Décès de Hamid Aït Amara

De Omar Bessaoud (Master Recherche CIHEAM – IAMM, Montpellier) parvient le message suivant qui annonce à tous les amis et connaissances du défunt:

La famille de Hamid Aït Amara rentre demain sur Alger. La soirée de demain jeudi 26 novembre sera consacrée à la famille mais vendredi et samedi ils seront chez eux pour recevoir les condoléances des amis d’Alger, universitaires et autres collègues et amis qu’il comptait à Alger. Voudriez-vous bien diffuser l’info !

Par la même occasion, Omar Bessaoud apporte son témoignage sur l’itinéraire de chercheur militant de son camarade et ami Hamid Aït Amara.

Chers amis,

C’est avec douleur que je vous annonce le décès de notre ami Hamid Aït Amara le mercredi 11Novembre 2009 à la suite d’une longue maladie. Hamid avait décidé peu avant de cesser les traitement qu’on lui dispensait pour un cancer de la plèvre. Il a exprimé la volonté d’être enterré à Montpellier car c’est là que vivent ses enfants et ses petits enfants. C’est avec courage et beaucoup de sérénité qu’il aura vécu les derniers moments. Hamid fut un intellectuel exemplaire, intransigeant sur les principes et fidèle à ses engagements pour une Algérie de progrès, de justice(il n’a pas cédé d’un pouce sur l’utopie socialiste à laquelle il croyait fermement). Il est parti avec la douleur de l’Algérie dans le coeur et ses activités ses dernières années. Ses obsèques ont été émouvantes et nous avons eu l’occasion de lui rendre hommage. Hamid était discret sur sa vie personnelle. Il était originaire d’une localité proche de Tmzirit Il Matten en petite Kabylie. Il s’est engagé très jeune dans le combat libérateur du pays. Arrêté par l’armée française en 1957 puis interné à Ksar Tir prés de Sétif, il a rejoint la fédération de France du FLN où il a continué le combat libérateur. Ses amis et compagnons de lutte -le Pr Mustapha Mazouni et Hachemi Boukari son ami d’enfance de Sétif- ont évoqué lors de l’hommage funèbre les souvenirs de cette glorieuse époque.
Il a repris ses études après l’indépendance du pays (Ecole Pratique des Hautes Etudes de Paris où il soutenu sa thèse sur l’Autogestion en Algérie qui fait encore référence pour ceux qui engagent des travaux sur les formes d’organisation de l’agriculture algérienne). Après quelques années passées au sein du ministère de l’agriculture (son directeur de thèse Desroches l’ayant fortement certainement influencé, il s’occupait de promotion de la coopération agricole -« économie solidaire » selon la terminologie d’aujourd’hui), il a rejoint l’Institut d’agronomie d’Alger puis (près des démêlés syndicaux avec le directeur de l’INA de l’époque- Mourad Benachenou) puis la faculté de droit et de sciences économiques par la suite. Nous savons quel a été son rôle en tant qu’universitaire dans la défense de la Réforme Agraire, de la défense d’une base industrielle pour l’Algérie; il s’était dressé ces dernières années (de nombreux articles de presse en témoignent) contre l’économie de la rente – faite de prédation et de soumission à une bourgeoisie paresseuse s’enrichissant alors que la Nation s’appauvrit- comme alternative stratégique à l’économie nationale . Il fut un homme fier, intransigeant, honnête est sans concession pour ceux qui renonçaient à un avenir socialiste pour le pays. Il vient de sorti r un livre -testament (« le futur alimentaire de l’Algérie ») qui résume je crois assez bien les thèses sur l’agriculture algérienne – mais pour les agricultures des pays en développement- qu’il a défendu dans les multiples rencontres rencontres scientifiques, séminaires ou débats publics. Il a formé et accompagné dans leurs travaux de nombreux étudiants (dont moi même qui l’ai rencontré en 1973), à Alger mais aussi ailleurs et en particulier en Afrique (il fut professeur associé au Burundi) où il côtoya l’économiste Samir Amin. Deux livres furent écrit pendant le séjour africain (l’un avec Founou Tchuigoua « l’agriculture africaine en crise… » et l’autre « l’agriculture méditerranéenne et les rapports nord-sud » préfacé par Samir Amin) . Ce fut un intellectuel soucieux ces derniers temps de l’avenir de l’Algérie, pays fragilisé par les intégrismes religieux, les régionalismes ou par une gestion politique autoritaire et autocratique. Démocrate et républicain accompli il fut un animateur actif du comité des citoyens pour la défense de la république (CCDR) mais aussi un membre infatigable du forum social maghrébin. Son obsession était tournée vers une question majeure qui était celle du rôle crucial que devait jouer les intellectuels algériens ou les élites dans la reconstruction du lien social , de son lien avec la société civile afin de sortir l’Algérie de la crise sociale et politique dans laquelle elle est plongée depuis plus de deux décennies. Cette obsession qui l’habitait l’avait conduit à créer en 1991, une association de chercheurs en science sociale (l’association algérienne pour la recherche en Science sociale -AADRESS- dont il fut le 1er président et l’actuel président d’honneur). Cette association se replia à Montpellier entre 1993 et 1997 où Hamid fut accueilli à l’Institut agronomique Méditerranéen. Il organisa en s’appuyant sur la solidarité de nos amis français des rencontres scientifiques et 3 universités méditerranéennes d’été où des centaines de scientifiques, d’universitaires et artistes algériens furent invités pour un « temps de respiration » et de « pause » alors que l’Algérie était secouée par une violence sans nom, celle exercée par les intégristes du FIS et de ses émules sur les forces vives du pays . Un dernier mot. Il s’est intéressé aux paysans, aux intellectuels mais le combat des femmes et leur émancipation l’occupa particulièrement . Sid Al Mazif, cinéaste et son compagnon de toujours a mis en images les scénarios écrits ensemble: celui de « Leïla et les autres » qui est devenu un classique du cinéma algérien, « la cause des femmes », la « violence contre les femmes  » et « Nana Taous » vieille centenaire qui fréquenta l’école de la République au début su siècle et qui témoigne de son époque réalisé récemment). Je rappelle – pour évoquer une autre facette de Hamid- aussi le film de Théo Robichet sur la « faim dans le monde » réalisé dans les années 1980 et qui dénonçait il y a plus de 20 ans- bien avant la crise de 23008- cette injustice majeure qui fait , qu’en ce siècle fait de progrès techniques et de records de production de denrées alimentaires (2008 et 2009), des hommes, des femmes et des enfants meurent encore aujourd’hui parce qu’ils ne mangent pas leur faim.
Voilà, ce que voulais rappeler pour mémoire et dire à ses amis quelques mots sur sa vie et évoquer « à chaud » quelques fragments de son activité intellectuelle. Le temps du calendrier était trop étroit pour lui, tant les projets d’écriture et de rencontres scientifiques, d’enquêtes et de débats publics venaient bousculer son quotidien. Sa voix nous manquera de même que les questions de société qu’il posait sans cesse alimentant ainsi nos réflexions.
Nous aurons certainement l’occasion de revenir vers vous pour vous associer à un hommage posthume à notre ami Hamid

— OmarBESSAOUD

LE FOOT, LE SOCIAL ET LA GEOPOLITIQUE

Remercions Yassin TEMLALI d’avoir traduit et nous avoir adressé cette chronique instructive de l’écrivain égyptien Alaa Al Aswani, auteur bien connu de « L’immeuble Yacoubian », « Chicago » et bien d’autres ouvrages. Elle a paru dans le quotidien cairote «Al Chourouk Al Gadid» le 17 novembre, quelques jours après le premier match au stade du Caire et à la veille du match de barrage qui devait départager les équipes égyptienne et algérienne à Khartoum.

Les deux matchs ont provoqué plusieurs incidents au Caire et à Alger, plongeant les relations entre les deux pays dans une sérieuse crise diplomatique. L’histoire de Nora, rapportée par Alaa AlAswani, lui même médecin, est une histoire véridique. Elle a été largement reproduite par la presse égyptienne.

Comme les nouvelles consacrées au vécu populaire par des intellectuels et gens de lettres égyptiens célèbres tels que Albert Cossery, Nadjib Mahfoudh et tant d’autres, l’histoire de Nora donne à réfléchir sur l’arrière-plan social et les enjeux géopolitiques qui sont au fondement des représentations contradictoires et de leurs impacts politiques.

Que dire à ce propos des pensées qui habitent les Algériens, confrontés à un vécu d’injustice sociale, d’autoritarisme et de corruption? Comment coexistent dans leur esprit l’enthousiasme sain et compréhensible pour l’exploit de leur sélection nationale, et l’indignation contre la répression des mal-logés de Diar- ech-Chems et des jeunes rongés par le chômage, la surdité chronique des autorités au sort des enseignants et autres corporations en grève ?

VIVA LALGERIE ! VIVA le PEUPLE EGYPTIEN! Et agissons pour que l’ensemble des acteurs sociaux et politiques, instruits par le passé, donnent à ce cri d’espoir un autre débouché que celui des enthousiasmes trahis de juillet 1962, février 1971, avril 1980 et octobre 1988.

S. H.


L’HISTOIRE DE NORA et DE L’EQUIPE NATIONAE DE FOOTBALL

PAR ALAA AL ASWANI

http://www.babelmed.net/index.php?c=4734&m=&k=&l=fr

(Traduction de l’arabe par Yassin Temlali)
Babelmed

J’avais initialement décidé de raconter l’histoire d’une citoyenne égyptienne, Nora Hachem, mais la grande victoire de notre équipe nationale de football sur l’équipe d’Algérie ne pouvait être passée sous silence. Je me suis donc résolu à aborder les deux sujets ensemble.

Rien ne pouvait vraiment distinguer Nora Hachem de millions d’autres Egyptiens. Elle était brune, moyennement belle et pauvre. Son mari était un simple ouvrier répondant au nom de Hany Zakaria. C’est à ses côtés qu’elle menait une lutte féroce pour la bouchée de pain quotidienne et l’éducation de leurs deux enfants.
Un jour, elle s’est sentie très fatiguée.

Notre équipe nationale de football devait jouer un match décisif contre l’équipe algérienne. Les Egyptiens ont révélé au monde entier de quelle trempe ils étaient : ils se sont alignés derrière elle, comme un seul homme, oubliant leurs dissensions. Les médias algériens s’étaient lancés dans une campagne d’obscènes moqueries prenant pour cible notre équipe. Les journalistes égyptiens leur ont riposté par une pluie d’injures, aussi blessantes les unes que les autres, qui leur ont fait très mal. Lorsque la chanteuse Warda Al Jazayria a déclaré qu’elle supporterait l’Algérie, beaucoup d’Egyptiens n’ont pu contenir leur colère : comment a-t-elle donc osé, elle qui, depuis des décennies, vit en Egypte et puise dans la mer de sa générosité ? Certains bloggeurs ont même exigé qu’en guise de représailles, on lui interdise l’entrée sur notre territoire national.

Tout au début, Nora a attribué sa fatigue au manque de sommeil et au pénible travail ménager; elle n’en a pas soufflé mot à son mari. Mais sa fatigue ne faisait que redoubler, à tel point qu’elle a dû s’allonger. Hani l’a alors emmené dans une clinique privée. Le médecin, après l’avoir examinée, leur a conseillé de se diriger sur-le-champ vers l’hôpital.

Le président Moubarak a pris soin d’assister aux séances d’entrainement de l’équipe nationale. Avant le match il a aussi passé du temps avec les joueurs pour leur exprimer son soutien. Il faut reconnaître que le président n’est pas avare de soutien au sport et aux sportifs. Tout le monde se souvient peut-être qu’après la mort de quelque 1400 Egyptiens dans le naufrage du célèbre navire [« Al Salam », en février 2006], la tristesse ne l’avait point empêché d’assister aux entrainements de cette équipe qui s’apprêtait à un autre match décisif, en finale de coupe d’Afrique.

Il était deux heures du matin lorsque Hani et sa femme sont arrivés à l’hôpital de Sadr Imbaba. Un médecin a ausculté Nora à la hâte. Il a conclu qu’elle n’avait rien, qu’il n’était nul besoin de l’hospitaliser et s’est vite éclipsé. Hani a essayé d’en discuter avec lui mais en vain. Il est alors retourné à la réception. Il a supplié le préposé à l’accueil de l’aider à faire hospitaliser sa femme. Celui-ci lui a dit, très clairement : « Tu dois alors payer 2000 livres si tu veux qu’elle soit soignée. »

Pendant le match, en dépit du jeu agressif des Algériens, nos joueurs ont su contrôler leurs nerfs. La profonde piété des Egyptiens s’est manifestée de façon indéniable. Leurs « do’a » s’élevaient vers le ciel pour que l’équipe nationale marque au moins deux buts. Sur un plateau de télévision, nous avons pu aussi écouter le chanteur Ihab Tewfik priant les téléspectateurs d’invoquer Dieu afin qu’Il exauce leurs vœux de victoire. Selon lui, il y a en Egypte suffisamment de saints hommes dont le Seigneur écoutera certainement les appels.

Hani est resté complètement stupéfait en entendant prononcer cette somme. D’une voix à peine audible, il a demandé si l’hôpital de Sadr Imbaba était toujours un établissement public. Le préposé à l’accueil lui a expliqué, avec une grande indolence, qu’il appartenait toujours à l’Etat mais que cela ne changeait rien à l’affaire : il fallait qu’il débourse 2000 livres s’il voulait que sa femme soit hospitalisée. Hani a rétorqué qu’il était pauvre mais le préposé à l’accueil ne l’écoutait déjà plus : il avait replongé le nez dans un tas de papiers posés sur son bureau.

Le jour du match, à la télévision, le célèbre journaliste sportif Yasser Ayoub a assuré qu’en cas de victoire sur l’Algérie et de qualification au Mondial, chaque joueur recevrait de l’Etat et de la Fédération de football une récompense de 6 millions de livres égyptiennes. Lorsque l’animatrice de l’émission s’est étonnée de l’importance de cette somme, un autre journaliste sportif a estimé que les joueurs méritaient bien plus car ils fournissent des efforts titanesques pour mettre de la joie dans le cœur es Egyptiens.

Hani a fini par abandonner tout espoir de convaincre le préposé à l’accueil de l’aider à faire hospitaliser sa femme, qui commençait à ne plus tenir sur ses jambes. Il s’est dirigé, avec elle, vers l’hôpital de Sadr El Omrania. Et là, le médecin lui a affirmé qu’elle avait peut-être contracté la grippe porcine mais qu’on ne pouvait la soigner, n’étant pas équipé pour prendre en charge ce genre d’affections. Il lui a conseillé l’hôpital d’Om El Masreyyin, selon lui bien mieux équipé.

L’amour du sport n’est pas l’apanage du président Moubarak. Il le partage avec ses deux fils, Alaa et Gamal. Tous deux ont pris soin d’aller au stade soutenir l’équipe nationale, en compagnie de la majorité des ministres du gouvernement, dont le ministre de la Santé, Hatem El Gabali, qui s’est assis tout près de Gamal. Nous avons tous pu voir la joie débordante de ce beau monde lorsqu’Amr Zaki a marqué notre premier but.

Hani a remercié le médecin et s’est dirigé vers l’hôpital El Masreyyin. Il a supplié le personnel de sauver sa femme qui commençait à cracher du sang, mais un médecin lui a assuré que son état était normal et qu’il n’était pas nécessaire de la garder sous surveillance médicale. Il lui a aussi conseillé de retourner à l’hôpital de Sadr El Omrania, plus spécialisé, selon lui, dans ce genre de cas.

Pendant les quelque 90 minutes qui ont suivi le premier but, en dépit de leurs efforts titanesques et de leur esprit combatif, nos joueurs ont échoué à marquer un deuxième but. La colère commençait à se lire sur le visage des hauts responsables de l’Etat, assis dans la tribune officielle. Alaa Moubarak n’a pu se retenir de regretter, par un grand geste excédé, que notre équipe puisse manquer autant d’occasions de buts.

Hani est retourné à l’hôpital de Sadr El Omrania, portant presque Nora à bout de bras. Pour la première fois, sa voix s’est élevée, pleine de colère : « Pourquoi m’avez-vous orienté vers Om El Masreyyin si ma femme peut être soignée ici ? » Le médecin lui a répété que le diagnostic qu’il avait fait était parfaitement exact et qu’à Om El Masreyyin, on se défausse toujours pour ne pas soigner les malades. Il lui a conseillé d’exiger de cet hôpital un document certifiant que l’état de Nora était normal et que sa vie n’était pas en danger.

Hani s’est excusé de s’être emporté et a ramené sa femme à Om El Masreyyin. Il a demandé qu’on lui délivre ledit certificat. Cette fois-ci, il a été accueilli avec beaucoup de gentillesse. On lui a assuré qu’on ferait subir à Nora toutes les analyses nécessaires mais pas tout de suite, à huit heures du matin, car la responsable des analyses, ont-ils répété, n’était pas là. Il s’avérera par la suite qu’elle était bien là, mais qu’elle était si fatigué qu’elle a demandé à ses collègues de congédier Hani par n’importe quel moyen.

Le match tirait à sa fin lorsqu’Imad Motaab a réussi à marquer un deuxième but. L’Egypte entière a alors dansé de joie. Le ministre de la Santé en a oublié toute retenue ; il a sauté dans les airs avant de prendre dans ses bras Gamal Moubarak pour le féliciter de l’éclatante victoire.

Hani est retourné à l’hôpital de Sadr El Omrania. Il espérait que sa femme puisse y être gardée jusqu’au matin, pour qu’ensuite, on lui fasse subir les analyses médicales à Om El Masreyyin. Mais l’état de Nora a vite empiré. On a dû lui mettre un masque à oxygène. Elle ne tardera pas à rendre l’âme, avant même qu’on sache de quoi elle souffrait. Elle a quitté ce monde alors qu’elle n’avait que 25 ans, laissant à Hani deux enfants en bas âge.

Nous sommes probablement le seul pays au monde où l’on peut mourir de cette façon. Le drame de Nora Hachem ne devrait pas, cependant, assombrir la joie de notre victoire sur l’Algérie. Dieu a écouté nos appels et nous a offert deux buts. Nous avons fait boire aux Algériens la coupe amère de la défaite et au prochain match, avec la permission de Dieu, nous les écraserons encore.

Mabrouk à l’Egypte pour la qualification au Mondial et que Dieu ait l’âme de Nora Hachem.

(Article paru dans « Al Chourouk Al Gadid « , Le Caire)

TEMI TIDAFI NOUS A QUITES !

Triste nouvelle que la disparition de Tami Tidafi, au moment où le monde commémore le vingtième anniversaire de la Convention Internatiionale des Droits de l’Enfant, ratifiée par l’Algérie parmi 193 autres Etats. Qui veut mesurer la portée de cette disparition, peut consulter le site: http://aaefab.free.fr/ , tenu par l’ AAEFAB, « ASSOCIATION ALGERIENNE ENFANCE ET FAMILLES D’ACCUEIL BENEVOLE ».

Aucun texte ou image ne peut cependant illustrer l’immense bonheur de centaines et centaines d’enfants orphelins qui ont trouvé la joie de vivre en même temps que leurs parents d’adoption. L’impulsion lucide et persévérante de Temi TIDAFI, au milieu des pires difficultés et dangers, durant la décennie sanglante notamment, est à la base de ce miracle. C’est ce qu’exprime l’article ci-dessous écrit dans El Watan par un des artisans de cette réussite. Qui nous donne doublement à penser !

Combien seraient multipliés de tels résultats si la mobilisation, outre les moyens de l’Etat, s’amplifiait pour aller au devant des aspirations aiguës et des besoins immenses dans ce domaine ! Quel exemple remarquable aussi, à propos de la « kafala », de la possibilité de faire bouger positivement les choses, en conjuguant la défense des droits humains universels et la sécularisation éclairée de la juridiction islamique en rapport avec les évolutions sociologiques.

Tami Tidafi, militant d’idéal et de terrain, je n’avais pu le revoir directement depuis 45 ans. Peu après l’indépendance, il nous apportait, avec Hamid Ait Amara, disparu récemment lui aussi, sa connaissance et son expérience précieuse des problèmes agricoles et agraires. Après le coup d’Etat de juin 1965, il connut un exil temporaire au cours duquel, mettant à profit sa formation acquise en pays socialistes, il nous a représentés quelque temps et avec compétence au siège de la « Nouvelle Revue Internationale » à Prague. De retour au pays, il a fait à Hadjout le choix difficile d’une des plus nobles formes de militantisme, au coeur des problèmes et des souffrances de la société.


TEMI TIDAFI,UN HOMME BON NOUS QUITTE

(El Watan, 22 novembre 2009)

Tami est un homme bon. Il nous a quittés le 20 novembre, jour anniversaire de la l’adoption par l’Algérie de la convention des Nations unies sur les droits de l’enfant pour laquelle il a milité. Quel symbole ! Il avait fait ce qu’il fallait faire.

Cet économiste de formation s’était investi pleinement dans la protection de l’enfance privée de famille, en créant des structures d’accueil modèles mais surtout en encourageant leur prise en charge dans des familles d’accueil bénévoles.

Sa femme et lui-même, couple stérile avoua-t-il courageusement, décidèrent de tenter l’aventure en adoptant deux magnifiques garçons, d’abord Malik, ensuite Karim. Dans un témoignage poignant fait d’humilité et de bonté, il raconte sa première adoption. Il disait : « Nous avions adopté le premier qui nous avait adopté en nous souriant, en nous tendant les bras. »

Avec son épouse, il était convaincu que si l’enfant est né pour être heureux, la solution était de lui donner une famille. Malgré les aléas d’une société hostile, il est arrivé à fonder l’association de l’enfance et des familles d’accueil bénévoles en 1983, mais qui n’a pu avoir son agrément que le 7 février 1985.

C’est aussi grâce à des femmes et des hommes qu’il avait su convaincre et qui étaient là pour apprendre, comprendre et agir, que son rêve se réalisait petit à petit en bravant une hostilité sectaire contre laquelle il s’était opposé durant les années de feux et de larmes.

Il a eu à ses côtés ses nombreux amis à qui il faudrait rendre hommage parce qu’ils ont cru en lui et l’ont soutenu. Je citerai certains d’entre-eux comme le Pr Mahfoud Boucebci, Leïla Aslaoui (juriste et futur ministre), Mohamed Khadda (artiste peintre), Abdelhamid Benhadouga (écrivain), tant d’autres et moi-même, qui ont contribué à aider ces enfants nés pour être heureux.

Il y a eu d’autres combats, notamment pour la concordance de noms entre le « kafil » et le « mekfoul » qui a été accordée grâce au travail de persuasion de Temi au niveau du conseil supérieur islamique, qui a fait une fetwa.

Dors en paix Témi, beaucoup d’enfants et beaucoup de parents kafil te doivent tant. Espérons que la mission que tu t’es tracée continue son chemin.
Paix à ton âme.

Ton ami Hocine Nia
Président du conseil des sages de l’Aaefab

http://aaefab.free.fr/

LETTRE À BOUMEDIENE (14 septembre 1968)

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Cette lettre date d’un peu plus de quarante ans. Elle a été écrite dans un contexte national et international tendu, à un moment où les positions officielles balançaient entre le courant ouvertement réactionnaire du clan putschiste « d’Oujda » et des tendances populistes, antiimpérialistes et de sensibilité sociale qui allaient prévaloir trois ans plus tard et pour quelques années dans les décisions officielles. Le contenu de ce document gagne à être éclairé aussi par l’entretien accordé au Soir d’Algérie en mai 2007, dans sa partie consacrée aux rapports du PCA et du PAGS avec les pouvoirs successifs.Il peut être complété également par un document interne qui sera bientôt mis en ligne: « Cinq questions d’actualité », rédigé par Sadek Hadjerès et mis en débat à tous les échelons du parti à partir de mars 1968. Inspirée par les orientations de la 1ère Conférence nationale tenue en 1967, l’analyse des « Cinq questions » servira de base six mois plus tard, dans une forme appropriée, à la lettre à Boumediène, ainsi qu’aux thèses de la deuxième conférence nationale de 1969.

POUR L’UNION DE TOUS LES PROGRESSISTES ET ANTIIMPERIALISTES

DANS L’ACTION COMMUNE

et l’oeuvre d’édification

(copie de la lettre adressée en septembre 1968 à M. le Président Houari Boumediène)

AU LECTEUR

Lors de la réunion des cadres de la nation et de la conférence nationale des syndicats, toutes deux tenues à la veille du 1er Novembre dernier (1968), le président Boumediène a porté, dans le cadre de son analyse de la situation politique du pays, certaines appréciations sur les activités de notre Parti.

Nous estimons positif à plus d’un titre le fait que des problèmes politiques et économiques vitaux pour notre pays aient été soumis à une franche confrontation publique, sans recours à l’amalgame habituellement utilisé contre les activités de notre Parti consistant à les qualifier de «subversives».

Boumediène a notamment fait état d’une lettre que lui a adressée un mois et demi auparavant notre camarade le docteur Sadek Hadjerès au nom de la direction nationale du Parti de l’Avant-Garde Socialiste.

Nombre de nos amis nous ont interrogés sur le contenu de cette lettre. En la rendant publique aujourd’hui notre Parti répond à leur attente légitime sans obéir pour autant à des préoccupations de propagande ou de vaine polémique. C’est au contraire dans un esprit constructif et pour mieux éclaircir le débat instauré que nous publions cette lettre. Et c’est pourquoi nous nous abstenons en le faisant, de la compléter par des commentaires sur certains jugements et assertions du président Boumediène lors des deux conférences évoquées plus haut, nous réservant d’y revenir, à l’occasion, dans un souci de clarification politique et idéologique.

Dans la mesure où la lettre de notre Parti à Boumediène peut être considérée comme une contribution à l’union des forces progressistes de notre pays, nous ne pouvons qu’être heureux qu’il en ait été fait état publiquement, en souhaitant que la confrontation des points de vue se poursuive et s’approfondisse quelles que soient les formes qu’elle emprunte aujourd’hui ou qu’elle peut revêtir demain.

Cette libre confrontation qui n’a jamais cessé d’être indispensable, et à laquelle nous appelons depuis des années, se trouve facilitée aujourd’hui par les mesures de libération intervenues en faveur de cadres, militants et sympathisants de notre Parti, de syndicalistes ou de militants progressistes. Encore que nous regrettons vivement que ces libérations ne soient pas totales ou que certaines d’entre elles soient assorties de restrictions injustifiées que nous espérons temporaires.

Cette libre confrontation trouve aussi de nouvelles conditions favorables dans les mesures prises par le gouvernement dans les domaines économique et social, car la lutte pour l’application réelle de ces mesures ne manquera pas de faciliter l’action commune de tous les patriotes et antiimpérialistes, sans laquelle les décisions et réalisations les plus positives risquent d’être remises en cause, freinées, voire sabotées par les forces réactionnaires qui, elles, savent réaliser leur jonction par delà leurs divergences.

