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QUELQUES REPÈRES BIOGRAPHIQUES SUR MALKI TAÏEB

lundi 4 juin 2012

SYNTHESE DE SÉANCES DE TÉMOIGNAGE*

Oran, le 4 juin 2012

B.Lechlech
Chercheur-Historien

Taïeb Malki , vétéran du mouvement ouvrier et national s’est éteint le vendredi 1er juin 2012 à 4 heures du matin à l’âge de 89 ans (né présumé à Mècheria), à son domicile sis au 46, rue Benbassal Mahmoud, ex. quartier cité Protin-Oran. Il a été enterré à 17 h au cimetière d’Aïn Beïda (Oran). Sa santé s’était vite détériorée avec son âge avancé. C’est ainsi la vieillesse. [1]

Sa famille paternelle est originaire d’Adrar , mais s’était installée là où son père taleb coranique exerça sa fonction. Taïeb, lui, fut expulsé jeune chômeur de sa ville natale , sous le statut militaire , en 1945 , juste avec la fin de la seconde guerre mondiale, jugé comme dangereux agitateur, depuis sa prise de conscience de classe au contact avec une petite délégation du Parti Communiste Algérien , dirigée par la courageuse et très brave conseillère générale du département d’Oran Gabrielle Giménez. [2]

Il s’installa tout seul à Oran, loin de sa famille, pris en charge pendant trois années consécutives par la figure emblématique du communisme algérien Azuelos Mardoché, intime du martyr Kaddour Belkaïm - ex. secrétaire général du P.C.A., dans le quartier de la Marine ( Sid Lahouari). Très rapidement il va émerger au sein de l’U.J.D.A., avec Henri Alleg, Hammou Kraba ... et grâce à ses sacrifices inouïs , ses qualités humaines , son travail acharné , sa finesse dans l’analyse politique il gravit vite les échelons de responsabilité au sein du P.C.A. pour devenir membre du bureau régional de l’Oranie comme permanent ( avec M.Fodil, A.Djidel, B.Merad...), et ensuite membre du comité central du parti dans le début des années cinquante. [3]

Il a été l’un des principaux animateurs des luttes ouvrières et paysannes à Oran et dans sa région , artisan de l’action unie avec le M.T.L.D dirigé par Souiah Lahouari, de l’U.D.M.A. dirigée par le futur Cdt. Moussa... Il joua avec d’autres un rôle important dans l’algérianisation du P.C.A., la rectification de sa ligne politique et en paya les frais avec quelques déboires. Il exerça plusieurs types de petits métiers dans sa vie instable, en dehors de la permanence. [4]

Avec le déclenchement de l’insurrection armée du 1er novembre 1954 , il contribua surtout dans l’acheminement des armes entre Oran et Aïn Témouchent, aidé par un large réseau tissé par plusieurs militants dont le Docteur Jean-Marie Larribére. En 1956, il s’était retrouvé dans les mailles du filet de la police coloniale barbare , comme beaucoup de militants (es) communistes et patriotes pour enfin rejoindre le sinistre camp de détention ‘’Bossuet‘’ au Sud de Sidi Bel Abbés où il purgea plus de trois années. Libéré dans le cadre de la stratégie gaulliste de 1959/60, il replongea dans la lutte politique et le soutien logistique urbain , et vécut terriblement la période de l’O.A.S. et sa politique de la terre brûlée à Oran, ville citadelle de celle-ci, où il perdra de fidèles compagnons comme Mustapha et Abbassia Fodil avant le cessez-le-feu, en regrettant l’attitude de revanche aveugle de certains. [5]

À l’indépendance de l’Algérie, ayant à charge une famille nombreuse, il souffla pour se stabiliser relativement en travaillant à la Sonelgaz jusqu’en fin 1970, ensuite dans le secteur vital et stratégique de soutien à l’agriculture comme responsable de l’ONAMA locale ( avec l’aide de l’un de ses beaux- parents) ; et où il vivra le calvaire avec certains responsables corrompus (affaire en justice avec les sbires d’un homme fort du régime infiltrés partout dans les Kasmas du P.F.L.N.). Il termina sa carrière professionnelle comme retraité à la Sonelgaz, en étant relativement actif dans son association des retraités. [6]

