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Une année après les journées d’Octobre 88

UNE ANALYSE DU PAGS : L’ ALGÉRIE EN JANVIER 1990

Crises nationale et internationale émergentes

vendredi 12 mars 2010, par Sadek Hadjerès

Cette note intérieure de janvier 1990 indique comment se présentait à la direction du PAGS l’évolution du pays une année après les journées sanglantes d’Octobre 88 et trois mois après la légalisation officielle du PAGS, suite à 24 années de clandestinité.

A côté de certaines potentialités apparues à la faveur d’une "démocratisation" de façade, on voit émerger des problèmes considérables imbriqués à l’échelle nationale et internationale, en résultat d’évolutions amorcées au cours du quart de siècle écoulé.

Cette analyse de janvier 1990 appelait à de nouveaux efforts pour aller aux causes plus profondes des crises importantes en perspective.

L’approche est à comparer avec les prises de position postérieures à juin 90.
Sous l’effet du "choc" de la montée électorale du FIS, l’analyse tournée vers les besoins d’une action autonome et vigilante de classe se détachera des données de fond liées aux problèmes de société et du contexte international.

Elle fera place pour l’essentiel à des réactions de conjoncture initiées par un noyau de l’exécutif du PAGS mis en condition et sous forte pression par les visions étroites, les manoeuvres antidémocratiques et les machinations des cercles oligarchiques du pouvoir.

ÉVOLUTION DEPUIS 1 AN
(dans ses grandes lignes).

3 / 1 / 1990

Dans la première partie de cette période, la poussée des masses a favorisé et accéléré l’aspect formel du processus de démocratisation.

Maintenant, il s’agit de plus en plus de donner un contenu à ce processus, ce qui est toujours plus difficile : exige une qualité plus élevée et une maturité plus grande des masses, des partis, des institutions étatiques, etc.

C’est pourquoi surgissent davantage les interrogations, les incertitudes et même les dangers : aggravation de la crise socio-économique et montée des tendances hégémonistes anti-démocratiques.

Ces interrogations et dangers sont préoccupants parce que ne sont pas liés à une conjoncture mais à des :

I. TENDANCES PROFONDES DE L’ÉVOLUTION ACTUELLE
ET DANS NOTRE SOCIÉTÉ
ET DANS LE CONTEXTE INTERNATIONAL

1. Au plan économique :

  • L’Algérie se trouve sous l’influence directe de la restructuration capitaliste à l’échelle internationale. les pays du Tiers-Monde, y compris les plus avancés économiquement, ont d’énormes difficultés à s’insérer dans la division internationale du travail (DIT) correspondante.
  • Schématiquement, deux grands courants capitalistes internationaux interviennent au Maghreb de façon concurrentielle, dans le même temps où les échanges avec les pays socialistes ne peuvent constituer un apport suffisant à notre économie, encore moins une alternative.
  • La CEE et la social-démocratie européenne, dont l’influence est dominante aujourd’hui dans les sphères du pouvoir encourage les réformes économiques en souhaitant une stabilité politique formelle à leurs objectifs globaux.
  • Certaines tendances US et de la réaction arabe ne voient de possibilité d’implantation pour eux qu’à travers une certaine déstabilisation de l’économie, de la société, du pouvoir. D’où leurs espoirs dans l’action des courants intégristes islamistes.
  • Dans l’ensemble il y a une grande vulnérabilité économique qui s’exprime notamment à travers :
    - les problèmes de la dette extérieure,
    - la question des sociétés mixtes,
    - des déséquilibres liés à la démographie,
    - des déséquilibres liés aux remaniements hâtifs depuis 10 ans
    Tous problèmes qui accroissent la dépendance au détriment de l’efficacité économique
  • Il existe pourtant une voie, étroite et difficile, pour élever les forces productives et limiter la dépendance, dans le cadre d’une stratégie de développement permettant d’affronter les risques inévitables de l’intégration internationale avec vigilance.
    Mais cette voie exige de toutes les classes, couches sociales et forces politiques concernées davantage d’unité d’action, de conscience politique et de compétence économique.