Notre Parti ne cherche nullement à monopoliser les idées du socialisme. Dans l’intérêt de nos travailleurs et des masses, nous ne pouvons que nous féliciter du fait que d’autres forces politiques en Algérie se réclament sincèrement du même idéal libérateur. S’il existe des différences d’appréciation, l’expérience et les échanges de vues sont les meilleurs moyens pour enseigner les uns aux autres la meilleure voie.

Dans cette perspective, le problème le plus urgent (à l’heure où l’impérialisme donne mille preuves qu’il ne laissera en paix aucun pays africain ou arabe édifier le régime de son choix) est celui de l’union des forces progressistes, où qu’elle se trouvent et malgré toutes leurs divergences pour développer et achever la révolution nationale, démocratique et populaire, édifier une économie indépendante, lutter avec succès contre l’impérialisme, le néocolonialisme et la réaction.

En publiant cette lettre, nous espérons que son contenu contribuer à l’instauration, è travers l’action commune, d’une union solide de toutes les forces progressistes, révolutionnaires et antiimpérialistes.

Alger, le 20 novembre 1968


LETTRE DU PARTI DE L’AVANT-GARDE SOCIALISTE AU PRESIDENT BOUMEDIENE

Alger, le 14 septembre 1968

Monsieur le Président,

Nous prenons l’initiative de cette démarche directe auprès de vous, au nom des militants d’avant-garde socialiste ainsi que des secteurs de l’opinion progressiste qui approuvent et soutiennent nos positions et notre activité.

Nous avons voulu nous adresser ainsi au représentant du pouvoir qui détient dans les faits, les plus hautes responsabilités dans notre pays ainsi qu’à l’homme politique à qui il est souvent revenu d’exprimer les positions et l’orientation officielles de ce pouvoir.

Ce qui commande cette démarche, c’est l’intérêt de notre peuple à un moment important pour notre pays et sa révolution. Les dangers extérieurs et intérieurs qui se sont amoncelés sur l’Algérie indépendante vous en êtes certainement, Monsieur le Président, mieux informé que nous.

Il est vrai aussi que la gravité de la situation actuelle n’aurait pas suffi à permettre notre initiative si les clivages politiques n’avaient pas évolué et ne s’étaient pas clarifiés dans une certaine mesure par rapport à ce qu’ils étaient il y a trois ans.

Certes, en vous écrivant cette lettre, nul ne peut ignorer ni escamoter les divergences ou les différends qui nous séparent. Nous continuons en effet à estimer que la façon unilatérale dont les auteurs du 19 juin ont cru devoir régler certaines contradictions du pouvoir institué en septembre 1963, aurait dû être évitée empêchée, parce qu’elle a entraîné un coup d’arrêt brutal dans les possibilités de mobilisation populaire tout en donnant un plus large champ aux possibilités d’activité des forces réactionnaires et antisocialistes.

Nous nous sommes souvent expliqués publiquement sur cette question. Aussi, dans cette lettre, notre objectif n’est pas de mener auprès de vous un travail de propagande sur ce thème, ou de poursuivre une polémique sur les responsabilités encourues par les uns et les autres dans les événements de ces dernières années.

Notre objectif aujourd’hui est le suivant: parvenir, dans l’intérêt du pays, à une évaluation des perspectives acceptables par toutes les forces anti-impérialistes et attachées au progrès. De ce point de vue, nous avons toujours dit que nous ne sommes prisonniers d’aucune étiquette, d’aucune qualification politique qui serait décernée une fois pour toutes à des personnes ou des groupes. Seuls comptent à nos yeux les actes, les objectifs poursuivis et l’orientation effectivement suivie à tel ou tel moment.

Or, une constatation nous paraît déterminante : ces six années d’indépendance, marquées par des luttes souvent complexes et confuses entre les forces de réaction et de progrès, ont entraîné, par delà tous les problèmes posés au fur et à mesure à l’Algérie, un certain nombre d’objectifs communs autour desquels il serait souhaitable que tous les courants progressistes et anti-impérialistes algériens Où QU’ILS SE SITUENT PAR RAPPORT AU POUVOIR QUE VOUS PRESIDEZ, unifient leur action. Or, malgré cette communauté d’objectifs possibles, de graves heurts continuent à se produire. Pourquoi cela, et comment y remédier ? C’est le devoir commun des progressistes et des anti-impérialistes de rechercher ensemble une réponse à ces questions, en dehors d’affrontements préjudiciables et des méthodes autoritaires.
Cette préoccupation n’est pas nouvelle pour nous : elle a constitué le fil conducteur de notre politique, depuis notre déclaration de janvier 1966 jusqu’à notre brochure de juin 1968, en passant par la lettre à «El Djeich» d’août 1966, le message que nous vous avons adressé à l’occasion de l’agression sioniste ou notre prise de position à la suite de l’attentat dont vous avez été l’objet.

Nous avons mené des efforts continus pour instaurer des confrontations de points de vue ou une unité d’action entre patriotes progressistes de tous horizons, qu’ils soient nationalistes progressistes ou partisans du socialisme scientifique, qu’ils soient démocrates ou influencés par les méthodes autoritaires. Nous sommes ouverts à toute attitude qui va au-devant de libres échanges de vues en faveur d’une issue constructive et démocratique à la crise politique qui affecte l’Algérie progressiste et entrave ses efforts d’édification.

Dans la période la plus récente, alors même qu’une nouvelle vague d’arrestations frappait de nombreux camarades, des officiels, y compris dans les services de sécurité, ont fait état directement ou indirectement, de l’intérêt qu’il y a pour tous à regarder vers l’avenir, de leur souci de connaître notre point de vue sur les perspectives, ou même, selon d’autres, d’établir une discussion avec les responsables du Parti de l’Avant-Garde Socialiste.

Malgré les circonstances paradoxales dans lesquelles a été exprimé ce désir, et tout en faisant la part des manœuvres ou de l’intoxication de certains milieux, nous avons estimé que l’expression de ce désir correspondait trop aux exigences de la période présente, à nos préoccupations antiimpérialistes et à celles de tout patriote et révolutionnaire honnête pour que nous négligions la moindre possibilité d’engager un dialogue qui pourrait être utile au pays.

Notre lettre est l’une des formes que prend ce dialogue souhaitable. Nous serions heureux s’il en résultait une meilleure connaissance des points de vues réciproques, bénéfique à la révolution algérienne.

Une discussion franche qui se réclame des intérêts progressistes du pays, doit commencer par déblayer les obstacles principaux, sans crainte de heurter une quelconque susceptibilité des interlocuteurs. C’est pourquoi nous dirons d’emblée qu’il ne peut y avoir à nos yeux de discussion concluante et fructueuse pendant que de votre côté on s’efforce d’emprisonner le maximum de ces militants ou dirigeants avec qui vous pourriez estimer une discussion souhaitable.

Nous avons réagi aux dernières arrestations politiquement, avec sang-froid, en rejetant des réactions passionnelles. Mais tout patriote, tout progressiste est en droit de s’interroger : que signifient ces arrestations ? Ces hommes et ces femmes brutalement arrachés à leurs familles n’ont ni intrigué, ni comploté, ni trafiqué sur le dos de l’Algérie et de son peuple. Tout le monde, y compris la police, sait que ce sont des Algériens honnêtes, désintéressés. Nombre d’entre eux ont accompli leur devoir patriotique au péril de leur vie, de leur santé, de leur liberté. Ils se sont consacrés à leurs activités professionnelles, politiques et sociales avec le plus grand dévouement, sans ambitions ni intérêts personnels. Que ressort-il de leurs positions de principe et des documents saisis chez eux ? Rien d’autre que leur désir, et celui de tous leurs camarades, de contribuer de toutes leurs forces, de toute leur intelligence, de tout leur cœur, à l’édification de leur pays dans le sens de l’option socialiste qui est une option officielle de l’Algérie.

Qui est donc menacé par l’action de ces militants honnêtes ? En quoi l’intérêt national, l’intérêt du peuple travailleur est-il lésé par leurs activités ?

Un grand nombre de ces hommes et de ces femmes ont été malheureusement et une fois de plus odieusement torturés. On a fait violence à leur dignité d’hommes et de citoyens algériens. On s’est efforcé de les humilier pour des opinions dont ils ne peuvent être que fiers. C’est là une constatation amère dans notre pays où la torture est maudite par la conscience populaire. Pourquoi ne pas appliquer en priorité aux citoyens de notre pays les règles élémentaires de respect de la personne humaine dont l’Algérie s’honore de faire bénéficier –à juste titre- des ressortissants étrangers comme les occupants du Boeing d’un pays avec qui l’Algérie est officiellement en guerre ?

Comment en est-on arrivé là ?

La morale réprouve de telles méthodes, mais ce n’est pas seulement une question de méthodes ou de morale. Si ces méthodes policières ont été appliquées à des progressistes et des partisans du socialisme, qui ne menaçaient aucun intérêt du pays, c’est parce que l’ordre a été intimé aux milieux policiers depuis la fin mai de démanteler le PAGS à tout prix et dans les délais les plus brefs.

Cette décision, orchestrée en même temps de déclarations vaguement rassurantes en réponse aux protestations de l’opinion, constitue une décision et un calcul néfastes si on se place des points de vue progressiste et anti-impérialiste.

Quelles que soient les intentions des promoteurs de cette répression, quels que soient les torts qu’ils peuvent prêter aux personnes arrêtées, tout se passe objectivement comme si on avait voulu rassurer et encourager les hommes de monopoles occidentaux ou les gros propriétaires fonciers algériens, en leur indiquant par les faits que malgré les menaces que le pouvoir a brandies contre eux, ce pouvoir porte quand même ses coups contre les partisans résolus du socialisme.

C’est un grand dommage pour l’Algérie que les énergies et les ressources des services de sécurité soient ainsi détournées de tâches utiles contre les véritables ennemis du pays. Ce n’est pas exprimer des craintes gratuites que d’affirmer qu’en procédant ainsi, on risque de dire un jour : tel mauvais coup contre l’Algérie, de la C.I.A. ou de tous autres agents réactionnaires ou impérialistes, a réussi parce que pendant ce temps une partie des services de sécurité faisait la chasse aux progressistes.

Supposons que ces efforts considérables menés contre notre organisation soient couronnés de succès. A quoi cela aurait-il mené ? Cet «exploit» policier ne serait qu’un acte politique désastreux contre les intérêts progressistes de l’Algérie. Les problèmes de fond auront-ils été réglés par la répression antiprogressiste ? Ils ne l’ont pas été après septembre 1965. Ils ne le seraient pas plus aujourd’hui, même si on arrêtait un million de progressistes comme menaçait un policier. Ou plutôt, ces problèmes de fond, la crise politique, la situation intérieure de l’Algérie et son audience internationale n’en seraient que davantage aggravés et détériorés.

Quant aux ennemis impérialistes réactionnaires, ils auraient raison d’exprimer leur satisfaction, en continuant d’accumuler et de concentrer suffisamment leurs forces dans des conditions favorables pour eux jusqu’au jour où ils pourraient porter leur coup décisif contre l’ENSEMBLE des forces progressistes et patriotiques, ce qui est l’objectif numéro 1 de leur stratégie contre l’Algérie.

Nous n’étions pas étonnés dans le passé d’entendre confirmer par des personnalités officielles ou proches du pouvoir, que la répression contre les militants socialistes ou syndicalistes était surtout souhaitée et encouragée par des éléments de droite associés au pouvoir et qui se sont révélés par la suite comme des ennemis résolus de la politique de nationalisations et d’indépendance économique, des porte-parole de la subordination de l’Algérie au capital privé et aux monopoles internationaux.

Aujourd’hui ceux qui poursuivent la même politique de répression contre nous, avec des mobiles différents ne peuvent espérer récolter que les mêmes tristes lauriers, car ils se font, même si ce n’est pas leur intention, les instruments des forces politiques et sociales qu’ils disent combattre.

Il paraît paradoxal, si on compare cela à vos déclarations et positions publiques, que vous ayez entériné, sinon pris vous-même la décision de renforcer systématiquement la répression contre les militants progressistes et syndicalistes qui se rattachent directement ou indirectement à notre Parti. Cette mesure, en effet, ne peut qu’isoler davantage, par rapport aux masses et aux forces progressistes, les forces civiles ou militaires qui, au sein du pouvoir actuel, sont susceptibles de soutenir la politique anti-impérialiste que vous préconisez.

En effectuant la démarche présente c’est à cette dangereuse manœuvre réactionnaire que nous voulons barrer la route. Nous voulons; par cet effort de clarification, ne pas laisser la réaction profiter largement et plus longtemps des erreurs et des divisions que nous souhaitons momentanées dans le camp de toutes les forces qui œuvrent pour le progrès.


Nous savons que le chemin des transformations progressistes n’est jamais facile. Nous ne croyons pas que tout peut se dérouler parfaitement et sans erreurs, même dans la révolution la plus assurée du succès.

Néanmoins, nous estimons que le danger a dépassé la côte d’alerte.

Si nous examinons la réalité en face, sans complaisance ni esprit partisan, nous constatons que ceux-là mêmes qui devraient être intéressés au succès des mesures de caractère progressiste, demeurent plus qu’auparavant encore démobilisés et sourds aux appels que leur lance le pouvoir lorsqu’il s’agit de faire face aux dangers impérialistes et aux tâches de l’édification.

La situation est devenue telle que l’issue de la lutte pour l’indépendance économique et le progrès social, dépend de moins en moins du rapport des forces sociales réel dans le pays, rapport qui devrait être en faveur de l’écrasante majorité des masses populaires et des travailleurs, si on leur laissait les possibilités suffisantes de s’organiser et de se mobiliser. L’issue est en réalité subordonnée de plus en plus au jeu des conflits d’appareils et de clans, terrain sur lequel les forces qui œuvrent consciemment pour le progrès ne sont pas les plus favorisées, terrain hautement favorable par contre aux complots impérialistes.

Nous ne mettons pas en cause votre souhait de voir l’Algérie s’engager sur la voie de mesures encore plus progressistes. De ce point de vue, votre discours du 20 août dernier à Tlemcen renferme des appréciations assez nettes qui méritent des prolongements ultérieurs, en direction de la réforme agraire notamment. Précisément, vous n’ignorez pas que celles des mesures qui restent à prendre aujourd’hui sont de nature, beaucoup plus que celles prises dans le passé à soulever la résistance la plus acharnée des réactionnaires.

C’est pourquoi nous attirons instamment votre attention sur les faits suivants, qui constituent la trame vivante de l’Algérie actuelle et qui risquent de mener vos souhaits et la révolution algérienne elle-même à de graves échecs si rien n’est fait pour y remédier en profondeur :

1. Les masses en général se désintéressent des initiatives du pouvoir même lorsqu’elles sont positives parce qu’elles ne se répercutent pas sur leur vie réelle. Celle-ci est le tableau inverse de celui qu’évoquent les déclarations officielles. Préoccupées par la dégradation de leur niveau de vie, elles se voient, de plus, écartées des décisions visant l’avenir du pays et leurs propres problèmes immédiats, alors que ces pouvoirs de décision sont concentrés à divers niveaux entre les mains d’exploiteurs ou de personnes qui piétinent leurs droits les plus élémentaires, en y ajoutant cette insulte permanente à la dignité populaire que constitue l’étalage indécent du luxe.

2. Les paysans pauvres, repliés sur eux mêmes, ne voient toujours pas le soleil se lever pour eux. Le maximum est fait pour les faire désespérer de l’application de la réforme agraire. D’autant plus qu’actuellement, dans plusieurs régions de l’intérieur, les impôts accablants, les brimades aveugles et systématiques des autorités locales ou des forces de sécurité, pour des raisons politiques ou autres, ont pris brusquement une grande ampleur et risquent de faire basculer la masse de la paysannerie pauvre dans le camp de la contre-révolution.

3. Les petits commerçants et artisans écrasés par les impôts et réglementations, sont entre les mains des grossistes, importateurs et gros affairistes. Ils en constituent de plus en plus une masse de manœuvre sensible à leur influence antisocialiste.

4. Les ouvriers et employés dans l’autogestion et dans les sociétés nationales constatent que non seulement ils sont toujours des salariés et que leur avis compte peu dans l’entreprise, mais qu’ils ont perdu des droits matériels et syndicaux qu’ils avaient acquis dans le secteur privé. Il est néfaste pour le secteur public que la création de ce dernier apparaisse, sauf quelques exceptions, comme un recul à la masse des travailleurs. En même temps, une minorité de privilégiés dans les appareils administratifs non directement productifs, s’arrogent des droits, des pouvoirs et un niveau de vie exorbitants, sans commune mesure avec leur utilité sociale et leur rendement dans l’entreprise.

5. Les organisations de masse (notamment les syndicats) constatent que le FLN ne défend pas les travailleurs. La réorganisation en cours dans le FLN leur apparaît comme ne changeant pas beaucoup le fond des choses : des positions nettement en contradiction avec les options officiellement proclamées s’y expriment dans la pratique. La démocratisation annoncée des organisations de masse s’avère, malgré les déclarations sur la «démocratie directe»; une tentative de caporalisation plus grave que celles dont ces organisations se plaignaient auparavant.

Tout cela explique que ni le FLN, ni les organisations de masse ne sont en mesure de mener une activité d’explication ou de mobilisation en profondeur au sein des masses, en dehors des réunions ou meetings convoqués administrativement, qui ne peuvent avoir de grande répercussion.

Dans un tel climat, les militants progressistes de tous horizons sont, soit découragés, soit, s’ils prennent au sérieux la lutte pour l’application des mesures progressistes annoncées, ils sont amenés à entreprendre cette lutte avec la perspective d’affronter la répression, la torture, les prisons. C’est ce que du reste vous avez laissé entendre aux journalistes que vous aviez encouragés au cours d’une conférence de presse, il y a quelques mois, à défendre la réforme agraire. Nul ne pensait à ce moment que vous-même assumeriez la responsabilité de faire emprisonner et pourchasser ceux qui souhaitent la réforme agraire et sont prêts à la défendre.

Nous connaissons certes les devoirs de tous les progressistes. Le plus souvent ils doivent être unitaires pour deux en supportant, parfois, les conséquences de certaines situations complexes.

Mais nous avons aussi le devoir de rappeler que la réaction parvient très souvent à ses fins malgré la vigilance et l’abnégation des progressistes les plus unitaires. Elle y parvient par son chantage, ses pressions et ses manœuvres sont relayées et amplifiées par les erreurs de certains acteurs progressistes.

Aussi n’est-il ni dans l’intérêt de l’ensemble des forces progressistes, ni dans celui des positions anti-impérialistes que vous défendez, de laisser faire l’amalgame –ou de l’encourager- entre l’opposition progressiste et le danger réactionnaire et impérialiste. Il ne peut résulter que de graves conséquences d’une répression anti-progressiste qui se voudrait symétrique de la lutte engagée contre la réaction (qui nous paraît d’ailleurs jusqu’à présent bien insuffisante par rapport au danger qu’elle présente).

Poursuivre cette répression anti-progressiste et anti-socialiste, c’est offrir aux agents de l’impérialisme l’occasion rêvée de compromettre et d’enfoncer un peu plus la tendance nationaliste progressiste qui se trouve au pouvoir dans une politique droitière qui l’affaiblira, tandis qu’on pousserait les progressistes les plus avancés à une opposition globale et systématique qu’ils ont délibérément rejetée jusqu’ici dans l’intérêt de l’union anti-impérialiste et d’une solution démocratique de la crise.

Nous souhaitons attirer fortement votre attention sur deux autres faits graves (en plus de cette répression anti-progressiste) qui risquent de consacrer le succès de cette manœuvre réactionnaire, dans le cas où les conceptions autoritaires de milieux qui se disent acquis aux principes de l’indépendance économique et à celui de l’autogestion y prêtaient le flanc. C’est le cas de l’intention prêtée à certains responsables du FLN de démanteler la direction légale de l’UGTA et d’empêcher la convocation démocratique de son 3e Congrès. C’est le cas aussi de l’intention prêtée à ces mêmes responsables de vouloir interdire le droit de grève dans les secteurs autogéré et nationalisé, alors que dans les conditions actuelles, avec l’environnement politique et économique que tout le monde reconnaît, il n’y a pas d’autre garantie pour les travailleurs de faire respecter les droits qui leur sont reconnus théoriquement , mais qui sont pratiquement bafoués chaque jour du fait des ennemis de l’autogestion et de l’indépendance économique véritable.


Que penser du caractère «illégal» que revêtirait notre activité?

Conscients de nos responsabilités, nous voudrions aussi éclaircir certaines questions que vous avez abordées dans des allocutions.

Vous pouvez dire en effet: «Vous mêmes contribuez à la division des forces progressistes à partir du moment où vous avez choisi d’œuvrer dans un cadre illégal. Vous critiquez systématiquement tout ce que fait le pouvoir, en rejetant le cadre légal et officiel du parti unique, le FLN, qui est ouvert à tous les révolutionnaires. De plus, vous vous placez dans le cadre d’une idéologie étrangère…»

Que penser du caractère «illégal» que revêtirait notre activité?

Nous constatons d’abord que la grossière accusation de «tentative d’assassinat»contre des personnalités du pouvoir, accusation formulée en 1965, en réponse aux protestations de l’opinion, s’est effondrée au fil des mois sous les coups de l’évidence. Mais nous soulignerons un fait significatif : les éléments compromis dans cette affabulation, écartés par notre Parti comme des éléments provocateurs manipulés par la Sécurité militaire, ont été presque immédiatement libérés en 1965, tandis que croupissent en prison depuis trois ans nos camarades qui, justement, ont situé leur activité sur son vrai terrain, défini dans nos documents dès août 1965, c’est-à-dire le terrain politique, social et idéologique.

Nous affirmons, sans crainte d’être démentis, que notre Parti a tout fait pour situer le maximum, sinon l’essentiel de ses activités, sur le plan légal. Cet effort a été d’autant plus difficile qu’il s’agit d’une légalité étroite et partisane, constamment réduite et remise en cause par les rouages du pouvoir actuel, au gré des circonstances.

C’est ainsi qu’est menée l’activité de nos militants au sein des organisations de masse dans le respect absolu des statuts et des décisions démocratiquement adoptés qui régissent ces organisations. Ainsi a été également assurée la participation de nos militants à un certain nombre de campagnes et de journées nationales, aux débats instaurés autour de la réforme agraire et communale, à la campagne de mobilisation active et volontaire des étudiants pour leur formation militaire élémentaire, et, d’une façon générale, chaque fois que l’intérêt du pays ou de l’édification s’est trouvé engagé.

Quant à celles de nos activités légitimes que nous devons protéger par la clandestinité, ce n’est pas nous qui recherchons cette clandestinité. Ce sont les tendances antisocialistes qui font le maximum pour nous y contraindre.

Que font les autorités pour encourager la légalité du travail de TOUS les militants socialistes dans les organisations de masse ? Lorsque des militants syndicaux comme Boudräa et Rezine, hautement estimés et dévoués à la cause des travailleurs et du socialisme, ont rejoint leur domicile et leur travail sous la foi de la signature de Chérif Belkacem, on a cru remporter un grand «succès» en les mettant en prison. Nous vous laissons juge de ce procédé inqualifiable (qui ne pouvait que déconsidérer un peu plus le pouvoir dans le monde du travail), quand on sait que le dossier judiciaire de ces militants est absolument vide malgré la classique et ridicule accusation «d’association de malfaiteurs».

Nous souhaitons pouvoir mener TOUTES nos activités sur le plan légal. Il suffit simplement qu’il s’agisse d’une véritable légalité progressiste et non d’une caricature de légalité, qui profite principalement aux activités et complots réactionnaires.
Vous nous avez reproché aussi de donner à notre activité un contenu de critique systématique négative. Si notre activité est jugée exclusivement sur la base de nos déclarations et de nos actes réels, sur quoi repose un tel grief ?

Nous pourrions citer un grand nombre d’exemples qui permettraient de constater que nos efforts constants pour mettre en échec les tendances négatives qui se sont manifestées du côté du FLN, de la «justice» ou des forces répressives et qui tendent à cristalliser, à faire pourrir, à dénaturer et à envenimer les contradictions réelles et les divergences existant sur divers problèmes. Que fait le FLN pour sa part pour encourager ceux qui ne partagent pas ses vues ou une partie d’entre elles, à une saine coopération avec lui ? Qu’il se mobilise par exemple et se tourne vers les masses pour expliquer les objectifs d’une véritable réforme agraire et pour imposer son application aux gros propriétaires fonciers, selon les projets officiels de 1966 ! Il nous trouvera immédiatement à ses côtés. Mais ce n’est pas en faisant la chasse aux étudiants ou l’obstruction aux congrès syndicaux régulièrement mandatés par la base ouvrière, qu’il gagnera la coopération des militants socialistes sincères ou de la masse des citoyens honnêtes.

Nous souhaitons vous préciser également que vous faites erreur lorsque vous nous attribuez une conception hostile à l’édification d’un Etat algérien solide. Dans quel document ou dans quelle activité de notre Parti s’est manifestée une telle tendance? Nous pouvons vous en citer qui montrent au contraire que nous sommes pour l’Etat algérien le plus solide possible. Mais nous estimons que cette solidité, l’autorité, la discipline et la mobilisation qu’il sera capable d’instaurer, seront mieux assurés par une large assise populaire et des méthodes démocratiques que par une base sociale étroite et des méthodes autoritaires dont profitent surtout les milieux conservateurs ou réactionnaires lorsqu’ils parviennent à contrôler certains rouages, ce qui déconsidère l’Etat et entraîne la coupure entre ce dernier et les masses.

Il n’est pas vrai non plus, comme nous vous l’entendons dire, que nous soyons hostiles aux mesures de nationalisations que votre pouvoir a prises, sous prétexte qu’il s’agirait là de «capitalisme d’Etat». Toute nationalisation qui restitue à l’Etat algérien une partie de nos richesses nationales est déjà par elle-même une mesure positive qui se situe dans un cadre anti-impérialiste. De plus, dans cette période transitoire où doit se poursuivre la révolution nationale, démocratique et populaire, nous savons, sur la base des principes mêmes qui nous inspirent, qu’on ne peut exclure et qu’on doit employer certaines formes de capitalisme d’Etat. Mais il y a capitalisme d’Etat et capitalisme d’Etat. C’est pourquoi nous ajoutons que, selon le contenu politique et social qui lui est donné, ce capitalisme d’Etat peut déboucher soit sur la voie socialiste de développement, avec un pouvoir s’appuyant de plus en plus sur le peuple travailleur et contrôlé par lui, soit au contraire sur la voie qui enfoncera davantage l’Algérie dans la subordination au capital privé national et international, et à l’instauration d’une dictature bureaucratique inféodée à la réaction. D’inquiétantes tendances se sont manifestées dans cette dernière voie. Nous ne sommes plus seuls aujourd’hui à le constater. Nous avons précisé que la façon la plus énergique de lutter contre ce danger est d’appliquer le plus large droit de contrôle des travailleurs sur la gestion des entreprises grâce à la démocratisation effective de cette gestion. C’est ce qui garantira dans l’immédiat un contenu anti-impérialiste plus profond à ces mesures. C’est ce qui, dans la perspective, ouvrira la voie plus largement et plus sûrement à l’instauration de rapports de production socialistes.

