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Entretien avec Jacques BIDET (Actuel-Marx)

CRISES,REVOLTES ET UTOPIES, au VIème CONGRES MARX INTERNATIONAL

(dans l’Humanité du lundi 20 septembre)

vendredi 24 septembre 2010

le 20 Septembre 2010

Jacques Bidet : « Invoquer la révolte, c’est proclamer le temps de l’insoumission

Congrès Marx international

Du 22 au 25 septembre se tiendra à l’université Paris-Ouest-Nanterre la sixième édition du Congrès Marx international, dans un contexte de montée des résistances face à la crise.
Le philosophe Jacques Bidet, l’un de ses présidents, nous en explique les enjeux.

Quels seront les moments forts de ce VIe Congrès Marx international ? Le contexte de la crise capitaliste donne-t-il une nouvelle tournure à l’événement ?

Jacques Bidet. Le congrès va croiser le grand mouvement prévu le 23. Nous en ferons naturellement un temps fort, avec un meeting de solidarité ce jour-là, pour expliquer aussi à nos collègues, qui viennent du bout du monde pour ces trois jours, la signification de cette lutte. Nous avons lié ce congrès à l’événement de la crise, avec les résistances qu’elle suscite, non seulement de la France à la Grèce, mais dans le monde entier. La crise est celle du néolibéralisme, qui mobilise les exécutifs nationaux pour la destruction de tout ce qui portait la marque des conquêtes populaires de « l’État social » dans leurs limites, et qui suit aujourd’hui un cours sans contrôle. Nous avons appelé quelques grands témoins, qui peuvent nous aider à affronter la crise de divers côtés. Saskia Sassen, une altermondialiste ancrée dans l’académie radicale des États-Unis, une marxiste engagée et sans complexes. Alvaro Garcia Linera, l’inspirateur de la révolte des Indiens des Andes, réinventeur d’une démocratie directe puisée dans une tradition anticoloniale. Ochy Curiel, une intellectuelle noire, sud-américaine, féministe, militante d’un lesbianisme politique, une femme qui cherche et qui chante… Slavoj Zizek, un surgeon paradoxal de l’espace stalinien. Sa philosophie, aujourd’hui comme hier, se veut insubordonnée et insolente. Un comique et un philosophe dans la même personne, il en a vu d’autres, il sait trouver les mots, les idées, les images qui font qu’on ne se laisse pas impressionner par l’évidence libérale.

« Crises, révoltes, utopies », tel est le thème du congrès. Sur quelle logique repose ce triptyque ? Les révoltes se déclenchent-elles toujours à l’aune de crises ? Les utopies sont-elles indispensables aux révoltes ? Et quid de la notion de révolution ?

Jacques Bidet. Le terme de « révolte » ne vient pas comme une alternative à celui de « révolution ». Il n’y a pas de politique d’émancipation sans l’exigence de révolution, une exigence qui vient de loin, et à laquelle s’attachent tant d’expériences. Même chose pour le « communisme », qui fait l’objet du dernier numéro de notre revue (Actuel Marx), publié pour ce congrès. Invoquer la révolte, c’est inviter à penser les révolutions à venir comme des irruptions toujours conjoncturelles, partielles, forcément improvisées et inachevées, et fragiles. Invoquer la révolte, c’est proclamer le temps de l’insoumission, de la désobéissance, de la transgression, du risque. Car le néolibéralisme passe toutes les bornes, fait sauter toutes les digues que des siècles de lutte avaient construites pour la défense des droits sociaux et des droits du citoyen. La révolte ne se substitue pas à un programme et à une stratégie : elle indique l’esprit qui doit les animer. Il n’y a rien d’automatique de la crise à la révolte. Et l’utopie n’est certainement pas suffisante pour passer de l’une à l’autre. Mais la vieille opposition faite entre le marxisme dit « utopique » et le marxisme supposé scientifique était un peu trop sûre d’elle. Car l’utopie s’entend aussi dans un sens positif. L’utopie, c’est le long terme dont on a besoin pour éclairer le court terme.

Quelles sont les grandes perspectives de la recherche marxiste aujourd’hui ? Depuis la précédente édition du Congrès Marx international, quelles évolutions a-t-on pu observer ?

Jacques Bidet. Nous regroupons notre travail par grandes disciplines ou par grands chantiers transversaux (écologie, féminisme). Nous travaillons tous à quelque chose que l’on peut appeler « la théorie », qui est l’objet commun des diverses sciences sociales. Nous voulons qu’elle soit une théorie socialement critique. Nous essayons de faire émerger dans tous les domaines du savoir et de la culture une ligne de force vraiment populaire. Nous avons en commun la référence à Marx, c’est-à-dire, au fond, à un certain altermondialisme. Il y a évidemment du nouveau dans cette période où tout change.

On observe la montée en puissance d’un certain marxisme universel de la langue anglaise et dont l’épicentre est aux États-Unis, mais aussi dans l’ancien Empire britannique, à commencer par l’Inde, tout autant qu’en Europe. Et d’un autre côté, on peut voir que tout un pan du marxisme chinois s’est aussi engagé en ce sens. Ce marxisme-là, et cela est nouveau, peut communiquer avec le marxisme insurrectionnel des Sud-Américains. La planète s’est concentrée. Sans voyages en superjet, seulement par Internet, les liens sont devenus très étroits entre les divers foyers de lutte émancipatrice de par le monde, et aussi entre les chercheurs qui y participent.

Entretien réalisé par Laurent Etre

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