Après le décès de Larbi Belkhir: interrogations sur la nature et le fonctionnement du système algérien

« Socialgerie » a reçu l’annonce d’un débat sur les ondes autour du thème: »Le décès de Larbi Belkkir tourne-t-il une page quant à la nature du système en Algérie ? ».

Sans anticiper ni préjuger du contenu de l’émission, celle-ci apprendra-t-elle vraiment quelque chose de plus aux Algériens depuis longtemps sans illusion quant au fonctionnement du régime depuis l’indépendance ?

Ci-dessous, pour ceux intéressés par l’écoute, des indications en arabe et français,diffusées par les instaurateurs de l’émission « Rachad TV »:

كونوا في موعد حصة « من الأمس إلى الغد »

الثلاثاء 2 فبراير 2010

على الساعة 19:30 بتوقيت الجزائر

لموضوع:حوار على المباشر مع الضابط السابق في المخابرات حسين أوقنون

هل وفاة العربي بلخير طي لصفحة فيما يخص طبيعة النظام في الجزائر

RachadTV accueille l’ex-capitaine du DRS, Hassine Ouguenoune

La mort de Larbi Belkheir : une nouvelle donne sur la nature du pouvoir en Algérie?

Mardi 2 février 2010, 19:30

أرسلوا أسئلتكم مسبقا على العنوان التالي

1 – tv.rachad.org

2 – www.livestream.com/rachadtv

3 – www.ustream.tv/channel/rachad-tv

كما يمكن المشاركة في الحصص المفتوحة للحوار بالاتصال:

1 – التلفوني على الرقم : 00442031293081

2 – على حساب rachadtv على Skype

Pour nos téléspectateurs en Algérie, nous recommandons de suivre nos émissions sous ce lien:

http://www.ustream.tv/channel/rachad-tv

1989: RÉFLEXIONS D’UN MILITANT SUR LA RÉORGANSATION DU PARTI

En ce vingtième anniversaire de la crise du PAGS, SOCIALGERIE poursuit la publication de documents demeurés inconnus parce que étouffés par des appareils qui n’en souhaitaient pas la diffusion et la discussion. (1)

Ces documents mettent en lumière les attentes démocratiques et organisationnelles dont la non satisfaction a fragilisé le PAGS en cette période cruciale de transition.

Après la lettre de Sadek Aïssat déjà publiée, c’est aujourd’hui la contribution de Tahar Abada, militant universitaire actif et respecté de la longue traversée clandestine, aguerri par les luttes aux côtés des travailleurs industriels et de la paysannerie mobilisée pour défendre ses acquis.

Pour situer cette contribution dans le contexte global de la crise, voir sur le site
l’entretien de Sadek Hadjerès au « Soir d’Algérie » réalisé par Arezki Metref les 1er et 2 juin 2007, qui reprend aussi les articles à la presse de novembre 1992 ( El Watan des 28-29 novembre 1992 et Alger Républicain du 29 novembre 1992) et autres…

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CONTRIBUTION DE TAHAR ABADA

La réflexion collective sur cette question me semble d’une importance stratégique et vitale pour le parti au moins pour trois raisons :

• Le Parti sort à la légalité

.

Ce passage se fait sans traditions acquises dans la mise en œuvre des règles de fonctionnement démocratique – dans tout le Parti. Le parti est né et a grandi dans la clandestinité, avec toutes les contraintes et les limites qu’imposait la clandestinité à un réel fonctionnement démocratique : (circulation très large de l’information, élaboration collective de la ligne, élections aux différentes responsabilités… etc.). Un bilan sur cette période très riche dans l’histoire du Parti devrait obligatoirement se faire et ceci pour d’une part tirer les leçons pour l’édification du Parti dans les nouvelles conditions et, d’autre part, pour nous préparer y compris à un éventuel retour à la clandestinité que pourrait nous imposer la situation politique.

Ce passage se fait aussi dans des conditions politiques et socio-économiques engageant notre pays dans une étape nouvelle nécessitant une réflexion en profondeur dans le Parti pour la formulation de ses tâches. Le parti avec le retard pris dans l’assimilation des conditions nouvelles de la lutte et dans le travail d’élaboration, est en train de négocier un tournant très difficile et très important, comportant des risques de tensions extrêmes dans la formulation théorique de ses tâches et dans l’expression politique pratique de leur prise en charge, risque pouvant conduire à une déstabilisation de ses rangs, à la perte de cadres et de militants qui ne seront pas suffisamment imprégnés des réalités politiques et socio-économiques nouvelles dans notre pays et dans l’évolution du rapport des forces dans le monde.

Il nous a été donné de constater lors de séances d’animation ou d’échanges sur des problèmes importants (mouvement syndical, arabisation, la formulation de la politique des aliances, « l’insertion inévitable de notre économie dans la nouvelle division internationale du travail » lors de la lecture de la déclaration du 09 / 05 / 1989, l’appréciation précise sur l’évolution de la formation socio-économique de notre pays, et plus récemment encore, l’ « autonomie » des universités… etc.), des frictions importantes dans nos rangs, frictions dues essentiellement aux retards d’assimilation, résultats des insuffisances de la clandestinité au plan politico-organique et des relâchements de l’animation politico-organique dans la période qui a suivi octobre. (Comment expliquer que le rapport de Juillet 87 et ceux élaborés après octobre « points de repères stratégiques» et points de repère sur la situation politique n’aient pas connu d’études collectives approfondies ?).

Cette situation est en train d’être corrigée par l’effort d’organisation engagé au cours de cette dernière période (mise en place de cellules, début d’organisation dans les quartiers, collectifs de directions provisoires à différents niveaux… etc.).
Cependant, le « gros » reste à faire au plan du fonctionnement démocratique comme levier irremplaçable afin de surmonter les divergences d’appréciation, réaliser le consensus à travers une réelle prise en charge de la circulation de l’information dans tout le Parti pour favoriser le débat et l’alimenter.

Ce débat et cette circulation de l’information sont une exigence de la vie démocratique dans le Parti. Ils doivent se faire parallèlement aux efforts d’élaboration théoriques engagés dans le Parti pour assurer dans les faits et concrètement l’exigence de l’élaboration collective de la ligne du parti.

• Le fonctionnement démocratique du Parti est un levier indispensable

à la mise en mouvement de tout le Parti à la conquête des masses. L’organisation du Parti n’existe pas pour elle même, elle est au service de la ligne du Parti, et l’exigence du fonctionnement démocratique de cette organisation à tous les niveaux n’est pas un « caprice » mais un impératif à prendre à charge pour que tout le Parti se mobilise autour des tâches élaborées collectivement, et dont chaque camarade est comptable devant les autres et devant l’ensemble du Parti de leur réalisation.

Ce besoin de démocratie et de transparence s’est déjà exprimé comme exigence lors du passage à la légalité, sous diverses formes, parfois spontanée, avec « un esprit frondeur et revendicatif » parfois plus consciente et peut-être empreinte d’impatience, ne tenant pas suffisamment compte de l’état réel d’organisation du Parti. Mais dans tous les cas, les réponses données ont été peu convaincantes. Ce que les camarades ont exigé, c’est d’être associés pleinement et informés sur les initiatives du Parti, parce qu’ils considèrent que c’est leur Parti et donc, ils doivent être pleinement impliqués dans tout ce qui touche au Parti : organisation, élaboration… etc.

A plusieurs reprises, nous avons assisté à une sorte de « grogne » chez les camarades (légitime), et plus récemment encore, quand les « collectifs régionaux provisoires » ont été mis sur place, ou à l’occasion de séminaires (finances, éducation, organisation) qui n’ont pas bénéficié d’une préparation à la base. Cette « grogne » fait suite aux anciens « réflexes » hérités de la clandestinité (rétention de l’information, conceptions anciennes des tâches internes … etc.), et dont il faut se débarrasser très rapidement, sinon elles deviendront un véritable frein au fonctionnement démocratique du Parti.

Il est vrai que le fonctionnement démocratique du Parti ne peut être pleinement assuré que si les tâches d’organisation et d’édification du Parti avancent, ce qui rendra possible la circulation de l’information, l’organisation de consultations dans tout le Parti sur les sujets préoccupants, garanti les échanges entre la direction du Parti et l’ensemble des militants. Que si avance aussi la lutte dans nos rangs contre le sectarisme, l’esprit d’autosuffisance, l’esprit autoritariste et dirigiste, que si on acquiert l’esprit d’ouverture nécessaire et la culture du dialogue qui nous rendront capable d’être attentifs aux débats contradictoires, à respecter les avis de nos contradicteurs et à les faire connaître aux échelons supérieurs du Parti et à la direction.

• La situation qui s’est crée dans les pays de l’Est

et son accélération ces derniers mois nous interpelle, entre autre, sur le respect et l’observation des normes de fonctionnement démocratique du Parti, du caractère de ses liens avec toute la société. Le « glissement qui s’est opéré, empiétant le fonctionnement démocratique du Parti, a engendré une « substitution » des appareils du Parti, non seulement à l’ensemble du Parti, mais aussi à toute la société. Cette situation a fait que les appareils du Parti échappaient à tout contrôle organisé de l’ensemble du Parti, entrainant des déviations graves aux principes léninistes de direction, au culte de la personnalité (résidus vivaces du stalinisme), à la corruption endémique, à la fuite en avant, à la bureaucratisation de l’ensemble de l’organisation du Parti, le rendant incapable de diriger la société., se substituant au peuple et entravant un principe toujours juste du marxisme (et dont les derniers développements en RDA, Tchécoslovaquie, Hongrie, Bulgarie n’en sont qu’une confirmation éclatante) à savoir que « ce sont les masses qui font l’histoire ».

Les causes de ce « glissement » sont à rechercher dans l’histoire des Partis Communistes de ces pays, dans les conditions nationales et internationales de l’époque, et de leur évolution ces quarante dernières années.

La mise en pratique du fonctionnement démocratique du Parti, ainsi d’ailleurs que la maitrise et l’assimilation des nouvelles conditions socio-économiques et politiques du pays et, par voie de conséquence la maitrise de la ligne du Parti (dans sa formulation théorique et son expression pratique) seront sérieusement confrontées à deux obstacles :

➢ La faiblesse de la formation théorique (politique et idéologique, la très faible maitrise du marxisme qui est très largement répandue dans nos rangs, y compris chez de nombreux cadres intermédiaires. C’est là un sérieux handicap pour un Parti comme le nôtre, pour qui la science marxiste (économie politique, matérialisme historique et matérialisme philosophique) est un guide de son action.

➢ La lourdeur exercée par tous les réflexes, méthodes de travail… etc. acquis dans la clandestinité. Il sera très difficile de se débarrasser de tout cet héritage pour s’ouvrir vers les exigences de l’édification du Parti dans les conditions de la légalité.

L’enracinement des méthodes de fonctionnement démocratique du Parti a un caractère stratégique dans la vie du Parti et leur mise en pratique doit être une préoccupation majeure chez tous les camarades, car c’est dans la pratique de tous les jours qu’elles prennent naissance et se développent.

QUELQUES PROPOSITIONS ET IDEES

(soumises au débat)

1. Chaque camarade, quelles que soient ses tâches et responsabilités, doit être intégré dans une cellule.

2. Dans le Parti, dans les cellules et collectifs, nul n’est détenteur de la vérité absolue, nul n’est dépositaire de la ligne du Parti. C’est le Parti, les cellules et collectifs qui par le débat, les échanges… etc., par la mise en mouvement de l’intelligence collective qui décident, élaborent, adaptent la ligne et les mots d’ordre du Parti.

En conséquence, être attentif et favoriser le débat contradictoire. Faire connaître tous les points de vue exprimés aux instances supérieures du Parti et à la direction à travers des PV.

En conséquence aussi, le responsable de cellule (ou de collectif) a le même poids que chacun des camarades composant la cellule (ou le collectif). Dans les réunions de cellules (ou de collectifs), le responsable se doit d’enlever « sa casquette de responsable » pour ne la remettre qu’après que la décision collective ait été prise, pour suivre sur le terrain sa mise en application, et préparer les matériaux de la prochaine réunion.

3. Pour les cellules déjà constituées, il serait temps de passer aux élections des bureaux de cellules pour mieux organiser le travail du Parti. Arrêter les échéances et donc le plan de travail bureaux des sections, conseils fédéraux et leurs bureaux…), là où pour arriver à l’élection des structures intermédiaires (sections et bureaux des sections, conseils fédéraux et leurs bureaux…) là où les conditions sont déjà réunies ou sont en train d’être réunies.

4. Prendre toutes les mesures pour assurer la circulation de l’information dans le Parti (de bas en haut et de haut en bas) : veiller à exiger des PV de réunion des cellules et des collectifs intermédiaires, élaboration de flash d’informations sur les activités de masse du Parti, sur les activités internes du Parti… etc. Prendre appui sur les expériences récentes du Parti pour la préparation de la Conférence Nationale à la base pour lui assurer un succès. Veiller à assurer la participation active de la base, y compris pour l’élection des délégués à cette conférence.

L’organisation et le développement de la communication dans le Parti, l’organisation des débats collectifs sur l’ensemble des questions qui préoccupent les camarades (qu’ils soient liés à la ligne du Parti, à la situation dans les pays de l’Est… etc.) constituent un puissant facteur du développement du fonctionnement démocratique du Parti.

La direction du Parti doit rendre des comptes régulièrement de son activité à l’ensemble du Parti, à travers un communiqué interne. Elle doit aussi faire connaître régulièrement l’avance dans l’élaboration, par la circulation dans les cellules de base et collectifs intermédiaires des documents liés à ce travail d’élaboration (même s’il n’y a pas encore de documents parfaits).

5. Le fonctionnement démocratique du Parti exige aussi le contrôle organisé de la base sur les activités des différents collectifs de direction intermédiaires, à travers des formes adaptées à l’état actuel d’organisation du Parti (AG bilan par ex.) doit être une exigence pour l’ensemble des structures du Parti, y compris celles supposées transitoires (ou provisoires).

