FACE AUX CONSÉQUENCES DANGEREUSES DANS LA RÉGION DE LA VICTOIRE MILITAIRE DES PUISSANCES IMPÉRIALISTES EN LIBYE

FRONT POPULAIRE ANTI-IMPÉRIALISTE

PATRIOTIQUE DÉMOCRATIQUE PROGRESSISTE

POUR FAIRE ÉCHOUER LES PLANS IMPÉRIALISTES!

Les puissances impérialistes ont fini par abattre le régime libyen après 5 mois de bombardements barbares à l’aide des engins de mort les plus sophistiqués. 20 000 raids aériens et tirs de missiles meurtriers ont été effectués contre la Libye! L’OTAN, encore une fois a révélé sa véritable nature: une organisation militaire de brigandage créée, maintenue et renforcée pour piller le monde et dominer les peuples, écraser les tentatives de renversement du capitalisme, conserver et étendre par la force la plus brutale les zones d’influence vitales à l’expansion des intérêts des oligarchies financières et militaro-industrielles qui gouvernent les pays capitalistes. Tout l’arsenal militaire réuni des USA, de la France et de la Grande-Bretagne a été mobilisé pour détruire le potentiel de défense libyen, les infrastructures économiques vitales, priver d’eau, d’électricité, de vivres et de médicaments les populations favorables au régime. Assoiffer, affamer les populations, paralyser le fonctionnement des hôpitaux ou carrément les détruire, tuer sans risque à partir du ciel des milliers de civils, pousser à un nouvel exode centaines de milliers d’Africains venus gagner leur vie en Libye après avoir fui leurs pays d’origine appauvris par le pillage impérialiste, français en particulier: c’est cela le véritable crime contre l’humanité qui a été commis par les puissances impérialistes en Libye! L’encadrement politique de l’Etat et de la société opposé à l’agression a été décimé par les attaques ininterrompues des drones US et des hélicoptères envoyés par Sarkozy, guidés sur place par des centaines d’agents spéciaux britanniques assistés de traîtres à la Libye.

L’INTERVENTION DES PUISSANCES IMPÉRIALISTES DANS UN CONFLIT INTERNE N’EST RIEN D’AUTRE QU’UNE EXPÉDITION COLONIALE QUI LÉGALISE LE DROIT D’INGÉRENCE SOUS N’IMPORTE QUEL PRETEXTE

Elle a été camouflée sous le prétexte hypocrite et grossièrement mensonger de défense des populations civiles en révolte contre le pouvoir d’El Gueddafi.

Les buts de cette opération sont clairs: s’emparer du pétrole libyen, transformer la Libye en base militaire pour contrôler l’ensemble de l’Afrique du Nord et les pays du Sahel, préparer la prise de possession des richesses pétrolières algériennes, intervenir d’une manière ou d’une autre en Algérie pour placer à sa tête les forces politiques les plus antinationales en exploitant à leurs propres fins les contradictions internes, le mécontentement social et les luttes pour les libertés démocratiques. Les buts sont de tenir en respect les peuples tunisien et égyptien pour les empêcher de transformer leur soulèvement contre les tyrans déchus, tyrans soutenus pendant des dizaines d’années par ces mêmes puissances qui prétendent aujourd’hui soutenir les processus démocratiques, en véritables révolutions démocratiques populaires assurant la justice sociale et affranchissant les pays arabes de la domination impérialiste directe ou indirecte. Leur hantise est la formation d’un régime égyptien authentiquement révolutionnaire rejetant les accords du Camp David, soutenant la lutte du peuple palestinien pour son Etat débarrassée de l’occupation sioniste, et celle du peuple syrien pour la libération du Golan à un moment où il est en butte aux complots concertés de l’impérialisme, des monarchies du Golfe, des intégristes. Les buts sont également de renforcer les positions mondiales globales des puissances impérialistes dominantes en vue de trancher les conflits ouvert ou latents qui les opposent à la Chine et à la Russie, de briser toute tentative de remodelage progressiste des rapports économiques internationaux. Dans la course au pillage des richesses pétrolières de la Libye et des pays qui résistent encore à leur diktat, chaque grande puissance impérialiste espère ramasser le maximum de dividendes aux dépens de ses rivales.

Ces buts véritables n’ont rien à voir avec un quelconque soutien à l’aspiration légitime des peuples arabes à mettre fin à l’arbitraire et au despotisme de leurs dirigeants, encore moins à se débarrasser de la dictature des régimes bureaucratico-compradores au service des multinationales et de leurs Etats impérialistes, à choisir librement des dirigeants fermement décidés à promouvoir un développement économique indépendant qui assure le progrès à leurs peuples.

Rien n’est plus contraire à la vérité que d’affirmer que les agresseurs n’ont fait que soutenir les « insurgés » de Benghazi. Ce sont les puissances impérialistes qui ont été « épaulées » dans leur agression contre la Libye par une coalition de forces sociales les plus réactionnaires et les plus antinationales. Le fer de lance de cette coalition ce sont les nostalgiques de la monarchie renversée en 1969, les islamistes intégristes fanatiques – boutefeux de l’insurrection armée- partisans d’un Etat théocratique que le régime libyen a combattu à juste raison, les fractions bureaucratico-compradores corrompues du régime libyen, ralliées à l’impérialisme. Ces dernières fractions ont en fait organisé un coup d’Etat en suscitant les troubles armés de Benghazi avec le soutien assuré des puissances impérialistes dans le cadre d’une action coordonnée et préparée de longue date avec elles. Elles ont exploité le mécontentement populaire provoqué par les mesures socio-économiques antipopulaires et antinationales qu’elles ont elles-mêmes imposées depuis 2003 et dont elles ont largement profité sans que leur soif d’enrichissement ait été étanchée. Ces fractions étaient en conflit de plus en plus violent avec l’aile patriotique et plus ou moins antiimpérialiste représentée de fait par El Gueddafi à cause de son refus de satisfaire leur tentative d’accaparement directe des richesses nationales à travers les privatisations, la libéralisation du commerce extérieur, la remise en cause en profondeur des lois qui régissent l’exploitation des hydrocarbures. Elles ne se sont pas dressées contre El Gueddafi pour « démocratiser » la Libye mais pour prendre le contrôle total et absolu de l’Etat, instaurer la dictature d’une oligarchie alliée à l’impérialisme et aux monarchies du Golfe. L’instauration d’un Etat islamique libyen pratiquant une politique économique ultra-libérale sanctifiée par la religion est même envisagée. Les monarques rétrogrades du Golfe ont joué un rôle important dans la coordination et la préparation de l’insurrection de groupes intégristes armés infiltrés à partir de l’Egypte avec l’assistance logistique des Frères musulmans de ce pays et d’agents spéciaux des puissances impérialistes. Ces groupes se sont emparés dès les premiers jours de casernes et de dépôts de munitions et d’équipements militaires. Une propagande médiatique mensongère déversée à grands flots par El Djazeera et El Arabya, chaînes satellitaires aux mains des Emirs protégés par les USA, a fait croire que l’aviation libyenne s’est attaquée à la population civile. Cette campagne de propagande a dépassé en ampleur les mensonges sur les « charniers » de Timisoara en Roumanie, ou sur le prétendu viol des 30 000 Bosniaques par les Serbes, ou encore sur la « disparition » de 500 000 Kosovars assénée sur toutes les chaînes du monde par le porte-parole de l’OTAN en plein bombardement de la Serbie. Ces mensonges fabriqués de toutes pièces ont été largement repris pour préparer dans l’opinion, y compris en Algérie, l’acceptation de l’intervention étrangère.

LA SUBVERSION IMPÉRIALISTE A ÉTÉ GRANDEMENT FACILITÉE PAR LE CARACTÈRE ANTIDÉMOCRATIQUE DU SYSTÈME POLITIQUE DE GESTION ET DE DIRECTION DE LA LIBYE

Ce système a empêché les travailleurs, les jeunes, les femmes, les fellah de s’organiser dans des syndicats indépendants. Des contradictions de plus en plus aiguës minaient le régime. Prisonnier de conceptions populistes petites-bourgeoises niant l’existence des classes et de leurs luttes, le courant représenté par El Gueddafi n’a pas été capable de rompre avec les pratiques hégémonistes et de faire appel à la mobilisation démocratique des masses pour trancher la question de savoir si les richesses libyennes doivent profiter à l’ensemble des couches laborieuses du pays ou seulement à une minorité d’affairistes véreux et aux multinationales. Il a cru que les divergences inconciliables autour de cette question fondamentale pouvaient être réglées dans les coulisses, sans débats démocratiques ouverts, dans le dos des masses populaires, par des compromis boiteux dans les cercles fermés du régime, par la ruse ou par la force pour imposer des solutions « consensuelles » utopiques, incompatibles avec les réalités d’une société traversée par des conflits de classe de plus en plus inconciliables. Il a cru qu’il pouvait obtenir la paix, grâce aux mesures de libéralisation économique de 2003, avec les pays impérialistes et le soutien de gros négociants spéculateurs libyens, de plus en plus nombreux. Il a gravement sous-estimé la duplicité des puissances impérialistes qui ne pouvaient se contenter de ces seules concessions. Elles n’ont cessé de comploter pour obtenir plus, notamment la mainmise pure et simple sur les gisements de pétrole. Elles ont réussi à tisser des liens étroits avec les couches qui ont bénéficié de cette ouverture économique. Ce sont ces couches sociales qui ont formé la base sociale la plus disposée à les aider dans leurs manoeuvres subversives. Les couches sociales compradores nées de cette brutale évolution n’aspiraient qu’à pactiser avec les puissances impérialistes pour défendre leur part du gâteau contre toute velléité d’expropriation par le peuple. Le groupe El Gueddafi, sa ligne anticolonialiste et antiimpérialiste officielle ont été rejetés par cette minorité de plus en plus influente politiquement car ils étaient devenus un obstacle à la satisfaction de ses désirs d’enrichissement sans entrave. D’un autre côté, cette nouvelle politique économique a eu pour résultat de mécontenter les couches laborieuses. Elle a provoqué la chute de leur pouvoir d’achat suite à la suppression de la subvention des produits de base, le chômage en conséquence de la fermeture ou de la privatisation des entreprises publiques, la paupérisation des masses et des jeunes. Enrichissement d’une minorité de bénéficiaires et appauvrissement de la majorité, tel a été le résultat du compromis passé avec l’impérialisme et les couches compradores pour tenter d’obtenir la levée du blocus criminel imposé par les Etat impérialistes. Le régime s’est en conséquence trouvé coupé du peuple.

La résistance à 5 mois de bombardements de l’OTAN a été en soi héroïque. Elle aurait pu être plus forte si le régime d’El Gueddafi avait coupé à temps avec son aile bureaucratico-compradore, s’il avait renoncé aux pratiques hégémonistes révolues, s’il s’était appuyé sur la mobilisation démocratique des masses et la démocratisation du système d’Etat pour isoler et écarter ce courant réactionnaire et antinational, s’il ne s’était pas fait des illusions sur les intentions des Etats impérialistes.

Le régime incarné par El Gueddafi a été un régime foncièrement antimonarchiste, antiintégriste, anticolonialiste et antiimpérialiste. Durant 40 ans il a incontestablement livré une bataille ininterrompue contre le néocolonialisme en Afrique et combattu sans relâche la tendance à pactiser avec les sionistes israéliens. L’Algérie ne peut oublier qu’il l’avait financièrement aidée à un moment crucial après la nationalisation des hydrocarbures du 24 février 1971 pour briser le boycottage du pétrole algérien que le gouvernement français avait tenté de mettre en place en représailles à cette décision historique. Mais ce régime a été inconséquent et s’est caractérisé par des positions instables. Il est difficile d’oublier que c’est El Gueddafi, aveuglé par un anticommunisme primaire, qui a permis au général Numeyri d’instaurer en 1970 une dictature sanglante au Soudan en lui livrant les officiers progressistes qui avaient tenté de le renverser. Ses inconséquences, son instabilité, ses initiatives internationales ou régionales souvent immatures et aventuristes, ou même nuisibles comme son projet d’Etat des Touaregs l’ont isolé des forces progressistes mondiales. C’est ce qui explique pourquoi celles-ci ne lui ont pas témoigné une solidarité inconditionnelle sans pour autant le considérer comme un ennemi à abattre.

De toutes les façons c’est au peuple libyen et à lui seul qu’il appartient de décider de son système politique, sans intervention étrangère. Jamais et nulle part l’impérialisme n’a apporté la démocratie et le progrès social à un peuple. Partout où il est intervenu militairement il n’a semé que mort, désolation, divisions, conflits confessionnels et ethniques. Les objectifs des impérialistes sont toujours de porter des pantins à la tête des Etats asservis. Il ne fait aucun doute que ceux qui seront placés à la tête de la Libye par l’OTAN ne seront que des marionnettes serviles que les antiimpérialistes devront combattre de façon résolue.

LES DIRIGEANTS ALGÉRIENS PORTENT UNE LOURDE RESPONSABILITÉ DANS LES CONSÉQUENCES SUR LE DEVENIR DE NOTRE PAYS DES ÉVÈNEMENTS EN LIBYE, POUR LEUR SILENCE DEVANT CETTE AGRESSION SANS PRÉCÉDENT TOUT PRÈS DE NOS FRONTIÈRES

Par son refus de la condamner sous prétexte de respecter une résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU, une résolution illégale qui traduit seulement la loi des rapaces, par son attitude indigne face au ministre français des Affaires étrangères venu en juin à Alger pour lui demander des comptes sur son attitude sur la Libye, le gouvernement algérien a indirectement encouragé l’impérialisme à intensifier ses raids aériens sur la Libye. D’une manière générale, la politique du pouvoir, conforme à sa nature de classe comme représentant et défenseur des intérêts de la bourgeoisie compradore, exploiteuse, affairiste et parasitaire, comme expression des couches sociales les plus antidémocratiques, conduit à la compromission objective avec l’impérialisme, à la confusion et à la démobilisation dans la société. L’existence probable au sein du régime de courants encore attachés à la défense des intérêts du pays et plus ou moins indépendantes des couches affairistes et parasitaires n’en modifie pas cette caractéristique de classe essentielle. Ces courants ne pourraient contribuer à changer la situation que s’ils se mettent résolument du côté des classes et couches sociales laborieuses en agissant pour rompre d’abord avec les orientations économiques et sociales qui ont miné le pays depuis 30 ans et en favorisant la mobilisation démocratique des masses dans la lutte contre l’arbitraire, la corruption, les inégalités sociales, l’obscurantisme, l’allégeance aux puissances impérialistes.

