DÉRISOIRES ET FRAUDULEUX PIRATAGES EN HISTOIRE

Les temps ont bien changé. Les plus grossières falsifications ou occultations de l’Histoire du mouvement de libération nationale ne trouvent plus d’oreilles attentives dans le public.

Alors de petits malins (ou qui se croient tels) se livrent à des jeux infantiles de falsifications, les uns par inconscience et ignorance de leur sujet, d’autres manipulés, ou vraisemblablement les deux à la fois

Dans des textes (souvent plagiés) censés rendre hommage à des combattants des causes nationale et sociale, ils introduisent à la sauvette, en un ou quelques mots, des appréciations négatives sournoises qui sont d’ailleurs en parfaite contradiction avec l’hommage rendu à ces combattants dans le reste du texte.

Deux exemples parmi d’autres.

L’été dernier, dans un article authentique rendant hommage à Sadek Aïssat, on trouve bizarrement au milieu des termes élogieux le qualificatif de «sectaire» (tout le contraire de ce qu’on sait du regretté Sadek Aïssat).

Il a fallu la protestation indignée d’un lecteur, intrigué par ce qui apparaissait tombant comme un cheveu sur la soupe, pour que la responsable et auteure honnête de l’article précise qu’on lui avait falsifié la phrase incriminée, et pour que la rédaction du quotidien impute le fait à une erreur typographique.

Drôle de coquille, que le remplacement de plusieurs qualificatifs élogieux par celui de «sectaire». On ignore si le responsable de la «coquille» a été découvert et sanctionné.

Il y a quelques jours je lis dans mon courrier électronique un article, apparemment ancien et signé F.A., qui tout au long du texte rend hommage à Maurice Audin.

Et comme si de rien n’était, un passage inattendu reprend la vieille calomnie usée jusqu’à la corde concernant aussi nombre d’autres combattants communistes, selon laquelle Audin avait agi à contre-courant des orientations défendues par son parti.
Voici la thèse, reprise à l’envie comme s’il s’agissait d’une vérité première; « … Mathématicien, Maurice … avait alors 25 ans. Il était militant au Parti communiste. Et contrairement à la direction de sa formation politique, il s’est très tôt prononcé pour l’indépendance de l’Algérie, dont il prendra la nationalité, sans honte aucune ».
La messe est dite et on ne s’embarrasse pas de contradictions. Ce n’est pas le PCA qui a réussi au prix d’efforts à contre-courant à rallier tant d’européens sincères à la revendication d’indépendance en les arrachant à la propagande colonialiste …

On croyait la page tournée.

Il semble plutôt que les dinosaures marchent à reculons.

On pourrait sourire de la candeur du procédé. Mais la persistance de ces pratiques incite aussi les lecteurs à une salutaire vigilance envers les âneries historiques à visées malveillantes et envers aussi des commanditaires possibles qui encourageraient les piques stériles et enfantillages d’arrière-garde.

Faisons confiance en tout cas à la vigilance et au professionnalisme des responsables de publications. En matière d’Histoire nationale, y compris lorsqu’il s’agit d’indispensables approches critiques, ils ont dans l’ensemble laissé loin derrière eux les lassantes litanies de l’époque de la «pensée unique». Nombre d’entre eux contribuent déjà à donner une image plus véridique, plus tonifiante et rassembleuse de l’Histoire nationale.

Je saisis l’occasion de cette mise au point pour mettre en ligne deux textes personnels, publiés en 2004

autour de l’hommage rendu des deux côtés de la Méditerranée au regretté et emblématique Maurice Audin

CONTRE LA TORTURE ? Tout est dans les niveaux de conscience et de mobilisation

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L’entretien ci-dessous porte sur la nécessité et les possibilités de mener la lutte contre les pratiques de la torture, malheureusement présentes sous toutes les latitudes.

C’est une lutte inséparable de celle menée contre les causes et les conditions socio-politiques qui génèrent la torture.

L’entretien a été donné par Sadek Hadjerès à Alger républicain en 2004. C’était à l’occasion de l’hommage rendu à Maurice Audin par l’inauguration d’une place de Paris à sa mémoire. Le problème a aujourd’hui encore des résonances douloureuses franco-algériennes et aussi algéro-algériennes en rapport avec les évolutions après l’indépendance.

On trouvera dans un autre article du site (n° 201) une évocation du parcours biographique et de la personnalité de Maurice Audin comme enseignant, syndicaliste et militant politique au sein du PCA et dans les organisations de lutte pour la Paix et les droits de l’Homme.

L’article avait paru en mai 2004 dans l’Humanité, Le Quotidien d’Oran et Le Matin d’Alger

ENTRETIEN

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AR : Une place vient d’être inaugurée à Paris au nom de Maurice Audin. Vous avez évoqué sa mémoire dans des quotidiens algériens (Le Matin et Quotidien d’Oran) et français (l’Humanité).

Pouvez vous, pour les lecteurs de notre mensuel, dire comment vous appréciez cet événement?

SH : Il est heureux que Maurice Audin soit à ce jour honoré des deux côtés de la Méditerranée. Quand l’Algérie devenue indépendante a donné le nom du mathématicien à la place en contrebas des Facultés d’Alger, cela signifiait que les Algériens les plus conscients jugeaient les européens et les français sur leurs actes et non sur leur origine. Aujourd’hui, le geste courageux de la municipalité de Paris sauve l’honneur de la France, venant après l’hommage que le jury universitaire français présidé par Laurent Schwartz avait rendu en pleine guerre à notre camarade disparu. Il jette une passerelle de plus vers un avenir de fraternité et de solidarité entre nos deux peuples.

AR : Avez-vous connu Maurice Audin?

SH : Oui, vers la fin de mes années étudiantes, puis quelques années après, nous avons souvent milité ensemble.

Quiconque l’a connu ne peut oublier les qualités intellectuelles, militantes et humaines de ce patriote algérien d’origine européenne, membre du PCA, assassiné à 25 ans pour son attachement actif à la cause de l’indépendance nationale.

En même temps, il animait dans les milieux français d’Alger la lutte pour une sortie politique négociée du conflit engendré par la colonisation.

J’ai évoqué aussi le courage de son épouse Josette. Mère de famille et militante elle aussi, elle a mené après la disparition de son mari un combat persévérant pour faire éclater la vérité.

Elle a participé sur le terrain aux actions de solidarité avec les épouses, mères et filles de détenus, de torturés, de disparus. aidée en cela par Djamila, femme de Yahia Briki, ancien journaliste d’Alger républicain, condamné à mort pour ses actions dans les rangs des Combattants de la Libération (dont l’attentat contre Massu).

AR : Y a-t-il des leçons que vous croyez utiles de tirer?

SH : Au delà des faits, j’ai voulu surtout souligner l’importance d’une action unie et vigoureuse pour faire reculer le fléau de la torture. Ce mal universel accompagne en tous temps et en tous lieux, dans des formes et des intensités variables, la répression contre les mouvements d’émancipation politique et sociale.

On en constate les effets ravageurs, ouverts ou sournois, aussi bien dans l’actualité internationale (voir Irak et Palestine), que dans l’évolution de l’Algérie après l’indépendance, sur un terrain préparé par des épisodes internes malheureux du mouvement national pendant la guerre de libération ou même avant.

On parle aujourd’hui de ces dérives épouvantables beaucoup plus facilement qu’il y a quelques décennies. C’est bien, et ça peut devenir productif si ça ne devient pas un déballage passionnel, qui tournerait exclusivement autour de la condamnation, au moins morale, des responsables des actes (exécutants et inspirateurs aux plus hauts niveaux), ce qui est une exigence inévitable et bénéfique.

Il y a aussi et il faut l’avoir en vue, quelque chose d’encore plus déterminant pour la justice et l’apaisement: mettre à nu les racines de ces pratiques infâmes, c’est à dire les situations d’oppression et d’inégalité, les intérêts financiers et de pouvoir, les orientations politiques et leurs enchaînements sur la scène publique, tout cela souvent camouflé derrière des discours et des justifications à caractère identitaire ou idéologique prétendant à l’hégémonie.

On ne peut épargner à la nation et à la société les récidives dramatiques de tortures et d’exactions si on n’a pas conscience de leurs causes plus profondes

Il s’agit d’une œuvre de salubrité civique et d’assainissement des mœurs politiques, dans l’intérêt des peuples et des couches les plus nombreuses, les plus soucieuses de l’intérêt général.

AR : Croyez-vous que ces orientations de bon sens puissent finir par prévaloir?

SH : Je ne crois pas à des évolutions positives faciles et spontanées. La malédiction de la torture ne peut reculer et encore moins prendre fin s’il n’y a pas une conjonction forte de l’action des milieux les plus conscients ou disposant de leviers d’influence, avec l’expérience vécue sur la durée par les plus larges couches des populations concernées.

Seule cette convergence peut marginaliser, neutraliser et décourager les pratiques barbares, dont les adeptes se trouvent aussi bien chez des modernistes (ou qui se proclament tels) que chez des traditionalistes ou réactionnaires.

Encore faut-il que les convergences souhaitables ne se fassent pas sur le seul terrain moraliste. L’indignation légitime, si elle est mal orientée, débouche sur l’escalade catastrophique des vengeances, des règlements de compte au gré des rapports de force.

Pour être productifs, les constats doivent donc se doubler d’une prise de conscience des intérêts communs légitimes et des convergences nécessaires pour les faire prévaloir. Il existe de cela des illustrations par centaines.

AR : Pour être plus précis?

SH : Par exemple, les atrocités colonialistes ont été un gâchis pour deux peuples qui avaient besoin de toutes leurs ressources humaines et matérielles pour bâtir un meilleur avenir, chacun de son côté, ou encore mieux en coopération.

N’est-ce pas aussi un gâchis épouvantable, durant la guerre de libération, que l’assassinat de médecins volontaires dont le maquis avait un besoin vital?

Les conséquences à plus long terme ont été encore plus graves, la création d’une culture de violence et le mépris d’une saine vie politique, qui enclenchent des engrenages mortels.

Le traitement sauvage des manifestations de jeunes (elles mêmes dévoyées) d’octobre 88 témoigne des orientations perverses qui vont générer fatalement les horreurs partagées et le désastre national de la décennie tragique.

C’est une question d’orientation et de responsabilité politique et non de nature humaine.

Les circonstances pendant la guerre de libération m’ont amené à côtoyer (sans qu’ils sachent qui j’étais) de tous jeunots assassins de l’OAS ou des fidayin de la Zone autonome. Je constatais que les uns et les autres en pleine période «d’épuration» vraiment aveugle, étaient au fond, comme vous et moi, des individus «normaux» capables de sentiments humains généreux. Ce qui n’était pas normal, c’était les orientations politiques racistes d’un côté ou défaillantes de l’autre, qu’ils véhiculaient sans en être directement responsables.

AR : Alors, reste-t-il un espoir de sortir de l’engrenage?

SH : Pourquoi pas? Mais il n’y a pas de miracle. Cela pourrait faire l’objet d’un autre entretien, et surtout d’un large débat national empreint d’esprit d’ouverture dans notre société et dans le champ politique.

Surtout pas d’illusions béates ni de pessimisme stérile. Mais une volonté fondée sur les réalités et les intérêts communs.

Je lis dans «Le Matin» une opinion tout à fait fondée de Miloud Brahimi : «… Il y a un consensus national sur la pratique de la torture».

Cela est vrai au niveau d’une large opinion de base, qui transcende les clivages politiques ou même, pour schématiser, les familles de disparus ou les victimes du terrorisme.

La capacité de faire déboucher un tel débat sur des sauvetages tels que ceux réalisés en Afrique du Sud ou du Rwanda dépend de deux facteurs conjugués: la pression puissante des aspirations saines de la population et le dépassement par les «politiques» (civils et militaires) de leurs étroitesses hégémonistes, dans l’intérêt bien compris de tous.