En un mot, nous estimons, et l’expérience de notre pays confirme depuis l’indépendance, qu’un militant révolutionnaire, quelle que soit l’équipe dirigeante qui se trouve au pouvoir, ne doit être ni un béni oui oui qui applaudit aveuglément tout ce qui se fait ou se décide, ni un nihiliste qui récuse tout ce que réalise ou propose ce pouvoir en place. Le révolutionnaire fait preuve d’un esprit responsable qui lui impose d’accompagner toute critique par des propositions constructives et des actes qui tiennent compte des difficultés objectives du pays à cette étape de son développement, ainsi que des réalités nationales et internationales.

En élevant le niveau de compréhension politique des masses, de telles critiques justifiées évitent à ces dernières de tomber dans les aspects passionnels et subjectifs exploités par la réaction. Il appartient à un pouvoir qui se veut progressiste de répondre à de telles critiques, non par la répression aveugle, mais en en supprimant les causes avec l’appui des masses et des forces progressistes.

De telles critiques, Monsieur le Président, nous estimons qu’elles sont bénéfiques et qu’elles peuvent réaliser l’accord de tous les progressistes et révolutionnaires où qu’ils soient. Dans la presse ou les discours officiels nous retrouvons aujourd’hui des critiques qui étaient considérées comme «subversives» lorsqu’elles émanaient de nous il y a deux ou trois ans. C’est un signe encourageant, mais nous estimons que cela est insuffisant par rapport à l’immense besoin de notre peuple de s’exprimer franchement, sans compter que la presse officielle est très peu lue dans le peuple, et de plus, quiconque dans la vie quotidienne «cherche à comprendre» se heurte généralement à la répression policière ou administrative. Du reste, même les journalistes de la presse officielle sont chaque jour entravés dans leur tâche d’information et sont souvent l’objet de discrimination par rapport à des journalistes étrangers réactionnaires.

Nous n’affirmerons pas que nous ne pouvons jamais nous tromper dans les critiques que nous portons envers le pouvoir actuel. Ce que nous pouvons affirmer c’est que la critique est portée dans un sens progressiste et constructif, y compris lorsque nous dénonçons la répression antidémocratique, devant laquelle aucun révolutionnaire ne peut rester muet sans faillir à son devoir. En accomplissant ce devoir, à la fois politique et humain, nous proposons les solutions qui doivent permettre de sortir de ce cercle vicieux de la répression et de sa dénonciation, qui ne se prolonge qu’au bénéfice des ennemis de notre peuple et des travailleurs. Notre activité critique est inséparable de l’activité constructive qui consiste à élever le niveau politique et idéologique des patriotes et révolutionnaires, à impulser l’union anti-impérialiste et le travail de masse pour l’édification.

Sur un tout autre plan, à diverses reprises, vous avez parlé à notre sujet «d’idéologie étrangère» ou «d’objectifs étrangers» pour lesquels notre pays servirait de «champ d’expérience».

Nous déplorons ces expressions malheureuses qui ont été largement utilisées à l’époque par les colonialistes contre l’ensemble des forces patriotiques. Elles sont utilisées par les réactionnaires de chaque pays contre toute politique progressiste et anti-impérialiste, y compris celle que vous préconisez aujourd’hui dans certains domaines de l’édification économique.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes effectivement des partisans convaincus du socialisme scientifique. Nous ne voyons aucune contradiction entre nos convictions patriotiques et notre attachement à une doctrine sociale qui, à l’époque où le monde entier passe du capitalisme au socialisme, a un caractère plus universel que jamais. Nous ne voyons pas de contradiction entre le matérialisme historique et les caractéristiques arabo-islamiques de notre société et de notre civilisation à laquelle nous sommes attachés. Il n’existe d’ailleurs aucune position politique nationale, de gauche ou de droite, qui ne se rattache à un plus vaste courant politique et idéologique mondial, même lorsque ces positions sont adoptées d’une façon indépendante.

L’internationalisme prolétarien, la solidarité mutuelle entre les peuples, les travailleurs et les révolutionnaires du monde entier, sont la plus haute acquisition de l’humanité à ce jour. Cette acquisition s’inscrit dans la tradition des grands courants historiques qui, comme la civilisation islamique, ont enrichi le développement original de chaque pays. Nous estimons faire œuvre utile en l’intégrant dans le patrimoine de nos meilleures traditions nationales.

Notre solidarité avec les partis et les forces qui, dans le monde entier, expriment et défendent les intérêts des travailleurs, ne nous éloigne pas de nos tâches d’intérêt national. Elle nous aide à avoir une compréhension meilleure et plus large de ces tâches, et à appliquer une discipline et une cohésion nationale librement consentie, et commune à toutes les forces progressistes. Aucune révolution ne peut s’exporter, et c’est pourquoi notre politique, dans son élaboration comme dans son application, tire ses racines du sol national et se fonde sur l’analyse de notre réalité propre. Mais en même temps, l’action de toute organisation révolutionnaire s’inscrit forcément dans le cadre de l’action de tout le front mondial anti-impérialiste et du mouvement ouvrier international, dans le respect de l’indépendance politique et organique de chaque organisation qui est l’une des conditions de son activité créatrice.

Il est possible que cette simple affirmation de nos positions ne suffise pas à vous convaincre. Cependant, le temps et l’expérience éclaireront certainement tous les patriotes sincères et dissiperont ce que nous considérons comme un préjugé regrettable et une incompréhension à l’égard de notre activité. Nous faisons à ce sujet la différence entre les réactionnaires qui drapent leurs intérêts sordides dans la phraséologie nationaliste (malgré leurs liens avec l’impérialisme cosmopolite) et les anti-impérialistes et progressistes dont le patriotisme s’accompagne encore d’une méfiance systématique et injustifiée envers leurs compatriotes marxistes-léninistes.


Parti officiel – parti unique, seul critère de la légalité ?

Nous voulons aborder maintenant le point le plus épineux de nos divergences.

Le désaccord semble se concentrer et se cristalliser dans le fait que nous militons en dehors du Parti officiel. Ce parti, le pouvoir que vous présidez le voudrait unique. C’est ce qui selon vous devrait constituer le seul critère de la légalité.

Nous réaffirmons que notre point de vue à ce sujet est ouvert à la discussion et à certaines préoccupations légitimes de tous nos interlocuteurs progressistes. D’ailleurs les raisons pour lesquelles certains souhaitent le parti unique méritent clarification, car malgré une apparente unité dans les formulations, cette position fait l’objet, même dans les milieux officiels, des interprétations les plus opposées.

Nous avons exposé notre point de vue dans la brochure «5 questions d’actualité» (Juin 1968) à laquelle, pour des raisons de commodité, nous souhaitons que vous vous référiez. Nous soulèverons seulement ici quelques points susceptibles de faire avancer la réflexion.

Il nous paraît difficile, avec la situation créée par les crises successives vécues par le pays, d’adopter aujourd’hui en ce qui concerne les partis un critère absolu et indiscutable pour définir ce qui est légal et ce qui ne l’est pas. Par exemple, à quels textes, à quelles lois faudrait-il se référer ? La Constitution de 1963 ? La Charte d’avril 1964 ? Elles ne peuvent constituer des références suffisantes car les bouleversements survenus depuis juin 1965 ont fait surgir de nouvelles réalités qui n’ont été ni prévues ni régies par ces textes. Le Conseil de la Révolution a été une de ces réalités, ainsi que le pouvoir qu’il a instauré, quelle que soit l’appréciation qu’on peut avoir des conditions dans lesquelles ce Conseil de la Révolution et ce pouvoir ont surgi. Notre Parti en est également une autre, quel que soit ce qu’on peut penser de son activité. Ce nouveau regroupement de militants socialistes dans le PAGS a surgi avec l’éclatement politique et organique du FLN, consécutif à la disparition de son Comité central et de son Bureau politique. Il a surgi avec l’orientation hostile du nouveau FLN aux militants socialistes avancés et aux communistes (accusés par Chérif Belkacem de s’être intégrés au FLN uniquement pour en prendre la direction par …. des voies légales !). Plusieurs institutions ou organisations de masse se sont trouvées elles aussi dans une situation nouvelle depuis le 19 juin;

Tout le monde s’accorde pour dire que cette situation est provisoire. Vous avez probablement votre conception propre de ce que pourraient être les futures institutions centrales du pays. En ce qui nous concerne, nous avons préconisé, au terme d’un processus de détente politique et de démocratisation dans différents domaines, l’élection démocratique d’une nouvelle Assemblée constituante qui redéfinira les institutions du pays sur la base de la souveraineté populaire qui est un fondement des Chartes de Tripoli et d’Alger.

En attendant, en l’absence de textes dont la validité soit indiscutablement reconnue par une approbation suffisante du pays, et pour fonder justement l’Etat algérien sur des bases constitutionnelles qui répondent aux besoins d’une République réellement démocratique et populaire, les progressistes doivent faire des efforts communs pour établir un état de fait qui soit conforme à l’intérêt immédiat de la révolution algérienne en tenant compte des leçons de l’expérience et des résultats de la pratique politique de toutes ces années. Pour cela il est nécessaire de faire preuve de patience et de compréhension mutuelle, de ne pas partir de points de vue préconçus, de ne pas chercher à imposer unilatéralement des solutions qui s’avéreront inapplicables (ne serait-ce que –par exemple- parce que l’appartenance à un parti est impossible sans adhésion consciente).

Quelle est donc la réalité qu’il nous faut voir en face ?

Il existe bien un appareil officiel du FLN, composé de fonctionnaires permanents d’une part, et d’adhérents dont une partie se présente aux réunions sur convocation, d’autre part ; mais il n’y a pas réellement de parti au vrai sens du terme, et il n’y a pas non plus de parti unique. Il existe en fait un grand nombre de partis, structurés ou non, qui représentent chacun des tendances de droite ou de gauche, aussi bien parmi les partisans du pouvoir actuel que parmi ses adversaires. Cela ne nous étonne pas car cela correspond aux décantations sociales qui s’approfondissent inévitablement après l’indépendance.

La différence avec nombre de ces partis qui existent malgré la règle officielle du «parti unique» c’est que le PAGS accomplit son travail et proclame ses objectifs ouvertement, tandis que nombre des autres formations, dont les représentants se déclarent publiquement pour le parti unique, mènent leur activité d’une façon occulte, bien que suivie et organisée, que ce soit dans le FLN, les rouages gouvernementaux, l’administration, l’armée, les organisations de masse, la population, e t c…

Dans ces conditions, il n’est pas réaliste de chercher par la répression à intégrer nos militants dans un cadre artificiellement imposé. De cette façon, on tourne et on tournera le dos à la solution.

La seule voie bénéfique, pour les révolutionnaires, est de commencer par apprécier les organisations existantes d’après le contenu de leur activité. Cette activité va-t-elle ou non dans le sens des objectifs progressistes, proclamés par le parti du FLN lui-même ?

Nous voudrions illustrer cela par un exemple : de quoi s’occupaient nos militants et sympathisants récemment arrêtés ? Ils étudiaient d’une façon organisée les problèmes économiques de notre pays en vue d’établir une plate-forme commune à soumettre à la discussion de tous les progressistes. Cette plate-forme comporte entre autres le soutien et la consolidation d’un grand nombre de mesures prises ou prévues par le pouvoir. Pourquoi nos militants n’avaient-ils pas mené ce travail dans un cadre officiel ? C’est Chérif Belkacem (qui est passé du FLN au Plan et qui est de ce fait doublement «habilité») qui apporte la réponse dans l’interview qu’il a donnée à «El Moudjahid» le 1er août, lorsqu’il dit à quel point la discussion sur le plan triennal est restée étroite et sans répercussions réelles parmi tous ceux qui sont chargés de l’appliquer. On se souvient pourtant quel battage officiel avait été fait autour de ce plan.

Nos camarades, qui se sont heurtés à l’incompréhension de responsables officiels dans le cadre «autorisé», pour qui l’option socialiste n’est qu’une «plaisanterie» ou un thème de propagande, n’ont pas voulu se soumettre à ce constat de carence, aisément prévisible. Notre Parti avait le devoir de créer un cadre de travail répondant à ces tâches. Il a donné à ses militants et sympathisants la possibilité de fournir un travail dont devaient bénéficier tous les secteurs de l’opinion et qui pouvait stimuler favorablement le FLN lui-même.

C’est de cette façon que nous comprenons le rôle et la contribution indépendante de notre parti dans ce contexte politique qui nous est imposé et que nous souhaitons transformer dans l’intérêt de la révolution elle-même. Il n’y a pas chez nous d’hostilité systématique et préconçue contre le FLN en tant qu’instrument ou porte-parole officiel de ce pouvoir. Mais cette qualité devrait justement l’amener à faire preuve d’une attitude de coopération ouverte et dans la clarté avec tous les autres courants progressistes qui, pour des raisons diverses, ne sont pas organisés en son sein. D’autant plus que cet appareil officiel de l’aveu presque unanime, (et pas seulement à notre avis) ne correspond pas à deux caractéristiques qui lui étaient assignées :

• il n’a pas le soutien populaire, qu’il s’agisse des larges masses ou des couches les plus politisées, car les unes et les autres voient en lui surtout un appareil de coercition et de course aux places;

• il ne joue pas le rôle d’animateur, il n’est pas cette avant-garde motrice, dynamique et ouverte dont les travailleurs et la révolution algérienne ont besoin.

C’est pourquoi, sans être indifférents à ce qui se passe dans le FLN, et en encourageant toute évolution positive qui peut se produire en son sein, le PAGS est pour nous aujourd’hui le cadre naturel dans lequel nos militants ont la possibilité de mener un travail constructif de formation, d’éducation, d’impulsion et de mobilisation pour le travail de masse sans être en permanence en butte à la malveillance et aux entraves de ceux qui, dans le FLN, ont comme souci principal d’expulser ou neutraliser tout militant avancé qui les gêne.

Mais cette attitude a une signification encore plus profonde qu’une simple adaptation de nos militants aux circonstances présentes. En tant que militants socialistes, nous ne pouvons laisser vacante cette fonction essentielle de formation et d’organisation par laquelle la classe ouvrière de notre pays, comme celle de tout pays, doit s’éveiller, émerger, se regrouper, se mobiliser par ses propres efforts et à travers sa propre organisation. C’est ainsi que dans tout pays, les travailleurs conscients et tous les militants avancés deviennent et doivent devenir historiquement, sur la base de l’idéologie prolétarienne et socialiste, le noyau moteur et organisé d’une révolution sociale profonde. Ce faisant, ils ne s’opposent pas aux autres couches et forces sociales et politiques progressistes, ils agissent en alliance avec elles dans toutes leurs tâches communes. TELLE EST LA SIGNIFICATION NON PARTISANE DE NOTRE ACTIVITÉ INDÉPENDANTE.

En tant que militants socialistes, nous ne sommes donc pas indifférents à la réalisation de l’union des forces progressistes et de l’unité des plus révolutionnaires d’entre elles. Nous œuvrons à créer les conditions qui la facilitent. Mais il nous faut bien dire qu’un grand nombre de ces conditions ne dépendent pas de nous.

L’obstacle principal réside à notre avis dans le fait que :

• Le FLN n’est pas parvenu après 6 ans d’indépendance à se définir soit comme parti, soit comme front, en voulant être tous les deux à la fois, ce qui est impossible.

• Pour cette raison, il ne parvient pas à faire concorder ses déclarations de principe (parfois elles-mêmes contradictoires) avec sa réalité et ses actes.

C’est ainsi qu’il se déclare parti d’avant-garde mais n’a pas dans les faits de doctrine ou d’activité correspondante.

Dans le même temps, il reproche aux révolutionnaires de ne pas rentrer tous dans ses rangs, alors que, disent certains de ses responsables, le FLN devrait rassembler «tous les Algériens comme au temps de la guerre de libération». Mais, sachant que la situation n’est plus la même que pendant la guerre de libération, rien n’est fait pour créer, définir et favoriser les conditions d’un nouveau rassemblement pour des objectifs correspondant à la nouvelle étape.

Voilà pourquoi aucun effort de restructuration, aucune mesure autoritaire et administrative, ne peut venir à bout de contradictions aussi fondamentales.

Pour ce qui nous concerne, notre préférence, en tant que militants socialistes, va à l’instauration d’un large Front démocratique et populaire (quelle que soit l’appellation de ce Front). Ce Front engloberait toutes les organisations et individus qui acceptent une plate-forme avec des objectifs précis correspondant aux besoins de la nouvelle étape et s’inspirant des Chartes de Tripoli et d’Alger.

Cette plate-forme commune aurait comme contenu essentiel la réalisation des tâches d’intérêt national et révolutionnaire les plus urgentes.

Un tel Front serait la meilleure base de masse pour le soutien des efforts d’un pouvoir progressiste et anti-impérialiste. Son contenu et la rapidité de sa réalisation dépendront des efforts entrepris par tous les progressistes, qu’ils se trouvent à l’extérieur ou à l’intérieur des rouages officiels actuels.

Quant à l’avant-garde socialiste qui peut et doit animer un tel Front, nous ne voyons pour notre part aucun inconvénient à ce qu’elle comprenne dans le moment présent plusieurs noyaux (dont le nôtre) qui peuvent unir leur action, sans pour autant s’imposer une fusion artificielle qui ne correspondrait pas à leurs convictions doctrinales ou aux problèmes objectifs et subjectifs qui les séparent encore. Nous estimons qu’il est possible à tous les noyaux et militants d’avant-garde de trouver sur l’essentiel un terrain commun et une discipline commune en vue de faciliter leur unité d’action et d’effacer progressivement certains de leurs points de friction. Et à la vérité nous ne voyons aucun moyen de faire autrement à partir de la situation présente.

Dans de nombreux pays libérés, comme la Syrie, la RAU, et beaucoup d’autres, où la lutte anti-impérialiste et la révolution sociale progressent, se pose le problème difficile et parfois contradictoire, qui consiste à la fois à établir un front commun de toutes les forces de progrès, et d’assurer l’émergence, le rassemblement, l’indépendance et le rôle dirigeant d’une avant-garde socialiste. Des formes et solutions transitoires différentes sont trouvées empiriquement, correspondant aux particularités de chaque pays, au degré d’avancement de sa révolution, au niveau politique et idéologique atteint dans ce pays et parmi ses milieux dirigeants.

Des expériences nombreuses, et notamment celle de la République Démocratique du VietNam, montrent que la solution est toujours rendue plus facile et plus solide par la convergence de trois facteurs favorables :

• une mobilisation la plus démocratique et la moins autoritaire des masses,

• un rôle effectif toujours plus affirmé de la classe ouvrière, des travailleurs et de leurs organisations,

• une assimilation et une application toujours plus grandes des principes essentiels du socialisme scientifique.

À chaque peuple et à ses militants progressistes de trouver leur voie. Pourquoi une solution originale conforme aux intérêts et aux réalités de la révolution algérienne ne serait-elle pas trouvée dans notre pays sur la voie de la démocratie et du progrès ?

Si nous accordons ainsi du prix au rôle de la démocratie, ce n’est pas pour préconiser une démocratie formelle bourgeoise ou, selon le mot mis à la mode par des anarchistes français, pour le plaisir de «contester». C’est parce que la démocratie n’est pas un luxe qui serait réservé aux pays «développés», mais un puissant levier pour les masses des pays sous-développés qui veulent s’engager dans la voie de la révolution et de l’édification. Elle a d’autant plus sa place en Algérie, où elle doit réaliser le mot d’ordre «pour le peuple et par le peuple», que notre pays a ses propres traditions démocratiques. En 1853, un général français occupant disait à propos de notre peuple que le dernier de ses bergers voulait connaître les affaires de son pays. Que dire alors des capacités de notre peuple aujourd’hui à assumer pleinement cette démocratie comme instrument d’une plus grande libération, à la fois du joug impérialiste et de celui de toute exploitation de l’homme par l’homme ?

Une comparaison significative donne une idée du manque à gagner considérable qui s’instaure dès que l’on néglige, l’on entrave ou l’on sacrifie l’indispensable mobilisation démocratique des masses populaires.

Dans le Viet-Nam, pauvre et saigné par une guerre de libération implacable, il n’existe pas de pont détruit par les bombardements qui ne soit remis en état de servir après quelques heures. Des écoles maternelles pour tous les enfants fonctionnent malgré les dangers et déplacements continuels. Dans notre pays aux ressources financières considérables et en temps de paix, les écoles maternelles sont considérées comme un luxe de pays développé ! tandis que des ponts détruits par les dernières crues d’hiver restent encore interdits à la circulation, des écoles et lycées dont la construction était prévue pour 1966 sont encore sur le papier. Les appels répétés du ministre des Travaux publics à la «mobilisation» ne peuvent que rester sans écho dans le climat actuel.

Il est très difficile dans ces conditions de faire œuvre de progrès. Contrairement à la voie capitaliste où l’économie s’édifie d’une façon spontanée selon les lois du marché et où l’Etat n’intervient que pour coordonner et réprimer, la voie de développement choisie par notre peuple ne peut se réaliser sans la participation pleine et consciente des masses populaires intéressées et des organisations et militants pouvant les animer, l’Etat appliquant de son côté des mesures au service d’une telle orientation démocratique


Quelle que soit la solution future, elle sera le résultat de longs cheminements.

Il n’existe pas de solution-miracle et immédiate.

C’est pour faciliter ces cheminements que nous vous faisons part des propositions et suggestions suivantes :

1) En premier lieu, nous devons nous attacher les uns et les autres à examiner les problèmes de fond et les facteurs objectifs susceptibles de rapprocher nos efforts, en écartant les facteurs subjectifs qui peuvent nuire à ce rapprochement

En ce qui nous concerne, nous poursuivons nos efforts en vue de mettre en échec les pièges et provocations par lesquels la réaction s’efforce de diviser les forces progressistes. Ne poursuivant d’autre ambition que celle de servir les intérêts du pays et des travailleurs, nous continuerons également à soutenir tout effort positif d’où qu’il vienne.

Nous souhaitons que de votre côté soient écartés les préjugés et la méfiance de caractère anticommuniste et dirigée contre l’avant-garde socialiste, dont il ne peut découler que des déboires pour l’ensemble du mouvement progressiste.

Ces efforts mutuels permettraient de consacrer l’essentiel de notre attention à l’examen et à la mise en application des points qui peuvent sans tarder constituer le minimum d’un programme commun à toutes les forces progressistes.

Il existe pour ce programme des bases objectives solides : nous avons un ennemi commun et des intérêts communs. Nous devons donc définir les objectifs communs pour lesquels il est possible d’agir ensemble, d’une façon concertée, alors que cette action est menée jusqu’ici d’une façon dispersée et handicapée par la division et la répression

2) En second lieu nous devons laisser provisoirement de côté tous les points sur lesquels il ne peut y avoir d’accord immédiat et éviter les solutions imposées, chacun gardant ses opinions et son point de vue jusqu’à la création de conditions nouvelles.

Au nombre de ces problèmes, figurent les problèmes idéologiques tels que ceux liés au rôle de la classe ouvrière, à la question du parti unique, ou des problèmes politiques tels que la signification du 19 juin, l’appréciation des pouvoirs qui l’ont précédé et suivi, e t c…

3) Il ne s’agit pas pour autant de garder des positions «figées». Nous pouvons et devons au contraire engager des efforts mutuels pour résoudre les questions ou les litiges parvenus à maturité, qui pourraient être résolus sur la base de conclusions communes tirées de l’expérience et des besoins de l’actualité.

Au nombre des questions sur lesquelles nous estimons que les points de vue se sont rapprochés à un degré tel qu’il est souhaitable de s’acheminer vers des solutions concrètes, nous comptons :

• l’unité d’action de toutes les forces progressistes qu’il est important et possible d’organiser sous diverses formes, en structurant si possible cette unité d’action dans certains domaines par des fronts ou comités de masse ayant des objectifs précis.

• la démocratisation la plus poussée possible de la vie politique et sociale du pays, comme meilleur facteur de mobilisation des masses populaires et des forces progressistes.

Cela peut et doit se réaliser dans l’immédiat à différents niveaux :

➢ dans les organisations de masse, les comités de gestions, les entreprises nationales, les communes, la presse écrite et parlée, e t c …

➢ par la libération de tous les détenus politiques, ce qui implique non seulement la mesure humanitaire, qui n’a que trop tardé, le retour des emprisonnés, des personnes en exil et de toutes les personnes recherchées, à leur domicile et à leur travail, mais aussi la possibilité pour chacun d’exercer ses droits de citoyen et de militant progressiste dans les formes les plus adéquates. Dans ce domaine, et quel que soit ce qu’on peut penser globalement du pouvoir qui a précédé le 19 juin, nous estimons que la libération de Ben Bella serait un acte de détente qui serait apprécié dans les masses et désamorcerait la tournure négative prise par la crise ouverte le 19 juin.

➢ le recours aux confrontations constructives toutes les fois que ce sera possible et souhaitable, toujours préférable aux interdits ou aux polémiques destructives.

En faisant toutes ces propositions, nous sommes conscients qu’il n’est pas possible de parvenir à un accord immédiat sur tous les points que les uns et les autres souhaitent évidemment voir régler dans le sens de leur propre point de vue.

Mais ne vaut-il pas mieux réaliser un pas en avant, même partiel, que laisser le champ libre à la réaction et à l’impérialisme ?

C’est dans cet esprit que, conscients de notre responsabilité, nous souhaitons que s’amorce de façon plus concrète l’effort de rapprochement entre forces progressistes, que nous avons cessé de préconiser et qui pourrait servir d’exemple et de base à des rapprochements plus larges encore que nous souhaitons avec l’ensemble des patriotes et anti-impérialistes aujourd’hui dispersés.

Nous estimons en effet qu’il existe, en dehors des nationalistes anti-impérialistes ou progressistes qui se trouvent au pouvoir ou sont associés à lui, en dehors aussi des progressistes qui se réclament comme nous de la démocratie et du socialisme scientifique, un grand nombre de patriotes, de démocrates et de progressistes, organisés ou non, dans l’opposition ou ne menant aucune activité politique, qui ne se prononcent pas tous forcément pour le socialisme, mais qui sont parfaitement capables de faire œuvre progressiste et anti-impérialiste, si les conditions dans le pays étaient autres que celles qui y règnent. Un grand nombre d’entre eux sont des alliés et des artisans possibles de la révolution, et ils ne doivent pas être traités en ennemis, au risque de faire le jeu de l’impérialisme, qui souhaiterait les transformer en masse de manœuvre de la réaction et de la contre-révolution

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons que de votre côté, soient créées les conditions favorables à l’instauration d’un dialogue qui ne pourra être que bénéfique au pays et à sa révolution.