2. Au plan politico-économique :

  • de nombreux partis politiques (une quinzaine dont 5 à 6 parmi les plus importants) ont émergé ces derniers mois. Ce progrès réel et formel ne peut nous cacher les grands dangers qui pèsent sur le processus démocratique (sur son contenu comme sur ses aspects formels).
    Il y a une montée notable et parfois spectaculaire de l’hégémonisme intégriste islamiste, dans lequel des différenciations apparaissent mais sont encore insuffisantes. Il y a persistance de tendances hégémonistes dans les rangs du FLN (en particulier dans l’appareil syndical avec des répercussions très négatives sur les orientations des luttes des travailleurs). Il y a enfin des étroitesses partisanes dans d’autres formations. Tout cela laisse l’impression que la démocratisation a davantage aiguisé la course aux postes et au pouvoir (dans son sens étroit) que la volonté de solution des problèmes graves du pays.
  • Ces poussées hégémonistes ou sectaires de différents courants politiques peuvent subjectivement être comprises comme une première réaction de forces politiques longtemps comprimées par le système du parti unique. Plus profondément elles s’expliquent par le fait que les classes et couches sociales en voie de différenciation ne sont pas encore stabilisées et cristallisées. Les forces politiques correspondantes n’ont pas encore pleinement conscience des intérêt propres de ces couches. Cela leur rend plus difficile de distinguer et définir les convergences et communautés d’intérêts qui peuvent être à la base d’une action commune au profit mutuel de tous.
  • Ce phénomène touche toutes les couches et classes sociales et pas seulement les couches moyennes dont on connait les flottements habituels.
    Seule en fait dans la bourgeoisie, la couche des grands spéculateurs n’a pas besoin, pour assurer ses profits immédiats, de se fixer des objectifs constructifs ou une alternative cohérente qui prenne également en compte les intérêts immédiats et à terme des autres couches de la société et du pays.
    Les circuits dit « informels » ou parallèles de l’économie alimentent le danger politique actuel le plus grand : ce danger c’est la jonction politico-idéologique des couches spéculatives réactionnaires avec les éléments désorientés dans les couches moyennes et surtout dans la grande masse des sans-travail et à moyen d’existence mal définis, prêts à être come le lumpen traditionnel une masse de manœuvre pour les orientations démagogiques.
  • A côté de cela, même des secteurs de la bourgeoisie intéressés ou favorables au renforcement du secteur d’Etat, hésitent encore devant les choix, les arbitrages et les alliances à engager ; cela n’est pas dû seulement aux fluctuations de la conjoncture politique interne, c’est lié pour beaucoup aussi aux incertitudes des perspectives offertes par le capitalisme international en période de reconversion.
  • Les ouvriers et paysans sont eux aussi désorientés face aux restructurations en cours qui aggravent leur situation déjà précaire.
    A l’exception de certains grands complexes ou secteurs dans lesquels l’action déjà ancienne du PAGS a pu exercer son influence, les luttes revendicatives ont un caractère plutôt spontané.
    Elle s’élèvent rarement au-delà des objectifs matériels immédiats locaux ou sectoriels. La nécessité de réformes &économiques dont le contenu est à définir n’est pas comprise ou est interprétée diversement .
    Cela se reflète jusque dans les rangs de notre parti par les difficultés à augmenter et mettre en avant les solutions réalistes et crédibles en faveur de réformes démocratiques qui contribuent à la fois à l’efficacité de l’économie nationale, à la préservation de l’indépendance de décision et à la justice sociale.
    La dispersion actuelle des forces patriotiques et de progrès est donc beaucoup plus liée à la difficulté de distinguer et de maîtriser les potentialités objectives, les avantages et les risques des orientations économiques et sociales en cours dans le monde et dans notre pays.
  • Un facteur subjectif joue également dans un sens défavorable à l’unité d’action des forces patriotiques. Il s’agit d’une « suridéologisation » des luttes et de la vie socio-politique.
    Ce phénomène est préjudiciable à l’orientation juste des luttes car souvent il tend à détacher les mots d’ordre et les objectifs proclamés des réalités et des problèmes concrets. Le mouvement et le lutte des idées ne sont pas pourtant forcément des diversions : ils correspondent à un besoin réel des gens dans toutes les couches d’avoir des points de repère par rapport à des situations mobiles. Même 27 ans après l’indépendance, notre peuple continue à avoir le besoin de s’identifier, surtout devant les bouleversements actuels à l’échelle nationale et internationale. Dans tous les cas, les problèmes tels que l’enseignement, le rôle des médias, de la culture ont un poids important dans le vie quotidienne et de grandes orientations de la société et de l’Etat.
    Sur ce terrain et d’une façon simpliste (comme dans la plupart des cas de climat suridéologisé), différents courants de l’intégrisme islamiste se présentent comme apportant des réponses aux problèmes douloureux vécus par les gens (ex. de la manifestation des « 100 000 femmes » protestant contre les « agressions contre l’Islam »). Les foules entraînées dans ces manifestations sont initiées à voir en bloc les racines des fléaux et de la dégradation de la société dans la modernité et la démocratie telles que nous les présentent l’occident capitaliste. Les leaders intégristes présentent comme alternative à tous les maux un Islam sans contenu de classe, à tendance totalitaire et non enclin à l’ouverture sur les valeurs universelles. Cela leur est facilité par le discrédit jeté sur le socialisme par les schématisations idéologiques coupées des réalités en mouvement, qui avaient cours dans les pays socialistes, mais aussi dans les positions des forces politiques se réclamant de l’option socialiste dans notre pays, y compris dans notre parti.
    Ce sont différents décalages dans la sphère idéologique et culturelle qui font craindre à de nombreux patriotes le spectre d’ « évolutions » iranienne, soudanaise ou libanaise, en tenant compte bien entendu des spécificités de la société et du rapport des forces de notre pays.
    Ces dangers persisteront ou s’aggraveront tant que l’ensemble des forces patriotiques modernistes et de progrès n’apporteront pas encore des réponses et une alternative convaincantes aux problèmes vécus.
    L’expérience des masses sur le terrain concret, ne pourra certes que démentir à terme les illusions entretenues par les slogans idéologiques abusifs. Mais le risque est grand que cette expérience des masses tarde à s’exprimer par des progrès dans la sphère politique et idéologique.

