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Accords PCA - FLN

Lettres du PCA au FLN ; JUILLET - AOÛT 1956

lettres du Comité central du PCA au FLN le 12 juillet 1956 et le 16 août 1956

mercredi 1er juillet 2009

LETTRE DU 12 JUILLET 1956

PARTI COMMUNISTE ALGÉRIEN
COMITÉ CENTRAL

À LA DIRECTION DU FRONT DE LIBÉRATION NATIONALE

Le 12 juillet 1956

Chers Frères,

Au cours des entrevues qui ont eu lieu dans le courant des mois de mai et juin entre représentants du F.L.N. et du P.C.A. nous vous avons fait part de la position de notre parti sur le problème vital de l’union nationale dans la guerre de libération.

Nous avons proposé la transformation du F.L.N. en une sorte de Conseil national algérien de la Résistance (peu importe le nom de l’organisme, qui peut garder l’appellation du F.L.N.) par son élargissement notamment aux communistes algériens.

  1. Sur un programme commun. De ce point de vue, nous considérons que la plate-forme définie par le F.L.N. dans le journal tunisien L’Action constitue déjà une base positive. De même nous considérons comme positives les récentes prises de positions politiques du F.L.N. qui traduisent la maturité grandissante de notre mouvement national.
  2. Dans le respect de l’indépendance politique et organique de chaque parti et organisation.

Vous n’avez pas admis ce point de vue. Considérant que l’adhésion au F.L.N. est incompatible avec l’appartenance à un parti, vous nous avez proposé, entre autres, la dissolution du P.C.A. et l’adhésion individuelle de ses membres au F.L.N. En cas de non–acceptation par notre parti de cette proposition, vous avez suggéré une formule de coopération F.L.N. - P.C.A. dans un certain nombre de domaines.

Après avoir longuement étudié et discuté ces problèmes la direction de notre parti, unanime a décidé :

  1. De refuser l’idée de dissolution du P.C.A. que nous estimons non – conforme aux intérêts fondamentaux de la classe ouvrière et du peuple algérien.
  2. D’insister auprès de vous pour la prise en considération de notre proposition et la réalisation d’une union véritable qui ne peut se faire par la suppression des tendances, mais dans l’action commune de tous les patriotes pour des objectifs communs.
  3. D’organiser dans l’immédiat la coopération avec le F.L.N., coopération, qui en fait, a déjà commencé d’une façon fructueuse.
  4. D’accepter, dans le but d’accroître l’efficacité de la lutte, l’unification militaire. A ce sujet un accord est déjà intervenu entre votre délégation et la nôtre sur les deux points suivants :
  • Les groupes armés des campagnes et les groupes d’action dans les villes dirigés par les communistes et faisant partie de l’organisation militaire clandestine « Les Combattants de la libération » s’intègrent dans l’Armée de libération nationale et acceptent le contrôle du F.L.N.
    - +Les militants communistes qui sont déjà dans l’Armée de libération ou qui en feront partie n’auront plus de liens organiques et de liens politiques organisés avec le P.C.A. jusqu’à la fin de la lutte armée de libération, sans toutefois renoncer à leur idéal et à leurs convictions politiques.

Ceci précisé, nous tenons à vous exposer avec franchise les raisons qui ont motivé le refus de la dissolution par notre Comité central. Tout d’abord notre parti est d’essence démocratique. Une telle décision serait du ressort d’un congrès souverain. Cependant, même s’il était possible de réunir un tel congrès le Comité central demanderait le rejet de la dissolution et ici nous abordons les raisons de fond.