Nous sommes attentifs de ce point de vue à tout geste qui viendrait confirmer votre volonté d’œuvrer dans ce sens progressiste qui est la voie du bon sens et de l’intérêt national :

arrêt de la répression anti-progressiste,

libération des détenus parmi lesquels Zahouane, Hadj Ali, Harbi et tous leurs compagnons,

retour des personnes recherchées à leurs domiciles.

Nous sommes à tout moment disposés, si cette volonté se confirmait de votre part, à mandater – notamment parmi les personnes anciennement emprisonnées – une délégation susceptible d’entamer un dialogue sur les questions ci-dessus désignées ou toute autre.

Certaines garanties de sécurité concernant les personnes intéressées pourraient également, dans des conditions appropriées, et sous réserve d’étude, assurer au dialogue une représentativité encore plus grande.


Nous espérons que vous apprécierez comme il convient l’esprit de la présente lettre. Elle est inspirée par des positions de principe et non par d’étroites préoccupations de «marchandage», qui marquent malheureusement parfois les mœurs politiques de notre pays et que, pour notre part, nous rejetons. Si nous posons notamment le problème de nos camarades emprisonnés, et celui de la répression injustifiée qui frappe nos militants, c’est que ce problème est un aspect important de la situation dans notre pays, et de sa solution dépend la façon dont l’Algérie progressiste surmontera les difficultés inévitables qu’elle doit affronter.

Tous les militants et responsables qui ont été contraints de prendre le chemin difficile des prisons ou de l’activité clandestine, ont lutté non pour des postes, des faveurs ou des hautes situations, mais par attachement sincère à leurs convictions, par dévouement envers la cause des travailleurs, et avec foi dans l’avenir de leur pays et de sa révolution. Leur liberté individuelle ne peut qu’être liée à l’intérêt national et à la solution satisfaisante des problèmes politiques sur lesquels repose la poursuite de la révolution dont ils sont des artisans et des défenseurs ardents.

En vous exposant dans cette lettre nos conceptions, nous demeurons fidèles à notre ligne constante telle qu’elle a été exprimée voici 3 ans en janvier 1966. Il est clair que nos conceptions mutuelles demeurent divergentes et parfois opposées sur divers problèmes. Néanmoins, comme nous le rappelons au début de cette lettre, les luttes politiques et sociales, les besoins de notre pays à cette étape de son développement ont créé ou accentué des décantations qui permettent d’envisager une solution durable, démocratique et constructive à cette crise politique que traverse notre pays. Nous estimons en effet que:

1°) ce serait une faute très grave de sous-estimer le danger impérialiste. Dans ces conditions, il n’est de l’intérêt d’aucun patriote et révolutionnaire de transformer les contradictions réelles existantes en antagonismes préjudiciables à l’unité dans la lutte anti-impérialiste, dont dépend tout le sort de l’Algérie.

2°) il est possible d’arriver à une solution à partir des données de la situation actuelle, aussi regrettable que cette dernière paraisse aux uns et aux autres. A condition, selon nous, que les actes et les objectifs immédiats proposés se traduisent non par des reculs favorables à la réaction, mais par une évolution constante vers la démocratisation, vers des améliorations progressistes continues, qui, en libérant les énergies, les luttes et la vigilance populaires, créeront des conditions favorables aux profonds changements ultérieurs souhaités

Chaque fois que la situation paraît mûre pour une discussion fructueuse menée dans cet esprit en vue de l’unité d’action entre forces progressistes et anti-impérialistes, nous en sommes les premiers heureux et faisons tout pour qu’elle débouche sur un succès. Sinon, nous poursuivons patiemment notre lutte et notre activité unitaire contre la réaction et l’impérialisme, en nous appuyant sur les masses, afin de faire mûrir un jour ou l’autre de telles conditions favorables.

C’est donc dans cet esprit que nous poursuivons nos efforts car nous ne sommes attachés à aucune lutte de clan, nous avons conscience de mener une lutte de longue haleine en vue de la transformation radicale des rapports de production dans notre pays, idéal qui, inévitablement, rassemble et rassemblera dans une lutte unie les révolutionnaires et anti-impérialistes les plus conséquents.

En espérant que cette lettre dont nous nous excusons de la longueur aura contribué à éclairer à la fois certains aspects de nos divergences et les domaines dans lesquels nos points de vue peuvent se rejoindre, ce qui ne peut qu’être mutuellement bénéfique, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments patriotiques et révolutionnaires.

POUR LE PARTI DE L’AVANT -GARDE SOCIALISTE

Direction nationale

1949: VIVE L’ALGÉRIE

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Le document « L’Algérie libre vivra », rédigé lors du premier semestre 1948, est présenté ici dans sa version intégrale.

Il clôture pour cette année, soixantième anniversaire de la crise du PPA-MTLD » de 1949, la série de publications qui ont évoqué cet événement sensible et prémonitoire de nombreux épisodes ultérieurs du mouvement national algérien.

Le contexte et les péripéties de la publication de cet ouvrage ont été évoqués dans les textes précédemment mis en ligne.

L’événement est loin d’avoir épuisé tous ses enseignements, principalement l’importance des libertés et du débat démocratiques pour la cohésion nationale.

Aussi le site continuera à accueillir tous les documents, témoignages et commentaires qui pourront contribuer à la vérité historique et à donner du poids aux aspirations d’un peuple assoiffé de liberté, de paix et de justice sociale.

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« Il faut être fermement convaincus que pour remporter la victoire, nous devons éveiller le Peuple et nous unir dans une lutte commune avec les Peuples du monde qui nous considèrent comme une Nation égale en droits ».

Aux victimes du colonialisme

Aux martyrs de la Cause Algérienne

Aux combattants de la Libération

Idir. El Watani: (Mabrouk Belhocine, Yahia Henine et Sadek Hadjerès

P R É A M B U L E

La caractéristique essentielle du monde actuel c’est incontestablement cet idéal de liberté et de démocratie vers quoi tendent tous les peuples de la terre, à la recherche de la fin de leurs souffrances, d’une vie toujours meilleure, en un mot : de leur bonheur.

Et à cet idéal y aspirent, plus que tous les autres, ces divers peuples qui, un peu partout sur le globe, courbés sous un joug infâme, portent le nom de «peuples colonisés».

Conséquences des appétits insatiables et de l’esprit d’expansion et d’exploitation de certaines nations, réalisation de la force brutale, une domination des plus implacables pèse en effet sur des peuples dont le droit à une existence paisible et libre n’a pu résister à la puissance envahissante d’oppression et d’annexion.

Malgré l’évolution du monde, malgré deux guerres meurtrières menées au nom de la liberté contre l’oppression, cette doctrine du mépris de l’être humain, de l’exploitation de l’homme par l’homme, du droit du plus fort, maintient encore sa barbare emprise sur ces peuples qu’elle a privés de leur liberté et de leur développement.

Mais la volonté de ceux-ci, depuis longtemps affirmée, ne cesse de s’accroître de jour en jour et de se concrétiser : ces peuples veulent briser les chaînes qui les étouffent et recouvrer leur indépendance.

Dans le cadre de cette lutte nationale libératrice, qui dresse les exploités contre les exploiteurs, les asservis contre les occupants, s’inscrit celle, admirable, du Peuple Algérien.

Envahie en 1830, l’Algérie qui, après une farouche résistance militaire, a vu son territoire occupé par un ennemi numériquement et techniquement supérieur, n’a jamais accepté sa défaite et les exemples sont nombreux de ses tentatives de libération par les armes du joug qui s’est appesanti sur elle.

Le Peuple algérien a songé ensuite à panser ses blessures, à réparer ses forces et à utiliser contre le colonialisme toutes les formes possibles de lutte. Ce fut d’abord la résistance aux multiples tentatives de dépersonnalisation et d’assimilation. Plus activement, un Mouvement National, reflétant les aspirations les plus profondes du peuple s’est attaché depuis des années à faire revivre et à consolider le sentiment national.

Il apparaît nettement aujourd’hui que tous les Algériens ont pris conscience de leur nationalité et se préparent maintenant à détruire un système qui a arrêté et empêche l’évolution normale de la Nation algérienne. C’est donc dans une phase de réalisation qu’est engagé le Peuple algérien tout entier. Et dans cette tâche grandiose, mais rude, il nous faut tenir compte des leçons du passé et de l’expérience des luttes d’autres peuples opprimés, définir clairement nos objectifs, poser les fondements de notre action et rechercher les meilleurs principes et moyens propres à réaliser nos aspirations.

Il nous faut les rechercher avec un esprit lucide, positif, rationnel, car aujourd’hui la politique n’est pas affaire de sentiment, mais une science que nous devons étudier et appliquer.

Que voulons-nous ?

BUTS DE NOTRE ACTION

Pour mettre fin à toutes nos souffrances issues du régime colonial, nous voulons notre libération, une Libération Totale. C’est-à-dire que cette libération doit être une libération politique, sociale et culturelle.

Libération « p o l i t i q u e » d’ abord, c’est-à-dire indépendance nationale, car l’oppression colonialiste s’exerce sur un peuple dont elle a usurpé la souveraineté. Il faut avant tout rendre ce peuple maître de ses destinées. Le Peuple Algérien, souverain, pourra alors se donner un Etat démocratique, seul capable d’assurer le respect des libertés individuelles et de guider la Nation algérienne dans la voie du Progrès et de la Prospérité.

Libération « s o c i a l e » ensuite, car l’indépendance nationale doit signifier aussi bonheur des Algériens et, dans le cadre de notre Nation, disparition de l’exploitation de l’homme par l’homme, disparition de la misère, établissement d’un système économique et social permettant à chacun de vivre dans la dignité et le bien être.

Libération « c u l t u r e l l e » enfin, c’est-à-dire possibilité pour le Peuple Algérien, d’une part de jouir de tous les trésors que la science et l’art des hommes ont accumulés, et d’autre part, de participer activement à la progression de cet art et de cette science, progression à laquelle il apportera le cachet de son originalité et de ses qualités propres.

Mais n’oublions pas de souligner que si les libérations sociales et culturelles sont des buts impérieux, elles sont cependant conditionnées par une libération politique préalable, à laquelle elles donnent alors sa véritable signification.


PREMIÈRE PARTIE

FONDEMENTS DE NOTRE ACTION

Notre action trouve tout naturellement sa base dans l’antagonisme irréductible entre la Nation Algérienne et le colonialisme français.

I – NATION ALGÉRIENNE

A) QU’EST-CE QU’UNE NATION ?

Pour trouver une définition générale de la Nation, il faut analyser les exemples concrets que constitue la venue au monde de très nombreuses nations au cours de ce siècle et demi d’histoire moderne.

Il ne faut pas perdre de vue en effet que le concept de nation moderne est un concept tout à fait récent puisqu’on peut dire que l’ ère nationale avec toute la signification qui s’ y attache aujourd’hui, s’est ouverte depuis quelque cent cinquante à deux cents ans.

Cette forme d’organisation prend naissance à un moment précis de l’histoire humaine : l’apparition du machinisme et l’éclosion de la civilisation scientifique, qui caractérise notre époque.

Il est donc nécessaire de situer dans le temps ce phénomène que constituent les aspirations nationales, faute de quoi on risque de confondre la nation avec des conceptions plus ou moins périmées et de tomber ainsi dans un anachronisme trompeur et dangereux. On risque encore de confondre la nation avec l’Etat. En effet, l’existence d’un Etat n’implique pas nécessairement celle d’une Nation et inversement. Il peut y avoir des nations non organisées en Etats, du fait par exemple de leur sujétion à une autre nation.

Qu’est-ce donc que la Nation ?

C’est avant tout une communauté d’individus constituée par les événements historiques.
C’est de plus une communauté stable, premier caractère qui la distingue des communautés accidentelles et éphémères comme par exemples les empires constitués sous l’égide d’un prince ou d’un régime conquérant, empires prêts à se disloquer à la première occasion : ainsi on ne peut confondre l’empire français, qui est déjà disloqué en partie et se disloquera totalement, avec la Nation française, qui elle persistera, du moins dans la mesure où les conditions mondiales permettront encore l’existence de Nations.

Mais quelles sont les conditions de développement d’une Nation, conditions qui en font une communauté stable et non accidentelle ? Pour cela, il faut dégager des faits certaines idées générales que le bon sens permet à tout le monde d’admettre.

  • La nation suppose-t-elle une communauté raciale ?

Non parce que, d’une part l’existence d’une race pure est scientifiquement impossible et que par conséquent on ne saurait rien justifier par elle, aussi bien l’existence d’une Nation que toute autre chose. Tous ceux qui ont soutenu des théories raciales ne l’on fait que pour justifier leur action après coup, sans croire à la rigueur scientifique de leur thèse, ou bien étaient aveuglés par un chauvinisme démesuré ; d’autre part parce que les faits montrent que parmi toutes les Nations existantes, il n’ y en a pas une qui ne compte des groupes ethniques différents et pourtant, toutes sont viables et ne s’ en portent pas plus mal.

Cependant, bien des gens font encore innocemment la faute de dire que la Nation est basée sur la race. Cela provient uniquement de la confusion dans laquelle baignent pour eux les mots « race, peuple, nation, langue, civilisation », etc.

  • La Nation suppose-t-elle davantage une communauté religieuse ?

Les faits viennent évidemment nous montrer qu’il n’en est rien. L’existence de plusieurs religions dans un pays n’empêche pas du tout celui-ci de se développer en Nation s’ il en a les facteurs suffisants, et par ailleurs la communauté religieuse entre divers pays n’ empêche pas ceux-ci de se développer en Nations fort différentes.

La religion donc, par elle-même, est différente à la constitution ou non d’une constitution d’une Nation.

Comment donc expliquer qu’on ait pu la mettre en avant à propos de telle ou telle Nation? Ainsi, le fait que l’oppression de l’Angleterre protestante sur l’Irlande catholique ait atteint également la liberté du culte, n’a pas manqué de susciter une réaction catholique dans ce pays jusqu’à en faire un des facteurs idéologiques de libération nationale.

Mais c’est là un fait inhérent à l’oppression, c’est la traduction idéologique, à la faveur de certaines circonstances d’un état de fait qui tend à s’exprimer par une justification religieuse. Que ces circonstances passagères viennent à disparaître, le vernis idéologique tombe et laisse place aux causes véritables des aspirations profondes à une vie nationale.

  • La Nation suppose-t-elle enfin une communauté de langue ?

On serait également tenté de le croire à première vue. Mais comme pour les races et les religions, les faits nous montrent que l’existence d’une langue commune (Etats-Unis et Angleterre) n’empêche pas le développement en deux Nations différentes, et que par contre, une Nation peut bien se développer alors que les habitants qui la constituent parlent des langues différentes, comme c’est le cas pour les Belges (deux langues), les Suisses (trois langues), les Tchécoslovaques, les Yougoslaves, etc.., toutes Nations qui ont fait preuve ou font preuve d’une cohésion remarquable.

D’ailleurs, le fait de baser l’existence d’une nation sur la communauté de langue a pu amener des prétentions telles que les prétentions pan-germaniques à voir le jour, proclamant que « la Nation Allemande se trouve partout où se parle l’Allemand ». En étendant ce raisonnement nous ferions vite de transformer les Etats-Unis en Nation britannique, les Nations d’Amérique du Sud en Nations espagnoles, etc.

Dans une Nation les circonstances historiques peuvent donc faire qu’on y parle soit une, soit plusieurs langues, les relations entre hommes y étant d’ailleurs fort harmonieuses. Rien d’étonnant à cela car la langue est le véhicule des pensées et l’essentiel est que l’échange des pensées se fasse par le canal d’une seule ou plusieurs langues, l’harmonie résidant non pas dans un certain nombre de langues, mais dans l’harmonie des pensées. Ceci est encore vrai lorsqu’il s’agit d’un pays où les individus s’interpénètrent et sont amenés à comprendre leurs langues mutuelles.

Il est donc faux de poser la langue comme un indice sine qua non. Non pas que ce facteur, quand il existe, ne vienne pas renforcer ce tout qu’on appelle Nation, mais cela n’arrive pas toujours et cependant ces Nations gardent une cohésion remarquable, ce facteur linguistique étant chez elles non plus un facteur de division, mais un facteur de diversité et d’enrichissement du patrimoine national.

De plus, il nous faut remarquer qu’il n’existe pas d’indice distinctif unique de la Nation, mais une somme d’indices parmi lesquels, quand on compare les nations, se détache avec plus de relief, tantôt un indice, tantôt un autre. La Nation est une combinaison de tous les indices pris ensemble. Le peu d’importance que peut prendre parfois l’un d’eux est compensé par la force des autres.

Donc, la Nation ne suppose obligatoirement ni communauté de race, ni de religion, ni de langue. Si cette constatation semble nous dérouter au premier abord c’est que nous avons pris l’habitude de nous attacher à tel aspect ou tel autre chez telle ou telle Nation seulement, alors qu’il faut nous préoccuper des éléments absolument, valables pour toutes les Nations et dont l’absence de l’un seulement rendrait la Nation non viable.

Or, ces éléments existent ; ce sont :

1° le territoire ;

2° l’économie ;

3° le caractère national qui se traduit dans le mode de vie, la mentalité et la culture ;

4° le culte d’un même passé et le souci d’un même avenir.

1. Le territoire.

En effet les relations durables et régulières qui ont pour aboutissement la formation d’une Nation sont impossibles sans un territoire commun. La meilleure preuve de la nécessité absolue d’un indice aussi évident et aussi constant nous est fournie par un fait de l’histoire contemporaine : les revendications des Juifs du monde entier ne sont restées que chimères et utopies tant qu’elles ne s’accrochèrent pas à leur support concret, c’est-à-dire, en l’occurrence par la Palestine.

2. L’économie.

Mais les diverses parties du territoire doivent être liées par une économie commune. Elles doivent fournir aux manifestations de la vie économique des conditions d’échanges et une communauté d’intérêts tels que la grande collectivité ait suffisamment de cohésion pour résister aux causes de dissociation possibles. Le lien économique est en effet très puissant : c’est un facteur qui, bien que souvent inapparent pour beaucoup, n’en est pas moins primordial, car c’est sous son empire que les hommes évoluent dans leur vie quotidienne.

Ceci vient d’ailleurs éclairer le fait déjà constaté, à savoir l’apparition d’un très grand nombre de nations dans le courant du siècle dernier sous l’influence des conditions économiques nouvelles qui sont venues permettre l’éclosion de tous les facteurs latents dans chaque collectivité et donner à des gens qui auparavant se sentaient beaucoup plus éloignés le sentiment de leur unité.

3. Le caractère national.

Une plus ou moins longue vie en commun facilitée par des conditions économiques adéquates finit par donner à l’âme des habitants du pays un caractère particulier. Les événements historiques d’ une part et les caractéristiques géographiques d’autre part (situation, sol, climat, ressources, peuplement, etc..) modèlent en effet la société d’un pays de façon à la rendre complètement distincte de celle d’autres pays, même s’ il y a entre ces pays des points communs à leur origine ou au cours de leur évolution. Ainsi l’Angleterre et les Etats-Unis constituent des Nations bien différentes.

C’est ce facteur qu’on appelle communément le «caractère national». Il s’extériorise par mille détails et en particulier par le mode de vie, la mentalité (traditions, manière de penser, tournure d’esprit, etc..), la culture avec toutes ses manifestations (architecture, folklore, etc.). Sur ce caractère national, il convient de souligner certains facteurs qui y contribuent puissamment :

  • le facteur religieux qui modèle l’âme des habitants ;
  • le facteur linguistique se manifestant par un grand attachement à la langue maternelle ;
  • le facteur peuplement surtout quand ce peuplement remonte assez loin dans l’histoire.

4. Culte d’un même passé et souci d’un même avenir.

Cette dernière caractéristique est extrêmement importante car c’est sous son impulsion directe et celle des aspirations qu’elle crée que les hommes agissent et posent des revendications nationales.

Leur passé, les habitants le connaissent soit par les légendes transmises, soit par les travaux d’historiens utilisant les méthodes d’investigation modernes. Ce passé permet à ces habitants de prendre conscience d’eux-mêmes.

Mais combien plus important est encore le souci d’un même avenir. La Nation, qui est dynamique et non statique, est le résultat d’un pacte tacite qui demande chaque jour à être renouvelé. On peut dire que les aspirations des habitants à une vie commune avec des institutions communes constituent la clef de voûte de l’édifice national. On a en effet souvent insisté sur le culte du passé, mais pour oublier peut-être, comme l’a si bien fait remarquer un penseur, que : «nous n’avons aucune obligation de faire ce que nos pères ont fait ; ils nous ont laissé autant de fautes à réparer que d’exemples à suivre. Rêver des temps nouveaux est plus patriotique qu’une fidélité superstitieuse au culte de ce qui n’est plus».

C’est donc par une même orientation des volontés au cours des événements heureux comme des événements malheureux qu’est définitivement scellée l’unité nationale.

Nous pouvons maintenant, nantis de toute cette connaissance des bases générales indispensables d’une Nation, affirmer que :

B) L’ALGÉRIE EST UNE NATION

Il faut cependant ajouter auparavant qu’il faut aborder cette partie avec un esprit d’objectivité, d’adaptation aux réalités modernes, avec l’esprit de synthèse que nous imposent les constatations théoriques précédentes. Cela implique également un esprit libéral qui doit faire le choix entre deux conceptions de la Nation qui se sont opposées depuis Mazzini et Bismarck, l’une étroite, rigide, faisant fi de bon nombre des aspirations des éléments qui composent la Nation, l’autre au contraire, large et féconde, essayant de les englober et de les épanouir en les réalisant toutes.

Du point de vue territorial et économique, les faits sont tellement évidents qu’ils n’appellent pas la démonstration. Notre économie, bien que paralysée par le colonialisme, forme déjà un tout qui ne fera que grandir considérablement par la destruction du régime colonial, en particulier dans les secteurs que celui-ci étouffe.

CARACTÈRE NATIONAL

Une longue vie commune, depuis des millénaires, n’a pas manqué de marquer les Algériens d’une empreinte profonde.

Notre Peuple, issu dans sa quasi-totalité de la vieille souche ethnique Nord-Africaine, porte en lui le résultat d’une longue évolution séculaire et toutes les manifestations de la vie expriment aujourd’hui le génie propre de notre Nation.

Le mode de vie porte la trace de cette évolution. Faut-il citer le burnous, le port du burnous qu’on retrouve déjà chez nos ancêtres nord-africains il y a deux ou trois mille ans; le couscous qui, également, depuis des millénaires n’a cessé d’être notre plat national ; la forme carrée de nos minarets qu’on ne retrouve nulle par ailleurs.

La mentalité également, malgré ses variantes régionales, se retrouve d’un point à l’autre de notre territoire avec ses points communs qui font qu’on se trouve tout de suite en communion de pensée avec ses compatriotes, instinctivement pourrait-on dire. Il n’ y a qu’à observer les réactions spontanées de notre peuple et ses expressions courantes pour s’en rendre compte.

La culture nous offre également, avec l’image de tableaux changeants suivant les régions un véritable fonds culturel algérien. La diversité, loin de nuire, est ici, comme dans tous les pays, complémentaire et une source de richesse ; et ceci est vrai chez nous, aussi bien pour la musique que pour toutes les manifestations de la vie folklorique où il faut aller chercher l’âme profonde d’un peuple. L’Algérien est sensible aussi bien aux chœurs pleins de la vie de la Kabylie qu’à la flûte du Sud ou à la mandoline du Tell.

La religion n’est pas un des moindres facteurs qui ont contribué à forger notre caractère national. L’Algérien est toujours imprégné de l’esprit de dignité, de justice, de simplicité et aussi de courage moral qui caractérise l’âme musulmane, alliant ainsi ces qualités aux belles qualités qu’il hérite de ses ancêtres : honneur, bravoure, amour de la liberté, de la droiture, de la justice, de la démocratie. C’est en grande partie, d’ailleurs grâce au sentiment religieux, que les Algériens ont commencé par avoir conscience de leur unité bien avant de se hausser au véritable sentiment patriotique.

Le facteur linguistique a aussi contribué énormément à forger notre caractère national, qu’il s’agisse des langues parlées, qu’il s’agisse de la langue classique. C’est pourquoi, comme dans tous les pays, le réveil du sentiment national s’est accompagné d’un renouveau linguistique ;

L’Algérien, arabophone ou berbérophone, parle aujourd’hui sa langue maternelle avec fierté et éprouve moins le désir de s’exprimer autrement, en français par exemple. Il cherche au contraire à étudier la langue arabe classique pour connaître l’Islam et la culture islamique à laquelle les nôtres ont largement contribué.

De plus, comme cela se passe dans nombre de pays opprimés qui s’éveillent et
veulent se libérer, on assiste à un véritable renouveau des langues populaires : arabe parlé (berbya) et kabyle sont constamment utilisées pour des activités nouvelles : chansons artistiques et patriotiques, théâtre, discours, toutes ces utilisations nouvelles ouvrent le chemin d’une riche culture populaire, exprimant l’originalité profonde de notre peuple et favorisant l’épanouissement de sa pensée et de sa sensibilité.

L’existence en Algérie de deux langues parlées n’empêche pas du tout la compréhension mutuelle des éléments qui les parlent et cela n’est pas pour nous étonner après les constatations faites précédemment. D’autant plus que les conditions économiques amènent une interprétation : le berbérophone (kabyle, mozabite ou chaouia) qui vient travailler et vivre en régions arabophones, de même que l’arabophone qui vent vendre son blé ou son orge en Kabylie, s’accommodent fort bien et très vite du langage de leurs compatriotes de ces régions.

Nous avons parlé ici du caractère national sans tenir compte de l’existence en Algérie d’une minorité d’un million d’Européens. C’est qu’il s’agit là d’un peuplement dû au régime colonial, qui maintient volontairement cette minorité en dehors et au-dessus du peuple algérien. Seule la suppression du régime colonial pourra amener la solution de ce problème et l’intégration libre de cette minorité dans la Nation Algérienne.

CULTE DU PASSÉ – SOUCI D’UN MÊME AVENIR

Nul n’ignore maintenant le renouveau dont jouit notre histoire nationale, éloignée ou récente. Que ce soit les pages glorieuses antérieures à l’Islam, que ce soit l’époque de civilisation islamique que notre peuple a su marquer de sa personnalité, tout revient maintenant à la mémoire des Algériens qui sont fiers de savoir qu’ils ont joué leur rôle dans l’histoire. Notre jeunesse, par ses chants, en célèbre les héros : Youghourta, Massinissa, la Kahina, Tariq, Ibn-Khaldoun, Abdelkader. Nos intellectuels authentiques fouillent le passé. Nos étudiants à l’issue de leurs études médicales, consacrent leurs thèses à l’étude de ce que fut chez nous la médecine dans le passé. D’autres étudient Ibn-Khaldoun en mettant en lumière son rôle de précurseur du rationalisme moderne. Toutes ces manifestations montrent toute l’attention que portent actuellement les Algériens à leur passé.

