GRÈCE : COUP D’ÉTAT EUROPÉEN FACE AU SOULÈVEMENT POPULAIRE

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«l’endettement de l’État était d’un intérêt direct pour la fraction de la bourgeoisie qui régnait et légiférait par l’intermédiaire des Chambres. En fait, le déficit de l’État était l’objet même de sa spéculation et la source principale de son enrichissement. À la fin de chaque année, nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Et chaque nouvel emprunt offrait à l’aristocratie financière une nouvelle occasion d’escroquer l’État, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de négocier avec ses banquiers dans les conditions les plus défavorables», Karl Marx, Les luttes de classes en France, «Folio», Gallimard, 2002, p. 11-12.

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Ainsi donc c’est en Grèce qu’a débuté la nouvelle pièce promise à un grand succès en cette saison politique européenne et qui s’intitule: “La Prise du pouvoir par les banquiers”. L’Italie paraît choisie pour la prochaine étape, ce qui ne fait que ressortir l’intérêt du processus grec qui a conduit à la démission de Georges Papandréou et à la formation d’un nouveau gouvernement dit d’«entente nationale» dirigé par Lucas Papadémos.

Plusieurs jours de tergiversations et d’âpres négociations entre le PASOK (socialiste), toujours majoritaire au Parlement, et la Nouvelle Démocratie (ND, opposition de droite), sans oublier le rôle particulièrement actif de l’extrême droite du LAOS, ont été nécessaires pour arriver à ce résultat.Au final, un gouvernement dont les principaux portefeuilles économiques et sociaux restent aux mains du PASOK, la droite se cantonnant à deux ministères « régaliens » (Défense, Affaires étrangères). Un gouvernement également marqué par la participation de l’extrême droite qui, pour la première fois depuis la chute du régime militaire (1974), se voit attribuer un ministère (Transports et Travaux publics) et trois secrétariats d’État. Mais, bien plus que ces manœuvres politiciennes, ce sont les pressions des gouvernements allemand et français et de ce qu’on appelle les « marchés » qui ont permis d’aboutir à ce résultat. Ancien vice-président de la Banque Centrale Européenne (BCE), de 2002 à 2010, Papadémos, membre de la Commission Trilatérale, fut directeur de la Banque Centrale de Grèce entre 1994 et 2002 et, de ce fait, l’un des architectes de l’entrée de la Grèce dans l’euro, aux côtés de son mentor en politique, l’ancien Premier ministre socialiste «moderniste» Costas Simitis, le principal architecte du néolibéralisme en Grèce et considéré comme particulièrement proche des milieux d’affaires allemands.

Autant dire qu’avec ce nouveau Premier ministre, ce sont de façon quasiment directe les milieux financiers européens, et secondairement grecs, ainsi que les pays du directoire de l’Union Européenne (UE) qui gouvernent le pays, au mépris de tout mandat populaire, à partir ce qui peut être considéré comme le premier «coup d’État blanc» conçu et mis en œuvre par cette même UE et les banquiers dont elle est le fondé de pouvoir. Les formulations de Marx à propos de la monarchie de Juillet, selon laquelle cette dernière est le «règne d’une fraction seulement de la bourgeoisie, l’aristocratie financière», et le régime tout entier une «société par actions pour l’exploitation de la richesse nationale»[[Marx ajoutait ceci, qui sonne étrangement actuel: «l’endettement de l’État était d’un intérêt direct pour la fraction de la bourgeoisie qui régnait et légiférait par l’intermédiaire des Chambres. En fait, le déficit de l’État était l’objet même de sa spéculation et la source principale de son enrichissement. À la fin de chaque année, nouveau déficit. Au bout de quatre ou cinq ans, nouvel emprunt. Et chaque nouvel emprunt offrait à l’aristocratie financière une nouvelle occasion d’escroquer l’État, qui, maintenu artificiellement au bord de la banqueroute, était obligé de négocier avec ses banquiers dans les conditions les plus défavorables», Karl Marx, Les luttes de classes en France, «Folio», Gallimard, 2002, p. 11-12.]] retrouvent ainsi une nouvelle jeunesse. À ceci près que cette aristocratie financière est à présent essentiellement multinationale, et, pour ce qui concerne les pays du Vieux Continent, avant tout européenne, les spéculateurs et profiteurs d’aujourd’hui siégeant dans les conseils d’administration des banques (et institutions financières) allemandes, et françaises, ainsi que de la BCE [[Selon les données disponibles, qui portent sur 300 milliards d’un total de 360 milliards d’euros de la dette souveraine du pays, 146 milliards, soit près de la moitié, sont détenues par les banques et institutions financières de l’UE, auxquels s’ajoutent 42 milliards détenus par le FMI et les banques hors UE, le reste, soit environ un tiers de la dette totale, dont l’allocation est connue étant détenue par des banques et autres institutions grecques. Cf. Research on Money and Finance, “Breaking Up? A Route Out of the Eurozone Crisis”, novembre 2011, p. 71. Document disponible sur http://www.researchonmoneyandfinance.org.]].

Comment comprendre de façon plus profonde ce bouleversement spectaculaire du paysage politique, qui a vu en une dizaine de jours l’ex-Premier ministre Papandréou annoncer un référendum, se rétracter, gagner un vote de confiance au Parlement pour finalement démissionner et laisser la place à un gouvernement d’«entente nationale» aux ordres des financiers et de l’UE ? Précisons d’entrée de jeu ceci : contrairement à une impression largement répandue dans et par les médias internationaux, ce n’est pas l’annonce d’un référendum portant sur les décisions du sommet européen du 27 octobre qui a précipité les événements, mais la situation pré-insurrectionnelle dans laquelle la Grèce a plongé depuis les journées du 19 et 20 octobre et, de façon encore plus nette, depuis les émeutes qui ont accompagné les commémorations de la fête nationale du 28 octobre. C’est du reste précisément à cette situation que venait répondre l’initiative à haut risque, et qui s’est révélée fatale pour son sort, de Papandréou [[Le correspondant de “Libération” l’a bien vu: «la décision de Papandréou […] est le résultat d’une érosion inéluctable du gouvernement, qui, après deux années d’une très sévère politique d’austérité, se trouve confronté à une pression insoutenable. Dans la rue, comme en témoignent les grèves quotidiennes dans divers secteurs de l’économie et les immenses cortèges de manifestants qui bloquent régulièrement les rues d’Athènes, ou au Parlement, où la contestation a progressivement gagné les rangs du PASOK», Philippe Cergel, «Papandréou, un pari fou», “Libération”, 2 novembre 2011.]].

En ce sens, les derniers événements doivent être compris comme le prolongement logique des tendances qui sont apparues en juin dernier, lorsque la mobilisation du «peuple des places» atteignit un pic et déclencha la première phase de la crise politique [[Sur ce moment cf. Stathis Kouvélakis, «Le chaudron grec», 20 juin 2011, disponible ici : http://alencontre.org/europe/le-chaudron-grec.html.]]. Papandréou s’est alors placé pour quelques heures en position de démissionnaire à la recherche d’un accord de gouvernement d’«entente nationale» avec le dirigeant de l’opposition de droite Antonis Samaras. Si cet épisode s’est rapidement clos par un simple remaniement gouvernemental, il n’en a pas moins mis en évidence les trois principaux déterminants de la séquence qui débouche sur la situation présente :

  • une montée des mobilisations, qui prennent l’allure d’une véritable soulèvement populaire,
  • l’accentuation de la crise du système politique et sa transformation en crise de l’État,
  • le rôle de type néocolonial de l’UE devenue acteur de premier plan de la scène politique du pays.