6. Le droit de rappel doit aussi s’exercer comme forme du fonctionnement démocratique du Parti. Ce droit de rappel des responsables élus s’exerce aussi bien sur les structures intermédiaires que sur la direction du Parti.

7. Un élu ne peut assumer que deux ou trois mandats et, les structures de direction du Parti à quelques niveaux que ce soient, doivent être obligatoirement renouvelées par tiers à la fin de chaque mandat et ce, afin d’assurer à la fois le renouvellement de la composante et la continuité dans le travail de direction.

8. Le centralisme démocratique assure l’unité d’action du Parti, dans le sens où la minorité adopte, dans la pratique, les décisions majoritaires. Cependant, et autour de questions fondamentales, s’il y a divergences d’appréciation, comment prendre en charge dans tout le Parti l’avis minoritaire ? Sans faire du Parti une sorte de mosaïque, de patchwork, assurer la publicité dans le Parti des avis minoritaires peut aider à approfondir le débat.

Tahar ABADA

Blida, le 11/12/1989


Le PAGS A BESOIN D’UN FONCTIONNEMENT DEMOCRATIQUE
PAR MHD KHADDA ET CELLULE D’ALGER-CENTRE
; en date du 2
juillet 1990; dare de mise en ligne: 17 février 2010

Lire la contribution de la cellule d’Alger-Centre …


SADEK AISSAT, SON APPROCHE SOCIALE ET DÉMOCRATIQUE

COURAGE POLITIQUE CONTRE HÉGÉMONISMES DE TOUS BORDS
,
le 24 juillet 1990; date de mise en ligne: dimanche 17 janvier 2010

Lire la lettre de Sadek Aissat


UNE DÉMYSTIFICATION DU DISCOURS ULTRALIBÉRAL « MODERNISTE »
ET PSEUDO-MARXISTE
; automne 1990; date de la mise en ligne: vendredi 19 juin 2009

Lire la contribution …


REHABILITER LE POLITIQUE

HADJERES AU « SOIR D »ALGERIE », GRAND ENTRETIEN AVEC AREZKI
METREF
; mai-juin 2007; date de mise en ligne: dimanche 31 mai 2009

Lire l’entretien…


NOUVELLES LUMIERES SUR L’ICE-BERG DE LA CORRUPTION

Hocine MALTI est l’ancien vice-président de la puissante SONATRACH qui avait courageusement dénoncé, avec succès, la tentative de brader honteusement les ressources algériennes en hydrocarbures.

En saura-t-on bientôt un peu plus sur les mécanismes et l’ampleur de la corruption dans les hautes sphères du pouvoir ?

Des mesures significatives s’ensuivront-elles, qui briseraient le cercle consensuel des règlements de compte entre les clans, qui se sont toujours arrêtés à des coups d’épingle dans des broutilles?

La dénonciation par ce connaisseur ne portera des fruits substantielsi que si son initiative est relayée par la vigilante mobilisation de l’opinion populaire et progressiste

LETTRE OUVERTE

À MESSIEURS LES ENQUÊTEURS DU DRS

Messieurs,

Nous avons appris par la presse de ces derniers jours qu’après un travail de fourmis que vous avez mené durant deux semaines, vous avez mis au jour un gros problème de corruption au niveau de l’état-major de la Sonatrach. Le président directeur général, des vice-présidents et des directeurs de la compagnie, l’ex-PDG du CPA, un entrepreneur privé ainsi que les enfants des deux PDG sont, soit sous les verrous, soit sous contrôle judiciaire.

Bravo Messieurs, vous avez fait du bon travail.

Tous les Algériens honnêtes, tous ceux qui ne vivent que de la sueur de leur front, ne pourront que vous féliciter.

On nous a dit aussi que ce serait sur injonction du Président de la République qu’ont été menées vos investigations.

On a également appris à travers la presse, que les malversations en question concernaient l’octroi de marchés à deux bureaux d’études et de consulting ainsi que l’achat d’installations de surveillance sur des pipelines.

Malgré les bons résultats auxquels vous êtes parvenus, je dois cependant vous dire que, nous citoyens, restons quand même sur notre faim à la lecture de ces informations.

C’est pourquoi je m’adresse à vous pour vous faire part d’un certain nombre de constatations, de remarques et de questions que celles-ci soulèvent.

Parmi les premières constatations qui sautent aux yeux, il en est une que vous avez certainement du faire vous-mêmes : les affaires que vous avez mises au jour concernent des marchés d’importance «secondaire», dirions-nous.

Des études de consulting représentent des contrats dont les montants varient entre quelques dizaines de milliers et quelques centaines de milliers de dollars.

Il en est de même de l’achat de matériels et équipements de contrôle et de surveillance électronique installés sur des canalisations de pétrole ou de gaz. C’est un peu plus cher que des études, mais cela reste d’un niveau modeste.

Des commissions de 10% à 15% -c’est le «tarif» en général– représentent des petites sommes.

Loin de moi l’idée de chercher à diminuer ou à atténuer la culpabilité des personnes concernées, car une malversation reste une malversation, un corrompu reste un corrompu et un vol reste un vol, quelque soit le montant des sommes détournées ou indûment perçues. Il faut mettre fin à ce genre de comportements et à ce fléau social qu’est la corruption même si cela ne porte que sur des petites affaires.

Ce qui me gêne néanmoins –autant vous le dire crûment– c’est que, bien que vous ayez fait un très bon travail, vous avez quand même tapé un peu à côté de la plaque. Vous avez été comme qui dirait bridés ou alors vous vous êtes à dessein confinés dans l’investigation des petits marchés, comme si la corruption ne concernait que les petits contrats. On a l’impression que vous n’avez pas su chercher ou que l’on ne vous a pas laisser aller au-delà d’un certain niveau.

Malheureusement, la corruption est partout présente en Algérie. Elle est particulièrement présente dans les grands marchés, ceux qui se chiffrent en milliards de dollars, ou éventuellement en centaines de millions.

C’est là que les dégâts pour l’économie nationale sont énormes et c’est surtout dans ces marchés que vous devriez aller fourrer votre nez. Je vous fournirai plus loin quelques pistes à explorer.

La seconde constatation que l’on peut faire à la lecture de ce qui a été publié dans la presse est que la progéniture de certains responsables est également «dans le coup».

Là aussi on doit vous dire bravo, car vous avez ainsi mis au jour une évidence, dont on ne voulait pas prendre conscience jusque là, pour je ne sais trop quelle raison.

Mais alors, ne vous arrêtez pas en si bon chemin. Intéressez-vous aux activités de certaines autres progénitures, bien connues à Alger, qui possèdent une double nationalité et qui résident à l’étranger.

Vous découvrirez, Messieurs les enquêteurs, que nombre de contrats passés par la Sonatrach l’ont été grâce à l’entregent de ces enfants et grâce à l’assistance de papa, qui lui occupe de hautes fonctions dans l’appareil économique algérien.

Ma troisième remarque porte sur le niveau de responsabilité des personnes soupçonnées d’avoir perçu des pots-de-vin. Ce sont certes les plus hauts cadres de la compagnie nationale des pétroles, mais pensez-vous sincèrement, Messieurs les enquêteurs, que ces cadres ont agi seuls?

Pensez-vous vraiment qu’ils ont pris seuls le risque de briser leurs carrières professionnelles, leurs vies familiales et leurs avenirs, sachant par avance que s’ils étaient découverts, ils passeraient de longues années en prison ? Imaginez-vous un instant qu’ils n’ont pas pris auparavant la «précaution» de solliciter la protection de responsables autrement plus importants, tant au sein du pouvoir politique que du pouvoir militaire ? Une telle protection se paye évidemment en monnaie sonnante et trébuchante.

Ne croyez-vous pas que ces cadres ne sont en réalité que des seconds couteaux, des acteurs agissant pour le compte de parrains autrement plus puissants ?

Je suis pour ma part convaincu –je suis certain qu’au fond de vous-mêmes vous l’êtes aussi– que ce serait plutôt à la demande et pour le compte de certains puissants du régime que ces cadres ont fait ce qu’ils ont fait, et qu’ils se sont, bien entendu, servis au passage.

Encore une fois, ceci ne diminue en rien leur niveau de culpabilité, puisque même s’ils n’avaient rien pris au passage, ils n’en seraient pas moins coupables de corruption en bande organisée.

Ce qui me gêne, à vrai dire, c’est que vous n’ayez découvert qu’une partie infime des malversations qui caractérisent le secteur pétrolier algérien. Tout se passe comme si on vous avait demandé de ne pas porter vos investigations vers la partie immergée de l’iceberg.

Ce qui me gêne c’est de constater, encore une fois, que les très hauts responsables politiques et militaires algériens semblent être immunisés contre toute tentative de corruption, qu’ils ne sont ni corrompus, ni corrupteurs, qu’ils sont blancs comme neige, comme si la corruption s’arrêtait au dernier étage de la technocratie.

La situation présente ressemble étrangement à celle de l’affaire Khalifa où les malversations révélées n’avaient atteint que le poste de gouverneur de la Banque centrale ; au-delà, il n’y en avait pas.

Elle est aussi identique à celle de l’affaire BRC où le plus haut responsable inculpé était le président directeur général de l’entreprise et dans laquelle, au-delà de ce niveau, tout le monde était net et propre.

Au risque de me répéter, je suis obligé de constater qu’il y a quelque chose qui cloche : ces investigations et ces inculpations qui s’arrêtent à un certain niveau de responsabilité ne sont pas le fruit du hasard. Il y a, visiblement en coulisses, des forces occultes qui agissent et qui décident de stopper les recherches à un certain point, une fois qu’elles ont atteint le but qu’elles visaient.

Même quand, comme dans l’affaire Khalifa, un ministre admet devant un tribunal une part de responsabilité dans le scandale ou que le secrétaire général de l’UGTA dit assumer certains actes de mauvaise gestion qui en sont en partie la cause, l’establishment fait comme s’il n’avait pas entendu ces déclarations.

Messieurs les enquêteurs,

J’ai signalé au début de mon écrit que c’est par la presse que nous, citoyens, avons été informés de ce scandale. J’aurai du dire –ce que vous avez certainement constaté tout comme moi- qu’il ne s’agissait, en réalité, que d’une partie de la presse. A l’exception de trois ou quatre journaux arabophones et francophones qui ont publié des dossiers bien documentés sur l’affaire, les autres n’ont fait que reprendre ce que leurs confrères avaient déjà porté à la connaissance de leurs lecteurs. Et ce, quelques jours plus tard seulement, comme s’ils attendaient un feu vert de quelque part.

C’est là l’autre bizarrerie que l’on relève dans ce grand déballage.

Est-ce à dire que certains journalistes, exerçant dans certains titres, ont de grandes capacités d’investigation que leurs collègues n’ont pas?

Ou alors, ont-ils leurs sources d’information auprès de certains services -dont le vôtre notamment, Messieurs les enquêteurs, puisque ce sont les résultats de votre travail qui nous ont été révélés- que les autres ne possèdent pas?

Ou plutôt -autre hypothèse- «on» n’a fait fuiter que vers certains les informations que l’ «on» voulait porter sur la place publique?

C’est en cela aussi que le bât blesse.

Vous n’êtes pas sans savoir, ce que savent d’ailleurs tous les Algériens qui s’intéressent à la vie politique de leur pays, qu’au sein du régime algérien existent des clans qui sont en affrontement quasi permanent pour le pouvoir, chacun essayant d’augmenter et de pérenniser le sien.

C’est pourquoi la bizarrerie que nous venons de signaler, ainsi que celle qui veut que les investigations s’arrêtent à un certain niveau, prennent une autre dimension. On a la nette impression que derrière l’avalanche d’informations qui nous est fournie par la presse, il y a un règlement de comptes.

Cette sensation de règlement de comptes est d’autant plus perceptible que l’on nous dit donc que ce serait sur injonction du Président de la République que ces investigations ont été conduites. Vous n’êtes pas sans savoir que le Président de la République et son entourage sont partie prenante dans cette lutte pour le pouvoir. On constate, en outre, que les personnes impliquées dans cette affaire, aussi bien celles qui ont été arrêtées ou mises sous contrôle judiciaire, que celle dont le «processus vital» a été engagé, comme l’a si bien dit un journaliste de renom, font toutes partie du clan présidentiel. Doit-on en conclure que le président, veut faire le ménage dans la maison, veut nettoyer les écuries d’Augias, même si cela devait se faire à son «détriment»? Ce serait alors tout à son honneur.

Quand on sait cependant comment certaines affaires ont été étouffées, comment a été dissoute BRC dès que le scandale a pris des proportions qui risquaient de porter atteinte aux puissants du régime, je ne peux m’empêcher de poser la question suivante : pourquoi Abdelaziz Bouteflika s’est-il ainsi «tiré une balle dans le pied», comme on dit en langage courant? A-t-il été poussé vers cette alternative par de puissantes forces occultes? Ou bien alors a-t-il voulu, par une telle décision, protéger d’autres personnes de son entourage, plus importantes à ses yeux et plus chères à son cœur, quitte à en sacrifier certaines?

En tous cas, on ne peut que souhaiter d’assister plus souvent à des règlements de comptes de ce genre qui permettent de dévoiler des affaires de corruption. Le pays se débarrasserait ainsi du plus grand fléau social qui ronge la société algérienne qui éliminerait ainsi de ses rangs les brebis galeuses.

Venons en maintenant, Messieurs les enquêteurs, aux pistes que je vous ai promises et sur lesquelles vous pourriez travailler.

Vous y rencontrerez certainement du plus gros «gibier», vous y découvrirez des malversations autrement plus importantes que celles que vous avez mises au jour jusque là et vous ramènerez très probablement dans vos filets de plus grosses prises.