En résumé, créer les conditions pour non seulement affirmer mais instaurer une primauté fondamentale qui n’est pas celle (maladroitement exprimée par le document de la Soummam) des «politiques» sur les «militaires» mais celle de la solution démocratique des problèmes sur les avidités de pouvoir.

(Entretien réalisé le 29 05 04)

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(*) membre de la direction du PCA 1952-65, premier secrétaire du PAGS, 1966 –1990

NICOLE DREYFUS EST DÉCÉDÉE LE 11 FÉVRIER 2010

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Nicole Dreyfus, avocate des militants du FLN, est décédée

par Hassane Zerrouky, article publié dans l’Humanité

Cette femme menue, qui a défendu des militants nationalistes et communistes algériens, était redoutée par les juges et les procureurs. Dans cette Algérie en guerre, en dépit des menaces de mort, elle n’a jamais cédé à la peur.

Nicole Dreyfus est décédée jeudi soir dans un hôpital parisien. Elle avait quatre-vingt-six ans. Avocate, elle s’est distinguée par un engagement exceptionnel pour la cause de l’Algérie en guerre en assurant la défense des militants nationalistes et communistes algériens.

C’est ainsi qu’en 1956, alors âgée de trente-deux ans, elle a fait partie du collectif de défense du Front de libération nationale (FLN). Cette année-là, en pleine «bataille d’Alger», alors que les paras du général Massu pratiquaient une «torture de masse» selon l’expression d’Henri Alleg, faisant disparaître des milliers de personnes – 25 000 morts et disparus en 1956-1957 –, Nicole Dreyfus se rendait à Alger pour assurer la défense de deux jeunes femmes, Baya Hocine et Djhor Akrou, membres de l’ALN (Armée de libération nationale), âgées de seize ans, accusées de terrorisme. Elles avaient été condamnées à mort «la veille de Noël […] en dépit de leur âge et en dépit de leur sexe», déclarait-elle dans un entretien à l’Humanité du 15 novembre 2000, avant que leur peine ne soit commuée en prison à perpétuité.

Elle a surtout défendu des femmes comme Zohra Drif, dirigeante du FLN pendant la bataille d’Alger, la communiste Jacqueline Guerroudj, toutes deux condamnées à mort en premier appel. Safia Baaziz, devenue avocate, et plus tard sa collaboratrice. Et tant d’autres militantes nationalistes et communistes algériennes. Menacée de mort par l’extrême droite, Nicole Dreyfus n’a jamais cédé à la peur.

Nicole Dreyfus puisait la force de son engagement dans l’histoire de sa famille. Très attachée à son origine alsacienne, raconte Henri Alleg, lointaine cousine du capitaine Dreyfus, elle a été marquée par le racisme antisémite.

Et de ce passé fait d’engagement pour l’indépendance algérienne qu’elle évoquait à chaque fois qu’elle y était invitée, un ami commun, ancien cadre du FLN, a vainement essayé de la persuader de le raconter par écrit pour les générations actuelles et à venir.

C’était en juillet dernier, deux mois après son retour d’Algérie où elle avait participé à un colloque sur les massacres du 8 mai 1945 à Sétif et Guelma. Elle n’en voyait pas l’utilité. «Ce n’est pas mon genre. Je n’ai fait que ce je devais faire comme l’ont fait d’autres avant moi dans d’autres circonstances tout aussi tragiques», répondait-elle.

En 2000, Nicole Dreyfus s’engage de nouveau en signant avec onze autres personnalités françaises (Henri Alleg, Germaine Tillion, Josette Audin, Simone de Bollardière, Gisèle Halimi, Alban Liechti, Noël Favrelière, Madeleine Rebérioux, Pierre Vidal-Naquet, Jean-Pierre Vernant et Laurent Schwartz) l’appel lancé le 31 octobre 2000, à l’initiative de l’Humanité, demandant au président Jacques Chirac et au premier ministre Lionel Jospin de condamner la torture pendant la guerre d’Algérie.

Cet appel «a eu l’immense mérite de réveiller dans notre peuple ce qui était refoulé. Il a remis à l’ordre du jour des faits anciens, qui dormaient dans la conscience commune, en éveillant des réactions très salutaires. Il a constitué un véritable point d’ancrage pour l’indispensable travail de mémoire», assurait-elle dans les colonnes de l’Humanité.

L’ANC sud-africaine, la défense des progressistes grecs sous la dictature des colonels, la Palestine et l’Irak sous occupation américaine ont fait aussi partie de son engagement.


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Nicole Dreyfus l’avocate du FLN décédée jeudi soir

par Nadjia Bouzeghrane, EL WATAN du 14 février 2010 .

L’avocate Nicole Dreyfus était, de mon point de vue, tout indiquée pour un avis sur la décision de députés algériens de poursuivre les auteurs de crimes coloniaux commis en Algérie. C’est pourquoi j’ai tenté de la joindre, jeudi à midi. En vain. Je recommence vendredi après-midi. Au bout du fil, une voix me répond : «Qui cherche à la joindre? Elle est décédée hier soir…»

Nicole Dreyfus a fait partie du collectif d’avocats qui a défendu les membres du FLN arrêtés pendant la guerre de Libération nationale.

Elle effectue son premier voyage en Algérie en 1956. Sa dernière visite à Alger remonte à fin octobre 1961.

L’avocate a plaidé essentiellement à Alger, mais aussi à Oran, à Annaba, à Constantine et à Ouargla.

Lorsque l’OAS se déchaîne, elle se souvient avoir dit à un militant politique: «Ce n’est plus la peine d’envoyer des avocats en Algérie parce qu’on est dans une phase telle que les condamnations à mort ne sont plus exécutées, il n’y a pas de menace immédiate. En revanche, l’OAS peut envahir les prisons, elle l’a fait dans certains cas, et là, nous ne pouvons rien. » Peu de temps après, Maître Garrigues, avocat à Alger, était assassiné par l’OAS.

Des militants du FLN qu’elle a défendus, Maître Nicole Dreyfus a surtout revu, depuis, des femmes. L’avocate était souvent constituée par des femmes. « J’ai revu Malika Korriche, Safia Baaziz, qui était ma collaboratrice, elle est avocate à Paris, Anne-Marie Francès, qui est morte il y a deux ans et que j’ai hébergée chez moi pendant plusieurs mois à sa sortie de prison, Mériem Belmihoub-Zerdani, Djouher Akrour ; j’ai revu à mon dernier séjour Guerroudj et sa femme ainsi que Zohra Drif… »

L’avocate raconte: «On plaidait les affaires qui venaient, avec souvent, à la clé, des condamnations à mort. Il fallait étudier le dossier en quelques heures, et le lendemain plaider à fond. Je considère que c’était un combat juste, je suis contente de l’avoir mené.» (El Watan, édition du 8 mai 2005).

Après l’indépendance de l’Algérie, elle a poursuivi son engagement pour la vérité et la justice.

«La manifestation du 17 octobre 1961 et sa répression abominable est une affaire qui m’a particulièrement tenu à cœur, parce que je l’ai suivie devant les juridictions françaises et même devant la Cour européenne des droits de l’homme (El Watan du 8 mai 2005, ndlr).»

Sur initiative de la fondation du 8 Mai 1945, des rescapés et des ayants droit de victimes de la sanglante répression de la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris ont déposé une plainte contre X devant la justice française pour crime contre l’humanité en février 1998.

Saisie par les plaignants le 15 mars 1999, la chambre d’accusation a rendu son arrêt le 3 mai, dans lequel elle confirme que les faits incriminés sont amnistiés parce qu’ils entrent dans le cadre de la loi d’amnistie couvrant les infractions en relation directe ou indirecte avec la guerre d’Algérie.

Les avocats de la partie civile ont saisi la cour de cassation. La plainte des familles avait été rédigée, signée et déposée par maîtres Bentoumi, Nicole Dreyfus et Marcel Manville. Ce dernier, ami de Frantz Fanon, est décédé le 2 décembre 1998 en plein tribunal, alors qu’il s’apprêtait à plaider devant la chambre d’accusation. Les plaignants sont allés jusque devant la Cour européenne des droits de l’homme.

Présente à une rencontre témoignage de Louisette Ighil Ahriz organisée par l’Humanité en septembre 2000, l’avocate confirme que des récits tels que celui de Louisette Ighil Ahriz: «Nous en avons entendu des centaines, chacun des prisonniers de Barberousse, d’Oran, de Constantine… nous faisait le même récit, décrivait les mêmes tortures.»

«Le devoir de mémoire est un devoir essentiel. La torture pratiquée en Algérie n’intéresse pas que l’Algérie. C’est un problème universel contre lequel nous devons nous élever et lutter.»

Nicole Dreyfus ajoute que la France a attendu 1996 pour reconnaître la Shoah;

«sur la guerre d’Algérie, personne n’a rien dit, non pas parce que pendant la guerre personne ne se soit dressé en France ou en Algérie contre la torture» .

«La loi d’amnistie a couvert ces exactions. Est-ce pour autant que ces faits doivent être couverts par la loi de l’oubli?»

« Il y a une responsabilité de l’État français qui doit reconnaître que ce qui s’est passé il y a 40 ans, la torture, est inadmissible.»

Et « actuellement, les choses sont mûres pour que, de part et d’autre de la Méditerranée, on parle de réconciliation, laquelle comporte une condition : la condamnation des tortionnaires par l’Etat qui les a engagés. Ce n’est pas l’oubli qui efface les crimes. C’est la reconnaissance de ses torts. (El Watan du 19 septembre 2000)».

«Quelles que soient les vicissitudes de la colonisation, et Dieu sait ce qu’elles ont été nombreuses et cruelles, il y a quand même entre ces deux pays une histoire commune, une culture commune et des valeurs communes qui sont des valeurs de la démocratie et de la tolérance. C’est le point le plus important et pour lequel nous attachons le plus de prix et de satisfaction (El Watan du 8 mai 2005).»


20 Juillet 1990, INQUIÉTUDES et ANALYSE D’UN CADRE DU PAGS

Le document ci-dessous (fac similé et sa reproduction) est révélateur des interrogations qui ont assailli en 1990 un grand nombre de militants et cadres communistes algériens. Particulièrement ceux dont l’expérience, la discipline, l’esprit de sacrifice, la créativité, l’esprit d’ouverture et le lien avec leur base sociale, avaient fait leurs preuves durant les 24 années de luttes clandestines. Comme les lettres à la direction que « Socialgerie.net » avait mises en ligne précédemment , ce document donne à réfléchir sur les causes et les motivations internes et externes qui ont paralysé les dynamiques de démocratisation, devenues pourtant possibles et encore plus nécessaires avec la légalisation.

Comment ces mécanismes ont-ils pu frapper à des degrés divers l’ensemble du pays et des formations politiques, alors que les aspirations ardentes à la liberté et à la justice sociale s’étaient amplifiées durant trois décennies ? Deux dernières lignes, en post-scriptum du document, fournissent une des clefs du problème. Pour certains, consciemment ou inconsciemment, l’art de diriger s’était réduit à celui d’enfermer les opinions militantes dans des fonds de tiroir, à l’image des méthodes que le système avait perfectionnées depuis l’Indépendance.

Au gâchis général, s’est ajouté dans le cas de Abdelkrim Elaidi, une conséquence désastreuse, pas spécialement pour lui mais pour l’avenir d’Alger Républicain. Suite à une décision unanime de la direction du PAGS qui estimait qu’on ne pouvait faire meilleur choix, il y avait commencé un travail de redressement prometteur dans la perspective d’en assumer progressivement la pleine responsabilité, avec l’accord total de Benzine de plus en plus handicapé. Mais bien avant le mois de juin, Krimo s’est avéré non manipulable face aux plans de déstabilisation déjà perceptibles. Sa lucidité et le courage de ses opinions, sa vision clairvoyante de ce que l’avenir allait confirmer, dérangeaient les entreprises de dévoiement Témoin des entraves apportées à ses efforts de redressement du journal et des intrigues visant ce dernier, notre camarade, écœuré, les yeux grands ouverts et la mort dans l’âme, a repris sa carrière et ses précieux travaux universitaires, que sans hésiter une seconde, il avait interrompus près d’une année à l’appel de ses camarades.

