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Des multiples façons de perdre ...

FOOTBALL : TYPOLOGIE DE LA GUEULE DE BOIS

Par Arezki METREF, Le Soir d’Algérie du 4 juillet

dimanche 4 juillet 2010

N’est-elle pas savoureuse cette chronique du Soir d’Algérie (4 Juillet) sur les différentes façons de perdre de plusieurs formations footballistiques engagées dans le Mondial ?
Le sport, une des composantes d’un développement humain équilibré, a pris des contenus et des connotations qui ont pollué sa vocation. L’’objectif dominant est devenu l’argent, le "prestige national", la diversion ou l’opium politique, etc. Sa finalité suprême est déjà largement perçue ainsi : gagner ou perdre ! Selon les cas, avec plus ou moins de panache ou de petitesse !
Dans son style pétillant, la chronique fait réfléchir à ce que devrait devenir "l’esprit sportif". Comment le construire à l’encontre de la marchandisation ou de la perversion des valeurs les plus nobles ?

1er type : le goulag !
Missing !...
Qu’est-il advenu des joueurs de l’équipe nationale de Corée du Nord ? Ce n’est pas de leur faute, les pôvres, s’ils ont encaissé successivement 7 à 0 puis, 3 à 0 ou des scores dans ce goût-là. Des scores de handball, plutôt lourdingues, à plus forte raison en Coupe de monde de football.
D’ici à les soupçonner d’avoir laissé trouer les filets patriotiques par des buts impérialistes, il n’y a qu’un pas que les autorités de leur pays franchiraient un couperet à la main.
En 1966, la Corée du Nord avait participé à la Coupe du monde de football qui s’était disputée en Angleterre. Le deal avec les joueurs était simple : « une défaite déshonorante », c’était un ticket pour les mines. Ils avaient fait des merveilles avant de céder à des équipes plus balèzes. On dit qu’une fois rentrés chez eux, après avoir été acclamés par leurs compatriotes, les joueurs, à l’exception de Pak Doo-IK, la star du onze, se sont retrouvés au goulag. Comme quoi, il y en a qui jouent pour des fortunes et d’autres pour leur liberté.
Cette année, heureusement, leur trajectoire dans la Coupe du monde a été plus qu’honorable. Rentrés au bercail, les promis à la potence semblent, au contraire, avoir été reçus avec une certaine sympathie.
Mais attention, en Corée du Nord sévit l’un des régimes les plus opaques de la terre. Si le pouvoir voulait cacher le sort qu’il réserve aux vaincus d’Afrique du Sud, alors, on ne le saurait pas. Comme avec le reste, le rapport des dictatures avec « leur » représentation sportive est tout simplement de l’ordre de la névrose. Si l’équipe gagne, la dictature se sent anoblie. Si par contre, elle perd, alors elle se sent bafouée. Ce qui rend la main lourde ! Mais il n’y a pas que les dictatures qui ont un problème avec l’image donnée d’un pays par ses sportifs. Les démocraties zaâma les plus reconnues n’échappent pas à ce dévoiement.

2e type : les palabres byzantines.
Vois la France, par exemple. La déconfiture des Bleus a été ressentie comme un séisme national dont les répliques continuent de secouer jusqu’au gouvernement.
Ce tremblement montre à l’évidence que même en démocratie, l’autonomie des instances n’est pas garantie. La politique peut se mêler inconsidérément du sport sans que cela passe pour un dysfonctionnement. Les multiples conséquences de ce désarroi sont visibles au plan de l’organisation du sport en France, mais aussi, d’une certaine manière, sur le plan éthique. Ce qui est en jeu, c’est aussi la pollution par l’argent, non seulement du sport et des sportifs, mais aussi tout simplement de la société, de ses rapports au travail et aux loisirs, à l’être et au paraître, au savoir et au pouvoir. C’est cette crise philosophique que révèle, en fait, le malheureux parcours des Bleus en Coupe du monde. L’argent sert-il à faire du sport ou le sport n’est-il là que pour faire gagner de l’argent ? That’s the question...
Sans doute tout est-il dans la réponse... Le fait est que la déliquescence morale et technique est arrivée à un point tel que même la valeur marchande tirée par les joueurs d’une victoire en Coupe du monde devient secondaire par rapport au surdimensionnement des égos. Que dire alors des valeurs strictement sportives ? Ringard, va !

