SOMMAIRE DÉTAILLÉ DES NOUVEAUTÉS – le 21 JUILLET 2009

Les articles et documents livrés en cette mi-juillet reflétent quelques aspects et préoccupations de l’actualité.

Pas nécessairement les plus importants ou les plus spectaculaires.

Mais évocateurs de problèmes similaires passés, d’enjeux toujours actuels et porteurs de questionnements sur les perspectives.

En cette mi-juillet 2009,
Les tensions s’aiguisent entre cercles dirigeants au niveau des appareils et du pouvoir d’Etat. Mais les travailleurs et la majorité de la population continuent à subir les méfaits de leur mise à l’écart arbitraire de la vie politique.

Leur situation est aggravée par les retombées de la crise économique mondiale, plus aiguës en Algérie du fait de la régression économique et sociale amorcée depuis maintenant trois décennies.

(Voir photo dans El KHABAR)
http://www.elkhabar.com/quotidien/?idc=92&date_insert=20090719

Face à ce marasme, des initiatives, des résistances dans des domaines variés, syndical, culturel, etc. donnent la mesure d’une vitalité entravée et d’une combativité qui cherche à s’exprimer.

Les thèmes principaux suivants seront donc abordés:

1. La situation sociale de plus en plus dégradée sous la violence de la course au profit des multinationales mises en place, au prétexte mensonger de modernisation :

  • Le nombre des luttes syndicales rapportées par la presse est significatif:
    • revendications des travailleurs de la SNTF et la grève du 8 juillet 2009 qui a paralysé le trafic ferroviaire: http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2009/07/08/article.php?sid=85517&cid=2 ;
    • 30 000 enseignants contractuels luttent pour leur réintégration: http://www.elwatan.com/IMG/pdf/elwatan09072009.pdf;
    • Les travailleurs de l’Office national de la météorologie ont organisé un sit-in pour protester contre une situation sociale jugée «chaotique»: http://www.elwatan.com/IMG/pdf/elwatan09072009.pdf ;
    • Un mouvement de grève a été entamé au niveau l’Inapi: http://www.elwatan.com/IMG/pdf/elwatan09072009.pdf, page 5) .
  • Mais aussi luttes comme celles des travailleurs de la sidérurgie d’El Hadjar: http://www.elwatan.com/Grevistes-face-a-la-gueguerre-de,
    http://www.presse-dz.com/revue-de-presse/10860-reduction-des-effectifs-en-vue.html.
  • Les riches traditions de résistance des sidérurgistes et des metallos pour leurs droits sociaux et contre les bradages de l’industrie nationale méritaient d’être rappelées à travers des articles d’époque:
    • « 1988-1989: Luttes pour des syndicats représentatifs », (Saout el Chaab du 7 juin 1989), http://www.socialgerie.net/spip.php?article56 ; les nostalgiques du « SEC » des 24 années clandestines retrouveront le fac simile intégral de ce numéro en cliquant sur le document joint PDF.
    • « Les salaires au coeur de l’intérêt national »,, (Le Quotidien d’Oran, le 14 mars 2006), écrit par Sadek Hadjeres, quand la combativité du secteur de l’enseignement organisé faisait renaître l’espoir; les appréciations valables pour toutes les catégories de salariés, y sont abordées à côté des spécificités propres au secteur de l’Education nationale. http://www.socialgerie.net/spip.php?article13 .

La crise économique mondiale est un contexte aggravant.

    • « Avènement d’une multinationale: Mittal Steel », l’article de Mohammed Salah REZINE, ouvrier sidérurgiste de El Hadjar, le 8 février 2006 illustre cette mondialisation du capital et de la finance, aux dépens des populations et de l’intérêt national http://www.socialgerie.net/spip.php?article58;
    • La mondialisation capitaliste vue à travers un sketch de Abdelkader Secteur qui pourrait être titré: « El Hendiya contre mondialisation bananière »; vidéo sur youtube:
      http://www.truveo.com/search.php?query=tag%3A%22abdelkader%22+sort%3AhighestRated#%20tag%3A%22abdelkader%22%20sort%3AhighestRated .

2. Les confusions politiques sur les scènes internationale et nationale

sont loin de se dissiper, avec l’instrumentation persistante des passions « identitaires » sous l’effet et au profit des rivalités géopolitiques et de pouvoir.

  • La relance « mystérieuse » de l’affaire des moines de Tibehirine (non traitée ici) en est un exemple.
  • D’autres affaires, comme la lourde condamnation de Mohammed Gharbi, divisent l’opinion à propos de la « réconcilalition nationale » telle que pratiquée officiellement. Sur ce dernier point, le site reprend une opinion émise dans le « Soir d’Algérie », en réaction à une chronique de Arezki Metref,
    http://www.socialgerie.net/spip.php?article40 .
  • « L’interdiction d’un colloque sur la mémoire et la réparation », article de Nabila Amir, est une autre illustration de la complexité d’une vraie « réconciliation nationale » nécessaire et des obstacles qu’elle rencontre par dénis de justice et de vérité. http://www.socialgerie.net/spip.php?article59 .

3. Une immense aspiration à la vie et à la culture

est perceptible, en particulier chez les jeunes, malgré l’environnement dépressif et la hogra.

Certains épisodes du 2ème Festival culturel panafricain d’Alger ont souligné ce contraste, comme cela s’était produit aussi avec les réactions d’enthousiasme des jeunes, à l’annonce des derniers succès de l’équipe nationale de foot.

« Panaf, Panache », une chronique de Arezki Metref, donne une idée contrastée de cet évènement; mais aussi Amazigh Kateb qui à Riad El Fath a soulevé l’enthousiasme,
Entendre et voir l’interview savoureuse de Amazigh Kateb sur RFI
http://www.rfi.fr/radiofr/editions/108/edition_481_20090713.asp, http://www.socialgerie.net/spip.php?article46 .

Quel avenir pour cette vitalité enfouie sous les contraintes sociales et politiques?

4. La question de l’avenir hante chaque coin de la planète.

Existe-t-il une alternative crédible et mobilisatrice pour un vrai socialisme du 21ème siècle?

La question pour certains était impensable il y a seulement une dizaine d’années. Aujourd’hui elle est reprise en long et en large par des publications dont la sympathie pour le communisme et la pensée de Marx n’était pas la qualité première.

C’est pourquoi le site se fait l’écho de réactions émanant:

  • l’une d’Europe (à propos d’un numéro hors série de l’hebdomadaire «Le POINT»),
    « Marx torturé? et enfin retrouvé? », article de Michel Peyret du 9 juillet 2009,
    http://www.socialgerie.net/spip.php?article41. .
  • une opinion de Sadek Hadjerès émise il y a onze ans à la lumière de l’expérience algérienne, à l’occasion du 150ème anniversaire du Manifeste Communiste,
    « Théorie et pratique dans le mouvement communiste algérien » http://www.socialgerie.net/spip.php?article54 .

Bonne lecture !

En souhaitant des réactions nombreuses et l’indulgence pour les insuffisances techniques du site !

Colère des travailleurs de la Sonatro licenciés

Des Algériens font la fête et d’autres meurent de faim ! En marge du festival panafricain, organisé à coups de milliards, des centaines de travailleurs ne trouvent rien à manger.

Et leur entreprise risque de disparaître. Il s’agit des travailleurs de l’entreprise nationale des travaux publics, Sonatro.

Ils sont 320 travailleurs représentant les 11 unités de l’entreprise implantées dans différentes wilayas du pays, à venir, chaque matin, protester devant l’accès principal du siège de la Sonatro. Ils contestent leur licenciement abusif et la faillite programmée de leur entreprise. Cela dure depuis plus de trois mois.

Et aucune autorité n’a daigné répondre à leurs cris de détresse.

« Nous ne demandons que notre droit. Nous voulons travailler et être payés en conséquence. Monsieur le Premier ministre, nous attendons votre intervention pour sauver notre seule source de revenu », lancent les contestataires que nous avons rencontrés hier devant le siège de la Sonatro à Réghaïa (est d’Alger).

Ils reviennent quotidiennement sur les lieux. Ils attendent, sous un soleil de plomb, l’arrivée d’une décision qui fera revivre en eux un espoir dissipé depuis plusieurs mois.

Mais les jours semblent se suivre et se ressembler pour eux. Ni les responsables de la Société de gestion des participations (SGP) dont dépend l’entreprise ni le ministère des Travaux publics, encore moins la centrale syndicale UGTA, qui est censée défendre les intérêts suprêmes des travailleurs, ne se sont manifestés pour, au moins, apaiser leur douleur.

«Est-il juste de mettre à la porte un travailleur qui a, à son actif, 26 ans de service ?» interroge Belkhiri Tahar, conducteur de poste à l’unité de Sonatro dans la wilaya de Tizi Ouzou. Des larmes aux yeux, ce quinquagénaire exhibe la décision de son licenciement reçue en mai dernier. Comme lui, de nombreux travailleurs qui ont servi dans l’entreprise de 20 à 34 ans ont reçu le même document. Pour les remercier, ils ont été congédiés. «Nous avons été licenciés parce que nous avons dénoncé la mise à l’arrêt de l’entreprise», lance Goudjil Maâmar, travailleur à l’unité de Blida (26 ans de service). «Depuis 1962 à ce jour, on n’a jamais licencié 300 personnes à la fois. Notre affaire va rester dans les annales», tonne pour sa part un autre contestataire. Les licenciés ne comptent pas baisser les bras.

Du pain sec et de l’eau pour tenir debout

En dépit de leurs conditions lamentables, ils se disent prêts à poursuivre la lutte, tout en espérant la relance «de la mère des travaux publics» en Algérie qui est la Sonatro.

Leur seule arme est la résistance malgré un régime alimentaire très maigre : du pain sec et de l’eau de robinet. «Nous ne demandons pas à être payés sans rendement. Il faut nous laisser travailler. Mais à chaque fois que nous demandons cela, les responsables réagissent violemment en recourant à des mesures de sanction», explique Benhellal Abdennour, père de 6 enfants (20 ans de service).

Les travailleurs demandent également à savoir qui veut la liquidation de la Sonatro. Qui privilégie le privé au détriment des entreprises publiques ?

La question ne trouve aucune réponse pour le moment. Mais il y a une réalité. De nombreux chantiers autoroutiers sont lancés, mais la Sonatro n’a été chargée de la réalisation d’aucun d’entre eux.

L’entreprise est à l’arrêt depuis 2006, alors qu’elle dispose d’un matériel très coûteux. Il ne reste aujourd’hui qu’un seul recours aux travailleurs : l’interpellation du président de la République. «Il ne reste ni dignité ni prospérité. Pour créer de nouveaux postes d’emploi, il faudra d’abord protéger ceux qui existent déjà», affirment les contestataires.

Par Madjid Makedhi


Après la reproduction de cet article, une trise information est parvenue au site « SOCIALGERIE »:

Hocine RABAH, 57 ans, licencié abusivement parmi les 320 autres travailleurs de SONATRO (SOCIETE NATIONALE DE TRAVAUX PUBLICS) est décédé le mercredi 15 juillet 2009 en son domicile a ALGER , terrassé par une crise cardiaque.

Hélas, la violence économique et l’exploitation tuent ! A petit feu ou dans des accidents du travail, ou par les épisodeset dérives politiques tragiques comme ceux qu’a trversé l’Algérie dans les années 90.

A la famille du défunt, ses proches, ses collègues de travail, nous présentons nos condoléances les plus attristées.


L’information était accompagnée de cet appel du militant social qui nous l’avait adressée:

Des milliers de travailleurs sont licencies, des usines ferment, comment organiser la solidarité, comment résister et agir ; personne ne nous rendra notre dignité ; car elle n’est ni a vendre ni a prendre elle est à défendre!

Amis progressistes, patriotes et altermondialistes d’ALGERIE rendons visite aux travailleurs de REGHAIA! Exprimons leur notre soutien ! Ne laissons pas mourir l’ALGERIE du labeur !


Crise financière ou crise de la mondialisation ultralibérale

مقدمة:

لا يمكن القول اليوم أن الأزمة الجارية هي مجرد أزمة عابرة أو أزمة مالية وفقط، فبعد حوالي سنتين من انفجار أزمة « الرهون العقارية » في شهر أوت 2007، هناك إجماع (المؤسسات الدولية، الحكومات، الاقتصاديون، الصحافة المختصة…) أننا أمام أزمة من أخطر الأزمات التي عرفها النظام الرأسمالي منذ نشأته في الربع الأخير للقرن الثامن عشر، أزمة خطيرة بعمقها وشموليتها ونتائجها على مستوى الدول والاقتصاد العالمي ومستقبل العالم ككل.
هي كذلك أزمة تتسارع أحداثها بوتيرة كبيرة لهذا يصعب جدا القيام بتحليل شامل وواف لحدث لازال يجري أمامنا بل يصعب التنبؤ بكل آثارها وبآفاق تطورها.

وبالرغم من أن الكثير من الاقتصاديين والمحللين يوازون بين الأزمة الاقتصادية التي حدثت في نهاية العشرينيات وبداية الثلاثينيات من القرن العشرين (أزمة الكساد الكبير لسنوات 1929 ـ 1933) والأزمة الجارية ويجدون بينهما الكثير من أوجه الشبه، إلا أنه يمكن القول هذه الأخيرة هي أخطر بكثير من الأولى بالنظر إلى مجموعة من الخصائص نعتقد أنها أساسية:

فالخاصية الأولى للأزمة الجارية هي أنها فعلا عالمية أو معولمة، وهذا بالنظر للميل أكثر فأكثر لإضفاء نوع من الانسجام على النظام الرأسمالي العالمي عبر حركة تحطيم علاقات الإنتاج السابقة له وتعميم السلعنة والعلاقة الأجرية، وكذا تحطيم التقسيم الدولي القديم للعمل القائم على العلاقة بين المركز الصناعي والأطراف القائمة على الفلاحة والصناعة الاستخراجية وتعويضه بنظام العولمة الليبرالية. بمعنى آخر، فالأزمة الحالية هي عالمية بالنظر للتشابك بين مختلف أطراف النظام الاقتصادي العالمي في مركزه وأطرافه وتتوسع لتطال كل السوق الرأسمالية العالمية خاصة بعد انهيار جدار برلين ودخول البلدان الاشتراكية السابقة هذه السوق وبعد انخراط معظم البلدان النامية في اقتصاد السوق الليبرالي، فبلدان مثل الصين والهند والبرازيل وبلدان جنوب شرق آسيا وروسيا والبلدان الصاعدة عموما، بوزنها في الاقتصاد العالمي الآن لا يمكن أن تبقى بمعزل عن هذه الأزمة بل هي في عمقها، كما أنها لا يمكن أن تبقى على هامش التحولات التي ستحدثها.

هذه الأزمة هي عالمية كذلك بفعل درجة انفتاح السوق العالمية وتوسع المنافسة نتيجة لسياسة اللبّرنة الاقتصادية التي شرع فيها منذ بداية 1980 وتفكيك القوانين المسيّرة للاقتصاد وتحرير المبادلات من السلع والخدمات وحركة رؤوس الأموال وتراجع الدور التعديلي للدولة الكينزية.

أخيرا فالذي يضفي على هذه الأزمة طابعها العالمي هي الثورة التكنولوجية الجارية في مجال الإعلام والاتصال والنقل التي جعلت الأسواق الدولية للسلع والخدمات والساحات المالية والبورصات العالمية مترابطة فيما بينها، فالمعلومة الاقتصادية أصبحت تنتقل بسرعة تفوق سرعة الضوء وأي خلل يصيب جزء من أجزاء النظام سينتقل ليمس الأطراف الأخرى وينشر العدوى فيها.

هذا بالإضافة إلى تأثير هذه الثورة على المجال المالي بالخصوص إذ سمحت بإضفاء نوع من الاستقلالية على القطاع المالي عبر تطوير منتجات جديدة كان لها الدور الكبير في توسيع الرسملة والورقية. لهذا سيضيف هذا المجال المالي من مخاطر الأزمات التي تصبح مزدوجة : بداخله وفي إطار العلاقات الترابطية بينه وبين الاقتصاد الحقيقي.

كل هذه العوامل تجعلنا نقول أننا أمام أزمة عالمية تمس كل الاقتصاد المعولم في مركزه وأطرافه، في جانبه المالي (التشابك والترابط بين مختلف الساحات المالية) والحقيقي (كوكبة الشركات المتعددة الجنسيات وتوسع الاحتكار)، وستكون لها تداعيات ليس فقط على مستوى الدول بل على العالم برمته، وهي التداعيات التي لن تكون اقتصادية فقط بل اجتماعية وسياسية، وفي هذه الحالة هل بإمكان الدولة أو الدول والمؤسسات الدولية أن تعدّل وتنظم وتراقب هذه السوق المعولمة والشركات المتعددة الجنسيات المكوكبة؟

أما الخاصية الثانية التي تميّز الأزمة الجارية هي أنها أزمة تمتزج بأزمات أخرى، فبالإضافة للأزمات المالية المتعددة التي عرفها الاقتصاد العالمي ابتداء من الأزمة المالية والنقدية لسنة 1971 والتي كانت المنطلق لانهيار نظام « بروتون وودس » إلى غاية أزمة الرهون العقارية سنة 2007، فإن ما يميز الأزمة الجارية هو اصطحابها بالأزمة الغذائية والأزمة البيئية التي يعرفها العالم اليوم، الأمر الذي لا يجعلها أزمة عادية بل هي أزمة من نوع خاص: فهي أزمة الإنسانية جمعاء بعلاقاتها المعقدة والمتشابكة، أزمة استغلال الموارد والثروات البشرية وتوزيعها، إنها أزمة التصرف والحاكمية الدولية بكل أشكالها، لهذا فهي تكتسي بُعدا كونيا يجعل مستقبل البشرية في ميزان وعليها أن تختار فإما الربح أو الإنسان؟

أخيرا، فما يميّز هذه الأزمة الجارية عن أزمة الكساد الكبير لسنوات 1929 ـ 1933 هو حالة الانسداد الذي وصله نمط التراكم السائد والصعوبة التي يجدها للخروج من الأزمة وإيجاد بدائل وحلول. فمن المعروف اليوم أن كل أزمة عامة هي فرصة لإعادة ترتيب شؤون العالم والاقتصاد العالمي ككل، أي أنها فرصة للنظام السائد لتهيئة شروط تجاوز الأزمة وتناقضاته والشروع في مرحلة جديدة من النمو والتراكم، وهذا ما حدث أثناء وبعد أزمة 29 ـ 33 التي كانت مناسبة لإعادة النظر في النمط الليبرالي للتراكم الكلاسيكي والنيوكلاسيكي واعتماد نمط جديد يقوم على الوفاق الفوردي

ـ الكينزي، كما كانت هذه الأزمة فرصة للتغيير زعامة النظام (لأن النظام الرأسمالي هو دائما بحاجة إلى بلد رائد يسحب الأطراف الأخرى فيه)، فالولايات المتحدة الأمريكية (والدولار الأمريكي) التي استلمت قيادة الاقتصاد العالمي والعالم بعد تراجع بريطانيا العظمى (والجنيه الإسترليني) ستتمكن اليوم من إعادة « ترتيب شؤون البيت العالمي » أم ستدخل النظام في أزمة أعمق لا يمكن التنبؤ بعواقبها؟

كل هذه الخصائص تجعلنا نقول أن العالم اليوم هو أمام أزمة مميزة ستدخله والاقتصاد العالمي في فترة طويلة من الاضطرابات، حيث ستشتد التناقضات بين مختلف شرائح الرأسمال نفسه وبين الرأسمال والعمل، هي أزمة ستكون نتائجها مؤثرة وأليمة على كل المستويات، الاقتصادية والاجتماعية والسياسية، داخل الدول وفي العالم بأسره.

قد لا تبرز هذه النتائج في القريب العاجل، بل يمكن أن يستعيد النظام عافيته بصفة مؤقتة، بفعل خطط الإنقاذ التي اعتمدت والأخرى التي ستعتمد، لكن العودة إلى النمو سيكون قصير المدى وستعاود الأزمة الظهور لأن التناقضات الأساسية تبقى قائمة وبالأخص التناقض بين الأجر والربح على مستوى المركز الرأسمالي وبينه وبين الأطراف التابعة.