Une brève analyse de ces trois facteurs s’avère donc nécessaire, qui nous permettra d’aborder en conclusion la question des perspectives de la gauche radicale dans cette conjoncture nouvelle.

Le soulèvement populaire

La grève générale de 48 heures des 19 et 20 octobre a confirmé que le cycle de mobilisation entamé dès le vote, le 5 mai 2010, du Mémorandum entre le gouvernement grec et la désormais fameuse «Troïka» (UE, BCE, FMI) était entré dans une nouvelle phase. L’ampleur et la combativité des manifestations, leur diffusion dans l’ensemble du territoire [[Selon les estimations les plus sérieuses, les manifestations ont rassemblé environ 300 000 personnes à Athènes et au moins un demi-million dans l’ensemble du pays (qui compte 10,5 millions d’habitants). Les cortèges étaient particulièrement imposants dans les villes de province et la grève a paralysé l’ensemble du secteur public et la plupart des grandes entreprises. La quasi-totalité du petit commerce et une bonne partie des PME s’étaient joints au mouvement à l’initiative des patrons.]], la composition sociale élargie des participants (salariés du public et du privé, chômeurs, jeunes, petits commerçants et entrepreneurs, retraités), mais aussi la préparation de ces deux journées par toute une série d’actions radicales aux formes souvent inédites (occupations de bâtiments publics, y compris des sièges de ministères et de préfectures, refus de payer les nouvelles taxes, grèves prolongées dans certains secteurs comme les éboueurs ou le personnel hospitalier), tous ces éléments dressent le tableau d’une mobilisation ouvrière et populaire ascendante, disposant d’importantes réserves et de l’appui majoritaire du corps social. Pour le dire autrement, ce à quoi nous avons assisté dans les rues d’Athènes et des villes du pays, c’est à la convergence du « peuple des places » du printemps dernier (dont la masse se composait d’électeurs révolté des deux « partis de gouvernement » (PASOK et ND) et du mouvement populaire organisé. Le renforcement du rôle joué par ses composantes traditionnelles, syndicales et politiques, a joué dans ce sens, notamment la mobilisation du Parti Communiste Grec (KKE) et de son front syndical (PAME). Sous la pression de sa base et de son environnement social, ce parti s’est démarqué de la routine qu’il affectionne, qui consiste à faire défiler ses propres cortèges de façon soigneusement distincte du reste des manifestants, et a voulu occuper le terrain de façon visible et prolongée, en organisant l’encerclement du Parlement le 20 octobre. Certes, il s’y est pris avec son sectarisme coutumier, refusant une fois de plus toute unité d’action avec les autres forces de la gauche radicale. Cela ne saurait toutefois en aucune façon justifier l’attaque militarisée, à visée meurtrière (cocktails molotov lancés contre le service d’ordre et les cortèges du PAME), dont il fut la cible de la part d’une partie de la mouvance Black Bloc et qui s’est soldée par la mort d’un ouvrier du bâtiment, militant du PAME, et par l’hospitalisation d’une quarantaine de manifestants issus de ses rangs, dont trois dans un état grave [[Dimitris Kotsaridis, secrétaire de l’Union Locale de Vironas (banlieue d’Athènes) du Syndicat des Ouvriers du Bâtiment, 53 ans, est sans doute décédé suite à des problèmes cardiaques probablement déclenchés par les gaz lacrymogènes lancés par la police dans la confusion qui a suivi les incidents. L’enquête sur les circonstances de son décès est en cours.]].

Malgré ces incidents, qui ont laissé un goût amer, une dynamique d’action de rue s’était mise en place, qui a resurgi lors des manifestations qui ont éclaté à l’occasion des commémorations du 28 octobre [[La fête nationale du 28 octobre commémore le « non » du gouvernement grec à l’ultimatum lancé par Mussolini en 1940. Lors de la guerre gréco-italienne qui s’en est suivie, les troupes grecques, galvanisées par un esprit de résistance venant d’en bas, ont remporté des victoires éclatantes sur le territoire albanais, les premières des forces antifascistes lors du conflit mondial. Il a fallu l’attaque de la Wehrmacht au printemps 1941 pour faire fléchir la résistance grecque et aboutir à l’occupation du pays par les armées de l’Axe. Cette journée est commémorée par un défilé militaire, prévu cette année à Thessalonique, et par des défilés de lycéens et de corps civils dans l’ensemble des communes du pays.]]. Des manifestations que l’on peut considérer comme l’équivalent sur le plan symbolique d’une «prise de la Bastille » à la grecque. En ce jour de confirmation des autorités de l’État dans leur rôle de représentant de la nation, appelée à défiler sous leur regard, celles-ci sont un peu partout chassées de leur place physique et symbolique, à savoir des tribunes officielles [[Y compris le président de la République, Karolos Papoulias, personnage symbolique, issu de la vieille garde du PASOK et plutôt respecté. Son départ des tribunes officielles à Thessalonique a entraîné l’annulation du défilé militaire, mais les lycées, les cortèges de civils et les réservistes ont défilé, souvent poing levé, sous les acclamations de la foule.]], aussitôt envahies par la foule. Une foule qui déclare de la sorte qu’elle est la seule incarnation légitime du tout social. Cette conquête symbolique de la place vide, ou plutôt vidée, du pouvoir par le peuple «en personne» s’est également exprimée par la multiplicité des significations qui ont marqué cette journée: slogans liant le «non» de 1940 avec la situation présente et assimilant les gouvernants actuels aux «collabos», reprise de chants de la Résistance et de la lutte contre la dictature des colonels, drapeaux allemands et de l’UE brûlés devant des foules en liesse. Comme a pu le constater le correspondant du “Monde”, «la journée s’est transformée en journée du non à la « Troïka » et à l’austérité» [[Alain Salles, «Le coup de poker de Georges Papandréou», Le Monde, 2 novembre 2011.]]. Tout cela indique que pour de larges secteurs sociaux émerge un récit national et populaire alternatif à celui du pouvoir, qui fait converger la dimension sociale et la dimension nationale de la protestation et relie le présent avec la mémoire populaire de la «longue durée» historique.