Toutes les forces politiques algériennes ainsi que la grande presse dite « démocratique », qui n’ont à aucun moment condamné l’intervention impérialiste ou qui s’en sont même réjouies assumeront elles aussi leur part de responsabilité dans les conséquences dangereuses pour la stabilité, l’unité du territoire et l’indépendance de notre pays. Cette grande presse (El Watan, Le Soir d’Algérie, Liberté, El Khabar, Ech Chourouk) a joué un rôle néfaste de relais dans la diffusion de la propagande mensongère et de l’intox fabriquées par les grands médias des pays impérialistes et des monarchies du Golfe pour justifier l’intervention de l’OTAN et le soutien à la rébellion. Ensemble et aidées par le silence du pouvoir, toutes ces forces ont contribué fortement à désorienter les masses, à les démobiliser, à empêcher le développement d’un courant d’opinion pour dénoncer et condamner les bombardements de l’OTAN. Certains plumitifs sont même allés jusqu’à justifier ouvertement les bombardements au nom du soutien à une « révolte démocratique pacifique ». Des dirigeants de partis politiques comme ceux du RCD souhaitent publiquement dans leurs meetings l’intervention des puissances étrangères pour les aider à obtenir l’instauration d’un régime « démocratique » en Algérie!

C’est propager consciemment un mensonge éhonté ou faire preuve d’une grande naïveté impardonnable que de faire croire que l’intervention en Libye a malgré tout pour résultat d’ébranler les « tyrans », de favoriser les luttes pour la démocratie et que la condamner revient à se mettre du côté des despotes. On peut comprendre que de larges secteurs de la population en ont assez de l’arbitraire des dirigeants des pays arabes. Mais croire que l’impérialisme s’est porté au secours des Libyens pour les aider à arracher la démocratie c’est méconnaître sa nature socio-économique et les leçons de l’histoire.

L’impérialisme n’a pas changé de nature même si ses propagandistes ont réussi à charmer par leurs discours sur les nouvelles réalités internationales et les prétendus bienfaits de la « mondialisation » les rêveurs petits-bourgeois ou au contraire à tétaniser des courants vaincus par la couardise face à son agressivité. Il a besoin de tyrans pour protéger ses intérêts et réprimer les peuples. Il ne se décide à s’en débarrasser que lorsqu’ils sont discrédités. Il se dépêche alors de les remplacer par d’autres au nom du soutien hypocrite à « l’aspiration à la liberté » et empêcher préventivement que leur chute sonne le début d’une révolution populaire antiimpérialiste. Il suffit de ne pas fermer les yeux pour voir que les régimes qui ont soutenu avec le plus d’acharnement la croisade impérialiste et qui lui ont fourni le justificatif tant attendu, à travers la position de la Ligue arabe, sont les monarchies théocratiques rétrogrades du Golfe. Par quel miracle, une intervention impérialiste soutenue par ces régimes peut-elle servir la démocratie, le progrès et l’indépendance dans les pays arabes?

Personne ne pourra un jour dire, quand les suites de cette agression se révéleront de façon dramatique pour les intérêts vitaux de notre pays, qu’il s’était simplement trompé en se laissant guider par sa seule haine naturelle et spontanée du despotisme.

Parmi ceux qui se sont tus face à l’agression, certains pensent peut-être qu’il faut éviter de s’attirer la foudre des grandes puissances, qu’il ne sert à rien de tenter de résister à la « toute-puissance » de l’impérialisme, qu’il faut se plier aux nouveaux rapports des forces internationaux, abandonner « l’esprit des années 1970 » et qu’il vaut mieux exécuter par avance ses volontés pour ne pas subir le sort du peuple libyen et, avant lui, celui du peuple irakien. Cet esprit défaitiste et capitulard que le chef de l’Etat avait lui-même publiquement développé le 23 février 2005 pour justifier la dénationalisation des hydrocarbures, doit être combattu fermement. Il a tendance à se répandre dans la société. Il encourage l’impérialisme dans son offensive dominatrice. Il prépare le terrain à la réhabilitation de la loi Khelil d’avril 2005.

Ceux qui ont laissé éclater leur joie sur la « Une » de leurs journaux à la vue des insurgés sur la Place Verte de Tripoli dévasté par les bombes de l’OTAN ne sont pas tous des naïfs désinformés par une campagne d’intox sans précédent. Beaucoup d’entre eux ont tenu à marquer de la sorte leur enrôlement dans les complots impérialistes contre notre pays. Par leur soutien inconditionnel et grossier à la campagne anti-Gueddafi, ils ont simplement manifesté leur disponibilité à la collaboration antinationale, en échange de gains matériels qu’ils espèrent tirer dans la nouvelle configuration politique que les forces les plus antinationales préparent avec fébrilité en concertation avec les Etats impérialistes.

DES DANGERS SÉRIEUX PÈSENT MAINTENANT SUR LA STABILITÉ AUX FRONTIÈRES ORIENTALES DU PAYS ET SUR SA SOUVERAINETÉ SUR SES RICHESSES PÉTROLIÈRES

Désormais notre pays risque de voir se dresser sur les 800 km de ses frontières du sud-est saharien des forces militaires hostiles ne reculant devant aucun prétexte pour mettre la main sur ses ressources pétrolières et gazières. Les pantins du CNT de Benghazi, poussés par les néocolonialistes revanchards français, ne ratent aucune occasion pour distiller la haine contre l’Algérie. Ils s’emploient à justifier à l’avance les actes de belligérance programmés par les impérialistes.

Obama, Sarkozy, Cameron, jubilent devant les caméras. Ils incarnent le retour du colonialisme, cette fois-ci sous le drapeau de la « démocratie ». D’une pierre, ils font trois coups: ils banalisent leurs interventions militaires dans le monde, ils contrôlent la Libye et les gisements de Hassi Messaoud ne se trouveront plus qu’à un battement d’ailes des Mirages sans qu’il y ait besoin de survoler ou de bombarder Alger. Il ne manque pas d’aventuriers assoiffés de lucre pour se laisser tenter par les promesses des brigands impérialistes. L’OTAN ne cache pas son intention d’installer de fait son centre de l’Africom en Libye. Le CNT a promis également à Israël de lui concéder des bases à proximité des frontières algériennes. L’Union européenne a déjà signifié une vingtaine de conditions aux fantoches du CNT de Benghazi. Elle ne lui demande pas seulement de tout privatiser. En plus, elle a tenu à lui notifier sa décision unilatérale de s’occuper elle-même de l’organisation des nouvelles forces de sécurité libyenne, notamment et précisément aux frontières!

L’accaparement des puits de pétrole libyens par les multinationales aura de graves répercussions. Elles plongeront le peuple libyen dans une misère aussi épouvantable que celle du peuple irakien depuis que son territoire est occupé par les USA et dirigé par leurs marionnettes. Elles toucheront les conditions de vie de l’ensemble des pays exportateurs de pétrole. Les capacités de manoeuvre de l’OPEP vont être réduites. Il ne faut pas être savant économiste pour prédire les conséquences négatives découlant de cette situation sur les recettes pétrolières de l’Algérie.

LA VICTOIRE DES IMPÉRIALISTES EN LIBYE N’EST PAS DÉFINITIVE

Malgré leur incommensurable supériorité militaire, les puissances impérialistes et leurs marionnettes devront faire face à une résistance populaire qui ne manquera pas de s’organiser sur des bases nouvelles et de leur infliger une défaite inéluctable.

Le devoir de tout authentique démocrate patriote algérien est de dire « non! » à cette intervention et à ses suites, de soutenir les patriotes libyens qui combattent la mainmise impérialiste sur leur pays, quelles qu’aient été leurs positions dans le passé et les clivages secondaires hérités d’un régime qui n’a pas été capable de répondre aux nécessités de la mobilisation populaire démocratique. Le devoir du démocrate patriote progressiste algérien conséquent est d’oeuvrer à la formation d’un front antiimpérialiste solide à l’intérieur de son pays, de soutenir la constitution de ce front dans chaque pays menacé par les ingérences impérialistes, d’encourager la concertation et la coordination des forces antiimpérialistes dans les pays arabes et à l’échelle internationale. Le système capitaliste international est miné par des contradictions insurmontables. La crise économique les aiguise de jour en jour. Il y a un lien étroit entre son agressivité à l’extérieur contre les peuples des pays économiquement dominés et ses attaques redoublées à l’intérieur contre les conquêtes sociales des travailleurs soumis à des politiques de rigueur sans précédent. Les conséquences de cette crise attisent l’agressivité impérialiste mais l’affaiblissent en créant en même temps les bases et les conditions d’un large front mondial antiimpérialiste et anticapitaliste capable de venir à bout des oligarchies bellicistes réactionnaires qui régentent les grandes puissances impérialistes.

Les peuples des pays dominés et les travailleurs des pays impérialistes doivent unir leurs efforts et leurs luttes sur tous les fronts contre la grande bourgeoisie impérialiste.

Aux discours des défaitistes nous opposons notre certitude qu’il existe de larges forces en Algérie, dans les pays arabes, en Afrique, en Europe, en Amérique, en Asie, partout dans le monde, qui sont capables d’opposer un front mondial uni pour enrayer la machine impérialiste de domination et de mort.

CONSTRUIRE UN FRONT INTÉRIEUR UNI SOLIDE

Sa solidité en Algérie dépendra de la nature des décisions économiques pour lutter contre les privilèges insolents d’une minorité de trafiquants enrichis par l’exploitation féroce des travailleurs et le vol des biens nationaux. Elle dépendra des mesures à prendre pour casser les positions économiques des couches compradores et, partant, leurs liens politiques dans l’Etat et au sein de la société.

La neutralisation des manoeuvres des puissances impérialistes ne peut être obtenue par de nouvelles concessions unilatérales aux multinationales, ni par la conclusion de marchés juteux avec les grandes multinationales françaises, encore moins par les faveurs scandaleuses accordées aux émirs prédateurs du Golfe, comme le port d’Alger et l’argent gracieusement mis à leur disposition par les banques publiques pour réaliser des affaires spéculatives sur le dos du pays.

Contrairement à ce que veulent faire croire les défaitistes capitulards, l’alternative à l’offensive impérialiste existe et les forces capables de la porter représentent l’immense majorité de la population.

Cette alternative c’est le front pour un véritable Etat démocratique populaire réalisant le progrès social le plus radical et garant de l’indépendance du pays, de la défense de ses richesses pétrolières et de l’unité de son territoire, solidaire des luttes antiimpérialistes dans le monde.

Elle sera le fruit de la mise en œuvre de mesures économiques et sociales qui satisfont les revendications des masses, introduisent la justice sociale, mettent fin à une répartition injuste et scandaleuse du revenu national. Elle est conditionnée par la levée des entraves de toutes sortes à leur mobilisation démocratique nécessaire pour imposer et appliquer de telles mesures.

Tout cela passe par des changements radicaux qui donnent le pouvoir à une large alliance entre la classe ouvrière, les salariés, la paysannerie laborieuse, les couches intermédiaires vivant de leur travail manuel ou intellectuel, les cadres patriotes et honnêtes de l’Etat et des secteurs économiques.

Le front intérieur ne sera cependant solide et durable dans la lutte contre le danger impérialiste que si les efforts sont intensifiés pour construire dans les luttes économiques, sociales, politiques et idéologiques de tous les jours le parti communiste enraciné au sein de la classe ouvrière, de la paysannerie, de la jeunesse, des intellectuels aspirant au renversement du capitalisme. Un parti qui ne cache pas sa volonté d’accumuler les forces indispensables à la préparation de la contre-offensive de masse pour abattre le capitalisme, matrice économique de l’impérialisme, instaurer une véritable république démocratique populaire ouvrant la voie à une révolution socialiste.

Mobilisons-nous pour que tous les enseignements soient tirés de la liquidation du régime d’El Gueddafi par les interventionnistes impérialistes!

Ne nous laissons pas tromper ou intimider par la propagande de l’impérialisme et de ses alliés intérieurs!

Combattons le défaitisme, le fatalisme et l’esprit de résignation!

Démasquons, isolons et neutralisons les forces qui s’allient à l’impérialisme, qu’elles soient dans le pouvoir ou en opposition formelle à lui!

Mettons en échec l’autoritarisme du régime, ses nouveaux projets antidémocratiques qui font le jeu de l’impérialisme!

Unissons-nous dans les luttes sociales et politiques pour une véritable alternative de progrès!

PADS

28 août 2011

LIBYE – SYRIE: LA MILITARISATION DE LA RÉVOLTE

La puissante offensive médiatique qui a accompagné l’intervention militaire en Libye semble avoir mis sur la défensive les progressistes algériens qui sont gênés depuis quelques mois, et se trouvent aujourd’hui, après la conquête de Tripoli par l’Otan devant une sorte de dilemme. Un ami évoquait hier dans un courriel, «une opinion et des cercles risquant d’être partagés entre l’abattement ou une irresponsable euphorie otanesque».

K. Selim semble évoquer ce dilemme lorsqu’il note dans son éditorial du Quotidien d’Oran d’aujourd’hui: «Les Algériens, dans leur majorité, ne demanderont jamais au gouvernement de soutenir une intervention de l’Otan. En dépit de nombreuses vicissitudes, le citoyen ordinaire n’est pas amnésique et connaît les fondamentaux de son histoire. Il existe cependant des Algériens qui ont approuvé l’intervention de l’Otan: cela doit donner à réfléchir dans un pays qui s’apprête à célébrer le cinquantenaire de l’indépendance».

