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GRÈCE : LA PREMIÈRE GRANDE VICTOIRE PROGRESSISTE ET L’ODYSSÉE DE ALIKI

lundi 7 mai 2012


LA PREMIÈRE GRANDE VICTOIRE PROGRESSISTE EN GRÈCE - Alain Salles - Athènes - Le Monde- le 7 mai 2012.


GRÉCE : ALIKI, LA RÉSISTANCE EN HÉRITAGE - Karen Lajon, envoyée spéciale à Athènes - “Le Journal du Dimanche” - mercredi 02 mai 2012.


À Athènes, le 6 mai au soir, Alexis Stipras, le chef de coalition de la gauche radicale, dont le parti, Syriza, est devenu la deuxième force politique après les élections législatives grecques. | REUTERS/STRINGER

LA PREMIÈRE GRANDE VICTOIRE PROGRESSISTE EN GRÈCE

Syriza, la coalition de la gauche radicale, devance le Pasok

Alain Salles à Athènes
“Le Monde” - correspondant)

La surprise est venue d’extrême gauche. Dotée de 4,6 % des voix en 2009, la coalition de la gauche radicale (Syriza) est devenue le parti numéro deux du paysage politique grec, avec 16,75 % des voix, trois points derrière Nouvelle Démocratie (ND, droite) et surtout devant le Pasok, qui domine le paysage de la gauche depuis 1981.

Si Antonis Samaras, chef de ND, arrivée en tête, ne parvient pas à former un gouvernement, le président de la République devra donc demander à Alexis Tsipras, dirigeant du Syriza, de faire la même tentative.

"Notre programme est un gouvernement de gauche qui annule le mémorandum. Nous ferons tout pour que le pays ait un gouvernement qui dénonce l’accord de prêt", a expliqué M. Tsipras, qui s’est félicité de ce "message de révolution pacifique".

Très hostile aux mémorandums signés avec la "troïka", qui imposent de sévères mesures d’austérité, M. Tsipras est favorable au maintien de la Grèce dans la zone euro.

UNE STRATÉGIE PROCHE DE CELLE DU FRONT DE GAUCHE

Le Syriza a construit son succès en s’adressant aux jeunes. "Il a mené une campagne cohérente et claire qui a séduit d’anciens électeurs déçus du Pasok et les jeunes. Il arrive en tête dans de nombreuses zones urbaines", explique l’analyste politique Georges Sefertzis.

Le parti doit son succès au style de son leader, un ingénieur de 37 ans qui tranche dans une classe politique en mal de renouvellement. Si son allure rappelle, en France, celle de l’ancien porte-parole du NPA Olivier Besancenot, sa stratégie est plus proche du Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon.

Le Syriza regroupe différents petits partis de gauche et d’anciens communistes, comme M. Tsipras lui-même. Il a également fait plusieurs tentatives pour rassembler les partis de gauche hostiles au mémorandum, mais s’est heurté aux refus du Parti communiste grec (KKE) et de la Gauche démocratique, un parti dissident du Syriza. Le KKE (8,4%) n’améliore que d’un point son score de 2009, tandis que la Gauche démocratique (6 %) est loin du score que lui prédisaient les sondages.

Alexis Tsipras a su s’entourer d’intellectuels et de grandes figures comme Manolis Glezos, le héros grec qui décrocha le drapeau nazi de l’Acropole en 1941. Triste ironie du sort, l’infatigable militant de 89 ans reviendra au Parlement comme député du Syriza, au moment où un parti néonazi, Aube dorée, y fait son entrée, avec près de 7 % des suffrages.

Alain Salles (Athènes, correspondant)

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GRÉCE : ALIKI, LA RÉSISTANCE EN HÉRITAGE

Le drapeau du Parti communiste grec et un autre à l’effigie de Che Guevara flottent près d’une usine en grève, le 1er mai dans la banlieue d’Athènes. (Reuters)

Karen Lajon,
envoyée spéciale à Athènes
Le Journal du Dimanche
mercredi 02 mai 2012

Fille de militants antifascistes, Aliki Papadomichelaki perpétue une tradition grecque en luttant pour défendre les idées très à gauche qui lui ont été léguées.

Le poids de l’Histoire. Aliki Papadomichelaki le connaît intimement. Elle est la fille de deux héros de la résistance grecque, une femme et un homme qui ont dit non au fascisme, par le passé. Une femme et un homme qui ont préféré sacrifier leur vie pour une cause qui les dépassait : celle de la liberté et des droits de l’Homme.

Le poids de la dette. Un peu, sans doute. Même si Aliki, 69 ans, ne le présentera jamais comme ça. Donner, rendre, par respect pour tous ceux qui se sont sacrifiés pour les grandes idées, les valeurs suprêmes. Ses parents ont construit leur vie autour de cela. Et celle de leur fille, unique, forcément.

Aliki est la fille de Dionysia et Stelios Papadomichelaki. Dionysia, la mère, fut l’un des membres fondateurs de Solidarité nationale, la première organisation antinazie, avant le Front de libération grec. Stelios, le père, fut l’un des premiers membres du Parti communiste hellénique. La rencontre de ces deux jeunes êtres en quête d’idéal absolu est fulgurante et fugace. Très vite, ils fuient Athènes, rejetant la collaboration du gouvernement à l’occupant nazi. Dionysia, enceinte, se retrouve à Tricala, une île au milieu de nulle part, dans la mer Egée. Un enfer sur terre sous un soleil de paradis. Stelios est envoyé dans un camp de concentration à Agios Efszratis, où sont parqués tous les prisonniers politiques.