1°/ – Intéressez-vous d’abord aux ventes de pétrole par la Sonatrach.

Vous constaterez que la compagnie nationale fait peu de ventes spot et que l’essentiel de ses ventes se fait à destination de quatre ou cinq clients seulement.

Si vous allez fouiller un peu plus profondément, vous vous rendrez compte que derrière chacun de ces clients se trouve un membre du sérail, que ces «barons» ont leurs hommes de paille à Alger, mais aussi des «correspondants» auprès des bureaux de Londres ou de Houston de la Sonatrach.

Quand on sait que les ventes de pétrole de la Sonatrach génèrent 60 à 70 milliards de dollars US par an, on ne peut qu’être frappé par le montant que représentent les commissions perçues par certains.

2°/ – Allez jeter un coup d’œil sur ce que l’on appelle le projet de gaz intégré de Gassi Touil, sur lequel la Sonatrach était associée aux Espagnols de Repsol et de Gas Natural, un projet qui était estimé à 3,6 milliards de dollars US et qui devait être réalisé en deux à trois ans au maximum.

Puis, voilà qu’il y a de cela quelques trois années, la Sonatrach rompait ce contrat pour des raisons pas très nettes et décidait de réaliser le projet toute seule.

Aujourd’hui celui-ci a été saucissonné en deux parties :

  • une première partie portant sur la construction à Arzew d’un complexe de GNL, d’un coût estimé à 4,7 milliards de dollars US qui a été attribué à l’entreprise italienne Saipem. La presse algérienne de ces derniers temps a relevé que le nom de cette société revenait un peu trop souvent dans les projets de la Sonatrach . Elle a de même traité, à deux ou trois reprises, de faits se rapportant à des contrats attribués à cette société qui devraient attirer votre curiosité. A signaler que Saipem a aussi décroché dans le courant de 2009, un nouveau contrat de 1,1 milliards d’euros et 30,45 milliards de dinars, portant sur la construction d’installations de production à Menzel Ledjmet Est.
  • une deuxième partie, concernant les installations de production sur le champ de Gassi Touil lui-même, a fait l’objet d’un contrat attribué à Japan Gasoline (JGC). D’un montant de 1,5 milliards de dollars US, les travaux objets du contrat étaient censés débuter à la fin de 2009 et devraient durer 42 mois.

Voici donc un projet qui devait coûter à l’origine 3,6 milliards de dollars US qui reviendra finalement à 6,2 milliards, soit 72% plus cher que prévu, qui devait se terminer dans le courant de cette année ou en 2011 au plus tard, mais qui, dans le meilleur des cas, ne sera achevé qu’en 2013. Cela ne vaudrait-il pas le coup de regarder de plus près ce qui se passe dans cette affaire?

3°/ – Un autre dossier devrait également attirer votre attention. Il s’agit du projet dit d’El Merk, monté en association entre la Sonatrach et Anadarko qui porte sur la construction d’un gros hub de production par lequel devrait transiter le pétrole brut en provenance d’une myriade de champs situés tout autour du point central d’El Merk.

Dans une première phase, ce projet avait été attribué de gré à gré à BRC, avant qu’il ne soit mis fin au contrat après la dissolution de cette entreprise.

Ce projet a été, lui aussi, saucissonné en deux parties, dont la plus importante a été confiée à SNC Lavalin, dans le cadre d’un contrat en trois phases. La première tranche coûtera à elle seule 1,1 milliards de dollars US, tandis que le projet global reviendra probablement à plus de 3,0 milliards de dollars US.

Quel «Monsieur J’sais tout» que cette entreprise qui, par ailleurs, se trouve toujours bien placée dans les appels d’offres de projets algériens et de plus en plus dans ceux de la Sonatrach !

Après s’être faite connaître en Algérie par la construction de Houbel et de Riadh El Feth, elle s’était lancée en 2005 dans la construction d’une station de traitement et d’une station de pompage dans le cadre du projet de transfert d’eau de Taksebt pour un montant de 750 millions de dollars canadiens.

Voilà qu’aujourd’hui SNC Lavalin s’engage dans la réalisation d’installations de production de pétrole assez complexes, mais aussi dans des projets d’urbanisme.

Le montant du contrat qui lui a été attribué pour les études, le suivi, le contrôle et la coordination des travaux de construction de la ville de Hassi Messaoud, s’élève à un peu plus de 500 millions de dollars US.

4°/ – Autre piste que je vous signale, celle portant sur la construction à Arzew d’une usine de production d’ammoniac et d’urée, une affaire d’un montant de 1,6 milliards de dollars US attribuée à Orascom, via la création d’une joint venture constituée pour l’occasion avec la Sonatrach.

Voici encore une entreprise du type «Monsieur J’sais tout».

Après la téléphonie mobile, la voilà qui entre dans le domaine de la pétrochimie, avec cependant un gros bémol à signaler.

Au lendemain de la signature du contrat avec la Sonatrach pour la réalisation de l’usine d’Arzew, Orascom s’est retournée vers une société d’engineering allemande de renom à laquelle elle a sous traité pratiquement l’ensemble du projet, tout comme on la retrouve également sur le projet El Merk signalé plus haut.

Vraiment Orascom sait tout faire, y compris acheter des cimenteries algériennes à un prix nettement inférieur à celui proposé par le cimentier français Lafarge, auquel elle revendait quelques semaines plus tard ces mêmes cimenteries avec un bénéfice de 600 à 700 %.

Quel est le secret de la réussite de l’entreprise égyptienne?

Réside-t-elle dans le sens des affaires de son PDG, Mohamed Ali Shorafa, ou dans le fait qu’il fut à une certaine époque directeur du protocole du cheikh Zayed Ibn El Nahyane, émir d’Abou Dhabi?

Ce ne sont là que quelques uns des dossiers sur lesquels vous devriez, à mon avis, vous pencher, car il y en a encore beaucoup d’autres. Il y a tellement de choses à dire et à faire à propos de la corruption.

Pour peu que l’on vous lâche la bride que l’on vous a mise sur le cou, je suis certain que vous parviendrez à des résultats qui dépassent de très loin les dizaines ou centaines de milliers de dollars de commissions que vous avez découvertes.

Vous aurez alors rendu un service énorme à votre peuple et vous aurez débarrassé votre pays de cette gangrène qui le ronge.

Bonne chance, Messieurs les enquêteurs du DRS.

Fraternellement,

Hocine MALTI, ex vice-président de la Sonatrach

27 janvier 2010

BARBES, VOILES, FOULARDS ET CHÉCHIAS ….

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Le plus important, est-il ce qui est posé sur les têtes ou ce qui bouillonne dans les têtes et dans les sociétés?

On pourrait aussi se demander : quelles sont les interactions entre les deux?

Pourquoi l’habitus corporel ou vestimentaire prend-il un sens dans certaines circonstances alors que dans d’autres circonstances il n’en a pas ou prend une autre signification?

Autant de questions complexes que des lois ou mesures administratives, dictées par les passions et les intérêts, croient trancher en évitant d’aller au fond des problèmes de société pour les résoudre…

En plus d’un demi-siècle, l’Algérie et le monde en ont vu passer, des modes et des couleurs. Qu’en était-il des problèmes sous-jacents? Agir sur les réalités ou sur les apparences?

Ce récit incitera-t-il à se méfier des visions simplistes? Aidera-t-il à préférer le « sur mesure » au « prêt à porter » dans les solutions préconisées?

par Sadek Hadjerès, [[chercheur en géopolitique, ancien premier secrétaire du PAGS (1966 -1990)]] le 22 décembre 2003

De vives polémiques autour des attributs pileux ou vestimentaires masculins et féminins font rage périodiquement des deux côtés de la Méditerranée En rapport quasi-direct avec les conjonctures politiques, elles ont été exacerbées au cours de la décennie récente par la spirale du drame algérien. En France, des réunions d’institutions ou d’organisations mettent le «problème» du foulard comme point unique à leur ordre du jour. Partout ailleurs dans le monde, il en a été de même lorsque des développements géopolitiques aux causes multiples ont amené les camps et les groupes qui s’affrontent à faire chacun pour sa part référence à «l’islam», les uns pour l’incriminer, les autres pour en réaffirmer les vertus.

Pourquoi tourne-t-on l’attention vers des «gadgets», ironise Said Yahia Cherif dans sa chronique «Sucré-Salé» de Beur-FM, alors que, suggère-t-il aussitôt après avec pertinence, les mêmes sont plus discrets quand il s’agit des enjeux financiers énormes liés par exemple aux interprétations religieuses de ce qui serait ou non licite à la consommation des musulmans.

Les illustrations qui suivent, autour d’un thème fortement controversé, s’échelonnent sur le demi siècle écoulé. Elles ne veulent pas convaincre mais donner à réfléchir sur des interactions complexes entre les luttes d’intérêts et le heurt des représentations. Mon témoignage et les opinions qui s’en dégagent se veulent une contribution à un débat que seul le mouvement social en définitive tranchera, à travers les lourds et graves enjeux et besoins de société qui ne cessent d’émerger, le plus souvent dans l’indifférence coupable de milieux dirigeants.

Comme si l’expérience ne nous avait pas encore suffisamment instruits, les problèmes actuels m’ont ramené à cinquante ans en arrière, quand dans “l’Algérie de papa”, le certificat de maturité sociale et politique vous était accordé lorsque MM. Durand et Lopez, détenteurs des critères de l’honorabilité, daignaient dire de vous: «ce MoKHammed là (ils prononçaient difficilement les h), vous savez, il est très bien; d’ailleurs la preuve, c’est qu’il est habillé comme nous”. Et de se répandre en plaisanteries mille fois usées sur les pantalons bouffants et les turbans des “melons”, les voiles féminins des “moukères”, etc. Ce genre d’approches assimilait une mode vestimentaire à une langue, une religion, une culture, un statut social et politique fortement dévalorisés à leurs yeux. Ce qui alimentait évidemment nos réticences, voire nos répugnances à adopter les signes extérieurs de “l’Autre”, puisque cela devait signifier passer dans son camp, devenir un “kafer”, l’impiété étant alors synonyme de complicité avec les oppresseurs.

La question ainsi abordée sur le mode manichéen durant des décennies continue à apparaître à de nombreux médias et hommes politiques comme un enjeu majeur. L’opinion s’est même fait jour dans certains milieux, que si grâce à des mesures administratives rigoureuses, on arrivait à faire disparaître barbes, foulards et hidjabs des paysages algérien et français, ce serait une grande victoire pour la modernité et la démocratie. Dans certaines conjonctures où les rapports de force ont basculé ou étaient sur le point de le faire, cette conception a fait la fortune inattendue des salons de coiffure, tandis que les rieurs se sont momentanément divertis des revirements dans la garde-robe de leur entourage.

Quant aux problèmes de fond, difficiles à résoudre par quelques coups de ciseaux ou un tour de passe-passe vestimentaire, ils se sont alourdis et aggravés, faute de vrais remèdes aux racines de la crise. L’arbre des façons de s’habiller et de se coiffer a fini par cacher la forêt des problèmes sous-jacents. D’autant plus facilement que nombre d’extrémistes islamistes, porteurs de projets de société fondamentalement opposés mais de représentations seulement symétriques à celles des “modernistes” de l’habit et de la coiffure pour ce qui est des mécanismes de pensée, en avaient fait de leur côté aussi une question de principe, un emblème, une stratégie. Ils n’ont ménagé pour cela aucun effort comme à Kaboul pour généraliser leur modèle, combinant dans ce but les exhortations à embrasser inconditionnellement leurs versions particulières de la foi et les contraintes physiques et morales au plus haut degré.

Ces batailles vestimentaires n’auraient eu qu’un intérêt folklorique, si elles n’étaient «le décor» et l’accompagnement de tragédies humaines insoutenables. Leur intérêt est qu’elles sont révélatrices de mécanismes et d’enchaînements pervers d’une époque lourdement chargée en heurts de représentations (d’aucuns les ont appelés de civilisation), en référence à des appartenances linguistiques, religieuses, culturelles, etc. Déployées au grand jour comme autant de drapeaux ou cheminant de façon souterraine, les représentations antagoniques sont en interactions sinueuses avec des enjeux réels et concrets mais le plus souvent masqués. Déceler ces interactions, leurs pièges et leurs paradoxes, est l’une des façons d’éclairer la complexité des conflits géopolitiques et de contribuer éventuellement à leur solution .

A travers les jalons concrets qui me reviennent en mémoire, c’est le rôle et l’importance du vécu que je souhaite mettre en lumière, que ce soit celui des individus ou celui des sociétés, dans les situations qui font problème. Sans opposer cette démarche aux éclairages théoriques et idéologiques, il me paraît plus productif de combiner les deux approches.

LES CHECHIAS DE MON ENFANCE

Nous, les petits indigènes des villages de colonisation de Berrouaghia puis de Larbâa où j’ai vécu, quand nous avions la chance (à cinq pour cent) d’être écoliers dans la deuxième moitié des années trente, nous ne faisions pas vieille France avec nos chéchias écarlates. Elles nous faisaient appeler « fromages rouges » par nos condisciples européens, tandis qu’à leurs yeux moqueurs nous devenions des « cailloux rasés » après avoir ôté nos couvre-chefs en salle de classe. Mais nous y tenions à ces chéchias, y compris si on avait été reçu le premier au concours des bourses et que l’instituteur disait de vous, en s’adressant aux élèves pieds-noirs: vous n’avez pas honte, il parle mieux que vous le français.

Cette chéchia n’était pas un symbole religieux. Il y avait dans le pays toutes sortes de couvre-chefs (araguiat, chaches, turbans, chapeaux de paille, etc) dont aucun n’avait été porté en Arabie par les contemporains du Prophète. La mienne, à l’armature rigide, était de type «turc», comme l’indiquait son nom de chachia Stamboul (mais d’autres l’appelaient le fass, sans doute en référence à la ville marocaine de Fès). D’autres chéchias, du genre tunisien, étaient plus souples, avec ou sans pompon, elle étaient aussi portées encore dans les années trente par les israélites âgés de Berrouaghia, c’était une des pièces de leur habit traditionnel.