في هذه الموضوع سنحاول تحليل الأزمة الجارية ومعرفة أسبابها العميقة ونتائجها المتوقعة على المديين القصير والبعيد، على المستوى العالمي ومستوى الدول النامية والعربية، كما سنحاول تناول الحلول المقترحة لتجاوزها ومناقشتها، وأخيرا يمكن اقتراح بعض أشكال مواجهتها.

1 ـ عن أسباب هذه الأزمة والموقف اتجاهها:

من خلال تصريحات ومواقف العديد من الزعماء السياسيين في الدول الرأسمالية المتطورة والنامية والمؤسسات المالية والنقدية والاقتصادية الدولية وتحاليل العديد من الاقتصاديين والخبراء الماليين، يبرز لنا اتجاهان كبيران اثنان في تفسير الأزمة الجارية ومنه موقفان تجاهها وطريقتان لمواجهتها:

أ ـ الاتجاه الأول الذي ينخرط عموما في الفكر الاقتصادي والسياسات الليبرالية الجديدة التي اعتمدت منذ الثمانينيات من القرن العشرين، يختصر الأزمة في أنها أزمة مالية أساسا انطلقت من أزمة « الرهون العقارية »، أي من المجال المالي، وتفاقمت شيئا فشيئا لتمس مجال الاقتصاد الحقيقي وتتحول إلى انكماش يظهر بالأساس في انخفاض معدلات نمو الناتج المحلي الخام للدول والعالم وفي تراجع الطلب والإنتاج في عدد من القطاعات الإنتاجية والخدماتية وأساسا قطاعات صناعة السيارات والأشغال العمومية والبناء والسكن والنقل (البحري على الخصوص)، وهو ما ينعكس في الانخفاض الكبير في طلبات هذه القطاعات وإنتاجها وفي رقم أعمالها وأرباحها، كما ينعكس جليا في غلق عدد من الوحدات الإنتاجية وتسريح العمال أو إحالتهم على البطالة التقنية (وصل عدد العمال المسرحين في الولايات المتحدة وحدها سنة 2008 ما لا يقل عن 2.6 مليون).

وبالرغم من التوقعات المتشائمة جدا لصندوق النقد الدولي بالنسبة للسنة الجارية، إذ ترى هذه المؤسسة الدولية أنه من المتوقع أن لا يتعدي معدل النمو العالمي 0.5% وهو المعدل الأدنى منذ الحرب العالمية الثانية، أما البلدان الآسيوية التي تعتبر مقطورة النمو العالمي فمعدل نموها سيقع في حدود 2.7%، فإن هذه المؤسسة ومعها عدد من حكومات البلدان المتطورة والخبراء الاقتصاديين يضربون موعدا مع النمو في نهاية سنة 2009 وبداية سنة 2010، هذه الأخيرة التي يتوقع صندوق النقد الدولي أن يكون معدل النمو العالمي فيها أكثر من 2% وفي بلدان أسيا في حدود 5% (8% في الصين و6.5% في الهند، و4.1% في مجموعة ال ASEAN)[1].

لتفسير أسباب هذه الأزمة يتفق معظم أصحاب هذا الاتجاه أن بؤرتها هي مجال المال وبالتالي لا مجال للبحث عن أسبابها خارج هذا المجال، لكن يبرز هناك اختلاف في مواقف هذا الاتجاه في حدة المسؤولية وعمقها.

فهناك من أصحاب هذا الاتجاه من يرى أن المسؤولية تقع على عاتق التصرفات اللاعقلانية والطائشة واللاأخلاقية لعدد من المضاربين الماليين المغامرين ومسيّري البنوك وصناديق الاستثمار الذين « فقدوا حسهم العالي بشؤون المال والاقتصاد »[2] وأصبح همهم الوحيد الرفع من المردودية المالية وضمان مداخيل خيالية لهم ولحاملي الأسهم الكبار، هؤلاء الذين يقعون في صف « الرأسمال السيئ وليس الرأسمال الجيّد » على حد تعبير « نيكولا ساركوزي »، كما يعود سبب الأزمة لعدم كفاءة وكالات التنقيط أو غفلتها أو تواطؤها مع بعض المؤسسات المالية والمصرفية.

وهناك من أصحاب هذا الاتجاه الأول دائما من يذهب بعيدا في هذا الموقف ويحمل مسؤولية الأزمة لسياسات تحرير المجال المالي التي اعتمدت منذ الثمانينيات من القرن العشرين في الولايات المتحدة تحت رئاسة « رونالد ريغان » وانجلترا تحت قيادة رئيسة الوزراء « مارغريت تاتشر » والتي عممت لتشمل باقي البلدان الرأسمالية المتطورة (أوروبا واليابان) وبعض البلدان النامية، والتي تبرز في تحرير حركة رؤوس الأموال ورفع الرقابة عليها وتعويم أسعار الفائدة وأسعار الصرف، وهو الأمر الذي ساهم في توسع الجريمة المالية المنظمة (أساسا تبييض أموال المتاجرة في المخدرات والتبغ والجنس..) التي تتحمل الجنّات الضريبية المسؤولية العظمى في تفاقمها.

إن هذا الاتجاه بصفة عامة، وانطلاقا من المواقف أعلاه، سيقترح حلولا للأزمة ومخارج لها ومخططات إنقاذ لا تبتعد كثيرا عن المجال النقدي والمالي تختصر في مجموعة من الإجراءات لإنقاذ هذا المجال من الغرق وجر معه باقي الاقتصاد والمتمثلة أساسا في ضخ السيولة الكافية للبنوك بغرض استرجاع الثقة فيما بينها وبينها والمؤسسات الاقتصادية، وتخفيض أسعار الفائدة للتشجيع على الاستثمار والعودة للنمو، وقد تصل إلى دعم ميكانيزمات الرقابة على حركة رؤوس الأموال والمضاربات المالية وتحديد سقف « أخلاقي » لأجور مسيّري هذا القطاع، وكذا « شن حرب » على السر البنكي والجنات الضريبية[3]. فهل ستساهم هذه الإجراءات في حل الأزمة أم ستعمقها؟

إن من أصحاب هذا الاتجاه كذلك من يتحدث عن ضرورة « إصلاح الرأسمالية »!! ما هو محتوى هذا الإصلاح؟ هذه أسئلة سنحاول الإجابة عنها لاحقا عندما نتناول هذه الحلول ومخططات الإنقاذ التي اعتمدت حتى الآن.

ب ـ الاتجاه الثاني الذي يضم عدد كبير من الباحثين في العلوم الإنسانية وبالتحديد علم الاقتصاد وعلم الاجتماع ومن تيارات مختلفة تضم أساسا الكينزيين والكينزيين الجدد واليسار الماركسي وغير الماركسي تتفق في مسألة جوهرية هي معارضة الفكر الليبرالي الجديد والسياسات الليبرالية الجديدة التي اعتمدت منذ 1980 التي يعتبرونها سياسات انكماشية لم تشجع على النمو بل هي سبب الأزمة بذاتها.

هذا الاتجاه، يرى أن هذه الأزمة هي أبعد من أن تكون أزمة مالية بقدر ما هي أزمة هيكلية عامة تمس بنيات نظام التراكم الرأسمالي الحالي في شكله الليبرالي الجديد، كما هي أزمة تعديل هذا النظام، هي كذلك أزمة متعددة الأبعاد، فهي في آن واحد أزمة مالية وغذائية وبيئية مما يجعل عدد من الباحثين يميلون للقول أنها أزمة كونية لنمط استغلال الثروات البشرية وتوزيعها التي ولّدت مشاكل كونية مثل مشكل الفقر والمجاعات ومسألة المياه والتصحر…إلخ، كما أنها أزمة تسيير شؤون العالم ككل.

دائما حسب هذا الاتجاه، الأزمة الجارية هي أزمة فكرية اقتصادية تتمثل في غياب البدائل والحلول والدخول في مستقبل يصعب تحديد ملامحه، كما أنها أزمة تحوّل على المستوى العالمي تظهر في تراجع قوة الولايات المتحدة الأمريكية وعدم بروز لحد الآن أي قوة بديلة تتولى زعامة الاقتصادية والسياسية للنظام الرأسمالي والعالم.

· لماذا هذه الأزمة هي هيكلية لكل النظام الرأسمالي ونمط تراكمه؟

التاريخ الاقتصادي والنظرية الاقتصادية تعطينا الكثير من المعلومات والآليات التي توّلد وتحكم مسار الأزمات يمكن تلخيصها في نقطتين أساسيتين:

§ فالأزمة الاقتصادية بصفة عامة هي ملازمة ومصاحبة لوجود النظام الرأسمالي نفسه[4] و[5]، وهي أحد تعابير صعوبة وجوده وفي نفس الوقت ومصدر استمراريته وديمومته، إذ هي في آن واحد حدث يهدم ويعطل جزء كبير من طاقته الإنتاجية (تراجع الإنتاج، غلق وتصفية الوحدات الإنتاجية، البطالة، خسائر مالية ضخمة..) وهو فرصة لإعادة ترتيب « شؤون البيت » وإعادة هيكلة القطاع الإنتاجي وضع نظام جديد من التراكم والنمو والتوزيع وإعادة التوزيع.[6]

§ بؤرة الأزمة هي دائما الاقتصاد الحقيقي وأساسا مجال الإنتاج، هذا لا يعني أن الأزمة لا تظهر في المجالات الأخرى، بل يمكن أتكون الأزمة مالية أو غذائية أو بيئية..إلخ، لكن منبعها العميق يبقى دائما مجال الاقتصاد الحقيقي، بالرغم من أن لكل أزمة مفجرها ومسارها الخاص بها وتيرتها وأشكال حلها.

من هذا المنطلق يمكن اعتبار الأزمة الجارية هي أزمة هيكلية وأزمة نمط التراكم الذي اعتمد منذ 1980 أي النمط الليبرالي الجديد الذي أحدث منذ هذا التاريخ تحولا في بنية النظام الرأسمالي وأشكال توزيع الثروة المنتجة.

بالفعل، فبعد أزمة الكساد الكبير لسنوات 1929 ـ 1933 ونتائجها الاقتصادية والاجتماعية على مستوى الدول (انخفاض معدلات النمو والبطالة أساسا) والمستوى الدولي (الفوضى النقدية والتجارية وعودة السياسات الحمائية والحروب التجارية..) وكذا النتائج السياسية مع انتشار الأيديولوجيات الوطنية الضيقة التي أوصلت العالم لحرب عالمية ثانية مدمرة، بعد كل هذا يدخل النظام الاقتصادي الرأسمالي في نمط جديد من التراكم سيلعب فيه الاقتصادي الانجليزي « جون ماينر كينز » الدور الحاسم في إرساءه نظريا وعمليا، وهو النمط الذي سيعرف بالوفاق « الكينزي ـ الفوردي »، فما هي ملامح هذا النمط؟

يقوم هذا النمط على مرتكزات أساسية ثلاث:

1. أن سبب الأزمة، التي هي أزمة فيض إنتاج، هو قصور الطلب الكلي (أي الطلب الاستهلاكي والاستثماري) الناتج عن « التوزيع التعسفي للثروة والدخل والذي تنقصه العدالة »،[7] وبالتالي فإن الخروج من الأزمة واستعادة النمو يمر حتما عبر سياسات اقتصادية لدفع الطلب، أي تشجيع الطلب الاستهلاكي والاستثماري (وليس العرض أي الإنتاج لأنه لا فائدة من الإنتاج في ظل ضعف القدرة الشرائية)، ولتحقيق ذلك يقترح كينز تدخل الدولة لضبط السوق وتعديله ووضع سياسة اقتصادية إرادية تقوم على ثلاث محاور أساسية:

i. سياسة توسعية للميزانية العمومية تقوم على الزيادة في الإنفاق العمومي في البناءات التحتية والشغال العمومية والبناء، والإنفاق الاستثماري وأخيرا الإنفاق الاجتماعي.

ii. سياسة نقدية تقوم على تخفيض أسعار الفائدة لتشجيع الاستثمار والاستهلاك.

iii. سياسة مالية تهدف لتخفيض الضرائب على المنتجين والحد من نفوذ أصحاب الريوع والمداخيل الثابتة والمضاربين في البورصات.

هذه الإجراءات من شأنها أن تدفع للتشغيل الكامل والقضاء على البطالة والسماح للعمال الحصول على مداخيل كافية تمكّن من دفع الطلب ومن ثم تشغيل عجلة الإنتاج والاقتصاد ككل، هذا يعني أن النمط الفوردي ـ الكينزي يقوم على توجه إنتاجي يمكن تسميّته ب »النمط التراكمي القائم على الإنتاج ».

2. نمط من توزيع الثروة والدخل يعطي نصيب أوفر للأجر من الناتج المحلي الخام بشكل يسمح بدفع الطلب الذي هو مفتاح الأزمة، وبالتالي فالزيادة في دخل العمال ليس هدف اجتماعي فقط يهدف لتحسين مستوى معيشة العمال وعائلاتهم بقدر ما هو هدف اقتصادي الغرض منه دفع النمو وتحقيق الانطلاقة الاقتصادية.

3. إعادة ترتيب شؤون العالم السياسية (منظمة الأمم المتحدة) والاقتصادية عبر وضع نظام مالي ونقدي جديد هو نظام « بروتن وودس » تلعب فيه الدولة الدور الأساسي عبر البنوك المركزية يقوم على رقابة حركة رؤوس الأموال واعتماد أسعار صرف وأسعار فائدة ثابتين. بالرغم من أن هذا الترتيب الجديد يعطي للولايات المتحدة الأمريكية والدولار دور الزعامة في قيادة النظام الرأسمالي.

تطبيق هذا النمط من التراكم بعد الحرب العالمية الثانية حقق ما أصبح يعرف ب »الثلاثينات المجيدة » التي تمثلت في تحقيق تشغيل شبه كامل وارتفاع قوي لمعدلات النمو والإنتاج وتحسن لا مثيل له في مستوى المعيشة وظروف عمل العمال وهذا في ظل ميزان قوى عالمي متميز (الثنائية القطبية وصعود حركات التحرر الوطني ودور قوي للنقابات والحركة العمالية..)

في نهاية الستينيات وبداية السبعينيات من القرن العشرين، وعلى اثر الأزمة النقدية لسنة 1971، يبدأ الاقتصاد الرأسمالي العالمي في الدخول في سلسلة من الاختلالات والاضطرابات التي تظهر في انكماش طويل المدى كانت تتخلله بعض الفترات من الانتعاش. هذه الأزمة الجديدة ستدخل نمط التراكم الفوردي ـ الكينزي في مرحلة من الإرهاق مما سيفتح المجال لبروز تيار فكري اقتصادي جديد هو التيار الليبرالي الجديد في الاقتصاد والسياسة الذي سيستبدل الوفاق السابق بوفاق جديد هو « وفاق واشنطن » الذي خيط وجسد في بداية الثمانينيات من القرن العشرين، الأمر الذي يسمح ببروز نمط جديد من التراكم الرأسمالي،ما هي أهم أسس هذا النمط من التراكم؟

1. يعتبر أصحاب الفكر الليبرالي الجديد أن سبب أزمة السبعينيات من القرن العشرين هو السياسات الاقتصادية الكينزية التي أفرطت في الإنفاق العمومي والاجتماعي وتدخل الدولة، وسببت عجزا في ميزانية الدولة وارتفاعا في معدلات التضخم، كما ضخمّت من تكاليف المؤسسات وبالأساس تكاليف الأجور الأمر الذي أضعف تنافسيتها، لهذا فالحل عندهم يكمن في العودة لمبادئ الليبرالية الكلاسيكية والنيوكلاسيكية لما قبل أزمة 1929 ـ 1933، ولسياسة تشجيع العرض عوض الطلب عن طريق استعادة الثقة في المبادرة الفردية والمصلحة الفردية وفي السوق والمنافسة الحرة كمنظم وحيد للاقتصاد وتراجع الدولة عن مهامها الاقتصادية والاجتماعية، وعن طريق كذلك سياسة لتحرير المبادلات من السلع والخدمات وحركة رؤوس الأموال وخوصصة المؤسسات العمومية والخدمة العمومية..، هذه الإجراءات من شأنها أن تعيد للمؤسسة الاقتصادية وللاقتصاد حيويته وانتعاشه، لكن هذا غير كاف:

2. لابد من إحداث تغيير في نمط التوزيع يعيد الأولوية للربح، لأنه أساس التراكم حسب « دافيد ريكاردو »، وبالتالي فهذا النمط الجديد من التراكم سيعمل على أساس تقليص حصة الأجور من الناتج المحلي الخام بالضغط على تكاليف الأجور والأعباء الاجتماعية بمختلف الأشكال وباسم شعار « المرونة » (التسريح وتخفيض الأجور الحقيقية، انتشار عقود العمل لوقت محدد، الهجوم على قوانين العمل والحماية الاجتماعية، اللعب على فارق الأجور بين البلدان..) والهدف هو تكوين احتياطي عالمي لليد العاملة الرخيصة الأجر.

كل هذا من المفروض أن يؤدي إلى ارتفاع حصة الربح من الناتج المحلي الخام، الذي من المفروض كذلك أن يوجه لزيادة الاستثمارات وبالتالي الإنتاج والتشغيل، أي إلى تحقيق الانطلاقة الاقتصادية، فهل هذا تمّ فعلا؟

3. الإجابة ستكون بالسالب لأن الأرباح لم توّجه لقطاع الإنتاج بل لقطاع المال، وهذا يعود لسياسة تحرير المجال المالي وحركة رؤوس الأموال ولاستخدام مكتسبات ثورة تكنولوجيا الإعلام والاتصال، الأمر الذي زاد من أرباح هذا المجال مقارنة بمجال الإنتاج وجعل رؤوس الأموال تتجه للأول وهو ما برز في زيادة رسملة المؤسسات وتنامي سوق الأسهم والسندات.

كل هذا سيؤدي شيئا فشيئا لسيطرة مجال الرأسمال المالي على مجال الإنتاج، وهو ما يظهر في حجم الأموال الضخمة المستثمرة في الأول وتمركزها في عدد قليل من المؤسسات، وستكون لذلك نتيجتين على الأقل:

· تغيير في المؤسسة الاقتصادية نفسها، حيث أصبحت السيطرة لحاملي الأسهم على حساب المسيرين والعمال، والإنتاج لم يعد المنطق الذي يتحكم في مصير المؤسسة بل قيمة الأسهم، لهذا سيعمل المساهمين على استخدام كل الأساليب لفرض مردودية عالية للأسهم (إعادة توطين الصناعات، الإندماجات والإكتسابات الدولية …) والهدف دائما هو تخفيض التكاليف.
إن هذا التحوّل سيولد نمطا جديدا من التراكم يعطي الأولوية للرأسمال على حساب العمل والربح على حساب الأجر والعلاقة الأجرية تصبح تابعة لقطاع المال. وهو ما جعل بعض الباحثين يتكلمون عن « رأسمالية الملكية المالية » أو « الرأسمالية المساهمية »

· تفاقم وانتشار الأزمات المالية منذ بداية التسعينيات ونذكر منها أساسا:

ـ الأزمة اليابانية 1990

ـ الأزمة المكسيكية 1994 ـ 1995

ـ الأزمة الآسيوية 1997 ـ 1998

ـ الأزمة الروسية 1998

ـ أزمة الأسهم الالكترونية 2000

ـ الأزمة الأرجنتينية 2001

ـ أزمة الرهون العقارية في أوت 2007

وهي الأزمات التي ستكلف خسائر مالية واقتصادية
واجتماعية ضخمة ستفاقم من الأزمة العامة لنمط التراكم المعتمد.

أكثر من ذلك، فما زاد في خطورة الوضع هو انتشار الجريمة المالية المنظمة بمختلف أشكالها واساسا تبيض أموال المخدرات والتهريب والمتاجرة بالجنس.. وانتشار الجنّات الضريبية.

أصحاب هذا الاتجاه يذهبون أبعد من هذا، فالأزمة الحالية تعكس في الواقع أزمة كونية بالنظر لتداخل عدة أزمات في آن واحد:

ـ الأزمة المالية والنقدية منذ بداية السبعينيات والأزمات التي تلتها،

ـ الأزمة الغذائية التي تهدد بتفاقم الفقر وانتشار المجاعات وسوء التغذية،

ـ الأزمة البيئية التي تهدد الكون بأسره نتيجة نمط النمو المعتمد الذي أصبح يهدد نوعية الحياة والأنواع النباتية والحيوانية، وأشكال استغلال الموارد وتوزيعها، ومستقبل الأجيال ككل..