Les mouvements populaires en Égypte et en Tunisie avaient été accueillis avec une immense joie, entraînant chez chacun de nous une sorte d’insurrection intime, une nouvelle disponibilité à l’action pour le changement en Algérie.

La domination contre laquelle les peuples se sont dressés dans un premier temps, en Tunisie, en Égypte, au Yémen et au Bahreïn était un complexe oppressif où se conjuguaient les intérêts des prédateurs locaux, ceux des multinationales, avec les impératifs géostratégiques des puissances contrôlant la région et dont Israël est la pièce maîtresse.

Tous les régimes visés dans un premier temps par les mouvements populaires étaient inféodés aux intérêts américains. Le sentiment et la conscience anti-impérialistes ou anticapitalistes permettaient d’emblée de soutenir sans aucune hésitation ni état d’âme ces mouvements.

Immanuel Wallerstein, le fécond historien de la longue durée, avait analysé l’initiative occidentale en Libye comme une action préventive. Il écrivait dès le 1er avril 2011: «Il s’agit d’une énorme diversion, d’une diversion délibérée par rapport à la lutte politique majeure en cours dans le monde arabe. Il existe en effet une chose sur laquelle Kadhafi et les dirigeants occidentaux de tous bords sont en accord total : ils veulent tous ralentir, canaliser, coopter et limiter la deuxième révolte arabe et l’empêcher de changer les réalités politiques fondamentales du monde arabe et son rôle dans la géopolitique du système-monde.» (Voir nos pages du 31 mai).

Ces puissances vont en effet assez rapidement réagir dès que l’option Soleimane était écartée par le peuple égyptien et que la situation au Yemen commençait à menacer la dynastie séoudienne.

De puissants réseaux médiatiques vont être activés, les relais libyens dévoilés ainsi que toutes les potentialités de la guerre secrète accumulés par les différents services secrets.

Comment appuyer la volonté de changement, tout en évitant de s’inscrire dans les calculs de l’Otan, qui, de toute évidence avait l’initiative dans le déclenchement et la conduite de l’insurrection en Libye, pendant que les médias qui chassent en meute, ont instantanément mis sous le boisseau les révoltes au Yémen et au Bahrein.

En Libye, comme en Syrie, ce qui semble aujourd’hui appartenir au même scénario, c’est la militarisation des émeutes populaire.

Cette militarisation qui valide l’intervention militaro-humanirtaire, entraîne nécessairement à la mise à l’écart du peuple et des politiques de la conduite de la révolte, et sans doute de la direction effective du pays dans le futur. Elle vise à légitimer l’intervention étrangère pour assurer un nouveau bail à la domination impérialiste, grâce un encadrement et à des élites nouvelles formées pour commander par les instructeurs des forces spéciales, les agents secrets-philosoques et les anciens vizirs du tyran.

En Égypte et en Tunisie, sans tirer un seul coup de feu, les peuples ont mené les opérations jusqu’à la chute du tyran, et restent omniprésents et sur le qui-vive. On sait que les peuples arabes ne veulent plus être commandés au doigt et à la baguette. En Libye aussi, on le verra.

Nous avons affaire à une situation inédite qui met à l’épreuve les capacités de réflexion convergente et d’action uni des progressistes arabes.

S. A.

algerie-infos

LE 25 AOÛT 2011

L’ARMÉE, LA DÉMOCRATIE POLITIQUE ET LA SOCIÉTÉ, EST-IL TROP TARD?

pdf_img2353right-doc2352-4.jpg
Sous le titre « Les ratages de l’ANP », le site Algérieinfos a rediffusé un article de Sadek Hadjeres paru dans Le Soir d’Algérie du 30 juillet 2008.

Le document, évocation rétrospective d’un problème essentiel des décennies précédentes, garde son actualité en cette période de changements et d’interrogations dans la sphère géopolitique arabe.

pdf_img2353right-doc2352-4.jpg

L’ARMÉE, LA DÉMOCRATIE POLITIQUE ET LA SOCIÉTÉ

EST-IL TROP TARD?

Le hasard, et surtout l’évolution des esprits à la lumière de l’expérience m’ont donné l’occasion d’une heureuse coïncidence. J’ai pris connaissance de l’épilogue de l’ouvrage de Chafiq Mesbah (publié par le Soir d’Algérie du 24 juillet 2008) pendant que, en réponse à des questions au long cours de Arezki Metref, je poursuivais une réflexion sur les courants politiques au sein de la direction exécutive du PAGS durant la décennie 1980, puis après Octobre 1988.

Dans les deux thématiques, avec des intensités et des formes différentes, j’ai constaté des évolutions parallèles ou même imbriquées qui ont débouché non pas sur une seule «occasion historique manquée» (pour l’ANP), mais sur deux ou même plusieurs, se confondant en un seul revers pour toute la nation. En reprenant l’image de Chafiq Mesbah à propos du «ratage» concernant l’ANP (en tant qu’institution militaire étatique), j’ai pensé à un autre de ces ratages, lié à celui de l’ANP et que je ne suis pas seul à considérer comme un désastre d’envergure. Il concerne le PAGS en tant qu’une des organisations qui œuvraient de façon significative au sein de la société.

En fait, dans les deux cas, le déficit politique s’est manifesté à des degrés différents et à partir de socles idéologiques distincts ou même opposés par certains côtés. En mettant de façon disproportionnée l’accent sur les seuls volets sécuritaire et identitaire, en sous-estimant inconsciemment ou en niant délibérément les racines sociales et démocratiques de la crise, le déficit a fait le lit de la dégradation du tissu social et étatique lors du tournant géopolitique, national et international, des années cruciales 1989- 1990. Au lieu de contribuer à dénouer et désamorcer politiquement une crise majeure, la défaillance politique a débouché sur une tragédie algérienne sans précédent.

Ce déficit est caractérisé par les approches unilatérales et de court terme qui privilégient les seuls intérêts et enjeux de pouvoir au détriment des intérêts généraux de la société à court et long terme. Ce trait, propre au pouvoir d’Etat comme instrument de survie, a été accentué jusqu’à de néfastes caricatures dans la montée de mouvements d’opposition gagnés à des conceptions hégémonistes et d’exclusion des valeurs culturelles et religieuses notamment islamiques, intériorisées par notre peuple dans sa diversité et son long parcours historique. Avec des racines qui remontent à plus loin encore dans l’histoire du mouvement national, l’hégémonisme des sphères dirigeantes de l’Etat et celui des oppositions, à caractère communautariste, a reflété et aiguisé les penchants présents dans différentes couches de la société au lieu de les éduquer pour les transcender, les aiguiller vers l’unité d’action au bénéfice de l’édification nationale.

Cette pratique est emblématique du mal qui depuis l’indépendance a rongé progressivement l’ensemble Nation-Etat-Société, La cohérence et l’harmonie de cet ensemble étaient nécessaires et possibles pour l’épanouissement d’une l’Algérie libérée de la domination coloniale. Le déficit, la sous-estimation, voire la dénaturation et la criminalisation du politique, dans ses dimensions antiimpérialiste, démocratique et sociale, a conduit au résultat contraire. Il a paralysé les possibilités d’interactions et de solidarités réciproques bénéfiques, fondées non pas sur des bons sentiments discutables et volatiles, mais sur l’inventaire et la prise de conscience des intérêts objectifs communs.

Ce fut au contraire le dévoiement de la vie sociale et politique vers un cercle vicieux fatal de rivalités, de divisions, de dépendances clientélistes et autres. Le système global ainsi instauré a pris un chemin piégé, devenu incontrôlable aussi bien par les tireurs de ficelles que par les acteurs les mieux intentionnés. L’ancien colonisateur aussi bien que le néo-impérialisme mondial et la réaction régionale ont pu se frotter les mains et engranger les dividendes, sans prendre la peine de recourir à des interventions directes. Comme le montre pour l’essentiel la conclusion de Chafiq Mesbah, ce déficit a entravé, sinon empêché, le rôle possible de régulateur et médiateur politique et national démocratique de l’ANP.

L’institution militaire avait les moyens de jouer ce rôle dès le lendemain de l’indépendance, étant donné les leviers de pouvoir que lui avait donnés la lutte armée libératrice. Cette position privilégiée était un des résultats de l’action menée par une ALN issue de la société opprimée et assurée d’un soutien patriotique et populaire massif, malgré des contradictions internes et des embûches parmi les plus sérieuses. L’erreur, sinon la faute de la hiérarchie militaire et du système mis alors en place à l’indépendance sous son égide, a été pour des raisons multiples restant à établir, de renoncer et même tourner le dos à ce rôle décisif et fondamentalement démocratique. Elle l’a troqué contre celui contestable et risqué de détenteur hégémonique de la totalité des leviers, à la fois ceux d’orientation, de décision, d’exécution et de contrôle. Une fois conquises la paix et la liberté, la répartition et l’exercice de ces pouvoirs, complémentaires mais distincts, auraient dû revenir à des instances issues de la souveraineté populaire et soumises à elle, dans l’esprit du projet national insurrectionnel de Novembre 1954. Les difficultés, habituelles dans la réalisation de ce principe fondamental, avaient été certes compliquées partiellement par une maturité politique insuffisante à la base, mais celle-ci était surmontable par un travail commun et concerté d’éducation politique.

L’obstacle le plus grand fut bien davantage celui créé par les déchirements et les dissensions non surmontées dans le cours de la guerre, dont les raisons principales furent beaucoup plus des querelles de chefs, de prérogatives et de méfiances régionalistes ou claniques que des problèmes fondamentaux d’orientation. Ces dissensions se rattachaient elles-mêmes au fait que l’agenda de l’insurrection courageuse de Novembre 54 avait été davantage conçu par ses initiateurs comme un moyen de dépasser la crise politique et la division du plus grand parti nationaliste. Il ne fut pas suffisamment le résultat du mûrissement consensuel d’un vrai projet politique, donnant au slogan central d’indépendance un contenu fortement intériorisé à tous les niveaux militants et populaires. La force émotive et rassembleuse de ce mot d’ordre aurait dû inciter les acteurs d’un front patriotique, socialement et idéologiquement non homogène, à le consolider par l’adhésion à un programme concret fondé sur l’équilibre des intérêts de classe et culturels légitimes.

La proclamation du 1er Novembre 1954, la Charte de la Soummam de 1956, le Programme de Tripoli de 1962 ont été des déclarations d’intentions généreuses mais sans prolongements suffisants dans les actes, parce que le travail politique unitaire et mobilisateur n’a pas été pris sérieusement en charge pour déblayer les incompréhensions et les obstacles d’intérêts inévitables à leur application. A un de nos camarades qui lui faisait remarquer le peu d’attention accordé à la mise en œuvre des proclamations de principe officielles, le président Boumediene avait répondu dans un sourire : «Le plus important, c’est le pouvoir !» La même illusion avait fait croire qu’il suffisait de l’aisance financière pour acheter le développement industriel et pour s’assurer la docilité politique des uns et des autres ! Résultat des courses : bien des pays libérés à travers des processus historiques variés ont connu ce genre de difficultés ; mais pour l’Algérie dont la révolution se proclamait exemplaire, les problèmes épineux de la construction d’une nouvelle cohésion n’ont pas aiguisé l’attention et la volonté des chefs dans le sens de leur solution démocratique. Les divergences et dissensions ont servi au contraire de prétextes aux solutions autoritaires, à l’accaparement acharné des pouvoirs, au nom des urgences vraies ou invoquées, et d’une mythologie nationaliste appropriée aux ambitions des clans rivaux.

Dans ce contexte, les problèmes nationaux, sociaux et culturels ont été trop peu envisagés sous l’angle de leur solution exigeant le rassemblement large et librement consenti des forces vives. Ils ont énormément souffert d’être les jouets et les victimes des ambitions et des rivalités de pouvoirs. Il ne pouvait en résulter qu’une coupure grandissante entre les directions de l’institution militaire et la société. L’évolution positive inverse était pourtant inscrite en filigrane dans les courants de sympathie réciproque entre des segments importants de la société et l’institution militaire, qui s’étaient dessinés malgré tout à certains moments des quinze premières années après l’indépendance. C’était l’époque des mesures économiques d’indépendance nationale et de justice sociale amorcées avec le soutien officiel de l’ANP contre les réticences et les oppositions des multiples façades du parti unique. Ce fut aussi le cas lors de graves évènements régionaux comme la «Guerre des six jours» de 1967, le soutien aux causes des peuples africains, vietnamien et palestinien et la revendication d’un nouvel ordre économique mondial. Les mesures économiques et sociales d’importance historique sont devenues elles-mêmes vulnérables et n’ont pas empêché le discrédit du pouvoir mis en place par la hiérarchie de l’ANP et jouissant de sa caution, discrédit qui est allé en grandissant après le reflux des années 1980 et l’épisode sanglant d’Octobre 1988.

J’ai entendu souvent à propos de l’ANP et des «militaires» deux arguments qui me paraissent approximatifs et fallacieux. Le premier, se présentant comme favorable à l’ANP, est souvent utilisé pour justifier des rôles que l’ANP n’aurait joués qu’à contre cœur et à son corps défendant. C’est en Algérie, disent certains, la seule structure organisée en mesure de faire face aux périls d’envergure déjà affrontés ou à venir. Ne se rend-on pas compte en pensant ainsi, qu’au-delà de la fierté pour l’Algérie d’avoir un tel appareil, cette affirmation masque une très grave faiblesse ? Celle précisément pour l’ANP d’être, après 40 ans d’indépendance, la SEULE structure aussi organisée et influente au service de la nation. A quoi ont servi les armées parmi les plus puissantes du monde dans le système socialiste, à partir du moment où, pour différentes raisons, les liens se sont relâchés entre la société et les organismes politiques dirigeants qui contrôlaient étroitement ces armées ? Une armée ne peut-elle être forte et accomplir sa mission que si elle produit un désert politique autour d’elle ou si elle se paye une scène politique à ses bottes, débilisée par les gestions autoritaires ? Grave contre-vérité, que la nation et l’armée elle-même finissent toujours par payer cher. Civils et militaires ont un intérêt commun à un paysage politique, à des institutions et organisations autonomes, fortes, solidaires autour d’objectifs bénéfiques mutuellement reconnus. Un second argument se veut quant à lui hostile aux «militaires». Ils sont rendus responsables des déboires de l’Algérie, du fait du pouvoir qu’ils exercent par instances interposées sur une société civile réduite à l’impuissance.