S .H.


LETTRE DE
ABDELKRIM ELAIDI 20.07.1990

INQUIÉTUDES

Je voudrais exprimer, en toute franchise, des inquiétudes qui m’assaillent actuellement – certaines interrogations plus anciennes ont été livrées, sous différentes formes, sans trouver, pour autant, un écho satisfaisant…

I.

Autant j’étais critique, dans le passé, envers ce qui m’apparaissait comme relevant de l’inertie ou du conservatisme – ou manque d’audace – dans la pratique (ligne, méthodes de travail, fonctionnement, etc.), autant je suis abasourdi par ce que je suis contraint de qualifier de véritable fuite en avant dans les positions exprimées par le Parti – plus exactement par la Direction nationale.

J’ai en tête non seulement certaines positions de membres de cette instance mais également, et surtout, la déclaration du 18 juin 1990 (faite après les résultats, non toujours analysées à ma connaissance, des élections du 12 juin dernier) et du communiqué intitulé «Contre la ligne anti-constitutionnelle du F.I.S.» (18.07.1990).

J’ai personnellement tout à fait l’impression que la Direction nationale ne tient absolument pas compte des réactions enregistrées dans de nombreux secteurs et par un grand nombre de militants, de cadres notamment, du parti.

Si ce fait se confirme, quelle était alors la finalité du Rassemblement du 27 juin 1990? Un tel rassemblement avait-il pour objectif d’écouter les pulsations du Parti ou celui de justifier une position déjà prise (Le communiqué du C.C., lu à cette occasion, parle de «Rassemblement d’information», si ma mémoire est bonne)?

Est-ce le reflet d’une terrible coupure? Une absence totale d’écoute des préoccupations traversant nos rangs? Sommes-nous en présence d’une conception selon laquelle le Parti est, avant tout, sa Direction nationale – laquelle Direction détiendrait l’ «Analyse» et la «Vérité» même lorsqu’elle affirme – encore une Vérité! – le contraire?

Y a-t-il des considérations justifiant, aux yeux des membres de la Direction, de telles positions mais que cette instance ne peut pas ou ne veut pas, pour des raisons valables ou non, communiquer aux militants?

Ces positions expriment-elles un état de choc qui n’a pu aboutir qu’à une forme de «radicalisme» dans les positions? N’y a-t-il pas, en définitive, derrière et à travers ces postions, l’illusion, absolument dangereuse à mon sens, selon laquelle le pouvoir devrait intervenir, y compris par la répression, pour endiguer l’avance du mouvement intégriste?

II.

Je précise ce dernier point. À mon avis, nous ne nous sommes pas donnés les moyens de connaître le mouvement islamiste comme processus politique, idéologique et identitaire – national avant tout, même s’il a des ramifications extérieures. Nous n’y voyions que l’aspect extérieur reconduisant ainsi, sans le vouloir peut-être, la propre vision qu’a ce mouvement de notre propre courant! Une telle démarche est, en ce qui nous concerne, non seulement bizarre mais anti-dialectique…

Nous sommes victimes, quant au fond, de notre mépris de la théorie, des intellectuels, des sciences sociales et humaines et de l’indispensable recours aux spécialistes et de leur consultation – qu’ils soient membres ou non de notre organisation…

L’illusion est là: c’est celle de prétendre saisir les processus sociaux par des «catégories» politiques générales – non renouvelées par ailleurs – tout en ignorant celles de la science politique. Ce qui signifie, en dernière analyse, que nous sommes encore, et pour le moins, réticents par rapport à la nouvelle mentalité.

Je dois dire franchement, par ailleurs, que je ne suis pas convaincu par l’argument selon lequel la question identitaire n’avait pas été traitée dans l’avant-projet de la Résolution politico-idéologique (R.P.I .) à cause, justement, de son importance!… Quelle signification donner à une telle «omission»? Je n’arrive pas encore à m’en faire une telle opinion mais ce dont je suis sûr c’est que, par une telle démarche, le Parti ne se donne pas les moyens de réfléchir sur sa propre identité…

III.

Je m’interroge, à ce niveau, sur la précipitation avec laquelle un avant-projet de R.P.I. a été rendu public par le biais de notre organe central… Je dis cela tout en précisant que j’adhère, pour l’essentiel, aux thèses de ce document.

Pourquoi cette incroyable fuite en avant – ce qui n’est peut-être pas sans rapport avec celle des dernières déclarations ?

IV.

La seule explication que je suis arrivé à me donner, à l’heure actuelle, à propos de cette tendance à la fuite en avant – dont on devrait envisager sérieusement les éventuelles implications politiques, idéologiques et organisationnelles- est liée à ce qu’il nous faut lucidement appeler la crise du Parti et de la Direction nationale.

Car il y a bien crise et l’oin devrait, à mon avis, le déclarer ouvertement nous-mêmes en tant que partisans de la méthode dialectique. Le faire ne serait pas aussi catastrophique qu’on le pense: ce serait le signe non seulement d’une lucidité mais aussi d’un courage politique. Autrement, s’appliquerait à nous le fameux verset coranique: « Ils sont sourds, muets, aveugles et ne sauraient revenir » (La Vache, v. 18)…

La démobilisation, large et profonde, dans nos rangs, liée, entre autres, au fait de taire une telle crise, trouverait certainement un terrain favorable à son traitement.

Et cette crise est, à n’en pas douter, une réalité multidimensionnelle: politique, idéologique, identitaire, organisationnelle, etc.

V.

Des camarades mettent cette crise, même sans utiliser une telle terminologie, en rapport avec les problèmes de la Direction nationale. J’ai été personnellement très réticent vis-à-vis d’une telle optique aveuglé certainement par les qualités – politiques et humaines – indéniables des éléments constituant cette Direction et par notre admiration envers cette instance et notre fierté d’avoir une concentration aussi forte – que nous envient, à coup sûr, d’autres forces politiques – de l’intelligence et du sens du sacrifice… C’est pour dire que le problème n’est pas celui des qualités intrinsèques des membres de cette Direction…

Ma pratique et ma réflexion m’ont amené à reconsidérer ma position sur le rôle du facteur Direction nationale» dans la crise de notre parti.

J’ai été amené à une telle conclusion en prenant en considération, avant tout, le fait que nous sommes une organisation excessivement centralisée – ce qui se justifie jusqu’à une date récente – et fortement marquée encore par des réflexes de la pratique stalinienne.

Une précision encore: la centralisation excessive n’est pas contradictoire, à mon sens, avec le phénomène de dilution à la base…

Ce qui frappe le plus, c’est que l’on a l’impression d’avoir affaire à une Direction en situation d’auto-neutralisation… On voit la Direction mais exceptionnellement des dirigeants! Terrible, n’est-ce pas?

Autrement, comment expliquer la coupure quasi-totale entre cette Direction et les militants et cadres, c’est-à-dire, en fait, le Parti? Inutile de préciser que le critère de non coupure n’est pas, pour moi, la proximité physique et j’en veux pour preuve mon expérience récente…

La «neutralisation» touche également beaucoup de militants-cadres. Paralysés, beaucoup de cadres ont l’impression, à tort ou à raison, d’être instrumentalisés. C’est creuser encore plus le fossé que d’ignorer un tel fait psycho-politique.

VI.

Ce que suggèrent ces constats et impressions, c’est que la Direction actuelle, tout en étant toujours considérée, par la plupart des militants et cadres, comme légitime (non pas certainement pour le travail accompli actuellement mais pour son activité clandestine sans doute), est contestée fortement et de façon croissante. La situation actuelle du Parti, dans ses aspects les plus critiques, lui est imputée – de façon excessive parfois, à mon avis.

On ne semble pas lui attribuer une dynamique susceptible de sortir le Parti de la situation de crise ou de marasme qu’il connaît et de lui permettre de faire face aux multiples enjeux actuels.

Le grand capital de confiance dont disposait la Direction nationale, vécu comme un état de grâce, est en train d’être substantiellement entamé.

L’idée d’élargir la Direction à quelques cadres apparaît comme tardive et peu crédible. L’exigence de son renouvellement est de plus en plus posée.

Le drame réside, sans doute, dans le fait que l’expérience de direction accumulée ne semble pas être en train d’être transmise et que l’on n’a pas la conviction que la relève, après une période transitoire de «brassage» des générations, sera assurée.

Si un telle situation venait à se perpétuer, l’on assistera inévitablement à la constitution de tendances – organisées sans doute – au sein du Parti. Ce phénomène se ferait, pour l’essentiel, au détriment des compétences de la Direction actuelle. Il serait dangereux, à mon sens, de ne pas prendre en considération, une telle éventualité comme il serait aberrant de penser que ces critiques proviendraient d’un cercle restreint de cadres…

VII.

L’idée dominante, au niveau de la Direction nationale, semble être que la publication de l’avant-projet de R.P.I., sa discussion, son enrichissement, son adoption et sa mise en œuvre urgente, régleraient, pour l’essentiel, ce que je n’ai pas hésité à appeler «la crise» du Parti et que d’autres militants pourraient appeler «problèmes de ligne», «problèmes d’organisation, de fonctionnement», etc.

Sans minimiser l’effet que pourrait avoir la R.P.I., je demeure très critique vis-à-vis d’une telle disposition mentale. La raison principale de mon scepticisme est que l’on avance que ce document va «régler» nos problèmes essentiels par l’approfondissement de la ligne politico-idéologique et l’inévitable redynamisation qu’elle entraînerait et ce, au moment où les multiples problèmes s’accumulent et où la Direction brille, aux yeux des militants, par son absence sur le terrain…

Si ces observations venaient à être confirmées de façon incontestable, la fuite en avant relevée et signalée est paradoxalement l’expression d’une politique de l’autruche…

Telles sont, à l’heure actuelle, mes inquiétudes.

J’ai tenu, comme à l’accoutumée, à les exposer en toute franchise.

Post-Scriptum :

Encore une inquiétude: cette réflexion sera-t-elle étudiée et diffusée auprès d’un minimum de camarades ou classée et archivée?


CALLIGRAPHIES ARABES ET DROITS DE L’HOMME

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Ce montage a été réalisé par le regretté Mohammed KHADDA, ancien ouvrier typographe, peintre et écrivain aux talents multiples, tous inspirés par l’ humanisme combattif qu’il déploya dans les rangs du Parti communiste algérien et du PAGS.

Le même Khadda le jour de mon retour à la vie légale en avril 1989, animait une soirée chez les dockers du port d’Alger sur le thème de l’art abstrait,dont la calligraphie arabe était à ses yeux l’une des expressions.
Son idéal s’exprime ici dans les variations calligraphiques autour de la belle thématique de la liberté et des droits humains:

« YOULADOU EN- NASSOU AHRARAN WA SAWASIYA »

(LES HOMMES NAISSENT LIBRES ET ÉGAUX).

La même inspiration, on la retrouve dans le tableau qui a illustré plusieurs ouvrages consacrés à la torture (dont une édition a été préfacée par lui) sous différents systèmes politiques d’oppression en Algérie au cours du siècle dernier

(voir sur SOCIALGERIE: « L’ARBITRAIRE, par BACHIR HADJ ALI », article 135)

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N’EST-ELLE PAS BELLE, LA FUTURE GRANDE MOSQUÉE D’ALGER ?

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L’Algérie aura-t-elle les centres éducatifs, les salles d’opéra, les mosquées et autres édifices que son peuple mérite? Comment chacun reconnaîtra-t-il en ces réalisations une partie de sa culture, de son âme et de ses aspirations? Comment faire passer à nos contemporains et à ceux qui vont nous succéder le message qu’ils sont, selon le mot d’Assia Djebbar, les dignes «héritiers d’un passé inventif» et ses dépositaires? Comment faire pour que la réalisation de telles constructions participe par elle-même à la production d’un avenir de modernité pour tous, de justice sociale et de progrès partagé?

