démocratique du Vietnam en qualité de membre du PC. Le général Giap, récemment disparu, avait reconnu ses qualités de soldat courageux et avait décelé en lui un esprit d’initiative remarquable. Il lui a confié personnellement de nombreuses missions spéciales. Giap était le chef des armées aux côté des modestes dans la guerre, et non à l’étranger. C’est pour ça qu’il était appelé par ses concitoyens : Bako, « notre grand-père » en vietnamien.

« Comment je suis devenu communiste ? Eh bien tu es dans un pays, c’est comme si tout le monde était communiste, tu le deviens, en compagnie de ce peuple fort et déterminé… Il fallait libérer le pays de l’impérialisme français, c’est ça qui comptait ! », raconte-t-il.
Mohamed se souvient : « J’étais le plus jeune. Giap était très strict mais aussi très chaleureux avec moi, il venait tôt le matin pour savoir ce que nous apprenions avec les instructeurs. Il était attentionné mais très strict. Si tu te trompes, tu tues le peuple ! ». Mohamed obtint 5 diplômes (technicien, tourneur, etc.) et fit les études qu’il n’avait jamais pu faire en Algérie colonisée. Son instructeur, devant l’avidité d’apprendre de Mohamed, le laissait travailler le dimanche et lui ouvrait l’atelier avec toutes les installations. De plus, une partie de leur solde était envoyée au sud Vietnam alors aux prises avec l’impérialisme américain.
Les supérieurs chargés de suivre les algériens restés au Vietnam, Abdelhafid Boussouf et Krim Belkaçem, venaient les rencontrer tous les 2 mois, apportant avec eux des nouvelles du front algérien. Mohamed et ses compagnons voulaient rentrer au pays combattre, mais leur exfiltration était très difficile. Et puis là il constituait pour l’ALN une armée de réserve extérieure, qui s’entraînait avec la bénédiction et le soutien matériel du Vietnam.
« Notre commissaire politique, Si Marouf, qui suivait nos entraînements au Vietnam, relayait nos envies de rentrer nous battre au pays auprès de nos supérieurs, se souvient Mohamed. Abdelhafid Boussouf et Krim Belkacem, nous rendaient régulièrement visite… Nous envoyions nos soldes par notre commissaire politique aux maquis algériens pour soutenir les camarades qui combattaient en Algérie.

Giap a déclaré après la victoire : « Honorez le jeune Mohamed et ses 7 compagnons (tous morts aujourd’hui, Morsli, Chellami, Othmane...) et laissez dans le musée de la révolution vietnamienne assez de traces pour que, quand nous serons tous morts, ceux qui viendront chez nous sachent que des Algériens se sont levés à nos côté lors de notre révolution nationale, pour que notre pays vive libre et indépendant ! ». Il aimait évoquer Mohamed et ses algériens avec beaucoup de tendresse

En 1963, il rentre en Algérie pour participer à l’édification du pays. L’Algérie de l’époque lui décerne la qualité de moudjahid et lui attribue un logement, un travail, etc. Cela en signe de solidarité et de profonde communauté de lutte entre les Algériens et les Vietnamiens. Mais aussi de reconnaissance de la portée anticolonialiste et anti-impérialiste mondiale de la lutte du peuple Vietnamien. Par contre, quand Mohamed a demandé à l’administration française les documents attestant de sa présence dans l’armée française afin de constituer son dossier administratif, il lui a été répondu qu’il devait payer l’arme qu’il avait prise avec lui lors de sa désertion…

En 1964, son père retrouve sa trace sur un journal, et va à sa rencontre dans un café. Assis face à face, ils mirent près de 2h à se reconnaitre l’un l’autre. Mohamed était parti à l’âge de ses 18 ans, il en a près de 30…
Mohamed quitte l’armée en 1965, peu après le coup d’Etat militaire de Boumediene (sa carte vietnamienne, qui interloqua les militaires, lui permit d’échapper aux répressions et aux fouilles policières et militaires). Installé à Sidi-Frej, avec Zaâmoum et Omar Chaâlal, il devient militant syndical dans les milieux modestes.


Il connut Kateb Yacine, qui voulait aller au Vietnam : « Il est venu me voir à Sidi Frej avec mon ami Omar, il a passé près de 3 mois avec moi, à discuter, raconter… c’est là que l’on a parlé des sandales de caoutchouc que tous les vietnamiens portaient, « de Ho Chi Minh au dernier petit garçon ! » Kateb écrivit sa célèbre pièce par la suite…
La même année, il rejoint le Parti Communiste Algérien et a continué à militer ensuite dans le PAGS. Tous les ans il recevait les vœux de la république vietnamienne, en héros qu’il est là-bas. Il coordonna dans les années 70, le travail des ouvriers "anciens du Vietnam", qui activaient dans des usines d’Alger.