Cette dichotomie entre les catégories de «civils» et «militaires» me paraît superficielle et plutôt stérile, en ce sens qu’au-delà d’aspects formels réels mais trompeurs, elle masque les mécanismes et les racines du déficit démocratique flagrant dont souffre l’Algérie. D’abord elle tend à déresponsabiliser les civils et les éloigner de la nécessaire mobilisation démocratique, en considérant l’oppression et les injustices subies comme une fatalité qui aurait pu être évitée si l’armée n’existait pas. Comme si toute armée était génétiquement porteuse d’oppression, fermée a priori au soutien des missions démocratiques, de justice sociale et d‘intérêt national. Cela est démenti par maints exemples sur tous les continents. Plus sérieux encore, cette approche ne laisse souvent comme seule issue et seul espoir de salut que des entreprises aventureuses de renversement et de remplacement des hiérarchies en négligeant les luttes autrement plus profondes pour transformer le soubassement national sur lequel s’appuient les systèmes autocratiques. Ensuite, la distinction formelle «civils-militaires» masque la responsabilité des courants et forces «civiles» aussi bien dans l’instauration que dans l’entretien des méfaits imputés à tort ou à raison aux militaires et à leurs instances. A propos de cette faille préjudiciable aux intérêts communs des Algériens et attribuée unilatéralement aux militaires, il m’est arrivé de souligner dans mes écrits, comme ceux consacrés aux racines et conséquences de la crise du PPA-MTLD de 1949, crise de déficit démocratique : «Messieurs les civils, vous avez tiré les premiers (contre la démocratie) !» Je faisais allusion à la façon dont des secteurs et personnalités politiques (devenus plus tard centralistes ou messalistes) ont légitimé la violence contre leurs frères de lutte en désaccord avec eux, ont délibérément remplacé le débat constructif par le dénigrement, l’exclusion, la répression brutale et la création d’un climat qui a poussé à des tentatives d’assassinats qui se sont malheureusement concrétisées lors de la guerre de Libération. Loin de contribuer à l’effort de saine politisation et d’éducation des cadres, nombre d’entre eux ont abondé dans la surenchère et la l’activisme antipolitique des plus violents, avec l’espoir de se frayer une place dans le cortège des intrigues, putsch et coups d’Etat.

Après ces considérations d’ensemble, je voudrais revenir sur mon propos initial. Il concerne, à propos de la transition manquée de 1990-1991, qualifiée de «grand dérapage» par un ouvrage de Abed Charef, la corrélation qui s’est établie entre l’activité de certains services liés formellement à l’ANP et des éléments de l’exécutif du PAGS, quand ce parti se trouvait encore au milieu du gué entre la clandestinité et une légalisation à peine amorcée, sans qu’ait pu être fait encore le bilan réel des enseignements des 25 années de lutte précédentes. Le bilan des enseignements politiques et organiques avait même été délibérément sacrifié au soi-disant profit d’une situation d’urgence, alors que ces enseignements auraient au contraire mieux éclairé l’analyse des dangers nationaux et internationaux apparus. L’épisode est doublement instructif. D’une part, quant aux mécanismes pervers qu’a permis la confusion entre services de renseignement et l’ensemble de l’institution militaire, et surtout les pratiques, abusives dans un Etat de droit, de services qui au-delà du renseignement nécessaire à toute instance étatique, s’arrogent des prérogatives incontrôlées d’intervention politique ainsi que de répression policière directe et indirecte. D’autre part, l’épisode est terriblement révélateur des dégâts qui surviennent quand les faiblesses politico- idéologiques, latentes puis exacerbées par la conjoncture, font jonction avec les manipulations qui les exploitent au nom de situations d’urgence, donnant prétexte à la perte d’autonomie de jugement et d’initiative des organisations et mouvements.

Le PAGS en a payé le premier les frais, parce que, comme le PCA, interdit dès novembre 1962, il fut jugé à bon escient comme un obstacle potentiel de taille aux orientations prédatrices et de liquidation de l’ensemble des acquis algériens précédents. Dans les deux cas, la politique avouée de maintien du mouvement social «dans un cocon de chrysalide» n’avait pas frappé qu’un segment de ce mouvement mais tout ce qui était prometteur, progressiste et unitaire dans la nation. Les années suivantes l’ont confirmé, y compris à ceux qui avaient cru que la «neutralisation » du PAGS allait leur ouvrir un meilleur espace partisan. L’enseignement valait et continue à valoir pour toute la «classe politique» algérienne, pour tout notre peuple, ses organisations et ses instances étatiques en quête d’avenir.

Sadek Hadjeres

30 juillet 2008

“Le Soir d’Algérie”

RÉSERVES DE CHANGE : FAUSSE ALERTE

par Abed Charef

Des menaces sur les réserves de change de l’Algérie?

Un faux problème, qui en cache un autre, un vrai:

l’inefficacité économique du pays.

Alerte! Les réserves de change de l’Algérie seraient menacées. Près de 180 milliards de dollars, dont une bonne partie libellée en bons du trésor américains, risquent de se volatiliser à cause d’une éventuelle faillite américaine.

Déjà, début août, les Etats-Unis avaient frôlé la catastrophe. Un accord de dernière minute a été trouvé pour permettre à l’état américain de continuer à honorer ses engagements. Républicains et démocrates, préoccupés par des soucis électoralistes, ont mis le monde entier en danger, en refusant de céder sur la loi autorisant un relèvement du plafond du déficit budgétaire.

Ce déficit, devenu abyssal, a fini par porter atteinte à la crédibilité des Etats-Unis, qui ont perdu le fameux triple A, une notation qui faisait des bons de leur trésor le refuge ultime pour toute personne voulant épargner.

De là à voir dans l’état américain une entité vulnérable, susceptible de faire faillite comme une vulgaire entreprise publique algérienne sous Ouyahia, il y a un pas que de nombreux spécialistes algériens ont franchi, pour réclamer une autre gestion des réserves de change du pays.

Le ministre des finances a eu beau démentir, personne ne l’a vraiment cru. Il est vrai qu’avec le déficit de crédibilité dont souffre l’ensemble du pouvoir dans le pays, M. Karim Djoudi avait peu de chances d’être entendu. Avec son allure de fonctionnaire docile, ayant pour seul souci d’avoir des dossiers à jour pour passer avec succès l’oral devant le chef de l’état, M. Djoudi ne semble d’ailleurs pas particulièrement préoccupé par la question.

Mais pour une fois, M. Djoudi avait raison. Les réserves de change du pays ne sont pas en réel danger. Et en l’état actuel des choses, cette formule reste la meilleure solution pour placer l’argent algérien. Mieux encore, mettre en cause cette formule aujourd’hui, c’est offrir au ministre des finances l’occasion de se moquer de ceux qui le critiquent.

Car la question ainsi posée offre un immense avantage à M. Djoudi: elle lui permet d’occulter le vrai problème, celui de l’inefficacité économique, du manque de crédibilité des institutions, et du nivellement par le bas qui touche désormais l’ensemble des secteurs d’activité.

Le fait que l’Algérie détient près de 180 milliards de dollars de réserves de change montre que le pays est incapable d’utiliser ces capitaux alors qu’il fait face au chômage, à la pauvreté d’une frange, même limitée, de la population, qu’il a un énorme déficit en logements, universités, écoles, et autres infrastructures.

Le gouvernement agit comme un père de famille ayant de nombreux enfants, mais qui se contente de déposer son argent à la CNEP, au lieu de créer des entreprises, des fonds de commerce et des emplois pour ses enfants.

Plus grave encore: à l’heure actuelle, le pays ne peut pas faire autrement avec ce surplus d’argent. Il ne dispose pas des banquiers, des financiers, et des institutions financières assez solides et d’institutions politiques crédibles pour adopter une autre formule. Créer un fond souverain par exemple, pour investir et essayer de faire son entrée dans les grands circuits financiers internationaux.

Aucune banque algérienne n’est outillée pour tenter l’aventure. Aucune institution n’est assez crédible pour prendre une telle décision. Aux yeux de l’opinion algérienne, placer de l’argent dans des marchés financiers aussi opaques sera considéré comme une simple opération d’évasion de capitaux.

Avec le passif accumulé, il est impossible de demander à l’opinion publique de voir dans le pouvoir autre chose qu’une association de prédateurs prêts à tout pour s’emparer du maximum d’argent.

Il faudra donc autre chose pour que l’Algérie puisse tirer profit, au mieux, de ses ressources.

Avec d’abord des dirigeants crédibles, une gestion transparente, l’existence de contre-pouvoirs forts, et des institutions financières en mesure de faire correctement leur travail. À ce moment là, il sera possible d’investir, de parler de fonds souverains et de finance de haute voltige. Comme le souligne l’économiste Mourad Goumiri, «tous les instruments monétaires et financiers méritent d’être explorés, à condition qu’ils entrent dans le cadre d’une stratégie de développement économique et social durable, cohérente en direction de l’intérêt général qui, préalablement, a emporté un consensus politique, le plus large possible».

Autrement, il serait préférable de garder raison, et d’explorer d’autre pistes beaucoup plus simples, primaires, plus à la portée de la bureaucratie algérienne.

«À la limite, à quoi bon pomper des hydrocarbures, les transformer en dollars US, pour ensuite les placer en bons du Trésor américain ou en capitaux à risque? Ne vaut-il pas mieux extraire ce que de besoin et laisser le reste sous terre, dans notre pays?», se demande Mourad Goumiri.

L’Algérie en est là, dans sa réflexion sur la gestion de ses avoirs financiers!

par Abed Charef

le 25 Août 2011

Le Quotidien d’Oran

“L’Actualité autrement vue”

LA PLAINTE CONTRE LA D.G.S.N. INSCRITE A LA COUR D’ ALGER

Mercredi 24 août 2011

Le porte-parole du comité des sages de la cité Bois des Pins, Abdelghani Mahenni, met ses menaces à exécution. Il a ainsi porté plainte, le 18 août, contre plusieurs hauts cadres de plusieurs institutions, dont le directeur général de la Sûreté nationale (DGSN).

«Une plainte motivée et accompagnée de toutes les preuves et pièces essentielles a été déposée et inscrite auprès du procureur général de la cour d’Alger, sous le numéro 1182 17638», peut-on lire dans un communiqué signé par M. Mahenni, daté du 22 août.

Il s’agit d’une plainte pour «tentative d’assassinat sur ma personne en ma qualité de journaliste et de porte-parole du comité des sages de la cité Bois des Pins», peut-on lire dans le document.

Outre le DGSN, la plainte concerne le wali d’Alger, le chef de sûreté de daïra de Bir Mourad Raïs, le commissaire et chef de la police judicaire de la daïra de Bir Mourad Raïs, ainsi que le maire d’Hydra. «Ces individus ont ordonné, pour les uns, et exécuté, pour les autres, cette tentative d’assassinat», explique M. Mahenni. Relatant longuement, dans ce document, l’agression dont il a été victime, le porte-parole affirme avoir eu 32 points de suture à la tête, le tympan de l’oreille gauche crevé, le pied droit cassé, ainsi que de multiples plaies sur tout le corps.

«Cette tentative d’assassinat commise par ces ‘’fonctionnaires’’ dans l’exercice de leurs fonctions est extrêmement grave et révélatrice des dessous de l’affaire du ‘’parking du Bois des Pins’’, et des puissants prédateurs qui se cachent derrière ce projet illégal.

Prédateurs assez puissants pour actionner les forces de police contre une population pacifique et capable de transformer des policiers de la République en vulgaires gardiens de chantier»,
accuse M. Mahenni.

«Je vous confirme ma détermination à poursuivre, sans relâche, les individus coupables de cette tentative d’assassinat», conclut-il.

Ghania Lassal.

El Watan, 24 août 2001.

ALGÉRIE – LIBYE: 982 KILOMÈTRES DE RÉFLEXION

libye_1.jpg

Ahmed Selmane

Mardi 23 Août 2011

sur le site de « La Nation »

982 longs kilomètres, c’est long à traverser en voiture et même en avion. C’est, selon un chiffre donné sur Wikipédia, la longueur de la frontière de l’Algérie avec la Libye. Le pouvoir algérien dont l’attitude à l’égard de la situation libyenne aura été de bout en bout un modèle remarquable de passivité a désormais près de 1000 kilomètres de réflexion à faire. Rapidement.

C’est à faire en urgence si tant est qu’il reste encore un lieu pour la réflexion prospective qui en ces temps très troublés où les enjeux graves portent sur l’immédiat proche et non sur le lointain; et si, bien entendu, l’on n’est pas encore confiné à la gestion, au jour le jour, par la ruse et la répression.
Gagner du temps, objectif durable du pouvoir algérien et des ses cousins, n’a désormais plus de sens. C’est du temps qui se perd pour l’Algérie – c’est une évidence depuis longtemps – mais c’est du temps aussi qui se perd pour un ordre établi désormais dépassé. Et qui risque, pas forcément de la même manière qu’en Libye, d’être bousculé.

Dans l’ensemble du monde arabe – en Algérie aussi – il existe une dynamique contradictoire – et parfois faussement convergente – d’une volonté d’émancipation des peuples et d’une intrusion musclée de l’empire et ses relais. L’Algérie, pour reprendre l’antienne du pouvoir, n’est pas la Libye, comme elle n’était pas la Tunisie et l’Egypte et comme elle ne serait pas la Syrie. Mais l’Algérie est aussi un peu de tout ça. Et le pouvoir – on le souhaite mais on doute bien entendu que cela soit son souci – ferait bien de ne pas prendre de raccourcis en jouant sur l’argument du spécifique. Le régime de Kadhafi était aussi spécifique. Celui de Moubarak et de Ben Ali aussi. En sortant des faux raccourcis – et alors que la chute de Kadhafi et de sa smala est en cours après 42 ans de pouvoir spécifique – il est loisible de souligner les nombreux traits communs à tous les régimes.