Il continua à maintenir le contact vivant avec la jeune génération tout en s’engageant dans le P.A.G.S. clandestin, ensuite légal jusqu’à sa dissolution en 1993.Comme il avait assisté à la rencontre des vétérans d’Oran en fin de l’année 1989 animé par A. Benzine ainsi qu’ au premier congrès légal du P.A.G.S. en décembre 1990, malheureusement dans un contexte défavorable de recul. [7]

Il correspondra avec ses anciens camarades et voyagera pour les voir aussi bien en France, qu’ailleurs (en R.D.A.) et les accueillera chez lui, surtout d’origine européenne et judaïque qui vivront des moments difficiles de déchirements inhumains , après la répression féroce qu’ils allaient subir ( emprisonnement, torture ... ) lors du fatal coup d’Etat du 19 juin 1965 ( affaire de l’O.R.P ), et du P.A.G.S naissant. ‘’L’école du parti’’ lui servira beaucoup dans la vie. [8]

Oran, le 4 juin 2012

B.Lechlech
Chercheur-Historien

* Série d’interviews suite à l’initiative du documentaire sur Alger-républicain en cours de réalisation. Aucun dictionnaire biographique réalisé jusque-là ne parle du militant et dirigeant Malki Taïeb dont certains comportent moins important que lui ! Et Benjamin Stora a été bien reçu par lui à Oran pour noter ses témoignages, mais rien n’a filtré sur lui ; est-ce pour des considérations idéologiques ?!



[1L’état civil n’avait été crée à Mechéria, territoire militaire d’Aïn Sefra, qu’en 1927 et son père Hadj Ahmed l’avait inscrit ‘’présumé‘’ tardivement. Il fut élevé dans son enfance par les Maghraoui dont il épousera plus tard la fille adoptive. (Témoignage de son ami d’enfance Djillali Taghzouti).

[2Témoignage oral de Taïeb Malki lui-même qui parla avec beaucoup d’admiration de l’inoubliable Gaby.

[3Idem ; et Henri Alleg,“ Mémoire Algérienne”, éditions Casbah, Alger 2006, p. 131.

[4Témoignages de A.Djidel, B.Merad, T.Malki et diverses archives du P.C.A. (“Liberté”, “Alger-républicain”).

[5-* C’est cette période qui marquera à vie le militant, celle de la guerre d’indépendance nationale, notamment dans le camp de ‘’ Bossuet ’’ avec A. Bouchama , T. Mekki , ... plusieurs nationalistes du FLN et du M.N.A (dont Memchaoui).

  • Apparemment pour approvisionner l’un des réseaux celui de Sid Abdelli du C.D.L. de l’Oranie dirigé par Boualem Khalfa qui se déguisait avec une soutane de prêtre, abrité là où habite maintenant la famille de T. Malki, domicile d’une vieille militante d’origine européenne. L’année 1956 connaîtra la décapitation de l’organisation régionale. Après l’insertion dans l’A.L.N., l’activité politique et de propagande continua autour des rescapés du parti. -* Patrick Kessel et Giovanni Pirelli, « le peuple algérien et la guerre », lettres et témoignages 1954-1962 », éditions François Maspero, Paris 1962.
  • C’est en protégeant Mustapha évacué de la clinique ‘’Front de mer’’ (et non Larribère) vers l’hôpital d’Oran par son corps contre les tueurs de l’O.A.S. que Abbassia succomba aux balles assassines.

[6-* À la Sonelgaz T. Malki était chargé de l’administration. Il resta lié à ses anciens camarades du P.C.A. interdit, dirigé en 1963 à Oran par Abbad Ahmed le nouveau coordinateur coopté par la direction.

  • Il livra une bataille juridico-politique avec l’aide de Maître T. Nimours contre les prédateurs ‘’ versés dans les affaires’’ après 1966 à leur tête l’ex.Cdt. R. qui lui monta un plan machiavélique lorsqu’il était à la tête de l’O.N.A.M.A. Mais il aura finalement gain de cause contre ceux qui ont remplacé les colons..

[7Il était redevenu militant de base bien avant l’indépendance, en 1954, et ne semblait pas avoir été associé aux grandes décisions pour des raisons qui restent encore à éclaircir, mais resta attaché à son parti pris et son idéal jusqu’au dernier souffle comme le prouve le documentaire d’Alger-républicain.

[8La solidarité de classe, voilà le ferment de la solidité de tout l’édifice ; c’est la leçon principale qui se dégage de son parcours militant et expérience politique, contre l’oppression coloniale et sociale...

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