Ce sont un peu les questionnements posés par Mohamed Kara dans le récit qui suit et qui sont soumis à discussion:

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Avec des milliards de dollars, on va certainement construire une très belle mosquée.

Ce sera un condensé de prouesses techniques et de choix esthétiques subtils. On viendra de loin pour admirer ses courbes futuristes et ses lignes qui s’élancent gracieusement vers le ciel et vers les horizons.

A l’intérieur, les volumes souligneront la petitesse de l’homme devant la puissance infinie du Créateur de tout ce qui existe.

La richesse des tapis, l’éclat des lustres même éteints, l’indescriptible beauté des calligraphies, les arabesques finement ciselées dans le bois et le plâtre et les courbures parfaites des arceaux, alimenteront l’espoir d’une grandeur retrouvée de notre civilisation.

Quand vous y pénétrez, vous êtes envahi d’un profond sentiment de paix et de réconciliation avec l’univers. L’air y est continuellement purifié par des voies judicieuses et par des actes sincères de piété. Les lumières adoucies par les vitraux et discrètement prodiguées par les luminaires, donnent à l’endroit une atmosphère hors temps et hors espace. Vous ne pourrez alors que rendre grâce à Dieu en vous prosternant face à la qibla pour avoir prolongé votre vie jusqu’à ce jour béni où votre corps et votre âme ont joui d’une telle sérénité.

Et vous n’avez pas fini de vous émerveiller.

Vous levez les yeux sous la coupole et votre regard plonge dans un kaléidoscope de lumières et de dessins éblouissants. Des mélanges instables de fonds marins et de ciels nocturnes clairs.

Quand le muezzin appelle à la prière, vous vous retrouvez au milieu d’une multitude de fidèles qui respirent la pureté et sentent le musc, et qui bougent délicatement par respect pour la maison de Dieu. Vous êtes alors subjugué par une joie qui monte de profondeurs insoupçonnées en vous.

Elle sera belle cette mosquée. Elle sera le nouveau symbole de notre capitale. Elle relèguera au rang de minable monument païen cet édifice qui enlaidit les hauteurs d’Alger, édifié sous Chadli. Un juste retour des choses et une passerelle jetée en travers quatorze siècles : une mosquée qui vient déclasser Houball.

Vous sortez de la salle de prière en vous promettant de revenir à la mosquée pour visiter l’immense bibliothèque, pour poser des questions aux éminents ulema qui y officient, pour admirer les belles pelouses et plans d’eau continuellement entretenus et pour prendre des photos à montrer à vos proches et à partager sur Internet.

Dehors, vous vous dirigez vers un homme qui semble être familier des lieux.

Le geste ample vers la mosquée, vous l’abordez: «Elle est magnifique, n’est-ce pas?»

«Oui. Superbe ! Avec tout ça, vous n’avez rien vu. La portée des poutres atteint des records mondiaux. Le minaret est l’un des plus hauts au monde. Il est visible à des dizaines de kilomètres et ses lumières peuvent guider mieux qu’un phare les navires par temps de brouillard. Pour assurer la stabilité de ses assises on a fait appel à des méthodes révolutionnaires et élaboré de nouvelles théories pour les structures bâties. Cette mosquée, pour ceux qui en ont conçu les plans et ceux qui l’ont réalisée, a été une mine d’or de nouveaux savoirs techniques et scientifiques, parce qu’ils étaient débarrassés de la contrainte des coûts. Celui qui l’a commandée, voulait ce qui se faisait de mieux dans le monde, et même plus, sans regarder à la dépense.»

Le visage éclairé d’un large sourire, vous demandez: «Et combien elle a coûté en tout?»

«Rien que l’édifice, quatre milliards d’Euros. A cela, il faut ajouter les aménagements extérieurs, la voierie sur des kilomètres, l’assainissement, ce qu’on a appelé les restaurations de l’environnement et quelques autres bricoles comme la sécurisation, les parkings, l’ameublement, enfin une infinité de petites choses.»

Votre cerveau se mue en machine à calculer et vous mettez un temps à assimiler les résultats des opérations arithmétiques.

Votre sourire perd un peu de son éclat: «Qui en a fait les plans?»

«Ben! Des Hollandais»

Vous vous dites: «Ah ces Hollandais. Ils en ont dans la tête. Des artistes! Quand ils s’y mettent, ils savent y faire pour produire des chefs d’œuvres. C’est pas des tarés. Bénis soient-ils mêmes s’ils ne sont pas musulmans….»

Puis avec sourire forcé: «Et qui l’a réalisée?»

«Un groupement germano-hollandais.»

Une pensée admirative pour ces Allemands et ces Hollandais connus pour leur minutie et la qualité de leurs réalisations. Mais cela ne vous épargne pas la crispation qui vous tenaille l’abdomen.

Vous vous demandez pourquoi tout cela vous irrite.

Et plus vous réfléchissez, plus votre colère augmente. Vous sentez votre visage s’embraser.

Vous jetez un regard circulaire sur la mosquée et ses alentours. Un écran de plus en plus opaque se dresse devant vos yeux.

Vous vous oubliez à faire défiler dessus quelques unes de ces petites et grandes merveilles que l’homme a disséminées à travers les âges et les contrées. Le château de Versailles, la mosquée des Omeyyades de Damas, Madinat Az-Zahra en Andalousie, le Colisée à Rome, Djemaâ Ketchaoua à Alger, la tour de Montréal, la Grande Muraille de Chine, la Koutoubia de Marrakech, le Rozalcasar d’Oran, la Tour Eiffel, la Mosquée Bleue d’Istanbul, l’Empire State Building, l’aqueduc de Ségovie en Espagne, les trésors du Louvres, les dessins rupestres du Tassili, les pyramides Incas, la Mosquée de Cordoue, les statues de l’île de Pâques, les ruines de Timgad, le Phare d’Alexandrie… Les images et les évocations s’entrechoquent dans votre esprit et vous disent que toutes ces réalisations témoignent de la vanité, de la grandeur, du génie, de la folie et même de la cruauté de leurs auteurs.

Elles renseignent mieux que toute autre chose sur les savoirs techniques et scientifiques, le sens artistique, les croyances, les valeurs des uns et des autres, le mode de vie, les rapports entre ceux qui détiennent la puissance et ceux qui lui sont soumis et sur bien d’autres choses, dans les sociétés qui les ont produites.

Vous secouez la tête et vous reprenez conscience que, face à vous, la mosquée est toujours là.

Vous essayez de chasser l’idée que cette incomparable mosquée n’a été érigée que pour satisfaire une mégalomanie dispendieuse.

Encore une fois, oui et oui. C’est une merveilleuse mosquée. Elle est éblouissante. Elle est l’objet de reportages d’une multitude de chaînes télé arabes, européennes, américaines… Elle abrite des conférences qui réunissent les sommités religieuses mondiales. Elle est devenue un passage obligé pour chaque illustre visiteur de notre pays. C’est une curiosité touristique incontournable pour quiconque vient à Alger. Elle est un modèle pour des artistes peintres d’ici et d’ailleurs qui viennent planter leurs chevalets dans son esplanade…

Mais que va-t-elle évoquer pour ceux qui, dans un avenir proche ou lointain, vont essayer de percer les mystères de notre époque à travers elle?

En imaginant ce qu’ils peuvent découvrir, vous rougissez de honte pour votre époque, pour votre génération.

Oui et encore oui et mille-mille oui. Elle est admirable!

Mais, bien sûr et en même temps… Qu’a-t-elle apporté de vraiment durable au pays et d’utile pour votre génération et celles à venir?

On nous rabâche les oreilles que le meilleur investissement c’est la formation des hommes, que le développement c’est, entre autres, l’acquisition des savoir-faire individuels et collectifs, qu’il faut préserver et réhabiliter notre patrimoine culturel et en faire un tremplin pour l’avenir…

Alger a besoin d’un monument à la hauteur d’une prestigieuse capitale, nous dit-on.

Combien d’édifices religieux, culturels, éducatifs ou seulement décoratifs aurait-on pu ériger avec les sommes astronomiques qu’elle a englouties?

Combien de quartiers et de villes aurait-on embellis?

Combien de chercheurs, d’artistes, d’architectes, d’artisans, d’ingénieurs, de techniciens, de gestionnaires, d’ouvriers et de citoyens auraient pu exprimer leurs talents, plonger dans la restauration d’un riche patrimoine synthèse de diverses influences et génies, se tromper, se former de leurs erreurs, de leurs acquisitions et d’une coopération étrangère bien pensée, former, satisfaire une saine curiosité, vivre et tirer fierté de leur travail…?

Combien de pères auraient emmené leurs enfants devant une belle construction, régal pour les yeux et joie pour le cœur, pour leur dire: «Là, vois-tu mon enfant, il y a un peu de moi. Cette porte, c’est moi qui l’ai dessinée. Cette poutre, c’est moi qui ai su la cacher sous cette belle décoration. Ce plâtre, je l’ai patiemment ciselé après un apprentissage auprès d’artisans marocains. Ces vitraux, c’est moi qui les ai posés avec toute l’attention qu’il fallait, des Italiens m’ont appris à le faire. Nous avons travaillé pendant des heures et des jours pour poser cette céramique sous la supervision de maîtres turcs, maintenant, c’est nous les maîtres de ce métier. C’est grâce à mes recherches sur l’art antique en Afrique du Nord que cette forme a été adoptée. L’armature de ce monument porte encore une goutte de ma sueur… J’espère pour toi, mon enfant, que ce pays te donnera, comme à moi, l’occasion de lui exprimer concrètement ton amour, tu ne l’en aimeras que bien plus…»

Et vous, visiteur de cette mosquée, vos dernières pensées sont admiratives pour ceux qui l’ont conçue et ceux qui l’ont construite, et méprisantes pour ceux qui l’ont commanditée et achetée au prix d’un énorme recul architectural et technique dans le pays, d’une régression en tout et partout, d’un dédain criminel pour nos chercheurs, artistes, artisans, ingénieurs, architectes, techniciens, ouvriers et autres bâtisseurs.

Mohamed Kara

10/02/2009

DÉFAIRE LA DÉFAITE, COMPRENDRE L’HISTOIRE

Stathis KOUVELAKIS (Londres, King’s College) vient de participer au Colloque d’hommage rendu récemment à Alger avec un grand succès au regretté Georges LABICA et son oeuvre. Il est l’un des trois responsables du Séminaire hebdomadaire « Marx au XXIe siècle, l’esprit & la lettre » qu’il anime à la Sorbonne avec Isabelle Garo (Paris, Lycée Chaptal), et Jean Salem (Paris 1), dans le cadre du CENTRE D’HISTOIRE DES SYSTEMES DE PENSEE MODERNE Université Paris 1.
Ses travaux portent sur la Philosophie politique, un domaine que Georges LABICA avait grandement fait progresser à l’Université de Nanterre (Paris X). Le texte, dense, est une contribution à l’incontournable travail de dépassement de l’attentisme messianique et des approches mécanistes et unilatérales de la pensée de Marx, pour qui veut ouvrir la voie à de nouveaux et féconds développements historiques.


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DEFAIRE LA DEFAITE

par Stathis Kouvelakis

Penser ensemble l’histoire et la politique pour dégager les chemins possibles d’une révolution est une préoccupation que je partage avec Daniel Bensaïd. Et ce n’est certainement pas une chose facile. Le problème central auquel il faut se confronter quand on essaie de penser ensemble ces deux choses-là aujourd’hui est, ou du moins telle est mon hypothèse dans cette petite communication, la catégorie de sujet. Je pense que la raison pour laquelle les approches philosophiques qui essayent de disjoindre l’histoire de la politique sont actuellement à ce point prégnantes réside précisément dans la crise de la catégorie de sujet, qui est elle-même une crise historique. Il ne suffit donc pas de rappeler, comme Daniel Bensaïd vient de le faire, à juste titre, qu’one ne saurait imputer à Marx les visions naïves, finalistes et/ou anthropomorphiques, de l’histoire qui lui sont souvent attribuées. Il nous faut aller au cœur de la question, c’est-à-dire à la crise de la manière dont le marxisme a essayé de penser la catégorie de sujet révolutionnaire.