La ruse, mode dérisoire de gestion d’un pays

Kadhafi a été sur un nuage. Un pays riche, une population réduite et une politique systématique d’interdiction d’une existence sociale hors encadrement des appareils politico-policiers. L’argent du pétrole géré avec le mépris qui sied à une population réduite à des estomacs. Quand on est dans l’aberration absolue de refuser à une société et aux individus les bases élémentaires de l’organisation et de l’affirmation de soi, on est dans l’arrogance policière. Après la chute de Saddam Hussein et son exécution spectacle, Kadhafi a été pris d’une terreur absolue. Son tour allait venir. C’était en 2003.

L’appréciation n’était pas fausse. La conclusion pratique qu’il en a tirée est aberrante et néanmoins cohérente avec ce qu’il a toujours été. Aucune ouverture en direction des Libyens – qui n’existaient pas à ses yeux et qu’il a réussi à faire disparaître pour le monde – alors que la démarche, face à une menace externe aurait été des plus rationnelles. Par contre, le fils Saif, héritier putatif de son paternel et dandy dépensier dans la jet-set internationale interlope et faux réformateur, lui a montré la solution: donner tout ce que les occidentaux veulent. Tous les secrets militaires; renoncer à la lubie de se doter d’armes de destruction massive – en vendant au passage un savant pakistanais – et bien entendu ouvrir le sous-sol aux grandes compagnies. La légitimité externe s’achète, la légitimité interne n’est pas nécessaire. Ce trait commun des régimes arabes a été porté jusqu’à la caricature par Kadhafi. Ah ces embrassades avec le Berlusconi qui a offert même une repentance hypocrite pour les crimes commis par l’Italie en Libye. Ah, ces fastueuses journées parisiennes du guide.

libye_1.jpg

Des comparses, des serviteurs, jamais des alliés

Il faut reconnaître aux dirigeants occidentaux qu’ils faisaient, derrière le dos de Kadhafi, les grands gestes en direction de leurs opinions pour signifier qu’ils supportent cette promiscuité en se pinçant le nez pour les «intérêts supérieurs» de leur économie. Il n’y avait que Kadhafi et son fiston pour croire que les dirigeants occidentaux étaient devenus de grands amis et qu’ils ont été admis dans le cénacle restreint des «civilisés». Voilà qui donne à réfléchir sur nos 982 kilomètres de frontières et de traits communs. Ni la coopération antiterroriste, ni l’anti-islamisme, ni les concessions économiques ne sortent, aux yeux du Centre, nos pays du statut de territoires à dominer et à contrôler.

Et ces mêmes raisons font qu’aucun des régimes qui étouffent leurs populations ne sont leurs amis éternels. Ils peuvent être des comparses de circonstances, des serviteurs pour des raisons géopolitiques, mais jamais des alliés ou des amis durables. On les jettera sans état d’âmes dès qu’ils seront fragilisés et ne pourront plus accomplir la fonction qui leur est dévolue.

libye_2.jpg

Les régimes de l’insécurité nationale

On se moquerait volontiers de ce que fait l’ Occident de ces régimes si ces derniers, par leurs ruses puériles, n’étaient pas devenus une source de grande insécurité nationale.

Personne ne regrettera Kadhafi et sa progéniture et ses appareils démentiels. Mais qui peut affirmer que les libyens seront réellement libres de façonner leur destin?

L’Otan, la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis qui s’offrent le statut de «libérateurs» ont fait un investissement. La Libye paiera. C’est la loi du marché et du rapport de forces. Et si les libyens montreraient des velléités de s’émanciper, il y a l’islamisme dans toutes ses variantes y compris AQMI pour légitimer une présence durable. On peut y ajouter le tribalisme puisque les libyens ont été durablement empêchés d’être des individus et des citoyens.

C’est la deuxième dictature à tomber au Maghreb, la troisième en Afrique du nord à laquelle appartient géographiquement l’Egypte.

Il faudrait être aveugle pour ne pas constater que des choses bougent. Et que les traits communs de ces systèmes sont aussi dans le nôtre: tutelles sur les sociétés, interdiction de l’organisation libre et autonome, champs politique et médiatique contrôlés… et, conséquence évidente des logiques autoritaires, une dépolitisation faussement sécurisante.

Car c’est cette dépolitisation voulue et systématisée qui est en train de faire oublier aux nouvelles générations que l’Otan n’a rien d’une organisation de bienfaisance mais qu’elle est le bras armé d’un ordre impérial. Les régimes arabes font un étalage quotidien d’un discours nationaliste, ils sont pourtant, par le désespoir et le «décervellement» qu’ils provoquent à l’origine de grandes confusions, voire de l’effritement du sentiment patriotique.

libye_3.jpg

Ne pas arrêter la réflexion au kilomètre zéro

Les plus hautes autorités algériennes se seraient réunies après les derniers évènements en Libye. C’est le moins qu’ils puissent faire. Mais le pire serait qu’elles s’arrêtent à des questions de pure intendance: sécuriser les frontières, se préparer à gérer les flux éventuels de réfugiés et gérer les acrimonies annoncées avec les futurs dirigeants de la Libye.
C’est nécessaire mais cela est le kilomètre zéro de la réflexion alors qu’il y a 982 kilomètres à faire.

La diplomatie – et dans le cas de la Libye, on ne cessera jamais de rappeler que ce n’est pas une «affaire étrangère» – a été totalement impotente au cours du conflit. L’Algérie s’est étouffée. Passant aux yeux d’une partie des libyens – et des algériens – comme un soutien à Kadhafi sans pour autant être dans la capacité de dire son rejet de l’intervention de l’Otan.
Pour M.Mehri, la diplomatie algérienne n’exprime plus les valeurs fondamentales de l’Algérie et de son histoire. «Nous devons soutenir et sans équivoque les mouvements de changement dans le monde arabe, il faut dénoncer l’utilisation des armées. Je ne vois pas comment construire l’Union du grand Maghreb avec El Gueddafi. La position de l’Algérie doit être claire, et si les responsables se sentent gênés, là c’est autre chose».

Mais une diplomatie est-elle séparable de la situation générale?

Du 1er kilomètres jusqu’au kilomètre 982, la réponse coule de source: les tutelles politico-policières affaiblissent les États.

Un État avec des citoyens libres est le seul moyen de résister aux recompositions internationales – qui n’ont rien à voir avec la démocratie – en cours actuellement.

Un État qui n’a pas l’adhésion libre des citoyens est sujet aux intrusions externes qui peuvent prendre des formes diverses.

Si l’on quitte le kilomètre zéro de la pensée, on peut relever, de la fin de l’URSS aux opérations d’auto-blanchiment de l’Otan (des libérateurs, quelle mauvaise plaisanterie Kadhafienne!), un constat implacable: l’absence de démocratie est une faiblesse fondamentale.

Et pour pousser la réflexion jusqu’au kilomètre 982: le scénario d’un remodelage qui toucherait une partie de notre territoire aux confins du Sahel, serait-il de la pure fiction ?


PRÉSENTATION de  » PARCOURS D’UN ÉTUDIANT »

pdf-3.jpg

À la demande de Sadek Hadjerès, j’ai décidé de présenter, sur son site «Socialgérie», mon témoignage intitulé «Parcours d’un étudiant algérien: de l’UGEMA à l’UNEA», préfacé par Nourredine Saadi et publié par les Editions Bouchène , à Paris en 1999 et à Alger en l’an 2000.

mouffok.jpg

Auteur : Houari Mouffok

Titre : Parcours d’un étudiant algérien, de l’Ugéma à l’Unéa

Collection : Escales

ISBN : 2-912946-11-5

Prix : 10,67 €.

13,5×21 cm – 96 pages.

En fait, c’est à l’improviste que m’est venue l’idée d’écrire ce récit. Plus précisément, lors de retrouvailles avec mes amis Bachir Hadjadj et Réda Belkhodja, tous deux anciens responsables de l’UNEA, nous étions attablés dans un café parisien et nous nous racontions ce que nous avions vécu depuis que le coup d’état du 19 juin 1965 nous a séparés. La relation des péripéties dans lesquelles m’ont précipité la condamnation de ce coup de force et l’exigence de la libération du Président Ben Bella par le comité exécutif de l’Union que je présidais a profondément ému mes deux amis. Ce fut tout naturellement que Bachir me proposa de mettre noir sur blanc ce que je venais de leur raconter.

Rendez-vous fut pris pour soumettre à notre ami, l’éditeur Abderrahmane Bouchène, le manuscrit.

J’ai mis à profit les veillées du mois de Ramadhan de 1998 pour coucher sur le papier des souvenirs qui jaillissaient de mon esprit comme des fruits mûrs tombant de l’arbre. C’est par une scène cauchemardesque dans une cellule du commissariat central de Rabat que débute le récit. Pendant que mon codétenu, un jeune délinquant marocain, ronflait bruyamment, je me remettais en question et soumettais mes certitudes à la lumière faible mais crue que laissait passer une petite lucarne.

Une enfance studieuse à Oran, puis à Mostaganem, une adolescence militante dans l’Association des étudiants musulmans de Mostaganem (AEMM) qui regroupait les élèves du Lycée René Basset et du cours complémentaire Jules Ferry et dont j’assurais le secrétariat général, sous l’égide de l’Union démocratique du manifeste algérien (UDMA), des études supérieures en sciences économiques à Berlin en République démocratique allemande où j’ai eu à exercer des responsabilités dans les sections de l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) et où je fus initié au marxisme, élu par le Vème congrès de l’UGEMA à la présidence de l’Union, devenue Union nationale des étudiants algériens (UNEA), arrêté au Maroc où je me suis enfui après le coup d’Etat ,puis transféré en Algérie où je connus les geôles de Boumediène, voilà, en accéléré, le parcours que j’ai essayé de transmettre aux nouvelles générations d’étudiants à travers ce témoignage.

J’ai été sollicité pour diverses séances de vente-dédicace dans des librairies algéroises. J’ai constaté avec tristesse la très faible présence des étudiants. En 1963 le nombre des étudiants algériens n’excédait pas les 2500, toutes universités confondues, algériennes et étrangères. Pourtant les débats sur les thèmes politiques, économiques, sociaux et culturels étaient aussi vifs que nombreux. C’est que l’UNEA était très sollicitée par le pouvoir politique. Il s’agissait de remettre sur pied une économie et une administration désertées par les pieds noirs trompés par l’OAS qui a semé le chaos dans une Algérie qui allait conquérir son indépendance. Il s’agissait de panser les plaies d’une patrie dévastée par 130 ans de colonisation et 8 ans de guerre meurtrière. Et dans cet immense chantier les étudiants allaient jouer un rôle d’avant-garde aussi bien dans la réflexion que dans l’action. Aujourd’hui l’on compte près de 1500000 étudiants, mais leur mobilisation se heurte aux difficultés qu’ils endurent quotidiennement (hébergement, restauration, transport, disponibilité des livres de cours, qualité de l’enseignement, débouchés professionnels). La mainmise de certains partis sur les quelques organisations étudiantes n’offre pas de perspectives claires sur le plan politique et n’assure pas des règles de fonctionnement démocratiques. Il ne faut donc pas s’étonner que pour faire aboutir leurs revendications, les étudiants aient manifesté en masse, en dehors de ces organisations, durant les mois d’avril et mai, en créant une coordination indépendante, digne des moments les plus glorieux de l’histoire du mouvement étudiant.

C’est en pensant à cette histoire que j’ai écrit ce témoignage qui raconte, de la manière dont je l’ai vécue, une étape de la longue lutte du mouvement étudiant algérien pour la liberté, la démocratie et la justice sociale, depuis la création de l’Association des étudiants musulmans d’Afrique du nord (AEMAN) en 1919, à la contestation de la dictature par l’UNEA contrainte à la clandestinité après son interdiction par le pouvoir en janvier 1971, en passant par l’implication de l’UGEMA, sous diverses formes, dans la guerre d’indépendance.

Je voudrais, pour conclure, émettre le souhait que d’autres militants, qu’ils aient exercé des responsabilités ou non, illustrent par écrit leur expérience dans cette lutte, notamment durant sa phase la moins connue, celle qui a suivi le coup d’Etat du 19 juin 1965.

BEAUTÉ NOIRE AFRICAINE ET « BANKSTERS » PLANÉTAIRES

Août 2011

Traduii ici du grec par son auteure, le poème « Beauté Noire » vient d’être publié par le quotidien d’Athènes « Avghi », du dimanche 21 août. Il date de 19 ans (décembre 1992) et avait été dédié alors par Aliki PapadoMichelaki au peuple martyr somalien, Il reste malheureusement d’actualité, avec des intensités et des formes diverses, pour de nombreux peuples du continent africain .

Il faisait écho aux souffrances d’un peuple ravagé depuis déjà des décennies par les guerres intestines et les invasions étrangères greffées sur les conflits et divisions internes. A cette époque, l’Algérie pour sa part avait commencé depuis un an à s’enfoncer dans le gouffre sanglant de conflits aux prétextes « identitaires »..

La famine continue de tuer massivement en Somalie. Le génocide silencieux se poursuit à une échelle autrement plus grande que les massacres, cependant que le peuple de Libye est invité sous les bombes et les troupes spéciales de l’OTAN à dire merci aux semeurs occidentaux de démocratie.

Facette parmi d’autres de la crise gigantesque que vit une planète écrasée par la domination des milliards de dollars consacrés au sur-armement et aux œuvres de pillage et de mort par les complexes militaro-industriels et les grands banquiers, vautours qui se repaissent de la misère du monde.

Monstrueuse hypocrisie que celle des refrains de « l’aide humanitaire », en lieu et place des changements radicaux capables d’apporter les solutions réelles, durables, aux souffrances mondiales et africaines.