حسب هذا الاتجاه دائما، فإن الشيء المؤكد أن الأزمة الحالية بعمقها وشمولياتها وتداعياتها قد أدخلت نظام التراكم السائد في أزمة نظرية وعملية عميقة:

فهي من جهة أزمة للفكر الاقتصادي الليبرالي الجديد الذي يجد صعوبة كبيرة في إيجاد صيغ وبدائل جديدة للخروج من الأزمة الحالية، فبعد أن حاول هذا الفكر تخطي أزمة السبعينيات من القرن العشرين من خلال صياغة وفاق جديد يعوض الوفاق « الفوردي ـ الكينزي » هو »وفاق واشنطن » الذي وضع في بداية الثمانينيات وسمح بالشروع في نمط جديد من التراكم يعطي الأولوية للربح على حساب الأجر ولمجال المال على حساب مجال الإنتاج، وعبر تفكيك منظم لكل القواعد التي وضعتها الرأسمالية لنفسها بعد الحرب العالمية الثانية لضبط وتعديل الاقتصاد واعتماد ليبرالية متوحشة في مجال المال وتبادل السلع والخدمات..، ها هو هذا النمط من التراكم يدخل في أزمة جديدة أعمق وأشمل ولم تفلح مخططات الإنقاذ والمبالغ الخيالية التي خصصت للبنوك وقطاع المال والاقتصاد الحقيقي بدرجة أقل من إنعاش الاقتصاد بل كل المؤشرات تؤكد دخول الاقتصاد العالمي في انكماش خطير ولسنوات عديدة، فما هو الحل؟ هل يمكن أن يتحقق في ظل وفاق واشنطن وتحت لواء الفكر الليبرالي الجديد؟ أم هل هناك حلول أخرى؟

ومن جهة أخرى، رغم اختلاف ميزان القوى العالمي مقارنة بأزمة سنوات 1929 ـ 1933 وما تلاها (بروز الاتحاد السوفيتي كقوة اقتصادية وعسكرية وصعود الحركة العمالية عموما وقوى التحرر الوطني على الصعيد العالمي..) والأزمة الحالية (سيطرة القطب الواحد بعد انهيار جدار برلين وتراجع الحركة العمالية..)، يدخل العالم في أزمة تحوّل لا نعرف توجهاته وأبعاده، فالأزمة الجارية كشفت أكثر من أي وقت مضى مدى ضعف وهشاشة اقتصاد الولايات المتحدة الأمريكية الذي يعرف عجزا غير مسبوق في ميزانيته العمومية وميزانه التجاري وثقلا كذلك في مديونيتها العمومية والخاصة (11.000 مليار$ ما يعادل 358% من الناتج المحلي الخام في الثلاثي الأخير لسنة 2008) بالإضافة لهشاشة الدولار، وهو الضعف الذي سيتفاقم بفعل الأزمة الجارية وأصبح يهدد زعامة هذا البلد على العالم، هذا الضعف يطرح اليوم سؤالا جوهريا: هل العالم بعد هذه الأزمة هو أمام نقطة تحوّل تعيد النظر في السيطرة الكليّة للولايات المتحدة الأمريكية على العالم؟ وهذا بالرغم من قوتها العسكرية التي كما يعرف الجميع ستضعف بضعف اقتصادها، وفي هذه الحال لمن ستؤول الزعامة؟ فلا أوروبا التي تعرف صعوبات كبيرة في توحيد مواقفها تجاه الأزمة[8]، ولا الصين بإمكانهما حل محل الولايات المتحدة في الوضع الحالي لتطور الاقتصاد الرأسمالي العالمي، وبالتالي فمن المرجح أن يدخل العالم في أزمة انتقال قد تكون طويلة المدى تعرف فيها الولايات المتحدة تقهقرا أكثر فأكثر وتتهيأ شيئا فشيئا شروط قيام عالم متعدد الأقطاب[9]، في هذه الحالة كذلك، وإلى حين تغيّر ميزان القوى العالمي، كيف سيكون موقع وموقف البلدان النامية والعربية منها خاصة إذا علمنا أن الولايات المتحدة الأمريكية ستحاول إنقاذ نفسها والحفاظ على مكانتها المهيمنة بجعل البلدان الأخرى (سواء كانت حليفة أو لا) تدفع فاتورة الأزمة كما كان الحال في أزمات العشريات الثلاثة الأخيرة؟

هذه مجموعة من التساؤلات نطرحها من باب فتح النقاش والتفكير الجماعي في أسباب هذه الأزمة وتداعياتها على الاقتصاد الحقيقي والبلدان النامية والعربية منها.

2 ـ عن انعكاسات الأزمة على الاقتصاد الحقيقي واقتصاديات البلدان النامية ومنها العربية :

يصعب اليوم تقديم حصيلة رقمية ودقيقة عن تداعيات الأزمة الجارية على الاقتصاد الحقيقي واقتصاد البلدان والحركة العمالية، لكن يمكن التركيز على النقاط التالية:

أ ـ انعكاسات الأزمة أكيدة سواء على الجانب المالي بالنظر لحجم الخسائر التي تكبدها قطاع المال والمصارف (5000 مليار$ لحد الآن)[10] وانعكاسها على جانب فقدان الثقة بين المؤسسات المصرفية فيما بينها وبينها وبين مؤسسات الاقتصاد الحقيقي، أو من جانب العائلات التي فقدت كل أو جزء من مدخراتها، وبالتالي انخفاض قدرتها الشرائية والطلب.

كما أن انعكاسات الأزمة اليوم أكيدة على الاقتصاد الحقيقي على مستوى الدول والعالم بالنظر لمعدلات النمو العالمي المتوقعة (0.5%) حسب صندوق النقد الدولي، أو على مستوى الدول، أو بالنظر لتأثيرها على قطاعات كاملة من النشاط الاقتصادي (مثل قطاع صناعة السيارات والأشغال العمومية والبناء والسكن والنقل..) وما نتج عنه من تسريح للعمال والتحويل على البطالة التقنية أو تقليص ساعات العمل ..إلخ، وتأثير كل ذلك على الدخل والطلب الكلي، وبالتالي على الإنتاج والنمو الاقتصادي.

فحسب مكتب العمل الدولي من المتوقع أن يصل عدد البطالين في العالم إلى 210 مليون سنة 2009 أي بزيادة 20 إلى 25 مليون بطال، ولحد الآن فقدت الولايات المتحدة وحدها 2.6 مليون منصب شغل سنة 2008 و3.6 مليون منذ انفجار الأزمة[11]، والفئات الأكثر عرضة هم العمال الشباب والنساء والمهاجرين.

ب ـ انعكاس الأزمة على البلدان النامية والعربية أكيد كذلك بالنظر لدرجة ترابط الاقتصاديات في ما بينها اثر سياسات التحرير الاقتصادي المعتمد منذ الثمانينيات من القرن العشرين. هذا التأثير سيكون من جانبين أساسيين:

أ ـ الجانب المالي: وهو مرتبط بدرجة انفتاح البلد النامي(العربي) على الساحات المالية والبورصات العالمية وحجم رأس المال الموظف.

ب ـ جانب الاقتصاد الحقيقي: وهو مرتبط بالتدفقات من الاستثمار الأجنبي المباشر وعدد المؤسسات الصغيرة والمتوسطة المرتبطة بهذه الاستثمارات، كما هو مرتبط بمدى انفتاح سوق تبادل السلع والخدمات، وبالأخص الارتباط بمداخيل التصدير.

في كلتا الحالتين ستكون الانعكاسات أكيدة من جانب الخسائر المالية ومن جانب تراجع مستويات النمو والتشغيل وتراجع القدرة الشرائية والطلب الكلي، وكذا تفاقم معدلات البطالة.

ج ـ على المستويين العالمي والدول، المتوقع إذا هو تفاقم الانكماش إثر تراجع الطلب الكلي العالمي، وهذا ما ينبأ أن الأزمة ستمتد لسنوات وستكون تداعياتها خطيرة على الفئات الواسعة من سكان العالم، فما هي انعكاساتها؟ ما هو الحل؟

5 ـ ما هو المخرج ؟
رغم التباطؤ الذي سبغ تحرك الحكومات والمؤسسات النقدية الوطنية والدولية، لأنهم اعتقدوا أنها مجرد أزمة صغيرة عابرة، لكن بعد أن ظهرت خطورة هذه الأزمة اتجه الجميع لوضع مخططات للإنقاذ تكفلت بتجنيد مبالغ ضخمة من الأموال اعتماد مجموعة من الإجراءات لوضع حد لها وتفادي انتقالها لمجال الاقتصاد الحقيقي، لكن رغم ذلك تأثر هذا الأخير والأمر قد يتفاقم في الأشهر القادمة، وهنا علينا أن نتساءل:

أ ـ هل الإجراءات المعتمدة لحد اليوم من طرف البلدان الرأسمالية المتطورة (مخططات الإنقاذ) ستساهم في حل الأزمة والعودة للنمو؟

من وجهة نظرنا، وبالنظر لعدة اعتبارات نميل لنكون متشائمين:

ـ فالحلول المعتمدة كلها تصب في التفسير الأول للأزمة التي يعتبرها أزمة مالية فقط، وبالرغم من تجنيد مبالغ خيالية تصل لحد الآن إلى حوالي 5000 مليار $، فإن معظم هذه الأموال قد وجهت لضخ السيولة النقدية للبنوك واسترجاع الثقة فيما بينها والمؤسسات الاقتصادية، وجزء ضئيل منها يوجه لقطاع الاستهلاك والإنتاج لدعم الطلب والحفاظ على مناصب الشغل. هذا الأمر يجعلنا نقول أن الحل المقترح لا يخرج عن إطار التصور الليبرالي الجديد الذي كان السبب في هذه الأزمة، أي التركيز على جانب العرض وإهمال الطلب أي دعم القدرة الشرائية للرفع من الطلب والإنتاج. ويظهر ذلك في التأكيد في كل مرة على أن كل هذه الإجراءات لا تعني التخلي عن الاقتصاد الحر ولا حرية والمبادلات، ولابد أن تتم في مراعاة صارمة لتفاقم العجز في الميزانية العمومية.

ـ كما أن هذه الحلول المعتمدة حاليا غير ناجعة أخلاقيا واجتماعيا، لأنه في الوقت الذي تضخ فيه مئات الملايير من الدولارات للبنوك والقطاع المالي المسؤول عن هذه الأزمة، ويستمر مسيروه في تقاضي رواتب خيالية من المال العام، في نفس الوقت تغلق الوحدات الإنتاجية ويرفض الاستجابة لأي مطلب لنقابات العمال للرفع في الأجور وتحسين ظروف العمل بحجة « ظروف الأزمة ». أكثر من ذلك في الوقت الذي تجند هذه الأموال لإنقاذ الرأسمال لم « تستطع » الدول المتطورة تجميع خلال 10 سنوات ما قيمته 50 مليار $ للقضاء على الفقر في العالم…

ـ ما يجعلنا متشائمين أكثر هي أنصاف الحلول المقترحة والتي تتأرجح عند بعض الحكومات بين الحلول الكينزية تارة والليبرالية الجديدة تارة أخرى، وهذا يعكس أزمة النظرية الاقتصادية وفي نفس الوقت اشتداد التناقض بين مختلف شرائح الرأسمال، لكن الشيء المؤكد أن الإجراءات المقترحة تفتقد للانسجام والتكامل الذي تقترحه السياسات الكينزية، ويكتسيها الكثير من الغموض والرؤية البعيدة.

ـ أخيرا فالتشاؤم يظهر أكثر عندما نرى أن البلدان الرأسمالية المتطورة ورغم المظاهر، فإنها لم تتعلم دروس أزمة 1929 ـ 1933، حيث تعالج الأزمة في صفوف مبعثرة، بل نشاهد اعتماد سياسات حمائية من طرف الولايات المتحدة نفسها..

يبقى أن الكثير من الأفكار تقدم حول إصلاح الرأسمالية باتجاه فرض رقابة على حركة رؤوس الأموال والحد من الجنات الضريبية ومحاربة الجريمة المالية المنظمة، وتدعيم هيئات رقابة البورصات، والتخفيض من أجور ومداخيل مسيّري المؤسسات، إلا أنه لحد الآن لازالت في مستوى التمنيات والنوايا، بل أنها تدخل في كثير من الأحيان في منطق الصراع بين قوى المال في العالم[12].

ب ـ أمام هذه الأزمة الخطيرة كما رأينا أعلاه، وأمام انسداد الأفق والعجز على أيجاد حلول ومخارج، ما هو الموقف؟

إن موقف من الأزمة لابد أن ينطلق من قناعة أن الأزمة هي هيكلية وعامة، هي أزمة نمط من التراكم والنمو القائم على سوء توزيع الدخل واستغلال الموارد وإهدار للطاقات والموارد الكونية، كما أن بؤرة الأزمة هي دائما مجال الإنتاج، فجذورها دائما هي فيض الإنتاج الناجم عن قصور الطلب الكلي والذي يفسر بانخفاض القدرة الشرائية وتراجع دخل العمال المأجورين، أي الناجم عن سوء توزيع الثروة المنتجة، لكن قد تأخذ الأزمة أشكالا مختلفة (أزمة مالية، أزمة غذائية، أزمة المواد الأولية، أزمة قطاع أو فرع إنتاجي…)، ويبدو لنا أنها أزمة تفسر فقد في المجال الذي ظهرت فيه(الأزمة المالية مثلا).

هذا الاقتراب يبدو لنا غير صحيح، ففي حالة الأزمة الجارية فقد بيّنا أنها ليست أزمة مالية بقدر ما هي أزمة اقتصادية تمتد جذورها لسنوات السبعينيات من القرن العشرين، بل هي أزمة هيكلية عامة تمس بأسس نظام التراكم الرأسمالي، خاصة في شكله الليبرالي الجديد.

وبالتالي فالحل في اعتقادنا يمر أساسا عبر

1 ـ إعادة النظر في توزيع الدخل على المستوى العالمي والدول لصالح العمل والأجر، والحفاظ على مناصب الشغل وتحسين ظروف المعيشة والحياة، والدفاع عن نظام الحماية الاجتماعية والتقاعد..

2 ـ كسر منطق مالية السوق والريع والعودة لمنطق الإنتاج وذلك بفرض رقابة على حركة رؤوس الأموال والمضاربات المالية وفرض رسوم عليها، وإلغاء الجنّات الضريبة والسر البنكي، وإعادة توجيه الرأسمال للإنتاج المنشئ للثروة والشغل. وتأميم البنوك وجعلها تحت السلطات العمومية تلعب دورا في ضبط القطاع المالي وتوجيهه لخدمة الإنتاج.

هذا المطلب يكتسي بالنسبة لبلداننا أهمية بالغة، فلا يمكن أن تتحقق أي انطلاقة فعلية من دون تطوير لطاقات إنتاج البلدان النامية والعربية وأساسا الصناعية منها، فالإنتاج هو وحده محرك للنمو والمنشئ للشغل.

3 ـ المشاركة السياسية والديمقراطية في القرارات الاقتصادية والاجتماعية على كل المستويات بدءا بالوحدة الاقتصادية البسيطة حتى القرارات على المستوى الكلي.

الهدف هو العمل على بعث أساليب التفكير الجماعي التي تجد الحلول الجماعية وليس الفردية الضيقة.

أحمين شفير

30 جوان 2009

[1] ـ موقع www.kezeco.fr تم الاطلاع عليه يوم 04/02/2009

[2] ـ « ألان قرينسبان » الرئيس السابق للخزينة الفدرالية للولايات المتحدة صرّح عندما اتهمت سياسته بأنها السبب في هذه الأزمة: »الخطأ الوحيد الذي ارتكبته هو أنني كنت أؤمن بأن حس المصرفيين بمصلحتهم الخاصة هي أحسن حماية » (للنظام).

[3] ـ أنظر مقال « الجنات الضريبية: أوروبا تنوي القيام بإجراءات » جريدة : Le monde du 24-02-2009

[4] ـ حوالي 120 أزمة من نهاية القرن 19 إلى غاية ، 2008. أنظر « Alternatives économiques » n° 278, mars 2009 :

[5] ـ C.P. Kindleberger, cité dans le rapport sur les crises financières, s/la dir. De R.Boyer, la documentation françaises, Paris, 2004.

[6] ـ Lexique d’économie, 5eme Ed. DALLOZ, Paris 1995

[7] ـ جون ماينر كينز، النظرية العامة للتشغيل وأسعار الفائدة والنقود، باريس، 1975، ص 366.

[8] ـ ساندرا مواتي وقيوم ديفال، مقال « أوروبا مريضة بالأزمة » (بالفرنسية)، مجلة « Alternatives économiques  » رقم:278،
مارس 2009.

[9] ـ أنظر: ـ زاكي العايدي Zaki Laidi ، مقال في مجلة « Esprit » (بالفرنسية) عدد شهر فيفري 2009 ، ص.20
ـ مايكل هودسون، مقال :Dé-dollarisation : le démantèlement de l’empire militaire et financier Américain , bulletin électronique : www.mondialisation .ca, du 25 juin 2009.

[10] ـ تصريح Klaus Schwab, le chef du forum économique international de Davos،le 08/01/2009

[11] ـ تصريح للرئيس الأمريكي يوم 10/02/2009، وكالة الأنباء الفرنسية

[12] ـ Jean Claude Paye, « Le G 20 et la hiérarchisation du système financier international, Bulletin électronique :www/mondialisation.ca, juin 2009.

MARX TORTURÉ ? ET ENFIN RETROUVÉ ?

Il faut s’attendre à ouïr des mugissements dans les campagnes françaises car, là, il ne peut être question de rugissements, les lions n’existent que dans les cirques !

L’objet probable de ces manifestations sonores ! Un « hors-série » de 122 pages du journal LE POINT consacré à Marx !

Avec ces sous-titres :

• Ce qu’il a vraiment écrit,

• Comment sa pensée a été détournée,

• Son histoire,

• Son héritage.

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Et avec M. Aglietta, E. Balibar, J. Bidet, F. Fischbach, M. Godelier, A.Tosel …

Le comble sera certainement un texte de Jean Vioulac qui titre : «L’imposture soviétique» et se propose d’établir que «les révolutionnaires russes de 1917 ont torturé les concepts de Marx pour justifier une dictature bureaucratique et sanguinaire très éloignée des œuvres du théoricien de la disparition de l’Etat.»

Je dis immédiatement le plaisir, l’intérêt, la satisfaction intellectuelle qui ont été les miens à la lecture de ces quelque 120 pages, et sans trop m’attarder sur quelques phrases qui forcent quelque peu le trait, tant l’ensemble a pour l’essentiel établi et confirmé l’opinion que je m’étais forgée à la lecture, ou relecture, de Marx ces dernières années, en essayant de trouver sous la gangue des idées reçues la pensée originale et précieuse de l’auteur, avec Engels, du Manifeste du parti communiste !

RETROUVER LA PENSÉE ORIGINALE

J’avais ainsi fait le constat, qui m’interrogeait, de ce que des pans entiers, des thèmes capitaux de ces penseurs, semblaient avoir été ignorés, non seulement des dirigeants soviétiques de diverses époques, mais également par ceux des partis communistes de la IIIème Internationale poursuivie sous différentes formes après la deuxième guerre mondiale !

Et j’étais ainsi parvenu à l’idée, partagée avec d’autres, que le communisme qui là se réclamait de Marx ne pouvait avoir échoué puisque ce n’était pas lui qui avait été expérimenté ni en URSS ni ailleurs !

La conséquence de ce constat n’était pas moins importante : si le communisme d’un de ses principaux fondateurs n’avait pas été entaché par les caractéristiques du «bilan globalement positif», il pouvait être de nouveau la perspective neuve et accueillante pour le genre humain, et ceux qui disaient vouloir y renoncer avaient de fortes probabilités de s’inscrire en réalité dans la gestion «à perpétuité» du capitalisme !

LA FIN DU PURGATOIRE

L’approfondissement de la crise du capitalisme «aidant», capitalisme qu’il faut bien finir par appeler par son nom, et parvenir à considérer non sans résistances que la «crise» qui l’affecte est bien celle de ce système, Marx sort du purgatoire où l’avait entraîné l’échec du prétendu communisme.