L’essentiel pour nous résidait dans le fait suivant: garder sur la tête le couvre-chef de nos parents et arrière-grands-parents, de la plupart de nos voisins, de nos coreligionnaires et de nos compatriotes, faisait partie de notre personnalité. Nous ne nous imaginions pas autrement. Sans y avoir réfléchi outre mesure, notre coiffure symbolisait une de ces ultimes dignités que nous cherchions à préserver dans le naufrage culturel de la captivité coloniale. Malheur au condisciple européen qui, pour plaisanter gentiment ou vous tourner méchamment en bourrique, vous décoiffait ou pire, s’enhardissait à transformer votre coiffure en ballon de foot. La provocation était caractérisée, aussi humiliante et suivie de vengeance que l’insulte à votre mère.

Il était pour nous impensable de se promener tête nue ou de rentrer à la maison sans sa calotte. C’est bien pourquoi Nabi, sportif cycliste et loueur de vélos de Berrouaghia, avait son truc infaillible. Avant de nous laisser enfourcher sa mécanique louée pour un nombre de demi-heures indéterminé, il fallait lui laisser notre précieux couvre-chef dans l’atelier, au milieu duquel trônait un petit portrait de Mustapha Kamal Ataturk (comme chez le vieux Barazan, qui joignait à ses talents de coiffeur celui d’un habile extracteur de dents et du meilleur expert en circoncisions). À l’expérience, consigner notre chéchia était pour Nabi la meilleure garantie que nous lui ramènerions et la bécane et le montant de la course. En l’occurrence, notre tête nue ne scandalisait pas nos compatriotes villageois, elle figurait pour eux notre tenue de cyclistes occasionnels.

Pas de complexe dans ce domaine à l’égard des bérets des garçons européens. Par discipline et intérêt scolaire, nous entrions tête nue en salle de classe, comme les autres élèves, le seul problème mineur était que les casiers étaient parfois étroits pour nos calottes. Nous n’étions pas convaincus pour autant que la déférence envers un lieu respectable ne pouvait s’exprimer que par une règle unique. Pourquoi se décoiffer, plutôt que de nous déchausser comme nous le faisions avant de nous installer sur les nattes de l’école coranique, d’entrer à la salle de prières de la mosquée, ou tout simplement de rendre visite à des amis ou voisins à leur domicile, par égard au carrelage propre ou recouvert de tapis.

D’une certaine façon, nous ressentions mieux la relativité des mondes qui nous entouraient, alors que d’éminents idéologues colonialistes des années trente vantaient leur univers exclusif d’êtres supérieurs par de grasses railleries : ils pissent accroupis et nous pissons debout, ils rendent grâce à Dieu quand ils rotent après être rassasiés alors que pour nous c’est du plus indécent. Je vous épargne l’indigence d’autres insanités du même acabit.

Nous savions que dans les grandes villes, ou plus rarement dans notre village, certains de nos coreligionnaires sacrifiaient à la mode européenne. Cela n’avait pas sur nous l’effet particulier de nous inciter à changer ce qui nous paraissait l’ordre naturel des choses, à moins d’une motivation fortement intériorisée qui nous rendait attrayant le changement. Auquel cas, faites confiance au pragmatisme. Il nous faisait découvrir sans effort, comme pour tous les peuples du monde, les formes et les voies d’adaptation appropriées. J’en ai retrouvé trace dans la photo de groupe de l’association gymnique musulmane de la deuxième moitié des années trente à Berrouaghia, présidée par le même Nabi. Des enfants jusqu’aux seniors, nous étions vêtus de tenues blanches du meilleur goût moderne, et symboliquement, ce qui ne gâtait rien, nous arborions de fières chéchias stamboul frappées d’un petit croissant doré. Inutile de dire que les footballeurs «indigènes» de l’équipe locale ou quelques années plus tard ceux du Riadha Club de l’Arbâa (les clubs musulmans commençaient à contourner les interdits coloniaux) se passaient de cet accessoire encombrant en milieu de terrain et nul n’y trouvait à redire.

Bien sûr, comme pour toute tradition enracinée, la pression du « qu’en dira-t-on » jouait contre la montée des pratiques plus modernes. Cela donnait lieu à des compromis que nous trouvions amusants mais qui arrangeaient tout le monde. Les travailleurs émigrés en France venant passer leurs vacances en Kabylie, une fois installés dans le bus qui les ramenait du Bastion central d’Alger vers Tizi Ouzou, rangeaient dans leur valise la casquette ou le béret qu’ils portaient en embarquant à Marseille ou à Port Vendres. Ils les troquaient pour la coiffure la plus appropriée à leur village natal et ressortaient de leur valise-vestiaire cosmopolite le burnous qui couvrait de ses larges plis leur costume à l’européenne. Ainsi étaient-ils prêts à reprendre leur place à l’assemblée de la djemâa aux côtés de leurs parents et proches restés en «tagandourt» (gandoura ou djellaba), avides pour leur part de se faire raconter dans le plus petit détail comment ça se passait de l’autre côté de la mer.

Enfants, nous avons vécu les mêmes tribulations vestimentaires quand nous nous rendions au village natal pour les trois mois de vacances scolaires. Il nous fallait prendre garde que nos chapeaux de paille d’été citadins, que nous avait fourgués Seksik, l’astucieux commerçant israélite en confection, ne ressemblent pas trop à ceux des Français, au risque de nous attirer le regard sombre du grand-oncle. Il était enraciné dans les traditions berbères bien que politiquement «pro-français» (Albert Camus, dans un de ses reportages parle de lui à propos du premier douar (Oumalou) détaché du système des “communes mixtes” et reconverti en centre municipal dont il fut le président désigné). Nous finissions par céder à ses remontrances, heureux que le chapeau paysan kabyle nous évite de retourner à la chéchia trop chaude pour les travaux des champs sous la canicule.

MUTATIONS SANS MYSTÈRES

Pourtant, peu d’années plus tard, à la charnière des années 42-43, il n’y a brusquement presque plus de chéchias chez les jeunes de Larbâa. A quoi est due une révolution vestimentaire aussi rapide?

Il y a eu simplement qu’on avait manqué de tout sous le régime de Vichy jusqu’en Novembre 42. Les pénuries, aggravées par les discriminations raciales, avaient mis les populations épuisées par la faim, le typhus et les ulcères phagédéniques, dans un dénuement quasi total. Elles avaient réduit les habits, chaussures et coiffures du plus grand nombre à l’état de lambeaux rafistolés du mieux que nous pouvions. Sur quoi est survenu le débarquement en Afrique du Nord des troupes anglo-américaines, une manne pour les régions où elles campaient ou transitaient vers la ligne de front tunisienne, alimentant un marché considérable d’habits militaires et autres produits de consommation bradés à bas prix, troqués ou cédés gratuitement.

Croyez-moi, le plus grand nombre de jeunes a fait alors de nécessité vertu, le calot et la tenue des GIs ont représenté le top de l’élégance. Nous pouvions jouer avec nos vieilles chéchias usées jusqu’à la corde, roulées en guise de ballons, tandis que certains jeunes endimanchés, prolongeant les évolutions influencées dans les villes par les films égyptiens, se sont pris d’intérêt pour leur chevelure noyée sous la “gomina”, se demandant si la raie sur le côté plutôt que les cheveux en brosse, aurait davantage les faveurs des demoiselles. Car elles aussi, dans leur monde parallèle et derrière leurs adjars (voilettes) ou la petite lucarne de leur voile blanc traditionnel, scrutaient à leur façon les évolutions qu’elles commentaient au bain maure ou entre parentes et voisines. Malicieusement, certaines reprenaient même un couplet impertinent pour piquer leurs compatriotes “ya Johny ya Johny, aïounek hebblouni” (Johny, Johny, tes yeux m’ont affolée”).

La métamorphose n’a eu besoin ni de fatwa ni d’oukase administratif pour la légitimer. Elle n’a soulevé ni drames ni manifestations d’intolérance envers ceux qui n’avaient pas suivi le mouvement spontané. Elle a été si massivement intériorisée qu’il n’y a pas eu de retour en arrière lorsque les causes qui l’avaient provoquée ont disparu. Les autorités morales de l’association El Islah et du nadi (cercle) qui en dépendait, dont les deux cheikhs, l’un Si Mohammed barbu très ouvert et l’autre imberbe plutôt conservateur. Ils tenaient un langage indifférent aux mises diverses de leur auditoire, autant ceux habillés à la moderne (salariés, petits fonctionnaires, ouvriers agricoles, artisans, jeunes sans emploi) que ceux en habits traditionnels (petits propriétaires ou villageois récents encore liés à leur douar d’origine).

Quelle explication à cette évolution des mentalités? Nous vivions une période d’intense ébullition politique. La vague du mouvement national, avec un mouvement associatif et éducatif important et la création des AML (Amis du Manifeste et de la Liberté), prenait son essor. La question de l’indépendance, jusque là portée par des pionniers et militants convaincus, commençait à se poser à de plus larges milieux.. Ce qui continuait à déterminer les options prédominantes en matière vestimentaire, c’était la perception qu’avaient les gens ou les collectivités de leur intérêt, de leur dignité, de leur personnalité. Or cette perception était maintenant dominée par la découverte d’un monde nouveau aux sens géographique, culturel et politique. Nous ne tournions plus en rond dans le long face à face avec la puissance coloniale et ses leviers multiples, dont les limites et les faiblesses nous étaient apparues. Nous n’avions plus à dire et penser systématiquement blanc quand elle cherchait à nous imposer le noir. Les formules nouvelles de “el watan” (la patrie) et de “al istiqlal” (l’indépendance) exerçaient leur magie et servaient d’antidote aux effets pervers supposés des «bid’ât», les innovations que nous avions tendance à rejeter jusque là. Une alchimie complexe faisait son chemin contradictoire dans les esprits des différentes générations.

Certains « piliers » des salles de culte ouvertes par les associations réformistes des Oulamas en accord ou en compétition avec le PPA, emmitouflés dans leurs qachabias, continuaient à meubler leur oisiveté par des discussions anachroniques et sans fin sur la longueur supposée des cheveux du Prophète. Un thème nouveau a soudain bousculé la torpeur séculaire qui les berçait. D’un oeil sévère mais visiblement déstabilisés par l’impact nul de leurs sarcasmes, ils regardèrent s’activer les jeunes du mouvement de masse des scouts musulmans en short et calots militaires (à défaut des classiques chapeaux scouts), qui comptaient parmi eux des pères de famille. La nouveauté non seulement n’avait pas choqué la majorité de la population, mais jointe à la ferveur patriotique montante, elle a signifié pour le plus grand nombre que la résignation au malheur était en train de se muer en espoir. De grosses larmes roulaient sur les joues de vieilles personnes en habits traditionnels qui vinrent en nombre nous féliciter après notre défilé du 11 Novembre 1944 (anniversaire de l’armistice de la première guerre mondiale). Les autorités françaises locales nous y avaient perfidement conviés, espérant que de notre part ce serait une marque d’allégeance. Mais par sa nouveauté et sa réussite, notre démonstration fit l’effet d’un électrochoc anticolonial tant sur la population musulmane qu’européenne.

IL N’EST PIRE SOURD….

Une année auparavant, au printemps 43, j’avais vécu un épisode qui est resté gravé dans ma mémoire et m’a plusieurs fois éclairé dans des situations et des problématiques similaires. J’ai constaté la facilité avec laquelle des esprits bien intentionnés peuvent vous asséner leurs jugements sans appel. Selon eux, l’attachement à des modes vestimentaires ou à des coutumes jugées rétrogrades annihile pour l’éternité les capacités des intéressés à s’adapter et agir pour le mieux dans les combats et les processus induits par le monde contemporain.

À Larbâa, le mouvement culturel associatif à contenu patriotique n’avait pas encore démarré (il le fera trois mois plus tard) et le mouvement politique nationaliste qui prit appui sur lui n’avait pas encore connu l’essor idéologique et organique qui marquera l’année suivante. Seule dans la localité la section communiste sortie de la dure clandestinité imposée par Vichy venait d’organiser un meeting assez réussi pour ce qui était de l’affluence, avec la participation d’un orateur du PCF et de Amar Ouzegane pour le PCA. À la fois satisfaits et déçus par les allocutions, moi-même et trois autres jeunes (deux collégiens et un artisan bourrelier) sommes allés demander à Gachelin, horloger de son état, européen révolté par les injustices envers la population musulmane et membre actif de la section communiste, pourquoi le PCA n’abordait-il pas de façon plus résolue dès cette période la question de l’indépendance de l’Algérie?

La discussion aurait pu être fructueuse s’il avait invoqué, en rapport avec la guerre antifasciste, des raisons de stratégie mondiale, fondées ou non, qui ne mettaient pas en cause le droit à l’indépendance mais en différaient seulement les échéances ou les modalités de réalisation. Le dialogue espéré tourna court. Sûr de lui, l’horloger répondit d’un ton paternaliste:

– “Mes enfants, l’indépendance c’est bien; mais vous les musulmans, vous ne pourrez pas y parvenir!”

– Et pourquoi donc?

– Parce que, enchaîna-t-il, vos femmes portent le voile”!


C’était surgi des profondeurs, il n’avait pas eu une fraction de seconde de réflexion

Élémentaire, mon cher Mohammed Arezki, mais vous n’y aviez pas pensé. Quand on est dans les ténèbres, n’aspirez pas à la lumière, à moins de raisonner comme si vous y étiez déjà, c’est à dire comme nous, les gens civilisés et correctement habillés. Franchissez donc en un jour les siècles et les sinueux cheminements de notre longue maturation historique! Troquez vos oripeaux désuets contre la lingerie de Marianne; la liberté, l’égalité et la fraternité seront au rendez-vous!

