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LA CHANSON BÉDOUINE DE L’ORANIE

lundi 9 janvier 2012

LA CHANSON BÉDOUINE [1] DE L’ORANIE.
BRÈVE ESQUISSE

Introduction générale :

Depuis les débuts du 20éme siècle et grâce à l’apparition de l’enregistrement en disque 78 tours d’abord, ensuite 45 et 33 tours , enfin en cassette et CD/DVD , le genre musical bédoui algérien en général , et oranais en particulier a été sauvegardé partiellement ,dans la physionomie qu’on lui connaît actuellement. La radio et la télévision aussi ont constitué des moyens importants pour la production, et l’enregistrement de ce genre . A notre connaissance il n’y a pas eu de transcription en partitions écrites qui accompagnent les divers répertoires de poésie melhoun publiés. [2]


On peut subdiviser ce genre (jins)

en trois grands

sous - genres,

à savoir “bédoui sahraoui
(dit eye yey)”
,

“bédoui chaoui”

et enfin “bédoui wahrâni” , objet particulier de notre présente étude.

Sur ce sujet, il n’ y a pas eu de travaux de recherche particulière (mis à part des articles qui le survolent), sur l’aspect musical et musicologique publiés, sans compter des travaux sur la poésie melhoun qui lui est intimement liée, et cela à l’exception d’une petite étude intéressante, mais incomplète sur la guesba algérienne qui englobe tous les trois sous-genres de bédoui algérien. La nôtre remonte par sa matière documentaire à 1993/94, avec une mise à jour actuelle. [3]

1) Genèse et évolution du bédoui wahrâni :


Les premiers enregistrements de bédoui qui nous sont connus à Oran et en Oranie, au début du siècle passé sont ceux des cheikhs Snoussi, Ould Mnaouer, Benhmida, Hamada... sur des textes de melhoun de Boudissa, Ali Koura, Benguenoun, Mostefa Benbrahim, Hadj Khaled... On peut dater ce genre musical, comme de la poésie melhoun dont il a été le support mélodique depuis le 16 éme siècle, phase de la décadence de la civilisation arabo - musulmane. Mais ses racines remontent à plus loin, et au moins au 12éme siècle qui a connu la grande vague migratoire des tribus Banû Hilal, Banû Souleim et Banû Mâqil qui ont déferlé sur tout le Maghreb en introduisant leur langue antéislamique et mélopées bédouines et genres (hûda, naçb, hazaj, sinâd, khabab...), et sa progression vers le Maghreb central, conditionnée par de grands bouleversements sociopolitiques, bien que la conquête musulmane de l’Afrique du nord et de l’Andalousie, œuvre des berbères eux - mêmes principalement, a été antérieure à l’arabisation culturelle et linguistique. Mais il y’a eu adoption des instruments ruraux ancestraux locaux (berbères) comme la guesba et le guellal (qallouz),ainsi que le métissage-brassage linguistique en profondeur et celui des systèmes musicaux. [4]

Ce qui est sûr, c’est que les couches sociales auxquelles ce genre se rattache, qui sont les nomades dont une partie s’était sédentarisée pour former la classe paysanne, avec le maintien du caractère tribale de la structure de base au ‘’douar’’, ainsi que le phénomène permanent de la transhumance (‘achaba) entre le tell, les hauts - plateaux, et les confins du Sahara avaient donné naissance à une élite de notables chorfas et adjouads à partir de l’époque turque (bachaghas, caïds, cheikhs, imams, talebs, khelifas, cadis, khodjas, oukils, aghas, chaouchs...) dont la poésie melhoun et le bédoui représentaient l’art raffiné ; et la waâda annuelle ( fête de la fin de saison agricole, et en honneur au Saint patron de la région) servait d’occasion à la jouissance intellectuelle et artistique, à côté de la pratique de la fantasia (goum) - art équestre - avec le sport du tir au fusil en chevauchée sous forme de ‘’ngadi’’. Son aire géographique déborde souvent l’Oranie , pour se propager jusqu’à Alger et Boumerdes, vers l’Est, et dans l’Est du Maroc (Oujda, Berkane...) vers l’Ouest. L’Etat embryonnaire mobile de l’Emir Abdelkader (poète et savant) - la Zmala - avait permis l’éclosion éclatante de ce genre qui était érigé au rang de musique officielle à côté de la nouba dite andalouse. Il représente un genre musical lié aux nomades sédentarisés, reflet d’une civilisation bédouine (‘Umran badaoui) qui dans le contexte de l’acculturation coloniale s’était refugié, dans la cité urbaine, en coexistant avec les genres musicaux citadins. Tout cela appartenait à un système de valeurs d’éthique sociale de ce ’“Umran badaoui” ou civilisation rurale et son esprit chevaleresque, dont le sous-genre musical “bédoui wahrâni” représente un vrai vestige immatériel ayant subi quelques altérations. Les zaouïas soufistes ont été le meilleur refuge de ce patrimoine poético-musical ancestral, d’où sont issus presque tous ses bardes et chantres. [5]