Le « hors-série » du Point en est même une des preuves, a fortiori quand c’est lui-même qui met les points sur les « i » !

Ainsi, Catherine Golliau s’interroge-t-elle : « A quel Marx s’intéresse-t-on aujourd’hui ? »

Après avoir noté qu’il a une vision globale du monde, à la fois politique, économique et sociale, que dans son analyse du capitalisme il s’est montré à la fois historien, sociologue, philosophe et critique, elle considère aussi qu’il s’est beaucoup trompé :

« Tout n’est pas juste chez Marx, de même que tout n’est pas à garder chez Platon ou chez Aristote…

« Une certitude : l’auteur du Capital sort renforcé de son purgatoire. Mieux: nettoyé ! Tel un temple dégagé de sa gangue de lianes, sa pensée apparaît à vif, débarrassée des « embellissements » ajoutés par ceux qui s’étaient réclamés de son nom…

« Aujourd’hui, un vrai retour aux textes de Marx est possible, grâce au formidable travail d’édition et de réédition en cours, notamment en France.

« Distinguer entre pensée marxienne, celle de Marx, et pensée marxiste, celle qui l’a interprétée, c’est dorénavant possible.

« Et quel Marx apparaît alors ?

« Un théoricien qui défend le prolétariat mais admire le capitalisme et reconnaît le rôle historique de la bourgeoisie, un activiste politique confiant dans la démocratie parlementaire. Un Marx inédit. Le vrai ? »

L’interrogation me semble justifiée !

QUE SAIT-ON VRAIMENT DE MARX ?

C’est la question que soulève pour sa part Laurence Moreau qui considère que Marx était capable d’être aussi grand que petit :

« Marx est là, débraillé, excessif, curieux, méchant, touchant, insupportable et fascinant. »

Pourtant ce qui semble la préoccuper davantage, c’est de savoir si oui ou non on peut le comparer à Charles Darwin, le père de la théorie de l’évolution.

Elle lui donne la parole :

« Je suis surpris de voir Darwin redécouvrir chez les bêtes et les plantes les caractères de la société anglaise avec sa division du travail, sa concurrence, l’ouverture des marchés , l’innovation et la «lutte pour la vie» , écrit-il à Engels en 1861, deux ans après la sortie de «L’origine des espèces».

Darwin et lui, même combat ? , interroge Laurence Moreau qui restitue cet échange de correspondance :

« Quand sort la deuxième édition du premier livre du Capital, en 1873, Marx en envoie à Darwin un exemplaire avec la dédicace : « Sincère admirateur.» Quelques mois plus tard , il reçoit la réponse suivante :

«Cher Monsieur , je vous remercie de l’honneur que vous m’avez fait…et je souhaite ardemment avoir été plus digne de le recevoir en comprenant davantage le sujet, profond et important de l’économie politique… »

Simple mot de politesse : on retrouve chez Darwin l’exemplaire du Capital dont seules quelques pages ont été coupées… !

« Le jour de l’enterrement de Marx, poursuit et conclut Laurence Moreau, Engels n’en associe pas moins son ami au génie évolutionniste: « Tout comme Darwin découvrit la loi de l’évolution de la nature, Marx découvrit la loi de l’évolution dans l’histoire humaine.»

« Ainsi commença le «grand récit» de Marx ».

LA PENSEE INCORPORÉE DANS LE RÉEL

Que Marx doive quelque chose à Hegel, comme à d’autres penseurs d’ailleurs, est une évidence.

A la question : «Quelle serait selon vous la grande leçon philosophique que Marx a retenue de Hegel ?», le philosophe Jean-François Kervégan répond :

« Le fait que dans l’organisation de la société des hommes il y a de la pensée qui s’exprime, et que cette pensée n’est pas le fait d’un individu, fut-il un grand philosophe, mais une réalité objective, incorporée dans le réel. A sa manière, malgré son génie propre et les critiques qu’il lui adresse, Marx est resté fidèle à cette idée de Hegel. Je serais même tenté de dire qu’il est le seul véritable «jeune-hégélien» .

LE MODE DE PRODUCTION

Pour Jacques Bidet, ce réel de la société, c’est avant tout celui du mode de production que Marx appréhende.

«Ne pas y voir un grossier matérialisme», précise-t-il .

« Il entend par là que pour analyser une société, il ne faut justement pas partir de la technique, mais de la relation entre technique et social.

« Les forces productives ( les technologies , les compétences…) propres à une époque historique sont en effet inséparables de «rapports sociaux de production» bien définis , c’est-à-dire des formes toujours particulières d’appropriation ou de contrôle des moyens de production , de direction , d’organisation du travail et de répartition du produit.

« C’est ce couple qui forme la « base économique ».

« Et celle-ci est toujours liée à une « superstructure » politique, juridique et idéologique qui correspond aux rapports sociaux de production, qui les encadre et les justifie : soit les institutions de l’Etat et de la culture.

« La société tend toujours ainsi à se diviser en deux classes sociales, car ceux qui possèdent ou contrôlent les moyens de production et d’échanges sont en mesure de s’assurer une prééminence sociale et politique par rapport à ceux qui ne disposent que de leur « force de travail ».

« C’est là le fondement d’une « lutte des classes » qui durera tant qu’il y aura des classes.

« Mais il survient périodiquement des mutations technologiques.

« Elles tendent naturellement à bouleverser les rapports sociaux de production établis.

« Et donc aussi à révolutionner l’édifice social dans son ensemble.

« C’est « l’ère des révolutions » qui annoncent le passage à un autre mode de production.

BRISER LE MÉCANISME D’ETAT

Pour Marx lui-même , dans « Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte » , le pouvoir exécutif , « avec son immense organisation bureaucratique et militaire , avec son mécanisme étatique complexe et artificiel , son armée de fonctionnaires d’un demi-million d’hommes et son autre armée de cinq cent mille soldats , effroyable corps parasite , qui recouvre comme une membrane le corps de la société française et en bouche tous les pores , se constitua à l’époque de la monarchie absolue , au déclin de la féodalité , qu’il aida à renverser…

« La première Révolution française , qui se donna pour tâche de briser tous les pouvoirs indépendants , locaux , territoriaux , municipaux et provinciaux , pour créer l’unité civique de la nation , devait nécessairement développer l’oeuvre commencée par la monarchie absolue: la centralisation , mais , en même temps aussi , l’étendue , les attributs et l’appareil du pouvoir gouvernemental.

« Napoléon acheva de perfectionner ce mécanisme d’Etat…

« La République parlementaire, enfin , se vit contrainte , dans sa lutte contre la Révolution , de renforcer par ses mesures de répression les moyens d’action et la centralisation du pouvoir gouvernemental.

« Toutes les révolutions politiques n’ont fait que perfectionner cette machine, au lieu de la briser.»

LA RÉVOLUTION REPOUSSANTE

C’est que, pour Marx, toutes les révolutions n’ont pas le même objectif.

Il y a celles qui, avec celle de 1789, visent à consolider, à affermir le pouvoir de la bourgeoisie.

Et, « parce que la révolution de juin 1848 a, la première, menacé l’ordre bourgeois, elle a été écrasée dans le sang.

« La république tricolore n’arbore plus qu’une seule couleur, la couleur des vaincus, la couleur du sang, elle est devenue la république rouge…

« La révolution de février fut la belle révolution, la révolution de la sympathie générale, parce que les contradictions (entre la bourgeoisie et le peuple) qui éclatèrent en elle contre la royauté, n’étaient pas encore développées et demeuraient en sommeil, unies, côte à côte, parce que la lutte sociale qui formait l’arrière-plan de cette révolution, n’avait atteint qu’une existence inconsistante, une existence purement verbale.

« La révolution de juin est laide ; c’est la révolution repoussante, parce que la réalité a pris la place des mots, parce que la République a démasqué la tête même du monstre en lui arrachant la couronne qui la protégeait et la cachait…

« Aucune des nombreuses révolutions de la bourgeoisie française depuis 1789 n’était un attentat contre l’Ordre , car toutes laissaient subsister la domination de classe , l’esclavage des ouvriers , l’ordre bourgeois , malgré le changement fréquent de la forme politique de cette domination et de cet esclavage .

« Juin a touché à cet ordre .

« Malheur à juin !

LA DICTATURE DU PROLÉTARIAT

La Critique du programme de Gotha, où Marx «règle quelques comptes» avec la social-démocratie allemande , est également l’un des rares textes où il aborde cette notion de «dictature du prolétariat».

Encore fait-elle débat sur ce que Marx entend réellement par là !

Pour Sonia Dayan-Herzbrun, enseignante à Paris VII, la réponse de Marx a souvent été mal interprétée :

« Marx considère que la voie démocratique peut dans certains cas conduire à la société sans classes et que la révolution, en son sens littéral de transformation radicale, peut s’opérer sans violence.

« Mais pour cela, il faut que le parti ouvrier s’attaque aux fondements mêmes de la société bourgeoise et donc à l’Etat, pour instaurer la «dictature du prolétariat».

« L’Etat est ainsi voué à disparaître, l’administration des choses remplaçant le gouvernement des hommes, selon la formule de Engels.

« A Gotha, toutefois, le conflit se concentre autour de l’Etat ouvrier , qui sera appelé plus tard Etat social : un Etat issu du vote des travailleurs et qui agit en leur faveur sans que ceux-ci exercent directement leur pouvoir.

« Conception que refuse évidemment Marx ».

Pour Isabelle Garo qui s’exprime également dans ce « hors-série », Marx est cet auteur dont on parle sans jamais l’avoir lu :

« Beaucoup de textes de circonstance, des interventions politiques notamment, ont été arrachées au contexte historique qui leur donne sens.

« La tradition « marxiste-léniniste » a projeté ses propres choix théoriques.

« Mais c’est aussi le cas de la plupart des lectures libérales ou totalitaires.»

S’agissant de La Critique du programme de Gotha, «c’est l’un des rares textes de Marx où l’on voit apparaître la notion de « dictature du prolétariat ». L’expression a donné lieu à beaucoup de sur-interprétations, favorables ou hostiles, toutes très éloignées du sens que lui donna Marx, qui l’opposait à la « dictature bourgeoise » et l’empruntait à l’histoire romaine. « La dictature à Rome en effet était ce moment d’exception qui n’avait rien d’arbitraire : un homme seul s’y voyait conférer un pouvoir exceptionnel afin d’assurer la survie de la République.

« La fortune et les infortunes de l’expression ont occulté la vraie question qui est celle de l’Etat.»

CONTRE LES DOGMATISMES

Ces quelques thèmes qui, d’ailleurs, visent davantage à ouvrir le débat qu’à le conclure, mettent en évidence la richesse, qui est loin d’être épuisée, du contenu de ce « Hors-série » du Point qui semble s’inscrire dans une multitude de nouvelles publications ou articles qui témoignent tous de la vivacité de la pensée de Marx et de son actualité.

Je pense d’ailleurs que nous aurons l’occasion d’y revenir, tant la situation, les évènements que nous vivons me semblent avoir besoin d’une irrigation nouvelle permettant de saisir toutes les opportunités en les relaçant dans la dialectique et le mouvement de l’histoire ennemis de tous les dogmatismes et de toutes les scléroses de pensée.

Michel Peyret,
9 juillet 2009

INTERDICTION D’UN COLLOQUE SUR LA MÉMOIRE ET LA RÉPARATION

Il était 9h lorsque les initiateurs de cette manifestation, accompagnés de leurs invités, des experts nationaux et internationaux, ont été accueillis au seuil de la maison des syndicats par les services de sécurité,
des policiers ayant reçu des instructions du wali d’Alger pour interdire la tenue du colloque à l’intérieur de cette enceinte,une bâtisse construite, tout récemment, pour abriter justement des conférences et des débats en tout genre.

« Pourquoi cette interdiction?», se sont interrogés les représentants du collectif des associations.

Le but de cette rencontre, expliquent-ils, n’est ni plus ni moins que d’exprimer notre rejet du déni de vérité.

« Nous nous battons contre les autorités et contre l’islamisme, nous demandons à ce que justice soit faite, et laisser surtout les familles des victimes du terrorisme faire leur deuil » , a lancé hier une participante à ce colloque.

Cherifa Khedar, de l’association des victimes du terrorisme Djazaïrouna, a affirmé que cette manifestation est dédiée à la mémoire de toutes les victimes algériennes et regrette l’amnésie instaurée au niveau officiel.

Preuve en est l’interdiction du colloque. Les autorités avaient avancé comme argument l’absence d’autorisation. Les services de la police ne voulaient rien entendre d’ailleurs. «Vous n’avez pas d’autorisation, donc vous ne pouvez pas tenir votre forum, c’est clair», ont-ils ressassé.

Pourtant, toutes les activités qui se sont déroulées de par le passé, à l’intérieur de la maison des syndicats, n’avaient pas été autorisées par le wali.

Pourquoi alors une autorisation pour un tel colloque ? «En quoi une telle manifestation dérange-t-elle les pouvoirs publics ?» , se sont interrogés à l’unanimité les responsables et animateurs de cette rencontre, notamment les représentants des associations Djazaïrouna et Somoud, ceux du CFDA, de SOS disparus et de la Fédération euroméditérranéenne (FEMED).

Néanmoins, cette situation n’a nullement découragé ni démobilisé ces ONG, qui ont décidé de contourner cet interdit en organisant le colloque au siège de SOS disparus.

Plusieurs thèmes avaient été arrêtés, dont certains ont été traités et d’autres non en raison du manque de temps. Il s’agit, entre autres, de sujets portant sur

 «L’enjeu de la préservation de la mémoire dans la promotion et la protection des droits des victimes de la dernière décennie, la charte pour la réconciliation nationale»,

 «Tentative de masquer crimes et criminels dans l’espace médiatique»,

 «Perspective historique et sociologique de la mémoire en Algérie,

 «Avatars de la mémoire, entre amnésie et hypermnésie»,

 «Mémoire et alerte sur les violations des droits de l’homme».

L’historien et directeur de la revue Naqd, Daho Djerbal, a expliqué, dans sa conférence consacrée aux «Avatars de la mémoire en situation postcoloniale, entre amnésie et hypermnésie», que même si les actes héroïques sont glorifiés dans l’histoire officielle, dans le vécu de l’acteur (le porteur d’armes), la trace de la mort reste toujours dans la mémoire et même dans la conscience. M. Djerbal pense que quelles que soient les circonstances, il est impérativement important de s’inscrire dans une logique transcendante qui permettrait de surmonter l’acte et ses effets sur la conscience ; et seule la reconnaissance est censée jouer ce rôle.

«Que se passe-t-il lorsque cette reconnaissance de la nation est oblitérée par l’oubli ? Que se passe-t-il quand la mémoire des luttes intestines et des purges en situation de guerre de libération s’efface ou quand un événement fortuit la ramène à la surface ? Juste mémoire ou juste oubli ?», s’est interrogé l’intervenant.

Se voulant plus explicite par rapport à la question de la mémoire et de l’oubli, le conférencier a fait remarquer que pour gérer le mal, il ne faut pas seulement recourir à la thérapeutique.

La question n’est pas une question d’amnésie ou de remise de parole, le problème, selon l’orateur, est éminemment politique. «Les gens qui sont touchés par le phénomène de disparition veulent connaître la vérité, ils réclament et veulent venir à la barre pour qu’ils puissent témoigner. Ils ont besoin de savoir ce qui est arrivé à leur proche afin de faire le deuil», a soutenu M. Djerbal, qui déclare, en s’appuyant sur l’interdiction du colloque lui-même, qu’«en séquestrant ces gens assoiffés d’expression, l’Etat applique la politique de l’expropriation de la société de sa propre histoire et ce, afin que l’on garde en mémoire la version officielle de cette histoire». Il a rappelé que ces personnes mènent en réalité une lutte pour s’approprier leur droit de s’exprimer et de rendre compte de ce qui s’est passé.

A la question de savoir s’il y a possibilité d’une amnésie, d’un oubli sans justice, l’historien répond par la négative.

Il faut, selon lui, une justice au vu et au su de tout le monde. «L’auteur de l’acte doit avouer, la mise en parole concerne tout le monde, y compris la victime et le témoin de l’acte, car il est impossible à l’individu de pardonner à quelqu’un qui n’a pas été jugé», clarifie M. Djerbal.

Parlant de la charte pour la réconciliation, El Kadi Ihcène est convaincu que cette charte qui balise ce qui s’est passé en Algérie a échoué après quatre ans de mise en œuvre. «A-t-on traité de la situation qui a engendré la violence ? Non, et aujourd’hui chaque catégorie sociale demande réparation. Il existe des familles qui refusent de vendre leur silence. Elles veulent dire en public ce qu’elles ont vu et vécu», fulmine El Kadi. Sur ce point, M. Djerbal croit qu’ «en verrouillant la charte, l’Etat a édifié une muraille».

Lors des débats, les victimes de disparition ont, à l’unanimité, regretté que l’Etat en tant que système tente à chaque fois d’empêcher la société de réfléchir et de s’exprimer librement sur ce qu’elle a vécu et ce qui s’est réellement passé, que ce soit durant la révolution ou aujourd’hui.

Nabila Amir

El Watan, le 18 juillet 2009

LES SALAIRES AU CŒUR DE L’INTERÊT NATIONAL

Dans deux précédents articles, j’ai fait des constats peu réjouissants à propos des salaires des travailleurs de l’éducation et de l’enseignement. Ces constats sont les symptômes d’un malaise profond que l’Algérie a ressenti à plusieurs reprises depuis l’Indépendance, des impasses qui ont débouché sur des secousses maléfiques. Le séisme qui mûrit en ce moment risque d’être encore plus chaotique et désastreux s’il n’est pas prévenu à temps, à cause du contexte politique national mais aussi géopolitique international. En tout cas, même si le tableau paraît contrasté, unilatéral ou alarmiste, on peut dire sans populisme que le pays survit dangereusement dans un système à double vitesse. Malgré des réalisations, insuffisantes par rapport à ses besoins et moyens, l’Algérie s’enfonce gravement dans deux logiques antagonistes, celle des nantis et celle des exclus.

Cela fait penser à des citoyens d’horizons divers que ce devrait être l’heure de grandes convergences.

Mais nombre de pratiques officielles vont en sens inverse. Si leurs décisions convergent plutôt avec les pressions exercées par des intérêts économiques et géostratégiques étrangers, elles approfondissent, consciemment ou non, des divergences et des fractures au sein de la nation et de la société, alors qu’au niveau des intentions ou des déclarations, il n’est question que de concorde et de cohésion nationale.

Il faut justement aller aux racines des sources de conflits et d’instabilité et pas seulement tenter en vain de corriger leurs effets néfastes.

Il est donc urgent que, à contre courant des méthodes de pensée unique, les opinions diverses et constructives s’expriment au grand jour. Souligner les dangers ne veut pas dire prendre en compte un seul aspect des choses, le plus mauvais. Il signifie valoriser les raisons d’espérer en des mobilisations et des solutions crédibles.

Premiers enseignements

Pour éviter ou dépasser les désastreuses situations d’impasse, la voie la plus féconde passe par les débats et les négociations entre partenaires sociaux et politiques, pour des solutions qui reposent sur des critères mutuellement acceptables.

Le principal point de convergence concerne ce sur quoi les parties concernées peuvent et doivent faire des concessions. A mon sens, à l’occasion des conflits sociaux, ce qui doit être sacrifié ou minimisé en premier, c’est l’arbitraire, les ambitions illégitimes de pouvoir ou la poursuite d’intérêts étroits et parasitaires au détriment de l’intérêt général. Ce qui au contraire doit être préservé et consolidé, ce sont les intérêts objectifs de la société, en premier lieu ceux des salariés ou des entrepreneurs qui activent dans le sens de l’intérêt général. Car sans leur labeur quotidien et leurs efforts, sans un niveau convenable du pouvoir d’achat du plus grand nombre et des plus lésés, aucune production suffisante de biens matériels et de services, aucun marché national et consommation de taille appréciable, en un mot aucune croissance économique équilibrée ni climat de confiance national ne seraient envisageables.