Un seuil symbolique a ainsi été franchi et il semble peu probable de voir la mobilisation retomber, même si sa reprise passera par une période d’adaptation à la situation nouvelle créée par le bouleversement au sommet de l’État. D’autant que la situation économique du pays, déjà dramatique, ne cesse d’empirer: le taux de chômage a officiellement atteint 18,4 %, mais est plus proche des 25 % dans la réalité, les salariés et les retraités ont perdu environ un tiers de leur revenu, les taxes exorbitantes récemment votées achèvent de saigner les ménages, les services publics sont en ruine, le taux de suicide, traditionnellement l’un des plus faibles d’Europe, a bondi de 40 % en un an, tandis que la situation sanitaire de la population se détériore de façon dramatique, comme le révèle une étude publiée dans la prestigieuse revue médicale “The Lancet” [[Cf. Alexander Kentelenis et alii, «Health Effects Of Financial Crisis : Omens of a Greek Tragedy», “The Lancet”, vol. 378, n° 9801, 22 octobre 2011, p. 1457-1458, disponible ici : http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2811%2961556-0/fulltext.]], qui conclut à une «tragédie grecque». Dans ces conditions, il apparaît tout simplement impensable qu’un gouvernement s’apprêtant à administrer à une population exsangue une nouvelle potion d’austérité puisse espérer tenir dans la durée.

L’approfondissement de la crise politique

Par son ampleur et son aspect inédit, à savoir l’entrée en scène de masses jusqu’alors relativement passives et dépourvues de culture politique cohésive, le «mouvement des places» du mois de juin créait les conditions de la transformation de la crise économique et sociale en crise politique généralisée. Une crise que nous pouvons, en référence aux analyses de Gramsci, qualifier de «crise organique». La montée en puissance de la protestation populaire révélait un moment de rupture des rapports établis de représentation entre les principaux groupes sociaux et leurs formes d’expression partidaire qui s’est traduite par «le passage soudain [de ces groupes] de la passivité politique vers une forme d’activité et de revendication qui, dans leur unité non-organique constituent une révolution». Cette crise, poursuit le révolutionnaire italien, devient «une crise de pouvoir, et c’est en cela exactement la crise d’hégémonie ou crise de l’État dans son ensemble» [[Les citations de Gramsci sont extraites du cahier 13, § 23. Cf. Antonio Gramsci, “Cahiers de prison”. Cahiers 10, 11, 12, 13, Gallimard, 1978.]].

Confronté à une situation de crise généralisée, le système politique tend à s’autonomiser des rapports de représentation et des règles de l’alternance parlementaire. Gramsci parlait de tendance au «bonapartisme» ou au «césarisme», qui peuvent s’imposer même «sans César, sans personnalité héroïque et représentative». Dans un régime parlementaire, ces solutions prennent la forme de gouvernements de «grande coalition», qui lient de façon directe des intérêts économiques et sectoriels des classes dominantes avec des fractions du personnel politique détachées de leurs attaches partidaires antérieures. Différentes en cela du phénomène bonapartiste personnalisé et circonscrit au XIXe siècle, ces solutions offrent bien plus de souplesse, au prix cependant d’une instabilité chronique. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de formes de construction d’un bloc de pouvoir qui contournent (ou altèrent très significativement) les médiations de type représentatif et la légitimation électorale, sans toutefois rompre explicitement avec le cadre parlementaire existant, même si elles peuvent, le cas échéant, préparer le terrain à une telle évolution [[Le cas typique étant sans doute celui des cabinets Brüning dans la république de Weimar finissante, qui ouvrirent la voie à la prise du pouvoir par les nazis.]].

C’est dans ce cadre qu’il faut situer le processus de constitution d’un gouvernement d’«entente nationale», tel que celui dirigé par Papadémos. L’idée était dans l’air depuis un certain temps, et elle fut brièvement testée, nous l’avons vu, en juin. Mais l’urgence d’une telle issue ne s’est imposée qu’avec la tournure explosive prise par la protestation populaire lors de la séquence insurrectionnelle qui s’est déployée entre le 19 et le 28 octobre. Des indices comme la paralysie quasi-complète de l’administration d’État, accentuée par la vague d’occupations de bâtiments publics, ou le soudain remplacement de la totalité de l’état-major militaire, qui ne faisait pas un secret de son opposition aux coupes budgétaires qui affectent profondément l’armée, ont également poussé en ce sens, révélant que le fonctionnement de la machinerie étatique était atteint en son cœur même.

Il est d’usage, dans de telles circonstances, que les pouvoirs chancelants prennent des initiatives qui finissent par répandre le feu qu’elles étaient censées contrôler, sinon éteindre. L’annonce d’un référendum par Papandréou, censé porter sur l’accord conclu lors du sommet européen du 27 octobre, était l’exemple-type d’un tel geste qui, indépendamment des intentions de son auteur, a néanmoins fonctionné comme un test de vérité pour le système politique grec et pour l’UE tout entière. Le défi lancé par le dirigeant du PASOK a semé la panique sur les places boursières et provoqué la colère du directoire franco-allemand, qui, de façon tout à fait explicable, bondit au seul énoncé du mot de «référendum», l’UE n’étant guère sortie grandie des précédents épisodes du genre, et ce dans des conditions incomparablement plus favorables que celles offertes par l’actuelle situation de la Grèce. L’humiliation subie par Papandréou au sommet de Cannes, sans précédent pour un dirigeant de pays européen, était la conséquence logique de cette fausse, car bien trop tardive, naïveté démocratique.

Sur le front intérieur, le geste de Papandréou, suivi de pressions directes exercées par les dirigeants européens, a sans doute davantage apporté le résultat escompté. Il a certes révélé que le Premier ministre sortant était contesté au sein de son propre parti «sur sa droite», par une aile d’intégristes néolibéraux regroupés autour de ce que l’on qualifie de «talibans du Mémorandum» ou de «troïka interne» [[Il s’agit du groupe constitué par les ministres de l’Éducation Anna Diamantopoulou, de la Santé Andréas Loverdos et du vice-ministre de la Défense Giannis Ragousis. Dans une tribune commune publiée le 16 octobre, ils ont défendu une mise en œuvre intégrale et musclée des paquets d’austérité, prôné une ligne d’affrontement assumé avec le mouvement syndical («les corporatismes sont notre adversaire»), ainsi qu’avec ceux qui ne défendent que de façon «tiède» les mesures adoptées, et laissé planer des menaces quant à un éventuel «massacre» si l’«autorité de l’État» n’était pas rapidement rétablie.]], qui a immédiatement rejeté l’idée du référendum et mis en avant l’idée d’un gouvernement d’«unité nationale». S’il a sapé un peu plus la cohésion de son propre parti, Papandréou a toutefois marqué des points face à l’opposition de droite. Placée devant la quasi-certitude d’une victoire du «non» aux accords du 27 octobre et du chantage exercé par l’UE (expliquant qu’un «non» équivaut à la sortie de l’euro), la droite a vigoureusement combattu la proposition de référendum. Mais, dans la foulée, elle s’est également vu contrainte de céder aux exigences de «consensus» formulées dès le début de la crise de la dette par les milieux d’affaires et les dirigeants européens. De son côté, l’extrême droite, championne dès le printemps 2010 d’une «entente nationale» pour mettre en œuvre de façon musclée la «thérapie de choc», s’est sentie triompher. Son leader, Giorgos Karandzaféris, s’est posé ouvertement comme le «parrain» du nouveau gouvernement d’«unité nationale», qui lui permet d’accéder à la respectabilité institutionnelle tant désirée. Les formations périphériques du centre-droit (la petite formation ultra-libérale et européiste Alliance Démocratique de Dora Bakoyanni, challenger de Samaras à la direction de la ND en novembre 2010) et du centre-gauche (la Gauche démocratique, issue d’une scission droitière de Synaspismos, et les écologistes) leur ont emboîté le pas, avec quelques réserves de forme pour ces dernières. La voie était de la sorte ouverte pour le processus qui a abouti à la constitution d’un gouvernement dirigé par le banquier Papadémos, incarnation naturelle d’un bloc au pouvoir entièrement dominé par les intérêts de la finance européenne.

