Accueil > CULTUREL > SEMAINE DU FILM ALGÉRIEN À TUNIS

SEMAINE DU FILM ALGÉRIEN À TUNIS

Du Samedi 13 au Dimanche 21 février 2010, maison de la Culture Ibn Rachiq

mercredi 17 février 2010

A l’occasion de la commémoration des événements de Sakiet Sidi Youssef, l’Agence algérienne de rayonnement culturel organise, avec l’ambassade d’Algérie à Tunis, une rétrospective destinée à refléter les 5 décennies qui se sont écoulées depuis les premiers films réalisés au cœur de la lutte pour l’indépendance.

Un retour aux sources

Par Ahmed Bedjaoui [1]

Le cinéma algérien est né au cœur de la lutte pour l’indépendance. Accueilli par nos frères tunisiens et basé à Tunis. Il a joué un rôle de premier plan pour la propagation des idéaux liés à notre glorieuse lutte de libération nationale. Le jeune réalisateur Saïd Mehdaoui a consacré à cette période un film inédit, intitulé «  Les cinéastes de la liberté  ». Ce documentaire de long métrage décrit comment, entre 1956 et 1962, des cinéastes épris de liberté ont rejoint à Tunis les organes de la révolution algérienne pour soutenir notre combat pas l’image et par le son. Il évoque le rôle joué par des volontaires militants comme les Français René Vautier et Pierre Clément, l’Allemand de l’Est Carl Gass ou encore le Serbe Labudovic. Dans un contexte marqué par une prise de conscience aigue de l’importance de l’image dans le combat, des Algériens comme Mahieddine Moussaoui ou Pierre Cholet vont se charger de la collecte des images tandis que, sur le terrain et derrière la caméra, on retrouvera Djamel Chanderli, le premier cinéaste algérien arrivé à Tunis en 1957. Homme d’une grande modestie, Chanderli ira d’un lieu de combat à l’autre, tournant « Yasmina » ou « Les Fusils de la Liberté » (qui seront présentés en marge de la session de l’ ONU consacrée à la question algérienne) tout en filmant les images insoutenables de l’odieux bombardement colonial contre nos frères et sœurs tunisiens de Sakiet Sidi Youssef. Chanderli sera bientôt rejoint par de jeunes cinéastes tels Mohamed Lakhdar Hamina ou Ahmed Rachedi qui connaîtront à l’indépendance une brillante carrière. Grâce à ces hommes et à d’autres, et grâce aussi au soutien actif de nos frères tunisiens, le cinéma algérien a accumulé une banque d’images qui lui permet de disposer d’une mémoire visuelle réelle et pas du tout fantasmée, comme le pensent certains historiens français.

Après l’indépendance, le cinéma algérien a poursuivi son engagement au service de l’image de l’Algérie et de sa révolution. Les premiers films de long métrage ont été consacrés à la lutte armée dont nous étions encore si proches.

Parmi ces films, figure en particulier, «  Le vent des Aurès  » de Mohamed Lakhdar Hamina qui fera sensation dans les festivals comme Cannes où le film remportera le Prix de la Première œuvre et celui de Moscou qui distingua la grande et émouvante actrice Keltoum. Durant la décennie suivant l’indépendance, Lakhdar Hamina va récidiver avec « Hassen Terro » qui a confirmé l’immense talent du regretté Rouiched, tandis que Ahmed Rachedi réalisait, sur un texte de Mouloud Mammeri et dans l’esprit de Frantz Fanon, « L’Aube des Damnés » , en hommage au combat de l’Afrique pour sa libération et son émancipation.
Quelques années plus tard, Ahmed Rachedi va réaliser ce qui va rester le chef d’œuvre de sa carrière, « L’Opium et le Bâton » , adapté du roman de Mouloud Mammeri. Parmi les films notables de cette période, citopns « La Voix » de Mohamed Slim Riad et « Décembre » de Lakhdar Hamina.

Le point culminant de ce cinéma révolutionnaire s’est situé en 1975 avec le magnifique « Chronique des années de braise » de Lakhdar Hamina. Ce film demeure jusqu’à nos jours la seule Palme d’or que le monde arabe et africain ait remportée. Il est aussi l’un des premiers films postindépendance qui ait décrit la situation politique, économique et sociale qui prévalait en Algérie au cours de la décennie précédant novembre 1954.

Ainsi, et jusqu’au milieu des années 1970, la guerre de libération restera un thème central avant que le cinéma algérien ne commence à se diriger peu à peu vers de thèmes plus sociaux. Pris dans une spirale hollywoodienne, et si l’on excepte « Le Charbonnier » de Mohamed Bouamari, le secteur de la cinématographie n’arrivait pas à se libérer du ton descriptif qui laissait peu de place à l’analyse. Face à cet essoufflement, c’est la Télévision algérienne qui a apporté, contre toute attente, de la fraîcheur et de la créativité.