Ce culte n’a d’équivalent que le souci du même avenir qui guide tous les Algériens sans exception. Dressés dans leur ensemble dans une lutte sans merci contre l’impérialisme français et décidés à mener à bien en commun leur libération nationale, sociale et culturelle, dans le cadre de l’ indépendance de leurs pays, ils ont la ferme volonté d’édifier un Etat Algérien UN et INDIVISIBLE où chacun aura sa place au soleil. Aucun des éléments de notre Nation Algérienne, malgré leur diversité apparente, ne tient à vivre séparé des autres. Tous ont une même vision radieuse d’un avenir où champs, usines et chantiers bruiront d’activité, et bien qu’on dise que notre peuple se complaît trop aux images parfois rétrogrades de son passé, il a un esprit fermement tourné vers l’avenir, car qui n’a fait cette constatation banale de voir que pour l’homme du peuple le mot liberté évoque immédiatement avions, bateaux, recherches scientifiques et autres attributs de la civilisation et du progrès humain.

Nous pouvons donc affirmer, sans crainte de nous tromper, que la Nation Algérienne existe, que les facteurs de sa cohésion sont suffisamment solides pour affronter toutes causes de dissociation et qu’ils iront s’affermissant sans cesse au fur et à mesure du développement de la lutte anti-impérialiste.

II. – LE FAIT COLONIAL

Si l’Algérie réunit les différents constitutifs de la Nation, elle reste cependant dominée, arrêtée dans son évolution, empêchée de s’organiser en Etat, par une force exécrable : le colonialisme français.

A) A L’ORIGINE DU COLONIALISME FRANCAIS
SE TROUVE LA LÂCHE AGRESSION DE 1830

Le 14 juin 1830, des forces françaises considérables ont débarqué sur le territoire, par surprise, sans déclaration de guerre, pour occuper notre pays et dominer notre peuple. Cette lâche agression dénotait bien les visées impérialistes de la France qui depuis longtemps déjà convoitait nos richesses. L’agression était d’autant plus lâche que l’ Etat Algérien venait d’aider la France, quelques années auparavant ; en effet c’était le blé algérien qui avait sauvé les Français de la famine sous la Révolution et l’Empire.

Cette invasion du territoire algérien par un Etat étranger était non seulement une atteinte à la souveraineté algérienne, mais aussi une violation flagrante du droit des gens et de la morale universelle.

Après la capitulation d’Alger et le départ du Dey Hussein, le Peuple algérien, loin de se soumettre, s’est dressé unanime contre l’envahisseur. Si les dirigeants se sont effondrés en quelques jours, le Peuple algérien n’a jamais cessé de combattre l’agresseur.

Animés d’un esprit d’agression impérialiste, les Français ont organisé une guerre totale contre la Nation Algérienne. Des troupes considérables, armées jusqu’ aux dents, ont été lancées contre notre peuple pacifique, et les envahisseurs n’ont reculé devant aucun procédé barbare pour vaincre la résistance des Algériens. Massacres de populations désarmées, destruction des villes et des maisons, incendie des récoltes, coupe des arbres fruitiers, razzia des troupeaux. Pendant un demi-siècle, les hordes impérialistes ont mené contre notre peuple une guerre aussi meurtrière qu’injuste.

Vaincue et occupée, l’Algérie va subir la domination implacable du colonialisme français et les Algériens sont réduits à l’antique servage.

B) LA DOMINATION COLONIALISTE S’EXERCE SOUS DIFFÉRENTES FORMES:

  • DÉPERSONNALISATION DE L’ALGÉRIE;
  • EXPLOITATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE;
  • OPPRESSION POLITIQUE ET CULTURELLE.

Premier point : Tentatives de dépersonnalisation

Pour mieux dominer et exploiter l’Algérie, le colonialisme a voulu l’affaiblir et lui enlever sa personnalité, son caractère national. Il a voulu vider l’ Algérie de son âme, de sa substance pour en faire sa chose, son bien, dont il pourrait disposer à son gré.

  • Du point de vue juridique,

l’impérialisme français a nié la souveraineté algérienne, qui était jusque-là reconnue par tous les Etats, y compris la France, et prétend lui substituer la souveraineté française. La nationalité et la citoyenneté algériennes sont méconnues et suivant la politique dite «d’assimilation», nationalité et citoyenneté françaises sont -du moins en théorie- imposées de force aux Algériens que l’on s’amuse à qualifier «d’indigènes», de «français-musulmans», de tout, sauf d’Algériens !

L’Algérie est considérée comme un territoire français malgré les réalités les plus criantes, malgré la géographie et l’histoire, malgré les huit cents kilomètres de mer qui nous séparent de la France. Ainsi on parle de «province française», de «prolongement», de «département français» et dans l’impossibilité de soutenir cette prétention, on parle de «département d’outre-mer».

  • En fait, le colonialisme français a voulu détruire la Nation algérienne

si vigoureuse, dont parlait Bugeaud, par l’extermination des Algériens et l’immigration européenne.

Dans l’exposé du motif de projet de loi du 24 février 1833, le général Bernard, Ministre de la Guerre, déclarait :

«Il faut se résigner à refouler au loin, à exterminer même la population indigène. Le ravage, l’incendie, la ruine de l’agriculture sont peut-être les seuls moyens d’établir solidement notre domination».

En fait, cette politique a été appliquée à la lettre et pendant les cinquante années de guerre, plus de deux millions d’Algériens ont été tués. D’autres, plus nombreux encore, ont été chassés de leurs maisons, de leurs terres, et refoulés vers les hauts-plateaux et les montagnes pour laisser place dans les plaines fertiles aux envahisseurs. Pour supplanter le Peuple Algérien dans son propre pays, pour le dominer numériquement, l’impérialisme français a encouragé l’immigration européenne et constitué un réseau stratégique de peuplement français. L’Algérie est devenue l’ Eldorado de tous les Français et Européens en détresse, qui ont vu dans notre pays une source de richesse facile ; après les troupes d’invasion une autre armée d’aventuriers sans scrupules s’est jetée sur notre belle Patrie pour l’exploiter.

Deuxième point : La domination économique

  • L’économie algérienne

qui sans être de type moderne (industriel) était relativement riche et suffisante pour la subsistance du Peuple Algérien, a été détruite et remplacée par une économie de type colonial, c’est-à-dire accessoire à l’économie impérialiste française. Notre pays est considéré comme une source de matières premières et un marché de débouchés pour l’industrie et le commerce de la France, d’où l’orientation de l’économie algérienne vers l’agriculture et les industries extractives et l’absence de toute industrie de transformation.

L’union douanière avec la France et le monopole du pavillon dont elle dispose, achèvent de rendre l’économie algérienne simple accessoire et tributaire perpétuelle de l’économie française.

  • Malgré l’engagement sur l’honneur

du maréchal de Bourmont, de respecter nos biens, nos propriétés, les colonialistes français ont organisé le vol et l’accaparement systématique de nos biens, de nos richesses. Après le vol du Trésor de l’ Etat Algérien, le domaine public a été considéré propriété française. D’immenses étendues de terres cultivables ont été accaparées et livrées à la colonisation. Sur 20 000 000 ha, la colonisation occupe 11 600 000 ha et encore les plus fertiles, ne laissant aux Algériens que 9 200 000 ha mal situés et peu fertiles. Toutes les mines, les forêts et autres richesses nationales sont aux mains de la colonisation.

  • Féodalité économique,

surtout agraire, caractérise cette économie coloniale et super-capitaliste de l’Algérie où une caste d’hommes et de sociétés fabuleusement riches, exerce son hégémonismonie.

De par la structure de l’économie algérienne, cette féodalité est surtout agraire et rappelle celle du Moyen Age ou de la Russie tsariste. Possédant d’ immenses domaines des terres les plus fertiles, disposant d’un outillage moderne, de crédits et surtout de main-d’œuvre à vil prix, les féodaux capitalistes ont accaparé les terres des cultivateurs algériens et absorbé peu à peu jusqu’à la petite propriété européenne. Sur 25 000 propriétaires européens, 75% possèdent plus de 100 ha, soit 320 ha en moyenne, et plusieurs possèdent plus de 10 et 15 000 ha.

Ces trusts qui concentrent dans leurs mains les terres, les mines, les banques, ont fini par déterminer l’état social et politique du pays. L’autonomie financière arrachée au gouvernement de Paris et les pouvoirs dictatoriaux qu’ils ont dans les assemblées algériennes, leur ont permis de détourner à leur profit exclusif toutes les richesses de notre pays. L’économie algérienne n’est guère orientée vers les productions utiles et la satisfaction des besoins du Peuple Algérien, mais uniquement vers les super-profits capitalistes, vers les productions «rentables» à l’exportation comme par exemple la vigne.

  • En face d’une caste féodale immensément riche et de la population européenne aisée,

les Algériens constituent une masse d’économiquement faibles et d’exploités.

Les confiscations des terres, le développement de l’économie impérialiste ont eu pour conséquence la prolétarisation presque générale du peuple algérien. Combien aujourd’hui travaillent en serfs sur le domaine où leurs grands-parents vivaient dignes et heureux !

    • Le paysannat constitue la majeure partie du peuple algérien.

La statistique de 1930 fixe à 1 336 770 seulement le nombre de propriétaires algériens possédant en moyenne 2ha chacun. Expulsé des plaines et des terres riches que ses aïeux ont travaillées et fertilisées depuis des millénaires, le fellah algérien a été refoulé sur les hauts plateaux secs et les montagnes rocailleuses où il continue son dur labeur pour survivre. Ce qui caractérise le paysannat algérien c’est son inorganisation, l’insuffisance de ses moyens et l’absence totale d’aide de la part de l’administration colonialiste, ce qui l’expose gravement aux intempéries et à tous les risques économiques.

    • Le prolétariat,

pour ainsi dire inexistant avant 1830, comprend aujourd’hui quelque 4 millions d’individus. Cette classe, issue de la paysannerie spoliée, est devenue l’instrument d’exploitation au service de la colonisation française. Si celle-ci a fourni quelques techniciens et des machines, on peut cependant affirmer que le prolétariat algérien joue le rôle essentiel dans les réalisations économiques par l’effort surhumain qui lui est imposé.

Troisième point : L’exploitation sociale

  • Vaincu dans une guerre malheureuse, le peuple algérien a été prolétarisé par les confiscations et réduit au servage par une exploitation inhumaine.

Toute-puissante, la grosse colonisation exerce sa tyrannie sur des millions d’Algériens.

Travaillant dans des conditions très pénibles, l’ ouvrier est obligé de faire 10 à 14 heures par jour pour toucher un salaire de misère, n’atteignant pas souvent le quart du minimum vital. Les colonialistes accordent des salaires d’ autant plus bas que la main-d’œuvre excède les besoins de l’économie actuelle, uniquement agricole. Si les hommes sont exploités, que dire des femmes et des enfants à qui on impose des tâches aussi rudes mais pour un salaire infiniment plus bas. L’ouvrier des villes à sans doute quelque peu amélioré sa condition, mais le sort des ouvriers agricoles qui constituent la majorité des Algériens, rappelle étrangement le servage médiéval. Attelés à leur rude labeur du lever au coucher du soleil, c’est-à-dire pendant 12 à 14 heures, ces ouvriers sont traités comme de véritables serfs.

  • L’oppression du peuple algérien dépasse en horreur la conception capitaliste de l’exploitation d’une classe par une autre :

l’Algérien, exploité à titre de prolétaire, l’est encore et surtout à titre d’«indigène».

Considéré comme un être inférieur, il est beaucoup plus mal traité que l’ouvrier européen.

L’Européen, en effet, dispose d’un privilège de citoyenneté, de certains droits et libertés qui lui permettent de lutter sur les plans politique et social, tandis que l’Algérien ne dispose ni de droits ni de libertés pour défendre ses intérêts. Obligé de travailler dans des conditions plus mauvaises et plus pénibles, l’Algérien perçoit un salaire inférieur à celui de l’Européen, cela aussi bien dans l’administration que dans l’entreprise privée. L’immense majorité des Algériens est privée des multiples avantages comme les allocations familiales dont profitent les Européens. Enfin, la Sécurité Sociale n’est appliquée que dans les secteurs à majorité européenne et inexistante chaque fois que ce sont les Algériens qui pourraient en profiter. Cela explique la condition particulièrement dramatique des ouvriers agricoles, tous Algériens, et pour toutes ces raisons il est plus exact de parler d’un sous-prolétariat algérien. Réduits au chômage ou exploités tyranniquement des centaines de milliers d’Algériens sont contraints à s’expatrier, temporairement et de chercher en France des conditions de vie meilleure. Mais le régime de l’indigénat avec les injustices et les inégalités continue à leur être appliqué.

Exploité du point de vue économique et social, l’ Algérien l’est aussi dans le domaine militaire où il sert comme chair à canon dans toutes les guerres engagées par l’impérialisme français : Mexique, Crimée, France (1870, 1914-18, 1939-45 à pour les conquêtes coloniales et même contre les peuples frères du Maroc, de Syrie, du Viêt-nam, de Madagascar, tout comme on utilise contre lui les frères du Maroc ou d’Afrique Noire.

Quatrième point : L’oppression politique

Pour dominer et exploiter la Nation algérienne, perpétuer cet état de choses, le colonialisme a institué un système d’assujettissement et d’oppression politique…

  • L’Algérie est assujettie à la France.

– L’Etat algérien détruit après l’agression de 1830 et la terrible guerre qui s’ensuivit, la souveraineté algérienne a été bafouée et remplacée illégalement par la souveraineté française. Ainsi le peuple algérien a perdu la maîtrise de ses destinées et la direction de ses affaires. Contre toute logique et tout droit, l’Algérie a été annexée purement et simplement à la France. C’est le peuple français, par l’intermédiaire de ses représentants, qui exerce les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, sans qu’un Algérien y participe. Occupée militairement, l’Algérie est privée de toutes relations avec le monde extérieur.

  • L’Administration de l’Algérie est conçue de façon à garantir la domination et les privilèges impérialistes.

Cette administration se trouve aux mains de la minorité européenne et le peuple algérien en est écarté. Exclu de toute fonction d’autorité, l’Algérien n’occupe que des postes inférieurs : petit employé, balayeur de bureau.

Le Gouverneur général, premier agent du colonialisme en Algérie, réunit toutes les fonctions législatives, exécutives, judiciaires ; disposant de pouvoirs dictatoriaux, il n’est responsable que devant le gouvernement français.

L’Algérie est divisée en deux zones : les Territoires du Sud, soumis au régime du sabre de l’autorité militaire, et le Nord où le système des communes mixtes permet à ces roitelets que sont les administrateurs, d’exercer leur tyrannie avec l’aide des caïds et bachaghas.

Dans les organismes élus, la minorité européenne détient la majorité des sièges, ce qui rend les réformes impossibles.

  • L’Algérien n’a pas la qualité et les droits de citoyen de son pays.

Il est considéré à la fois comme étranger et comme être inférieur, sujet français. Un arsenal de lois d’exception, dont le code de l’Indigénat, le soumet à un véritable esclavage. Si la propagande colonialiste assimile l’Algérie à la France et proclame la devise «Liberté – Egalité – Fraternité», en réalité les Algériens sont soumis aux mêmes devoirs comme l’impôt du sang mais privés de tous droits et libertés. Les inégalités les plus choquantes existent entre Algériens et Européens, dans tous les domaines, politique, social et les injustices les plus révoltantes ont cours journellement à l’égard des Algériens.

Enfin l’oppression politique est constante et totale : les libertés élémentaires de l’homme, liberté de pensée et d’expression, liberté d’association, de réunion sont inexistantes ; l’Algérie est devenue un immense camp de concentration pour tout un peuple. La France colonialiste proclame hypocritement sa devise «Liberté – Egalité – Fraternité», mais les Algériens ne connaissent qu’ «Oppression – Injustice – Racisme». Pour asservir les Algériens et empêcher toute réaction, le colonialisme dispose de formidables appareils policiers et judiciaires, instruments de répressions constantes et brutales. A cela il faut ajouter l’armée d’occupation que l’impérialisme entretient en Algérie, armée qui constitue le point d’appui même du régime colonial.

Cinquième point : Oppression spirituelle

  • Atteintes à l’Islam :

Avant 1830, l’Islam, religion du peuple Algérien, était libre, et le culte, organisé de façon autonome, jouissait des biens habous. D’ailleurs, les autres religions, malgré la faiblesse numérique de leurs adeptes, étaient également respectées.

Depuis l’arrivée des colonialistes français et malgré leur engagement solennel, l’Islam a subi de multiples et graves atteintes :

    • Les biens habous, pourtant inaliénables, ont été confisqués

en vertu des arrêtés des 8 et 9 septembre 1830. Plusieurs mosquées ont été transformées en églises et des centaines d’autres détruites.

    • Alors que l’Etat français se proclame laïque

et applique le principe de la séparation du culte et de l’Etat pour toutes les autres religions, il exerce une mainmise totale sur le culte musulman par la nomination des imams, et muphtis, la surveillance étroite des mosquées, la censure des prêches, la réglementation du pèlerinage.

    • L’impérialisme a créé l’institution des pères blancs et encourage les missionnaires chrétiens dans leur activité anti-musulmane.

Ces missionnaires, financés par la colonisation, tentent d’évangéliser les Algériens, s’attaquant lâchement aux jeunes orphelins, profitant de leur misère et de leur non-maturité d’esprit pour dénaturer leur conscience.

Leur action n’est pas dictée uniquement par des préoccupations religieuses, mais surtout par des considérations politiques, tendant au renforcement du système colonial.

  • L’obscurantisme et l’étouffement de la culture nationale
    • Pour mieux dépersonnaliser les Algériens,

le colonialisme a complètement étouffé la culture nationale ; avec la conquête les écoles ont été détruites ou fermées et seules quelques Zaouïas scolastiques ont survécu.

Le « français » a été imposé comme langue officielle et la langue arabe est exclue de l’enseignement officiel et considérée comme étrangère.

L’enseignement privé est interdit ou soumis à une surveillance tyrannique de la part de l’administration colonialiste. Toutes les manifestations culturelles : littérature, art, théâtre, sont censurées ou même interdites, de même que sur le plan politique et économique, les rapports culturels avec le monde sont rendus impossibles.

    • Si l’étouffement de la culture nationale et l’obscurantisme

sont considérés comme fin et moyen de la domination colonialiste, l’exploitation au maximum des Algériens rend nécessaire l’enseignement utilitaire de la langue française.

Cependant, alors que tous les jeunes Européens reçoivent une éducation primaire et secondaire, souvent supérieure, seuls 10% des Algériens sont scolarisés : près de 2 millions de petits Algériens ne trouvent pas de place à l’école, courent les rues et les campagnes.

Cet enseignement, donné au compte-gouttes et de qualité inférieure, tend uniquement à faire des Algériens de bons instruments de la colonisation française.

Il tend à les dépersonnaliser, à leur faire ignorer et mal juger la Patrie algérienne, à leur faire admirer et craindre la puissance française.

Ainsi, l’ histoire de notre pays est camouflée ou pire encore déformée : nos plus grands héros : YOUGHOURTA, TACFARINAS, ABD EL-KADER, MOKRANI, sont traités d’ ambitieux et de criminels, alors que les Vercingétorix et les Bugeaud nous sont présentés comme des grands hommes.

  • Oppression morale

Malgré les qualités exceptionnelles déployées pendant une longue et héroïque résistance, les Algériens ne sont pas considérés comme des vaincus malheureux, mais courageux.

Les colonialistes ont profité de leur supériorité matérielle pour rabaisser le peuple algérien, bafouer sa dignité, le considérer comme inférieur.

A la domination économique et sociale, à l’oppression politique, une oppression morale se superpose et constitue une atmosphère irrespirable. Faisant fi de la vérité historique, les colonialistes français nient notre glorieuse histoire et nous considèrent comme un peuple barbare, une race inférieure. Appelé «indigène» avec un sens péjoratif, l’Algérien est méprisé, bousculé, injurié, maltraité à tout instant par les colonialistes, qui ne voient pas en lui une personne humaine, mais un être de seconde zone, quelque chose sans valeur, bon tout juste à être exploité.

Ce mépris envers l’Algérie se fait sentir à tout instant et partout : dans la rue, au travail, dans les faits comme dans le langage et les écrits. Des appellations injurieuses donnent une idée de la mentalité colonialiste envers l’Algérien.

C) RÉSULTATS DU COLONIALISME FRANÇAIS EN ALGÉRIE

Ce qui frappe tout observateur c’est l’existence de deux sociétés différentes par leurs origines et leurs conditions :

  • d’ une part : le peuplement autochtone, le peuple algérien ;
  • d’ autre part : le peuplement européen qui s’ est implanté en Algérie avec la conquête coloniale.

Le système colonial a perpétué l’opposition entre vainqueurs et vaincus, entre Européens et Algériens, et maintenu la suprématie, la domination des premiers sur les seconds.

1er Point : LES EUROPÉENS :

au nombre d’un million environ, constituent une faible minorité, soit à peine 1/10 de la population de l’Algérie. Mais ayant le monopole de la citoyenneté avec les droits et libertés qu’elle comporte, cette minorité est en droit comme en fait maîtresse de notre pays, et l’exploite à son profit exclusif.

Certes c’est une caste de très gros possédants qui domine le pays, mais toute la minorité européenne jouit d’un privilège de nationalité et participe au pouvoir. Dès lors sa condition sociale se distingue nettement de celle du peuple algérien. Colons ou fonctionnaires, commerçants ou titulaires de fonctions libérales, dans leur grande majorité, les Européens constituent une classe privilégiée et soutiennent âprement le régime colonial.

De plus en plus il se forme une classe ouvrière européenne qui souffrant de l’exploitation capitaliste tend à se rapprocher de la masse opprimée des Algériens ; mais disposant tout de même de privilèges politiques et sociaux cette classe ne s’oppose que timidement encore au système colonial, bien que chaque jour les faits viennent lui montrer qu’ il est de son intérêt de s’ unir à la masse opprimée des Algériens.

2ème Point : LE PEUPLE ALGÉRIEN VAINCU ET SPOLIÉ EST RÉDUIT A LA MISÈRE :

chômage ou exploitation, misère et souffrance, voilà la condition de ce peuple fier et digne qui naguère vivait heureux dans son pays libre, voilà le drame algérien . D’un peuple de paysans laborieux et sains, le colonialisme a fait une masse de mendiants faméliques et de cireurs en guenilles.

Privés du nécessaire pour leur subsistance, vêtus de haillons habitant des taudis et bidonvilles, des milliers d’Algériens végètent ainsi dans un dénuement complet et des conditions d’hygiène déplorables.

La sous-alimentation constante et organisée depuis 1830 a affaibli et miné physiquement notre peuple, jadis vigoureux. La famine sévit à l’état endémique et des disettes comme celles de 1867-68 qui firent plus d’un demi -million de victimes se renouvellent périodiquement. Le colonialisme et la misère ont entraîné un cortège de fléaux sociaux comme l’alcoolisme, la tuberculose ignorés avant 1830 et qui font actuellement des ravages dans notre peuple. La mortalité infantile surtout atteint un des pourcentages les plus considérables du monde. Comme remède à cette situation dramatique le colonialisme qui en est responsable n’apporte rien. L’assistance médicale, la sécurité sociale qui sont organisées au profit de la minorité européenne, font complètement défaut à l’immense majorité du peuple algérien.

A la misère matérielle et physique du peuple algérien s’ajoute une misère intellectuelle. L’obscurantisme est une des plaies les plus graves dont souffre notre peuple. Plus de 90% de la population est maintenue dans l’ignorance totale. Alors que la culture nationale est étouffée, l’enseignement français est distribué parcimonieusement.

Enfin souffrance morale : vaincu, rabaissé au rang de serf, «d’indigène» méprisé, notre peuple souffre dans sa dignité bafouée, dans son honneur d’algérien, dans son patriotisme toujours vivace qu’ il lui est interdit d’ exprimer.

Misère et souffrance, voilà le sort du peuple algérien. Mais cette misère et cette souffrance constituent les meilleurs ferments de notre lutte.

D) LES MENSONGES DU COLONIALISME

Tel est le fait colonial en Algérie depuis 1830. Ainsi tombent un à un tous les mensonges que le colonialisme français répand à travers le monde pour essayer de justifier son mauvais coup de 1830 et le maintien de son exécrable domination sur notre Patrie.

  • Mensonge de la prétendue mission civilisatrice de la France,

car les véritables causes de l’invasion française sont uniquement la volonté de puissance et le désir d’ exploiter notre pays, ses richesses, ses hommes. Loin de civiliser notre pays, le colonialisme n’ a fait qu’arrêter son évolution spirituelle et matérielle. S’il existe une certaine civilisation matérielle en Algérie elle l’est uniquement au profit de la minorité européenne. La comparaison avec d’autres peuples, européens et américains, qui étaient en 1830 moins avancés que le nôtre mais le dépassent aujourd’hui montre que le colonialisme français a freiné beaucoup l’évolution de la Nation Algérienne.

  • Mensonge historique

quand les colonialistes soutiennent l’inexistence de la Nation Algérienne et cachent ou déforment notre histoire.

  • Mensonge économique lorsque l’impérialisme prétend avoir enrichi

une Algérie pauvre et couverte de marécages, alors qu’ en réalité, avant 1830 les ressources algériennes étaient excédentaires, si bien que sous la Révolution et l’ Empire, l’ Algérie était allée au secours de la France affamée.

Aujourd’hui, au contraire, le peuple algérien vit dans la misère pendant qu’une minorité colonialiste accapare nos ressources.

Certes, des routes, des chemins de fer, des ports, des barrages, des banques ont été créés mais uniquement au profit de la minorité coloniale. Le peuple algérien n’ en profite qu’ indirectement et subsidiairement.

  • Mensonge démographique

quand les colonialistes prétendent que c’est grâce à eux que la population algérienne est passée de 1 million à 10 millions d’habitants. Si l’Algérie était si peu habitée en 1830, comment aurait-elle pu lutter pendant un demi-siècle contre la première armée de l’époque et sacrifier deux millions de ses enfants ? Par ailleurs les données sociologiques montrent que l’accroissement de la population d’un pays ne dépend pas automatiquement du degré de prospérité. Enfin en Algérie la mortalité n’a guère baissé. Le développement démographique est dû uniquement à la vitalité de notre peuple.

  • Mensonge politique

quand l’impérialisme prétend assurer la liberté, l’égalité, la fraternité alors qu’il se contente de changer de vocabulaire sans améliorer les institutions, qu’il retire d’ une main ce qu’ il accorde de l’ autre et que les seules améliorations qui sont arrachées le sont contre son gré, grâce à la lutte acharnée du peuple algérien.