2) Caractéristiques esthético-musicales
et variantes du bédoui wahrâni :

En auditionnant la musique de la guesba sans parole, l’oreille avertie du mélomane arrive à différencier entre les trois sous - genres du bédoui algérien, et le genre “raï trab - rural” qui s’exécute avec les mêmes instruments en Oranie.
“bédoui wahrâni” est caractérisé par la primauté de la qsida du melhoun - klem el jed et el hezl - (textes poétiques), et exige donc un effort d’écoute et de compréhension, alors que la musique ne fait que soutenir le chant.

Il est moins diversifié dans ses modes et échelles musicales que les deux autres sous - genres de bédoui algérien, mais en général tire son esthétique d’abord par la qualité et la richesse de la poésie melhoun.
Sa gamme musicale simple est le produit d’une évolution de plusieurs siècles, pourtant constituée d’une seule tierce qui peut être augmentée.
La guesba reproduit la même mélodie vocale en interlude (jwab).

Il y’a une similitude , voire une homogénéité frappante entre les échelles musicales les plus typiques relevées dans les différentes wilayas, malgré l’existence de styles particuliers diversifiés.

Il se caractérise par trois mouvements successifs et progressifs, sans final dansant et n’a pas de lien d’ailleurs, comme le raï trab, avec la danse. [6]

Le bédoui wahrâni connait cependant diverses formes comme le guebli (ad libitum) sans percussion, le mekhzni rythmé avec la percussion du guellal , le bsaïli qui se joue sans guesba en une déclamation poétique accompagnée seulement de la percussion du guellal ( genre de rap primitif qui convient au chanteur n’ayant pas de voix très mélodieuse).

Il en existe également la forme qui a subie l’influence de genres citadins en ville qui s’appelle le baladi (chaque ville a son propre baladi), ou qui se joue avec instruments modernes sans se confondre avec le wahrâni ‘asri.

Il arrive qu’il adopte du melhoun citadin d’habitude chanté uniquement en andalou - hawzi.

Dans sa forme mazouni (Est de l’Oranie), ‘amri (région de Sidi Bel Abbés, Aïn Témouchent...), mekhzni ( périphérie d’Oran, Mascara, Mostaganem), guebli ( sud à partir de Saïda... ), le bédoui wahrâni prend des formes qui diffèrent toutes légèrement par l’accent local et la prononciation , mais il reste fondamentalement uniforme comme sous - genre avec ces quelques variantes.
Il est le résultat principalement d’une sorte de synthèse esthético - musicale arabo - berbère. [7]

La musique vocale ayant la primauté, et sa caractéristique essentielle est la monodie basée sur le système modal (tab’i).
Le chant syllabique homophonique et à l’unisson est dominant par rapport au mélismatique (qui entraîne la ‘’ dendana ’’ comme onomatopée).
Son système rythmique (mîzan) est un cycle immuable répétitif avec un nombre d’unités de temps en forme (binaire, ternaire, ou quaternaire), et leur qualité sonore (faibles, fortes, sèches, sourdes et accentuée).
La composition musicale très simple dans ce genre, qui ne tolère pas d’improvisation comme le raï trab-rural, est toujours pratiquée avec parfois des emprunts au sous - genre dit eye yey ( chergui ) un peu plus mélodieux, qui lui aussi s’inspire du bédoui wahrâni dit gharbi chez les interprètes du premier sous - genre.
La mélodie reste l’âme de ce genre comme de toute musique dans le monde entier, quelque soit le progrès polyphonique et harmonique. [8]

3) Organologie
et orchestration du bédoui wahrâni :