  1. Le P.C.A. est le parti de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre. En tant que tel il est le défenseur naturel et conséquent des intérêts et objectifs propres à la classe ouvrière et à la paysannerie pauvre. Ces intérêts ne s’opposent pas à ceux de l’ensemble du peuple, ils en sont au contraire le levain permanent. Le but actuel est et reste la libération nationale à laquelle œuvrent les Algériens sans distinction de classe sociale, exception faite de certains féodaux. A cette libération la classe ouvrière et la paysannerie pauvre apportent effectivement la contribution décisive. Or c’est précisément dans la mesure où elles sentent que la lutte libératrice aboutira aussi à des changements dans leurs conditions matérielles d’existence qu’elles participent avec plus d’ardeur à la lutte. L’existence d’un parti marxiste-léniniste fort qui, demain, dans une Algérie libérée du colonialisme poursuivra la lutte pour la suppression de l’exploitation de l’homme, pour la remise de la terre aux paysans qui la travaillent, pour l’instauration d’une société socialiste, l’existence d’un tel parti est d’ores et déjà une garantie que les travailleurs algériens avanceront vers une libération complète c’est-à-dire une libération qui sera non seulement politique, mais aussi économique, sociale et culturelle.
  2. Notre parti est le seul en tant que tel à rassembler dans ses rangs des Algériens de toutes origines, Musulmans, Européens, Israélites. Il éprouve une légitime fierté d’avoir formé des patriotes conséquents, non seulement parmi les Musulmans qui subissent directement l’oppression nationale, mais aussi parmi les Européens, comme en témoignent l’action et d’Henri Maillot, Maurice Laban et tant d’autres héros qui luttent et meurent pour que vive l’Algérie libre et indépendante. Ce faisant notre parti a porté un coup très dur à la politique de division raciale des colonialistes. Il a réussi à détacher une fraction non négligeable de travailleurs européens de l’influence du colonialisme et à faire avancer ainsi la cause de la nation algérienne. L’existence et le renforcement du P.C.A. sont une garantie que cette évolution se poursuivra dans l’intérêt du mouvement national. Sa dissolution aboutirait au contraire à un recul de cette évolution.
  3. Une dissolution éventuelle du P.C.A. apparaîtrait comme une condamnation ou un renoncement à son passé, à ses luttes, à ses traditions. Or notre parti a conscience, tout au long de plusieurs années de lutte, d’avoir contribué à la juste orientation, au développement politique et organique et à l’essor actuel du mouvement national (les colonialistes qui l’ont dissous ne s’y sont pas trompés). C’est pour quoi le P.C.A. ne peut renoncer à apporter sa contribution originale au mouvement, à se préoccuper du déroulement de la lutte, à donner sa position sur les questions d’intérêts général, à élever le niveau du mouvement grâce à un contenu politique toujours plus sain.
  4. L’existence du P.C.A. renforce la sympathie dont jouit la cause de l’Algérie chez tous les peuples, au sein du camp du socialisme et en particulier dans la classe ouvrière française. Ce qui aboutit à élargir les forces anti-impérialistes solidaires de notre combat.
  5. Enfin l’existence du P.C.A., dont les efforts ont toujours tendu vers la formation d’un Front national démocratique algérien, est une garantie que cette union ira se renforçant sur le triple plan de l’unité ouvrière au sein d’une centrale syndicale nationale unique, de l’unité politique des forces nationales et démocratiques et de l’unité militaire des forces armées de la Résistance. Des progrès ont été réalisés en ce sens. Il importe de faire plus encore. Pour sa part le P.C.A. n’y faillira pas.

Comme vous le voyez ces considérations ne s’inspirent nullement de questions de prestige ou d’étroits intérêts de parti, mais bien au contraire de l’intérêt présent et à venir de l’Algérie, à l’heure où se pose pour notre peuple le dilemme : vaincre ou mourir.

La coopération qui s’instaure entre nous sera, nous l’espérons, de plus en plus fructueuse. Elle fera reculer la méfiance et les préjugés, tous les germes de division. Elle renforcera l’estime et la compréhension mutuelle entre les fils d’une même patrie. Elle fera avancer la cause de l’union. Elle hâtera l’heure de la victoire.

Veuillez croire, chers Frères, à nos sentiments patriotiques.