Un antidote contre le fascisme

Le couple s’aime d’amour fou. Se dessine alors, un scénario rappelant l’histoire du couple Aubrac. Dionysia organise l’évasion de son amant devenu époux (elle l’avait épousé en prison en 1937). Elle réussit. Nous sommes en 1943. La lutte ne s’arrête pas là. Bientôt, c’est la guerre civile en Grèce. Le couple est encore une fois séparé. Entre-temps, la petite Aliki est née. Elle suit sa mère dans le camp de concentration de l’île Makronissos, aujourd’hui inhabitée.

La mère et l’enfant y resteront deux ans et demi. Aliki affirme qu’elle en a encore des souvenirs vivaces. "Je me souviens de tout, des odeurs, des bruits, des cris. J’entendais que l’on faisait du mal à ma maman, vous pensez bien que je ne l’ai pas oublié." Les pleurs, les hurlements, les gens qui deviennent fous, disparaissent pendant des heures ou à jamais, la vieille militante les entend encore. Mieux, on sent qu’elle les garde précieusement en mémoire. Comme un antidote contre le fascisme.

Mais l’île, cette prison, n’est pas que douleur et torture. Elle est aussi apprentissage. "C’est là que j’ai appris à lire et à écrire. Tout n’était pas noir. Mais surtout, c’est là que j’ai appris le sens du collectif, les autres, l’autre. Ce furent mes premiers pas vers le militantisme."

Le temps des leçons, mais aussi des questions. Où est donc ce père, ce héros dont la mère fait sans cesse l’éloge ? Aliki a déjà 17 ans lorsqu’elle le revoit pour la première fois. "C’était un homme très doux, très tendre, un poète", dit-elle. Elle entrevoit son père qui enlace sa mère. Elle imagine un petit frère. Elle ne l’aura jamais. Lorsque son père sort du camp, il a 57 ans.

Le marché faustien des colonels

Aliki est donc la fille de ce couple héroïque et imposant. Quel sera son destin à elle ? Nous sommes en 1964. La jeune fille part en Tchécoslovaquie étudier l’économie. Premier appel du destin, elle vit le Printemps de Prague. Avec fougue et passion. Mais la vie politique de la Grèce la rattrape : sa mère, à 61 ans, est à nouveau emprisonnée. Elle restera un an dans le camp de concentration de Yaros, une autre de ces îles désormais inhabitées.

Car le couple parental n’a jamais cessé la lutte. Stelios, le père, est lui aussi de nouveau dans la clandestinité. La junte au pouvoir le veut. Désespérément. L’atteindre par tous les moyens, tel est son objectif. Alors elle s’est servie de la mère, l’a de nouveau arrêtée. Mais Dionysia est malade. La junte feint de plier, l’emmène à Athènes et lui propose un marché faustien. Elle est opérée mais, en contrepartie, signe un papier dans lequel elle renie son idéologie. Evidemment, Dionysia refuse et est renvoyée en prison.

De Prague, Aliki la défend, comme elle peut. Elle se lance dans une grève de la faim devant les locaux de l’ambassade de Grèce, à Prague. L’affaire prend de l’ampleur, une campagne s’organise pour sa libération. "Soixante-dix sept personnes ont ainsi été libérées. Et ma mère en fit partie."

Du Printemps de Prague à l’hiver algérien

Mais le pouvoir grec ne pardonne pas. Aliki est déchue de sa nationalité. Elle devient réfugiée politique, en Tchécoslovaquie. On l’autorise à y demeurer pour suivre ses études d’ingénieur. Elle y restera jusqu’en 1974. A cette date, Aliki veut rentrer dans son pays. Le pouvoir se montre clément et lui accorde de nouveau la nationalité grecque. Elles sont quatre femmes dans ce cas. L’une d’elles s’appelle Mélina Mercouri.

Le destin de la jeune Aliki la conduit à Alger, où elle est embauchée comme directrice d’un département d’ingénieurs. La politique la consume toujours autant. Elle rencontre son futur mari. Un militant, lui aussi, nommé Sadek Hadjeres, membre du bureau politique du Parti communiste algérien. Le couple épris de militantisme se marie. Mais le FIS (Front islamique du salut) triomphe dans les urnes, en décembre 1991, et le processus électoral est stoppé. Le couple, lui, part pour la Grèce.

Aujourd’hui, Aliki ne désarme pas. Elle a rejoint l’ultragauche, elle est du côté du peuple. "Une gauche ne doit pas être une fin en soi, estime-t-elle. C’est juste une courroie de transmission importante de la transformation d’une société". Il est très possible selon elle, que la Grèce ne trouve pas de solution, et que la crise dans laquelle est plongé le pays se termine par un coup d’Etat. "Mais ce serait une forme d’aveuglement, estime la militante. Parce qu’à chaque coup d’Etat, la Grèce penche un peu plus à gauche…"

Karen Lajon, envoyée spéciale à Athènes
Le Journal du Dimanche
mercredi 02 mai 2012

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