Les instruments de musique utilisés dans ce genre sont deux à trois guesbas (flûtes en roseau) et un guellal ( appelé aussi qallouz dans la région de Saïda...). Ce dernier n’est utilisé que dans ce sous - genre de bédoui contrairement au eye yey et au bédoui chaoui qui utilisent le bendaïr ou bendir pour la percussion.
Il prend la forme cylindrique ou conique et son diamètre est plus réduit que celui de la derbouka, mais sa longueur dépasse celle-ci. Il en existe trois types selon le diamètre du qallouz : ‘Achari (dix) plus grand, sbe’ï (sept) moyen et khmassi (cinq) plus petit .
Il est fabriqué soit d’un tronc d’agave (Sebbâr),soit de ciment et de métal ou de bois spécial (Kerrouche). La peau ou membrane de son cadre est prélevée sur le chevreau (jdye) qu’on fixe avec de l’argile ou du plâtre au - dessus de deux cordes tendues (lawtar) faites de boyaux séchés de chèvre (on y met du corail ’’ mordjens ’’) pour obtenir la meilleure résonance . Et aussi dans le même but , on met du métal au bord de l’autre ouverture qui reste vide, et qu’on couvre bien avec du plâtre.
Son jeu s’obtient surtout avec les doigts de la main droite au centre et au rebord de la peau tendue, alors que les doigts de la main gauche restent fixés sur le rebord supérieur tout en se mouvant.
Dans la chanson bédoui wahrâni il ne se joue qu’en position assise sur la cuisse gauche tenu par le cheikh lui - même ( maître - chanteur et chef d’orchestre) qui fait fonction aussi de ‘’ glaïli ’’ joueur de guellal, et qui souvent muni d’une bague avec laquelle il frappe , de temps à autre, le haut du pourtour sur lequel est fixée la peau , dans une sorte de remplissage rythmique ; et mouille parfois la membrane avec de la salive pour mieux la tendre.
On dit en langage melhounien que le guellal ’’issadi be tengar ’, il retentit avec son timbre reconnaissable dans les interludes instrumentaux, et s’entend à peine lors du chant ou s’arrête totalement. [9]

Le groupe de musiciens ‘’chioukhs’’ comprend, en plus de ce dernier, deux à trois joueurs de guesba (guessabs), dont l’un tient la pédale ( fond musical ) appelé ‘’ rdif ’’, et l’autre ‘’ rkiza’’ le principal qui joue la mélodie.
Mais l’ensemble des flûtistes jouent les interludes après le chant à l’unisson.
La guesba est une flûte en roseau dit pur (guesba horra) coupé au bord de la rivière, dont la longueur de chaque partie (l’entre deux nœuds) est plus réduite que dans le roseau ordinaire n’excédant pas six doigts réunis.
Elle est ensuite ornée (tatouée) par des signes et motifs à l’aide d’une petite lame de couteau, et on y met du henné mouillée qu’on gratte le lendemain pour la colorer.
L’embouchure est constituée de l’ouverture supérieure légèrement taillée et est posée sur les lèvres du côté droit généralement de la bouche, lors du jeu, pour y insuffler de l’air.
Toutes les sortes d’appogiatures (zouaqet) sont utilisées - trilles , trémolos , gruppettos...- pour l’obtention d’une belle sonorité sur une échelle ultrachromatique.
On dit en melhoun ‘’ hwa’’, air mélodique de la ‘’guesba welwela be tesfar’’, qu’elle ulule . Il y’a des bergers qui ont un très beau sifflement ‘’tesfira’’ avec uniquement les lèvres (instrument naturel), dont le timbre s’y rapproche étrangement.
Même au studio numérique le timbre artificiel reproduit de la guesba reste approximatif tout en perdant pour les habitués son cachet naturel ; déjà que le haut-parleur en l’amplifiant lui ôte ce dernier. [10]