Je précise immédiatement qu’il ne faut pas, à mon sens, rejeter en bloc les approches philosophiques «anti-historiques» que je viens d’évoquer, par exemple la philosophie de l’événement développée par Alain Badiou, ou celles que proposent ceux qui réfléchissent à partir de Walter Benjamin, parce que ces penseurs captent quelque chose de vrai de notre situation présente. À savoir que nous venons effectivement d’une défaite, nous avons vécu une défaite historique, et que, de ce fait, la crise de la politique construite autour d’une conception du sujet révolutionnaire est, elle aussi, tout à fait réelle. Je pense cependant qu’il nous faut aujourd’hui essayer d’aller plus loin, et d’une certaine façon la meilleure façon de le faire c’est de penser de façon historique, et même historiciste ces philosophies de la défaite. De comprendre donc leur contenu de vérité, mais aussi de le relativiser, en en saisissant les limites, qui ne sont pas les simples limites d’une pensée spéculative, mais également celle d’un moment historique qui s’exprime à travers elle. Il y a, bien entendu, un présupposé dans la démarche que je propose, qui est un présupposé politique : la décision politique qu’il est aujourd’hui à la fois nécessaire et possible d’aller au-delà de la défaite, de commencer à dé-faire cette défaite qui demeure pourtant la nôtre.

Pour avancer dans cette voie, je me limiterai ici à deux remarques, une première qui porte sur la catégorie de non-contemporanéité, telle que Daniel Bensaïd l’a évoquée, et une deuxième, qui porte sur la critique de la notion de philosophie de l’histoire. La thèse que je vais défendre est, de façon très condensée et schématique, que pour repenser aujourd’hui la catégorie de sujet révolutionnaire et de politique révolutionnaire, il faut nous tourner, pour les retravailler, vers trois notions essentielles de la tradition du marxisme révolutionnaire : la catégorie de praxis, la catégorie de dialectique, et la catégorie l’historicisme, et même l’historicisme absolu, comme disait Gramsci. Je propose donc de prendre l’exact contre-pied des approches philosophiques qui dominent actuellement au sein même de la gauche radicale, même de celle qui continue à se référer au marxisme. Je pousserai même le paradoxe un peu plus loin, car la thèse sur laquelle je vais conclure est qu’il y a effectivement, pour le marxisme, une philosophie de l’histoire, une philosophie qu’il nous faut d’une certaine façon défendre, mais – et je reprends là une distinction de Lukács – il s’agit là de «concevoir la philosophie comme l’expression conceptuelle de l’histoire elle-même et non comme philosophie sur l’histoire». [[«Die Philosophie als gedanklichen Ausdruck der Geschichte selbst und nicht als Philosophie über die geschichte aufzufassen», Georg Lukács, Moses Hess und die probleme der idealistischen Dialektik, Leipzig : Hirschfeld Verlag, 1926.]]

La non-contemporanéité comme hypothèse politique

Quand Marx parle de la catégorie de non-contemporanéité, dans les lettres à Vera Zassoulitch que Daniel Bensaïd vient d’évoquer, il ne se contente pas simplement d’invoquer une certaine contingence et une ouverture de l’histoire. Il ne se contente pas de relativiser le schéma du Capital et de récuser l’idée d’un sens qui viendrait déterminer à l’avance et de l’extérieur l’histoire universelle. Marx affirme bien tout cela, mais s’il le fait, c’est parce qu’il développe une hypothèse subjective et stratégique, donc pleinement politique, sur la transition au communisme. Ce que dit Marx dans ces lettres, c’est que du fait de la non-contemporanéité de la société russe, du fait que coexistent dans cette société des éléments qui appartiennent à des temporalités très différentes, certaines très archaïques ou pré-capitalistes et d’autres très modernes, il est possible pour la Russie de passer au communisme en sautant par-dessus, en contournant la période de développement capitaliste. Et la condition subjective pour cela c’est de s’appuyer sur les relations communautaires, du mir, de la communauté pré-capitaliste qui est celle du village et de la campagne russes. Comme vous le savez, après la mort de Marx, Engels et les marxistes russes, à commencer par Plekhanov ont rejeté de manière catégorique cette hypothèse stratégique liée au populisme, au mouvement des narodniki. Le rejet de cette possibilité, et la thèse du développement capitaliste inéluctable et déjà en cours de la Russie, peut même être considérée comme l’acte fondateur de la social-démocratie russe. Il ne faut pas croire pour autant que le débat est clos, et je rappellerai simplement que, dans ses derniers textes Lénine, se tourne vers le développement des relations de coopération dans les campagnes et sur la révolution des masses colonisées en Asie comme les deux voies qui s’ouvrent pour l’avancée de la révolution en Russie et à l’échelle mondiale.

Je crois qu’il faut aller encore plus loin dans ce sens : ce qui est nouveau dans l’hypothèse de Marx exposée dans les lettres à Zassoulitch, c’est la rupture avec l’eurocentrisme. Mais l’idée selon laquelle il est possible de renverser la non-contemporanéité en transition vers le communisme n’est pas une idée nouvelle. C’est une idée qu’on retrouve, chez Marx déjà, dans ses textes de jeunesse, ceux des années 1844-48, qui traitent de la révolution allemande. Ces textes disent que l’extrême retard de l’Allemagne des années 1840 peut se renverser en avancée, car en Allemagne l’Ancien régime, le monde pré-moderne, est en train de s’effondrer, alors qu’il est déjà trop tard pour une révolution bourgeoise comme la Révolution française de 1789. Et vous savez sans doute que le nom que Marx a donné à cette hypothèse subjective et stratégique est celui de révolution permanente ou plus précisément révolution en permanence . Voilà pour la première remarque.

L’histoire comme récit

J’en viens maintenant à la question de la philosophie de l’histoire. S’il y a quelque chose qui demeure équivoque ou ambigu dans la critique que Marx adresse à la philosophie de l’histoire, la cause en est, me semble-t-il, dans ce problème classique de la philosophie, celui de la relation entre immanence et transcendance. Pour dire les choses rapidement, Marx se trouve dans la position de tout penseur dialectique, à savoir dans la nécessité de penser une situation en y incluant sa propre position subjective. Mais le paradoxe est que cette position subjective n’a pas encore produit ses effets, d’une certaine façon, ceux-ci sont encore à venir. S’ils en tracent le dépassement, leur possibilité est néanmoins interne à cette situation, elle en indique le point de basculement «absolu», celui où, pour reprendre cette terminologie, l’immanence se renverse en transcendance. Et c’est à cause de ce décalage qu’il y a bien sûr de l’imprévisibilité, de la contre-intentionnalité, et de la contingence, dans l’histoire.

Marx essaye d’une certaine façon de combler ce décalage, et pour ce faire il doit résoudre le problème suivant : l’histoire n’est pas un récit, elle n’est pas une narration qui déploie un sens censé la précéder et la fonder (donc un sens supra-historique), sous peine de retomber dans les visions naïves du finalisme et/ou de l’anthropomorphie que nous avons commencé par écarter. Pourtant, la seule façon de rendre l’histoire intelligible et d’y intervenir, d’en faire une histoire pour nous , c’est de construire un récit [[Je reprends ce thème à Fredric Jameson et son ouvrage magistral The Political Unconscious. Narrative as a Socially Symbolic Act. Ithaca : Cornell University Press, 1981]] Or, dans un récit, on retrouve toujours trois éléments, qui se présupposent mutuellement et correspondent aux dimensions de la temporalité : un début, qui bascule aussitôt dans le passé, une «intrigue» (l’«histoire», ou l’«action», à proprement parler), qui renvoie au «présent» construit dans et par le récit, et une fin, un moment futur, qui est le point vers lequel bascule en quelque sorte ce récit par sa propre logique interne. C’est cette structure narrative minimale qui est toujours mobilisée, ou présupposée, lorsqu’il s’agit de concevoir et d’organiser une action au présent, et notamment une action collective transformatrice, une praxis, capable d’infléchir le cours des choses, d’ouvrir à des possibilités, donc à des « histoires », des lignes narratives, nouvelles. Sans elle, il ne peut y avoir ni conception historiquement située de la politique, ni «torsion» politique de l’histoire, tout au plus quelque chose comme, dans le meilleur des cas, le «bruit et la fureur» du theatrum mundi vu par un Shakespeare ou un Calderon.

Naturellement, tel que présenté auparavant, ce schéma narratif et temporel ternaire n’offre qu’une version extrêmement simplifiée et linéaire du récit ; en réalité, aussi bien dans la « grande » littérature que dans les discours théoriques de la modernité, nous avons affaire à des schémas narratifs beaucoup plus complexes, qui associent plusieurs lignes narratives, en y introduisant des éléments de discontinuité et d’éclatement (qui ne sont toutefois jamais absolus précisément parce qu’ils arrivent à s’inscrire dans une certaine trame narrative). Ce schéma demande donc à être aménagé, complexifié, et je pense que les critiques formulées à partir des années 1960 à l’Histoire, à la Téléologie ont joué un rôle positif en obligeant à élaborer de nouveaux types de récits, de nouveaux modèles narratifs, plus satisfaisants que les anciens. On peut par exemple penser aux débats entre marxistes sur la question de la transition du féodalisme au capitalisme, ou sur le mode de production asiatique, ou encore sur l’Antiquité et les sociétés dites « primitives », et qui ont permis d’échapper à la présentation linéaire et déterministe de la succession des modes de production qui prévalait jusqu’alors dans le marxisme «vulgaire».

S’il demande et admet des aménagements, ce modèle narratif n’en correspond pas moins, il me semble, à quelque chose comme un schème formel, dans le sens kantien, qui est complètement inévitable et indépassable, et qu’ il nous faut pleinement assumer, en tant que marxistes révolutionnaires, parce que sans cela une perspective d’émancipation, de rupture du temps historique, devient impensable. Il y a un récit historique qui est proprement marxien, et, comme je le suggérai à l’instant, c’est la séquence des modes de production. Bien sûr il ne faut pas comprendre cette succession des modes de production dans un sens déterministe ou supra-historique. Il ne faut pas faire une lecture substantialiste du schéma formel que j’ai exposé. La véritable hypothèse de Marx, comme vous savez, c’est qu’il y a un mode de production qui a une place tout à fait particulière dans cette séquence non déterministe, c’est le mode de production du présent, le capitalisme. Marx nous invite en fait à comprendre subjectivement comme quelque chose de déjà mort, de déjà passé. Le Capital c’est précisément ce récit, la narration de cette expérience de pensée : comprendre le capitalisme comme quelque chose d’historique, qui contient (de façon immanente donc) la possibilité de son propre dépassement (de sa transcendance). Pour Marx, l’historicité du capitalisme ne consiste pas à dire qu’il a une histoire, une origine et un développement (Adam Smith l’avait déjà établi), elle consiste à produire un type de récit très particulier (car il entrelace un niveau d’abstraction très élevé et des développements historiques: c’est toute la question de l’exposé du Capital ) qui permet de penser sa fin, de le concevoir donc comme quelque chose de déjà mort, qui appartient au passé. C’est pour cela que je dis qu’on ne peut pas contourner complètement la question d’une certaine philosophie ou méta-théorie de l’histoire, si on veut intervenir de façon politique, dans l’histoire.

Contre le narcissisme de la défaite

Je crois donc qu’il faut affronter de façon très calme les critiques concernant téléologie inhérente à la vision marxienne et marxiste, d’abord formulées par Althusser et qui sont devenues des lieux communs de la pensée postmoderne: nous revendiquons pleinement la téléologie au sens du schème narratif formel évoqué auparavant, au sens d’une catégorie «vide» de l’exposé (la Darstellung ) de la théorie du mode de production capitaliste, car sans elle toute compréhension non métaphysique de notre présent, toute intelligence du capitalisme comme une réalité historique, contradictoire et dépassable en raison même des ses contradictions, condensées et portées à leur point absolue par la praxis politique révolutionnaire, devient impossible.