« Les Spoliateurs » de Lamine Merbah, « Les Enfants de la Casbah » de Moussa Haddad, ou encore le très beau « Noua » de Abdelaziz Tolbi, ont été les premiers à proposer une approche explicative de la décision des Algériens de déclencher la guerre de libération au prix du plus grand sacrifice. Le dynamisme de la production télévisuelle crée alors des sous thèmes à succès comme la comédie où un certain opérateur de prise de vue triomphe avec la création du personnage de l’inspecteur Tahar. Moussa Haddad aura l’idée de réaliser en partie en Tunisie, le très beau « Vacances de l’Inspecteur Tahar » .

En 1976, « Omar Gatlato » de Merzak Allouache et en 1981 « Les Enfants du Vent » de Brahim Tsaki créent la rupture définitive entre deux époques charnières, ouvrant du coup au cinéma de thèse sociale. Alternant l’excellent et le moins bon, Merzak Allouache allait offrir au cinéma algérien une belle série avec « Salut Cousin » , « Bab el Oued City » et bien d’autres films qui font de lui le cinéaste algérien le plus régulier et le plus prolifique. La Télévision reprend le flambeau en produisant pendant dix ans le meilleur de ce que compte le cinéma algérien.

Comment ne pas citer « Nahla » de Farouk Beloufa que beaucoup considèrent comme le film le plus accompli de toute l’histoire du cinéma algérien. A la fin des années 70, une équipe technique de la RTA, avec à sa tête le grand directeur photo Youssef Sahraoui, revient en Tunisie pour assister la première coproduction algéro-tunisienne, « Aziza » , réalisé par Abdellatif Benamar. Au cours de la même année, la RTA produisait « La Nouba des femmes du Mont Chenoua » réalisé par l’actuelle membre de l’Académie française, Madame Assia Djebar. Ce film a remporté le Prix de la Critique au Festival de Venise. La même Assia Djebar a réalisé l’année suivante le très beau « Maghreb des années trente ou les chants de l’oubli » .

Comme en Tunisie, le cinéma algérien va connaître une période difficile due aux réajustements structurels qui ont entraîné un désengagement total de l’Etat, unique source de financement de l’industrie cinématographique depuis l’indépendance de ce secteur d’activités. Dans le même temps, comme partout dans les pays du Maghreb, le public s’est tourné vers la vidéo, provoquant la fermeture massive des salles de cinéma. Cette situation n’a pas découragé les cinéastes algériens qui ont dû apprendre à produire leur film avec les moyens du bord. Avec « Rachida » de Yamina Bachir-Chouikh, le cinéma au féminin se relançait et du coup la lutte contre les idées rétrogrades. De son côté Mohamed Chouikh réalisait peu de temps après, un film très féministe intitulé « Douar Enssa » dans lequel il décrit la résistance de femmes contre les agressions fondamentalistes. Avec Nadia Cherabi, le cinéma algérien au féminin allait se renforcer grâce à son très beau film « L’envers du miroir » .

Le début du millénaire a marqué pour la production algérienne un nouveau départ. Grâce au fonds d’aide mis en place et à la faveur de manifestations importantes, le Ministère de la Culture a offert son soutien financier à des dizaines de films, au point où plus de vingt long métrages ont été réalisés en 2007 et plus de 60 entre 2003 et 2009. Ces années ont vu la révélation de talents comme Amor Hakkar et son superbe film « La Maison jaune » ou encore Tarik Teguia , auteur de « Roma » , et plus récemment « Gabla » . Ces deux cinéastes ont, grâce à des formats de production audacieux, apporté au cinéma algérien une manière nouvelle d’aborder la narration et l’espace filmique.

La troisième grosse et récente satisfaction est venu de Lyès Salem qui, avec « Mascarades » a conquis les cœurs et les esprits des spectateurs, avec au passage de nombreux prix dans des festivals prestigieux.

Il serait trop long de citer tous ceux qui, au long de la dernière décennie, ont réalisé des films marquants, mais signalons pour le moins les cinéastes qui figurent dans cette rétrospective. Parmi eux Mehdi Charef, auteur du magnifique « Cartouches Gauloises » et Abdelkrim Bahloul, auteur du « Voyage à Alger » , présenté récemment dans deux festivals.

Terminons avec Rachid Bouchareb qui, après « Indigènes » , a réalisé l’émouvant et subtil « London River » qui a valu à son acteur principal, Sotigui Kouyaté, le prix d’interprétation au Festival de Berlin en 2009.

Bouchareb vient d’achever à Sétif et dans les studios de Benarous près de Tunis, une nouvelle coproduction algéro-tunisienne, « Hors la loi » qui s’annonce comme un film ambitieux. Avec ce nouveau film et celui que Abdelatif Benamar est en train d’ achever, la coopération cinématographique entre l’Algérie et la Tunisie, scellée dans la lutte commune pour la liberté, a encore franchi un pallier prometteur.


Voir en ligne : http://www.tuniscope.com/index.php/...


[1Commissaire de la manifestation et conseiller cinéma au Ministère algérien de la culture.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

  • Lien hypertexte

    (Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)