Il en existe plusieurs types selon la longueur, le diamètre et le nombre de nœuds du roseau. Leur appellation n’est jamais par rapport au nombre de trous (comme on s’y trompe souvent ). Il y’a la “thlathia” (trois entre-nœuds), la plus courte appelé qechbot, qui est utilisée dans les danses seulement, avec le son aigu, soprano (et donc hors de notre champ d’étude) ; les autres types utilisés dans le bédoui wahrâni sont surtout la ‘’ khmassia ‘’ ( cinq entre-nœuds ) percée de six trous qui à son tour peut être subdivisée en trois sortes selon le diamètre du roseau et par rapport à la tessiture vocale : “Guesba fergha” (vide) à diamètre plus large pour la voix basse et baryton ; “guesba sbûla” (tige) à diamètre moyen qui accompagne la voix contralto et intermédiaire ; et “guesba sbûla sghira” (petite tige) à petit diamètre qui accompagne la voix ténor.
Mais la guesba est différente du ney utilisé dans la musique citadine ; elle n’a jamais de trou percé sur l’autre face, comme ce dernier, et son ambitus est généralement de deux octaves ; comme elle permet de jouer des micro-intervalles (quart de ton). La technique de jeu de cette instrument à vent, à embouchure permet d’utiliser la seconde force de souffle pour étendre l’ambitus. Communément on parle de guesba de guebli et mekhzni, et de leur répertoire en airs et modes musicaux pour différencier avec la guesba de la musique du raï trab - rural. Le guessab ( ou guessasbi ) de ce genre de raï a lui son propre répertoire et ne peut maîtriser celui du bédoui wahrâni. Comme on parle aussi de guesba touila qui peut-être une ‘’sbe’iya’’ ( à sept nœuds ) avec une sonorité plus grave. [11]


La troupe ou le groupe du genre bédoui wahrâni ne comprend jamais de femme chanteuse ou danseuse comme le raï trab , mais il adjoint à son effectif un berrah , crieur-annonceur , qui doit avoir une mémoire prodigieuse pour déclamer des extraits de texte de poésie melhoun entre deux chansons et faire des dédicaces entre les auditeurs.
Ce genre se pratiquait lors des waâdat sous une khaïma ( tente traditionnelle bien équipée en tapis), comme dans les mariages et les ‘’diffas’’ (invitations).
Auparavant, vers la deuxième moitié du 19éme siècle, existaient les cafés-concert dans les villes, comme à “Mdine Jdida”, célèbre quartier d’Oran où des spectacles étaient donnés, mais qui ont disparu avec l’invention du phonographe (appelé cheikh el mohgon) au 20 éme siècle, à cause de son grand pavillon qui ressemble à l’entonnoir.
Chaque café avait remplacé son café - concert par un phonographe.
Actuellement les spectacles de ce genre musical se perpétuent dans des festivals locaux et régionaux, et se diffusent grâce à la radio et à la télévision sur l’ensemble du territoire national et au-delà (partout dans le monde) grâce au satellite et à internet.
L’Etat colonial censurait les textes qu’il jugea subversifs et révolutionnaires dans le répertoire du melhoun mis en musique sur le bédoui wahrâni et mettait en prison (ou en exil) poètes et interprètes de ce genre, qui animaient la résistance nationale depuis 1830. [12]

Aussi l’accoutrement traditionnel des membres de l’orchestre archaïque du bédoui wahrâni était spécial avec le ‘’guennour’’, ‘’klâh’’, ‘’haïk’’ et ‘’khaït’’ ou simplement “amama” (hawaq), le “seroual” “arab (testifa - loubia)”, ‘’sabbat zeit zeit’’ et le barnous (zoghdani) ou la “abaya”, ou encore la ‘’djellaba’’...
Dans le contexte colonial de l’époque, les artistes autochtones tenaient à se différencier identitairement par rapport aux pieds - noirs, et même les bédouins citadinisés par rapport à leur compatriotes citadins de souche. [13]

Conclusion générale :


Le bédoui wahrâni est la source principale du genre “wahrâni ‘asri” à laquelle se sont abreuvés les grands artistes oranais comme Ahmed Wahbi et Blaoui Lahouari... qui ont donné à la musique algérienne moderne des œuvres d’une haute qualité esthétique, y compris dans des formes très élaborées (opérettes, melhouniats, variétés...)
Il représente une forme supérieure de la création bédouine avec son melhoun de facture élevée, et ses belles mélodies d’un instrument à vent naturel très simple au timbre inimitable, et indétrônable malgré la technologie numérique (la guesba coexiste avec les instruments à vent modernes sans disparaître). C’est pour cette raison qu’il s’intitule “Ettârab el badaoui” qui éblouit par son effet d’éthos induisant l’état émotionnel d’extase lorsque l’habitude auditive s’y prête.
Le caractère répétitif de la formule mélodique, n’est pas fait pour ennuyer, mais pour engendrer cette état de ’’tarab‘’.
Un exilé ou émigré dont la musique maternelle a été la mélodie du bédoui ou du folklore, peut perdre la langue parlée, mais jamais celle-ci qui reste ancrée dans l’âme profonde, surtout dans un contexte de déracinement. [14]