L’UE en tant que puissance néocoloniale

Le rôle de l’UE dans cette affaire mérite assurément quelques remarques spécifiques. À supposer en effet qu’il subsistât encore en Grèce quelques apparences de souveraineté nationale et de fonctionnement démocratique, fût-il « formel », celles-ci appartiennent désormais à un passé révolu. La façon dont Papandréou fut contraint de se rétracter sur le référendum, après s’être vu dicter de la façon la plus humiliante les termes de la question qui serait posée (et même la date de sa tenue!), les conditions de son départ du pouvoir ainsi que les manœuvres qui se sont déroulées dans l’opacité la plus totale afin de constituer le gouvernement d’«entente nationale» constituent au sens le plus strict un «coup d’État blanc», le premier dont la conception et la mise en œuvre se sont faites sous la houlette de l’UE. Faut-il souligner à quel point ce gouvernement est dépourvu de la moindre légitimité démocratique, dans le sens le plus banal du terme, telle qu’elle s’est notamment exprimée dans le scrutin d’octobre 2009? Et pourtant, la tâche qui lui est explicitement confiée (application des accords du 27 octobre, avec des mesures d’austérité encore plus graves que toutes les précédentes, accompagnées de la mise sous tutelle permanente et de la vente à l’encan de la quasi-totalité du patrimoine public restant) engagera le pays pour les décennies à venir.

Deux éléments donnent une idée du radicalisme néolibéral qui anime Papadémos et ceux qui l’entourent. Dans un article publié simultanément dans le quotidien grec “To Vima” et le “Financial Times” le 23 octobre [[Cf. Lucas Papademos, «Forcing Greek Restructuring Is Not The Answer», “The Financial Times”, 23 octobre 2011.]], l’actuel Premier ministre avait récusé la proposition de décote de 50 % de la dette grecque détenue par les banques et autres institutions privées, qui fut finalement adoptée par le sommet européen du 27 octobre, pour s’en tenir à la seule décote de 21 % prévue par le sommet du 21 juillet, sous la pression de Sarkozy, et quasi-unanimement jugée scandaleusement favorable aux banques et totalement insoutenable pour le pays. Mieux vaut donc miser sur la «générosité», ou le réalisme, d’Angela Merkel en matière de paiement de la dette grecque que sur l’actuel premier ministre. Par ailleurs, l’une des principales exigences de Papadémos et de ses soutiens européens, dans la lignée de leur refus obstiné du référendum, a consisté à écarter l’idée d’élections anticipées qui étaient pourtant l’une des conditions que Samaras et la ND avaient posé pour leur soutien à un éventuel gouvernement d’« unité nationale ». La confusion continue de régner à ce sujet, Samaras ayant de nouveau évoqué dans sa déclaration postérieure à la formation du gouvernement, la tenue d’élections le 19 février 2012, date qu’il avait initialement annoncée. Assumant pleinement la logique bonapartiste évoquée auparavant, Papadémos et l’UE ne veulent pas d’une simple équipe de transition, chargée d’une mission limitée. C’est bien d’un gouvernement de combat qu’ils entendent mettre en place, comme le souligne, sous couvert d’anonymat, l’un des anciens collègues du Premier ministre à la BCE: «À la tête du gouvernement grec, il [Papadémos] devra apprendre cependant à trancher durement, à faire des mécontents» [[Propos cités in Clément Lacombe et Allain Salles, «M. Papadémos désigné premier ministre en plein chaos politique et économique», “Le Monde”, 12 novembre 2011.]]. Nul doute que, flanqué de ses ministres du LAOS et des zélateurs de la «troïka interne», il apprendra très vite…

Quoi qu’il en soit, les masques sont tombés: l’UE apparaît à présent pour ce qu’elle est, une menace mortelle pour les règles démocratiques les plus élémentaires, celles-là même du régime parlementaire libéral. Car il ne faut pas se tromper: la simultanéité des changements de gouvernement en Italie et en Grèce, la prise du pouvoir dans les deux cas par des fondés de pouvoir des banques, sortis des entrailles de l’UE (BCE pour Papadémos, Commission Européenne pour Monti), cultivant les liens directs avec les milieux d’affaires, n’a rien d’une coïncidence. Depuis que la crise des dettes souveraines a éclaté, la Grèce est bien un cobaye de la «thérapie de choc» que les classes dominantes sont décidées à mettre en œuvre, et cela, comme Naomi Klein l’a très bien vu [[Cf. Naomi Klein, “La stratégie du choc. La montée du capitalisme du désastre”, Actes Sud, 2008.]], ne peut se faire dans le cadre politique et institutionnel existant (du moins pour les normes d’un pays d’Europe occidentale). Les «thérapies de choc» sont indissociables des «désastres», conduisant à l’instauration d’un «état d’urgence» de plus en plus banalisé. Et, dans le cadre européen des 27 pays qui en font partie, c’est bien l’UE, ses institutions et son directoire franco-allemand (plus allemand que français à vrai dire…) qui en sont les maîtres d’œuvre. Pourtant, au sein de la gauche européenne, y compris ses ailes radicales, on s’obstine à vouloir contourner cette réalité ou à ne pas en mesurer les conséquences [[Cf. Antoine Schwarz, «La gauche française bute sur l’Europe»,“ Le Monde diplomatique,” juin 2011.]], en cultivant par exemple l’illusion d’une «réformabilité» des institutions de l’UE ou d’un bouleversement sociopolitique simultané dans les principaux pays européens qui permettrait de se dispenser d’affronter la machinerie de l’UE en tant que telle.

L’impuissance paradoxale de la gauche radicale grecque

Depuis le début de la crise de la dette, la gauche radicale grecque se trouve dans une position paradoxale. Elle se renforce sur le plan électoral, partant d’un niveau qui est déjà le plus élevé d’Europe (cf. encadré, plus bas). Ses militants sont très actifs dans les mobilisations, même si le «mouvement des places» a révélé ses difficultés à s’ouvrir à des secteurs sociaux extérieurs à ses sphères traditionnelles d’influence. Pourtant, elle peine à intervenir politiquement dans la situation, à proposer une alternative crédible aux politiques barbares mises en œuvre et rejetées par la quasi-totalité de la société. Elle n’arrive pas de ce fait à dégager une issue politique à la vague de colère populaire, qui risque de connaître une trajectoire «argentine»: un soulèvement populaire capable de faire chuter le pouvoir en place mais dépourvu de solution politique de rechange.