La mobilisation consciente en vue de négocier sur cette base est-elle illusoire, comme le laissent entendre des voix sceptiques ? En tout cas, les travailleurs et syndicats de l’éducation en ont prouvé la possibilité et l’impact. C’est d’autant plus instructif qu’ils se sont unis sur des objectifs communs indépendamment de leurs appartenances à des sensibilités politiques et idéologiques différentes.

Bon exemple de sagesse politique, face aux conceptions selon lesquelles rien ne serait possible tant que tel projet politique ou de société ne se serait pas emparé des rênes du pouvoir. Faudrait-il laisser les citoyens mijoter dans leurs souffrances et problèmes quotidiens en attendant ce grand jour ? Pendant que les formations politiques, si elles restent fascinées et aveuglées par les seuls horizons de pouvoir, risquent de s’en éloigner en s’enlisant dans les intrigues, les démarches aventureuses et coalitions sans principe ? Ces formations serviraient mieux leur propre intérêt et l’intérêt général en s’investissant dans la défense pied à pied des droits sociaux légitimes, non comme un fond de commerce politicien mais pour de réelles solutions. Car en même temps, il n’y a pas de meilleure école et tremplin pour la démocratie que les luttes quotidiennes dans l’esprit de la liberté et de la justice sociale.

Quel préalable pour mobiliser dans la bonne voie ?

Les coordinations intersyndicales ont montré que cela consiste à ne pas faire de discrimination, de ne pas trancher au départ et a priori avec qui agir et s’unir et qui faudrait-il écarter de l’action commune. La priorité est d’être à l’écoute de la base et des différents secteurs confrontés aux problèmes réels, pour déterminer, avant tout, autour de quels objectifs sensibles et communs il est nécessaire et possible de mobiliser. Quand le choix des objectifs communs correspond aux vrais besoins, ressentis largement et sans a priori réducteurs, l’action a plus de chance d’être unitaire, constructive et fructueuse.

S’agissant du secteur de l’éducation nationale, il y aurait alors plus de chances de consolider les éléments du trépied : pétrole, enseignement et démocratie, qui est jusqu’ici un support trop fragile et déséquilibré. Il y aurait plus de chances de faire du pétrole un levier pour son meilleur usage et non pour les pires détournements ou gaspillages. Il y aurait plus de chance de promouvoir un enseignement qui satisfasse à la fois le besoin de modernité et l’ensemble des sensibilités aux valeurs nationales légitimes. Plus de chance enfin de faire de la démocratisation non pas une façade, un effet d’annonce ou une idéologie, mais un outil de promotion et de participation des citoyens aux affaires du pays, c’est-à-dire leurs propres affaires.

A propos de démocratie, l’enjeu dépasse en réalité le domaine de l’éducation. La façon dont sera géré ce conflit est un indicateur de la voie que prendra l’Algérie : sombrer ou émerger. Il y a la voie qui consiste à prendre en otage un peuple entre deux pôles hégémonistes qui, tour à tour et selon la conjoncture des dernières décennies, passent de l’affrontement tragique aux arrangements sans principe et vice versa, sur le dos d’une société qui, dans les deux cas, en fait les frais. Et il y a la voie démocratique que les deux hégémonismes, chacun à sa manière, font tout pour contrecarrer : l’émergence d’une société civile, d’un champ politique et d’une sphère étatique qui coopèrent autour du critère objectif et non discriminatoire de l’intérêt commun.

C’est pourquoi, au-delà de l’apport des projets de société pertinents ou des programmes préétablis des uns et des autres, il est important de privilégier le terrain, les expériences et les problèmes vécus. Et sur cette base, confronter les propositions même conflictuelles pour en dégager et concrétiser des objectifs communs d’action et des axes de solutions.

Les points que j’avance ici s’efforcent d’adhérer à cet esprit. Ils dépassent le cadre des revendications salariales sectorielles et du règlement des conflits au coup par coup. Ils concernent des mécanismes plus globaux qui déterminent fortement et en amont la solution ou le pourrissement des problèmes de l’éducation.

Les instances étatiques :

• La « Trilatérale » est justifiée en son principe comme possible instrument régulateur au niveau central. Elle a perdu de son crédit auprès des travailleurs et jusqu’à un certain point auprès des opérateurs du secteur privé. Pourquoi ? Annoncée toujours comme le Messie et porteuse en général d’un message déjà ficelé, elle ne fait qu’enregistrer pour les rendre halâl des oukazes gouvernementaux, avec l’aval usurpé de dirigeants syndicaux désavoués par leur base.

Le problème est d’ailleurs plus vaste. Va-t-on faire de l’Etat algérien un véritable Etat de droit dans tous les domaines ? Il ne suffit pas dans les conférences internationales d’en proclamer la volonté ou faire comme s’il existait déjà. Il s’agit de donner vie et respect à un Droit Social équitable, bénéfique au monde du travail dans les activités nationales et conforme aux engagements internationaux de l’Algérie.

Il est normal que l’Etat joue dans cette tripartite un grand rôle, à un triple titre. Il représente un opérateur économique important, (même s’il a commencé à abdiquer cette responsabilité dans des secteurs décisifs, en ne conservant que le privilège abusif de réprimer). Ensuite, l’Etat a sa place et son rôle comme législateur. Enfin, théoriquement, il pourrait être un médiateur et arbitre reconnu entre différents intérêts nationaux. Mais il est absurde et dangereux que dans la « Tripartite » le véritable monde du travail, créateur incontournable de richesses et de services, occupe le strapontin d’une officine du pouvoir. Les fanfaronnades médiatiques des faux représentants parachutés font seulement monter la colère contre un système injuste. Celui-ci, avec la caution trompeuse et les courbettes des clones du pouvoir, quel qu’il soit, ne pourra qu’aller droit dans le mur. Il serait dans ces conditions plus productif et plus clair de supprimer officiellement la représentation salariale pour laisser place à un organisme bipartite du patronat public et privé, chargé des relations sur le terrain avec le monde du travail. Les conflits se règlent mieux avec des interlocuteurs valables et quand les données réelles ne sont pas biaisées.

• Le CNES (Conseil National Economique et Social), instance étatique consultative, mérite d’être valorisé et mis à l’abri des pressions. Cet organisme consultatif, a fait la preuve dans le passé de ses compétences, de sa probité et de son esprit de responsabilité. Ses données généralement fiables, ses analyses impartiales en font l’instrument désigné pour éclairer des domaines complexes et sujets à contestation, afin que les instances de décision de l’Etat, ainsi que l’opinion publique et les instances syndicales échappent aux lourdeurs bureaucratiques, aux manigances des groupes de pressions, aux tentations démagogiques, aux approches subjectives. Par exemple : quelle est la part imputable aux salaires dans la hausse ou la baisse de productivité et quelle est la part imputable aux conditions de fonctionnement de l’économie (orientations stratégiques, conjoncture internationale, organisation du travail, intéressement matériel et moral), comment combiner le levier salarial et tous les autres qui interviennent dans le pouvoir d’achat, etc. Loin des calculs d’épicier ou des économies de bouts de chandelles opposées aux revendications des travailleurs, une approche impartiale ferait ressortir l’importance d’une politique sociale considérée comme investissement global rentable. Elle permettrait de cerner les déperditions et les défaillances dans la gestion aux plus hauts niveaux. Elle soumettrait également à inventaire critique et public, les recommandations et expertises internationales intéressées, trop souvent entérinées en vase clos et sans examen approfondi et contradictoire par les exécutifs.

• Quant au Parlement (Assemblée et Sénat), peut-on parler d’un rôle sérieux à lui assigner, tant qu’il est prêt à voter tout et son contraire, à la demande de ceux qui l’ont fabriqué ? Victimes de cette méthode, les exécutifs sont à leur tour déresponsabilisés et encouragés à faire n’importe quoi, sachant qu’ils n’auront pas à rendre compte à leurs obligés quant aux conséquences économiques et sociales de leurs décisions. Ces exécutifs sont ainsi privés de l’écho des réalités, par des « élus » rendus insensibles et muets parce qu’ils sont les produits d’une cooptation ou d’un quota. L’absence d’un vrai dialogue avec la base sociale, aggravée par les entraves à la liberté d’expression, fait que même des projets ou des incitations positives du pouvoir ne trouvent pas le répondant mérité dans la population.

• La politique extérieure gagnerait à la diversification active et réelle des relations dans tous les domaines (économique, militaire, politique et culturel). Surtout dans les relations qui concernent des puissances ou la superpuissance dont la stratégie et les actes visent ouvertement l’asservissement et l’aggravation de situations de dépendance et d’inégalité. La diversification doit être substantielle et non pas une façade trompeuse, des fausses symétries pour masquer l’enfoncement dans la dépendance envers un partenaire pour qui la «coopération» signifie soumission aux besoins du dollar, du Pentagone et de ses réseaux médiatiques. La résistance des instances supérieures du pays aux chantages internationaux multiples n’est effective qu’en appui réel sur le soutien et l’opinion des citoyens, en harmonie avec leurs besoins et aspirations sociales et démocratiques. La capacité de résistance est aussi en forte connexion avec la question de souveraineté, de cohésion civique et idéologique nationale.

Les problèmes idéologiques liés à la personnalité nationale

Réels problèmes, d’abord ignorés, ou maltraités, les questions identitaires sont devenues des chevaux de bataille, des prétextes à diversions dans les conflits pour s’accaparer des portions de pouvoir ou d’avoir, au détriment d’un savoir et d’une culture scandaleusement sacrifiées et défigurées.

Ces diversions identitaires ont fort heureusement épargné, et c’est bon signe, les mouvements sociaux récents des salariés, comme l’emblématique mouvement des travailleurs de l’éducation. La composante véritablement nationale de ses acteurs a mis en échec ceux qui n’ont rien d’autre à opposer que la corde archi-usée des diversions identitaires aux revendications sociales légitimes et rassembleuses. Encore mieux, la cohésion sur le terrain du social aide les travailleurs à rapprocher leurs analyses sur le contenu et les méthodes de l’enseignement, terrain d’incompréhensions et de divisions savamment attisées. De ce point de vue, les institutions étatiques me paraissent en retard sur les évolutions, avec leurs retournements succédant à des avancées formelles, toujours sous tendues par des calculs tactiques et politiciens de court terme. Comment expliquer autrement l’abandon des recommandations qu’une commission nationale diligentée par le pouvoir lui-même avait élaborées au terme de débats mouvementés ?

L’opportunité est pourtant grande, tant pour les enseignants et chercheurs que pour les instances étatiques, ainsi que pour les élèves, les étudiants et les parents d’élèves, de donner ensemble l’impulsion à la guérison et la relance d’un enseignement malade. En plus des moyens accrus et mieux gérés de l’Etat, les enseignants algériens, malgré tous les handicaps, sont capables de réalisations remarquables. A l’instar de ces enseignants d’une wilaya du Sud Oranais (et ils ne sont pas seuls) qui ont maintenu durant plusieurs années un taux de réussite spectaculaire au baccalauréat. Qu’en serait-il si les stimulants matériels et moraux les encourageaient davantage ? Peut-on continuer à invoquer les séquelles du colonialisme (un demi-siècle après ?), ou une pression démographique lourde à supporter par les moyens de l’Etat ?

Pédagogie et enjeux de pouvoir

J’ai déjà évoqué un argument plus sérieux, les difficultés pédagogiques liées au pluralisme linguistique. Des raisons idéologiques et d’hégémonisme pervers contribuent à obscurcir cette question J’en reste à l’aspect pédagogique, pour affirmer, comme le confirme l’expérience internationale, que ce pluralisme est enrichissant et stimulant.

J’en veux pour exemple les résultats remarquables qu’avait obtenu en pleine guerre de libération nationale le regretté Mahamed Hadj Sadok, pédagogue exceptionnel et arabisant de valeur. A la direction du lycée «franco-musulman» de Ben Aknoun (futur Amara Rachid) dont il parvint à obtenir l’ouverture (ainsi que plus tard le futur et réputé lycée de filles Hassiba Benbouali), il réalisa un enseignement de haute qualité dans les deux langues. En dépit du surcroît de travail des lycéens, la plupart pauvres et handicapés par les conditions de la guerre d’indépendance mais qu’il savait motiver, le taux de réussite au baccalauréat, notamment en 1958 et dont il m’avait cité les chiffres, a été supérieur à celui du réputé Grand lycée Bugeaud (futur Emir Abdelqader) uniquement francophone. Parmi les élèves que la formation arabisante a promu à de brillantes carrières, figure Ahmed Djebbar, dont la thèse de Doctorat a été consacrée aux travaux des mathématiciens arabes étudiés dans leur texte scientifique original. M. Djebbar vient de diriger l’exposition consacrée à «L’âge d’or des Sciences arabes» à l’Institut du Monde arabe de Paris qui a connu un immense succès. Entreprise combien opportune en ces temps d’attaques racistes contre nos peuples considérés comme imperméables à la science et aux idées de progrès.

Il est temps que les autorités, les enseignants, les associations culturelles valorisent les expériences pédagogiques du temps de la résistance anticoloniale ou d’après l’indépendance. Aux bavardages et véhémences «identitaristes», il faut substituer l’obligation de résultats. Au lieu de vaines nostalgies, attaquons nous à réaliser dictionnaires et encyclopédies en arabe et tamazight, entreprenons le colossal travail de traduction des œuvres du monde entier auquel est obligée toute ambition culturelle et de civilisation qui se respecte.

Nous avons à faire connaître les œuvres et contributions de pédagogues de valeur et hommes de culture arabisants ou berbérisants, pétris d’une vision de l’enseignement et de la culture à la fois plurielle, rationnelle et ancrée dans les racines nationales, comme Abdallah Mazouni, Mostefa Lacheraf, Mouloud Mammeri, Djamal-Eddine Bencheikh et bien d’autres, ou Mohya, mort il y a peu dans l’oubli malheureusement, comme d’autres créateurs nationaux, alors qu’il a réalisé des œuvres et travaux de niveau mondial.

Les incompréhensions hostiles de milieux bureaucratiques ou sectaires, voire obscurantistes, s’évertuent à opposer entre elles les précieuses ressources linguistiques et culturelles de notre peuple. Pour eux, la prétention unanimiste est devenue l’unité de mesure du « politiquement correct », consistant à dénigrer et rabaisser l’un ou l’autre des piliers de l’édifice national et à les opposer à l’universel, Ils ont oublié que l’avenir ne peut se construire en minant ou faisant table rase de l’une ou l’autre des fondations enracinées dans le passé de la nation. Ils oublient que la résistance anticoloniale était tournée en même temps dans deux directions. D’une part contre la déculturation et la dépersonnalisation voulues par les occupants se réclamant de civilisation française. Et d’autre part, contre les courants obscurantistes se réclamant de l’islam mais qui cherchaient à réduire la lutte anticoloniale à une fermeture sur le monde, à un retour à ce qu’il y avait de moins bon dans les siècles de la décadence. Ils ont cherché à réinterpréter l’oeuvre de Benbadis en occultant ou en déformant toutes les facettes et actions de ce nationaliste tournées avec vigueur vers l’universel et le progrès.

Ils feignent d’oublier la double recommandation de l’appel du 1er novembre 54 (civilisation arabo-islamique et modernité démocratique et sociale), une formulation binaire dont ils opposent les deux termes alors que son sens profond était un appel à mettre ces deux termes en synergie. La formule, malgré ses insuffisances (dont l’absence de la dimension amazigh), reflétait la double motivation de notre peuple et de ses élites politiques et culturelles. Elle a fait l’efficacité de la lutte de libération, parce qu’elle correspondait à cette étape de la configuration de notre société et du monde. Il appartenait aux générations politiques d’après l’indépendance, dans l’enseignement et l’éducation civique, d’approfondir et donner vie en actes au contenu positif et créateur des deux volets de cette formulation, à travers toutes les expressions culturelles et linguistiques du vécu national.

Al ‘Ouqda, ou comment les choses se sont nouées

Pour mieux comprendre comment ce précieux message a été perverti ou trahi, je dirai simplement comment un inspecteur général d’arabe comme Hadj Sadok, cité plus haut, qui ne sollicitait rien d’autre que poursuivre l’œuvre qu’il avait engagée avec succès, a été éconduit par un haut (très haut) fonctionnaire et bureaucrate du nouvel establishment. D’aucuns ont prétendu après coup justifier cette mesure incohérente en arguant du fait que l’enseignant Hadj Sadok avait aussi exercé ses fonctions pédagogiques et de gestion de l’enseignement dans le cadre du gouvernement général de l’Algérie coloniale. Absurde prétexte vis à vis de ce patriote du fond du cœur et non de parade, ami de longue date de Ferhat Abbas, réformiste honnête, courageux, intransigeant dès qu’il s’agissait de l’enseignement de l’arabe, tel que l’ont connu ses anciens élèves comme Ali Boumendjel, Saad Dahlab, Abbane Ramdane, et ceux qui, après l’indépendance comme M’hammed Yazid, Benyoussef Benkhedda et moi-même, ne manquaient jamais de le saluer quand ils étaient de passage à Paris.

Ce cadre de valeur que pouvaient nous envier bien des pays arabes, était par ses qualités de pédagogue, d’organisateur et d’attention envers ses élèves et les problèmes de société, un des plus capables, à ma connaissance, de prendre, à bras le corps, la tâche colossale d’un enseignement national (il était aussi ouvert à l’amazighité) digne d’un peuple qui venait de se libérer pour l’accès, entre autres et peut-être en priorité, à un savoir qui comme on le disait alors, lui ouvre les portes à la fois de « ed’dounia oual akhira » , ce monde d’ici-bas et de l’Au-delà.

Mais si vous voulez connaître le fin fond de l’affaire, n’allez pas chercher trop loin. L’un de ceux qui, chargé de relancer l’enseignement dans l’Algérie indépendante, avait barré la route à ce cadre sans avoir eu même le courage de le rencontrer et le regarder dans les yeux après lui avoir fixé rendez-vous, avait été son « élève ». Peut-être ne souhaitait-il pas qu’un compétent risque de lui faire de l’ombre ? Il aura eu tout de même un mérite, celui d’avoir été un des précurseurs qui ont appliqué à leur façon la formule qui ne tardera pas à devenir aussi célèbre que symbole de dérision: « L’homme qu’il faut à la place qu’il faut ».

A chacun de tirer sa conclusion. Je ne terminerai pas sur cette triste note, avec le cœur lourd d’entendre revenir à la mode une vieille formule des années 70 : « dawlat Mickey ». Un ami a cru l’actualiser et l’algérianiser en me suggérant « dawlat Djeha ».

Pas du tout, ai-je protesté. Je lui ai expliqué, sur une note plus optimiste, que je souhaite à tous les acteurs dans l’Etat et la société, tous pourvus d’intelligence et d’imagination, d’avoir la même sagacité, le même enracinement parmi ses semblables et la même sensibilité envers ses concitoyens que Djeha, alias Nasreddine Khodja, avec ses qualités acquises en roulant sa bosse et son discernement pragmatique autour de la Méditerranée, tantôt pauvre petit colporteur, tantôt riche marchand. Le jour où, promu imam, questionné et coincé après la prière sur son savoir théologique, il reconnut modestement et habilement ses limites en demandant « à ceux qui savent d’expliquer à ceux qui ne savent pas », il nous délivrait une grande leçon. Il appelait en substance au débat, aux échanges, à l’élaboration et aux jugements collectifs.

Avec Djeha, il y avait toujours une issue aux situations compliquées. Je ne me souviens d’aucune histoire de Djeha qui se soit terminée par une tragédie.

Amin wa choukran, ya Cheikh Djeha, et tous ensemble, comptons sur nous-mêmes pour construire. En Algérie, comme à l’échelle régionale et dans le monde, seul un mouvement social assez profond et responsable, à multiple et large composante idéologique et politique, aura le poids suffisant pour freiner sinon renverser la descente aux enfers.

S. H. 14 mars 2006

LES NOUVEAUX ESCLAVES DU PORT D’ALGER

Parce qu’ils ont voulu protester contre les conditions d’hygiène, de sécurité et de travail, 300 dockers du port d’Alger se sont retrouvés sans travail. Après négociations, la DP World, à qui l’Entreprise portuaire d’Alger a cédé la gestion depuis le mois de mars, a accepté d’en reprendre 220. Les autres sont restés sur le carreau. Furieux et humiliés, ils racontent leur quotidien derrière les grilles bleues. Un autre monde. Celui des nouveaux maîtres du port, les Emiratis.