Dans le cas du sous - genre bédoui wahrâni son esthétique est basée sur la mise en relief du poème melhoun par le support mélodique qui se limite à une fonction secondaire.
C’est la beauté du texte qui prime avant tout, avec sa propre musicalité interne qui découle de la métrique et de la prosodie (rimes, mesures syllabiques justes...).
Tout l’art du cheikh est dans le choix de la bonne composition musicale, et l’adaptation du texte poétique, qui s’ajoute à la beauté de la voix généralement de tessiture basse ou baryton, dotée d’une bonne impédance ramenée, et de valeur de la chronaxie récurrentielle appropriée, et de son entraînement par les techniques vocales.
C’est pour cela que dans leur majorité les cheikhs chanteurs du bédoui ont fait l’école du tajwid. [15]

Oran-Aïn Témouchent , le 05 janvier 2012.

Boumédiene Lechlech

(Chercheur-musicologue)



les illustrations ont été prises par socialgerie sur le Web


[1Bédouine : Ce terme dérive étymologiquement de ‘’ badiya ’’ ( campagne ). Ibn Khaldoun distingua dans la Muqâdima entre le ’“Umran Badaoui” ’ civilisation campagnarde par rapport au “Umran Hadhari” civilisation citadine .
La chanson bédouine en général englobe une vaste aire arabo-musulmane de la vie nomade et semi - sédentaire.
Ce mode de vie préexistait chez une partie des Amazighs comme les “Musulames”, ’’Garamantes’’ et ‘’Gétules’’ dans le sud de l’Afrique du nord à l’époque antique ; comme d’ailleurs il persiste chez les ‘’Touaregs‘’, et ce n’est pas pour autant que leur musique soit catégorisée comme du bédoui ( leur flûte est le ‘’taghanib‘’ jouée par l’homme et leur gamme musicale pentatonique), ou que la bédouinité soit exclusivement assimilé à l’arabité.
Une étude musicologique analogique sur le bédoui du monde . musulman est nécessaire pour cerner le fond commun et les particularités régionales.

[2-* Mohamed Elhabib et Ahmed Hachelef, “anthologie de la musique arabe 1906 - 1960” , Publisud CCA , Paris 1993.

  • Il y a eu plusieurs publications de “diwan” (répertoires) de poésie populaire “melhoun”, dont des textes chantés ;
  • mais pas du tout de transcriptions en partitions musicales dans le genre bédoui wahrâni. Qu’ont fait l’IRFM et les conservatoires de l’Oranie ?.
  • À l’ONDA un travail considérable reste à faire pour la protection de ce patrimoine et les droits de ses véritables auteurs.

[3-* Il existe d’autres sous-genres de bédoui algérien comme dans la région d’Oued Souf avec la ghaïta et non la guesba .

  • Et le bédoui chaoui se particularise par une seconde phase avec pas de danse, parfois interprétation féminine et poésie tamazigh, comme il en existe une variante dite staïfi. -* On a entendu parler par ouï-dire d’une étude sur le bédoui sahraoui dans la bibliothèque de l’I.N.M à Alger d’un ex.directeur. -* Cette étude est au musicologue Vàclav Kubica du musée de Prague. Elle est très limitée sur le bédoui wahrâni. -* Nous avons abordé le sujet dans notre lexique inédit de 1993, et la compilation de l’émission -radio de 1994 sur la musique . algérienne. Il restait à mieux clarifier la terminologie des différentes variations de formes et styles du bédoui wahrâni.