Deux facteurs pèsent d’un poids particulier dans cet état de fait. Tout d’abord la profonde division, plus exactement l’ambiance de guerre intestine, qui règne entre ses deux principales composantes: le Parti communiste (KKE) d’une part, engoncé dans une ligne sectaire et nostalgique du passé stalinien, qui reste la force dominante aussi bien sur le plan électoral que militant, et la Coalition de la gauche radicale (Syriza), de l’autre, qui prône une démarche unitaire mais qui peine à trouver une cohérence interne entre ses multiples composantes et tendances et tend à se replier sur une proposition d’unité «a minima», basée sur un simple refus de l’austérité. Nécessaire à l’unité d’action et à la mise en avant de revendications immédiates, de type syndical, une telle base s’avère toutefois insuffisante quand se pose la question d’une alternative de pouvoir.

Placées devant ce redoutable défi, ces formations ont le plus grand mal à formuler des propositions précises et un tant soit peu audibles sur les questions-clés où se jouent la légitimité des politiques menées et la possibilité d’une autre logique, à savoir la dette et la question de l’euro et, plus largement, des rapports avec l’UE. La ligne majoritaire au sein de Syriza, et surtout de sa principale composante, Synaspismos, est de proposer une renégociation de la dette dans le cadre de l’UE et de la zone euro, en évitant la cessation de paiement. La question de l’euro ou de la structure antidémocratique et néocoloniale de l’UE sont minimisées et/ou renvoyées à un futur indéterminé, lorsqu’un «mouvement social européen» aura changé la donne au niveau de l’UE toute entière, ou du moins de son noyau. Ces propositions, faut-il préciser, paraissent en complet décalage par rapport à la situation, peu crédibles et suscitent une opposition interne croissante.

Devant cette impasse, des courants importants de Synaspismos (le «Courant de gauche» dirigé par l’actuel porte-parole parlementaire de Syriza Panagiotis Lafazanis [Ce courant a recueilli 31 % des voix des délégués lors du 6e congrès du parti en juin 2010. Il est largement majoritaire parmi l’aile syndicale. Trois députés sur neuf, ainsi que l’élu de Syriza au parlement européen sont affiliés à ce courant.]]) ainsi que d’autres composantes de Syriza regroupées dans le Front pour la Solidarité et la Rupture (dirigé par l’ancien président de Synaspismos Alekos Alavanos) haussent le ton et rompent avec le consensus européiste. Ils prônent une renégociation de la dette «à la Kirchner», menée sous la pression d’une cessation de paiement à l’initiative du pays emprunteur, accompagnée d’une sortie de l’euro et d’une véritable nationalisation du secteur bancaire, qui permettraient une dévaluation de la monnaie et une sortie de la logique de la «dévaluation interne» (fondée sur la baisse drastique du coût du travail) imposée par les cures d’austérité. En plus des arguments économiques, une rupture avec l’euro et la logique des institutions européennes, sans sortie immédiate de l’UE, est également jugée nécessaire pour des raisons politiques: comment sortir le pays de la tutelle où il se trouve actuellement et relancer un fonctionnement démocratique sans accepter un découplage, fût-il partiel, avec l’UE et le rétablissement de sa souveraineté nationale? Cet agenda est du reste déjà défendu par le regroupement des forces de l’extrême gauche Antarsya, qui a connu quelques succès électoraux lors des régionales et municipales de novembre 2010 [(cf. encadré, plus bas), et qui défend la cessation de paiement, la sortie de l’euro et la nationalisation des banques comme socle d’un programme de rupture anticapitaliste. Toutefois, malgré d’importantes convergences, un début de regroupement sur le front syndical [[Il s’agit de l’Initiative des Syndicats de Base et des Comités de Citoyens, un réseau de syndicalistes, élargi à des militants de quartiers et des initiatives citoyennes, qui réunit les syndicalistes du Courant de gauche de Synaspismos, ceux d’Antarsya et ceux du Front pour la Solidarité et la Rupture. Ses cortèges servent de point de convergences aux ailes combatives du mouvement syndical.]], et une audience croissante dans le débat public, le «pôle anti-UE» de la gauche radicale peine à se coordonner et à acquérir une visibilité sur le terrain politique.

La situation paraît encore plus figée du côté du Parti communiste. Traditionnellement hostile à l’UE, partisan d’une sortie de la Grèce de l’Union, ce parti se montre pourtant très prudent sur ce terrain depuis le début de la crise, soulignant que tous ces problèmes, ainsi que celui de la dette, ne pourront être résolus qu’une fois «renversé le pouvoir du capital monopoliste» et instauré le «pouvoir populaire», sous la direction, naturellement, du parti. Cette rhétorique « gauchiste » sert en réalité à justifier une pratique quiétiste sur le plan des mobilisations, avant tout soucieuse de refuser toute forme d’unité d’action et accusant Syriza (et Antarsya) d’être des «forces opportunistes» jouant «le jeu de la bourgeoisie et de l’UE».

En réalité, tout comme ceux de Syriza, les dirigeants du KKE manient un discours radical, mais désincarné, en ayant avant tout l’œil sur les sondages, qui créditent la gauche radicale de ses scores les plus élevés depuis les années 1970 (cf. encadré plus bas). Ils semblent se contenter de ce rôle de réceptacle passif de la colère populaire, rôle partagé qui crée entre eux une sorte d’étrange complicité, par-delà la virulence des polémiques. Pour le dire autrement, ce qui se trouve exclu dans les deux cas, quoique par des cheminements opposés, c’est l’idée d’une alternative qui se construit sur des objectifs transitoires et répond concrètement aux problèmes cruciaux posés par la crise : dette, appartenance à l’euro, modèle économique, refondation démocratique, indépendance nationale et rapports avec l’UE.

C’est cette complicité perverse qui explique que la proposition de référendum de Papandréou a mis dans un premier temps aussi bien Syriza que le KKE dans l’embarras, surtout lorsqu’il est apparu que se poserait la question de l’euro et d’une rupture concrète avec la cage de fer imposée par l’UE. Au lieu du référendum, qu’ils ont fini par soutenir en appelant à un vote «non», Syriza et le KKE ont préféré mettre en avant le mot d’ordre d’élections anticipées. Et ils continuent de le faire, espérant transformer en sièges les scores que leur accordent les enquêtes d’opinion.

Cette gestion routinière d’une situation extra-ordinaire, dans tous les sens du terme, s’avère toutefois grosse de dangers. La formation du gouvernement Papadémos, qui scelle le front unique des classes dominantes grecques et européennes, place la gauche radicale grecque au pied du mur. Loin d’être une force marginale, condamnée à un rôle de témoignage, elle se voit désormais investie d’une responsabilité proprement historique: construire un front social et politique en mesure de relever le défi lancé par un adversaire déstabilisé mais d’autant plus dangereux, prêt à toutes les aventures. Si elle se dérobe, et s’avère incapable de changer la donne, elle pourrait fort bien être balayée de la scène, comme l’ont été toutes les forces politiques, y compris de la gauche radicale, dans les pays qui ont déjà subi la «stratégie du choc».