Pas de youyous pour Abdou. Ce grand gaillard en baskets, habillé d’un tee-shirt aux couleurs de l’équipe de foot de Birmigham, a annulé son mariage, prévu pour l’été. Il n’est plus autorisé à entrer au port d’Alger où il travaille comme docker depuis douze ans.
A la fin du mois, il ne touchera donc pas ses quelque 30 000 DA de salaire.

Il y a trois semaines, 300 dockers de Dubaï Port World, nouveau partenaire (à 50%) de l’Entreprise portuaire d’Alger (Epal) depuis le mois de mars, ont arrêté le travail.

Protestant contre «l’absence totale de sécurité et d’hygiène, le changement des rythmes de travail, les promesses non tenues relatives aux augmentations de salaire» du nouveau gestionnaire et exploitant du port à conteneurs, les travailleurs réclamaient leur réintégration collective à l’entreprise-mère. Mais leur grève, entamée sans préavis, n’a pas été du goût de la DP World qui leur a fermé l’accès au port pour «abandon de poste».

Après intervention du président de la coordination des ports d’Algérie, les responsables syndicaux ont alors demandé aux dockers de reprendre le travail. «Ils nous ont assuré que personne ne sera exclu, témoigne Adel, 31 ans, conducteur d’engins depuis 8 ans. Mais sur les 300, seuls 220 ont été repris.» Abdou, Nordine, Mohamed, Yacine et les autres sont restés sur le carreau.

Dans la moiteur des couloirs du syndicat où ils se retrouvent tous les jours, Nordine, 52 ans, lui aussi en tee-shirt de footballeur, mais de Chelsea, docker depuis huit ans, explique : «Depuis que nous avons été transférés de l’Epal à DP World, nous vivons l’enfer! Nous sommes réduits à l’esclavage dans notre propre pays !»

A côté de lui, Mohamed, 46 ans, docker depuis 22 ans, ne peut pas contenir sa colère. «A la première assemblée, DP World nous avait promis des salaires de 75 000 DA! Mais on n’a rien vu! On n’a rien eu et quelles que soient nos années d’expérience, on reste à 30 000 DA !» Pour Abdou, dont le salaire perfuse directement une famille de dix personnes, le coup est dur.

«Le transfert à la DP World m’a augmenté la paye de 1000 DA !, s’énerve-t-il. Je fais quoi avec ça ? Il suffit que j’aille au café et pffft, je n’ai plus rien.» Yacine, 29 ans, marié et père d’un enfant, a commencé sa carrière de conducteur de grue à l’âge de 18 ans, comme journalier. «Une journée avec l’Epal me rapportait 1200 DA, confie-t-il. Un mois à DP World revient à 34 000 DA. Faites le compte…»

Mais plus que les salaires, ce sont les modalités du nouveau programme de travail qui révoltent les dockers algérois. Ce que Mohamed El Khadar, directeur général de la société DP World Djazaïr, présente comme un «nouveau système» garantissant «un niveau de professionnalisme permettant de travailler selon les régimes et les normes internationaux» et de faire du port d’Alger «un des pôles de concurrence du bassin méditerranéen».

Du côté des dockers, la réaction est brutale. «Un nouveau système d’esclavage, oui!, s’énerve Yacine, DP World a fait venir des Pakistanais, des Indiens, des Djiboutiens, qu’ils paient évidemment moins que nous et dont certains n’ont même pas de permis de travail! »

Entre les travailleurs, un téléphone portable circule.
On y voit une vidéo destinée à ceux qui ne les croiraient pas. Le film présente un engin suspendu à une grue servant à attraper les conteneurs. Sur une sorte de plateforme accrochée à la grue et circulant dans les airs, des dockers se déplacent.
«Ils sont à 30 m de hauteur, explique le docker qui a filmé. Vous voyez? Ils n’ont aucune cage de sécurité. Ils peuvent tomber d’un instant à l’autre!»

Et Nordine d’insister : «La DP World veut se conformer aux normes internationales mais pour cela, il faut du matériel! Nous prenons un maximum de risques, nous grimpons sur les conteneurs à mains nues, sans casque, dans la poussière et le bruit, par tous les temps ! De certains conteneurs abandonnés, coulent des substances bizarres.
On voit bien que ce sont des produits chimiques. La plupart d’entre nous sommes malades des poumons. On n’a même pas de boîte à pharmacie!»
, relève-t-il, en montrant son index dans lequel une entaille de vingt-cinq jours n’a toujours pas cicatrisé.

Les anecdotes ne manquent pas : les grutiers qui se retrouvent tous seuls, le transport qui n’est plus assuré entre les zones du port, le manque de protection contre les incendies…

Adel, le conducteur d’engins, fait le décompte : «Récemment, des dockers se sont retrouvés projetés hors de navires, un grutier a été récemment grièvement blessé après une chute de 15 m et un conteneur de 40 pieds rempli de lait en poudre s’est cassé en deux.
La direction nous avait pourtant promis que nous allions progresser, que nous aurions du matériel… Mais ça ne suit pas. Et au port non plus ça ne suit pas»
, ironise-t-il d’un mouvement de tête en direction du port où, depuis plusieurs jours, plus de trente bateaux restent en rade.

Mohamed El Khadar estime quant à lui dans un communiqué «pouvoir diminuer de 100% le phénomène de navires en rade dans les trois ou quatre mois à venir» et « continuer d’investir et de développer les infrastructures, le système informatique, les ressources humaines, la sûreté, la sécurité».

«Et les sanitaires?, rétorquent les dockers.

« Depuis que la DP World s’occupe du port, nous n’avons plus ni douches ni WC. On rentre chez nous avec la crasse des conteneurs qui arrivent de tous les continents. Vous imaginez un peu les risques de maladie ? Les marins qui viennent régulièrement à Alger nous disent que nous travaillons dans les mêmes conditions que les dockers de Djibouti ou des Philippines!»

Sur sa chaise, en marcel blanc et bleu de Chine, Nabil, 42 ans, soulève un autre problème: «Et pendant le Ramadhan ? Comment ceux qui travaillent la nuit, de 19h à 7h, vont pouvoir s’organiser ? Nous n’avons même plus de salle de prière. Avec l’Epal, nous avions le choix.
Maintenant, on ne discute pas. Chacun doit faire cinq nuits consécutives et enchaîner avec une semaine de 13h à 19h ou une semaine de 7h à 13h. Sans récupération. Et la nuit n’est pas payée plus cher… »
Quand il est « de matinée », Nordine se lève tous les jours à 4h.

Il ne sait pas bien ce qui ne tourne pas rond dans son emploi du temps mais pour lui, le nouveau système ne l’avantage pas. «En clair, on travaille 160 heures par mois au lieu de 144 à l’époque de l’Epal», précise Adel. «Selon les normes internationales, un docker devrait travailler 6 heures et 40 minutes, ajoute un collègue. Mais en réalité, on fait au moins 8 heures la journée et 13 heures la nuit.»

A la direction générale, les méthodes de calcul ne sont visiblement pas les mêmes : «Ce nouveau système fera bénéficier l’employé de 152 heures de travail par mois sans compter les heures supplémentaires (8 heures par jour), ce qui est beaucoup moins que la durée de travail fixée par la loi algérienne.»

Du côté du syndicat, Kamel Zergane, secrétaire général, dans sa chemise bleu très chic, temporise : «Que les dockers reprennent le travail, voilà mon souhait le plus ardent, assure-t-il devant les dockers.
Le directeur de DP World a promis que si nous faisions un pas, il en ferait dix. Nous l’avons cru mais fermer la porte au nez des dockers qui voulaient reprendre le travail a créé une situation dangereuse. Un huissier est venu sur place pour constater les faits. Maintenant, des discussions vont avoir lieu, nous verrons ce que cela va donner.»

Brouhaha. Les dockers s’agitent.

Le ton monte. « Ils nous méprisent, s’énerve Yacine. On ne demande qu’à discuter, mais la direction a placardé une affiche disant qu’un docker n’a pas le droit de monter à la direction!»

Nordine répond: «Depuis trois semaines, on se présente à la porte et on attend en plein soleil pour parler au directeur, mais aucun responsable ne veut nous parler!» Pire, la police se charge de les chasser.

«On ne les croit pas tous ces syndicalistes, marmonne un docker de mauvaise humeur. Même à l’UGTA, on nous a dit qu’ils étaient dépassés par le problème!» En l’absence de convention collective et peu au fait de leurs droits, les dockers ont peu de cartes dans leur jeu.

La DP World, qui résume le mouvement de contestation à «une opposition de certaines minorités» le sait bien. Dans une note interne du mois de juin, l’administration prévient clairement que la productivité du mois de mai doit être maintenue et que les dockers n’ont pas à décider de leur propre plan de travail. Et qu’en l’absence de rendement, des sanctions seront appliquées.

Nous avons cherché à approcher des dockers en poste à l’entrée du port. Parmi les chômeurs qui attendent du travail à la journée, personne n’en connaît. Pour parler sans craindre de voir arriver la police, il faut traverser l’autoroute et prendre la passerelle direction Belouizdad.
Au café Crampel, un docker qui part au travail accepte de nous accompagner jusqu’à la sortie du tunnel pour nous orienter vers les grévistes, en nous demandant toutefois de ne pas traverser l’autoroute avec lui, de peur d’être surpris en pleine discussion avec des journalistes.

«La seule chose que nous voulons, c’est réintégrer notre poste», soupire Yacine.

Ou partir dans un autre port ? «Pourquoi ? On était bien à l’Epal. Avant, on était heureux de se lever le matin pour aller travailler.
Pourquoi je partirais ? »

Derrière sa moustache poivre et sel, Nordine semble sourire en écoutant le jeune. «C’est là que nous nous sommes formés, que nous avons construit nos vies, répète-t-il. On nous a forcés à aller à DP World. Mais nous avons notre dignité.»

Avènement d’une multinationale: MITTAL STEEL

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Un certain nombre de déclarations et prises de positions de personnalités officielles (ministres, etc.) et d’hommes politiques et syndicalistes – ou supposés tels- se rapportant aux bienfaits de la privatisation -panacée dite incontournable- du Complexe sidérurgique de El-Hadjar (ex-SNS), amène à s’interroger sur la réalité de ceux-ci et, par conséquent, à se pencher sérieusement sur le « miracle » Mittal-Steel.

Les lecteurs pourront vérifier – du moins nous l’espérons- que les choses ne sont pas simples, ni idylliques comme on veut bien nous le faire croire, et ce, pour estomper des situations assez préoccupantes vécues par le principal fleuron de notre industrie nationale.

DÉBUT FÉVRIER 2006 :

OPA HOSTILE DE MITTAL STEEL SUR ARCELOR

La très récente offre publique d’achat (OPA) de MITTAL-STEEL, groupe familial, en direction de son dauphin ARCELOR, a multiplié ‘l’intérêt’ porté au n°1 mondial de l’acier. En effet, il n’est pas à la portée de n’importe quelle entreprise, aussi géante soit-elle, de lancer une OPA –hostile de surcroît- à l’encontre d’une autre entreprise, aussi importante, en alignant sur la table la faramineuse somme de 18.6 milliards d’euros ( 23 milliards de dollars) !. Les chancelleries, les milieux industriels, économiques et financiers européens réagirent immédiatement par une levée de boucliers presque générale ! Si la démarche réussissait, c’est-à-dire si Mittal-Steel absorbait Arcelor, sa production annuelle d’acier doublerait pratiquement et dépasserait les 100 millions de tonnes d’acier par an ; sa présence en la matière devenant dans le monde écrasante…

Précisons que le groupe indien est dirigé uniquement par les membres de la famille du milliardaire Mittal Lakshmi, le PDG, plus ses deux frères et ses deux enfants. Le père Mohan Mittal savourerait, paraît-il, les délices d’une retraite bien méritée à Londres…
Lakshmi Mittal est classé 3ème fortune mondiale par le magazine américain Forbes, où il est suivi de près (voir tableau ci-dessous) par le prince saoudien Ben Talal, 5ème fortune mondiale.


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Lakshmi Narayan Mittal réside à Londres où se trouve le centre décisionnel de Mittal Steel, alors que son holding LNM Holdings NV, régi par le droit du paradis fiscal des Antilles néerlandaises, siège à Pennstrat 105, Curaçao.

La production annuelle de Mittal Steel durant l’année écoulée aurait atteint 57 millions de tonnes d’acier, pour un chiffre d’affaires de 31,5 milliards de dollars
[[ «Jeune
Afrique
l’intelligent» du 21 janvier 2006 – Echo Finances http://www.lintelligent.com ]]

Quant à Arcelor [[ http://www.arcelor.com]], crée en 2001-2002 par la fusion de plusieurs groupes européens, et dont le siège est au Luxembourg, il rassemble des sidérurgies françaises (USINOR: 29 000 travailleurs), luxembourgeoises (ARBED – entreprise d’Etat: 6 000 travailleurs, et 1er actionnaire avec 5.6% des actions), espagnole (ARCERIAL, 15 000 travailleurs) et belge (13 000 travailleurs). Sur un effectif de 95 000 travailleurs, Arcelor emploie 78 000 travailleurs dans l’Union Européenne, et 15 000 en Amérique Latine (Brésil).

Sa production est évaluée à 47 millions de tonnes d’acier –avec des secteurs-clés spécialisés (aciers carbones, inoxydables, etc.) – pour un chiffre d’affaires qui était en 2004 de 30 milliards d’euros
[[AFP, 27 janvier 2006, soit (37 milliards de dollars)]]
, Arcelor deuxième sidérurgiste mondial, détient entre autres avec ses « produits plats » 15% du marché de l´automobile.

QUELQUES CHIFFRES COMPARATIFS:

La production mondiale d’acier en 2005, avec 1 milliard 129 millions de tonnes, a atteint un nouveau record, dépassant le milliard de tonnes pour la seconde année consécutive, en hausse de 5,9% par rapport à l’année 2004. La Chine reste le premier producteur d’acier dans le monde (349,4 millions de tonnes d’acier produits en 2005, soit une augmentation de 24,6% par rapport à 2004
[[selon International
Iron
Steel
Institute, http://worldsteel.org/]]
, alors que la demande de la Chine en acier augmentait dans le même temps de 69%).


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(Liste établie en fonction de leur production d’acier brut en 2004
[[ AFP‐ 27 janvier 2006 ; et International Iron and Steel Institute, http://worldsteel.org/]]
, réactualisée avec le rachat annoncé récemment par Arcelor du canadien Dofasco et l’intégration en 2005 de l’américain International Steel Group (ISG) dans Mittal Steel.)

MITTAL STEEL EL HADJAR

Mais pour nous, l’intérêt pour Mittal Steel est plus pragmatique: comment connaître et comprendre les circonstances qui ont amené le complexe sidérurgique d’El-Hadjar, avec ses centaines de cadres, ingénieurs et techniciens qualifiés, ses milliers de travailleurs expérimentés technologiquement et professionnellement, à être cédé non pas au plus offrant, comme on dit, mais curieusement, suite à un marché déroutant (de gré à gré ? ) dans un environnement assez opaque, à Lakshmi N. Mittal qui en obtenait, ainsi, à travers la création de ISPAT / ANNABA, en octobre 2001, 70% du capital ?

Il semblerait que le complexe sidérurgique fut acquis pour la dérisoire somme de 20 millions de dollars ( ? !) alors que sa valeur réelle – compte tenu que la majorité de ses unités de production étaient encore performantes et de créations récentes (telles que la cokerie, les hauts fourneaux, les aciéries, les laminoirs, les tuberies)- équivaudrait à plusieurs milliards de dollars, comparativement aux capitaux investis pour acquérir des usines similaires en Ukraine, et ailleurs… Pour cela, les concepteurs du site pourraient, s’ils le voulaient bien, nous éclairer sur les capitaux colossaux que l’Algérie a investi durant des dizaines d’années pour qu’enfin émergent les différentes et très nombreuses installations de la SNS, et surtout qu’une main d’œuvre qualifiée soit formée localement (création de l’ Institut Minier et Métallurgique de Sidi Amar, des CITAM, CEFOS, etc.) et souvent sur le site même de chaque constructeur, permettant ainsi le transfert de technologie.

Que s’est-il passé ? Comment en est-on arrivé là ? Est-ce une fatalité inéluctable ou une démarche délibérée, voulue ? A présent, bien sûr, il ne sert à rien de se lamenter. Il faut, comme on dit, regarder les choses en face c’est-à-dire prendre en compte la réalité ou les réalités, pas à pas, au fur et à mesure des éclaircies possibles, afin que l’opinion publique puisse un jour enfin être instruite sur le pourquoi et le comment de la chose…

Et, justement, la situation atteinte présentement par le complexe sidérurgique d’El-Hadjar paraît dénuée de toute logique, de toute rationalité, dépourvue encore plus de toute transparence…

Nous pourrions citer de nombreux exemples de faits vécus et subis par le complexe avant et juste après la privatisation. Avant l’opération de privatisation les solutions et mesures adéquates étaient impossibles, non autorisées et empêchées de toutes sortes de manières (asphyxie bancaire, blocages dans la commercialisation, difficultés d’approvisionnement en « consommables » indispensables au fonctionnement des installations productrices pour indisponibilité de devises… acculant le complexe à une sous production, et certaines chaînes à des arrêts), alors que ces mesures devenaient miraculeusement possibles après …

Des questions se posent quand on constate certains faits:

• Au moment de la signature du contrat, en 2001, le bradage de l’entreprise pour une somme dérisoire (alors que le bureau d’études français Roux avait évalué,apparemment par défaut à l’époque, la valeur du patrimoine de la défunte Alfasid à 980 millions de dollars), les avantages de toutes sortes, étonnamment consentis à Ispat par l’Etat algérien (couverture de l’Apsi -Agence pour la promotion de l’investissement- sur 10 ans, effacement de toutes les dettes Alfasid, réduction de 30% sur les redevances globales d’électricité, du gaz et de l’eau, et surtout engagement sur la cession des mines de l’Ouenza … ; dans ce contrat était mentionné l’accès à la propriété de Mittal des stocks de matières premières, pièces de rechange, équipements et matériels, y compris ceux commandés, payés et non encore réceptionnés… [[ El
Watan du 12 juin 2002]].

• Le « dégraissement » discret mais systématique du personnel (1 100 départs rien qu’au mois de mai 2002), départs en retraites, décès et licenciements non remplacés jusqu’à maintenant, et dans l’avenir. Et, plus récemment recours à l’emploi jeunes par centaines (ingénieurs, techniciens, etc.) payés par l’Etat algérien.

• Il faut tout de même apprécier comme il se doit l’efficacité de gestion de la multinationale Mittal Steel : ainsi pour ce qui est des relations avec la presse et de la gestion des ressources humaines au sein du complexe sidérurgique d’El Hadjar, le PDG de l’usine confie tacitement ces tâches à M. Aissa Menadi, syndicaliste ‘maison’… D’où la surprenante discrétion du PDG de Mittal Steel d’El-Hadjar, pour ne pas dire son effacement !

• Et que penser de ces retraités et de leurs ayant droits, privés depuis des années du bénéfice des œuvres sociales de l’entreprise, alors que l’on se demande sur quels comptes sont débités les frais apparemment très consistants occasionnés par la création et l’entretien du club sportif de football UMSD (Union Mittal Steel de Drean)
[[El
Watan du 4 mai 2005.]], dont le statut ressemblerait à celui d’une équipe « pro »…

• Pourquoi la Tuberie sans soudure (TSS) dont la technologie très avancée en matière de laminage –et donc de sa valeur ajoutée- n’est plus à démontrer, est-elle à l’arrêt alors que Sonatrach a un pressant besoin de tubes de ce type pour continuer ses travaux de recherche ?

• Pourquoi Mittal Steel /Annaba est-elle de nouveau exonérée d’impôts dans la dernière convention signée le 25 juin 2005, entre l’Apsi (le gouvernement algérien) et LNM Holdings NV (société régie par de droit des Antilles néerlandaises) : franchise TVA, droits de douane réduits, exemption de l’ impôt sur le bénéfice des sociétés (IBS), du versement forfaitaire (VF), de la taxe sur l’activité professionnelle (TAP) ; tarifs très préférentiels et avantageux en matière d’énergie (électricité, gaz…), etc.