Giap demandaient régulièrement des nouvelles de Mohamed et ses compagnons, rentrés au pays, et parfois délaissés ou ignorés dans leur pays, mais restés dans le cœur des vietnamiens et de leurs dirigeants.
Mohammed Lâssouani est élu membre du comité central du PAGS lors de son congrès de décembre 1990, avant le démantèlement de ce parti par Hachemi Cherif, Hadj Bakhtaoui et d’autres éléments visant sa destruction.

Paix et salut à notre grand-frère, héros et homme libre, qui a choisi sa voie et en gardait une joie et une tendresse qui montrait que quand on choisit son chemin, en conformité avec ses idées, on garde un esprit joyeux et heureux de vivre.

À sa femme, sa famille et ses amis, un grand salut des camarades du valeureux combattant, et une pensée fraternelle et émue face à cet exemple de vie, qui continuera à nous inspirer.

22/11/2013
Abed Ghali


FORUM SOCIALGERIE :

MOHAMED LASSOUÂNI EST PARTI IL Y A QUELQUES JOURS…
17 décembre 2013 à 00h33min /

TÉMOIGNAGE DU REGRETTÉ MOHAMED MORSLI - ANCIEN DU VIETNAM

Message reçu à socialgerie

message de Boumediene Lechelech à socialgerie

Bonsoir les ami(e)s et camarades !
En attendant une contribution bien documentée sur le Vietnam et les communistes, voilà un témoignage authentique du regretté Mohamed Morsli.
Amicalement.
B.Lechlech


Une délégation d’anciens du PAGS se rendra le samedi 28 décembre 2013 à Tlemcen chez la famille de feu M. Lassouani, une autre rendra visite, à Oran, à la veuve de feu M. Morsli, à une date ultérieure.
Et on compte sur tous pour contribuer à une quête de solidarité avec les familles des deux camarades.


MOHAMED MORSLI - ANCIEN DU VIETNAM

Quelques notes

Feu Mohamed Morsli était un ancien caporal engagé du 2éme RTA installé à Mostaganem.

Je l’ai connu au début de la légalité en 1989, à l’instar du regretté A. Alloula auquel il était lié, ainsi qu’au regretté M. Djellid et B. Ichou.

Nous habitions tous les trois premiers le même quartier.

Son personnage a été utilisé dans la pièce de théâtre ‘’ El Adjouad ’’ sous le bel sobriquet de Hô Chi Minh revenu d’Indochine dans son pays l’Algérie et vivant le malheur pour avoir un toit décent et un boulot...

J’ai en tête des tas d’anecdotes et informations de lui parce qu’on était attaché l’un à l’autre jusqu’à sa mort récente d’il y’a quelques années seulement (le 06 juin 2006).

Il était militant au PAGS jusqu’à sa dissolution, et est resté lié à nous.

Comme il habitait Oran et était parmi les anciens militants revenus du Vietnam marié à une authentique vietnamienne (d’ailleurs ses nombreux fils et filles ont les traits de leur mère), lié toujours à sa belle famille et à l’ambassade du Vietnam, tous ses anciens camarades, dont feu M. Lassouani se rassemblaient souvent chez lui. Morsli m’y invitait à l’occasion et lui venait chez moi.

Mais j’avais déjà connu M. Lassouani l’an 1986 en clandestinité à Ochba chez Berraho Mejdoub, ensuite lorsque j’étais, avec d’autres camarades, à la tête de la fédération du PAGS (Sidi Bel-Abbés, Tlemcen et Aïn Temouchent).

M. Morsli était un peu plus politisé et averti, avec une conscience de classe prononcée, et plus âgé. Il était soudeur de métier.

Lui, n’a pas bénéficié de la pension d’ancien moudjahid, parce qu’à la fin des années soixante, il avait déchiré, sous le coup des nerfs son attestation en sortant du bureau d’un cadre de la Wilaya d’Oran.

Et comme il était fiché déserteur de l’armée française, il n’a pas pu percevoir une pension militaire de plusieurs années, même d’avant la guerre du Vietnam. Malgré toutes les longues correspondances que je lui écrivais moi-même.

Il avait vécu dans le dénuement avec sa petite retraite d’ouvrier spécialisé, heureusement que ses grand(e)s fils et filles ayant trouvé des emplois l’aidèrent.