Cette responsabilité est du reste loin d’être une responsabilité uniquement nationale. Dans un article retentissant, publié en juin dernier dans le “New York Times”, l’historien britannique et spécialiste d’histoire grecque contemporaine Mark Mazower, rappelait à tou·tes celles et ceux qui n’ont d’yeux que pour la gloire des Anciens, qu’au cours des deux derniers siècles la Grèce moderne s’est retrouvée à plusieurs reprises «à la pointe de l’évolution européenne» [[Mark Mazower, «Democracy’s Cradle, Rocking the World», disponible sur http://www.nytimes.com/2011/06/30/opinion/30mazower.html.]]. En s’engageant dans une guerre d’indépendance, que les Grecs eux-mêmes ont toujours appelé la «Révolution de 1821», ils furent les premiers à ébranler l’ordre de la Sainte Alliance. Par leur «non» de 1940, leurs victoires contre les troupes de Mussolini et leur lutte massive contre l’occupant, ils ont été aux avant-postes du combat antifasciste. En se soulevant, il y a trente-huit ans, contre la dictature des colonels, ils ont montré la voie à d’autres peuples, du Sud européen ou d’Amérique latine, qui subissaient une oppression comparable. Il se pourrait donc que, renouant avec ce fil qui traverse son histoire moderne, la Grèce donne une fois de plus le signal du soulèvement européen contre l’oppression, cette fois contre la dictature des financiers, des affairistes et de leurs pathétiques commissaires politiques.

(*) Stathis Kouvélakis est enseignant en philosophie politique au King’s College de l’université de Londres .


Tableau

Les forces politiques en Grèce:

résultats électoraux et tendances récentes

Les dernières élections législatives ont eu lieu en octobre 2009.

Le PASOK en est sorti vainqueur avec 44 % des voix, l’un de ses meilleurs résultats depuis les années 1990, et 160 sièges (sur les 300 que compte le Parlement). À noter que dix députés ont déserté les rangs du PASOK depuis le vote du mémorandum conclu entre le gouvernement et la Troïka (BCE, UE, FMI), en mai 2010, dont sept ont gardé leur siège, ce qui porte les effectifs du groupe parlementaire du PASOK à 153 députés, qui correspond aux voix reçues par le gouvernement sortant de Papandréou lors du vote de confiance du 4 novembre.

La Nouvelle Démocratie (droite) a obtenu 33,4 % des voix, le plus mauvais résultat de son histoire. Avec 5,6 %, l’extrême droite du LAOS (Rassemblement Populaire Orthodoxe) a progressé sensiblement depuis les élections précédentes (+1,8 %).

Les écologistes, qui affichent un profil «centre-gauche moderne», social-libéral sur les questions économiques, ont obtenu 2,53 %.

À gauche du PASOK , le Parti Communiste (KKE) a obtenu 7,6 %, en recul de 0,6 % sur les résultats de 2007, et la Coalition de la gauche radicale (Syriza) 4,6 %, en recul de 0,4 % sur les résultats de 2007. Syriza regroupe une dizaine de composantes (qui vont du maoïsme au trotskisme en passant par des sensibilités «mouvementistes») dont la principale est Synaspismos (Coalition de gauche), issue de deux scissions successives du KKE (1968 et 1991). À noter qu’une bonne partie des organisations de la gauche radicale et de l’extrême gauche grecque sont également issues de scissions ou de départs collectifs du KKE.

L’extrême gauche a présenté trois listes, totalisant 0,7 %. La principale composante, Antarsya (0,36 %), est un regroupement d’une dizaine d’organisations, qui a enregistré des résultats souvent significatifs lors des élections municipales et régionales de 2010 (notamment 2,3 % dans la région capitale et 3 % dans la ville d’Athènes). Ces élections ont été d’une manière générale marquées par une poussée de la gauche radicale, essentiellement du KKE, qui est passé de 10 à 14,4 % dans la région capitale (Athènes-Pirée et leurs banlieues), qui regroupe un tiers de l’électorat total, et atteignit 11 % des voix exprimées au niveau national.

Actuellement, les sondages font apparaître une large défiance de l’électorat vis-à-vis des partis politiques, un tiers environ des personnes interrogées refusant d’indiquer une préférence, et une nette tendance à la fragmentation du paysage politique. Sur la base de projections effectuées à partir des réponses données par les personnes indiquant un choix, la fourchette des estimations est de 18 à 22 % pour le PASOK, de 30 à 33 % pour la ND et de 6 à 8 % pour le LAOS, auxquels il convient d’ajouter les 2 % dont est habituellement créditée l’organisation néonazie Aurore Dorée (qui a obtenu 5 % à Athènes aux municipales de 2010).

Les petites formations de centre-gauche , sont créditées de 3 à 4 % pour les écologistes, et de 3 à 5 % pour la Gauche démocratique, créée par des dissidents de Synaspismos qu’ils accusent de «dérive gauchiste». Syriza est estimé entre 7 et 10 %, le KKE de 10 à 13 % et Antarsya entre 1 et 2 %. Sur la base de ces estimations, aucun parti n’obtiendrait de majorité en sièges au Parlement.


date: le 15 novembre 2011

Sources:

contretemps.eu

repris dans le dernier bulletin du cadtm

6 DÉCEMBRE – CAFÉ ALIGRE: « ON L’APPELAIT TOM »

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Mardi 6 décembre 2011

à 20 h

au Café associatif La Commune

3 rue Aligre

Paris 12ème

Métro Ledru-Rollin, Gare de Lyon

Daniel Kupferstein présentera son dernier film

[« On l’appelait Tom »

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Le film retrace la vie et le parcours de Stanislaw Tomkiewicz (dit Tom) depuis le ghetto de Varsovie jusqu’à son engagement comme médecin en France auprès des enfants maltraités, des jeunes délinquants, des polyhandicapés et de tous les «damnés de la terre».

Un homme atypique que l’on aimerait rencontrer, aujourd’hui encore, au coin de la rue, dans un amphi, ou dans le 12ème où il a longtemps vécu et … au
café associatif!

Projection suivie d’un buffet partagé garni par les participants

Ouverture du bar du Café Associatif


une autre projection – débat du film est programmée

le 27 janvier 2012

à Bobigny au Magic Cinéma

à 20H30


IL Y A 25 ANS, LES MANIFESTATIONS DE LA JEUNESSE ET DE LA POPULATION DE CONSTANTINE

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Voila un compte-rendu assez fidèle qui gagnera à être complété par les témoins et acteurs de ces manifestations, dans lesquelles les militants du PAGS ont été d’une grande contribution.

La répression s’est abattu particulièrement contre eux, en témoigne un des tracts retrouvé appelant à prolonger la bataille contre l’arbitraire et à organiser la solidarité avec les détenus sans distinction qu’ils soient membres ou non du PAGS.

Le pouvoir s’efforçant constament et de réprimer et d’ en ignorer le contenu social, démocratique et politique, ces grandes manifestations réprimées violemment ne pouvaient qu’être annonciatrices de nouveaux développements,


IL Y A 20 ANS, LES ÉMEUTES DE CONSTANTINE CONTRE LA MAL-VIE ET POUR LA DÉMOCRATIEarticle de Nouri Nesrouche – El Watan du 14 novembre 2006


1986 : LE PAGS ET LES MANIFESTATIONS DE JEUNES DE CONSTANTINE – METTRE EN ECHEC L’ ARBITRAIRE ET LES PROVOCATIONSTRACT DU “PARTI DE L’ AVANT-GARDE SOCIALISTE”, du 23 décembre 1986


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IL Y A 20 ANS, LES ÉMEUTES DE CONSTANTINE

CONTRE LA MALVIE ET POUR LA DÉMOCRATIE

article de Nouri Nesrouche

El Watan du 14 novembre 2006

L’histoire récente de l’Algérie a été marquée par des faits qui ont contribué à l’évolution politique du pays, mais dont l’écho se tarit à la faveur d’une amnésie officielle, confortée par l’insuffisance du travail de mémoire de la part de l’élite.