  • Enfin monstrueux mensonge de l’assimilation,

quand les colonialistes considèrent l’Algérie comme un territoire français et les Algériens comme des Français. C’est une hypocrisie d’abord, car l’Algérie n’est pas administrée comme une province française et les Algériens n’ont pas les mêmes droits et libertés que les Français. D’ailleurs les quelques Algériens égarés qui sollicitaient la nationalité et la citoyenneté françaises étaient taxés «d’anti-français».

C’est plus encore une absurdité : historiquement, géographiquement, humainement l’Algérie est distincte de la France. Rien ne lie la Nation Algérienne à la France sinon plus d’un siècle de domination et de lutte. Non, l’Algérie n’est et ne veut être qu’algérienne.

III. – L’ OPPOSITION ENTRE LA NATION ALGÉRIENNE

ET LE COLONIALISME FRANÇAIS

De ce fait fondamental qu’est l’existence de la NATION ALGÉRIENNE dominée par le colonialisme français, il résulte une lutte incessante par laquelle le Peuple Algérien entend faire triompher ses aspirations légitimes à une vie libre.

LE DROIT DU PEUPLE ALGÉRIEN DE VIVRE LIBRE ET SOUVERAIN

SUR SON TERRITOIRE EST FONDÉ SUR LE DROIT NATUREL

ET SUR LE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

  • Selon le droit naturel et la morale universelle,

il est inadmissible qu’ un homme ou un peuple soit dominé, opprimé par un autre homme ou un autre peuple. La conscience humaine se révolte contre la domination française en Algérie.

  • Le droit du Peuple Algérien se fonde encore sur le principe des Nationalités et son corollaire le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes,

selon lesquels «toute nationalité a une vocation à former un Etat et à se gouverner elle-même d’une façon «indépendante». Ces principes, après avoir tout d’abord servi de fondement aux anciennes colonies anglaises d’Amérique du Nord pour s’ériger en République indépendante en 1784, ont été proclamés par la Révolution française en 1789 et appliqués tout au cours des XIXème et XXème siècles pour devenir aujourd’hui les principes fondamentaux du droit international public.

Ces principes ont servi de fondement à la majorité des Etats actuels issus du démembrement des grands empires. Ainsi les différentes nationalités des Balkans, d’Europe, d’Amérique du Sud, d’Asie ont invoqué à juste raison ces principes pour s’ériger en Etats indépendants.

Les principes des nationalités et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes sont à la base du fameux message du Président Wilson en 1917 et le traité de Paix en 1919 les consacre positivement.

Ces principes ont été à nouveau solennellement proclamés dans la Charte de l’Atlantique et dans la Charte des Nations Unies votée par 51 Nations dont la France, en 1945.

L’article 1er alinéa 2 de cette Charte dispose en effet : «développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect des principes de l’égalité, du droit des peuples et de leur droit de disposer d’eux-mêmes et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde».

En vertu de ces principes, la Nation Algérienne a le droit de s’ériger en État souverain, indépendant de la France.

A) LE PEUPLE ALGERIEN A LA VOLONTE DE VIVRE LIBRE ET SOUVERAIN SUR SON TERRITOIRE NATIONAL

Cette volonté il l’ a manifestée par son héroïque résistance à l’ invasion française et par sa lutte actuelle contre le régime colonial.

  • Loin d’avoir désiré ou accepté la présence française,

le peuple algérien a, au cours d’une longue guerre qui a duré un demi-siècle, de 1830 à 1881, opposé à l’envahisseur une résistance acharnée qui constitue une des plus grandes épopées de l’ Histoire.

Dès le 14 juin 1830, jour où les Français ont mis pied sur le sol de la Patrie, le peuple algérien s’est dressé contre l’envahisseur ; la chute d’Alger, la capitale, et l’ abdication du Dey, loin de décourager notre peuple n’ont fait qu’exalter son patriotisme et sa volonté de lutte. Une pléiade de grands chefs a émergé du peuple pour organiser la résistance : le jeune Emir Abd el-Kader, après avoir constitué le gouvernement de la défense nationale, a tenu tête aux hordes impérialistes pendant 17 ans, leur infligeant même de lourdes défaites grâce à son génie militaire et politique.

Abd el-Kader, obligé de succomber devant une armée supérieure en nombre et en matériel, la résistance s’est poursuivie dans d’autres régions, notamment en Kabylie jusqu’ en 1857 avec l’héroïque Lalla Fathma N’ Soumer et dans le Sud.

En 1864, les Ouled Sidi Chikh ont repris l’offensive. Puis, après un temps de pause que le peuple algérien, vaincu mais non soumis, emploie à préparer de nouvelles forces, c’ est la grande Insurrection Nationale de 1870-71 sous la direction de Mokrani et Cheikh Ahhabad qui a soulevé l’Algérie de Collo à Cherchell, de la mer à Ouargla. Malgré l’héroïsme des Imseblens, notre courageux peuple, après avoir livré plus de 350 batailles, a dû s’incliner devant une supériorité technique et militaire.

Malgré une répression terrible qui avait suivi l’insurrection nationale de 1870, le Peuple Algérien ne s’est pas découragé. En 1881, à l’occasion de l’agression française en Tunisie, les Ouled Sidi Chickh, conduits par Bou Amama, brandissent à nouveau l’étendard de l’insurrection. Malheureusement leurs moyens étaient faibles. Les forces colonialistes parviennent à occuper tout le Sud Algérien, le Mzab y compris.

Ainsi, dans cette lutte gigantesque qui a duré 50 années, le peuple algérien a défendu farouchement son sol national mètre par mètre et ne s’est incliné, après avoir sacrifié deux millions d’hommes, que devant la supériorité matérielle de l’armée française considérée d’ailleurs à cette époque comme la première du monde.

Vaincu, le peuple algérien ne s’est nullement soumis ni résigné à sa défaite ; seulement après les lourds sacrifices consentis, il lui fallait panser ses blessures, reprendre des forces.

  • Après la résistance militaire, le peuple algérien reprend la lutte sous une nouvelle forme.

Tout d’abord il résiste de façon indirecte à l’oppression colonialiste et aux tentatives de dépersonnalisation. Par l’ attachement à ses mœurs, à sa religion, à sa langue maternelle, par son refus de s’ assimiler et de collaborer avec les dominateurs, le peuple algérien manifeste sa conscience nationale, son patriotisme toujours vivaces.

L’oppression politique et sociale, les inégalités, les injustices de toutes sortes, les multiples atteintes à sa dignité, à sa religion, à sa langue, loin d’ étouffer la conscience nationale, n’ont fait que l’ exalter, la renforcer, lui donner corps.

Le fait colonial lui-même donne naissance à des forces d’opposition par le réveil des énergies latentes. Le peuple algérien fait son éducation dans la misère et la souffrance, sa haine du colonialisme s’intensifie. Le désir de bonheur et de liberté s’exprime de plus en plus fort. Le patriotisme algérien prend une forme de plus en plus dynamique et s’oriente vers la lutte à outrance contre les forces d’oppression et d’exploitation. Ainsi se concrétise le sentiment national révolutionnaire du peuple algérien en lutte pour sa libération.

B) LA LIBÉRATION DU PEUPLE ALGÉRIEN EST UNE NÉCESSITÉ

  • Nécessité vitale pour lui-même,

car la domination coloniale tend non seulement à l’affaiblir, mais encore à le détruire. D’autre part, loin de progresser, de prospérer comme le font les peuples libres, nous sommes retardés dans notre évolution par le colonialisme.

L’Indépendance permettra au peuple algérien de s’organiser politiquement et socialement, de tendre vers son bonheur.

  • Nécessité aussi pour la paix dans le monde :

La question algérienne fait partie du vaste problème colonial. Or ce fait colonial est une cause permanente de guerre. La liberté et la paix dans le monde ne sauraient exister tant qu’ un tiers de l’ humanité sera opprimé, colonisé.


DEUXIÈME PARTIE

P R I N C I P E S D I R E C T E U R S

La nécessité pour nous, Algériens, de détruire la domination coloniale et de redonner son essor à notre nation ne fait plus de doute.

Quelle idéologie nous animera ? Quels seront les principes directeurs de notre action ? Nationalisme, révolutionnarisme, démocratie, voilà notre boussole.

I. – NATIONALISME

Le principe fondamental de la lutte libératrice algérienne c’est le nationalisme, c’est-à-dire que face au colonialisme, les Algériens combattent pour la Nation Algérienne et dans le cadre de celle-ci, pour la libération et la prospérité de ce tout géographique, historique, économique, social et culturel qu’est l’Algérie.

Le nationalisme peut se définir comme l’amour de la nation.

Etre nationaliste, mener une lutte nationale, c’ est tendre à solutionner, à l’ intérieur des frontières, les problèmes politiques, économiques, sociaux ou autres, de manière à assurer au peuple, aux nationaux du pays, le maximum de liberté, de grandeur spirituelle et morale, de développement culturel, de bien-être matériel.

Ceci nous amène d’abord à distinguer le nationalisme d’autres notions telles que le sentiment racial et le sentiment religieux dont la confusion serait un danger, ensuite à étudier les rapports du nationalisme algérien et successivement du principe marxiste de la lutte des classes, des pays frères d’ Afrique du Nord, des pays colonisés, de l’ internationalisme, sans oublier de préciser le problème de la minorité européenne d’Algérie.

Mais au préalable, il convient afin de supprimer toute équivoque, de dissocier deux conceptions possibles du nationalisme, et pour plus de clarté, de définir brièvement la nationalité.

NATIONALISME LIBÉRATEUR

ET

NATIONALISME OPPRESSEUR

Beaucoup taxent, à tort, de chauvinisme tout nationalisme, or il y a deux conceptions du nationalisme :

NATIONALISME LIBÉRATEUR

Dans une première conception, le nationalisme est une réaction contre les atteintes à l’ intégrité nationale, une réaction contre l’ annexion, une affirmation des valeurs nationales et la volonté de faire triompher ces valeurs.

Un tel nationalisme, qu’on trouve surtout chez les peuples opprimés, est ce qu’on appelle un nationalisme libérateur, en ce sens qu’il vise la liberté, le plein épanouissement des valeurs morales et matérielles nationales. D’essence démocratique de par son contenu, d’essence révolutionnaire de par son but qui est l’ épanouissement de la Nation, basé sur des faits justes, des aspirations absolument naturelles telles qu’ exercer pleinement sa souveraineté, parler librement sa langue, pratiquer sa religion, assurer sa liberté de conscience, vivre des produits de sa terre et rester maître de ses richesses, le nationalisme libérateur est le seul compatible avec les droits sacrés de l’ homme.

NATIONALISME OPPRESSEUR

C’est la deuxième conception du nationalisme, c’est celle qui caractérise plusieurs nations d’Europe.

Posant la nation comme dogme, professant «la nation au-dessus de tout», basé sur des faits faux ou forcés à dessein, souvent soutenu par l’hypertrophie du facteur historique, linguistique ou racial, un tel nationalisme qui prêche que tout doit être sacrifié à la nation considérée comme une idole, aboutit à l’expansion et à l’oppression. Expansion par l’annexion des pays voisins considérés comme «espace vital», oppression des peuples de ces mêmes pays et oppression même des nationaux de la nation conquérante car, pour maintenir la domination sur le pays conquis, un régime dictatorial est nécessaire, régime sous lequel les libertés individuelles ne peuvent être respectées.

Le nationalisme qui tend au développement de la nation au-delà de son cadre, avec comme conséquence l’occupation et l’étouffement d’autres nations, ce nationalisme, d’essence impérialiste, ne peut pas avoir sa place dans un monde où tous les efforts doivent converger vers le bonheur de l’être humain.

NATIONALISME ALGÉRIEN

Le nationalisme algérien, réaction d’ une nation opprimée contre un impérialisme, est un «nationalisme libérateur», donc opposé à ce nationalisme européen, chauvin, impérialiste, dont le bellicisme aboutit à l’asservissement de peuples par d’ autres peuples.

Le nationalisme algérien c’est l’amour de la Patrie algérienne, c’est la volonté de supprimer l’oppression colonialiste et de restituer au peuple algérien sa souveraineté usurpée, sa dignité bafouée, la propriété de ses biens ravis, c’est la volonté de lutter pour la libération politique, économique, sociale et culturelle du peuple algérien, c’est la volonté de mener la Nation algérienne vers la liberté », la démocratie et le bien-être.

Par conséquent, le nationalisme algérien c’ est le rejet de l’absurde thèse colonialiste, contraire à l’ Histoire et aux droits sacrés des peuples, d’ une «Algérie terre française» ; c’ est l’affirmation, devant les multiples tentatives colonialistes de dénationalisation, tentatives qui se manifestent par le refus de reconnaître une nationalité algérienne, la désignation des Algériens uniquement par le terme péjoratif d’ «indigènes» ou le terme confessionnel, donc sans nationalité, de «musulman», de l’ existence de la Nation Algérienne et donc d’ une Nationalité Algérienne, du droit du peuple algérien d’être souverain et de vivre libre et heureux.

DÉFINITION DE LA NATIONALITÉ

La nationalité distingue les habitants des diverses nations. Elle différencie, sur un territoire donné, le national de l’étranger, et définit par là même les droits de l’un et de l’autre, le second ne pouvant prétendre en avoir autant que le premier.

Comment est acquise ou octroyée la nationalité ?

Cela varie avec les diverses législations. La famille, le lieu de naissance interviennent, ainsi que certains événements et des considérations de politique démographique ; il convient de remarquer que la race et la religion ne sont d’aucun intérêt dans ce domaine.

En général on peut dire aujourd’hui : «Est national d’un pays donné l’individu y vivant, ayant la volonté d’y continuer à vivre, aimant sa patrie et travaillant à la prospérité et à la sécurité de celle-ci».

Disons quelques mots, pour finir, de la citoyenneté :

La citoyenneté définit les rapports de l’Etat, représentant de la Nation, et des nationaux. Elle précise les droits et devoirs de ceux-ci vis-à-vis de la Nation et les obligations de l’Etat envers eux.

On peut être national d’un pays sans en être citoyen.

«Etre citoyen d’un pays c’est être dans ce pays un homme libre égal aux autres, c’est y être un gouverné qui choisit ses gouvernements, c’est y voir sa personne respectée, ses droits garantis, y bénéficier de tous les avantages que l’Etat garantit à tous et, en contre-partie, s’ y acquitter de tous ses devoirs».

NATIONALISME ALGÉRIEN ET RACE

Chez certaines nations européennes, la race est l’un des éléments fondamentaux de leur nationalisme d’expansion et de domination.

Supériorité du colon, infériorité du colonisé dérivent pour ces nations de la race qui fait de l’un un être éminemment civilisé, de l’autre un être voisin de la bête, incapable de perfectibilité et de progrès.

Mais cette supériorité de certains groupements d’individus sur d’autres, supériorité basée sur des éléments biologiques tels que le sang, la couleur de la peau, etc. est une notion fausse car, si primitivement les diverses régions, aux divers climats du globe ont pu différencier des types humains, le monde d’aujourd’hui est un creuset où toutes les races se sont fondues pour donner un type unique : l’ homme dont le respect et l’ épanouissement, la liberté et le bien-être doivent être le but de toute politique, de toute action.

Le racisme, doctrine du mépris d’un homme pour un autre homme de sang ou couleur différents, doctrine de bellicisme et de triomphe du mal, est un fléau humain condamnable que le nationalisme libérateur, notamment le nationalisme algérien, combat comme impérialiste, et la lutte libératrice de l’Algérie contre le colonialisme n’ est pas une lutte d’un sémito-hamitisme contre un aryanisme quelconque, ce n’ est pas la lutte de brachycéphales contre dolichocéphales, ce n’ est pas la lutte d’une prétendue race africaine ou d’ une prétendue race arabe contre une prétendue race européenne ou une prétendue race latine, mais la lutte de l’ Algérien, du fils de la Nation Algérienne opprimée, quelles que soient les dimensions de sa boîte crânienne et la couleur de sa peau, contre le national d’ un pays d’Europe venu chez lui en conquérant l’exproprier arrêter son développement matériel et culturel, en un mot l’asservir.

NATIONALISME ALGÉRIEN ET RELIGION

Pas plus qu’il ne peut être confondu avec le racisme, le nationalisme ne peut s’ identifier au culte d’une religion.

Si la religion, qui ne connaît pas de frontière, s’adresse à l’âme, apporte à ses adeptes le réconfort moral et peut-être constitue un stimulant de l’activité humaine, l’homme, dans ses besoins dans son développement culturel et social, est conditionné par le sol sur lequel il vit et par le milieu dans lequel il évolue. Les frontières géographiques créent un tourbillon d’intérêts, de souffrances et d’aspirations communes devant lequel les confessions ne peuvent que s’effacer.

Le nationalisme libérateur, dont la nation est le but et le cadre d’existence, ne saurait être un principe d’action de nature religieuse.

Dans cette réaction de l’âme nationale contre les forces d’asservissement, dans cette action de nationaux pour leur libération politique, culturelle, économique et sociale, l’élément religieux ne joue pas de rôle efficient et l’on voit se dresser dans les deux camps, l’un contre l’autre, des hommes de même confession.

Il n’est que de se rappeler l’insurrection des pays arabes, à population en majorité musulmane, contre le joug des Turcs, bien que ceux-ci fussent aussi musulmans.

Plus récemment, dans la lutte nationale syro-libanaise contre le colonialisme français, les chrétiens syro-libanais ne furent pas les moins acharnés dans la lutte pour la liberté de la patrie. Ainsi, le nationalisme algérien ne peut pas être compris comme une sorte de «contre-croisade», l’histoire nous enseigne que l’ère des guerres de religions est close. Il n’ y a aujourd’hui que des guerres entre nations et des guerres entre opprimés et oppresseurs. Il ne s’agit plus de porter toujours plus loin la croix ou le croissant, mais d’assurer à chaque peuple, à l’intérieur de ses frontières, la liberté et le bien-être.

Sans vouloir nier l’importance de l’Islam en Algérie, ni son action passée et présente, il n’est pas et ne peut être question dans la lutte actuelle contre le colonialisme d’opposer deux religions, d’opposer le musulman au chrétien, mais bien plutôt d’opposer le colonisé au colonisateur.

Que la lutte nationale tende aussi à libérer le culte musulman des entraves colonialistes c’est incontesté, mais le mouvement national algérien n’en est pas pour cela une organisation religieuse voulant convertir des hommes de religion différente.

Le nationalisme algérien, dressé contre les forces qui étouffent le patrimoine national, doit grouper tous les Algériens abstraction faite de leur confession ; il défendra le patrimoine contre tous ceux qui voudraient y porter atteinte, quelle que soit leur confession.

Le colonialisme, dans des buts qu’il est inutile de répéter, ne cesse de vouloir confondre nationalisme algérien et Islam. Il est alors facile de crier au fanatisme, à l’esprit périmé et statique, contraire aux concepts de la vie moderne. Le colonialisme oppose constamment, dans son verbe et dans ses écrits l’ «Européen» ou le «Français» au «Musulman», c’est-à-dire une nationalité à une religion, singulier procédé de dénationalisation, habile peut-être autrefois, mais aujourd’hui trop grossier, car l’Algérien dissocie nettement la conscience nationale et la conscience religieuse et sait, quel que soit le degré de sa foi, qu’il est avant tout Algérien, c’est-à-dire fils et défenseur de la Patrie algérienne ; que la qualité d’algérien ne dérive point de la religion pas plus qu’elle ne dérive de la race, et qu’avant 1830 notamment beaucoup d’Israélites vivaient en Algérie, avaient les mêmes droits que les musulmans et étaient donc pleinement Algériens au même titre que ceux-ci. Et nous voilà amenés tout naturellement à examiner la question de la minorité européenne d’Algérie, née du fait colonial.

NATIONALISME ALGÉRIEN

ET PROBLÈME DE LA MINORITÉ EUROPÉENNE

Nous avons vu que la nationalité ne tenait ni à la race, ni à la religion. Mais dans divers pays, à côté de la majorité des habitants, établis sur le territoire depuis des générations et y exerçant leurs activités et dont la qualité de nationaux ne fait aucun doute, existent des minorités d’individus de nationalité étrangère établis cependant à demeure dans le pays : ainsi en est-il des ouvriers polonais dans le Nord de la France, ou mieux encore des Italiens de Tunisie qui mènent une vie propre, ont leurs institutions et leurs écoles.

Un problème se pose alors, celui du sort de cette minorité : ou elle garde sa nationalité d’origine et alors, corps étranger dans l’édifice national, donc source de complications et de dangers, elle verra ses prérogatives forcément limitées (rappelons-nous ici comment l’Allemagne, en 1938, a pu susciter et mettre à profit l’affaire des Sudètes pour s’emparer de la Tchécoslovaquie) ou bien, mêlée à la population locale, il n’y a plus alors aucun danger à ce que, fondue dans la masse des nationaux, elle jouisse de droits identiques.

C’est en fonction de ces données que peut être examinée la question de la minorité européenne d’Algérie.

En Algérien, à côté d’une majorité issue de générations d’Algériens qui tout au long de l’histoire ont travaillé sur le territoire national qu’ils ont enrichi et défendu, existe une minorité d’origine européenne, coiffée de la nationalité française, et née des divers éléments étrangers venus s’installer chez nous à la suite de l’agression de 1830.

L’installation à demeure de ces étrangers, le lieu de leurs intérêts et de leurs activités, appellent l’étude de leur situation au sein de la Nation Algérienne. Il n’est nullement question de méconnaître leur droit naturel d’hommes de vivre et de travailler paisiblement et seule la propagande colonialiste à dessein alarmiste parle de «valise ou de cercueil», mais il n’est nullement question non plus, tout d’abord de leur concéder une certaine supériorité ni certains privilèges colonialistes, ensuite de leur permettre de servir leur pays d’origine, d’être en Algérie une sorte de cinquième colonne au service de l’étranger.

Conformément alors aux principes en vigueur dans la plupart des pays, conformément à l’histoire (n’oublions pas en effet que les diverses minorités étrangères venues habiter sur notre sol depuis les Phéniciens et Romains et jusqu’aux Turcs, ont fini pas s’assimiler), nous disons que ces étrangers d’origine européenne jouiront de la nationalité algérienne dans la mesure où ils s’ intégreront dans la communauté nationale, se soumettront donc aux lois nationales édictées par l’Etat Algérien et à l’élaboration desquelles ils contribueront, travailleront à la grandeur et à la prospérité de la Nation Algérienne, en un mot : dans la mesure où ils se sentiront fils de la Patrie algérienne et agiront en tant que tels.

NATIONALISME ALGÉRIEN

ET PRINCIPE DE LA LUTTE DES CLASSES

Le principe de la lutte des classes c’est schématiquement, un principe marxiste qui, faisant abstraction des frontières, oppose dans le monde entier le prolétaire au capitaliste, l’exploité au possédant, le pauvre au riche, et affirme que la solution des problèmes mondiaux, aussi bien politiques qu’économiques et sociaux, réside dans une victoire du prolétariat par la mort du capitalisme.

Le nationalisme, par définition, c’est la solution des problèmes qui se posent à chaque peuple à l’intérieur des frontières nationales. Certes, tout comme il y a des problèmes universels, il peut y avoir des solutions universelles. Mais il ne faut jamais oublier que chaque peuple a sa personnalité propre, son génie propre, chaque peuple a ses lois propres conditionnées, par sa culture, son genre de vie, son histoire, ce qui convient à tel peuple, fait son bonheur, ne convient pas forcément à tel autre peuple, ne fait pas forcément son bonheur.

Ainsi, on parle bien de civilisation universelle, mais cela ne supprime pas les civilisations nationales : chaque peuple a sa civilisation, fait de son génie, issue d’une création propre ou même de la simple adaptation de motifs étrangers mais passé au moule national.

C’est pourquoi, dans les pays colonisés en général, en Algérie, en particulier, on ne peut aujourd’hui ramener le problème au principe de la lutte de classes.

Il n’y a pas en Algérie, face l’un de l’autre, un prolétariat et un capitalisme au sens où on les entend dans nombre de pays souverains, mais une nation opprimée contre l’impérialisme oppresseur.

En Algérie on ne peut parler de classes. Tous les Algériens font partie d’une seule et même classe celle des hommes courbés sous un joug colonialiste, sans libertés, sans droits.

En Algérie, il n’y a qu’un possédant : le colonialisme, et un exploité le peuple algérien.

Le problème est donc bien net : c’est la lutte non du prolétaire contre le capitalisme, mais celle d’un peuple opprimé contre le colonialisme qui opprime, c’est la lutte d’une nation avec tous ses fils contre un impérialisme qui l’écrase.

Et le nationalisme algérien, qui travaille à la libération et à la prospérité de la Nation, se doit de grouper en vue de cette tâche, toutes les énergies nationales. Nul ne doit être écarté ; tout Algérien souffre du colonialisme, sa contribution à la lutte est un impérieux devoir et chacun sera jugé sur ses efforts dans l’œuvre libératrice.

Quant aux quelques Algériens épars qui se font les complices et les instruments du colonialisme et profitent de l’affaiblissement du peuple algérien pour amasser des fortunes, on ne peut en tirer argument pour parler de classes en Algérie et détourner sur eux l’attention du Peuple qui doit être tout entière concentrée sur le Colonialisme, car de tels sinistres personnages portent en tous temps et en tous lieux l’édifiante appellation de «nationaux traîtres à leur patrie».

De tels profiteurs ne doivent leur fortune qu’au fait colonial qui a privé le peuple algérien de sa souveraineté et donc de ses possibilités d’organisation, car une économie nationale sainement organisée conçue pour le peuple, par des représentants librement choisis par lui, dirigée et contrôlée par l’Etat, émanation de la Nation, lequel devra notamment empêcher que l’entreprise privée, stimulant nécessaire de l’activité de l’homme, ne sorte de son cadre d’institution au service du peuple, une économie nationale dans laquelle travail et richesses seront justement répartis, ne pourra pas donner naissance à l’inégalité sociale et empêchera donc la lutte de classes.

NATIONALISME ALGÉRIEN

ET AFRIQUE DU NORD

Le fait que l’invasion de l’Algérie ait été le prélude de celles de la Tunisie et du Maroc démontre amplement que les sorts de ces trois pays frères sont liés.

Une géographie commune, un passé commun –l’histoire nous a laissé trace de cette vaste patrie de Massinissa et d’Ibn-Toumerth- des frontières de séparation plus factices que réelles et renforcées seulement par le colonialisme dans des buts de division, un joug commun, des aspirations communes, voilà qui plaide largement en faveur d’une coopération toujours plus étroite du Maroc, de la Tunisie et de l’Algérie.

Et que l’un des premiers mouvements nationaux en Afrique du Nord ait été un mouvement nord-africain, c’est là plus qu’un symbole, l’expression d’une profonde réalité.