J’ai retrouvé ce manuscrit dans mes archives sous une forme stéréotypée que je vous envoie sans commentaires du contenu de ce témoignage direct pour le moment.
Je préparerai une contribution basée sur plusieurs sources à la fois écrites, orales, etc. dont les témoignages des deux camarades M. Morsli et M. Lassouani auxquels, par cette occasion, je rends hommage.


TÉMOIGNAGE DE MOHAMED MORSLI
ANCIEN DU VIETNAM

Notes prises par BOUMEDIENE LECHLECH

« Maârouf (Ben Aomar) a été désigné par les partis communistes de l’Afrique du Nord Française comme responsable des maghrébins, après la visite de Léo Figueres du PCF, en mars 1952 où il rentre au Vietnam en passant par Moscou et Pékin.

Trois groupes sont crées :

  • Un groupe chargé des postes de la propagande
  • Un groupe du front de guerre
  • Un groupe du camp des prisonniers pour donner des cours.

Pendant 6 mois nous étions réunis, nous les Nord-Africains, sous la conduite de Maârouf (colonel) et les Français sous celle du capitaine de l’armée française Tarago du PCF.

Pendant notre séjour au Vietnam nous avons reçu plusieurs visites, comme celle dirigée par Krim Belkacem qui avait fait une escale lors d’un long périple dans la région, en compagnie de Omar Oussedik en 1956.

Krim Belkacem, observa un groupe, nous questionna sur le contenu de nos études, et, suite à cela décida qu’on ne rentrera au pays que lorsque “le drapeau flottera sur les maquis et le pays”.

En 1953, un groupe d’algériens dont je faisais partie avait sauvé la vie à Ahmed Bencherif en lui conseillant lors de sa capture de dire qu’il n’était qu’un simple soldat et non officier. Parce que le Viet Minh passait aux armes tous les gradés qui étaient considérés comme issus de classes sociales aisées ; par contre les soldats issus de classes modestes étaient gagnés par le travail de rééducation politico-idéologique et la propagande appelant à la désertion.

Omar Oussedik revenu à la tête d’une délégation militaire, nous avait dit que les choses sont devenues difficiles en Algérie pour nous si nous y allions aux maquis et que nous devrions rester, et, que nous serons considérés comme des anciens moudjahidines une fois l’indépendance acquise.

Bendriss nous avait dit que l’Egypte, au moment de la crise du canal de Suez, avait l’intention de nous embrigader dans les rangs de son armée.

Ali Yata à la tête d’une délégation de son parti venu du Maroc nous avait rendu visite en 1959.

Larbi Bouhali à la tête d’un groupe du PCA nous rendra visite en 1960 ; il y a eu entente avec les vietnamiens pour que les algériens sélectionnés par le parti du travail fassent des études politico-idéologiques pendant six mois, et aussi pour nous envoyer nous faire soigner dans des hôpitaux en Bulgarie.
Personnellement j’y ai été pendant un séjour à Sofia.

Pour nous encadrer, nous, les Algériens, ont été désignés Benabderahmane Mohamed originaire de Tiaret, responsable en relation avec un certain Moreau représentant des intérêts français. Les adjoints algériens étaient Chellali Mohamed originaire de Saïda (habitant Gdyel), Tadbirt de Khemis et Saoueb d’Alger. Ils avaient tous les trois été capturés et emprisonnés pour travail avec l’ennemi (soldats dans l’armée française).

En 1964, alors que Omar Oussedik était ambassadeur à Sofia (je l’avais alors rencontré), il a été décidé qu’on rentre en Algérie par avion . On était 105 algériens nous devions le faire entre le 10 octobre 1964 et le 22 octobre 1964.

À notre arrivée en Algérie, à Boufarik, alors commença notre long calvaire ; Benabderahmane Mohamed avec d’autres, nous ont vendus au gouvernement algérien comme étant des éléments communistes. Ils ont même renseigné l’ambassade de France sur nous comme des éléments déserteurs au Vietnam. Alors qu’eux-mêmes s’étaient d’abord fait reconnaître avec un statut de prisonniers.

En 1985, par le biais de l’ambassade du Vietnam en Algérie on avait déposé nos dossiers pour être régularisés comme anciens moudjahids, selon l’accord passé en 1956. Une liste nominative de seulement 59 personnes a été fixée au lieu de 105 comme prévu avec Oussedik ! »

Boumediene Lechlech
Chercheur-Historien


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