[4-* “Anthologie de la musique arabe” (ouvrage cité). -* Mohamed Belhalfaoui, “la poésie arabe d’expression populaire maghrébine”, Paris, Maspero, 1973. (Celui-ci attribue le poème du cheval chanté par Ould ElMnaouer ‘’aya n’raouhou ya ‘awdi‘’ à Bessouiket ; autre controverse comme ‘’biya dhaq elmor’’) ! -* Ce genre de recherche relève de l’oralit, et en l’absence d’enregistrement avant le début du siècle passé, et l’existence . seulement de quelques références sur le ‘’ chi’r melhoun ’’ (poésie populaire), mais pas de traces écrites sur la musique . bédouine avant le 19ème siècle, comme sur la nouba dite andalouse. Il est difficile d’imaginer l’évolution concrète de ce genre et sa distinction mélodico-rythmique par rapport à sa forme rudimentaire initiale. Seule l’approche ethnomusicologique et historique globale nous permet de formuler des hypothèses et de les confirmer au fur et à mesure. -* L’historiographie orientaliste (colonialiste) et peupladethnociste ‘’shou’oubiste’’ se rejoignent sur l’interprétation négative de ‘’ l’invasion Hilâlienne’’, alors que le bédoui est un exemple (de musique populaire) d’une synthèse et symbiose magnifiques entre arabes et berbères, comme d’ailleurs la nouba dite andalouse (de musique savante). -* Mahmoud Guettat, “la musique classique du Maghreb” , Sindbad, Paris 1980. -* Tareq Ibn Ziad l’Amazigh (originaire d’Oulhaça) avait joué le rôle majeur dans la conquête musulmane de l’Andalousie.
Les bédouins du ‘’Shem’’, d’Arabie...utilisent ‘’Rabeb echa’ir’’ (vièle du poète, monocorde frottée) au lieu de guesba.

[5-* Hamdan Benothman Khodja, “Le miroir”, SNED , Alger 1975. (Réédition) ; -* Azza Abdelkader, “Mestefa Benbrahim - Barde de l’Oranais et chantre des Béni Amer” - Alger , SNED , 1979.

  • Mohamed Cadi, “Elkenz elmeknoun fi echi’r el melhoun” - Alger - 1928 - Imprimerie Ethaâlibya.
  • La fantasia ou ‘’goum’’ remonte à l’antiquité préromaine. Les Massaysils , Massyls (Numides) et les Maures étaient . d’excellents cavaliers dans le combat et très convoités par les armées carthaginoise et romaine ( comme les arabes). -* Les deux poètes melhouniens réputés de l’Emir Abdelkader sont : Tahar Benhawa et Kaddour Ould M’hamed. Ils ont eu des . démêlés avec lui et ne sauvèrent leur peau que grâce à de beaux textes poétiques !

[6-* Document du colloque national sur la musique algérienne , El-Riath Alger, décembre 1964.

  • Cette rencontre avait ignoré le genre raï trab-rural et moderne qui va faire une percée nationale et mondiale fulgurante !.
    Bachir Hadj Ali poète-musicologue en fin observateur, sorti fraîchement de prison et résidence surveillée , rendra visite à la diva cheikha Rimitti, et prédira un avenir prometteur au genre raï pour qui déjà l’engouement massif des jeunes était un indice probant.
    Mais le bédoui wahrâni reste une forme musicale plus élaborée que le trab,certes pour un public plus réduit.
  • Vàclav Kubica, “la Qasba algérienne et sa musique” , Nàprstek Museum Prague, 1980. -* Blazerna et Helmholtz ont démontré in (“le son et la musique” - 1877) que l’histoire des gammes musicales prend des siècles. -* Les trois mouvements sont : Ad libitum, largo, et accelerando. Et le guessasbi ‘’rkiza’’ module souvent la gamme ; comme on note une harmonie archaïque due à la pédale tenue par le second flûtiste ‘’rdif’’.

[7-* Il n’y a aucune concordance entre les témoignages oraux des chioukhs, mais une confusion totale dans la classification des variantes du bédoui wahrâni.
À mon avis,il n’y a qu’un seul genre ou sous-genre, les variations concernent plutôt les divers modes (maqâms) que les flûtistes jouent en ignorant leur dénomination : Buslik, bayâti, sabâ, hijâz, nahawend, ’ajam...