COMITÉ CENTRAL

PARTI COMMUNISTE ALGERIEN


LETTRE DU 16 AOÛT 1956

PARTI COMMUNISTE ALGÉRIEN

COMITÉ CENTRAL

À LA DIRECTION DU FRONT DE LIBÉRATION NATIONALE

Alger le 16 août 1956

Chères Frères,

Après avoir pris connaissance de notre lettre du 12 juillet vous avez exprimé verbalement le désir qu’elle ne soit pas rendue publique. Nous aurions aimé que l’argumentation, à l’appui de votre demande, nous fût exposée par écrit. Ce qui aurait permis une étude plus approfondie de notre part.

De toute façon, votre argumentation peut à notre sens se résumer ainsi : publier cette lettre c’est faire connaître officiellement la coopération entre le F.L.N. et le P.C.A. ce qui d’après vous, aurait comme conséquence d’aliéner à la cause algérienne certaines sympathies dans les pays à gouvernements anticommunistes ou hostiles aux communistes. Cela ralentira et l’achat d’armes et leur acheminement vers l’Algérie.

Cette argumentation ne nous a pas convaincus. En effet :

  1. La coopération P.C.A. - F.L.N. rendue publique accroîtra sur le plan national l’enthousiasme et la résistance de notre peuple.
  2. Elle inquiètera et fera réfléchir les impérialistes français et leurs soutiens anglo-américains, et hâtera l’heure des négociations et de notre libération en révélant l’unanimité des Algériens sans distinction politique et d’origine ethnique.
  3. Les gouvernements les plus anticommunistes sont en même temps, en règle générale, les plus farouchement opposés aux mouvements de libération nationale, et notre peuple ne peut par conséquent rien en attendre. L’exemple le plus typique est celui du gouvernement américain qui, sous une phraséologie « anticolonialiste » cache en réalité un important soutien politique et militaire au colonialisme français.
  4. Le combat de l’Algérie est politique. La lutte armée est la continuation de ce combat politique par des moyens militaires. Or, dans quel contexte politique mondial se déroule notre lutte ? L’exemple de la nationalisation du canal de Suez nous fournit la réponse à cette question. Qui soutient l’Egypte ? Qui la menace ?

Face à la collusion Angleterre - France appuyée par les Etats-Unis, l’Egypte n’est pas seule. Elle est soutenue par tous les partis communistes du monde entier, par les forces mondiales de paix, par le camp du socialisme, par de grands états comme, l’Inde, la Chine populaire et surtout l’U.R.S.S. en un mot par toutes les forces anti-impérialistes internationales.

Rendre publique la coopération F.L.N. - P.C.A. ne fera à notre avis que renforcer la solidarité dont bénéficie la cause de notre peuple auprès des forces anti-impérialistes mondiales en particulier dans le camp du socialisme et dans les rangs de la classe ouvrière de France et autres pays capitalistes. Autrement dit la participation des communistes algériens au combat patriotique de leur peuple ne peut que profiter à l’Algérie sur le double plan intérieur et extérieur.

C’est pourquoi votre argumentation ne nous a pas convaincus. Cependant, animés par le désir d’éliminer tout sujet de discorde à un moment crucial de notre existence nationale, et de faire un nouveau pas sur le chemin de l’union totale, sans exclusive, de toutes les forces nationales et démocratiques, nous avons décidé de surseoir à la publication de notre lettre, qui a été portée, comme nous l’avons déjà dit, à la connaissance de nos militants, étant donnée la discussion qui s’est instaurée au sein de notre Parti sur les rapports F.L.N. – P.C.A. Nous sommes convaincus que notre geste unitaire aura des répercussions heureuses sur la coopération F.L.N. – P.C.A. dans l’intérêt supérieur de l’Algérie.

Veuillez croire, chers Frères, à nos plus amicales salutations.

LE COMIÉ CENTRAL DU P.C.A.

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