BEAUTÉ NOIRE

Mains squelettiques

d’un vieillard prématuré

qui à ses sept ans

grain par grain

ramasse le blé

comme des miettes d’espoir

pour la Beauté Noire

Terre ridée

Jeunesse exsangue

Ravages d’entre-déchirements

Ton corps élancé

a replié ses ailes

tes jambes de gazelle

ont oublié le rythme

tes yeux ont perdu

leur éclat de diamant

ma Beauté Noire

Aux seins d’adolescente

sources de vie

le lait a tari

et le bébé immobile

a lâché la mamelle

L’amulette

ne protège plus sa vie

Quel tam-tam africain

rythmera ta douleur

ma Beauté Noire

Tout se tait

enfants, oiseaux et vent

seules les armes croassent

empoignées par des hommes à toi

oiseaux rapaces

avides d’étancher

leur soif de pouvoir

sur ton corps épuisé

ma Beauté Noire

Et nous les Blancs

à la conscience « hermine »

nous te promettons la Vie

par la grâce des armes

après t’avoir laissée
sur ta paille de mort

agoniser

ma Beauté Noire

Nos caves regorgent

de lait de blé

plus qu’il n’en faut

pour sauver tes mômes

ma Beauté Noire

Mais qui leur réapprendra

les chansons perdues

Nous l’avons-nous aussi oublié

le chant de Vie

ma Beauté Noire

Aliki P. Athènes 5 Décembre 1992

LIBYE? VOUS VOUS ÊTES ENCORE FAIT AVOIR? OUI? ENCORE!

CLL_cover-2-13cbf.jpg

CLL_cover-2-13cbf.jpg

Michel Collon

18 août 2011

Les « armes de destruction massive », ça n’a pas suffi? Le martyre de l’Irak, frappé d’abord par les médiamensonges et ensuite par les bombes, on n’en a pas tiré les leçons? Non, on n’en a pas tiré les leçons. On sait que les Etats-Unis ont menti sur le Vietnam, l’Irak, la Yougoslavie, l’Afghanistan et Gaza, mais on croit que cette fois-ci, sur la Libye, ils disent la vérité. Étrange.

La majorité de nos concitoyens croient encore ce que l’Otan a raconté sur la Libye. Y compris les Arabes car cette fois, Al Jazeera s’est aligné sur l’OTAN (on verra bientôt pourquoi).

Pourtant, dans nos infos quotidiennes, tellement d’indices devraient nous pousser à la méfiance. Juste un exemple… Depuis le début, l’Otan et les médias nous racontent que les rebelles ne cessent de se progresser, qu’ils ont conquis telle et telle ville, et qu’ils seront très bientôt dans Tripoli, où Kadhafi, « isolé et détesté », va tomber rapidement.

Ça fait cinq mois qu’on nous dit (comme toujours) que la guerre sera rapide et propre, presque joyeuse, ne vous faites pas de soucis ! Tous les quinze jours, les « rebelles » effectuent une « percée décisive ». Cette semaine, on le lit encore partout.

Depuis cinq mois qu’ils ne cessent « d’avancer», les rebelles devraient déjà se trouver à Paris ! Mais de «succès» en «succès», ils se retrouvent à piétiner au même point et cela bien qu’ils disposent de deux avantages énormes:

1. Les bombardements effectués par les armées les plus puissantes du monde.

2. Des livraisons d’armes ultra-modernes par la France, le Qatar (tiens, les propriétaires d’Al Jazeera !), et d’autres pays.

Alors pourquoi les rebelles piétinent-ils malgré tout? Serait-ce qu’en fait ils n’ont pas le soutien massif de la population, comme on nous le prétend?

Si vous vous renseignez ailleurs que chez les médias pro-Otan, vous entendrez une toute autre explication sur la situation militaire. En fait, les rebelles «progressent» seulement quand l’Otan a bombardé des positions de l’armée libyenne ou des milices de défense. Alors, ils prennent vite possession des zones «libérées», se font photographier avec un drapeau, envoient un communiqué aux médias complaisants et puis se retirent rapidement car la population ne les soutient pas et ils commettent quantité de crimes pour l’intimider. Donc, un pas en avant, deux pas en arrière, tout le temps.

Ça n’a rien à voir avec un soulèvement massif de toute la population contre Ben Ali ou Moubarak, et c’est pour ça que ça dure des mois.

Et donc, ça vaudrait la peine de se pencher sur tous les autres manipulations médiatiques, qui a mené à soutenir cette guerre en ignorant la véritable situation. Ces manipulations médiatiques, nous allons les examiner dans un petit livre de poche qui sortira le 8 septembre Libye, Otan et médiamensonges(1). Afin que plus jamais vous ne deviez dire: «Ah oui, je me suis fait avoir encore une fois».

Bruxelles, 17 août 2011


1. Vous pouvez commander dès maintenant ce livre de 120 pages pour un tarif de 9 euros (+ frais de port)

L’INSURRECTION PATRIOTIQUE ET POPULAIRE DU 20 AOUT 1955

pdf-3.jpg

Ce témoignage brûle du souffle patriotique qui animait les insurgés depuis novembre 1954. Il a aussi la rigueur scientifique sans concession que mérite le grand tournant survenu au cours de la première année de la guerre libératrice et lui a donné son sens populaire profond. Les uns oublient ou déforment un épisode emblématique, qu’ils trahissent en ramenant sa célébration à un rituel vidé de contenu social et démocratique. Les anciens demeurés fidèles à leur idéal et surtout les nouvelles générations engagées dans les enjeux cruciaux de l’Algérie contemporaine en comprennent de plus en plus le sens profond. Défendre la mémoire des milliers de martyrs du 20 août 1955, c’est aujourd’hui prolonger leur lutte sur le terrain des aspirations et besoins populaires.

Un des moudjahid montant au maquis consolait sa fillette: je te rapporterai une poupée qui s’appelle « HOURRIYA ». Il n’est pas revenu mais le combat de ses enfants, aujourd’hui pacifique, dur et acharné, continue pour conquérir cette Liberté chargée du contenu humain auquel tout un peuple ne cesse de rêver.

L’enjeu aujourd’hui, c’est découvrir et surmonter les obstacles, objectifs et subjectifs, internationaux et nationaux, qui ont contiribué à arrêtre à mi chemin les processus révolutionnaires du changement, ou pire encore à les pervertir par les moyens de la corruption, de l’arbitraire et de la confusion politico-idélogoque

(Transmis par Fateh AGRANE)

Mon camarade SACI BELGAT me fait l’honneur de m’envoyer son écrit sur la journée du 20 aout 55 a Skikda ou feu son père est tombé héroïquement les armes a la main avec un groupe de ses compagnons pour que vive l’Algérie libre et indépendante.

Sur le chemin de nos chouhada SACI a continué de marcher sans jamais se départir de son idéal et celui de son père, toujours en lutte contre la domination et l’arbitraire pour la justice et le progrès.

Avant de mourir son père voulait que SACI soit pilote d’avion ! … il ne l’est pas, notre enseignant universitaire, mais il vole très haut, sur les miasmes des traîtres et des renégats, il continue son combat pour la dignité humaine , je suis fier de pouvoir l’accompagner, pour honorer les miens aussi tombés au champ d’honneur le 6 juin 1958 et tous les chouhada et militants sincères notre cause anti-colonialiste nationale.

FATEH AGRANE


20 Août 1955

«Si nous venons à mourir défendez nos mémoires»

Ils disparurent en héros dans le fracas des balles, de la grenade et du mortier de la horde coloniale et leurs mémoires furent trahies et mêlées au comble de l’ignominie à celles des planqués qui se construisirent des itinéraires révolutionnaires rocambolesques, et plus grave encore à celles des collaborateurs et supplétifs de l’armée française.

Je veux parler des quinze martyrs de la rue de Paris (Skikda ex Philippeville), selon les documents de l’époque et dix neuf selon Madame Daiboune Sahal Zakia, un témoin de premier plan.

Madame Daiboune Sahal Zakia avait seize ans (16) en Aout 1955. Elle habitait avec ses parents l’une des deux maisons mitoyennes où se sont repliés les moudjahidines qui venaient d’attaquer la garnison de gendarmerie et tenter de libérer les prisonniers en forçant les portes de la sinistre prison de Philippeville.

Elle se souvient et relate les événements comme si, c’était hier. Il est vrai que cette bataille est marquante à plus d’un titre. Les impacts de balles de mitrailleuses, les trous des tirs de bazooka et de mortiers colmatés fraîchement, sont encore là pour témoigner de la violence du combat (voir photos accompagnant le texte). Témoins d’une des plus, âpre et prestigieuse épopée du 20 aout 1955, que les gardiens du temple du ministère des moudjahidines ignorent superbement. Mais est-ce véritablement leur histoire!

Tout, vous prend à la gorge. L’ambiance est d’une telle gravité émotionnelle et je comprends que cette dame altière – droite et fière dans ses soixante quatorze printemps ait gardé une mémoire fertile, pour raconter à ceux et à celles qui pour eux, Novembre et sa suite aient encore un sens.

Elle se souvient, me regarde, me toise et me dit dans une confidence que seule les humbles, ceux qui ont porté à bout de bras la révolution savent le faire. «Mais tu ressembles étrangement au moudjahid que j’ai soigné ici dans la buanderie. Il a tes yeux, ton front, tes sourcils quelle ressemblance mon fils.» Oui c’est mon père et je viens justement à sa rencontre. «Il avait une blessure profonde au front, je lui ai mis du café pour coaguler le sang, il a continué à résister, jusqu’au bout, ils l’ont achevé à la grenade avec ses trois compagnons. J’ai gardé une carte d’identité jusqu’en 1958 et puis par peur des perquisitions je l’ai détruite. Elle était neuve datant de quelques jours. Elle était du nom de «Mokhtar», je ne me souviens pas du nom de famille. Lieu de naissance Saint Antoine. Cette carte je l’ai gardée longtemps. Je la mettais sous mon oreiller. La nuit je me réveillais en sursaut. Ce chahid me soulève et m’embrasse. Que dieu fasse, ils sont au paradis.

Tout ce que nous avons demandé c’est que l’ État algérien fasse de ces deux maisons un musée pour que nos jeunes n’oublient pas l’histoire de ces hommes.»

À ces quinze ou dix neuf résistants, l’armada coloniale a du mobiliser des centaines de parachutistes et de garde mobiles. La bataille a durée cinq heures de 13h 20 à 18h 20. Nous citons en plus de ce témoignage vivant ceux des autres historiens, militaires de l’époque ou colons.

Benjamin Stora, historien de renom spécialiste du Maghreb, dans historical références 2010, rapporte: «Dans la rue de Paris, aussi, il faudra cinq heures aux parachutistes de l’armée française pour anéantir un commando d’une quinzaine d’hommes qui, réfugiés dans une maison, tirent sur tout ce qui bouge et refusent de se rendre».

A son tour l’historienne Claire Mauss-Copeaux, rapporte dans son livre “Algérie, 20 août 1955, insurrection, répression, massacres,” en page 104, cet édifiant témoignage parlant des résistants de la rue de Paris «Le colonel Vismes relève leur « mordant » l’hommage qui leur rend est bref et net : non seulement ils sont très décidé à résister sur place jusqu’à la destruction », mais ils le font. Un autre document militaire précise que des armes lourdes (lance roquettes anti-char et automitrailleuses) ont été utilisées pour les réduire. Mais ils ont tenu et leur dernier combat ne s’est pas conclu avant 18 heures 20. ».

Un autre témoignage sur la toile: intitulé “déchaînement à Philippeville”:

«La fureur exacerbée, une quinzaine d’hommes se sont enfermés dans une maison de la rue de Paris d’où ils tirent sur tous les européens. Les parachutistes donnent l’assaut il dure cinq heures. A la grenade, au gaz lacrymogènes, à la mitraillette, au mortier.»

Pour se suffire à ces témoignages tous concordants, Gilbert Attard, un témoin, dans “une page d’histoire le 20 aout 1955 à Philippeville,” donne sa version: «13h30: une bande de 80 rebelles s’infiltre entre l’hospice et la gendarmerie. Quatorze rebelles se retranchent, rue de Paris, dans une maison occupée par des musulmans. Les youyous des femmes stimulent l’ardeur des hors la loi. Les militaires et les gardiens de la paix en font le siège pendant plus de 4 heures, faisant usage de gaz lacrymogènes et de grenades, un militaire est blessé, l’adjudant chef Maurice Giraud de l’état major de la 41e DPB. Tous les rebelles sont abattus.»

D’après Daiboun Sahal Zakia: les corps étaient méconnaissables déchiquetés par les éclats de grenades et les tirs de bazooka.

«Nous avons été évacués, alignés pour être fusillés. Notre salut nous le devons au commissaire de police «Gati» qui a intercédé en notre faveur et heureusement que mon père était dans son commerce. C’est ce qui nous a sauvés; sinon, on aurait été fusillés. La maison fut réquisitionnée et fermée plusieurs mois. Nous n’avons pu réoccuper notre maison que longtemps après, et puis nous on a rien demandé sauf que l’Etat fasse de cette maison un musée pour la mémoire.»

C’est ce même commissaire de police grande connaissance de mon oncle (Tahar Ben Achour), Garde champêtre de Stora, «Tahar, j’ai reconnu ton frère Messaoud, il était de ceux morts à la rue de Paris, ne me dit pas qu’il a disparu en ce 20 Août».

La sécurité de la famille a prévalu et il fallait garder au secret sa vraie place dans le soulèvement du 20 août 1955, moyennant quelques largesses et royalties versées à gauche et à droite pour garder le secret et éviter le pire, d’autant que la famille pouvait se le permettre, ferme agricole florissante à Ain- Zouit et en d’autres endroits, commerce et primeuriste en pointe à Philippeville, place enviable dans l’administration française.

Ce que j’en tire aussi, mon père comme beaucoup d’autres révolutionnaires, ne se sont pas soulevés contre l’ordre colonial par nécessité alimentaire, comme semble le suggérer certains. Les positions qu’ils occupaient dans la hiérarchie sociale de l’époque ne les mettaient pas en situation de simples desperados de la faim et des maladies récurrentes. Ils avaient un idéal pour leur pays et le prix en importait peu.