Certes, le colonialisme a pu, profitant de notre ignorance et de notre dénuement, utiliser l’un contre l’autre dans des répressions sauvages, les divers éléments de l’Afrique du Nord, mais voilà qui ne doit plus se renouveler. Ne pas prendre conscience de notre solidarité serait un crime, ne pas travailler à la concrétiser et à la renforcer en serait un autre.

Les mots d’ordre de l’Etoile Nord-Africaine, largement diffusés par le journal «El Ouma», demeurent des vérités qui s’ imposent, des vérités que le nationalisme algérien aura toujours à cœur de prêcher et dont nous devons chaque jour nous imprégner, à savoir que les destins de nos trois peuples sont liés, que l’indépendance nationale ne peut être que l’ indépendance de toute l’Afrique du Nord et qu’une seule et même action invincible parce que une, aboutira à la libération, à la prospérité, à la grandeur et à la défense du patrimoine nord-africain.

NATIONALISME ALGÉRIEN

ET PEUPLES COLONISÉS

Diverses nations, à l’instar de la nôtre, gémissent sous le poids de régimes colonialistes.

Souffrant du même mal, il n’est que trop clair que le devoir des nationalistes algériens est de rechercher la réalisation d’une entraide entre tous ces peuples opprimés.

Au joug colonialiste il est urgent et indispensable d’opposer un «FRONT commun des peuples colonisés».

L’idée en existe déjà depuis longtemps, depuis la création en 1921 de «L’UNION INTERCOLONIALE» groupement de colonisés de divers pays, notamment d’Indochine et d’Afrique du Nord, dont l’organe, « Le Paria » dénonçait la barbarie colonialiste.

Cette idée de lutte commune des peuples colonisés ne doit point rester lettre morte. Elle doit être réalisée.

L’opprimé d’Afrique Noire, d’Afrique du Nord, du Viêt-Nam ou de Madagascar, verra ses efforts plus fructueux, sa libération plus proche et moins rude en cas d’action coordonnée de tous les peuples dépendants.

Et une telle action commune pour la libération nationale ouvrira la voie une fois la liberté et la paix retrouvées, à une solidarité et à une collaboration des plus étroites parce que nées dans le malheur, de toutes ces jeunes Nations libérées qui auront encore besoin l’une de l’autre pour assurer leur élan constructif et réaliser le bonheur de leurs peuples.

NATIONALISME ALGÉRIEN ET INTERNATIONALISME

Le nationalisme ne saurait s’accommoder d’un Internationalisme conçu comme une abdication de l’indépendance nationale, comme une subordination des petits pays à un plus grand.

Il ne saurait jamais être question pour la Nation Algérienne de se laisser intégrer dans une zone d’influence quelconque.

Mais s’il ne saurait être question pour elle d’aliéner quoique ce soit de sa souveraineté nationale et de sa pleine indépendance, cela ne signifie point qu’elle veuille vivre dans l’isolement.

La coopération internationale, et notamment une solidarité économique mondiale sont aujourd’hui d’impérieuses nécessités qui ne peuvent pas être méconnues.

Aussi l’Algérie se doit-elle de participer activement à la coopération, économique, culturelle, scientifique, internationale afin d’apporter sa modeste part à l’édifice du Progrès universel.

Et d’ores et déjà le peuple algérien est avec tous les peuples du monde qui comme lui luttent pour la Liberté et le considèrent comme l’égal en droits, et la Nation algérienne est, de par sa lutte de Libération aux côtés de toutes les Nations qui, dans les faits et non pas en paroles oeuvrent pour une plus grande Liberté dans le monde et pour la destruction de l’impérialisme.

II. – R É V O L U T I O N N I S M E

Le révolutionnisme, c’est le second principe de notre lutte. Dans notre idéologie, dans nos buts comme dans notre action, nous serons des révolutionnaires.

Le révolutionnisme, qui s’oppose au réformisme, est dans ce domaine, le seul principe qui soit justifié à la fois par les faits et par l’histoire.

R É F O R M I S M E

Il peut être défini comme un changement partiel, par étapes, et par certains moyens, de l’état de choses existant.

De la définition même découle la condamnation du réformisme dans le domaine de la lutte anticolonialiste.

Un changement partiel de l’état de choses existant, voilà qui ne peut satisfaire les aspirations d’un peuple qui souffre et dont le seul changement qu’il souhaite est celui de voir disparaître entièrement un système qui l’étouffe.

D’autre part, le changement étant obtenu par étapes, sans compter le temps indéfini au bout duquel il peut survenir, ne peut être qu’un changement imparfait, ne découlant pas d’un plan et d’un ordre logique, mais des circonstances et il n’est pas besoin d’insister sur l’urgence de la libération d’une NATION opprimée.

En n’utilisant enfin que certains moyens en excluant notamment la violence, le réformiste se prive d’armes précieuses de lutte à savoir la force et l’agitation populaires. Le réformisme est ainsi amené à utiliser des moyens secondaires comme des fins, à faire notamment du parlementarisme sa seule arme.

Or, d’une part, même obtenues, les réformes risquent pour un temps « d’apaiser » le peuple, donc de diminuer son énergie et de freiner son œuvre libératrice ; d’autre part, incapable d’opposer une force à l’adversaire, le réformisme est à la merci de celui-ci qui, par simple intimidation, en fait en définitive un instrument docile entre ses mains.

Ainsi le réformisme, surtout dans les pays colonisés, est à condamner irrémédiablement. L’histoire ne renferme l’exemple d’aucun peuple dont le sort ait été définitivement réglé par les réformes.

R É V O L U T I O N N I S M E

Définition : C’est un changement total, souvent brusque, obtenu par tous les moyens, de l’état de choses existant.

Un changement total : ici, pas de transigeance sur la fin, le changement doit s’opérer dans toutes les sphères, dans toutes les conditions, dans tous les domaines. Un régime est-il condamnable, il faut l’abattre tout entier. Pas de changement global des conditions actuelles sans révolution a-t-on dit.

Un changement obtenu par tous les moyens voilà surtout qui fait du révolutionnisme l’arme par excellence des peuples colonisés en voie de libération.

Tout d’abord, il convient de remarquer que révolutionnisme n’est pas synonyme de violence. Il n’exclut pas la violence, mais n’est pas seulement la violence.

Mais ensuite, afin d’être prêt à tout, il est nécessaire de constituer une force à opposer à l’ennemi.

Le révolutionnisme permet l’utilisation des multiples moyens secondaires propres à renforcer son potentiel, à renverser en sa faveur le rapport de forces existant.

C’est à ce titre que le parlementarisme peut et doit être envisagé par tous les révolutionnaires, à condition de veiller à ce qu’il demeure dans son cadre de simple moyen, faute de quoi on tomberait dans le réformisme.

Le révolutionnisme, excellent principe d’action, a reçu sa justification à la fois dans les faits et dans l’histoire, ce qui en fait le moyen de lutte efficace à utiliser par tous les opprimés, notamment par nous, Algériens, contre la domination colonialiste.

BASES SCIENTIFIQUES DU RÉVOLUTIONNISME

L’observation des choses et des faits montre que dans tous les domaines, économiques, sociaux, les changements s’opèrent non par transformation lentes, par évolutions mais par transformations brusques, par bonds c’est-à-dire par révolutions.

Ainsi le domaine des transports n’a pas été transformé par un perfectionnement des bêtes de somme, mais par l’invention d’abord de la roue, de la vapeur ensuite, enfin du moteur à explosion.

C’est surtout dans le domaine humain que les exemples de cette transformation par «bonds» nous apparaissent clairement, et l’histoire nous enseigne que les sociétés humaines ont progressé grâce à des révolutions, lesquelles sont l’aboutissement d’une lutte entre deux forces contraires, les forces anciennes, décadentes d’une part, les forces jeunes, montantes de l’autres. Les jeunes se développent, accumulent des énergies, luttent contre les anciennes et finissent par les égaler ; il se produit alors conflagration et changement de la situation antérieure.

Ainsi la Nation Irlandaise, dominée par l’Angleterre, n’a cessé durant des siècles, d’augmenter son potentiel, de renforcer sa lutte jusqu’au jour où la puissance de ses armes l’a libéré du joug anglais et en a fait une République Indépendante.

Un autre exemple, plus proche de nous est celui du Viêt-Nam, occupé vers la fin du XIXe siècle par le colonialisme français. Pendant un demi-siècle, le peuple vietnamien a lutté, préparé des forces, perfectionné ses moyens de combat, ce qui lui permet aujourd’hui de lancer le dernier assaut contre la puissance colonialiste. Ainsi sera close pour lui la période de domination étrangère et verra-t-il s’ouvrir une ère nouvelle de Liberté.

Ainsi le révolutionnisme est fondé sur la réalité des choses. C’est donc pour nous le grand principe à suivre ;

EN QUOI SERONS-NOUS RÉVOLUTIONNAIRES ?

Pour obéir aux lois de la transformation des choses, des idées et des sociétés humaines, nous serons révolutionnaires dans : nos buts, notre idéologie, notre action et enfin notre organisation.

A) RÉVOLUTIONNAIRES DANS NOS BUTS :

Nous devons viser non pas une petite transformation de l’état de choses actuel, une amélioration du colonialisme, ce qui est impossible et absurde, mais un changement total, la destruction du colonialisme lui-même, son anéantissement, en un mot : la Libération totale de la Nation algérienne.

Cette libération ne sera justement totale que si elle est :

  • politique, c’est-à-dire : Indépendance ;
  • sociale, c’est-à-dire : Justice sociale ;
  • culturelle, c’est-à-dire : Libre épanouissement de l’âme et du génie algériens.

Ces buts finaux n’interdisent nullement la lutte pour des buts immédiats plus modestes, mais l’arrivée à une étape ne doit pas arrêter l’action : elle doit faciliter la poursuite de la lutte, toujours plus haut vers le but final, vers l’équilibre des forces, qui permettra l’assaut décisif contre le régime colonial.

Par ailleurs, le changement que nous voulons dans notre situation par la destruction du colonialisme ne sera pas un retour vers le passé, vers la situation de notre pays avant 1830 ; qui dit révolutionnaire dit changement dans le sens du progrès, du nouveau, du meilleur. Depuis 1830 le monde a marché et l’Algérie aussi quoique arrêtée dans son évolution ne se trouve pas dans les mêmes conditions qu’au début du XIXe siècle.

L’Algérie de demain sera donc une Algérie moderne, à l’image du monde lui-même.

B) RÉVOLUTIONNAIRES DANS NOTRE IDÉOLOGIE :

  • «Sans théorie révolutionnaire, dit-on couramment, pas d’action révolutionnaire». La théorie c’est l’ensemble des principes directeurs de l’action, principes tirés de l’expérience et qui ont pris une forme générale. Autant la théorie est inutile sans la mise en pratique, autant la pratique est aveugle sans la théorie qui éclaire la route.
  • Une idéologie révolutionnaire est donc à la base de toute action révolutionnaire. Etre révolutionnaire dans notre idéologie c’est être animé d’idées montantes et motrices, d’idées d’avant-garde, au lieu de continuer à obéir aux idées anciennes, périmées, rétrogrades.

Dans tous les domaines il nous faut avoir des conceptions modernes et scientifiques, rationnelles et positives.

En tant que révolutionnaires, nous devons dénoncer toute idéologie rétrograde, toute théorie réformiste et surtout le «suivisme» et la démagogie. Le «suivisme» consiste à observer les idées et le mouvement spontanés des masses non éduquées politiquement et à les suivre, à se traîner à leur remorque. Une telle conception diminue le rôle des éléments conscients dans le mouvement et freine la marche générale en avant.

Etre révolutionnaire, c’est marcher à l’avant-garde, mener le peuple derrière soi, rendre peu à peu les masses conscientes, les élever. Par contre, être «suiviste» c’est tout simplement faire de l’opportunisme ou pire de la démagogie. La démagogie consiste à flatter les instincts, les préjugés du peuple ou même ses aspirations sincères, pour attirer une grande popularité, et ce sans vérifier la justesse, la valeur ou la possibilité de ces aspirations. Si l’opportunisme trompe le peuple et sacrifie ses intérêts réels, la démagogie peut être criminelle quand elle mène à l’aventure ou ne mène à rien.

Cependant, une idéologie d’avant-garde ne signifie pas idées étrangères au peuple.

En tant que révolutionnaires, nous devons être là comme ailleurs essentiellement réaliste. Notre idéologie sera donc profondément algérienne, c’est-à-dire basée sur les facteurs constitutifs de notre Nation, sur les aspirations profondes de notre Peuple.

C) RÉVOLUTIONNAIRES DANS NOTRE ACTION

L’action révolutionnaire se distingue à la fois du réformisme qui n’agit que dans certains domaines et par certains moyens exclusivement pacifiques, et du terrorisme qui est l’action immédiate par la violence. L’action révolutionnaire est avant tout une action générale énergique et méthodique.

1°) NOTRE LIBÉRATION SERA L’ŒUVRE DU PEUPLE ALGÉRIEN TOUT ENTIER :

En effet, le Peuple tout entier est opprimé et souffre du régime colonial ; aucune catégorie sociale n’ est épargnée ; il importe donc que tout notre Peuple, hommes, femmes, jeunes agissent étroitement unis et selon des méthodes appropriées, pour la libération nationale.

2°) NOTRE ACTION DOIT S’EXERCER DANS TOUS LES DOMAINES :

Etant donné que l’oppression colonialiste est générale, dans tous les secteurs de la vie nationale où se fait sentir la domination du colonialisme, nous devons agir pour la supprimer.

Comme nous l’a montré l’analyse du fait colonial, notre action doit porter sur les domaines économiques, social, culturel, religieux et politique.

  • Domaine économique et social.

Nous devons agir pour affaiblir l’emprise des exploiteurs de notre Peuple, lui opposer de la part des travailleurs algériens, qui sont les véritables producteurs des richesses algériennes, une résistance de plus en plus grande et efficace.

Quoique notre action libératrice se base essentiellement sur le Nationalisme et non sur la lutte de classes, notre Peuple, prolétarisé par le colonialisme, doit combattre sur le plan social pour supprimer l’exploitation dont il est l’objet.

Parallèlement à cette lutte contre l’exploitation, notre action doit tendre à supprimer les fléaux sociaux qui ruinent la santé physique, intellectuelle de notre Peuple et amoindrissent son potentiel.

  • Domaine culturel.

– Un peuple ne s’affirme pas seulement par sa force matérielle : l’épanouissement culturel est tellement un des meilleurs facteurs de sa renaissance et de sa marche en avant, que le colonialisme déploie des efforts considérables pour étouffer notre culture nationale. Il importe donc de notre côté de travailler à cette renaissance, à cet épanouissement de la culture algérienne, expression de l’âme et du génie de notre peuple. Extension de la langue classique, développement des langues et des cultures populaires, production littéraire et artistique, lutte contre l’obscurantisme, voilà des tâches à accomplir.

  • Domaine religieux.

Quoique notre lutte ne soit pas une contrecroisade, là comme ailleurs, une lutte est à engager contre l’ingérence colonialiste dans la religion musulmane et contre les multiples et graves atteintes dont elle est l’objet.

Mais un grave problème se pose : ces multiples activités pour relever notre peuple, sont-elles possibles, sont-elles efficaces dans la situation actuelle de notre pays, c’est-à-dire sous la domination colonialiste ?

Certes, des expériences nous montrent combien ces activités sont rendues difficiles parce que les colonialistes détiennent le pouvoir politique, grâce auquel ils étendent leur oppression à tous les domaines.

Le problème Algérien est donc avant tout un problème politique, un problème de souveraineté.

Mais le colonialisme, devant la montée du mouvement populaire, est très souvent obligé de jeter du lest, d’accorder de mauvais gré des réformes qu’il essaiera d’ailleurs d’annuler d’un autre côté si le peuple se laisse faire et s’il ne réagit pas. Le colonialisme compte aussi sur ces réformes accordées pour endormir le peuple un certain temps sur ce résultat obtenu, ce qui est évidemment pour nous un piège à éviter ;

Moyennant ces restrictions, la lutte quotidienne sur des objectifs immédiats est tout à fait positive et trouve une place importante dans la lutte révolutionnaire parce qu’elle offre une meilleure plate-forme pour les luttes à venir par les résultats concrets qu’elle apporte, parce qu’elle permet d’entraîner le peuple tout entier à des luttes plus difficiles et plus décisives, parce qu’elle lui évite la lassitude et l’encourage par les petites victoires obtenues, parce qu’elle l’ éduque et qu’au contact des réalités elle lui montre que si des résultats immédiats et minimes peuvent être obtenus par sa lutte quotidienne, son sort ne sera définitivement amélioré que par la destruction complète du régime.

Dans la vie d’un peuple, tout se tient, les choses et les faits, s’entremêlent, s’interpénètrent.

Par son totalitarisme même le colonialisme français exerce une oppression générale et totale sur le peuple algérien.

Notre lutte pour notre libération est un tout. Toute action dans tel ou tel domaine est positive : toute victoire partielle est un pas en avant. Le relèvement social et le développement culturel ne peuvent que faciliter et aider la lutte politique.

La lutte dans tous les domaines permet d’utiliser toutes les aptitude, toutes les énergies de notre peuple, elle permet d’accroître les possibilités révolutionnaires de la Nation Algérienne.

Notre action sera donc générale, mais visera avant tout et essentiellement un but politique. Seule la libération politique permettra une libération sociale et un épanouissement culturel complets du peuple algérien.

3°) NOUS DEVONS LUTTER PAR TOUS LES MOYENS :

Contrairement aux réformistes, nous, révolutionnaires, nous ne devons pas nous lier les mains, restreindre notre activité à un plan ou procédé seulement ; nous devons admettre tous les moyens de lutte pourvu qu’ils correspondent à nos forces réelles. Deux moyens s’offrent à nous : la lutte légale et la lutte illégale.

La lutte légale se déroule publiquement, face à l’ennemi et se base sur les lois qui nous régissent, c’est-à-dire sur les rares libertés et possibilités que nous laisse le régime colonial. Cette activité légale comporte deux avantages :

  • d’abord facile puisque permise par l’ennemi ;
  • ensuite susceptible de porter sur un champ vaste et de toucher tout le monde.

Mais le colonialisme qui détient le pouvoir politique tend justement à réduire les libertés d’action en édictant de nouvelles lois plus sévères et même en violant ses propres lois quand les Algériens peuvent en profiter. D’où la nécessité, tout en profitant au maximum de toutes les possibilités légales, d’utiliser des moyens illégaux , efficaces parce que plus énergiques et aussi à l’abri des manœuvres et des réactions colonialistes.

Lutte légale et action illégale s’imposent ; il importe de les coordonner pour les rendre plus efficaces l’une et l’autre et aboutir de façon certaine au but désiré.

4°) NOTRE ACTION DOIT ÊTRE MÉTHODIQUE,

C’EST-À-DIRE ORGANISÉE RATIONNELLEMENT

Vu la force de l’ennemi et la qualité de ses moyens de combat, nous devons élever nos méthodes au moins à la même perfection.

Il faut bannir l’empirisme, la routine, en un mot le «primitivisme» qui gaspille nos efforts et ralentit notre marche. Agir sans méthode, sans règles, marcher à l’aveuglette sans préparation et sans équipement c’est prendre son temps et même c’est aller au suicide.

Pour atteindre notre but il nous faut un plan d’action systématique, plus ou moins lointain, un plan de lutte opiniâtre et durable.
Stratégie et tactique, voilà la science de la direction de la lutte révolutionnaire.

La stratégie a pour objet de fixer la direction du coup principal pour une étape donnée de la révolution, d’élaborer un plan approprié à la disposition des forces révolutionnaires, de lutter pour la réalisation de ce plan tout au long de l’étape envisagée. La stratégie s’occupe des forces principales de la Révolution et des réserves, c’est-à-dire des alliés possibles.

La tactique a pour objet :

  • de fixer la ligne de conduite du mouvement pendant une période courte correspondant à un essor ou à un recul du mouvement révolutionnaire ;
  • de lutter pour l’application de cette ligne en remplaçant les anciennes formes de lutte et d’organisation par de nouvelles, les mots d’ordre anciens par de nouveaux. La tactique qui est variable selon les circonstances est une partie de la stratégie, subordonnée à celle-ci et destinée à la servir.

Il est nécessaire de distinguer la tactique de l’opportunisme :

Si la tactique est l’adaptation des formes de lutte pour atteindre, dans les circonstances nouvelles, le but fixé par le plan stratégique, l’opportunisme est l’absence de toute stratégie et tactique, c’est le changement total des activités, la déviation du but .

5) Quel doit être, selon cette conception révolutionnaire que nous avons choisie,

LE PROCESSUS GÉNÉRAL DE NOTRE LUTTE LIBÉRATRICE ?

Le réformisme étant écarté comme inefficace, il convient aussi d’éviter l’aventure de «l’assaut immédiat». L’assaut est l’attaque d’une force organisée, préparée, entraînée, et non l’explosion spontanée d’une foule. Il faut donc rassembler, organiser, entraîner cette force.

  • Rassembler et unir

toutes les forces nationales en vue de la lutte libératrice ; c’est le rôle de la propagande qui dénonce les méfaits du colonialisme et exalte le patriotisme algérien en même temps qu’elle éclaire ces forces nationales et les rend plus conscientes.

  • Organiser et éduquer

le Peuple pour en faire une force homogène, souple, capable de lutter contre la force colonialiste.

  • Lutter :

nous devons mener contre le colonialisme une lutte incessante, opiniâtre pour, d’une part, entraîner le peuple, l’aguerrir, perfectionner ses méthodes, et d’autre part arracher les avantages utiles à l’amélioration des conditions de vie et à la progression dans la lutte. Par cette action incessante le Peuple algérien acquiert des énergies nouvelles jusqu’au jour où sa force révolutionnaire lui permettra de passer à l’offensive générale contre les forces du colonialisme, pour détruire totalement le régime d’oppression.

D) RÉVOLUTIONNAIRES DANS L’ORGANISATION :

Pour mener cette lutte révolutionnaire il faut unir tous les efforts individuels.

L’organisation est le rassemblement des individus suivant une discipline idéologique et matérielle pour une action commune en vue d’un but commun.

S’il n’existe pas une organisation forte, entraînée à la lutte et sachant la mener à tout moment et quelles que soient les circonstances, il ne saurait être question d’aucun plan d’action systématique, éclairé par des principes fermes et rigoureusement appliqués.

L’organisation doit être avant tout adaptée aux buts à atteindre et aux circonstances de la lutte.

Le Mouvement National Révolutionnaire doit être :

• À bases multiples : c’est-à-dire qu’à chaque domaine et à chaque aspect de la lutte doit correspondre une organisation spécialisée : syndicat, parti politique, etc.

• Une organisation de masse, c’est-à-dire grouper toutes les forces populaires, le maximum d’hommes, de femmes, de jeunes qui veulent participer à la lutte anticolonialiste, à l’action libératrice. Il est nécessaire pour avoir un large front d’écarter tout sectarisme nuisible.

• Une organisation d’élite, car si le nombre est nécessaire dans notre combat, la qualité ne l’est pas moins. Dans les conditions difficiles de notre lutte, seule une organisation d’élite peut accomplir les tâches révolutionnaires que nous nous assignons. Cette organisation doit rassembler les meilleurs éléments du peuple, par leur dévouement à la cause nationale, leur esprit révolutionnaire, leur compétence technique, et préparer les cadres capables de diriger le Peuple dans la lutte

Organisation légale et organisation clandestine :

Une organisation légale est nécessaire pour mener l’activité légale. Mais cette organisation est exposée à la répression ennemie. Pour mener l’activité illégale, pour permettre la continuité de la lutte malgré les répressions du colonialisme, une organisation clandestine s’impose. Choix rigoureux des membres, secret rigoureux doivent être la base de cette organisation.

Au centre du Mouvement National de libération, il y a le Parti , c’est-à-dire l’organisation politique. Un parti révolutionnaire doit être :

UN PARTI D’AVANT-GARDE,

c’est-à-dire être animé et guidé par une idéologie et une théorie révolutionnaires. «Seul un parti guidé par une théorie d’avant-garde peut remplir le rôle de combattant d’avant-garde». Le parti doit, pour diriger le Peuple, marcher à l’avant et non se traîner à la remorque des événements ; il doit voir plus loin et plus grand ; il doit être l’éducateur politique et l’état-major du Peuple dans la lutte révolutionnaire. «Il ne suffit pas de coller l’étiquette d’avant-garde sur une théorie et une pratique d’arrière-garde. Il faut travailler beaucoup et avec opiniâtreté à élever notre conscience politique, notre esprit d’initiative et notre énergie.»

Mais quoique d’avant-garde, le parti ne doit jamais s’isoler du Peuple ; il doit garder contact, posséder un crédit moral et politique auprès du Peuple pour pouvoir le guider, le mobiliser dans la lutte. Le Parti doit puiser ses énergies du Peuple en y poussant de profondes racines, en un mot : être un «Parti du Peuple», luttant avec le Peuple et pour le Peuple ;

UN PARTI ORGANISÉ.

Le parti doit éduquer le Peuple, lui inculquer l’esprit d’organisation, de discipline, de lutte méthodique ; pour s’acquitter de cette tâche il doit lui-même être la personnification de la discipline et de l’esprit d’organisation.

Spécialisation des tâches, hiérarchisation des fonctions, centralisme de l’autorité, voilà les bases de l’organisation.

Spécialisation des tâches :
pour utiliser les compétences et améliorer le rendement ;

Hiérarchisation des fonctions :
chaque membre du parti obéit au supérieur et commande aux subordonnés ;

Centralisme :
c’est-à-dire que l’autorité vient d’en haut.

Cependant le centralisme qui est nécessaire peut aboutir à l’ossification du parti, à l’étouffement des militants et même à une déviation, d’où nécessité de le corriger par un esprit démocratique, c’est-à-dire un contrôle des dirigeants par la base en un mot : Centralisme démocratique.

UN PARTI HOMOGÈNE, c’est-à-dire basé sur l’unité idéologique, l’unité organique, l’unité dans l’action. Pour être fort le parti doit avoir une cohésion et une discipline de fer.

La discipline n’exclut pas les discussions, les luttes d’opinions au sein du parti, au contraire, la discipline ne peut être totale que si elle est consciente et librement consentie.

La discussion terminée, la critique épuisée, dans des formes adéquates comme dans les congrès ou les conférences, l’unité de volonté et l’unité d’action de tous les membres du parti sont des conditions indispensables sans lesquelles on ne peut concevoir un parti.

Il s’ensuit que l’existence de fractions est incompatible avec l’unité du parti. Le parti se fortifie en s’épurant des éléments opportunistes qui le désorganisent et freinent son action révolutionnaire.

Élan révolutionnaire d’une part, sens pratique et esprit d’organisation de l’autre, voilà les conditions d’une action efficace, d’un succès certain.