L’évolution d’Althusser lui-même en fournit à mon sens une excellente illustration a contrario : jusqu’au bout incapable d’assumer cette distinction, l’auteur de Pour Marx a fini par combiner une posture de désespoir politique et existentiel (non dépourvue d’auto-complaisance morbide) et une métaphysique bricolée, et, en fin de compte, obscurantiste, de l’histoire comme succession contingente de singularités événementielles radicalement disjointes et closes sur elles-mêmes. Donc une métaphysique post-moderne de la non-histoire et une liquidation non moins métaphysique de la politique dans l’attente de l’Événement salvateur.

Rompre avec cette attitude, que le marxiste lacanien Slavoj Zizek a parfaitement raison à mon sens d’appeler le «narcissisme de la défaite», fort répandu dans les milieux intellectuels et les cadres politiques de la gauche, me paraît être la tâche sans doute la plus urgente de l’heure. Elle est la condition pour lever l’«obstacle épistémologique», le butoir de le pensée, qui paralyse actuellement la pensée et l’initiative politique des révolutionnaires. C’est la raison pour laquelle, et je conclurai là-dessus, je pense que pour dépasser la défaite que nous avons vécu, il faut l’historiciser. Il ne faut donc pas la considérer, comme Benjamin ou Badiou, comme une catastrophe ou un désastre dans lesquels l’histoire se serait engloutie (et la politique immatérialisée dans l’attente de l’événement messianique), mais comme un mode spécifique d’expression des contradictions, comme un mode d’expression du travail du négatif. Pour le dire autrement, il faut historiciser la défaite pour ouvrir la voie à ce qui peut être une victoire nouvelle.

Intervention au colloque « Pensare con Marx, ripensare Marx », organisé par le Centre d’études Livio Maitan à Rome le 26 janvier 2007

UN AUTRE MARXISME POUR UN AUTRE MONDE

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Dans la tourmente de la mondialisation néolibérale, la gauche est entrée en récession. La France, pays de l’exception supposée, s’aligne sur une situation désormais quasi générale: un affaiblissement historique de l’antagonisme entre des prétentions politiques rivales. Assumant le discours de la droite réactionnaire et une politique économique libérale, M. Nicolas Sarkozy est parvenu à se faire entendre des couches populaires les plus fragilisées. Il a réussi à convaincre que lui seul détient les moyens de réaliser les espoirs qu’incarnait la gauche, dont il rallie les idéologues et neutralise les chefs de file. La convergence ultime l’a-t-elle emporté sur la «lutte finale»?

Le défi d’un pouvoir de gauche, porté par des décennies de luttes, s’était, au sortir de la seconde guerre mondiale, concrétisé dans le «compromis social-démocrate», selon de multiples variantes, des centres aux périphéries. Le capitalisme continuait à se déployer en guerres coloniales et destructions écologiques, mais les privilèges de la propriété capitaliste s’étaient amenuisés: faibles taux d’intérêt réels, maigres distributions de dividendes, hausse modérée de la Bourse, prédominance du secteur non financier. Et l’on mettait en place des industries nationales, des services publics, une sécurité sociale, des politiques d’emploi et de développement. Toute une dynamique «socialisante», parfois véhiculée par des forces politiques de gauche, 1968 en marquant l’apogée.

Soudain l’élan est brisé. A la fin des années 1970, les capitalistes retrouvent une capacité offensive. Ils engagent un nouveau cycle historique, néolibéral. Trois décennies plus tard, l’affaire semble entendue. Du passé, ils ont fait table rase. La voie tracée semble sans retour. Le doute s’installe sur l’idée même de gauche, non seulement sur la faisabilité de ses projets, mais sur l’avenir dont elle était porteuse. Un sentiment de vide, comme la perte d’une croyance. Un sournois désespoir, qui paralyse.

Que manque-t-il donc à la «gauche» pour comprendre sa propre histoire, en faire le bilan – de son irrésistible ascension à son déclin historique – et pour être en mesure d’envisager une suite, si difficile soit-elle?

Tout en nous réclamant de Karl Marx, nous soutenons que c’est au marxisme lui-même qu’il faut s’en prendre. Car c’est lui qui a consacré, dans la culture commune, cette division en deux camps: travail contre capital. Or ce mythe fondateur introduit un biais fallacieux. L’ordre social moderne comporte non pas une, mais deux forces sociales dominantes: au monde des «capitalistes» s’en articule un autre, celui des organisateurs, gestionnaires privés et publics, experts en tout genre – les «cadres-et-compétents». C’est à ces deux forces, liées et pourtant antagoniques, que fait face l’ensemble des «classes fondamentales populaires». C’est à partir de là que se comprend la lutte moderne de classes – un jeu à trois, et non à deux.

Dans le «compromis social-démocrate» prévalant durant les «trente glorieuses», une alliance s’est réalisée entre les classes fondamentales et les cadres-et-compétents, diversement représentée par des partis socialistes ou communistes. Les classes fondamentales en constituaient la force motrice; les cadres-et-compétents, la cheville ouvrière. L’inspiration provenait des deux composantes. L’État-nation devint l’État social. La gestion des entreprises et des politiques échappait largement aux détenteurs de capitaux. On parlait d’économie mixte, entre capitalisme et socialisme. Il reste à préciser le profil de cet objet et à comprendre dans quelles conditions il a disparu.

Pour y parvenir, repartons de l’analyse faite par Marx. Son idée centrale est que la structure de classe, dans le monde moderne, ne renvoie pas, comme dans les systèmes antérieurs, à la prétention d’une supériorité naturelle de certains, mais à l’affirmation de la liberté et de l’égalité entre tous, telles qu’elles se donnent censément dans une économie de marché. Seulement, précise Marx, ce système ne se réalise qu’en faisant du travailleur lui-même une marchandise exploitable. Une telle économie est donc capitaliste, et non seulement marchande. Le marché n’est pas en lui-même un rapport de classes, mais il en est le facteur en dernière instance. Il donne lieu à la propriété privée des moyens de production. C’est, dit Marx, avec cette matrice marchande qu’il faut en finir, parce qu’elle conditionne tout le reste.

Or, ajoute-t-il, on voit au sein de l’entreprise moderne émerger l’autre principe rationnel de coordination, susceptible de se généraliser à l’échelle sociale et de marginaliser puis de remplacer le marché: l’«organisation», équilibrage a priori et non plus a posteriori des décisions de production. La classe ouvrière y puisera sa force ascendante; les salariés finiront bien par s’approprier les entreprises; la révolution ouvrira une ère postmarchande, fondée sur l’organisation concertée entre travailleurs libres et égaux.

Ce «grand récit» résume l’utopie centrale du XXe siècle, inspiratrice d’héroïques révolutions, de luttes et de réformes émancipatrices qui ont changé le destin du monde. Référence théorique fondamentale, il comporte cependant une face obscure car il occulte que l’organisation est elle aussi, à l’instar du marché, un facteur de classe: l’autre facteur. Et que la forme moderne de société repose sur ces deux piliers. La domination de classe y relève de deux forces relativement distinctes, dont l’une opère à travers la propriété capitaliste, et l’autre à travers la «compétence» – qui assure l’organisation économique, administrative, culturelle. [[Dans Altermarxisme, Un autre marxisme pour un autre monde , Presses universitaires de France, Paris, 2007, nous présentons, aux chapitres 5 et 6, deux théorisations distinctes, et pourtant convergentes, de la structure de classe dans la société capitaliste.]]

Ce paradigme, que nous appelons «néomarxisme», implique une révision importante de l’analytique des structures de classe proposée par le marxisme classique. Il pose à celui-ci la question de savoir pourquoi lui échappe cette dualité de la domination, enregistrée par les sociologies et accessible au sens commun. Pourquoi cette idée est-elle étrangère à son approche, qui traite la bureaucratie comme une pathologie, sans discerner dans l’organisation un facteur de classe?

La raison en est que ce marxisme classique émergea lui-même historiquement, face à la propriété capitaliste, comme le discours d’un arrangement tacite, et quelque peu occulte, entre les cadres-et-compétents et les classes populaires. Et c’est pour cette raison qu’il a pu constituer la doctrine officielle du «mouvement ouvrier», tant dans le «socialisme réel» qu’au sein du «socialisme dans le capitalisme». Dans ces courants historiques s’affirme une identité de classe ambivalente, constamment déniée, orientée vers un compromis entre la «classe ouvrière» et le pôle de l’encadrement économique et culturel. La concertation entre tous (l’«association des travailleurs», objectif officiel) y prend, à des degrés divers, la forme d’une économie organisée, sous l’égide d’institutions publiques. Le pouvoir de tous tend à s’identifier au pouvoir des organisateurs.

L’histoire du capitalisme au XXe siècle est ainsi gouvernée par l’alternance, au sommet du pouvoir, des deux forces socialement dominantes. La «finance» prédomine jusqu’en 1933 (début du New Deal aux Etats-Unis). Puis l’encadrement organisationnel, jusqu’aux années 1970. Enfin à nouveau la finance. Quand celle-ci l’emporte, elle impose aux organisateurs la dynamique du changement social qui lui est propre. Quand prévaut le pôle de l’organisation, c’est qu’il a fait alliance, contre la finance, avec les classes populaires.

Cette grille de lecture éclaire les destins disparates, et pourtant parallèles, du capitalisme et du socialisme réel. Elle conduit à mettre en regard, d’une part, la montée en puissance d’un «pouvoir managérial» à l’Ouest, vérifiable au niveau des entreprises, des grandes sociétés et des Etats, et, d’autre part, la «révolution prolétarienne» à l’Est, laquelle a très rapidement laissé le pouvoir se concentrer entre les mains des organisateurs, promus en classe dirigeante unique. Le parallélisme des phénomènes conduit à penser qu’ils relèvent des mêmes déterminations structurelles profondes, inhérentes à la forme moderne de société. Au point que la convergence des systèmes ou le passage de l’un à l’autre furent toujours objet de débat.

Cette alliance historique entre classes populaires et cadres-et-compétents a pris des formes diverses, se renforçant jusque dans les années 1960-1970. Elle fut décisive dans les combats du tiers-monde, dans les poussées révolutionnaires latino-américaines, dans les mouvements étudiants et ouvriers à travers le monde. Pour ne parler que de la France, toute une jeunesse étudiante, riche déjà de la position hiérarchique que ses diplômes lui réservaient dans la société, ébranlait en 1968 les vieux contextes culturels sur lesquels les forces de la droite traditionnelle appuyaient leur pouvoir de classe. Entraînée par cet élan, la classe ouvrière lançait vers le ciel un ultime assaut : quarante jours de grève plus ou moins nationale. Ce n’était là qu’un début, disait-on…

Pourquoi faut-il dès lors que l’histoire ait pris un autre cours, et que se soit produit un soudain retour de la finance?

C’est que l’endiguement des pouvoirs et revenus de la finance dans le compromis social-démocrate n’était pas passé inaperçu. Les idéologues des classes capitalistes, de Friedrich von Hayek à Milton Friedman, avaient dès l’origine saisi la nature du processus, tant au plan national qu’international. La finance retrouvant sa pugnacité (le souvenir de la crise de 1929 s’estompait), son pouvoir se reconstituait, notamment dans l’émergence d’un nouveau système financier, celui des euromarchés, à l’abri du contrôle des banques centrales.

Chaque écueil que le compromis de l’après-guerre rencontrait sur sa route – à commencer par la crise du dollar au début des années 1970 – en fragilisait les fondements. L’incapacité des tenants du compromis à faire face à la crise structurelle des années 1970, notamment à l’envolée de l’inflation, favorisa l’émergence de pouvoirs, ceux qu’incarnaient Mme Margaret Thatcher et Ronald Reagan, affrontant avec une détermination «de fer» les résistances ouvrières. En 1979, les taux d’intérêt étaient portés à des niveaux sans précédent, bouffée d’air frais pour des classes capitalistes dont le revenu était au plus bas. Crise dans le tiers-monde endetté. Une nouvelle discipline était imposée aux travailleurs et gestionnaires.