Quand Claire Mauss –Copeaux, rapporte en page 102 de son livre (“Algérie, 20 août 1955…”), « En Algérie, aujourd’hui, les mémorialistes affirment que «le secret était total». Seul Zighout Youssef et ses très proches collaborateurs étaient «au courant de la date, de l’heure et des lieux […]. Les militaires et les services de renseignements français de l’époque ignoraient eux aussi ce qui se préparait». Mais cette présentation des faits, qui confirme à leurs yeux la force des conjurés et l’unanimité du commandement FLN, est inexacte. Effectivement, la date de l’insurrection avait bien été révélée l’avant-veille à Brahim, l’un des chefs de groupe, mais ce dernier observe également que la préparation de la « Révolution » avait commencé un mois auparavant, au lendemain de la réunion de Zamane. Parmi ceux qui participaient, tous n’ont pas forcément respecté le secret.»

En effet, l’avant-veille du jour fatidique, mon père avertit son frère «Tahar garde champêtre de la commune de Stora de ne pas se rendre à Philippeville, le jour du samedi 20 août, il lui dit qu’il va se passer des événements violents». Pris de colère son frère lui intima l’ordre de se retirer. De l’avis de la famille qui écouta cette violente altercation entre le benjamin et son frère, jamais, on ne les a vu rentrer dans une telle colère, d’autant qu’il vouait (Messaoud, mon père) un respect mémoriel à son grand frère. Il lui résista et s’en alla sans lui faire les adieux.

Au fond, et même s’il ne lui pardonna jamais cette résistance, moi son fils, je comprends maintenant et à posteriori, le deuil mal assuré de mon oncle. À l’évidence, il se faisait violence, comme si son frère a été happé par une femme plus audacieuse et plus belle que l’amour qui les liait.

En effet, la Révolution était plus forte que les situations acquises. N’est ce pas que cette posture révolutionnaire est en rupture radicale avec le comportement actuel des roturiers de la république dévoyée.

Oui, non seulement que leurs compagnons les ont trahis, mais ils s’inventent des histoires, rapportent pour ceux qui étaient considérés comme des chefs des témoignages tronqués ou nécessairement ils doivent briller par rapport aux chouhadas, aux vrais baroudeurs.

Claire Mauss-Copeaux déjà citée, écrit à ce propos «Mais la légende des chefs luttant au milieu des insurgés n’est pas corroborée par Ali Kafi, qui se présente comme l’adjoint de Zighoud. Dans sa brève relation du 20 août, il observe un silence prudent à propos de son rôle et de celui du responsable du Constantinois.»

Tous les 20 août que Dieu fait (érigée en journée du Moudjahid), des témoins sortis de nul part «des zigotos» s’inventent des histoires qui font douter la jeunesse des vraies batailles pour l’indépendance acquise au forceps par ceux et celles qui n’avaient d’ idéal que celui du recouvrement de la souveraineté et de la liberté pour une nation et un peuple meurtri et exsangue, par l’une des colonisations les plus meurtrières du XX siècle.

Ces mots que me rapporta ma défunte mère sonne encore dans ma tête «au mois de juin, c’est le début de la fenaison- on rentrait le foin, sa belle soeur «parlant de mon père» l’interpella, pourquoi fais-tu tout ça Messaoud, un avion à réaction passait en ce moment, il leva sa tête au ciel, pour que Dib (moi, son fils ainé – du surnom qu’il me donna) puisse piloter un jour cet avion».

Même, si je ne fus pas pilote d’avion et je m’en excuse d’avoir failli à cela, j’ai tenu à pousser mes études au plus loin, rien que pour honorer sa mémoire et lui être fidèle.

La figure tutélaire du père fut de tout temps omniprésente et protectrice. Malgré que j’ai été assez dorloté et baisoté par ma mère, quand je suis en difficulté, je ferme mes yeux et je t’imagine grand gaillard de tes longs et puissants bras me protégeant. C’est dans tes bras que je cherche refuge et non ceux de ma mère.

C’est dire aussi, que le deuil ne se fera, au grand damne, jamais. Nous apprenons à vivre avec et continuons de faire de l’absent le premier compagnon de notre vie.

C’est peut-être ce deuil impossible et l’absence en héritage du père, qui me conduisirent en ce premier été de l’an un «1» de l’indépendance en compagnie de mon jeune cousin Madjid à la recherche des moindres recoins où séjournèrent les moudjahidines.

Que de chemins escarpés, que de ronces, de forêts denses, de ruisseaux, d’oueds et de gueltas traversés. Je ne savais pas pourquoi je le faisais, c’était je m’en souviens une aimantation plus puissante que les coups de gueule de ma pauvre mère.

En un mot ce n’était ni des illuminés, encore moins des assassins comme un certain documentaire de J.P. Liedo les présenta. Ils étaient des hommes aux rêves qui surpassaient ceux qui ont eu la charge de conduire les affaires de la nation à sa libération.

Au moment où ces révolutionnaires de la vingt cinquième heure se racontent les belles histoires justifiant les rentes et les prébendes servi allégrement par les magnats de la république, nous la petite fratrie, les yeux rivés sur la rue de Paris, on ne se parle pas et au retentissement de la sirène, annonçant midi (12H), au premier coup de feu, chacun de nous fait comme il peut pour étouffer ses sanglots.

Saviez vous qu’on n’a même pas un lieu digne où nous pouvons célébrer et honorer la mémoire de notre père. Un lieu où l’on peut se recueillir pour notre tranquillité.

Quelques petites explications à propos du déroulement des événements du 20 août 1955:

Pourquoi le repli en la maison de la rue de Paris: cette maison, je le tiens de ma défunte mère servait de réunion. Les occupants ne sont que les parents de Ramdane, compagnon de mon père qui mourut en héros en sa compagnie.

Monsieur Kafi dans son livre (“du militant politique au dirigeant militaire”), prétend en p. 66, que le PC était établi dans la rue de France. Mais chez qui? Il faut bien une adresse, un nom pour que le témoignage ait un sens historique, si non ce ne sont que des approximations, comme pour bien d’autres narrations.

Non le P.C se trouvait dans la rue de Paris chez les parents maternels de Si Ramdane, et c’est là même où toute la direction opérationnelle laissa sa vie.

La preuve nous vous la donnons.

Pourquoi la deuxième réunion après celle de Zamane, à laquelle mon père participa, fut tenue au douar Lamdjadjda?

Qui s’est occupé de la logistique, et qui connaissait ce douar?

Ce douar se situe en plein massif forestier entre Collo et Skikda, et n’est desservi par aucune route. Il est tellement enclavé qu’il faut de la détermination pour y aboutir.

Il est à un jet de pierre de notre ferme à Ain Zouit. Le seul qui avait une parfaite connaissance du douar était mon père. Nous avons des terres en indivision en ce douar jusqu’à aujourd’hui et les parents maternels de mon père sont de ce douar, et c’est mon père qui reçut de Zighoud l’instruction de préparer cette réunion.

Monsieur Kafi cite en, page 58 de son livre, des noms ayant assistés à cette réunion, puis il conclu furtivement…, et d’autres, mais qui sont ces autres. Ce n’est pas trop d’honneur pour quelqu’un qui prétendument aurait conduit les événements.

Est-il blasphématoire de dire que chaque chahid ait droit à vos yeux à l’éternelle reconnaissance de la patrie qu’il inonda de son sang.

Des noms qu’il cite *…+, aucun n’est de ce douar, ni d’ailleurs de la région pour maîtriser la configuration du terrain; alors qu’en stratégie révolutionnaire c’est la première condition à réunir. Oubli ou manipulations des faits.

Il omet de parler de la réunion à la veille du 20 août qui s’est tenu dans notre maison à Ain Zouit exactement au lieu dit «Aghzib m’gharat», là où est construite notre ferme. Mr Kafi y était présent à la réunion, nous en avons le témoignage d’un survivant du 20 août, Si El Meki, présent à cette réunion. Encore un oubli ou autre chose.

Pourquoi ne parlera-t-il pas de celui qui entraînait les moudjahidines au maniement des armes, au lieu dit «Oued el Maleh», sur nos terres. N’est ce pas que c’est Messaoud Ben Achour mon père ou Belgat selon la convenance.

Qui est ce jeune lettré qui tapait les rapports à la dactylo «stamba» comme on dit dans le langage des ruraux «djebailia» sous la dictée de mon père?

D’après un témoin. Mon père a procédé à l’enterrement du matériel avant le 20 août 1955 et je me ferais un devoir de vérité de les déterrer rien que pour abreuver l’histoire et éclairer la vision d’une jeunesse avide de connaître ses héros, ceux et celles qui ne lui ont jamais menti.

Quant aux sabotages des fermes de colons des Beni-Malek, qui, si ce n’était son groupe, n’est ce pas qu’il en paya le prix avec d’autres pour avoir été arrêtés et écroués quelques jours à Philippeville.

Parlez-nous encore de ce traitre infiltré dans les rangs de l’ALN naissante qui a failli décimer ses rangs. Que d’oublis, de hiatus, pour une histoire sélective et manipulée à souhait.

Pourquoi dans son livre ne parle-t-il pas du signe sacralisant l’engagement du moudjahed, que les résistants les vrais avaient à l’avant bras.

Claire Mauss-Copeaux le rapporte dans son ouvrage p. 88, parlant de Zighout Youcef: «Afin d’engager définitivement les combattants de la ville, il instaure un rituel qui sacralise leur cause et lie les conjurés. Dans le style qui lui est particulier, Ahmed Boudjeriou, le jeune frère de Messaoud, décrit la scène: «Il demande à cheikh Belkacem Kerris de réciter certains versets du coran. Zighoud et si Messaoud [Boudjeriou, le responsable du secteur de Constantine] appellent un à un les combattants pour leur faire prêter serment.»

Ce rituel ne s’est pas limité à la seule région de Constantine. Il s’est tenu partout – là où il y avait des combats et des combattants à engager.

Comment je le sais et d’où je tiens cette information. Ma mère dans ses colères combien légitimes, ravalant ses larmes, étouffant mal ses sanglots, elle me dit «quand je l’ai imploré de rester auprès de vous, vous étiez très jeunes, ta soeur ainée «Titam» née en 1947, n’avait que 7 ans, toi, né en 1951- 3 ans presque 4, et Kaddour, né en mai 1954, ton jeune frère à peine s’il venait de boucler sa première année. Parlant de mon père: «Il me fixa des yeux, remonta sa chemise et me montra un signe sur son avant bras, j’ai prêté serment et je ne peux reculer». Ce serment gravé en son corps, il ne le montra qu’à sa femme. «Mon fils un vrai «thouar», révolutionnaire, il doit avoir ça, si non c’est un faux ou quelqu’un qui est arrivé bien après les premiers révolutionnaires».

Mu, et porté par cette conviction nationale et religieuse, il teint avec son groupe de résistants, avant d’aborder la ville de Philippeville par le faubourg, une prière. Il demanda aux uns et aux autres de se pardonner.

Encore, avec toute la ferveur imposée par le djihad, là où il passait à la tête de sa section, il demandait le pardon aux populations riveraines; en témoignent tous les habitants encore en vie des Beni-Malek.

«c’est Messaoud Ben Achour qui à la tête des combattants qui sont rentrés par Beni-Malek, nous demandait de le pardonner.»

Avant de conclure ce chapitre, nous comprenons pourquoi ni du côté de la France officielle, et encore moins du côté des locataires de la république algérienne dévoyée n’a intérêt à ouvrir les archives et laisser place à la recherche et à l’investigation historique, au lieu des légendes auxquelles presque personne ne croit.

Prébende et mépris:

Vous, vous avez édifié des palais pour vous et vos concubines, nous nous eûmes droit à votre mépris.

Que fut la réponse à ma défunte mère d’un de vos gardiens des fausses mémoires, que vous nommiez dans votre jargon «responsable des anciens moudjahidines». Elle s’inquiétait pour son dossier d’attribution d’un logement décent en 1984 qui n’aboutissait pas. En lui faisant remarquer qu’elle est la veuve du Chahid Messaoud. La réponse de ce templier fut «nous on a intérêt dans les vivants, les morts ils sont partis».

Ignoble, c’est malheureusement cette race qui a terni l’une des plus prestigieuses révolutions populaires de ce XX siècle.

La descente aux enfers n’est pas pour autant finie, on continue dans ce cercle bien fermé à se congratuler et à racler les fonds de caisse de l’Etat.

Le saviez vous que sa demande de logement a traîné sans aboutir de 1966 à sa mort c’est-à-dire en 1993.

Le saviez vous qu’aucun de nous trois (03) n’a bénéficié de la république bien plus clémente pour les supplétifs de la coloniale, que pour ceux et celles qui au forceps ont émergé cette nation et son État du néant.

Saviez-vous que le corps de ma mère à sa mort a reposé au domicile de sa fille, avant d’être porté en terre.

Saviez vous pourquoi? Chez elle, la pièce que nous louons chez un privé et qui nous servait de logement est trop exiguë pour contenir le monde venu lui rendre un dernier hommage.

Dieu merci, de nous trois (03), ses enfants, aucun n’a prétendu à votre rente, nous vivons de notre labeur et nous en sommes fiers de porter le nom de celui qui a fait avec les autres l’histoire du 20 août 1955 et de la révolution algérienne.

Ni vous, ni aucun de ceux qui prétendument ont fait le baroud dans les djebels ne peut nous priver de cet insigne honneur.

La seule fausse note c’est quand j’entends des jeunes et des moins jeunes dire chacun son histoire: que les enfants de chouhada ont tout pris. Peut-être, et c’est certainement vrai pour la cour de valets où se mêlent malheureusement d’authentiques enfants de martyrs et d’autres, mais certainement pas pour nous et nous en apportons la preuve chaque jour que dieu fait.

Méprisés par les colons, torturé par les supplétifs de la R.A.D.P :

Que dire, quand à l’âge de six ans (06) «Raz», un sanguinaire de la SAS, me rabroua sèchement à l’occasion de la remise des cadeaux de noël. «Toi, fils de fellaga tu n’auras pas droit au
cadeau»
. Tenez vous bien en arabe du terroir, car ce «sanglier» a grandi parmi nous. Depuis j’ai une sainte horreur des festivités et de tous ce qui peut y ressembler.