Le simplisme de cette approche n’était pas le fait de tous les européens ou de tous les communistes. Mais il était répandu, y compris chez des catégories d’Algériens qui s’estimaient à juste titre civilisés ou ceux que nous appelions par dérision les “sifilizi” parce qu’ils ne faisaient que singer des apparences extérieures. Dans la même logique aussi, de sincères patriotes s’interrogeaient: comment revendiquer et arracher l’indépendance, alors que nous ne savions même pas fabriquer une aiguille? Malek Bennabi, islamiste moderniste, privilégiait avant 1954 l’action moralisatrice et réformiste en l’opposant à l’engagement politique pour la libération, y compris celui des Oulama. Quant à notre naïf et sympathique horloger, il ne se rendait pas compte qu’il était lui-même en contradiction avec la philosophie proclamée de sa mouvance, quant à la responsabilité fondamentale d’un système colonial global et plus qu’archaïque dans la genèse de tous les faits attristants constatés (autrement plus dévastateurs ou meurtriers que les voiles blancs de nos femmes) et dans le blocage des évolutions sociopolitiques souhaitables, autrement plus profondes et urgentes que celles des attributs vestimentaires.

Bien plus, notre ami habitué à la logique mécanique de ses horloges familières, ne se rendait pas compte que son opinion sur la signification des modes d’habillement, était en contradiction avec des pratiques plus ou moins codifiées des dirigeants de son parti. Comment dans les meetings ou sur les photos officielles apparaissait Amar Ouzegane, premier secrétaire du PCA à l’époque ? Excellent orateur et homme politique avisé sur le plan des questions sociales (en dépit de son ratage d’envergure sur la question nationale dans la première moitié des années quarante), il montait à la tribune ou paraissait dans les reportages journalistiques arborant une rutilante chéchia stamboul, légèrement penchée sur le côté (“maândjra” comme on disait) selon le meilleur goùt de l’élégance citadine.

C’était de bonne guerre, puisque la mise des orateurs ou activistes militants gagnait à ne pas détonner et à se rapprocher le plus possible du “look” supposé des destinataires du message politique. Cette attention à une mise vestimentaire commençait néanmoins à être dépassée et en retard d’une guerre, du moins c’est mon avis, compte tenu des évolutions que j’ai signalées. Et surtout, le port du fass ne pouvait à lui seul pallier les lacunes de l’orientation politique que Ouzegane et André Marty assumaient avec une particulière virulence.

Les années suivantes, quand Larbi Bouhali, le nouveau premier secrétaire du parti, a du assumer le lourd héritage du faux pas des orientations précédentes, le redressement salutaire se fit progressivement mais ne vint pas de la chéchia dont était affublé son prédécesseur et qu’il continua à porter un certain temps sur les photos. Le soi-disant indispensable couvre-chef national continuait en effet à trôner au siège central ou régional du parti, prêt à être décroché du porte manteau par le responsable partant en meeting ou pour une démarche officielle. Mais la crédibilité retrouvée des appels et des actions du parti fut à porter au compte des orientations nationales et de classe sans ambiguïté, proclamées et assumées sur le terrain. La fougue patriotique et la volonté unitaire n’avaient pas besoin de s’exprimer par l’habit, c’est leur pertinence qui emportait l’adhésion de ceux qui écoutaient ou approchaient Ahmed Akkache ou Bachir Hadj Ali, dont les têtes nues étaient rebelles au couvre chef traditionnel. Bachir, qui avait pourtant assidûment fréquenté le “Cercle du Progrès” des réformateurs islamiques avant la deuxième guerre mondiale, avait même montré de l’agacement et une certaine ironie quand des camarades lui avaient recommandé cet accessoire désuet.

Les têtes nues de ces derniers étaient-elles pour autant un indice fiable de la modernité de leur combat? Les pratiques et les idées de la modernité ne sont-elles à l’aise que si elles ne sont pas surmontées d’un turban ou d’un foulard ? La casquette d’un prolo parisien ou la dernière coiffure en vogue dans la jeunesse d’Europe sont-elles le talisman qui les vaccine contre les comportements familiaux violents, les superstitions, les frivolités ou les idées racistes? Mon propos n’en finirait pas de citer les comportements et les réflexions des paysans, ouvriers agricoles, mineurs, dockers, artisans, commerçants ou intellectuels que j’ai côtoyés, qui s’inscrivent en faux contre les étiquetages fondés sur le vernis des apparences. Je m’en tiendrai à l’évocation de paysans membres du comité Central du PCA, comme Tahar Ghomri ou Mejdoub Berrahou, tous deux de la région de Tlemcen. Dans le cours de leurs luttes vigoureuses contre le régime colonial avant et durant la guerre de libération, ils avaient mis sur pied dans leurs douars des organisations de femmes paysannes tournées vers la prise en mains des problèmes matériels et sociaux quotidiens. De son côté, Mohammed Guerrouf, paysan et maître coranique dans les Aurès où il trouvera la mort au combat, croyant et pratiquant assidu, n’était nullement dépaysé au cours des séances du comité central, de faire référence autant à des hadith du Prophète qu’à des citations de Lénine ou Staline.

EMBALLAGE ET MARCHANDISE

Sans aucun doute, l’habit et l’apparat ne sont pas neutres mais significatifs autant des longues strates d’évolutions séculaires que des moments de mutations historiques rapides. Mais il est erroné par essentialisme de les considérer comme relevant immuablement et exclusivement des appartenances ethno-linguistiques ou religieuses, ou de modes de pensée figés pour l’éternité. Les contextes politiques et les objectifs visés par les protagonistes entrent aussi en ligne de compte. Entre autres, il est un fait indéniable : l’habillement et la présentation peuvent se prêter aux manipulations des politiciens en quête de charisme ou d’effets d’embrigadement. Messali Hadj soignait particulièrement une mise qui lui paraissait un atout important pour son emprise sur les foules. Benbella a cru pouvoir miser sur «l’uniforme Mao» pour élever son prestige et l’enthousiasme envers son modèle de socialisme. Faire de la barbe, du kamis ou du hidjab l’uniforme des multitudes procède des mêmes calculs dans les mouvances islamistes. Il serait pour autant très réducteur d’adopter l’habillement pour seule grille de lecture du comportement et des orientations politiques. Il est dangereux de se tromper par excès, par défaut ou qualitativement sur le rôle socio-politique de ces signes extérieurs dans des conjonctures données, en négligeant les facteurs historiques, sociaux et culturels en relation avec eux. Les conséquences des erreurs d’appréciation peuvent s’avérer énormes, imprévues, à l’opposé des interprétations et des visées simplistes aussi bien de ceux qui cherchent à instrumentaliser ces apparences que de ceux qui se trompent de cible en incriminant l’habit alors que les enjeux sont autrement plus importants.

Ainsi, au lendemain du 13 Mai 1958 qui vit de Gaulle porté au pouvoir par l’action putschiste à Alger des “Comités de Salut Public”, ces derniers eurent l’idée géniale, à l’initiative de Mme Massu et Mlle Sid Cara, d’organiser sur le Forum d’Alger face à l’immeuble du Gouvernement général, une manifestation monstre des femmes algériennes prouvant leur attachement à l’Algérie française. Pour preuve de cet attachement, elles allaient jeter massivement leurs voiles blancs. Des camions militaires amenèrent nos compatriotes femmes par centaines sous les caméras de la télévision pour immortaliser leur spectaculaire allégeance au régime colonial. L’effet de ce carnaval dérisoire fut exactement inverse sur notre population autant féminine que masculine. Elle comprit que la revendication d’indépendance restait en travers de la gorge des ultra-colonialistes. Il fallait donc continuer à combattre ceux qui faisaient si peu de cas des traditions et de la dignité d’un peuple. Nouveau coup d’épée dans l’eau des malchanceux services psychologiques de l’armée ! Ils avaient cru percer au VietNam les secrets de la «guerre subversive», mais se sont avérés comme l’a dit le général Giap de mauvais élèves en Histoire.

N’auraient-ils pu méditer par exemple le fait que dans les prisons coloniales, les détenus les moins croyants et les moins pratiquants, y compris des européens, mettaient un point d’honneur à faire le jeûne du Ramadan par solidarité patriotique avec les autres? Ultérieurement, les manifestations du 11 Décembre 1960, tournant capital vers l’indépendance, leur ont-elles davantage ouvert les yeux, avec les dizaines de milliers de femmes, voilées ou non, clamant leur soutien au GPRA et à l’indépendance? Observez aussi les scènes filmées de juillet 1962 pour les fêtes de l’indépendance. Ce qui comptait et rassemblait n’était pas l’habit, mais l’ivresse et les espoirs de la Liberté conquise, au delà des deuils, des sacrifices et des opinions de chacun.

Printemps 1980, dix huit ans après l’indépendance, à Sidi Bel Abbès, ancien cantonnement de la Légion étrangère en Algérie. Vivant depuis déjà quinze ans en clandestinité sous le régime du parti unique, je suis pour quelques jours en Oranie et j’assiste à un spectacle qui m’emplit de bonheur : la sortie d’usine des huit cent femmes travailleuses occupées par la société nationale de montage électronique. Femmes voilées ou non, attendues par leur mari ou raccompagnées par des amis, femmes seules prenant un taxi pour rejoindre leur domicile, d’autres partant en groupe à pied, toutes les formes possibles de sociabilité et d’habillement féminin étaient présentes dans une atmosphère détendue où dominait la satisfaction d’avoir un emploi. Une propagande réactionnaire virulente se réclamant de la religion se déchaînait contre le travail féminin traité de “dévergondage”. Mais les groupes qui menaient ces campagnes, jouissant de la curieuse mansuétude de cercles influents du pouvoir, n’avaient alors qu’un impact marginal. La majorité des familles se réjouissait des revenus tirés du travail salarié d’un de ses membres, parfois la seule à travailler, ou bien espérait qu’avec le développement économique leur tour viendrait de compter sur l’embauche d’une des femmes ou filles du foyer. Lorsque la récession économique frappa au milieu de la décennie 80, il advint comme partout dans le monde que l’emploi féminin fut rendu responsable du chômage des hommes. Ce fut l’une des raisons qui alimenta le choc en retour intégriste des années 90, avec sa chaîne d’atrocités ponctuant les interdits vestimentaires et autres. Ce n’était pas la première fois que Sidi Bel Abbès qui avait connu avant 1954 un maire communiste soutenu par les élus nationalistes du 2ème collège, basculait vers l’autre extrémité de l’éventail politique. Comme Bab el Oued à Alger, ces oscillations se produisaient toutes les fois que la conjoncture socio-économique et politique neutralisait une grande partie de la population dans un attentisme inquiet vulnérable aux réactions chauvines. C’est précisément la majorité flottante dans la population musulmane après l’indépendance que les fetwas et les injonctions de “la yadjouz” ( ce n’est pas permis) ont visé à intimider, en exploitant la foi sincère et le sentiment de révolte contre les injustices. Là encore, dans la conjoncture de récession et de désarroi social, le plus significatif n’était pas la métamorphose impressionnante des modes d’habillement dans les rues et les lieux publics, mais la révolte dévoyée qui bouillonnait et évoluait sous les hidjabs et les kamis (robe masculine des islamistes), dans les têtes et les coeurs des gens ordinaires, qui ont cru dur comme fer aux perspectives grisantes des slogans et leaders qui dévoyaient leur soif de justice.

LES REPRÉSENTATIONS ÉVOLUENT

C’est ce que confirmera dans la même localité et partout ailleurs une nouvelle oscillation quelques années plus tard, avec un tournant significatif qui rappelle par certains aspects, quoique de façon moins spectaculaire, un tournant tout aussi décisif au cours de la guerre de libération. Les manifestations du 11 Décembre 1960 avaient alors stupéfié les stratèges colonialistes en révélant la foi patriotique ardente sous les voiles blancs des femmes “bougnoules”. De la même façon au milieu de la tragique décennie 90, à Sidi Bel Abbès comme dans les autres grandes cités algériennes, le tournant se produisit lorsque les femmes en particulier, encore elles, bravèrent massivement les consignes des groupes terroristes leur intimant sous peine des châtiments les plus terribles de ne pas envoyer leurs enfants à l’école, de ne pas se rendre à leur travail et autres injonctions de la même eau. Autrement dit, lorsque la perception par les citoyens des consignes vestimentaires et autres changea de contenu, passa plus nettement de l’expression du sentiment de protestation et de révolte contre les injustices à l’obligation d’adhérer à des comportements obscurantistes aberrants. Cette fois, les femmes voilées ou non, quelles que soient leurs références sacrées ou profanes, quelles que soient leurs opinions sur les visées du pouvoir ou des islamistes, se sont retrouvées sur des positions concrètes identiques ou convergentes pour rejeter dans les faits les consignes qui tournaient le dos au bon sens et aux intérêts vitaux et sociaux élémentaires, individuels et collectifs. A l’horizon, pas d’alternative suffisamment crédible de sortie du cauchemar. Mais à leurs yeux, le tandem intégrisme-terrorisme n’était plus la réponse salvatrice qu’ils avaient crue à l’oppression bureaucratique et à l’injustice sociale.

Au delà des réflexes et comportements communautaires ou grégaires, au delà des flux et reflux idéologiques, les événements ont une fois de plus accéléré les questionnements des individus en quête de réponses pragmatiques à leurs problèmes de vie et de survie quotidienne. Aux clivages encore très vivaces de type identitaire, tels que l’appartenance linguistique, clanique ou régionale, aux affrontements des fondamentalismes politiques camouflant symétriquement des enjeux économiques et politiques, font pièce progressivement des prises de conscience fondées davantage sur des intérêts corporatifs, de classe, de communautés objectives d’intérêts.