Les grandes tendances capitalistes à la mondialisation commerciale et financière, que l’ordre social antérieur était parvenu à domestiquer dans des politiques de développement, reprenaient ainsi le dessus, dans des conditions renouvelées par certaines «avancées» technologiques. La mondialisation changeait de caractère. Elle imposait une nouvelle division internationale du travail, sous hégémonie américaine, qui relança l’exploitation coloniale et plaça en concurrence tous les travailleurs du monde. Le miracle chinois allait cacher les plaies de l’Amérique latine.

Dans ce processus, les cadres-et-compétents ont été repris en main par la finance. Dépossédés de la capacité d’initiative et détournés des objectifs qui avaient été les leurs dans le contexte de l’État-nation, ils se montrent incapables d’en rétablir les logiques au plan continental, comme en Europe. Ils passent du compromis social-démocrate au compromis néolibéral. Un ralliement plus ou moins empressé selon les contextes historiques, plus allègre aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni qu’en France.

Lorsque des figures politiques représentatives des cadres-et-compétents se rallient aux options néolibérales, il n’y a pas de trahison individuelle. Au-delà de l’ambiguïté des carrières, les conditions historiques qui avaient conduit à l’émergence du compromis social-démocrate ont disparu. Feu la gauche! Et la question se pose alors pour les classes fondamentales: comment reprendre l’initiative politique?

Pour répondre, il faut d’abord élucider un second point. Comment passe-t-on du jeu à trois à un jeu à deux? Comment le schéma ternaire, de classes, se matérialise-t-il dans la forme binaire (droite-gauche) qui gouverne la scène politique? Dans le schéma démocratique de gouvernement à la majorité, la gauche constitue le lieu politique problématique de l’alliance entre les classes fondamentales et les cadres-et-compétents. Au tournant du XIXe au XXe siècle, révolutionnaire ou réformiste, elle s’est historiquement constituée quand le salariat s’est tourné vers les couches de la «compétence», de l’encadrement et de la culture, les entraînant dans sa dynamique historique. Les intellectuels et organisateurs en tous genres ont alors joué un rôle-clé, se positionnant volontiers à l’avant-garde du «mouvement ouvrier».

Assurément, l’«organisation» recèle un immense potentiel de tyrannie, mais elle ne s’exerce comme telle qu’en s’exposant de façon publique: elle s’énonce en projets d’ensemble, articulant fins et moyens. A l’inverse, le «marché», en tant que tel, n’a aucun plan commun à dévoiler ni à soumettre à la critique commune. S’il requiert publicité et propagande, il n’a rien d’autre à offrir aux citoyens que la promesse d’une prospérité inscrite dans les mécanismes du profit et de l’intérêt individuel. Il n’est donc pas indifférent d’être gouverné à gauche ou à droite.

Mais la «gauche» est un vocable désignant une chose instable dont le contenu varie selon que les cadres-et-compétents sont engagés dans un compromis social-démocrate, à gauche, ou dans un compromis à droite. La Gauche majuscule, la «gauche de gauche», n’est pas une institution naturellement garantie. Elle est un événement, qui se produit quand le courant populaire parvient à entraîner les cadres-et-compétents dans la dynamique d’émancipation qui lui est propre. Dans une telle situation, le lien naturel entre les deux composantes de la domination de classe se distend, l’étau qui enserre le grand nombre se relâche.

La situation est aujourd’hui tout autre. Le monde ouvrier a perdu sa centralité, sa place stratégique dans la production qui faisait de lui un élément moteur. L’alliance avec les cadres- et-compétents est devenue problématique. Les classes fondamentales sont placées dans un embarras historique.

La difficulté tient, d’une part, à ce que la puissance nécessaire à la marginalisation de la propriété capitaliste se construit à travers l’alliance avec un partenaire qui peut y trouver ses propres raisons, mais qui reste en même temps – du haut de ses privilèges d’expertise et de direction – un adversaire de classe. Parce que la domination est double, le combat est à mener sur les deux fronts.

Il est clair, d’autre part, que les classes fondamentales ne peuvent l’emporter que si elles réalisent l’unité politique des fractions entre lesquelles elles tendent à se diviser. Ce fractionnement congénital se manifeste dans leur éparpillement sur l’échiquier politique. La droite «propriétaire» fascine les travailleurs indépendants et les couches les plus fragiles du salariat. La gauche «organisatrice et compétente» aspire les salariés du public et, plus généralement, ceux qui ambitionnent une ascension sociale à travers les voies de la compétence. Ces tensions dessinent en creux les exigences d’un programme d’union populaire. C’est cette politique d’unité et d’alliance qui a jalonné l’histoire moderne de temps forts d’émancipation, réformes ou révolutions. Il n’existe aucune voie royale, alternative. Il n’est d’autre choix d’avenir que de la développer du plus local aux échelles les plus vastes, de l’Europe à l’espace-monde. Et d’en radicaliser les objectifs.

Il ne s’agit pas seulement de la propriété commune de certains moyens de production et de la répartition convenable du revenu. Il s’agit, en même temps, des conditions de la vie commune, c’est-à-dire du rapport entre les sexes, de l’écologie, du travail, de la santé, de l’éducation, de la recherche, de l’urbanisme, etc. La lutte contre le capitalisme, dont la logique est l’accumulation du profit, la richesse abstraite, a toujours été une lutte pour les conditions concrètes de l’existence, pour une emprise sur la production de la vie sociale.

Comment les classes fondamentales peuvent-elles reprendre l’initiative? Nécessaire, une forme d’organisation politique qui leur soit propre, celle du «parti», même au pluriel, ne saurait répondre à l’ensemble du problème. Seule une diversité de mouvements autonomes, pérennes ou circonstanciels, est susceptible de mener au jour le jour le combat sur les deux fronts: contre les coups toujours nouveaux du capitalisme et contre la propension de l’«élite» à détourner à son profit l’élan des luttes populaires. C’est donc d’une symbiose, d’une connivence intellectuelle, morale et politique, entre partis et mouvements qu’émergera une Gauche majuscule capable d’affronter le pouvoir capitaliste.

Le «système du monde» capitaliste n’est pas à comprendre sur le mode de l’Etat-nation, dans lequel se déploie la structure de classe ici décrite. Il oppose centre et périphéries. Il transforme les rapports de classes en relations asymétriques, de domination et de guerre. Mais le mouvement historique qui a vu la logique moderne de production et de gouvernement se déployer dans les Etats-nations classiques, aujourd’hui d’échelle continentale, conduit à terme à reproduire cette même matrice dans la forme d’un État-monde en gestation. Avec toute leur puissance militaire, économique et culturelle, les Etats-Unis, centre mondial systémique, impérialiste, s’emploient à s’imposer comme l’acteur dominant de cette «étaticité» de classe globale en voie de formation.

Dans une large mesure, ils y parviennent. A l’opposition des deux mondes, propre à la guerre froide, ou à celle d’une «triade» – Etats-Unis et Canada, Union européenne et Japon –, s’est substituée une hiérarchie hégémonique impérialiste unipolaire, un pôle de concentration des capitaux, commandant leur réexportation au reste de la planète. Contre cette nouvelle forme de concentration de pouvoir mondiale naissante se forge l’unité des luttes et des résistances, s’ébauche la convergence entre luttes de classes, de races et de genres. Cette conscience est encore bien fragile, à la fois éclairée par les craquements du néolibéralisme et menacée par les contradictions qu’alimentent nationalismes et sectarismes de toute sorte. On ne peut ici tabler sur les partis pour organiser l’internationale. C’est la forme du mouvement qui prévaut. A la recherche de ses bases sociales, de sa «mondialité», de son idéologie aussi, un autre marxisme pour un autre monde reste encore largement à inventer.

JACQUES BIDET ET GERARD DUMENIL.

[[Jacques Bidet et Gérard Duménil

Gérard Duménil est économiste, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) (EconmiX);

Jacques Bidet est philosophe, professeur émérite à l’université Paris-X (Nanterre).

(Ils coprésident le congrès Marx International V, qui se tiendra à la Sorbonne et à Nanterre du 3 au 6 novembre 2007.)]]

Ce débat se prolonge sur notre site Internet http://blog.mondediplo.ne t/2007-10-….

LA MORT de « AL QAÏDA » ? Une video édifiante !

Vous avez peut-être déjà vu la vidéo ci-dessous, parvenue à Socialgerie et qui a déjà beaucoup circulé. Authentique ou non,elle montre un haut responsable des services spéciaux français (?) mettre les pieds dans le plat. Dans un style décapant et une démonstration bien charpentée, il démontre publiquement ce dont de nombreux milieux se doutaient, à savoir que la structure qui était désignée comme « Al Qaïda » de Ben Laden avait cessé d’exister depuis longtemps.

Selon la video, Alain Chouet, de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure française (DGSE) avait été invité à intervenir, il y a quinze jours, lors d’un colloque organisé par le Sénat.

Il y aurait entre autres expliqué que l’épicentre de la violence se revendiquant de l’Islam ne se trouve pas plus en Afghanistan qu’en Irak, mais d’abord et avant tout en Arabie Saoudite, cette théocratie pétrolière protégée depuis sa création par les puissances occidentales, Etats-Unis en tête.

On peut s’interroger, si elle se confirmait, sur les raisons de cette « fuite » en forme de réquisitoire. Apparemment, les propos de Chouet, même s’il impute la mystification aux seuls «médias», sont le reflet de fortes contradictions d’intérêt. Une pierre dans le jardin des dirigeants politiques occidentaux qui se sont laissés entraîner dans l’engrenage de la sale guerre US de Bush contre l’Afghanistan, en prétendant qu’il s’agirait d’une lutte «contre le terrorisme et Al Qaïda».

Mais place maintenant à la vidéo, en attendant d’éventuelles réactions du Sénat.

http://videos.senat.fr/video/videos/2010/video3893.html

2 Juillet 1990: Le PAGS A BESOIN D’UN FONCTIONNEMENT DEMOCRATIQUE

En ce vingtième anniversaire de la crise du PAGS, SOCIALGERIE poursuit la publication de documents demeurés peu connus ou étouffés par des appareils qui n’en souhaitaient pas la diffusion et la discussion. (1)

Aujourd’hui, voici la lettre de Mohammed Khadda à la direction exécutive, d’abord lue et discutée dans sa propre organisation de base d’AlgerCentre, une des premières à se reconstituer après la légalisation de la fin 89.

Pour situer cette lettre dans le contexte global de la crise, voir sur le site

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[l’entretien de Sadek Hadjerès au « Soir d’Algérie »

réalisé par Arezki Metref en 2007->6],

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ainsi que les articles du même auteur à la presse de novembre 92 (Faire vivre la démocratie au coeur de la modernité, paru dans el Watan et Alger républicain)

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et de décembre 2006 (Fondation en 1936 et contre-exemple en 1992, paru dans le Quotidien d’Oran).


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LETTRE DE MOHAMMED KHADDA

Je prends la précaution de dire qu’en proposant ces réflexions sommaires sur quelques aspects négatifs dans le fonctionnement des instances du parti, j’ai la plus vive considération pour l’abnégation et le courage des camarades qui dirigent et maintiennent vivant le parti. Mais l’admiration, l’estime, l’amitié ou l’affection que j’ai pour la plupart d’entre eux n’ont pas ici à entrer en ligne de compte. Je tais donc des sentiments qui risquent de fausser ou d’amoindrir mes critiques.

Divers signes montrent qu’une crise se développe et, me semble-t-il prend de l’ampleur au sein du parti.

Je citerai comme manifestation apparente de cette crise, entre autres, la gêne de nombreux camarades et parfois leur refus de diffuser la littérature du parti et «Sawt ech Chaab» en particulier dont l’insignifiance est criante et qui donne un reflet peu flatteur de note parti. Les problèmes humains et matériels de ce journal ne peuvent justifier son indigence, mieux ils mettent au jour les carences du parti lui-même.