Il arrive même que les quelques recherches effectuées débouchent sur des situations paradoxales, apparemment dénuées de toute logique…

CHRONOLOGIE DES ACQUISITIONS DU NOUVEAU GÉANT DE LA SIDÉRURGIE
(quelques repères)

On ne peut s’empêcher d’être captivé par le «cheminement» de la famille Mittal : ainsi après la petite aciérie paternelle de Calcutta (fondée dans les années 50, et produisant modestement environ 20 000 tonnes acier/an), ce fut l’acquisition par Lakshmi Mittal, juste diplômé d’études commerciales, de la sidérurgie indonésienne à l’aide d’un prêt bancaire (1976 : création d’Ispat Indo). Ensuite L. Mittal s’empara et transforma la société de sidérurgie d’Etat Iscott à Trinidad et Tobago (1989). Puis il y eut l’expansion internationale, où l’on voit le groupe familial LNM sous divers noms de filiales Ispat s’emparer successivement d’usines sidérurgiques d’Etat : en 1995 au Kazahkastan, [usine de Temiztan, capacité de production de 5 millions de tonnes, avec accès au transsibérien permettant d’éviter la voie maritime pour atteindre la Chine…, acquise en même temps que les mines de fer et de charbon de Karmet, la centrale électrique qui alimente la ville, la Cie des trams, l’hôtel et la station de télévision…]
[[Le
Monde du 04/02/2006.]]
acheter des unités de production au Mexique (1992), au Canada (1994), en Allemagne (1995), aux USA : Ispat Inland[lors de l’achat de l’usine sidérurgique de Chicago, importante grève des travailleurs consécutive à la diminution drastique des allocations sociales aux conjoints des travailleurs décédés]
[[ www.lintelligent.com « Lakshmi Mittal, l’homme de fer », article de Natacha Appanah]]
, …

C’est en 1995 qu’ il crée la compagnie LNM Holdings NV, siégeant aux Pays-Bas et régie par la législation des Antilles néerlandaises ; parallèlement il transporte son centre décisionnel à Londres…, Ispat International émerge dans les années 1997 et en 1999 pénètre le marché français en créant Ispat Unimétal.

En 1996 il prend Irish Steel en Irlande, pour une livre symbolique ; qui sera sacrifiée en avril 2001 [6000 travailleurs licenciés, et plus de 2000 fournisseurs non indemnisés… ] alors que dans le même temps, et parallèlement, il n’a aucun scrupule à se lancer à la conquête de secteurs certes fragilisés mais aux perspectives bien plus juteuses (Roumanie [complexe Sidex/Galati -capacité de 9,2 millions de tonnes par an] [[Bucarest
matin février 2002]] ; Algérie – octobre 2001-[SIDER– capacité de 2 millions de tonnes par an], Afrique du Sud en 2001, Tchécoslovaquie en 2002 etc.).

En 2004 Ispat fusionne avec l’américain ISG -International Steel Group- [pour un montant estimé à 4.5 milliards de dollars] et ainsi double presque ses capacités de production.

Coté à Amsterdam (et New York) mais dirigé de Londres, Mittal Steel naît en décembre 2004, quand la partie cotée du groupe (Ispat International) rachete LNM, le holding privé de la famille. Lakshmi Mittal et sa famille détiennent 88% des actions de la nouvelle société.

En 2005 il emporte aux enchères les aciéries de Krivoï Rog
[[”Kommersant‐Vlast” Moscou , article de V. Belach]] en Ukraine pour la somme colossale de 4.81 milliards de dollars, pour barrer la route à son concurrent Arcelor (qui en offrait 4.79 milliards de dollars…!) .

Enfin, dernièrement le 27 janvier 2006 il lance une OPA ‘hostile’ sur Arcelor (Europe).

Mittal : une croissance ininterrompue
[[Diagramme tiré de l’Express du 9 février 2006, voir aussi «
Les
Echos
», et Le
Monde du 10 janvier 2005.]]

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Actuellement, Mittal steel est le 1er producteur mondial d’acier. Implanté dans plus de 14 pays avec 22.2 milliards de dollars de chiffre d’affaires, il emploie 145 000 personnes. Sa production, en 2004, s’élevait à 42.1 millions de tonnes d’acier, avec un bénéfice net de 5,32 milliards de dollars
[[Chiffres Courrier
International n° 787 du 1 au 7 décembre 2005, selon http://fr.wikipedia.org/wiki/Mittal , son chiffre d’affaires
pour 2004 devrait atteindre 32,4 milliards de dollars US. Il serait présent industriellement dans 18 pays, notamment en Chine, en Inde,
en Indonésie, aux États-Unis, au Mexique, au Canada, en France, en Allemagne, en Pologne et en Algérie ; et emploierait 165 000
salariés]].

RÉCUPÉRATION DE LA SIDÉRURGIE ROUMAINE

Cependant pour ce qui touche aux conditions d’absorption du combinat sidérurgique de Roumanie (Sidex / Galati) un détail d’importance attire l’attention de l’analyste: l’intervention écrite de Tony Blair, durant les négociations entre la société Mittal et le gouvernement roumain.

Le fait est que le 1er ministre anglais écrivit à son homologue roumain, M. Adrian Nastase, 1er ministre de la Roumanie, le 23 juillet 2001, quelques jours seulement avant la conclusion du contrat avec Sidex, une lettre d’appui à Mittal

« je suis enchanté par la nouvelle que vous devez signer le contrat pour la privatisation de votre plus grande usine sidérurgique avec le groupe LNM.

« je suis particulièrement heureux que c’est une compagnie britannique qui est votre associé »…

à l’époque Lakshmi Mittal qui avait son centre de décision à Londres, n’y comptait qu’une centaine d’employés, (Mittal lui-même était de nationalité indienne, Ispat International avait son siège à Rotterdam, et LNM Holdings NV était enregistré dans le paradis fiscal des Antilles néerlandaises).

Bien mieux, avant ce précieux «coup de pouce», Lakshmi Mittal avait eu le «génie» de faire un don de 125 000 livres sterling au Parti travailliste –Labour- et ce, à la veille des élections législatives de 2001 (il faut dire que ses précédents dons étaient moins conséquents). Ces faits, révélés par le Sunday Telegraph, et repris par les médias britanniques Daily Telegraph, Times, BBC News, ont défrayé la chronique économique internationale de l’époque.

En bref, les choses se passèrent tant et si bien, pour le sidérurgiste indien bien sûr, qu’il ne déboursa aucun dollar, ni euro, ni livre sterling ! Pour l’acquisition de la totalité des actions de Sidex, la Banque Européenne de Reconstruction et de Développement (BERD)
[[Pour le Kazakhstan et d’autres combinats acquis dans les pays de l’Est, Mittal a été soutenu par la BERD et la Banque Mondiale, obtention de prêts très avantageux …]] , lui accorda un prêt très avantageux de 100 millions de dollars
[[The
Telegraphe du 17 février 2002.]] , et ce, toujours sur intervention de Downing Street, c’est-à-dire du gouvernement anglais de M. Tony Blair, le bien nommé. Il faut dire que le combinat de Bucarest, comme d’ailleurs celui de El-Hadjar n’était pas une petite affaire…

Peut-être les lecteurs d’Alger Républicain auront-ils deviné où pourraient mener la juxtaposition de ces faits ? Oui, le défaut de transparence, la persistance de situations incompréhensibles et inexpliquées au complexe SNS durant les années qui ont précédé sa privatisation, amènent inévitablement à s’interroger : et si le même scénario s’était également passé pour la mainmise d’El-Hadjar par l’une de ces entités qui, pareilles à des cours d’eau, toutes issues de la même source, que ce soit LNM Holding NV, Mittal Steel ou Ispat/Annaba (Ispat en sanskrit, veut tout simplement dire acier !).

Mais originellement, peut-être faudrait-il remonter à la période où l’Algérie s’est brutalement trouvée menacée d’être en situation de cessation de paiement vis-à-vis de ses créanciers étrangers, en l’occurrence les banques internationales, lesquelles, comme on le sait, étaient représentées et défendues par le FMI (fond monétaire international). Ainsi ce dernier a bien voulu négocier avec notre pays le rééchelonnement de sa dette, mais en imposant en contrepartie un certain nombre de conditions assez drastiques, telles que l’impérieuse nécessité de s’orienter vers la privatisation d’un certain nombre de secteurs-clés de l’économie nationale… Il y a évidemment des non-dits éloquents comme celui, par exemple, de conditionner éventuellement l’acceptation du rééchelonnement de la dette – qui s’élevait, faut-il le rappeler à des dizaines de milliards de dollars – au délestage, entre autres, du Complexe Sidérurgique d’El Hadjar…

Mais alors, dans le cas où l’on considérerait cette hypothèse comme plausible, quand et auprès de qui M. Tony Blair serait-il intervenu pour faciliter les choses qui aboutiront, comme on le sait, à la privatisation du complexe sidérurgique de El-Hadjar et l’acquisition par Lakshmi Mittal de 70 % du capital du complexe SNS/SIDER en octobre 2001, et ce, pour une bouchée de pain ?

Cependant pour qu’il y ait investigation, faudrait-il que le chercheur puisse disposer ou accéder à des publications et documents spécialisés. Il faut dire que chez nous le terrain est plutôt désertique ; depuis que l’OPA hostile de Mittal Steel en direction d’Arcelor a été rendue publique, on n’en trouve encore aucune trace dans notre presse nationale .

Sinon comment expliquer la démarche conquérante, dès les premiers mois, du PDG de Ispat / El-Hadjar, lorsqu’il précise au correspondant d’El-Watan, le 12 juin 2002 ceci : «notre seul et unique interlocuteur est le chef du gouvernement algérien et nul autre» ?
Peut-être bien que ceci, explique cela…

Ould Sidi-Rached *

Tunis, le 8 février 2006

(L’article, écrit deux mois avant le décès de l’auteur, a été publié partiellement, remanié et en deux parties les 20 février et 06 mars 2006 par ALGER RÉPUBLICAIN)

LA PENSÉE MARXISTE TOUJOURS D’ACTUALITÉ

A nos lecteurs arabophones

La pensée marxiste toujours d’actualité ( Fouad Khalil )

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راهنية الفكر الماركسي

فؤاد خليل

أخذت الماركسية بالمفهوم المادي في نظرتها الى التاريخ والمجتمع. وقد تبيّن في ضوئه انها تتصف بطبيعة إنسانية عامة. لان جوهر نظامها المعرفي يقوم على فكرة المساواة بين بني البشر. وهو ما يجعلها ملازمة للحاضر المجتمعي باستمرار طالما ان المجتمع الطبقي ينتج الظلم والاستغلال والتفاوتات المختلفة بين طبقاته ومكوناته.

الماركسية هي نظرية سوسيولوجية ماركروية (شمولية)، تناولت المجتمع بكل جوانبه. وهي عندما تدرس ظاهرة ما، لا تدرسها بمفردها، بل تقيم الربط الديالكتيكي بينها وبين الظواهر الاخرى. او بمعنى آخر، انها تدرسها من داخل سياق وبنية. وكل تحليل من هذا النوع، سوف يظل حاضراً في الفكر السوسيولوجي، ويشكل مرتكزاً لإحدى مدارسه، او لأحد اتجاهاته البارزة.

النظرية الماركسية هي نقدية وتغييرية في آن. فالنقد في نظرها يحيل الى الكشف عن الزيف الايديولوجي في المفاهيم والافكار التي تسوّغ الواقع الطبقي القائم وتدعو الى استمراريته، او هو فضح وتعرية للأقنعة الايديولوجية التي تحجب حقيقة هذا الواقع… انه بهذا المعنى، ممارسة نظرية في التغيير او فعل تغييري بأدوات المعرفة.

أما التغيير، فهو بالنسبة إليها عملية تنهض على العوامل الداخلية في المقام الاول، وتنشد تقويض النظام السائد. ولذلك، فهو ممارسة سياسة في نقض الاساس المادي للاستغلال، او في اعادة تشكيل طبيعة البنى المجتمعية. وعليه، فالماركسية هي نظرية في الممارسة بوجوهها المختلفة، او هي ممارسة في الديالكتيك الواقعي بين النظرية والتجربة، والتي تتجسد في السياسة من حيث كونها المسار العملي الذي يلعب فيه الأفراد والجماعات دورهم في التغيير الجذري او البنيوي.

وعلى أساس النقد والتغيير وتالياً الممارسة، تبقى الماركسية نظرية حية وخصبة في وعي حقيقة المشكلات المجتمعية، والكشف عن اسبابها الموضوعية. ذلك ان كل علم إنساني يغيب عنه النقد، يقع في التبرير الايديولوجي للواقع، حتى وإن ادّعى الحياد والموضوعية…

تناولت الماركسية المعرفة والثقافة بالتأسيس على الوجود المجتمعي لكل جماعة بشرية، لا على خصائصها العقلية او ميزاتها النفسية. ولقد نأى بها هذا التأسيس عن نزعة الاستعلاء والتفوق في نظرتها الى ثقافة الآخر غير الغربي. ثم افضى بها الى إحراز قصب السبق في بناء علم اجتماع المعرفة والثقافة على قواعد موضوعية، ما برحت توجه أبحاثه ودراساته المعاصرة، كما الى تزويدها بقدرة علمية على تجديد نفسها داخل حقلها التاريخي المخصوص، وقابلية منفتحة باستمرار على التبيئة والتوطين خارجه.

درست الماركسية المجتمع البرجوازي في اوروبا، واتصفت دراستها بعلمية متميزة، سواء من حيث منهجها او من حيث أدواتها التحليلية. فأتاح لها ذلك ان تشخص بدقة قوانينه الرأسمالية، وان تكشف عن أزمته البنيوية التي تلازم مسار تطوره ولا تنفك عن الظهور الدوري بأشكال مختلفة بين مرحلة تاريخية وأخرى. ومما اشتمل عليه تشخيصها من قوانين ونظريات :

. قانون التناقض البنيوي بين علاقات الإنتاج والقوى المنتجة/ التناقض بين رأس المال والعمل/ مصدر الأزمة الدائمة في الرأسمالية.

. قانون التوسع وإعادة التوسع في الإنتاج/ اصل العولمة الرأسمالية.

. قانون التراكم في رأس المال/ مصدر النهب والسيطرة الاستعمارية.

. نظرية القيمة /فائض القيمة/ مصدر الاستغلال الرأسمالي.

وهكذا، فمن ينظر موضوعياً في هذه القوانين يجد انها ما زالت تحكم الى حد بعيد قواعد اشتغال النظام الرأسمالي المعاصر. ومنها ما يحدد الاصول التاريخية للعولمة، ويساهم في تفسير حاضرها في الوقت نفسه.

تمثل الحداثة رؤية عامة للعالم، مرجعيتها العقل. الإنسان فيها مواطن سيد نفسه، يتحكم في مصيره ويؤمن بأن مصدر المعرفة يكمن في العقل وليس في أي مكان خارج رأس الفرد. والطبيعة هي موضوع للمعرفة، أي معرفة قوانينها بهدف استغلال مواردها والسيطرة عليها. والمجتمع بالنسبة إليها، تحرر من « الأمس الأزلي »، سلطة الاعراف والتقاليد، وبنى تنظيمه على قواعد عقلانية، ودولته من منطلقات القوانين والتشريعات الوضعية، وقد عرفت اسم الدولة ـ الأمة.

وفي الزمن الحداثي نفسه، اخذت الماركسية، كما هو معروف، بنظرة مادية تاريخية الى العالم. فوجدت من خلالها ان البرجوازية تقوم في بداية عهدها بدور تاريخي تقدمي، أي بتنوير العلاقات المجتمعية. لكن ما ان ترسخ سلطتها حتى تروح الى دور معاكس، هو تأبيد علاقات الظلم والاضطهاد بحق اوسع الطبقات المجتمعية. من هنا كان طبيعيا ان تنقد الماركسية مقولات الحداثة ومفاهيمها. ولقد اظهرت في هذا المجال، ان الإنسان في المجتمع البرجوازي ليس حراً او سيد نفسه بل مستغل ومقهور. وان معرفة الطبيعة لا تكون من اجل السيطرة عليها فقط، بل ايضا في سبيل التقدم البشري عامة. وان العقل لا يعدو عن كونه فكراً برجوازياً يراد له ان يعولم قيمه وأحكامه، والعقلانية توظف في خدمة الحفاظ على الواقع الاستغلالي القائم، وفي حجب تاريخ العنف « العقلاني » للرأسمالية. كما كشفت عن طبيعة الدولة البرجوازية ووظيفتها الاصلية في القمع والسيطرة الطبقيين… وبذلك، تكون الماركسية الوجه الآخر للحداثة. وهذا ليس الا وجه اشتراكيتها العلمية المعادل التاريخي للحداثة الحقيقية.

وفي زمننا الراهن، تمثل ما بعد الحداثة وبخاصة وجهها التفكيكي، رؤية فلسفية للعالم. وهي ترفض او اقله تتشكك في أي مرجعية معرفية سواء كانت العقل ام المادة ام الروح… الخ.

فالعقل في نظرها لا يستطيع ان يتوصل الى حقائق ثابتة او مطلقة، بل جل ما يتوصل إليه، هو معرفة الجزئي، والحدثي او الظرفي، أي ان معرفته متغيرة باستمرار مع تغير الظرف والحدث. فيغيب بالتالي المنطق العقلاني واليقين المعرفي، ولا يعود هناك تمييز بين الزائف والحقيقي او الخطأ او الثابت للعالم. وهو اصل يشكل عودة للغيبية الدينية، ويمثل سقوطاً في ميتافيزيقا التجاوز، كأن يجري الحديث على سبيل المثال عن كل مادي متماسك او عن قوانينه الثابتة. فالكل لا يمكن ان يكون مادياً والمادة هي أجزاء. كما لا يمكن ان يكون ثابتاً والمادة في حالة حركة وصيرورة. ومع رفض أي اساس او مصدر معرفي، لا يعود الإنسان في رؤية ما بعد الحداثة يستحق أي مركزية في الكون طالما لا يستطيع ان يدرك الواقع عقلانياً، أي ان يتوصل الى ادراك الكليات لانتفاء الثبات في الطبيعة والمجتمع والذات الإنسانية. وفي النتيجة، يغدو مجموعة من الدوافع المادية والاقتصادية والأهواء الجسيمة المتغيرة أبداً…

وفي الجهة المقابلة، تمثل الماركسية من حيث كونها وجهاً إنسانياً في الحداثة، احدى فلسفات الأصول والمرجعيات المعرفية. فهي تنطلق من المادة، المقولة الفلسفية التي ترى ان للعالم وجوداً موضوعياً مستقلاً وخارجياً عن وعي البشر. وتعتبر ان خاصتي الموضوعية والخارجية تحايثان الطبيعة وتحولاتها الى موضوع للمعرفة والإنسان يستطيع ان يكتشف قوانينها ويتوصل الى حقائق ثابتة عنها، لكنها بالتأكيد حقائق نسبية ومتراكمة. ونسبيتها تنبع من اكتشاف وقائع طبيعية جديدة، ومن الاغتناء المستمر لأداة التفكير نفسها. وبلغة اخرى، ان الماركسية لا تنظر الى العقل كمعطى ماهوي تتوفر بنيته على حقائق فطرية او قوانين قبلية وبعدية، او على قوة مطلقة كامنة فيه، ولا كفعالية ذهنية تنحصر في نطاق معرفة المادي الجزئي في حركته الدائمة، بل تنظر إليه كأداة للتفكير تبنى ويعاد بناؤها في التاريخ، وهي تستطيع ان تتجاوز المادة الى إدراك الكليات، أي انها تستطيع ان تنتج الكل المادي الثابت، وان تميّز بين الزائف والحقيقي والخطأ والصواب والعرضي والجوهري، وتخوض في الغيب وفي مفاهيمه الماهوية والمطلقة. وعلى هذا يحوز الفرد مركزيته في الكون، وهي ما تتلازم مع فعله المجتمعي لأن جوهره الإنساني يكمن في مجموع علاقاته المجتمعية. فتكون الماركسية بالتالي، نظرية في الموازنة بين الفرد والجماعة، مثلما تؤلف نظرية نقيضة ابستمولوجيا لأطروحات ما بعد الحداثة، وبخاصة تلك التي ترى الى الإنسان جملة من الدوافع المادية والاقتصادية والنوازع والأهواء الجسمية غير العقلانية.