  • Guebli : vent du sud ( sirocco ), ici musique sans rythme du guellal (ad libitum).
  • Mekhzeni : Ce terme dérive de la cavalerie représentante des tribus, chargée de l’ordre et de la quête du tribut, ici musique rythmée (avec percussion) par opposition au guebli.
  • Baladi : Du pays ; ici musique locale. La dénomination des formes du bédoui wahrâni devait correspondre à des régions habitées par des “archs” confédérations tribales et toponymes.
    La situation actuelle nécessite l’établissement d’une classification conventionnelle et scientifique uniformisée à l’ensemble de l’Oranie, de l’Algérie et du Maghreb. -* Le bédoui wahrâni tel qu’il nous est arrivé ne peut revêtir la même forme de ses débuts, il s’était construit certainement sur l’évolution de la structure musicale très simple des mélodies du berger nomade au croisement de la structure de la poésie melhoun, et celle des meddahs (imedhyazens), de la musique sacrée (tajwid, medh, dhikr et sama’ ) qui se sont synthétisés et complexifiés durant un temps très prolongé (des siècles).
    La pensée esthétique mythique soufiste depuis le 12 éme siècle avait constitué la sève nourricière en prolongement des croyances païennes antéislamiques tolérées ou islamisées.

[8-* Simon Jargy, “la musique arabe”, Paris , 1971 , PUF. -* Patrick Lama, “la musique populaire palestinienne”, E.T.C, Paris, 1982. -* Mikis Theodorakis, “Essai pour l’analyse d’une expérience musicale”, Editions Flammarion, Paris 1970.

[9Lexique inédit (1993), et compilation d’émission radiophonique (1994) de la musique algérienne de l’auteur.

[10- Idem. ; (L’UNESCO doit aussi sauver la guesba et sa musique millénaire , comme elle le fait avec l’Imzad).

[11-* Idem. ; ( La seule alternative d’évolution de la facture instrumentale de la guesba est chez les indiens - flûte de pan -) !

  • Ahmed Amine Dellaï dans le recueil “‘’Paroles graves et paroles légères ‘’ de chants bédouins de l’Oranie”, édité à l’ENAG - Alger 2003, se trompe sur la classification de la guesba par rapport au nombre de trous. La guesba est d’origine berbère et exclusivement maghrébine, elle était dénommée “aghanim” d’où le toponyme Mestghanem.
    Quant à la classification de la musique bédouine, il reproduit la confusion existante chez les chioukhs. De notre point de vue, l’origine de ce sous-genre est une synthèse arabo-berbère (musulmane), contrairement au raï trab et rural (non bédouin) dont le substrat est berbère (contrairement à son avis donné dans les cahiers du CRASC n°15 où il le fait dériver du bédoui wahrâni).
  • Il existe même une “guesba ‘acharia” (dix entre-nœuds) utilisée surtout au Maroc, pays dont l’Est jusqu’au fleuve Moulouya (ancienne limite du royaume des Massaysils ou Numidie occidentale de Syphax) contient les mêmes genres musicaux de l’Extrême -Ouest. (Ahmed Aydoun - “musiques du Maroc” - Editions EDDIF ). Ce dernier ne cite pas le bédoui et le raï (rural et moderne) pourtant bien visible autour de la région d’Oujda, alors qu’il cite le gharnati . Il est vrai que le terme melhoun prend aussi une signification d’un genre musical semblable à la ‘’ferda’’ de Knedsa , introduite à Oran qui interprète le répertoire de la poésie melhoun , comme le chaâbi algérien dont il se rapproche beaucoup musicalement et poétiquement.

[12-* Azza Abdelkader indique la ‘’teguesra’’ avec ‘’reguessat ‘’ du temps de Mestefa Benbrahim , alors qu’au 20éme siècle cette forme était liée au genre raï rural des cheikhat chanteuses et danseuses pour un public exclusivement masculin.

  • Jules Rouanet - “la musique arabe” - Encyclopédie de la musique - Paris - 1922.(Etude pleine de déformations et de préjugés)
  • Les exemples sont multiples depuis cheikh Abdelkader en 1830 (prise d’Alger), en passant par Ould Belkheir exilé... à 1954.

[13-* Même l’orchestre andalou-hawzi autochtone et judaïque (Séfarade) avait ce bel accoutrement en Oranie et au Maghreb.

[14-* Compilation d’émission radiophonique et lexique cités.

[15-* Raoul Husson, “le chant” - Paris - 1962 - PUF.

  • Zakaria Makri - “le Tajwîd” (Règles de la lecture coranique) - Paris - Editions Tawhid - 2008.

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