Les brouillages de toute sorte dans l’arène politique entravent les évolutions salutaires. Il serait naïf de croire, comme le confirme l’actualité algérienne de l’été 2003, ressentie par les citoyens comme nauséabonde et désespérante, que les prises de conscience débouchent linéairement sur les solutions. Mais la succession des expériences incite à compter davantage avec elles dans la quête d’une alternative de salut national qui n’a pas encore mûri. Le poids des besoins et des intérêts objectifs finit sur le long terme par infléchir les positions essentialistes les plus rigides. Quand on sait l’engouement formidable dans nos pays pour la photographie, le cinéma, la télévision, on ne peut que sourire des affirmations longtemps martelées par de doctes analystes sur le caractère réfractaire de l’islam aux représentations figurées et d’une façon générale aux réformes qui mettent en phase les musulmans avec leur siècle. Quand des championnes sportives sont démonisées par une catégorie d’imams complexés ou embrigadés, sous prétexte qu’elles courent les cuisses nues (quel crime horrible !), des milliers de jeunes les portent en triomphe à leur retour de compétition, des centaines de milliers d’autres suivent avec passion leurs exploits à la télévision. Quant à la tempête qui souffle dans les esprits des adolescentes croyantes, elle n’a pas pour objet majeur, contrairement à une opinion qui reste à la surface des choses, un dilemme pourtant réel au plan pratique et immédiat: porter ou non le foulard, aller ou non aux cours de gym ou à la plage, et si oui dans quelle tenue, etc.

Leur questionnement majeur dépasse ces détails quotidiens, il engage toute leur existence : comment, par delà une option vestimentaire et un mode de vie, qui sont une donnée (intériorisée ou non) résultant de multiples contingences, parvenir à assurer leur sécurité dans tous les sens du terme, faire des études, concilier travail et famille, s’insérer socialement, assumer sa dignité et se sentir bien avec sa conscience et son environnement? Le courant souterrain qui parcourt le monde féminin n’est pas à confondre avec les démonstrations tapageuses en faveur de l’un ou l’autre des hégémonismes idéologiques en dehors desquels à en croire leurs promoteurs il n’y aurait point de salut pour la condition féminine. Le socle déterminant des évolutions en cours, au delà des injonctions intellectuelles ou spirituelles extérieures ou intérieures au monde des intéressé(e)s réside dans un mouvement tectonique, surgi des profondeurs de la société effectuant un long travail sur elle-même.

Ce qui a incité Mohammed Harbi à remarquer : “Nous assistons aujourd’hui à une émergence d’un nouveau sujet islamique et à une marche dans la douleur vers l’individuation. L’avenir de cette individuation, qui est celui de la démocratie, se joue sur le terrain de la condition des femmes. Encore faut-il réussir à admettre le conflit ouvert dans la société, l’institutionnaliser et ne plus chercher à sortir de l’univers de la violence par l’éradication de l’autre ». [[in préface à l’ouvrage de Monique Gadant, Le nationalisme algérien et les femmes, Paris , L’Harmattan, 1995, p.7]]

RESPONSABILITÉ DES POLITIQUES ET DES INTELLECTUELS

Nous voilà au coeur d’un problème qui interpelle le monde politique. Les représentations spontanées, résultat d’évolutions antérieures, ne sont pas immuables. Les acteurs politiques contribuent au contenu de ces évolutions. Ils peuvent par démagogie “surfer” sur les étroitesses et attiser les conservatismes existants. Ils peuvent au contraire, à partir des fenêtres que les exigences de la vie ouvrent dans les terreaux traditionnels, éduquer et s’efforcer d’encourager les évolutions qui répondent le mieux aux intérêts objectifs des groupes et des individus concernés, sans heurter leurs sensibilités et leur dignité d’êtres humains.

Il serait possible d’illustrer nombre de ces influences contradictoires exercées par les courants idéologiques aussi bien nationalistes (dans leurs moments libérateurs comme dans leurs moments hégémonistes) que communistes (tiraillés entre le respect des héritages culturels et les tentations de la table rase).

Je me contenterai de souligner qu’il n’y a pas de fatalité des évolutions régressives et à quel point les avancées positives peuvent être intériorisés et s’enraciner durablement.

Le fait a été illustré dans des corporations de travailleurs tels que les dockers algériens, au long des différentes époques, celles de l’occupation coloniale, puis de l’emprise du parti unique nationaliste, puis de la contestation islamiste. Les dockers enturbannés et en bleu de chauffe, (dont nombreux gardaient leurs liens avec leurs origines rurales) ont vécu un patriotisme plus lucide et moins entaché par le chauvinisme ethno-religieux. Ils ont fait preuve à diverses reprises comme à l’époque de la guerre du VietNam, d’un sentiment internationaliste élevé malgré les attaques menées avec un rare acharnement pour des raisons partisanes contre les “communistes athées”. S’ils ont gardé par exemple une confiance sans faille à un de leurs leaders syndicaux européen, Baptiste Pereto, cela n’avait rien à voir ni avec le béret qu’il portait et le faisait reconnaître au milieu de la forêt de coiffures traditionnelles, ni avec sa faible pratique de la langue arabe qui se limitait à quelques formules assassines envers le patronat et le colonialisme, assurées immanquablement d’un tonnerre d’applaudissements. Tout simplement, il était avec eux dès cinq heures du matin et par tous les temps. Présent et vigilant à l’embauche, il recevait comme eux les coups de matraque des CRS à chaque action revendicative vigoureuse. Ils avaient vérifié maintes fois l’efficacité de ses recommandations tactiques, alors que les censeurs qui opposaient l’identité islamique à leur esprit de classe se dérobaient aux actions, nouaient des alliances douteuses avec les acconiers et les autorités du port et prônaient ouvertement le boycott des activités syndicales.

Autrement dit, il est plus fiable de juger les gens d’abord sur leurs actes, réactions et évolutions dans la vie sociale plutôt que sur leurs seules déclarations, coutumes ou apparences extérieures. Ces dernières sont révélatrices d’attachements conscients ou inconscients à des idéologies, des religions, des origines ethniques et linguistiques, mais ne déterminent pas automatiquement leur comportement social. Les messages délivrés par les signes extérieurs et les charismes gagnent à être interprétés plus au fond.

Qu’est ce qui a fait le prestige et les capacités mobilisatrices du discours de Messali Hadj? Sa barbe ou sa prestance en costume traditionnel, même s’ils ont été savamment entretenus par lui même? Ou bien la fulgurante résonance pionnière de ses appels à l’indépendance, droit au devant des aspirations et besoins profonds de son peuple? La barbe et la prestance se sont avérés inopérants auprès de la majorité des Algériens avec la nouvelle conjoncture et les positions du leader au cours de la guerre de libération.

De la même façon, le régime du chapeau et du costume à l’européenne aurait-il révolutionné la Turquie, si les paysans anatoliens n’avaient vu d’abord en Mustapha Kamal le compatriote et héros qui avait sauvé son peuple du joug humiliant des puissances européennes qui ne rêvaient qu’au dépeçage final de l’empire ottoman moribond? Depuis deux décennies, le foulard éclipsé jusque là a pris dans ce pays une autre signification, différente de celle des années vingt, dès lors que le régime laïciste n’a pas donné à l’indépendance les contenus démocratique et social qui auraient comblé les espoirs de la majorité des peuples musulmans de Turquie.

Bien des leçons découlent de tous ces faits, pour les intellectuels, pour les acteurs socio-politiques et pour la société.

D’abord, avant de juger, il faut comprendre (Antoine de Saint Exupéry).

La perception plus compréhensive des comportements à première vue déroutants est incontournable pour l’observateur qui souhaite analyser la société comme pour l’acteur qui veut rester en phase avec ses potentialités et mieux avoir prise sur ses évolutions.

A défaut d’attention au concret et au débat multilatéral, il nous est resté la confusion des diatribes «sanglantes» au propre et au figuré. Confusion dont les nuisances n’ont eu d’égales que celles des certitudes clamées par les protagonistes dans des drames aux manifestations et racines aussi complexes.

Face aux surprises et paradoxes du terrain, les débats théoriques et idéologiques ont incontestablement leur utilité quand ils évitent les polémiques désincarnées de concepts abstraits qui se battent en duel, ou au service exclusif d’enjeux politiques et partisans de court terme. Mais au bout du compte la vie reste maîtresse. Elle ne nous ménage ni ses ruses ni ses surprises si on en reste à des rationalités et des logiques préconçues.

Ensuite et en corollaire, il est plus bénéfique aux réelles sorties de crise de rechercher les enjeux sous-jacents à chaque situation plutôt que de s’en laisser détourner par les leurres des signes accompagnateurs, plus ou moins spectaculaires. Quand on se place du point de vue de la liberté, de la dignité et de la justice sociale, du point de vue des intérêts profonds de la base sociale et non des mouvances ou des clans braqués avant tout sur leurs visées de pouvoir, les solutions souhaitées gagnent à détecter les leurres et faire transparaître les vrais problèmes.

Lutter pour imposer une plus grande visibilité des enjeux réels fait partie des efforts démocratiques et d’instauration d’un ordre et d’un système plus justes. Là se trouve l’authentique radicalisme.

Il n’est pas dans les recettes de soi disantes et arrogantes «real politik», dont les effets et les objectifs sont de pérenniser par tous les moyens les pratiques de protagonistes, qui alternant les luttes à mort et les louches connivences, se rejoignent dans un hégémonisme ravageur pour la nation et la société, quel qu’en soit l’habillage.

LUTTES DES FEMMES DU MONDE MUSULMAN

Il est prometteur qu’une Algérienne et une Soudanaise, fortes de leurs expériences de terrain respectives pour la mobilisation des femmes en terres d’Islam, constatent ensemble l’importance des objectifs concrets communs et rassembleurs. Seule façon, de l’intérieur même des traditions, modes de pensée et sensibilités culturelles des sociétés,de surmonter les barières idéologiques et de statut social qui freinent les prises de conscience à grande échelle.On est loin des tirades à la façon des Taslima Nasreen, aussi enflammées et immatures que vouées à la stérilité dans les sociétés concernées

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Le dernier livre de Wassila TAMZALI

UNE FEMME EN COLÉRE

LETTRE D’ALGER AUX EUROPÉENS DÉSABUSÉS

vient de paraître aux éditions Gallimard.

Wassyla TAMZALI, algérienne, avocate, est représentante des droits des femmes auprès de l’UNESCO.

Une partie de l’émission de France 2, « vous aurez le dernier mot », du 23 novembre 2009, où elle se trouvait invitée en même temps que Loubna., journaliste soudanaise, a été reprise et mise en ligne par youtube:

http://www.youtube.com/watch?v=ppMjxsIO5CY

Ci-dessous, une transcription de l’émission, par M.R

Dans son intervention, Wassila TAMZALI a exprimé sa solidarité au combat efficace mené par les femmes au Soudan, qui, pour elle, représente un « courant qui existe dans le monde arabe d’aujourd’hui, de femmes qui ont décidé de se rebeller contre l’ordre, sans quitter le «giron» de la religion et le « giron » de leur culture »…

À ce propos elle souligne, « par exemple, la rencontre en Malaisie, en avril 2009, de 400 Femmes, (parmi lesquelles était présente l’imam de New-York), qui se disent musulmanes, et qui disent : nous sommes musulmanes et féministes et nous voulons l’égalité.

… Il faut faire la différence avec les féministes islamiques (ndlr: voulait-elle dire « islamistes »?) qui elles se battent dans le cadre de la légitimité coranique ;
c’est tout à fait différent.

…Et, de l’autre côté, les féministes laïques, qui, elles, ont une tradition du féminisme universel. »


Wassyla TAMZALI rattache, elle, « son expérience personnelle à celle du féminisme maghrébin, qui selon elle est une expérience d’un féminisme laïc, qui s’est tout de suite positionné par rapport aux principes universels et de la laïcité. »

« … De mon histoire de femme algérienne,

l’image emblématique de mon histoire de femme algérienne c’est Simone de Beauvoir et Djamila Boupacha: c’est-à-dire Simone de Beauvoir qui prend la défense de Djamila Boupacha, résistante algérienne, torturée par l’armée française,

et ça c’est mon histoire de femme algérienne : cette rencontre entre la lutte des femmes algériennes pour leur indépendance,

qui a rencontré le soutien de l’intelligentzia progressiste française et évidemment féministe… »


Dans son livre, Wassyla TAMZALI est aujourd’hui sévère pour l’intelligentzia française et européenne qu’elle trouve « désabusée, lâche, timorée…. »

… elle se sent « abandonnée » particulièrement par certains courants français,

« ce que j’appelle le vieux front anticolonialiste (celui qui a rejoint aujourd’hui par exemple le mouvement ATTAC ou d’autres mouvements alternatifs),

et qui confondent la défense du Tiers-Monde à travers des personnes, des groupes et des mouvements qui revendiquent la culture comme un droit de l’homme,
et donc qui revendiquent la culture vis-à-vis des femmes…

et on a bien compris ce que c’était aujourd’hui que la culture dite musulmane, parce que, bien évidemment, comme le dit Loubna, il n’y a rien dans l’islam, qui permet d’autoriser d’utiliser de telles pratiques.

Ce que je voulais dire, ce qui est le plus important, aujourd’hui, ce n’est pas de réformer l’islam, (parce que l’islam n’existe qu’à travers ce qu’on en fait), mais c’est de réformer peut-être les musulmans dans leur pratique, pour que les musulmans, entre la peur de Dieu et l’amour de Dieu, choisissent l’amour de Dieu pour réaliser la justice.

Moi, je suis dans une autre aire, puisque je suis laïque et libre penseur, mais je sais très bien que nous ne pourrons jamais nous en sortir dans notre monde si les musulmans ne se réforment pas et qu’ils ne passent pas de ce qu’on appelle, hélas, les musulmans modérés, aux musulmans courageux. »


Dans cette même émission, Loubna journaliste soudanaise reprend:

« En fait les droits de la femme ne doivent pas être oubliés; nous ne devons pas attendre que la société, les gouvernements… nous donnent nos droits sans faire aucun effort… Les femmes doivent arracher ces droits

Les partis opposés aux droits de la femme n’auront alors pas d’autre choix que de reconnaitre ces droits…

À titre d’exemple elle cite le mouvement fondamentaliste au Soudan, qui, en 1986, interdisait de voter aux femmes, ou de se porter candidates.