Deux dangers sont à éviter : d’une part le verbiage ou élucubration révolutionnaire qui se substituent à l’action, d’autre part l’affairisme sans principes, la routine.

Pour remédier à ces dangers il convient de se soumettre à une autocritique régulière et rigoureuse.

Il n’y a pas d’homme ni de parti infaillible, c’est dans l’action que l’on apprend à lutter, l’expérience est justement l’ensemble des faits positifs ou négatifs qui peuvent servir comme leçons. En tant que révolutionnaires nous devons toujours tendre à remplacer les anciennes formes d’organisation et de lutte par de nouvelles plus efficaces, c’est cela l’autocritique dans un mouvement.

Faire une faute peut n’être pas grave et personne n’est infaillible, mais renouveler ses propres fautes peut être criminel.

Un parti sérieux se reconnaît en face de ses erreurs . Il doit analyser objectivement toutes les situations, reconnaître ce qu’il y a de positif ou de négatif, découvrir les erreurs, rechercher les causes de ces erreurs et enfin trouver les meilleures solutions pour y remédier. Sans cette autocritique courageuse le mouvement dévie de sa ligne et dégénère.

Révolutionnaires, nous irons toujours de l’avant dans les idées et dans les faits, nous lutterons toujours avec énergie et méthode.

III – D É M O C R A T I E

La démocratie, que nous érigeons comme notre troisième principe d’action, veut dire strictement «Gouvernement du Peuple».

Mais de par le monde entier ce terme a pris un sens plus large, il implique la liberté et le plein épanouissement des hommes, il représente l’aspiration la plus chère de tous les peuples.

Le Peuple algérien, dont les énergies sont tendues vers la conquête de son bonheur, aspire lui aussi à la démocratie, qui en est la condition. L’amour de la démocratie a été chez l’algérien une caractéristique constante au cours de son histoire et il en reste des traces dans certains traits de sa vie. Mais cet amour n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui, où le Peuple algérien, assoiffé de cette démocratie, lutte pour sa liberté politique, pour faire respecter sa dignité, ses biens, son culte et tout son patrimoine culturel.

C’est pourquoi nous posons aujourd’hui la démocratie comme un principe permanent, qui nous guidera aussi bien dans la lutte actuelle anti-impérialiste, que dans le relèvement futur de notre Nation.

En effet, en gardant vivant en nous cet esprit démocratique qui nous anime, nous apportons à notre lutte un facteur idéologique constamment accru et renouvelé par le colonialisme qui tend à s’y opposer. Mais c’est surtout pour ne pas perdre dans le futur les fruits de notre action actuelle que nous posons ce troisième principe. Un peuple qui lutte pour l’indépendance nationale doit rester constamment vigilant pour que cette indépendance ait pour lui le contenu qu’il souhaitait. Cette vigilance doit être entretenue développée pendant la lutte.

Enfin, la lutte qui nécessite le groupement d’un grand nombre d’individus acquiert, quand ce groupement est conçu selon des principes démocratiques, une grande efficacité.

LA DÉMOCRATIE DANS NOS BUTS :

c’est d’abord la démocratie sur le plan politique, la participation du peuple tout entier au gouvernement du pays, à la gestion générale et locale de ses affaires, son contrôle permanent pour faire respecter les libertés fondamentales.

La contrainte et l’oppression se manifestent également par les déficiences de la vie sociale qui empêchent le peuple d’agir et de penser sainement ; c’est pourquoi la démocratie est aussi pour nous un but dans le domaine social, dans l’instauration d’un régime bannissant l’exploitation de l’homme par l’homme , véritable plaie entravant l’essor du peuple.

Dans le domaine culturel, la démocratie permettra le développement de la personnalité du peuple, encouragera les manifestations du génie populaire et le développement de toutes les intelligences.

Tel est pour nous l’aboutissement logique d’une lutte qui n’aurait pas son sens entier si elle n’était orientée dans un sens démocratique.

C’est pourquoi également, l’organisation, qui est à l’avant-garde de la lutte doit être selon des principes démocratiques.

Comprise de la sorte, elle reflétera les points de vue de tous et acquerra la cohésion nécessaire, en même temps que les méthodes et les lignes d’action seront perfectionnées grâce à la confrontation des points de vue. Bref, ces principes démocratiques ne s’opposeront en aucune manière au centralisme qui est une nécessité mais contribueront à le rendre plus efficace par la collaboration générale.

Ainsi, NATIONALISME, RÉVOLUTIONNISME et DÉMOCRATIE forment pour nous un tout dont les éléments se complètent admirablement et constituent, pour chaque modalité que peut présenter la lutte, pour chaque circonstance nouvelle, des GUIDES ET DES POINTS DE REPÈRE précieux parce qu’ils correspondent à la RÉALITÉ même. Telle doit être la qualité première d’une DOCTRINE qui veut se transformer en action.

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SOLIDARITE AVEC LES ENSEIGNANTS EN LUTTE

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(Extraits d’une déclaration de la Fédération d’Oran du MDS qui nous est parvenue datée du 13 novembre 2009)
Texte intégral peut être consulté sur le site de la Fédé d’oran du MDS)

Algériennes, Algériens!

En dépit des désagréments causés par la grève, ne vous laissez / ne nous laissons plus manipuler contre les enseignants! Car leurs intérêts sont ceux de nos enfants, leur dignité est la nôtre, et ce sont tout d’abord des citoyens qui partagent avec nous les préoccupations de justice sociale, de juste répartition du revenu national, de dégoût face à la corruption généralisée, de rejet de toutes les formes de hogra et de refus de toute répression contre celles et ceux qui luttent pour faire respecter leur dignité quand cette dernière est bafouée par les institutions comme dans le cas présent! Ils aspirent comme nous et oeuvrent – à contre-courant d’une minorité d’entre eux qui militent pour laisser l’Ecole emprisonnée dans sa chape intégriste – à une Ecole désidéologisée, ouverte à l’universalité, tournée vers le développement de l’intelligence, de l’esprit critique, de la rationalité et du savoir et vers la formation de citoyens aux défis de ce 3ème millénaire et à la nécessaire refondation d’une Algérie « de son temps », moderne et démocratique, conformément aux vœux et à l’esprit de ceux qui se sont sacrifiés pour son Indépendance!

  Exprimons toute notre solidarité aux enseignants et à leurs syndicats autonomes dans leurs luttes légitimes, en cours ou annoncées pour prochainement, pour la reconnaissance de leur fonction sociale et exigeons leur respect, car c’est seulement avec des enseignants respectés que l’on peut réformer en profondeur une Ecole sinistrée par les politiques successives qu’elle a subies!

  Condamnons l’instrumentalisation effrénée, jusqu’à en déshumaniser les personnels et agents, des appareils judiciaires et de sécurité contre eux, à l’instar de tous les citoyens en lutte pour une vie digne!

  Exigeons l’ouverture d’un dialogue responsable avec leurs représentants syndicaux et leur représentation légitime dans la Tripartite, réduite arbitrairement à ce jour à la seule représentation de la non représentative UGTA qui, en l’occurrence, n’a pas manqué de participer dans certaines localités au harcèlement des enseignants grévistes!

  Dénonçons la poursuite acharnée de l’obstruction de l’avenir de la Nation à travers la détérioration progressive de notre Ecole!

La Fédération d’Oran du MDS

FESTIVAL STRASBOURG – MÉDITERRANÉE

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Pour sa sixième édition le FESTIVAL STRASBOURG – MÉDITERRANÉE – 2009, qui fête sa dixième année d’existence a choisi le thème « HÉRITAGES « .

Entre le 21 novembre et le 5 décembre, 91 événements se succéderont à Strasbourg, d’une grande diversité d’expression:

Concerts : entre autres: Marcel Khelifa, Amazigh Kateb, Yasmin Levy, Angélique Ionatos et Catherina Fotinaki, et de nombreux groupes de musique andalouse, turque et grecque, marocaine, etc…

Spectacles :

autour du vécu des émigrés (« Les Folies Berbères« ),

de la politique d’immigration « Effet Miroir« : « L’hospitalité concerne les relations, les liens, les échanges de l’ensemble de l’humanité sur la planète. Elle a un lien étroit avec la liberté de mouvement qui ne se réduit pas à la vision utilitariste de la libre circulation des biens, des capitaux. Elle vise à réduire la guerre et à construire la paix»…);

mais aussi autour de Germaine Tillon (« Il était une fois Germaine Tillon », , théâtre documentaire articulé sur trois périodes clés de sa vie…)

Rencontres – Débats, parmi lesquels:

Legs colonial: Les indépendances des anciennes colonies au sud de la Méditerranée datent d’au moins un demi-siècle. Au-delà des batailles de mémoires de part et d’autre des deux rive…

Mahmoud Darwich, la Palestine comme métaphore, avec Elias Sanbar

Kateb Yacine, le poète comme un boxeur

Projections 11 films:

du plus ancien (« Z » de Costa Gravas)

aux plus récents (« Le temps qu’il reste » de Elia Suleiman,

et « La république Marseille » de Denis Gheerbrant);

deux films autour de Kateb Yacine…: « Kateb Yacine, l’amour et la révolution » de Kamal Dehane; La troisième vie de Kateb Yacine, de Brahim Hadj Slimane

Expositions:

« Les Républicains espagnols pour témoins, 1930-1975 »

François Maspero et les paysages humains

Poésies – Contes: dont une lecture musicale du poème de Ismaël Aït Djaffer de 1954, « Complainte des mendiants de la Casbah et de la petite Yasmina tuée par son père »

Pour avoir une idée détaillée du programme de ce festival, cliquez ici …

QUAND LA CULTURE TRAVAILLE L’ALGÉRIE PROFONDE

Il y a du plaisir et des raisons d’espoir à lire le constat livré par Mr Salah Guemriche dans un article récent du quotidien Liberté. Contrairement aux idées reçues, il y souligne la soif culturelle et la vitalité créative qui font leur chemin dans les recoins de l’Algérie profonde, malgré obstacles et entraves dont l’épisode Chewing gum donne une idée grotesque et caricaturale.

C’est un des multiples îlots et faits de société culturels encourageants dans la crise globale que vit le pays. On peut se souvenir à ce propos que la poussée du mouvement de libération nationale avec son tournant politique décisif des années 50 a émergé et pris appui sur le socle d’innombrables initiatives à la base et d’efforts diversifiés de renaissance culturelle à partir des années trente du siècle dernier.

COLLOQUE À GUELMA SUR KATEB YACINE

“Abou Chewing-gum” chez les Keblout

D’abord, pardon à Guelma et aux valeureux organisateurs du Colloque international sur la vie et l’œuvre de Kateb Yacine, pardon pour ce titre qui commence par occulter le succès de leurs journées mémorables… Cela dit, qu’un wali de la République prononce son discours inaugural tout en mâchant un chewing-gum, puis s’adresse individuellement aux invités venus d’Europe et du Maghreb sans renoncer à sa gomme, voilà qui restera sans précédent

L’inconvenance et la vulgarité se sont ainsi conjuguées pour jeter le discrédit, non seulement sur l’homme (ce qui, en soi, est négligeable), mais surtout sur la fonction.

Du jamais vu ! Une telle goujaterie en dit long sur la désinvolture et l’incompétence de nos nouveaux zouâma, ce qui les place au premier rang des responsables de la déliquescence et de l’avilissement de nos institutions.

Mais que cela ne nous empêche pas d’exprimer ici notre reconnaissance à l’Association pour la promotion du tourisme et l’action culturelle, initiatrice et organisatrice dudit colloque, à toute l’équipe et au maître d’œuvre, Ali Abassi, comme à leurs jeunes bénévoles qui, du 27 au 30 octobre, auront permis d’accueillir, d’honorer et d’entendre d’éminents spécialistes (des Algériens, des Marocains, des Tunisiens et des Européens, parmi lesquels deux Français et une Autrichienne), évoquer la vie et l’œuvre de celui qui restera l’un des plus grands noms de la littérature mondiale de la deuxième partie du XXe siècle. On sait que Guelma n’était pas la seule ville (en Algérie mais aussi en France) à commémorer l’événement, mais il se trouve que les racines ancestrales de Kateb Yacine autorisent les Guelmois à le considérer comme un enfant du pays. Pour avoir vu et fouler avec respect et émotion le fief des Keblout, pour avoir entendu nombre de témoignages évoquant les petites mais si prégnantes célébrités du cru, personnages rocambolesques ou délirants, qui accompagnèrent la vie de l’auteur de Nedjma, les intervenants sont repartis convaincus de cette légitimité, même s’ils n’oublient pas que Kateb fut natif de toute l’Algérie et qu’il fut l’inflexible ennemi des zouâma et des confréries de tous bords.
Disons-le simplement : ce colloque a marqué indubitablement les esprits, côté intervenants comme côté public.

Depuis plus de vingt ans que je participe à des rencontres de ce genre, traitant de la littérature ou des médias, au Maghreb, en Europe, aux États-Unis ou au Québec, je ne me souviens pas avoir connu une telle intensité dans l’échange et une telle synergie. Que cela ait pu avoir lieu à Guelma, ma ville natale, voilà qui ajoute à ma satisfaction d’avoir été l’un des intervenants.

Et que l’on ne voit pas dans ces propos un parti pris régionaliste : je crois avoir, dans mes écrits comme dans ma déjà longue vie, trop fustigé l’esprit partisan et l’opportunisme pour céder aujourd’hui à leurs sirènes…

Quand je pense que Guelma est restée longtemps, trop longtemps, une ville imperméable à toute initiative culturelle digne de ce nom, non pas tant du fait de la population que du fait des autorités locales, réputées pour leur impéritie et leur indifférence à tout ce qui pouvait élever les esprits ; quand je pense à ce superbe théâtre à l’italienne, qui a failli être rasé (seule l’intervention de Boumediene en personne l’avait, dit-on, sauvé de la destruction) ; quand je pense à cet impressionnant amphithéâtre romain, qui, rarement exploité, accueillit tout de même feue Beggar Hadda comme la Guerre de deux mille ans de Kateb Yacine, mais qui continue d’être “géré” par un gardien monolingue, vous débitant ses litanies historiques sommairement maîtrisées, alors qu’un tel édifice mérite un guide bilingue, voire trilingue, bénéficiant d’un bagage historique et culturel confirmé ; quand je pense à cette salle de cinéma, unique salle pour toute une wilaya, restée quarante ans impraticable ; quand je pense à ce magnifique kiosque à musique défiguré par deux fois puis rasé avant d’être remplacé par une horreur architecturale, sous prétexte de raser tout ce qui rappelle la période coloniale ; quand je pense à ces villas coquettes, qui furent certes celles des pieds-noirs bien lotis (mais tous les pieds-noirs ne le furent pas, bien lotis), transformées en de disgracieuses bâtisses et parfois même en de véritables bunkers, sans la moindre fenêtre sur le monde ; quand je pense à ces immeubles aux appartements cossus, jadis, devenus d’affreux “bétonvilles” ; quand je pense à ces rues naguère si avenantes et d’une propreté souvent donnée en exemple dans le pays, jusque dans les années 1980 ; quand je pense à tout cela, je me dis que la semaine que je viens de passer, à l’occasion de ce fameux colloque, aura été un séjour de rêve.

Et que, si les responsables de cette ville, au lieu de passer leur journée à mâcher du chewing-gum mental, se mettaient à “mâcher” plutôt des idées qui élèvent l’esprit et contribuent au mieux-être de leur population, Guelma aurait toutes les chances de redevenir une cité digne de son histoire et de sa renommée, aujourd’hui ternie, hélas, par l’incompétence et l’incurie. Puisse donc, pour cela, mille associations fleurir, du genre de celle qui nous a permis de vivre des moments forts et féconds, dignes de l’hommage rendu à l’auteur de Nedjma. Puisse aussi cet hommage devenir un rendez-vous pérenne et soutenu, d’autant mieux soutenu que la date de la disparition de Kateb Yacine, un 28 octobre, est faite pour nous conduire au 1er novembre de chaque année : les journées de colloque pourront alors se conclure en apothéose le jour anniversaire du déclenchement de la guerre. Une guerre qui, pour avoir été celle de l’Indépendance et de la libération, ne fut pas moins une Guerre de deux mille ans…

S. G.

salah.guemriche@hotmail.fr

APPELS, ACTIVITES, INITIATIVES, MANIFESTATIONS…

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Dans cette rubrique, S0CIALGERIE.NET veut se faire l’écho des appels, activités et manifestations progressistes qui lui seront adressées.

Le seul critère est qu’elles soient empreintes de l’esprit démocratique, unitaire et constructif dont le mouvement social et politique algérien a plus que jamais besoin. Tout ce qui entretient l’esprit d’émulation et d’initiative au service d’une Algérie qui veut garder l’espoir sera le bienvenu.

Syndicat Autonome des Travailleurs de l’Education et de la Formation

SATEF

Section Régionale de Béjaïa

DECLARATION –APPEL

Le SATEF-Béjaia appelle à la grève dans le secteur de l’éducation à partir du 09 Novembre 2009.

C’est la position naturelle de notre syndicat qui se veut force sociale de changement, partie prenante de l’intersyndicale autonome de la fonction publique (IAFP) et défenseur conséquent des intérêts de tous les acteurs de l’école et du centre d’enseignement et de formation professionnelle.

Il s’agit là de la principale ligne directrice du SATEF-Béjaia jusqu’au prochain congrès national : tout secrétariat général et tout cadre est censé y travailler par la réhabilitation des instances, des textes et des échéances.

La section régionale SATEF de Béjaia se réserve le droit d’évaluer ou de rejeter tout accord public ou secret, toute alliance locale ou autre qui entrerait en contradiction avec cette ligne directrice. Dans ce sens le SATEF-Béjaia salue l’unité d’action des syndicats autonomes à travers la relance de l’IAFP.

Deux mois après la rentrée scolaire, l’école publique ne se retrouve toujours pas : surcharge et réorganisation cacophonique des cartes scolaires (emplois du temps, etc.) ; dépermanisation et carence en personnel d’enseignement et d’encadrement ; démotivation de corps entiers (adjoints d’éducation, laborantins, conseillers d’orientation), etc. Tous les effets négatifs des nouveaux statuts général et particuliers entrent en vigueur.

Il faut attendre que le voile soit levé sur l’issue de la ‘formation continue’ que des milliers d’enseignants ont suivi et qui demeure sans suite en termes de diplômes et de reclassement ; sur les décisions de promotion des adjoints d’éducation aussitôt annulées et sur l’annulation autoritaire, de fait, récurrente, des décisions des conseils de classe. Ces revendications sont les nôtres :

 Pour une école publique de qualité pour tous.

 Pour l’augmentation des salaires en les indexant sur le pouvoir d’achat par l’abrogation de l’article 87 bis.

 Pour un régime indemnitaire conséquent.

 Pour le respect du pluralisme et des libertés syndicales.

 Pour l’intégration de tous les vacataires et des contractuels

 Pour la valorisation des corps d’encadrement (Adjoints d’éducation, laborantins, conseillers d’orientation).

 Pour une gestion démocratique, saine, transparente et équitable des œuvres sociales.

Béjaïa, le 06 Novembre 2009

Le coordinateur

Hocine BOUMEDJANE

La présente déclaration est mise en ligne sur le blog Nasr-Moqawama à ce lien :


APRÉS LES ÉMEUTES EL ANCOR

ORGANISER LA SOLIDARITÉ AUTOUR DES VICTIMES

CRÉER UNE SOLIDARITÉ VIGILANTE ET AGISSANTE

C’est un SOS pour tous ceux qui peuvent faire quelque chose.

Ne serait-ce qu’informer autour d’eux.

message tel qu’il nous a été transféré par un ami d’Oran:

…Vous êtes certainement au courant des émeutes qui ont suivi la manifestation pacifique contre les effets des carrières à El Ançor – Oran.

Parmi les personnes qui vont être jugés lundi prochain figure le président de l’ONZA (association trés active pour la défense de l’environnement à El Ançor), Mr Nassri Merah connu sous le nom d’ El Ansri, un homme de 60 ans. Et comme on peut le deviner, nous avons toutes les difficultés pour exprimer notre solidarité…

…Beaucoup de gens notamment parmi le mouvement associatif d’Oran ont eu à travailler avec El Ansri et nombreux sont ceux qui ont apprécié les paellas qu’El Ansri préparait et offrait généreusement à des dizanes de personnes à plusieurs occasions comme les dernières campagnes de nettoyages de la plage, l’été dernier….

Parmi ces gens , il y avait les membres de bel horizon et son président …

voir la presse du 28 octobre en cliquant ici…


Contriburion: HOMMAGE À UN MAÎTRE DISPARU

PAR LAKHDAR BRAHIMI

Le professeur Abdelaziz Ouabdesselam est mort. Je le savais gravement malade ces derniers mois et je m’attendais à cette triste nouvelle. Elle fut, néanmoins, reçue avec une peine d’autant plus profondément ressentie que, me trouvant à l’étranger, je n’ai pas pu me joindre à sa famille, à ses amis, à ses collègues et à ceux de ses anciens élèves qui ont pu l’accompagner à sa dernière demeure. J’ai été l’un de ses élèves.

J’ai beaucoup appris de lui, je l’ai beaucoup aimé et bien que je ne le voyais plus très souvent, je ressens sa disparition de manière très forte.

Cet homme, vraiment exceptionnel, manquera à tous ceux qui ont eu le privilège de le côtoyer. Belaïd Abdesselam dans El Moudjahid et le professeur Chems- Eddine Chitour dans L’Expression lui ont rendu un hommage mérité. Il me semble devoir ajouter un très humble témoignage personnel.

Nous sommes en 1948, à la Medersa d’Alger qui était en passe de devenir «Le Lycée d’enseignement franco-musulman». …

(Lire le corps de l’article sur le site du Soir d’Algérie )

L’évocation de Lakhdar Brahimi se termine ainsi:

….Tout au long de ma carrière, surtout aux moments les plus difficiles, je me suis presque toujours souvenu d’un conseil, d’un mot, parfois seulement d’un regard de cet être exceptionnel et j’y ai puisé réconfort et inspiration. Lorsqu’on me demande de citer les noms de ceux qui ont influencé et façonné ma personnalité, que ce soit au cours d’une interview à Jakarta ou à l’issue d’une conférence dans une université de par le monde, le nom du professeur Abdelaziz Ouabdesselam est toujours cité parmi les premiers. Il nous a quittés donc, vraiment, notre très cher maître. Il restera dans notre mémoire, mais aussi dans celle de nos enfants. Dans celle des miens, en tous les cas, car je leur ai souvent parlé de lui quand ils étaient jeunes et encore maintenant qu’ils ont leurs propres enfants.

Et pour finir, cette suggestion : est-ce que les élèves de la Medersa et ceux de l’Ecole polytechnique voudraient se retrouver pour parler de lui, ensemble et aux autres qui aimeraient entendre parler d’un enseignant, un vrai ? Il s’agirait d’organiser une manifestation publique, au lycée Amara-Rachid ou à l’Ecole polytechnique – peut-être vers la fin décembre ou début janvier – où quelques-uns pourraient prendre la parole en notre nom à tous pour dire non seulement tout ce que nous devons à notre très cher disparu à titre personnel, mais aussi et surtout l’héritage considérable qu’il laisse à l’ensemble du pays si nous voulons bien nous en rendre dignes.

L. B.

paru dans Le soir d’Algérie, édition du 5 novembre 2009

pour lire l’article en entier, cliquez ici…


lancement d’un site web: www.cicc-dz.net

Cercles d’Initiative Citoyenne pour le Changement

le Mercredi 28 Octobre 2009, 13h25

« lancement d’un site web »

comme point de départ d’un projet pour le changement du système de gouvernance dans la paix et la sérénité, en dehors de toute violence.

Merci de me faire part de vos observations, remarques et suggestions d’amélioration.

Bien amicalement

Dr Ahmed Benbitour

pour accéder au site cliquez ici…


THÉÂTRE RÉGIONAL DE BATNA EN TOURNÉE NATIONALE

“L’EMPEREUR ET LE CHACAL” PRODUCTION

DU TRB Tournée nationale Depuis leur sortie il y a vingt jours, les
comédiens du Théâtre régional de Batna, accompagnés d’un empereur
et d’un chacal, ont déjà secoué plusieurs salles à travers le pays.

Chaleureusement accueillis à Ouargla, l’Empereur et le Chacal ont non
seulement ébranlé la salle de la Maison de la culture de Ouargla mais
ont fait l’enrichissement des adultes et la joie des enfants. Deux
pièces et deux jours gravés à (…)

par sebti mallem, 28 octobre 2009

[pour voir l’article en entier, cliquez ici …:
http://www.frantzfanoninternational.org/spip.php?article168->http://www.frantzfanoninternational.org/spip.php?article168]


RACHAD TV SUR LE WEB

6 November 2009

Communiqué

يسر حركة رشاد الإعلان عن إنطلاق البث المباشر لتلفزيون رشاد على الإنترنت.

بُرمجت بداية البث يوم:

الثلثاء 10 نوفمبر 2009

على الساعة 19:30 بتوقيت الجزائر

كونوا في موعد الحصة الأولى من البرنامج تحت عنوان:

« من الأمس إلى الغد »

يمكن مشاهدة البث المباشر على العناوين التالية:

1 – tv.rachad.org (اللذي سيعوض الموقع الحالي للمرئيات)

2 – www.livestream.com/rachadtv

3 – www.justin.tv/rachadtv

كما يمكن المشاركة في الحصص المفتوحة للحوار بالاتصال:

1 – التلفوني على الرقم : 00442031293081

2 – على حساب rachadtv على Skype

Rachad à le plaisir d’annoncer le lancement de la diffusion directe de Rachad TV sur le web.

Le début de la diffusion est programmé pour le :

Mardi 10 Novembre 2009
à 19h30, heure d’Algérie

Soyez au rendez-vous de la première émission du programme (en langue arabe) intitulée :

« من الأمس إلى الغد»

Les émissions seront diffusées sur les sites suivants :

1 – tv.rachad.org (qui remplacera l’actuel site de vidéos)

2 – www.livestream.com/rachadtv

3 – www.justin.tv/rachadtv

Il sera également possible de participer aux émissions ouvertes à la discussion en appelant :

1 – Le numéro de téléphone: 00442031293081

2 – Sur Skype le pseudo rachadtv

Aussi sur youtube :
http://www.youtube.com/rachadtv

et
http://www.youtube.com/yourachad


LES LETTRES D’ISHTAR

N° 38

pour consulter le site cliquez ici …

pour consulter le blog de l’association, cliquez ici…

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SUR LE SITE www.algerie-focus.com

à propos d’une « censure louche », en Algérie

pour écouter la video, cliquez ici …

http://www.algerie-focus.com/2009/10/30/interview-de-mehdi-el-djezairi-auteur-de-poutakhine-censure-en-algerie/