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« LA NATION ALGÉRIENNE A TRAVERS LES MANUELS SCOLAIRES D’HISTOIRE ALGÉRIENS (1962-2008) »

samedi 13 février 2010

Dans une thèse de doctorat soutenue récemment sous la direction de l’historien Benjamin Stora, la jeune doctorante Lydia Aït Saâdi aborde la question de l’émergence de la nation algérienne à travers l’étude des manuels scolaires algériens, conçus, édités et diffusés par le ministère algérien de l’Education nationale entre 1962 et 2008. Une thèse qui lui a valu la mention « très honorable » et les félicitations, à l’unanimité, du jury.

Lydia Aït Saâdi a étudié quarante manuels scolaires d’histoire, tous en arabe, à l’exception d’un seul en français. Elle a également réalisé des interviewes d’enseignants et d’élèves, consulté des guides officiels. C’est une thèse « non figée, qui est à approfondir », souligne son auteur.
« Le but n’était pas d’aboutir à une définition consensuelle » de la nation algérienne, mais d’examiner « ses fondements », de comparer ses représentations dans les manuels d’histoire dans un contexte algérien évolutif, d’interroger les « mythes fondateurs » que l’on retrouve dans les manuels scolaires de tous les pays, l’histoire comme instrument de légitimation du pouvoir politique, ce qui n’est pas propre, non plus à l’Algérie.
Cette nation algérienne, qui, auprès des pays d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et principalement des pays arabes, représente « un modèle réussi de lutte d’émancipation par la guerre de libération nationale ». Les Algériens en tirent « un motif de fierté que tentent de transmettre les manuels à leurs élèves, pour les unir autour des chantiers de construction de la nation et donc autour d’objectifs à long terme, de développement, pour accepter le sacrifice de la sueur après celui du sang, voire pour accepter la dureté de la vie actuelle, dans un pays ruiné par le colonialisme ».

Se pose aussi la question des minorités dans ces manuels, des stéréotypes et des absences.
La littérature historique, politique, sociologique, psychologique et éducative a été aussi utilisée par l’auteur, car « elle éclaire certains pans de l’histoire, trop superficiellement abordés dans les manuels ».
Son directeur de recherche, l’historien Benjamin Stora, a rappelé que la nation et le nationalisme politique sont des notions très actuelles, revenues en force et d’indiquer que tout le mérite de cette thèse est de s’inscrire dans le débat intellectuel actuel.
Sa problématique est « importante, compliquée à traiter ». « Elle pose la question du vivre ensemble, d’une histoire partagée ». « Ce n’est pas un travail militant », de « dénonciation d’historiens coloniaux, néo-coloniaux ou nationalistes ». « C’est un travail d’exposition de faits qui n’a pas d’équivalent dans le monde arabe de par son ampleur, c’est aussi un important travail de traduction. »

Le jury a, pour sa part, relevé un « travail sérieux ». C’est « un travail sérieux, qui apporte des informations neuves », a souligné l’historien Gilbert Meynier (professeur émérite à l’université de Nancy II). Il a relevé des « non-dits », des « refoulements » et s’est demandé, par ailleurs, si « cette glaciation n’a pas un lien avec la façon dont l’arabisation du système éducatif a été faite ». « Il aurait été intéressant d’étudier cette question. » « Ce travail permet de renouveler le regard sur l’histoire polémique, difficile de l’Algérie », a estimé, pour sa part, le professeur Luc Deheuvels (Institut national des langues et civilisations orientales). « C’est un apport au renouvellement de l’étude de l’histoire de l’Algérie », a appuyé Abdelmadjid Merdaci, maître-assistant à l’université Mentouri de Constantine, saluant une « présentation bien informée » du système éducatif algérien. L’universitaire voit en l’auteur un renouvellement de génération d’historiens. Le professeur Aïssa Kadri (université de Tours, université Paris VIII), a salué, lui aussi un « travail interdisciplinaire », « qui apparaît novateur » et qui « ouvre de grandes questions ». « Vous êtes au cœur du débat historique ». C’est « un travail à poursuivre », a estimé le jury, ce qu’avait annoncé, d’entrée, l’auteur.

Par Nadjia Bouzeghrane