Aujourd’hui, pour les élections de avril 2010, alors que les femmes ont arraché ce droit d’être représentées à 25 % au Parlement, eh bien, ces mêmes personnes sont revenues sur leur parole, ont inversé leur position et disent: il est absolument du devoir de la femme de voter…

Pendant 25 ans on a inderdit aux femmes de voter, aujourd’hui elles sont obligées de voter…

C’est une preuve que lorsque les femmes arrachent leur droit, la société, les gouvernements, sont obligés de respecter cela.

L’Islam est une religion comme les autres…

L’Islam respecte les droits de l’homme; mais malheureusement les pratiques , les abus, les raisons politiques qui tentent de s’imposer par la force déforment l’image de Islam… »

Certains confondent « voile » et islam, est-ce qu’ils savent seulement qu’à La Mecque, dans le lieu le plus saint de l’islam, il est interdit aux femmes de se voiler la face; et si la femme cache son visage, elle doit payer une amende, de l’argent, qui sera remis aux pauvres…

« La religion est une relation entre l’homme et son Dieu, ce n’est ni la police ni tout autre parti qui doit intervenir…

… « Les gouvernements sont chargés de gérer les écoles, des problèmes de santé…, mais pas de gérer les religions… »

« l’opinion publique doit rester mobilisée non pas simplement pour les droits des femmes au Soudan (le Soudan n’est qu’un exemple), mais pour toutes les femmes qui sont opprimées et n’ont pas le droit de s’exprimer à travers le monde… »


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Dans une autre interview

www.youtube.com/watch?v=AMuLAKbP1us

Wassyla TAMZALI explique

sa « grande colère »

« contre une attitude européenne qui est relayée d’ailleurs dans mon pays (l’Algérie ndlr), à savoir qu’on veut réduire des individus à des appartenances religieuses ou à des appartenances ethniques….

… sa grande colère aussi de voir que l’histoire que nous avons vécue ensemble, les européens et nous, a été oubliée, mise de côté, ou sinon reniée par certains intellectuels européens d’aujourd’hui (et souvent de gauche ou féministes…)

Aujourd’hui nous sommes exclues et on nous nie toute légitimité pour parler de la condition des femmes algériennes…

des gens tout à fait extérieurs à mon monde m’accusent d’être extérieure au mien…

Je trouve cela tout à fait ridicule et grotesque…

Je n’ai pas rompu avec ma communauté, c’est mon histoire,… »
j ai fait seulement un pas de côté, celui que doivent faire tous les intellectuels pour apporter sur leurs sociétés ce regard critique dont elles ont besoin…

… « la conscience dite moderne ne peut se construire qu’à travers la liberté de conscience… … »ce qui marque au fer les sociétés du sud de la méditerranée,

-le statut des femmes n’en étant qu’une conséquence-

c’est l’absence de liberté de conscience,

il faut savoir que dans tous ces pays, la liberté de conscience n’existe pas…

23 janvier 14h – ALGER: CONFÉRENCE SUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE

On nous communique:

Abdelkader Abid, cardiologue donnera à la librairie l’île lettrée, 7 rue Zâbanna, Alger, une conférence sur le développement économique, le samedi 23 janvier à 14h

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CORDIALE INVITATION!

Peut-on encore se développer en 2010 ?

Les « pessimistes » et les « optimistes »

L’exposé part des données de la conférence faite à la Bibliothèque Nationale d’Algérie en juin 2006 dans le cadre d’une série de conférences (au nombre de 7) sur le processus de développement, d’un article dans le journal El Khabar mars 2007 et d’une conférence à l’université de Bordeaux en avril 2007

L’intitulé exact de la conférence était :

Le processus de développement des pays émergents : déterminants et présupposés

Avec le sous titre suivant : « les « bons copieurs » seront-ils les bons élèves ? »

Librairie ISHTAR: AUTOUR DE HENRI CURIEL – RENCONTRE AVEC R GALLISSOT

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Suspecté d’être l’homme de Moscou coordonnant les groupes combattants dans le Tiers-Monde, Henri Curiel est abattu le 4 mai 1978, à Paris. Son nom est d’abord célèbre par le réseau de soutien en France, à la lutte d’indépendance algérienne, qui a pris la relève du réseau Jeanson. On entre ici dans ce réseau, en faisant connaissance des proches de Curiel, femmes et hommes en action. Henri Curiel a-t-il été victime d’une opération relevant du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE), qui a mené campagne contre le KGB et réglé des comptes de la guerre coloniale d’Algérie? Le crime n’a plus guère de mystère si on le rapporte à la lourde suite des assassinats exécutés dans les années 1970. Pour le parti communiste français Henri Curiel est un communiste juif égyptien « douteux », cité à charge en 1952 dans l’affaire Marty-Tillon. Expulsé d’Égypte en 1950, il a pris position pour le soulèvement des Officiers libres en 1952? Parallèllement à la Tri-continentale, impulsée pat Mehdi Ben Barka, henri Curiel élargit ensuite dans l’organisation Solidarité, le soutien aux mouvements de libération. Il est aussi le pionnier de rencontres israélo-palestiniennes? Loin des légendes et de toute idôlatrie, son cheminement est mesuré à l’histoire des Juifs d’Égypte voués à l’exil par le nationalisme arabo-musulman, et à celle du communisme internatyionalet, tout autant, de l’anticommunisme.

Communiste et gaulliste depuis l’Égypte, apatride en exil, Henri Curiel inscrivit son itinéraire dans la hautre période des mouvements anticolonialistes et de solidarité avec les luttes de libération.

René Galissot, intellectuel militant de la « génération algérienne » et de l’antiracisme, est historien du mouvement communbiste unternational et du Maghreb colonial et postcolonial, dans une problématique marxiste de la question nationale.

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Nous, les libraires Ishtar, Le Point du Jour & Envie de Lire, voulons rendre hommage au combat anticolonial et anti-impérialiste des peuples d’Asie, d’Afrique, d’Amérique latine et du monde arabo-musulman, par ce que cet héritage est à nos yeux plus que jamais actuel, en ces temps de recolonisation armée de vastes régions du monde et de tentatives pour justifier le bilan tragique du colonialisme. Nous entendons ainsi apporter notre modeste contribution à la revitalisation nécessaire d’une pensée anti-impérialiste, anticolonialiste, antisioniste, antiraciste et anticapitaliste.

À une époque où la classification marchande s’étend à toutes les sphères de l’existence, cette pensée constitue un horizon précieux dans le combat de l’humanité pour l’émancipation.

C’est le sens que nous donnons, nous libraires, à notre participation à la
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L’ALGERIE BAT DES RECORDS DE CORRUPTION ET DE MARASME SOCIO-ECONOMIQUE

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Les données du document rediffusé par El Khabar (lire ci-dessous) sont tristement impressionnantes. Elles ne peuvent pourtant pas étonner les couches sociales qui vivent dans leur quotidien les conséquences de l’incurie socio-économique des gouvernants. Leur jugement sur les responsabilités encourues par ces derniers est fait depuis longtemps. L’important est que le langage des chiffres incite au décryptage des mécanismes de la catastrophe. La sortie du tunnel n’est pas envisageable tant que les cercles dirigeants qui se disputent les rentes au plus haut niveau n’envisagent d’alternance qu’en se succédant les uns aux autres, en s’accusant mutuellement des dégâts ou en présentant ces derniers comme une fatalité. Le mal suprême réside dans la marginalisation organisee du partenaire leplus concerné: la société dans toutes ses composantes qui ont vocation d’exercer un contrôle démocratique sur les ressources du pays et leur mise en oeuvre. Il est vital de promouvoir et organiser ce droit de contrôle démocratique. A ce niveau se situe la vraie et difficile tâche de sauvegarde des intérêts du pays. Il est confirmé que les mouvements sociaux massifs, autonomes et responsables sont parmi les facteurs les plus capables de peser pour que la société soit enfin présente dans les domaines économique et politique comme le partenaire incontournable du redressement national.

Devant les différents scandales qui touchent certains secteurs financiers du secteur privé et la majorité du secteur financier public;

le scandale des dépenses faramineuses du Programme National Agricole (PNDA) qui n’a pas encore dévoilé tous ses secrets;

l’enveloppe de l’autoroute Est/Ouest, projet initialement estimé à 7 milliards de dollars pour passer officiellement à 12, et à plus de 15 milliards de dollars selon d’autres estimations;

le récent scandale de Sonatrach (98% des recettes de devises au pays), qui pose, avec l’épuisement de cette ressource éphémère avant 2025/2030, une question de sécurité nationale et de l’urgence de la démocratisation de sa gestion;

et d’une manière générale l’impact mitigé de la dépense publique entre 2004/2009 d’environ 200 milliards de dollars;

El Khabar a jugé utile de republier dans sa version française du 19 janvier la contribution du docteur Abderrahmane MEBTOUL Economiste, Expert international, relative au dernier rapport Transparency International 17 novembre 2009, contribution initialement publiée le 18 novembre 2009, et largement reproduite au niveau international

«Il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte en banque personnel que sur celui de ses concitoyens»

John Maynard KEYNES

1.-Rapport de Transparency International 2009 : l’Algérie rétrograde en 2009 de vingt places par rapport à 2000

Étendue de la corruption: Indice de perceptions de la corruption

L’organisation internationale Transparency International dans son indice de perceptions de la corruption (IPC) donne chaque année une estimation par pays assez fidèle de l’étendue du phénomène de la corruption.

Son rapport annuel 2009, paru le 17 novembre 2009, classe, ironie de l’histoire, l’Algérie et l’Egypte sur un même pied d’égalité comme les pays connaissant un haut degré de corruption avec un score déplorable de 2,8 sur 10, tous les deux se retrouvant à la 111ème place sur 180 pays.

L’on sait que les auteurs de l’IPC considèrent qu’une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un «haut niveau de corruption au sein des institutions de l’Etat » et que des affaires saines à même d’induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives.

Si pour l’Egypte, il n’y a pas de changement notable par rapport à 2008, (115 rang sur 180, elle gagne même 4 places, l’Algérie, elle, par rapport à 2008, chute de 3,2 à 2,8 sur 10 allant de la 92ème place en 2008 à la 111ème en 2009, elle perd ainsi 20 places, ce qui la ramène à l’année 2005 où elle avait obtenu une note de 2,8 sur 10 contre une note de 2,7 pour 2004.

Contrairement aux déclarations tendancieuses et contradictoires d’un expert à Alger de la banque mondiale qui affirmait récemment une transparence dans la gestion des grands projets, ce rapport, ainsi que les rapports officiels 2007/2009 de la banque mondiale concernant les infrastructures en ma possession, notent la même tendance d’une mauvaise gestion et de surcoûts.

Pour les autres pays du Maghreb, la Tunisie est le pays le plus transparent, classée 65 dans le monde bien qu’ayant perdu 3 places ( 62ème en 2008), 6 ème en Afrique et 7ème dans le monde arabe; le Maroc 89ème position; la Libye 130ème avec la Mauritanie.

Pour les pays arabes , il y a une nette amélioration puisque le Qatar arrive à la 22ème position, Bahrein 51ème position , la Jordanie 55ème position, l’Arabie Saoudite 63ème positon le Koweit 66ème positon, la Syrie faisant exception, en 126ème position.

Pour l’Afrique, Le Botswana 37 ème positon, le Cap-Vert 45ème position Seychelles 54ème position, l’Afrique du Sud 55ème position et la Namibie 56ème position.
_Les notes les plus élevés (pays les plus « transparents ») vont à la Nouvelle Zélande 1ère position avec une note de 9,4, suivie du Danemark 2ème position avec 9,3, de Singapour et la Suède 3ème position avec une note de 9,2. Les Etats Unis arrivent à 19ème place, la Grande Bretagne 17ème place et la France 24ème place. Parmi les moins transparents on trouve l’Irak 176ème, le Soudan 177ème, la Birmanie 178 ème, l’Afghanistan 179ème et la Somalie 180 ème place. Mais s’il y a des pays corrompus il y a forcément des pays plus corrupteurs que d’autres.

Les pays corrupteurs (indice de corruption)

Du côté des corrupteurs, l’organisation a évalué un «indice de corruption» dans les 22 principaux pays exportateurs, et auprès de 3 000 cadres dirigeants.

l’enquête montre que le versement de pots-de-vin à l’étranger demeure une pratique extrêmement répandue, en particulier dans les entreprises des puissances émergentes comme la Russie, l’Inde et la Chine.

«Un certain nombre d’entreprises des grands pays exportateurs continuent de recourir à la corruption pour décrocher des marchés à l’étranger bien qu’ils aient conscience que cela porte atteinte à la réputation des entreprises», selon une enquête réalisée pour 2008 par Transparency International.

D’après l’indice de corruption des pays exportateurs (ICPE) établi par cette ONG, la Russie est – avec une note de 5,9 sur 10 – le pays où les entreprises sont le plus susceptibles de verser des dessous-de-table à l’étranger, suivie de la Chine qui – avec une note de 6,5 – se place entre la Russie et le Mexique (6,6). L’Inde, autre puissance émergente, est aussi dans le quatuor des pays exportateurs qui usent le plus des pots-de-vin pour s’assurer un marché, avec une note de 6,8.

Parmi ceux qui ont le moins recours à la corruption à l’étranger figurent en tête la Belgique et le Canada (8,8 tous les deux), les Pays-Bas et la Suisse (8,7). La France occupe le 9e rang (8,1), avec Singapour et les Etats-Unis.