THÉORIE ET PRATIQUE DANS LE MOUVEMENT COMMUNISTE ALGÉRIEN

(Contribution au colloque international pour le 150ème anniversaire du Manifeste à Paris, 1998, publiée dans l’ouvrage édité à cette occasion par les Editions de L’ATELIER).

Evoquer à l’occasion de cette rencontre l’impact de l’oeuvre de Marx en Algérie, n’est pas un simple devoir de mémoire.

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L’importance de cette réflexion est à la mesure de la période qui s’ouvre en Algérie, en liaison avec les évolutions mondiales.

L’islamisme politique, en particulier dans ses manifestations les plus violentes, s’était présenté ces dernières années dans notre pays comme la seule alternative possible, face d’un côté aux nuisances du capitalisme néocolonial ou de celui en vigueur dans les pays riches d’Occident et d’un autre côté à l’échec du socialisme ou prétendu tel (l’algérien dit “spécifique ” ou celui de stature mondiale qui s’est développé puis effondré dans les pays de l’Est).

Après avoir fait un moment illusion aux populations, l’hégémonisme islamiste a commencé à refluer de par les multiples incohérences du modèle qu’il prétendait imposer, et de par les pratiques barbares des groupes les plus extrémistes qui s’en réclamaient. Ce début de reflux se fait malheureusement dans des conditions de désarroi et de division du champ politique progressiste algérien et de dégradation dangereuse du tissu social. Tout cela risque de compromettre les recompositions souhaitables. Tout cela replace la pensée héritée de Marx dans notre pays devant un nouveau cycle historique de responsabilités. Chez nous comme ailleurs, face aux contradictions économiques, sociales, politiques, géostratégiques et culturelles qui ont redoublé d’intensité et de complexité, l’Histoire n’est pas finie, elle n’a pas vu la mort des idéologies.

Cela m’incite, non comme spécialiste des questions théoriques, que je ne suis pas, mais comme l’acteur politique algérien que j’ai été durant le demi-siècle écoulé, à essayer de repérer la concordance ou les écarts qu’on a pu constater entre les anticipations des énoncés théoriques et la réalité vécue ou nos propres représentations de cette réalité et de cette théorie.

Grandeur et faiblesses de la théorie

Je tiens d’abord à souligner, précisément parce que mon approche en cette occasion se veut critique et autocritique, l’apport à mes yeux inestimable, direct et indirect, qu’a été celui du marxisme à la cause nationale et sociale algérienne. Je n’ai pas la possibilité d’illustrer ici ces apports et ces influences bénéfiques, mais les oublier serait amputer la critique elle-même de sa dimension créatrice.

En même temps, on doit admettre que, dans des conditions qui donnaient en Algérie un champ libre important de créativité au marxisme, et alors que plusieurs faiblesses ou étroitesses des organisations nationalistes ont entraîné des conséquences qu’on mesure mieux aujourd’hui, la “greffe” de la théorie marxiste sur le mouvement national et social algérien, bénéfique à bien des égards, a connu elle aussi des faiblesses et des erreurs importantes. Certaines, que je pourrais qualifier de quantitatives (quoique liées dans leurs causes à un déficit qualitatif), résident dans l’espace et le statut réduits qui ont été dévolus aux activités théoriques dans notre pays au cours de ce demi-siècle. Le second déficit, davantage de l’ordre du qualitatif, est lié à une espèce de détournement des approches théoriques dans divers domaines, par l’influence entrecroisée d’enjeux géo-politiques ou géo-stratégiques d’une part, de distorsions épistémologiques d’autre part.

Durant ma vie de militant communiste, nous nous répétions avec conviction un leit-motiv: la théorie sans pratique est impuissante, la pratique sans théorie est aveugle. Ce raccourci en forme de sentence voulait sans doute exprimer en termes opératoires un aspect fondamental que Lucien Sève souligne ainsi: «le texte du Manifeste, qui est éminemment théorique, est étayé de bout en bout par une position philosophique, le point de vue de la pratique».

Forts de la sentence précitée et de la pertinence profonde qu’elle exprimait sous une forme simple, nous nous sommes souvent laissés aller à l’idée rassurante d’une théorie magique, espèce de “prêt à porter”, point d’appui à peu près infaillible, garante de notre foi et de nos certitudes idéologiques. Cette théorie ainsi idéalisée était d’autant plus porteuse de nos espoirs politiques qu’elle était confortée par l’élan formidable d’émancipation des travailleurs et des peuples qui a caractérisé plusieurs décennies du 20ème siècle. Elle était d’autant plus précieuse à ceux d’entre nous qui avaient fait comme moi leurs premières armes dans le mouvement nationaliste, que ce dernier nous était apparu cruellement dépourvu de boussole scientifique, jusqu’à parfois en récuser l’utilité.

Mais tout en portant aux nues cette théorie et ses titres de noblesse, nous l’avons dans les faits négligée au bénéfice d’un activisme patriotique ou ouvriériste censé mieux nous enraciner dans les réalités. Nous reconnaissions la nécessité de mieux gérer les interférences entre théorie et pratique, mais dans les faits il nous était plus facile de plier ces interactions à des schémas préétablis. Cette approche sélective d’une théorie figée dans une fonction utilitaire de justification de la «ligne politique» du moment, au détriment de «l’analyse concrète des réalités concrètes», n’avait que peu à voir avec l’effort pour enrichir et faire évoluer cette théorie à l’unisson de la vie.

J’ajouterai à cela un facteur aggravant qui a beaucoup affecté l’accumulation et la transmission de l’expérience et de la réflexion théorique à travers les générations militantes successives: c’est le caractère extrêmement haché de l’existence du mouvement communiste algérien, la plupart du temps clandestin et réprimé, avec de trop courtes périodes de répit et d’activités légales qui ont laissé peu de temps pour décanter les expériences par l’organisation des échanges, des débats, des thèmes de recherches et par l’encouragement moral des chercheurs, notamment communistes, dont le nombre et la qualité à la fin des années 80 étaient largement reconnues.

Comment la vie a-t-elle infirmé ou confirmé les indications que nous pensions tirer de la théorie?

J’essaie d’en donner ici un aperçu dans les grandes lignes:

1. Un problème crucial a été celui de l’articulation entre la lutte des classes (comme principe et réalité) et les problèmes qu’on appellerait aujourd’hui identitaires.
(J’entends par là des problèmes liés aux appartenances conflictuelles à des champs religieux, ethno-linguistiques, culturels ou idéologiques auxquels s’identifient les différents protagonistes de la scène socio-politique).

Toutes les fois que les communistes algériens ont pu maîtriser cette liaison, en donnant à chacun de ces facteurs la part qui lui revenait selon les conditions et les objectifs prioritaires de l’étape considérée, leur influence et leur implantation ont été plus rapides et plus solides. A l’inverse, ils ont connu des déboires préjudiciables aux avancées du mouvement national et progressiste tout entier quand ces interactions et leurs équilibres ont été ignorés ou non maîtrisés.

Peut-on rattacher certaines des approches unilatérales ainsi constatées à la prégnance ou à l’incompréhension de formules lapidaires, ambiguës ou détachées de leur contexte telles que: «les prolétaires n’ont pas de patrie», «la religion opium du peuple” ou “Ni Dieu ni César ni tribun”? D’un côté les communistes français se dégageaient à juste titre de ces étroitesses en deçà des Pyrénées; ils réconciliaient la Marseillaise et l’Internationale, ils glorifiaient la fraternité de lutte patriotique entre “ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas». D’un autre côté, et dans le même temps, au-delà des Pyrénées, les mêmes sous-estimaient ou contrecarraient l’élan libérateur des valeurs nationales d’autres peuples tels que ceux du Maghreb.

Elargissant la réflexion géographiquement et dans le temps, ne peut-on imputer, au moins en partie, la relative marginalisation des courants communistes dans le monde arabe et musulman à une espèce de surdité des approches qui se réclamaient du marxisme aux interactions politico-culturelles (celles-ci étant réduites à subordonner bureaucratiquement le culturel au politique)?

La façon administrative, encore mal connue, avec laquelle a été réglé le problème national considérable posé en théorie et en pratique par le communiste et Tatar musulman Soltan Galiev dans les années 20 du régime soviétique, ne fait-elle pas partie des interrogations que suscite aujourd’hui la pensée de Marx (originelle ou telle qu’elle a été interprétée)?

On peut se demander enfin s’il n’y a pas eu dans la période la plus récente une résurgence de ce genre d’approche unilatérale dans des secteurs démocratiques algériens, y compris parmi des communistes. Au nom d’un modernisme élitiste ou d’un laïcisme inadapté à son contexte, ils ont négligé, traité par des amalgames frisant parfois le mépris, des faits culturels ou de société majeurs dont, malgré des exceptions qui indiquent qu’une autre voie était possible, ils ne parvenaient pas à comprendre les modes d’expression contradictoires. J’ai en vue ceux qui n’ont saisi ou voulu saisir qu’une seule des facettes, réellement condamnable, de la poussée identitaire qui a jeté récemment dans les bras de l’islamisme politique hégémoniste une partie du peuple croyant. Ils ne prenaient pas assez en compte les conséquences du traumatisme causé à ce peuple autant par les manifestations nationales et internationales d’une modernité matériellement et moralement accablante que par la pérennisation des agissements clientélistes et antidémocratiques du pouvoir.

Lorsqu’une telle appréciation émane d’ex-communistes (qui bien qu’ayant rompu formellement avec cette appartenance, sont encore souvent considérés idéologiquement comme tels dans l’opinion), elle est plus lourde de conséquences. Elle apparaît en effet à nombre de travailleurs et de couches populaires croyantes (plutôt portées dans leur immense majorité à souscrire au fameux pari de Pascal) comme un double abandon, une double «trahison», autant pour leurs intérêts de ce monde que pour ceux de l’au-delà. Ces croyants chez qui l’esprit citoyen n’était qu’en gestation, déjà défiants envers ceux qui à leurs yeux niaient ou dénigraient l’ancrage psycho-culturel arabo-islamique dont se nourrissait leur protestation politique contre l’arbitraire, ont vu ces mêmes partisans de la démocratie s’éloigner délibérément de la légitimation et de la défense concrète de leurs aspirations sociales. C’était pourtant traditionnellement le point fort des communistes et des nationalistes de progrès, un champ de luttes qu’ils s’efforçaient jusque là d’articuler et de faire converger avec son volet complémentaire culturel et «identitaire» dans les représentations les plus progressistes de la cohésion nationale.

Cette opposition-exclusion entre les dimensions culturelle et citoyenne de la nation, entre valeurs islamiques et démocratie politique et sociale, était d’une certaine façon similaire et symétrique à celle prônée par les islamistes, qu’ils croyaient contrer ainsi. Ils la fondaient sur une conception primaire de la modernité, marquée par deux caractéristiques pas si nouvelles que cela dans leur essence. Leur néo-modernisme a conjugué en effet: d’un côté un économisme fondé cette fois sur la confiance illimitée dans les vertus d’une «loi du marché» frisant l’ultra-libéralisme; et de l’autre côté un républicanisme réducteur qui, consciemment ou non, oppose comme si c’était une fatalité incontournable les contraintes multiples de l’édification de l’Etat et les besoins sociaux et démocratiques de la société.

Aboutissement pratique: désertion des luttes sociales, considérées à tort comme une diversion à la nécessaire répression des manifestations terroristes des groupes extrémistes se réclamant de l’islamisme. Au même moment, les militants islamistes mettaient l’accent sur les injustices sociales et s’étaient placés de cette façon plus près encore des couches déshéritées, à l’une des sources les plus profondes de la crise.

2. Le besoin d’autonomie:

Pour une longue période (surtout les deux premières décennies des 70 dernières années) il est difficile, en dépit de certains efforts réels engagés dans ce sens, de parler d’une pensée ou d’une stratégie marxiste algérienne suffisamment autonomisées, de telle sorte qu’elles tiennent compte au plus près des données algériennes (nationales ou de classe) dans l’élaboration des orientations de lutte.

Je ne peux développer ici les différentes raisons qui ont contribué à cette carence, en dépit de l’intérêt théorique et pratique énorme de cette question.

Toujours est-il que l’efficacité et l’emprise sur le réel du mouvement communiste algérien ont été les plus grandes toutes les fois que, malgré les pressions liées aux enjeux de pouvoir ou à la pesanteur des contextes géopolitiques (externes ou internes), ce mouvement est parvenu à sauvegarder une autonomie politique et organique suffisante dans sa vision stratégique ou ses approches tactiques.

On trouvera avant ou après l’indépendance de l’Algérie d’abondants exemples ou contre-exemples de cette maîtrise difficile, qui exige de combiner des capacités de pensée et de mobilisation indépendante avec la souplesse des larges alliances autour d’un point précis, avec d’autres forces qui se placent sur des positions politiques et idéologiques éloignées, voire opposées sur d’autres questions.

3. le rapport entre les luttes immédiates et l’objectif “ final ”.

Comment opérer sur le terrain la jonction entre la perspective de la révolution (proche ou lointaine) et la voie des réformes déjà accessibles?

Ce point n’a cessé d’être pour nous, comme pour tout le mouvement ouvrier et communiste international, un problème à la fois fondamental et ayant de fortes incidences au jour le jour. Qu’il s’agisse de l’indépendance nationale ou du socialisme, les Algériens se réclamant du marxisme ont été plus d’une fois confrontés à la difficulté de définir les tâches venues à maturité dans le contexte du moment, sans risquer de tourner le dos aux exigences d’une longue marche vers leur idéal plus lointain.

Dans la recherche de l’approche optimale, cette difficulté a favorisé la tendance à invoquer de façon scolastique des critères ou des situations similaires glanées dans les oeuvres de Marx ou d’autres classiques. D’où les qualifications polémiques (empruntant beaucoup au langage de la géométrie) de “déviations” sectaires ou opportunistes, gauchistes ou droitières, de solutions médianes assimilées à des compromissions ou à des renoncements envers les présumés modèles, déposés comme des étalons de mesure à retrouver dans les citations de ces oeuvres. Le recours à la théorie se muait en imitation dogmatique qui contrecarrait l’effort pour assimiler et faire progresser les précieux acquis théoriques à partir de réalités nouvelles et des enseignements tactiques et stratégiques des combats en cours.

Au coeur de la tragédie algérienne actuelle, face à un intégrisme qui a dévoyé l’islam à des fins politiques, de forts tiraillements continuent à écarteler le corps politique à vocation démocratique dans la compétition biaisée entre les utopies impuissantes à court terme et les impasses des luttes terre à terre et au jour le jour. La tentation s’est faite jour dans des groupes restreints encore influencés par un schéma scientiste qu’ils imputent à Marx, d’opposer aux hégémonismes islamistes et du pouvoir nationaliste, des projets de société fortement idéologisés, censés réaliser une « rupture » avec le passé. Le mot de rupture est devenu le maître-mot magique d’un grand nombre de ces projets volontaristes. Ces ruptures, séduisantes pour ceux qui en sont déjà convaincus, sont frappées d’un double handicap qui les stérilise: elles sont présentées à la fois comme des exigences à réaliser immédiatement “ pour le bien ” des intéressés même par voie autoritaire, mais dans le même temps préconisent de véritables « tables rases » pour lesquelles en fait la majorité de la société n’est pas susceptible de se mobiliser ou peut même dans l’état actuel en combattre des aspects essentiels.

L’expérience nous a appris pourtant autre chose. Il est bien vrai que les changements nécessitent souvent de faire sauter brutalement dans des périodes de flux populaire, pacifiquement ou par la voie armée, certains des verrous qui bloquent les évolutions de progrès. Mais cela débouche sur des changements profonds et durables seulement en fonction d’une mobilisation plus consciente du corps social, qui détermine en dernier ressort le contenu et les rythmes de ces changements. Les ruptures dialectiques supposent la prise en compte des continuités et des points d’appui nécessaires à leur réalisation. Les suridéologisations mécaniques tendent à leur substituer des cassures artificielles, qui malgré leur coût élevé, ramènent plus souvent en arrière.

4. En plusieurs circonstances, le problème de la démocratie comme fin et moyen a été posé par la vie au mouvement communiste algérien et l’a confronté à des choix et à des tensions (internes ou avec nos partenaires dans le mouvement national).

Les communistes algériens ont été sensibilisés à ce problème parce qu’ils ont vécu à plusieurs reprises des situations dans lesquelles ils ont subi simultanément la double pression et les feux hostiles d’hégémonismes croisés. Durant la guerre de libération, d’un côté les colonisateurs, de l’autre les étroitesses et sectarismes nationalistes. Après l’indépendance, d’un côté les nationalistes conservateurs, de l’autre les islamistes. Dans tous ces cas, la résultante s’inscrivait dans une gamme allant des tentatives d’étouffement plus ou moins subtil des communistes, codifiées dans la théorie du « cocon de chrysalide » (cf. Congrès de la Soummam du FLN en 1956), à l’extermination physique pure et simple.

Cela nous a amenés à prendre davantage en charge la dimension du combat pied à pied pour la démocratie en ses diverses formes. Pour cette raison, dans les situations de confusion politique comme celle qui a caractérisé la période du parti unique de 1962 à 1988, le PCA et le PAGS ont préconisé comme meilleure voie celle de s’appuyer sur l’éveil et la lutte pacifique mais résolue des composantes de la société. Ils n’ont pas craint, dans l’Algérie devenue indépendante, d’aller à contre-courant de l’oppositionnisme aventuriste selon lequel, par un mimétisme infondé envers la guerre de libération, le pouvoir ne s’arrache ou ne se conserve que par les armes ou les complots. Ces orientations et mentalités, partagées successivement par plusieurs des protagonistes de la crise actuelle, ont été pour beaucoup dans le déficit de culture démocratique déploré aujourd’hui.

Cela n’a pas mis pour autant les communistes à l’abri, à des degrés divers, de la maladie chronique de notre société et de son champ politique, l’esprit et les manipulations d’appareil, l’hégémonisme des clans se substituant à des modes de régulation plus démocratiques, etc. Approuvant la tendance habituelle chez les marxistes à récuser en bloc la démocratie formelle bourgeoise, nous avons souvent revendiqué la liberté d’expression et d’organisation surtout pour nous-mêmes et les organisations de travailleurs et pas assez pour les autres.

Je pense que cette insuffisance s’est prolongée ultérieurement dans la tendance chez certains à privilégier les seules méthodes autoritaires et administratives pour la solution des crises aigues dans la société. Elle s’est exprimée aussi dans la tendance à privilégier, y compris dans des conditions légales normales, le centralisme sur la démocratie dans le fonctionnement interne des organisations politiques.

Ainsi la lutte reste encore difficile et compliquée en Algérie pour humaniser le mouvement social et le fonctionnement des partis par des valeurs et des normes démocratiques fortement intériorisées.

Je terminerai en exprimant une conviction qui est en même temps un questionnement sur l’avenir.

La théorie a confirmé et confirmera sa grandeur par son entrelacement fécond avec la vie. Elle manifeste une faiblesse incurable chaque fois qu’elle est révérée comme un monument et que ses disciples l’étouffent sous les louanges improductives. Grandeur et faiblesses ne sont pas le fait de la théorie comme abstraction, mais le fait des acteurs qui la pensent et la vivent.

Les idées de Marx s’enrichiront et connaîtront de nouveaux développements dans l’ensemble du mouvement démocratique des nouvelles générations algériennes, si l’interaction de ces idées avec la pratique sociale prend toujours mieux en compte les différentes dimensions de la vie, dans trois domaines où l’Algérie a inscrit un grand déficit

– un mouvement social autonomisé capable de traduire non seulement en déclarations mais en actes, les aspirations de progrès des composantes de la société à partir de leurs potentialités réelles;

– un champ politique plus imprégné de culture démocratique et plus vigilant envers les pulsions hégémonistes, à la fois dans la vie politique nationale et dans le fonctionnement interne des partis;

– une réflexion théorique et culturelle qui ne se réduit pas à l’idéologisation des problèmes mais qui, sans utilitarisme, opère la jonction entre cette réflexion et les besoins du mouvement social.

Paris, Février 1998

Sadek Hadjeres

premier secrétaire du PAGS d’Algérie (Parti d’Avant-Garde Socialiste d’Algérie, clandestin) de 1966 à 1990,

chercheur en Géopolitique (Université Paris VIII)