Je citerai aussi les désaccords sur les orientations de la direction, désaccords qui se manifestent avec insistance à chaque déclaration publique et qui entrainent des revendications irréalistes telles que «On doit nous consulter» phrase que l’on entend souvent dans nos rangs, comme s’il était matériellement possible et statutairement obligatoire pour la direction de consulter sa base avant de prendre chaque décision. Cette attitude chez de nombreux militants signifie de toute évidence un manque d’adhésion, voire une méfiance vis-à-vis des responsables dont les décisions se révèlent, de façon répétitive, en décalage avec les attentes de la base.

Ajoutons, sans clore la liste des disfonctionnements imputables à ce décalage, l’indiscipline dans le vote lors des dernières élections, les découragements de camarades anciens qui hésitent à quitter le parti par «attachement moral» m’a dit l’un d’eux, les départs de jeunes liés à notre échec électoral même s’ils ne sont pas directement déterminés par lui, le malaise que beaucoup de militants ressentent et qui se traduit par des propos amers et parfois des bavardages peu flatteurs sur les prestations publiques de tel ou tel dirigeant.

Ce phénomène de rejet est connu et mérite l’attention, il risque de s’amplifier, il risque même de nous faire perdre de vue les enjeux majeurs.

La direction de notre parti n’ignore pas, du moins je l’espère, cette atmosphère pesante qui déjà affaiblit nos rangs et les risques d’éclatement ou même de scission qu’elle comporte pour notre organisation. Et, pour ma part, je ne pense pas que les reports successifs de la Conférence Nationale et du Congrès du Parti soient une attitude conséquente quelles que soient les nécessités de la préparation de ces assises.

Notre parti n’avancera et ne se consolidera que s’il répond correctement et sans atermoiements aux aspirations de ses militants à la démocratie, cette impérative exigence de l’être humain au respect et à la considération réciproques. De plus, dans l’état actuel des choses seul un large forum démocratique de nos forces actives peut permettre l’émergence d’une ligne politique convaincante et juste.

C’est une réalité historique que de dire que notre parti depuis sa création (PCA) à nos jours a adopté et reconduit tous les schémas de fonctionnement propres aux partis communistes et ouvriers de par le monde. Les histoires officielles comme les mémoires des peuples ont enregistré le souvenir de cette horrible période et notre parti traînera longtemps ce lourd handicap, outre les handicaps qui lui sont propres.

Mais comment a-t-on pu aboutir à ces lamentables échecs des partis communistes au pouvoir ou dans l’opposition ? Comment de soi-disant avant-gardes, sensées être à l’écoute des aspirations populaires ont-elles pu accumuler tant de haine contre elles ? Comment de jeunes partisans héroïques peuvent-ils devenir des tyrans sanguinaires ou de vulgaires escrocs ou tout simplement des bureaucrates obtus ou de médiocres «idéologues» aveuglés par des certitudes toutes faites?

Ceci mérite des bilans critiques sans complaisance, de sérieuses réflexions collectives que notre parti qui, lui aussi est impliqué peu ou prou dans ce processus négatif, ne peut éviter sans se condamner lui-même.

Pour les besoins de la réflexion observons quelques aspects majeurs du fonctionnement interne d’un parti communiste. Prenons nos exemples dans l’histoire des états socialistes à la fois pour ne pas froisser des susceptibilités, pour éviter des procès d’intention et pour mieux voir les choses à la faveur d’un grossissement.

Des directions de partis jalouses de leurs prérogatives tendaient vers un enfermement clanique et un fonctionnement à huis clos, bureaucratique et autoritaire. Elles entretenaient, consciemment ou inconsciemment, une confusion entre leurs intérêts de castes et ceux supérieurs du parti et défendaient leurs privilèges (aussi maigres et futiles soient-ils) avec la violence que l’on sait.

Dans cette logique, ces dirigeants avaient tendance à s’opposer au renouvellement des instances le plus souvent vieillissantes et sclérosées et freinaient le rajeunissement du parti.

Ces hommes prétendaient incarner le parti jusqu’à institutionnaliser le culte de la personnalité de sorte que toute idée nouvelle qui risquait de les remettre en cause était considérée comme un crime contre le parti.

À partir de l’idée obscurantiste et terrifiante qui décrétait «la primauté du politique» sur le reste, ces individus, le plus souvent sans envergure, dictaient des ordre aux savants, aux intellectuels, aux artistes, prétendaient réguler l’imaginaire populaire, juguler les aspirations culturelles jugées indésirables telle que la revendication identitaire et religieuse par exemple.

Si bien que la médiocrité excluait l’esprit, marginalisait les intelligences, alimentait la dissidence.

Les cultures nationales allaient dès lors se développer contre les goulaks et contre les idées du socialisme.

Il est indéniable que nos camarades à divers échelons et à divers degrés ont été profondément marqués par ces pratiques, puis par la clandestinité. Il est évident qu’il y a des similitudes entre ce que nous venons de décrire et notre parti, nos dirigeants et cadres.

La question qui se pose à nous, ici et maintenant est: aurons nous la clairvoyance, le courage et la capacité de nous comporter autrement et d’amorcer ce processus démocratique qui est à l’ordre du jour dans de nombreux partis frères et qui d’ailleurs nous est imposé par le verdict de l’Histoire et la lutte des peuples.

La question mérite d’être posé énergiquement et sans complaisance même si elle est douloureuse et pénible à assumer pour peu que la volonté existe – et je suis persuadée, pour ma part qu’elle existe chez la majorité de nos dirigeants – de placer les intérêts du peuple et la mission historique de notre parti au-dessus du prestige personnel ou des certitudes acquises et ressassées.

Au demeurant une telle attitude ne ferait que renforcer le prestige de nos dirigeants et redonner au parti et au marxisme-léninisme tout son lustre, toute sa crédibilité sans laquelle il cessera de prétendre à tout rôle dans la construction de l’avenir.

Nous connaissons tous les horreurs commises partout où le socialisme a été au pouvoir. Inconsidérément on nous parle des crimes de Staline, de Ceausescu ou de Honecker. En réalité ce sont des millions de militants communistes aliénés et gangrenés qui sont responsables de l’enfer allumé dans leur propre pays.

Aujourd’hui bon nombre de militants, ceux du moins qui n’ont pas étouffé leur conscience, se sentent responsables et complices de ceux qui ont commis, minimisé ou tu ces crimes contre l’humanité.

Et rien aujourd’hui ne prouve que ces monstruosités ne se reproduiront plus.

C’est dire aussi que les militants vont être beaucoup plus vigilants et beaucoup plus critiques vis à vis de leurs dirigeants. Il faut bien que l’on convienne de cette évolution bénéfique des mentalités. Le militant de 1990 n’est plus le fruste bolchévik des années 17 qui pourrait, sur ordre et en toute bonne conscience torturer son camarade.

A la lumière de ces odieuses aberrations, le parti, plutôt que de susciter l’activisme, les campagnes «contre le chômage», et autres opérations harassantes et nulles quant aux résultats, devrait favoriser dans nos rangs la discussion et la réflexion critique.

Au besoin c’est aux militants de s’octroyer ce droit des plus précieux : la liberté de pensée et d’initiative que quelques responsables ont trop tendance à confisquer. Il est même à craindre que les militants privés de parole dans leur propre organisation aillent, perdant toute patience, s’exprimer ailleurs à la grande satisfaction de nos ennemis.

D’ores et déjà notre direction est controversée et dans certains cas contestée par de nombreux militants. Ces lignes expriment notre alarme et l’exigence d’un débat urgent, d’une évaluation lucide, d’une remise en cause radicale.

Il est coutume de faire des propositions, il est clair que les miennes sont contenues en filigrane dans cette courte réflexion dans la mesure où il ne s’agit pas de mesures ou de réajustements ponctuels mais de tout un état d’esprit, il serait donc inconséquent de formuler des prescriptions ou d’avancer des recettes puisque aussi bien l’instauration d’une vie démocratique ne saurait se réaliser qu’à la faveur d’une pratique de la démocratie. Ma seule proposition est donc de tenir nos assises avec la plus large représentation possible et peut être dans l’immédiat d’ouvrir une tribune de libres opinions dans notre organe central comme amorce d’un débat qui peut être le signe d’un renouveau dans le parti.

Sadek Hadjerès avec Mohamed KHADDA,
2 juillet 1990

Khadda

L’auteur de cette contribution a pris, par mesure de vigilance, la précaution de ne tirer ce document qu’à un seul exemplaire. A l’issue du débat notre cellule souhaite qu’après lecture et avis de la Fédération ce texte soit transmis à la Direction sans être reproduit, ni archivé par une instance intermédiaire.


9 juillet 1990

18 à 21h

– Synthèse du débat sur la communication

« sur la démocratie au sein du Parti »

W. S – est d’accord avec le texte mais pense que certains points méritent réflexion. Il évoque quelques souvenirs où dit-il effectivement la foi et la certitude brouillaient la raison critique. Il faut savoir nous remettre en cause et signale le courage des dirigeants du PCUS faisant leurs auto-critiques à la tribune de Congrès.

Z. B – avoue son malaise après les élections. Cette contribution m’a beaucoup touché, aidé. Nous sommes coupés des masses, nous devons discuter.

S. T – Le MCOI a, sous prétexte de rationalisme, en réalité du scienticisme négligé l’homme et les sciences humaines. Nous payons très cher ces erreurs…

L. C – Est-ce que de excès de la démocratie ne risquent pas de déstabiliser le Parti ? cependant il nous faut bâtir un parti d’un type nouveau.

M. L – J’applaudis, la démocratie c’est l’écoute et le respect réciproques. Il y a encore au parti ces bolcheviks dont parle le texte.

M. K – Depuis 1924, chaque fois qu’un camarade émet une idée nouvelle, il est traité de flic. Nos ennemis tentent de nous marginaliser, mais par notre comportement nous aidons cette marginalisation.

A. T – Cela nous change de la langue de bois habituelle. J’ai moi-même constaté l’amertume et la colère chez nos militants. Nous devons considérer les expériences des autres PC mais ne pas les copier et celles de nos camarades anciens nous sont utiles. De même, les critiques de ceux qui sont proches du parti ne peuvent que nous faire progresser. Faire refonctionner les écoles du Parti, organiser des journées d’études sur des thèmes suivis. Nous devons programmer une AG. de section.

M. C – Je remercie le camarade pour son exposé, nous devons multiplier ce genre de débats sereins.

M. T – Depuis la mort de Lénine il y a eu stagnation dans les idées du M. – L. Nous devons fonctionner avec le doute si nous voulons réellement progresser.


(1) En relation avec les années 1989-1990, et la « crise » du PAGS, SOCIALGERIE a mis en ligne certaines contributions et articles, dont les liens sont donnés ci-dessous:

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RÉFLEXIONS D’UN MILITANT SUR LA RÉORGANSATION DU PARTI
CONTRIBUTION DE TAHAR ABADA
; en date du 11 décembre 1989;
date de mise en ligne: 30 janvier 2010

Lire la contribution de Tahar Abada…


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SADEK AISSAT, SON APPROCHE SOCIALE ET DÉMOCRATIQUE

COURAGE POLITIQUE CONTRE HÉGÉMONISMES DE TOUS BORDS
,
le 24 juillet 1990; date de mise en ligne: dimanche 17 janvier 2010

Lire la lettre de Sadek Aissat


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UNE DÉMYSTIFICATION DU DISCOURS ULTRALIBÉRAL « MODERNISTE »
ET PSEUDO-MARXISTE
; automne 1990; date de la mise en ligne: vendredi 19 juin 2009

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REHABILITER LE POLITIQUE; HADJERES AU « SOIR D »ALGERIE », GRAND ENTRETIEN AVEC AREZKI METREF; mai-juin 2007; date de mise en ligne: dimanche 31 mai 2009

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