Dans ce registre, les événements de Constantine de 1986 subissent une sorte de mutisme consensuel ou fortuit, qui risque d’effacer les dernières traces d’une révolte sociale marquante. Ces événements ont été des plus violents, exacerbant, comme disait le sociologue M’hammed Boukhobza, l’évolution des rancœurs vers la rupture. Constantine était, en effet, le dernier incendie, avant octobre 1988.

Vingt ans après, la jeune génération ignore ce qui s’est passé à Constantine, en ce novembre 1986. La cité avait brûlé pourtant, pendant plusieurs jours, des effets de violents affrontements entre la population et la police. Il y a eu beaucoup de dégâts matériels, mais aussi des morts, des blessés, des arrestations et des condamnations arbitraires par la justice. La chape de plomb imposée par le régime en place depuis l’indépendance a été sérieusement ébranlée. Elle ne cédera pas cette fois, mais les dégâts vont affaiblir le consensus, au plus haut niveau du pouvoir, préparant le changement.

À cette époque, les Algériens n’avaient pas encore digéré la honte de leur participation au Mondial de Mexico, venue s’ajouter à la paupérisation rapide et surprenante qui va faire plier la majorité de cette population de 23 millions d’habitants et laminer notamment la classe moyenne. 1986, c’est la crise. Au moment où le régime de Chadli s’occupait à faire briller sa vitrine, après l’adoption de la nouvelle charte nationale, les cours du pétrole s’effondraient (-50% en six mois), réduisant les recettes nationales (98% dus aux produits hydrocarbures), pour les placer au-dessous de la barre de 10 milliards de dollars. Au même moment, la valeur du dollar américain, monnaie choisie par l’Algérie pour effectuer ses transactions pétrolières, atteignait son plus bas niveau. Les prix du gaz suivront, prenant de court les dirigeants du pays et leurs stratèges, qui vont devoir appeler le peuple à «serrer la ceinture» et inventer la méthode douce pour faire passer la pilule des restrictions budgétaires de -20% sur le programme d’importations, et de -26% sur les équipements.

Le régime soufflait sur les braises

Devant la dégradation des conditions de vie, l’inquiétude cède rapidement la place à l’effervescence dans la rue. Une véritable lame de fond venait de loin. Mais le pouvoir n’y voit rien et tourne le dos à cette montée de la haine et des nouvelles aspirations en lançant la machine répressive du parti unique et des appareils à l’assaut de la société.

À Constantine, le chaudron brûle, annonçant une explosion imminente. A contrario, la mise au pas est tous azimuts. Caporalisation des organisations de masse en application de l’article 120, répression et instrumentalisation de la justice contre le mouvement de la jeunesse (procès et condamnation des militants de l’UNJA), main basse sur le patrimoine immobilier de l’Etat à la faveur de l’application de la loi sur la cession des biens de l’Etat (locaux commerciaux, villas, sièges d’entreprises et d’administrations publiques, terrains, notamment à Aïn El Bey, usine Duplan…), exaspérant le mécontentement de la population.
À cette époque aussi, la société était livrée au discours islamiste, notamment celui des prédicateurs égyptiens El Karadaoui et El Ghazali, installé à la tête de l’université des sciences islamiques, faisant le lit de l’idéologie qui va produire les futurs cadres et militants du FIS et leurs différents bras armés.

Il n’y a que le pouvoir qui reste aveugle et refuse de voir. Pire que ça, il répond par le châtiment à la montée des luttes syndicales (pour les syndicats représentatifs) et des revendications socioprofessionnelles, notamment en réprimant les grèves dans les usines du complexe de l’ENMTP de Aïn Smara et les chantiers de Sonatiba et de l’Ecotec.

La crise du logement constitue, parallèlement, un autre motif de révolte, qui sera traité de la même sorte. Les familles parquées dans le centre de transit du Polygone et celles des bidonvilles du Bardo et de «New York», en souffriront, pendant que les membres du comité du quartier Boudraâ Salah seront condamnés à la prison pour avoir manifesté pour le droit au logement social.

Dans les institutions pédagogiques, la situation était tout aussi inquiétante. Au sein des lycées, l’expérience de l’école fondamentale commençait à montrer des signes de flottement, alors que l’université de Constantine s’était transformée en une véritable poudrière, en ce début de l’année 1986.

Plusieurs tentatives de marche sur la ville ont été empêchées en signe de protestation contre l’absence de dialogue et de répondant face aux revendications des étudiants et de leurs enseignants. Les mêmes, d’ailleurs, que celles exprimées aujourd’hui. La veille de l’éclatement des émeutes, les résidents de la cité universitaire Zouaghi Slimane, située sur la route de l’aéroport, bloquaient la route nationale, protestant contre la qualité de la restauration et des conditions d’hébergement.

Cette manifestation sera durement réprimée par les services de l’ordre. L’enceinte universitaire de la cité sera violée et les chiens lâchés aux trousses des manifestants. Une cinquantaine d’étudiants seront arrêtés cette nuit.

Samedi 8 novembre. Rue Kaddour Boumeddous, dans la cour du lycée Benbadis, face au siège de la station régionale de la Radio et télévision nationale (RTA), une effervescence inédite gagne les élèves, en ce jour ensoleillé, et des voix de lycéens se relayent pour charger à bloc les terminalistes et les inciter à s’insurger contre l’instruction ministérielle annoncée durant la matinée par le proviseur, stipulant l’introduction de deux nouvelles matières, l’éducation politique et l’éducation islamique, dans les épreuves du bac. Les candidats sont gagnés par la panique devant la perspective d’une telle décision qui, croient-ils, aura un effet négatif sur leur préparation et leurs chances de réussite. Une idée fait son chemin alors pour le boycott des classes.

Les camions Saviem…

Une autre idée plus hardie fait le tour des lycéens et propose de faire une marche jusqu’au siège de la direction de l’éducation. Avec leur spontanéité, des centaines d’élèves s’organisent et engagent leur manifestation. Nazim H. était parmi eux et raconte que la procession a choisi d’emprunter les ruelles de Bellevue au lieu du Boulevard, en scandant des slogans refusant le fait accompli et tournant en dérision le ministre de l’Education de l’époque, Mme Z’hor Ounissi: «Zaâroura, zaâroura, Z’hor Ounissi kaâboura.» Nous sommes en phase avancée de l’application des réformes qui visent à remplacer l’ancien système scolaire par le modèle de l’école fondamentale. À peine une heure après, le cortège débouche sur le boulevard de la République, en bas de la résidence du wali, et les lycéens, euphoriques, ne se doutent encore de rien.