2- Urgence d’une moralisation de la gestion de la Cité

Le grand sociologue Ibn Khaldoun a analysé parfaitement les cycles de décadence des sociétés, et parle par rapport à cette situation de société anomique durant le cycle descendant, et Aristote, lui, rappelait que les dirigeants de la Cité doivent avoir une moralité sans faille.

Dans ce cas, l’Algérie doit-elle continuer dans l’unique dépense monétaire sans se préoccuper des impacts à moyen et long terme; alors que le développement du XXIè siècle repose sur les deux caractères fondamentaux que sont la bonne gouvernance et la valorisation du savoir, les infrastructures n’étant qu’un moyen de favoriser l’entreprise, elle-même seule créatrice de richesses?

Même si l’on doit prendre avec précaution certains rapports, le constat est amer : tous les rapports internationaux sans exception entre 2008/2009 classent l’Algérie à un niveau qui ne correspond pas à ses potentialités alors que certains organismes d’information nationaux se complaisent dans des déclarations et chiffres fantaisistes (l’Algérie aurait un des taux de croissance (plus de 10% et un taux de chômage moins de 10,5%, qui feraient pâlir les pays développés et émergents en crise), données qui ne font que discréditer l’image de l’Algérie au niveau international.

Doit-on ignorer ces rapports inquiétants où l‘Algérie est rétrogradée dans la majorité des rapports internationaux?

La valorisation du savoir

L’ analyse du rapport de l’Université de Shanghai 2009 (The Academic Ranking of World Universities), qui donne le classement des 6000 meilleurs universités en compétition au niveau mondial (au delà c’est l’élimination puisque hors compétition), donne pour l’Algérie:

a) Universités classées:

université de Sidi Bel Abbes à la 4 116e place

Université de Tlemcen, la 4 143e place

Université de Batna 5 548e place

b) hors classement (élimination de la sélection):

université de Constantine, 6766e place à travers le monde ;

université des sciences et de la technologie Houari- Boumediene à la 7008e place ;

université Abdelhamid- Ben Badis de Mostaganem 7205e ;

université d’Alger à la 7849e ;

École nationale de l’informatique 8960e

université Mohamed-Boudiaf d’Oran à la 9004e.

N’est –il pas donc démagogique de créer une université par wilaya, et utopique, de vouloir faire revenir les émigrés lorsque qu’on dévalorise ceux qui sont restés sur place.

Et où sont donc les différents centres de recherche, les universités de Annaba, d’Oran Es Sénia , l’Ecole nationale d’administration, l’Ecole nationale polytechnique , l’Institut algérien du pétrole, qui ont pourtant formé une génération de brillants cadres et ingénieurs qui n’avaient rien à envier aux grandes écoles occidentales ?

Autres rapports: Le PNUD, le FMI…

Autre rapport négatif, l’organisme international, le PNUD, dans son rapport final du 04 octobre 2009 après les tests de cohérence , a rétrogradé l’Algérie de la 100ème place en 2008 à la 104ème place en 2009.

Celui du rapport du FMI du 02 octobre 2009 sur les perspectives économiques mondiales , est inquiétant pour l’Algérie lorsqu’il remet en cause les prévisions gouvernementales de création de trois millions d’emplois entre 2009/2013, ce qui nécessiterait un taux de croissance de 6/7% sur cinq années , alors que les taux de croissance prévus par le FMI seraient de 2,1% en 2009 et 3,7% en 2010;

et lorsqu’il met l’accent sur la non proportionnalité entre les dépenses publiques (200 milliards de dollars entre 2004/2009), tirées essentiellement des hydrocarbures, et les impacts économiques et sociaux: taux de croissance moyen 2004/2009 inférieur à 3%, alors que ces dépenses auraient dû occasionner une croissance supérieure à 7%;

avec le paradoxe que le produit intérieur brut – PIB moyen – en 2008/2009, est presque l’équivalent des réserves de change (144 milliards de dollars) dues à des facteurs exogènes, et que le taux de croissance de 5/6% hors hydrocarbures souvent invoqué est lui même tiré à plus de 80% de l’irrigation de la rente des hydrocarbures, ce qui ne laisse aux véritables entreprises que moins de 20% de création de valeur véritable.

Cela démontre clairement un gaspillage croissant des ressources financières provenant des hydrocarbures épuisables à terme.

Un autre rapport , celui du Doing Business 2009 où l’Algérie figure à la 15ème place sur les 19 pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, juste avant la Syrie , l’Iran, l’Irak et Djibouti avec une nette détérioration du climat des affaires .

Egalement le dernier rapport du Forum Euro-méditerranéen des Instituts des Sciences économiques (Femise) sur le partenariat euro-méditerranéen dans son rapport du 02 novembre 2009, qui signale que l’ Algérie qui a longtemps suivi un modèle de croissance à accumulation extensive, subit les effets du manque de diversification de sa structure productive qui aurait pu assurer une productivité plus élevée et diminuer les retombées de la crise sur l’économie réelle; les exportations d’hydrocarbures représentant, la quasi-totalité des exportations totales».

L’ indicateur de performance logistique (LPI) de l’Algérie place le pays en 140ème place sur 150 pays, montrant, une déficience en matière de réduction de coûts et de barrières administratives et une mauvaise qualité fonctionnelle.

Cette analyse est confirmée par le rapport de la banque mondiale sur l’ évaluation des effets de la dépense publique en Algérie , réalisée sous la direction de Theodore O. Ahlers ( rapport n°36270 DZ 15 août 2007 2 volumes). Ce rapport remis aux autorités algériennes montre clairement, à partir d’enquêtes précises sur le terrain, la faible efficacité de la dépense publique du programme de soutien à la relance économique.

Si une personne est innocente jusqu’à preuve du contraire, se pose la question de l’indépendance réelle de la justice, (voir mon intervention à la télévision internationale France24 le 15 janvier 2010 concernant le cas de Sonatrach), c’est que face à cette situation de cette corruption qui s’est socialisée, facteur de démobilisation où les discours moralisateurs des responsables ne portent plus parce que disqualifiés, force est de constater que ce n’est pas une question de lois ou de commissions que contredisent quotidiennement les pratiques sociales mais de la mise en place de mécanismes de régulation transparents, avec des responsables ayant une moralité sans faille (la majorité des cadres dans tous les secteurs sont honnêtes mais bon nombre sont marginalisés parce que ne gravitant pas dans les relations de clientèles) et d’institutions crédibles qui doivent fonctionner normalement sans interférences politiques et administratives .

Or, la bureaucratisation, résultat de la faiblesse et du manque de crédibilité de l’Etat de droit, et donc des institutions, envahit toutes les sphères économiques et sociales, produit d’ailleurs la sphère informelle, et la dévalorisation du savoir au profit des rentes spéculatives, ce qui constitue un frein aux investissements porteurs de croissance.

Doit on rester dans une autosatisfaction négative et suicidaire pour le pays, source de névrose collective ?

La mentalité bureaucratique des années 1970 de certains responsables, qui ne veulent pas cibler l’essentiel et se détournent des vrais problèmes, est de vouloir faire et refaire des lois.

Cette instabilité juridique perpétuelle montre la neutralisation des rapports de force des acteurs politiques, économiques et sociaux (couple contradictoire réformateurs minoritaires /rentiers dominants ) et donc le manque de cohérence et de visibilité, alors qu’il s’agit de s’attaquer au fonctionnement de la société par la mise en place de mécanismes de régulation transparents en ce monde impitoyable de la mondialisation irréversible, où toute Nation qui n’avance pas recule.

Docteur Abderrahmane MEBTOUL
Expert International Professeur d’Université en management stratégique

POUR DE VRAIES SOLIDARITÉS AU PEUPLE HAÏTIEN

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Comme ce fut le cas en aout 1954 à ElAsnam (ex Orléansvile) en Algérie, les catastrophes naturelles révèlent chaque fois davantage les paralysies et ravages provoqués par la domination impérialiste. Chaque fois les cercles coloniaux et néo-coloniaux invoquent l’arriération, l’indiscipline des populations pour camoufler leurs responsabilités tant originelles qu’actuelles.Des pratiques et mécanismes que mettent bien en lumière les déclarations et analyses émanant des réseaux Frantz Fanon et de nombreuses personnalités et ublications médiatiques sérieuses.

TREMBLEMENT DE TERRE

SOLIDARITÉ AVEC HAÏTI

MOBILISONS L’AIDE

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mercredi 13 janvier 2010, par Hervé Fuyet

Chers Amis, chers Camarades, chers Frères et Sœurs,

Le tremblement de terre qui vient d’accabler notre chère Haïti vient s’ajouter à des siècles d’esclavage, de colonialisme et aujourd’hui de néocolonialisme ! Comble d’hypocrisie, ironie du sort ! Ces impérialismes qui continuent à se venger quotidiennement du premier pays à se libérer du colonialisme en 1804 envoient aujourd’hui un peu d’aide à « ses pauvres » pour jouer les « bienfaiteurs ».

Cette aide doit être multipliée, et cela ne fera que commencer à réparer tout le mal qui a été fait à notre chère Haïti.

Nous souhaitons que tous les pays progressistes et les gens de bonne volonté fasse tout ce qu’ils peuvent pour Haïti.

Je remercie ADEN (Association des Descendants d’Esclaves Noirs et de leurs Amis) pour son soutien. « Il n’y a pas de mots, nous sommes avec vous et avec tout le peuple haitien ; nous sommes disponibles pour aider » (Marie-France Astegiani-Merrain, vice/Présidente d’ADEN et Porte Parole).

Les organisations et les membres de notre réseau Frantz Fanon, répartis dans le monde, en Martinique, en Algérie, au Sénégal, en Inde, en Haïti même, et ailleurs, feront sans doute de leur mieux pour mobiliser l’aide pour Haïti.

Hervé FUYET Coordonnateur du site Réseau Frantz Fanon International

http://www.FrantzFanonInternational.org


Pour Haïti !

  • le Cercle Frantz Fanon – Paris (fondateur : Marcel Manville) compatit à la douleur et à la souffrance du peuple haïtien, et lui manifeste sa solidarité agissante. Il salue la dignité du peuple haïtien dans l’épreuve, et son énergie pour trouver les moyens de survie au quotidien, et pour organiser en son sein, selon des modes improvisés mais disciplinés, la distribution de l’aide internationale.
  • Le Cercle s’interroge sur l’organisation de cette aide et notamment :
    • Sur le relatif effacement des Nations-Unies qui devraient naturellement prendre en charge la responsabilité des secours internationaux, aider la police haïtienne à se redresser et à assurer elle-même la garantie de l’ordre ,
    • sur sa militarisation par les Etats-Unis , qui en premier geste envoient dix mille soldats et prennent le contrôle de l’aéroport de Port-au-Prince.

      Rien ne prouve qu’il soit utile d’envoyer des soldats alors que contrairement à ce qu’on peut entendre sur de nombreux médias, la population ne se livre pas au pillage, respecte les commerces encore en activité ou créés spontanément par les familles, s’organise spontanément avec des moyens de fortune qui paraissent maîtrisés autant qu’il est possible dans une situation de catastrophe naturelle majeure.
    • sur le rôle de certains médias qui véhiculent des images et clichés malvenus sur Haïti , bien dans la logique néo-coloniale qui fait revivre les fantasmes du passé sur ’’cette démographie galopante, ces masses hystériques, cette cohorte sans tête ni queue’’ (Frantz Fanon, ’’ les damnés de la Terre’’). Heureusement, d’autres médias (dont certains reportages de RFI, de l’Humanité et du Monde

      ou l’ entretien avec Dany Laferrière ) rendent mieux compte de la situation, avec un véritable esprit de solidarité.
  • le Cercle Frantz Fanon, qui avait célébré, avec l’aide de l’Unesco, la commémoration du bicentenaire occulté de la Révolution haïtienne en 2004-2005, rappelle le rôle des grandes puissances dans l’appauvrissement et la marginalisation d’Haïti, et appelle à la conception d’un plan global de reconstruction du pays, sous l’égide des Nations-Unies et dans le respect de la souveraineté du peuple haïtien.

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FONDATION GABRIEL PERI

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INITIATIVES SÉMINAIRES

MOUVEMENT DES RELIGIONS

ET MOUVEMENT DES RAPPORTS SOCIAUX

AUJOURD’HUI

Prochaine séance : Jeudi 4 février 2010, 18h 30

«Rapports sociaux et mouvements religieux en Asie»

Avec Khudori Darwis, enseignant-chercheur, Université du Havre.

Les mouvements sociaux et politiques d’inspiration religieuse ne sont pas nouveaux dans l’histoire de l’humanité. Cependant, ils s’intensifient et s’internationalisent depuis la fin du 20e siècle. Cela pose une question : constituent-ils une menace ou une chance pour la paix, la sécurité et le développement durable des nations ? À travers quelques exemples concrets pris en Asie, la conférence-débat tentera d’y apporter une réponse.

Lieu : Fondation Gabriel Péri,
11, rue Étienne Marcel, Pantin (93)

Entrée libre. Le nombre de place étant limité, merci de bien vouloir vous inscrire par courrier électronique à l’adresse :

inscription@gabrielperi.fr


Séminaire sous la direction d’Antoine Casanova, historien, directeur de la revue La Pensée.


Voir aussi

  • Ethique, bioéthique, rapports sociaux aujourd’hui ; point de vue d’un protestant

    par Joël Dautheville, 26 novembre 2009

    Séance du jeudi 26 novembre 2009 avec Joël Dautheville, pasteur,inspecteur ecclésiastique EELS – Montbéliard. Le monde actuel est caractérisé (…)
  • Modernité, religion et démocratie

    par Samir Amin, 15 mai 2008

    Conférence du 15 mai 2008 de Samir Amin, écrivain, théoricien de l’économie, président du Forum Mondial des Alternatives. La modernité, (…)

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pour accéder aux différentes synthèses, cliquer ici…