II. QUELLES SONT DANS CES CONDITIONS NOS TACHES LES PLUS URGENTES DANS LA PERSPECTIVE D’UN REDRESSEMENT GLOBAL, D’UNE ISSUE A LA CRISE
que traverse aujourd’hui l’Algérie dans tous les domaines ?

1. Nos tâches politiques envers les masses et les autres forces politiques :

Définir et surtout mettre en œuvre une plate-forme minimum d’actions communes pour un éventail très large de toutes les forces
opposées à la violence, ouvertes au dialogue démocratique et respectant le cadre constitutionnel actuel (même si ce dernier est susceptible de remaniements futurs). Pour cela, il y a nécessité d’une concertation plus active et d’initiatives vers les autres forces politiques.

Mais le plus important et le plus difficile est surtout de gagner à cet objectif le pays profond, c’est-à-dire les masses laborieuses, les chômeurs, les croyants, les jeunes, les cadres, les femmes avec leurs problèmes essentiels

Cela est lié à la capacité des progressistes et des communistes de mobiliser autour des intérêts concrets qui sont certes sensibles, mais n’ont pas encore permis de développer aujourd’hui un niveau de conscience suffisant.

Il faut rendre à ce terrain et à ces objectifs concrets leur vocation unitaire, rassembleuse et éducatrice des larges masses.

De cette façon seront favorisées les réponses progressistes aux problèmes idéologiques dans un climat amélioré de dialogue et de tolérance mutuelle.

Nous contribuerons à créer ce climat si avant les élections municipales qui auront lieu dans quelques mois, nous dégageons un programme d’action du parti qui unira les acquis théoriques de notre ligne politique et l’expérience pratique accumulée dans les actions passées.

De cette façon nous ferons mieux fructifier pour de nouvelles luttes les premiers résultats obtenus dans les premières mises en place des organisations légales (cellules territoriales et d’entreprises) à travers les problèmes vécus par les travailleurs et la population. Il y a de nombreux exemples à examiner de façon critique, pour répercuter et amplifier les initiatives porteuses (cf. ouvriers des grands complexes, paysans des domaines d’Etat démantelés ou petits paysans, problèmes de logements, hausse des prix, séisme, violences contre les femmes, écoles du soir des jeunes, comité des chômeurs, de solidarité, parents d’élèves et comités de cités, etc…).

2. – Edification et fonctionnement de parti dans les nouvelles conditions (coupure de 34 ans dans la vie légale)

  • Bases matérielles : lutte multiforme et organisée à engager avec soutien politique de masse pour surmonter la disproportion aigüe entre les besoins énormes et la faiblesse des moyens en personnel permanent, locaux, matériels et financiers, etc.
  • Recrutements en liaison avec
    • capacités d’action de masse,
    • mise en place des cadres formels,
    • efforts de formation appropriés.
  • Faire avancer la conscience de cette tâche à partir de ;
    • assemblées de sections,
    • cadres pour renforcer impulsion centrale.
  • Apporter une attention plus grande à la formation politique et théorique y compris au niveau de la direction. Pas seulement cours classiques pour bases fondamentales du marxisme (pour lesquelles il y a un grand retard) mais développer pour l’action l’approche théorique et opérationnelle moderne : scientifique, démocratique, humaniste, notamment dans les domaines :
    • liens entre lutte de classe et objectifs « globaux »,
    • quelle étape, quelle alternative ?
    • parti et masses,
    • approche scientifique des problèmes religieux pour (99%) des travailleurs croyants.
  • Intensification de la communication et fonctionnement démocratique ;
    Quelles formes introduire et développer pour que le processus démocratique soit réel et efficace, qu’il ne s’arrête pas aux aspects formels de « contestation » ou de principe électif mais qu’il assure sur cette base une participation plus grande à l’élaboration et à l’application des orientations constructive aux problèmes du pays.
  • Régulariser le fonctionnement des collectifs au niveau central, régional et local.
  • Protection politique et pratique des activités et moyens du parti dans une situation encore incertaine.

A travers ces tâches, envisageons préparation dès que possible d’une conférence nationale :

  • pour adopter (jusqu’au congrès) :
    • programme d’action,
    • plan de travail,
  • et favoriser l’émergence et mise à l’épreuve dans les tâches légales de cercles plus larges de cadres pour renforcer les impulsions centrales du travail de la base.

Dans la perspective d’un congrès national :
pour lequel préparer :

  • résolution politico-idéologique comme base pour le futur programme,
  • statuts,
  • élection de direction.

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