3e type : la dépressurisation !
Les retours de coupe du monde, à l’issue du premier tour, sont un peu pour les vaincus comme une gueule de bois. On a mal à la tête, on a déjà oublié l’ivresse et on jure qu’on ne s’y laissera plus prendre.
Les Verts aussi, en dépit de leur bonne tenue en Afrique du Sud, ont ressenti en foulant le sol algérien, cette céphalée typique des lendemains qui déchantent. On parle déjà de ménage, ce qui veut dire qu’on ne changera qu’à moitié une équipe qui n’a pas tout perdu.
Mais attention à l’antijeu ! J’espère que si Saâdane est débarqué, ce ne sera que parce qu’il l’aurait lui-même demandé. Il a proprement sorti les Verts de la mouise pour en faire une équipe respectable qui a suscité la meilleure des sympathies partout dans le monde. On le doit certes au talent et à la combativité des joueurs, mais ni l’un, ni l’autre n’auraient été concluants sans le savoir-faire du coach national. Il y a bien entendu des leçons à tirer de l’expérience du Mondial, notamment la nécessité de concevoir une équipe plus offensive avec l’adjonction de buteurs. Mais de là à jeter l’entraîneur avec le ballon, ce n’est peut-être pas la stratégie la plus productive pour l’avenir immédiat.

4e type : la déculottée flegmatique.
Fabio Capello, l’entraîneur italien de l’équipe d’Angleterre et le sélectionneur le mieux payé de la planète (9 millions d’euros/an) n’a pas été remercié. Il continuera à manager les boys. Partie favorite pour la finale, l’équipe qu’il entraîne a piteusement échoué au premier tour. Les instances footballistiques britanniques ne semblent pas céder à la pression de la vox populi qui réclame la tête du coach. Elles ont pour ainsi dire gardé la tête froide ! Un bon point ! Quand on gagne, ce sont les joueurs qu’on fête et quand on perd, le chef paye l’addition. C’est-il de bonne guerre ? Pas forcément, à bien y penser.

5e type : la samba inachevée...
Le Brésil, favori de chez favori, est reparti at home. C’est encore un de ces dribbles du foot. Tu ne sais jamais comment le ballon va tourner... Tu le fais danser ici, il s’en va, tournoie et te revient en pleine figure.
Comment le Brésil est-il sorti avant les demi-finales ? C’est tout le mystère du foot, et sans doute son charme. Rien n’est jamais acquis pas plus pour ceux qui jouent que pour celles et ceux qui scrutent les résultats dans les oscillations d’une boule de cristal.
Patrie absolue du foot, le Brésil est aussi familier de la victoire que de la défaite, la de-fête. Comme disait Clemenceau lorsqu’on lui avait appris une révolte de vignerons au début du XXe siècle dans le Midi de la France, « tout cela finira par un banquet ». Les joueurs brésiliens rentreront, à coup sûr, chez eux avec un air de samba.

6e type : l’arrivée à la source sans boire son eau !
Tragique épopée des Ghanéens. Le sort les a éliminés. Et personne d’autre.
Par un jeu d’une classe inconnue jusque-là, ils ont littéralement écrabouillé l’arrogante équipe d’Uruguay. Mais tout était contre eux : la barre, la pelouse, le hasard. Tout, quoi ! Jusqu’à l’arbitre qui n’accepta pas un but repoussé par la main d’un joueur de l’intérieur de la lucarne du gardien uruguayen. Puis ce penalty loupé ! Bêtement. Le stress, sans doute.
Mais ils nous ont offert le plus beau match de cette Coupe du monde. En tout cas, jusque-là ! Allez, on peut dire qu’il vaut mieux perdre comme ça que gagner en chassant les buts à la main !

A. M.


Voir en ligne : http://www.lesoirdalgerie.com/artic...

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