Que dire encore quand ma soeur durant sa scolarité était systématiquement agressée par le préposé à la SAS, toujours ce sinistre Raz: «fille du chef des fellagas, et tu oses encore venir étudier».

Il est vrai aussi que pendant la guerre de libération, l’ALN était à nos petits soins. J’ai en mémoire ce responsable politique de l’A.L.N, de 1960 à l’indépendance, quand j’accompagnai ma mère au Djebel, pour recevoir sa solde de femme de chahid. Il était aussi précautionneux et attentif à ma scolarité que ma mère. Nous fûmes adulés à l’indépendance et méprisés dès que la république a changé de locataire.

Lui et les autres, ils ont été au bout de leur serment qu’ils ont honoré devant dieu et les hommes. Mais vous, vous avez fait de nous, leur progéniture des parias de la république, non contents, certains d’entre nous ont subi le supplice des torturés pour avoir osé contester votre histoire. Oui, dans les sous sols de cette république, dont les allées sont squattés par des indus occupants.

Que dire encore de ce tortionnaire grassement rémunéré par la république que nos parents ont fait saillir de 130 ans d’ombre- Non satisfait de torturer son fils , il a attenté à sa mémoire dans un langage de chiffonniers . (Voir témoignage de saci Belgat ; les cahiers noirs d’Octobre 1988).

Une autre vérité sur le commissaire principal de Police à Mostaganem (1988). Après des séances de tortures musclées, un voyage forcé à Alger- au siège même de la DGSN, dans une dernière tentative de me culpabiliser dans son bureau, il me tint ce discours très moralisateur: «vous voyez dans quel état vous avez mis la ville, vous en porter la responsabilité des morts et des dégâts». Je lui répondis, aussi calmement que la gravité du moment l’imposait. «Non, je ne suis pour rien dans ce déferlement de violence, moi je n’ai fait que défendre un idéal ».

Ce commissaire plus tard a fini par être confondu et inculpé dans des trafics de stupéfiants, d’ailleurs comme le responsable des R.G de l’époque et non moins patron en chef de l’équipe de tortionnaires qui s’est acharnée sur ma personne.

Si nous ne connaissons la probité et le désintéressement de nombreux commis de l’Etat, l’on est en droit de se poser la question si cette république n’est habitée que par des malfrats et des dealers.

Cette descente aux enfers justifie ce raccourci populaire «tous pourris», qui ne présage rien de bons et d’horizons sereins pour la suite des événements.

Cerise sur le gâteau, ces gens poussent l’outrecuidance, l’impudence et le zèle jusqu’à se poser comme la dernière digue de protection de la révolution. Si ce n’était la gravité du moment, on aurait ri de leur posture ubuesque. Mais c’est de vous que le pays doit se protéger, et se prémunir des jours sombres qui s’annoncent.

Supplétifs de l’armée coloniale et planqués aux allures de héros:

Venons-en aux supplétifs et planqués que la république mêle au sang des lions des monts de Skikda, de Collo, du Djurdjura et des Aures.

A se demander si ce n’est pas une stratégie pour vider novembre l’insolent le téméraire de sa substance révolutionnaire.

En tous les cas même si, ça ne relève pas d’une stratégie bien huilée, les résultats dépassent en matière de dégâts les attentes des cercles de la coloniale.

Des faits, que des faits du peu que je sais, ou j’apprends de mes contacts. Car quoique l’on ait fait, à la seule évocation du nom de mon père les gens sont d’une grande attention pour nous. Comment ne pas s’étrangler d’émotion et de fierté quand on vous dit textuellement «sauvegarder la mémoire de votre père, il est la fierté de la région».

Le cousin à mon père «Smaïn» qui était du groupe de résistants armés du 20 août 1955, se sépara de mon père avant l’hospice. Nous comprenons que mon père et le commando qui l’accompagna à la rue de Paris avait pour mission de forcer les portes de la prison. Là n’est pas le propos. Cet oncle, revenu indemne du 20 août 1955, a organisé seul l’attaque en Janvier 1956 de la caserne militaire de «Zarzour» à 5 km d’Ain Zouit.

Après les massacres du 20 août et le traumatisme causé à la population, il fallait rallumer la flamme révolutionnaire. Lors de ce coup de maître, il tua d’ailleurs la sentinelle.

En 1959, suite à l’une des plus grande bataille de la région au lieu dit «rmila», à 2 km du village d’Ain zouit. Un bataillon de l’ALN, a tendu une embuscade à un convoi militaire rentrant de Philippeville. Trente (30) harkis et plusieurs militaires français ont été neutralisés. Toute la logistique du bataillon de l’ALN fut préparée par cet oncle. Quelques jours après et suite à une dénonciation venant d’un certain «sendjak» de son surnom, mon oncle fut arrêté. Il subit les pires supplices, de caserne en caserne de centre de torture en centre de torture durant 2 ans. Il ne dut sa libération que grâce à de multiples interventions de ses cousins, bien installés dans le commerce à Philippeville. Au bout des courses cet oncle n’a jamais demandé ou prétendu à une carte d’ancien moudjahid et pourtant ses faits d’armes feront rougir n’importe quel obscur «zozo» ou supposé tel de l’ALN. «Sendjak» au fil du temps, s’est octroyé le titre et la carte d’ancien moudjahid et que vogue la trahison.

Une autre histoire encore plus truculente, car elle montre jusqu’où peut aller la trahison, quand la république est abandonnée aux scories et assimilés du colonialisme.

Au jour du 14 juillet 1960, en parade sur un cheval, un vigile et supplétif de la SAS d’Ain Zouit a chuté de son cheval, on fit venir l’hélicoptère pour le transporter à l’hôpital militaire de Philippeville.

Si la coloniale fit venir un hélico pour l’évacuer à l’hôpital c’est que certainement, il comptait parmi ses supplétifs.

Résultat des courses aujourd’hui, il a une incapacité d’ancien moudjahid de 100% et finit des jours heureux dans une des belles villas de Skikda.

Nous pouvons en raconter d’autres. Tous ceux qui ont été exécutés sur ordre du FLN/ALN dans notre village pour haute trahison sont portés au chapitre de chahid. Vogue la galère de la traitrise, et vous voulez que les jeunes croient un brun à vos histoires.

Face à la traitrise et aux légendes sur-construites, qui ne font plus rêver, des itinéraires de vrais combattants sont passés à la trappe.

En cette année 1959 où la bataille faisait rage dans notre région, deux (2) jeunes arrivés à l’âge du choix: se faire incorporer dans le camp des goums ou rejoindre l’ALN. Ils choisirent le chemin des nobles.

Othmane Beldjoudi, jeune qui travaillait sur nos terres et un autre à qui on donna plus tard le sobriquet du «combattant», je me souviens comme si c’était hier, ils dévalèrent la pente et rejoignirent le groupe des moudjahidines.

Année 1959, année de tous les dangers, l’armée française a miné tous les sentiers par où passaient les moudjahidines. Pour l’anecdote un paysan pauvre pleurait son âne qui venait de sauter sur une mine anti-personnelle au lieu dit «El-Hamoura»; il parlait à son âne déchiqueté par une mine anti-personnelle. «J’ai voulu faire de toi un moudjahid et tu n’as pas voulu, j’ai voulu en faire de toi un goumier et tu n’as pas voulu et voilà que tu viens de mourir sur une mine». C’est dire toute la détresse de ceux qui étaient cantonnés dans les centres de regroupement étroitement surveillés et filtrés par la SAS.

En septembre 1959, au retour d’un séjour en compagnie de ma mère, à Philippeville chez mon oncle maternel qui venait de sortir de prison. Pris dans un ratissage en 1956 à Oued Bibi sur ses terres, il passa trois ans(03) de prison et de tortures sans pour autant qu’il ait demandé à bénéficier de la carte d’ancien moudjahid.

Au détour d’un virage le camion qui nous transportait stoppa net, un homme que je connaissais «Ali Ben Khaled cousin maternel de ma mère, responsable politique de l’ALN de la zone, de qui ma mère recevait de 1956 à fin 1959 sa solde de femme de chahid», sauta dans le camion, il sermonna quelques récalcitrants, me caressa les cheveux, murmura quelques paroles à ma mère».

Un djoundi que je reconnu, c’était Othmane, en m’apercevant, il ne put résister pour venir m’embrasser et me serrer fort dans ses bras. Le responsable politique n’était pas content à l’entrave faite, mais que faire dans ce monde de combat et de cruauté, le cœur des djounouds parlait aussi.

Le téméraire et non moins responsable politique de l’ALN, Ali Ben Khaled, tomba au champ d’honneur en début 1960, et fut remplacé par un autre plus lettré. Son corps fut traîné derrière une jeep dans le village de Stora et exposé sur la place publique.

Quant à Othmane, c’est la dernière fois que je le vois, en 1961 il sauta sur une mine anti-personnelle à El Alia, en compagnie du «combattant» qui lui, laissa ses deux jambes.

À l’indépendance les parents du chahid si Othmane vécurent de la pension qu’on daigna bien leur verser, quant au «combattant», je le voyais, dans l’Algérie souveraine, s’échiner sur son pousse-pousse poussiéreux qui pétarade dans la montée de Ain-Zouit. C’est tout ce que la généreuse république lui offrit pour le consoler de son handicap.

En un mot le destin des uns et des autres ne fut pas identique, quand les combattants de la vingt cinquième heure rotaient des bien –faits de la république, ceux et celles qui ont libéré le pays se sont retirés pour cautériser leurs plaies.

Voilà aussi pourquoi, les instruments de la manipulation de l’histoire, les faussaires et fossoyeurs de la patrie de Novembre, ont mené une guerre à ce courageux, patriote et honnête citoyen – Ben Youcef Mellouk, qui le premier a éventré ce dossier brulant.

Le serment fait aux dix neuf martyrs de la rue de Paris :

  • Belgat Messaoud,
  • Daiboun Saïd,
  • Laïfa,
  • Ramdane,
  • Chebli cherif,
  • Baboun,

Et vous, leurs compagnons dont vos noms resteront pour combien de temps inconnus. Anonymes, vous êtes la lumière qui éclairera nos pas et ceux de votre patrie.

Voilà une histoire toute singulière qui renforce encore, et encore d’avantage mes convictions.

Ceux-là même qui comptaient parmi vos compagnons n’ont pas défendu vos mémoires. Il revient à nous de vous rétablir dans la hiérarchie du sacrifice suprême pour la nation et d’achever votre oeuvre.

Je fais le serment à mon père et aux dix neuf qui l’accompagnèrent dans son combat sur les lieux mêmes où ils ont livré l’une des plus marquantes bataille de la ville de Skikda «la rue de Paris», qu’Août et Novembre refleuriront des belles fleurs des myrtes des monts de Skikda et de Collo et que les chouhadas reviendront fêter l’indépendance de leur Algérie.

Novembre et Août continueront malgré toutes les trahisons à dérouler leur histoire féconde, qui un jour fera bloc avec la jeunesse pour libérer ce pays meurtri par tant de traitrises.

J’ai fait le serment sur les lieux de son sacrifice de ne plus me cacher derrière des pseudonymes et je ne sais quelle veulerie de circonstance. J’ai juré de mettre toute mon énergie au seul service de la patrie pour qu’enfin, le rêve qu’il en fit avec ses compagnons se réalise et pour qu’il n’y ait plus de jeunes qui meurent par désespoir d’un pays mis au seul service de ceux qui ont en fait un cimetière.

Pour paraphraser l’écrivain Congolais, Tchicaya U Tam’Si à propos de son Congo «l’Algérie c’est la quête de mon père c’est aussi la mienne».

Ton héritage même s’il est trop encombrant je l’assume et je le porterai aussi loin que la vie me le permettra.

Nous irons jusqu’au bout de nos convictions et quelque sera le prix à payer.

BELGAT SACI chercheur universitaire,


Références:

Ali Kafi: “Du militant politique au dirigeant militaire” Casbah édition 2009;

Claire Mauss Copeaux: “Algérie, 20 août 1955” éditions Payot 2011-08-13;

Benjamin Stora: “Le massacre du 20 août 1955: Récit historique, bilan historiographique” Historical Reflections Volume 36, Issue 2, Summer 2010 © Berghahn Journals

“Déchaînement à Philippeville” www.histoire-en-questions.fr/…/terreur-massacres-philippev…

Gilbert Attard: “Une page d’histoire. Le 20 août 1955 à Philippeville” l’Algérianiste, n° 127, septembre 2009


Photos témoins de la bataille de la rue de Paris 20 Août 1955 [[Il s’agit ici des photos accessibles sur le document joint]]

SACI- BELGAT

skikda_1.jpg

Mme Daiboun Cherfa:

témoin clé de la bataille de la rue de Paris


skikda_2.jpg

La rue de PARIS: Philippeville


skikda_3.jpg

skikda_4.jpg

skikda_5.jpg

Villa de la rue de France ou se déroula la bataille


skikda_6.jpg

Impact de balle de mitrailleuse visible


skikda_7.jpg

Impact de balle gros calibre


skikda_8.jpg

Impact de tirs au bazooka récemment colmaté


skikda_9.jpg

Impact d’un tir à l’arme lourde récemment colmaté


skikda_10.jpg

Impacts de balles


skikda_11.jpg

Buanderie où mon père et ses trois compagnons

tombèrent en martyrs, achevés à la grenade

skikda_12.jpg


skikda_13.jpg

Barreau sectionné par un tir de gros calibre


skikda_14.jpg

Impact de balle de petit calibre


skikda_15.jpg

Porte par la quelle communiquaient

les deux maisons mitoyennes


skikda_16.jpg

Vue sur les deux maisons mitoyennes de la rue de Paris


skikda_17.jpg

Impact de balle


skikda_18.jpg

Porte par laquelle les résistants sont rentrés

dans les deux maisons mitoyennes