Sans crier gare, des camions de marque Saviem pointent leur nez et foncent en contresens, droit sur les manifestants. Les plus avertis vont réagir et prendre la fuite par le bois situé en contrebas. Quant aux autres, ils vont tomber dans l’étau des brigades antiémeute et subir un passage à tabac, avant d’être embarqués et conduits dans les locaux du commissariat central de Coudiat. Ils seront maintenus là des heures durant, avant que l’on décide d’élargir les mineurs. Les autres seront enfermés dans les geôles et vont y passer la nuit.

L’information se propage comme une traînée de poudre et plusieurs lycées vont réagir et sortir dans la rue. A 17 km de là, le lycée technique de Aïn Smara vit lui aussi des troubles, en ce début de semaine. L’établissement est encore en chantier, mais il a été ouvert pour accueillir les élèves de Constantine, orientés ici malgré eux et sacrifiés comme des cobayes à l’expérience du fondamental. L’ensemble des élèves décide ce jour-là de manifester contre les mauvaises conditions d’accueil et organise une marche sur Constantine.

À leur arrivée, ils sont accueillis par les bombes lacrymogènes des casques bleus. Ils arrivent à s’en sortir et rejoignent le mouvement des lycéens qui s’était transformé en marée humaine, manifestant devant la mosquée Emir Abdelkader et en de multiples foyers d’émeutes face à la répression massive de la police.

À l’université de Aïn El Bey, les étudiants réunis en assemblée générale demandent de rencontrer les autorités locales pour dénoncer la violation de la franchise universitaire et exigent la libération, avant 14h, de leurs collègues arrêtés la veille. Passé ce délai, ils mettent à exécution leur menace et entament la marche.

Quelques centaines de mètres plus bas, ils se heurtent à la force d’un dispositif sécuritaire impressionnant, et une violence insoupçonnée va s’abattre sur eux. L’université est encerclée, mais la fuite s’organise.

Les barricades sont érigées non loin de là, à Djenane Ezzitoun, où va avoir lieu la jonction entre le mouvement universitaire, celui des lycéens et surtout celui de la rue. Les échanges se poursuivront jusqu’au soir.

Le lendemain, l’émeute reprendra en se propageant dans plusieurs quartiers, notamment à Sidi Mabrouk, Oued Elhad et Mansourah.

Les internes de l’hôpital, vêtus de leurs blouses blanches, organisent une marche vers le centre-ville pour protester contre la répression. Les étudiants des instituts situés à la Casbah font de même, mais la police empêche ces tentatives et bloque toutes les issues de la ville.

Constantine brûle. Les manifestations, a priori pacifiques, chargées de revendications estudiantines se transforment en un mouvement de masse où se mêlent révolte sociale et vandalisme, mouvement organisé et lumpenprolétariat. Les édifices publics sont ciblés par les émeutiers qui cassent tout sur leur passage. Les agences de la CNEP du boulevard Belouizdad, les Galeries algériennes de la rue Didouche Mourad et la rue Abane Ramdane sont saccagées. Des bus et des poteaux électriques brûlés. Les symboles du pouvoir font les meilleures cibles: le siège du FLN sera détruit, celui de l’APS brûlé et plusieurs véhicules appartenant à des magistrats seront tout aussi ravagés par le feu.

La fièvre émeutière s’étendra à Sétif et sera traitée de la même sorte. Le bilan fera état de 3 morts, des dizaines de blessés et autant d’arrestations.

La paranoïa du pouvoir

La révolte s’éteindra à Constantine, au bout de trois jours d’émeutes et de répression sans précédent. Mardi, la ville offrait un visage de désolation, comme si elle venait de subir les effets d’un cyclone. Le bilan de la répression est effarant: deux morts, des centaines de blessés et des centaines de personnes arrêtées, la plupart ramassées au hasard. C’est le temps de la vengeance.

Rapidement, on passe à la liquidation des «trublions», et à l’occasion, régler les comptes avec les opposants, notamment ceux du parti de l’avant-garde socialiste (PAGS), d’obédience gauchiste.

Au lieu de considérer les raisons du soulèvement populaire et ouvrir le dialogue, les pouvoirs cherchent un abcès de fixation et le PAGS était tout désigné.

Mohamed Saïdi, mouhafedh FLN, qui se convertira plus tard à la démocratie, après avoir été promu ambassadeur en Libye, déclarera publiquement que les «marxistes du PAGS» étaient derrière ce mouvement de masse.

La Sécurité militaire (SM) se chargera de la chasse aux sorcières.

Le pouvoir organise le procès et dépêche un cadre du ministère de la Justice, un certain Nasri Azzouz, qui deviendra, plus tard, président de la Cour suprême et député FLN, pour superviser le procès et filtrer l’information. 186 jeunes seront présentés, jugés et condamnés, durant la même semaine, par le tribunal d’une manière expéditive.

Le juge Bouchemal prononce des peines allant de 2 à 8 ans de prison ferme sur une simple liste des inculpés, où figurait des mineurs. La plupart seront internés dans la sinistre prison de Lambèse. La peur l’emporte chez les avocats de Constantine, qui vont refuser de défendre ces accusés. Seuls deux avocats, maîtres Ali Kechid et Boudjemaâ Ghechir, assumeront la défense. Le premier en fera, d’ailleurs, les frais.

L’épisode restera une tache noire dans l’histoire du barreau de Constantine. Les pouvoirs publics ont paniqué, et, craignant un remake du scénario d’avril 80 en Kabylie, ont tout de suite réprimé le mouvement «pour le juguler».

Les visiteurs de la nuit

«… Un colt sera braqué sur ta tête…» L’expression est tirée du témoignage publié récemment sur internet par Abdelkrim Badjadja, actuellement exilé dans un pays du Golfe, sur les circonstances de son internement dans le Sud suite aux événements de Constantine. L’ancien directeur des archives nationales raconte, en effet, qu’il a été interpellé par des personnes, embarqué de force dans un véhicule banalisé et conduit à son domicile, situé dans un quartier de la ville de Constantine. Les hommes, identifiés comme étant des agents de la Sécurité militaire, procéderont à une fouille minutieuse de l’appartement et vont passer au crible le contenu de sa bibliothèque, sous les yeux hagards et terrorisés de ses enfants. Leur inculture est patente tant, raconte le témoin, ils étaient incapables de distinguer entre une littérature subversive et une publication de la Sned (organe étatique). Ils ne trouveront rien, mais Badjadja sera interpellé de nouveau, quelques jours plus tard, à l’aéroport de Constantine, par les mêmes services. Il sera assigné à résidence à Bordj Omar Driss, à 1500 km de chez lui, sans qu’il ne soit informé sur le motif de son arrestation ni sur le délai de son assignation. Sa famille attendra plusieurs semaines avant de retrouver sa trace.

La scène qu’a vécue Badjadja chez lui est identique à celle vécue par les familles Bencheikh et Kechid. A la seule différence que l’universitaire Djohra Bencheikh et l’avocat Ali Kechid vont recevoir des visites de nuit de la part des limiers de la fameuse SM. Les deux seront arrachés à leurs familles et leurs appartements fouillés de fond en comble, sans mandat de perquisition et en violation des lois.

Le «coup de filet» de la SM touchera aussi les universitaires Attika Temmim, Habib Tengour, Zoubir Slougui, Mahmoud Bettina, Messaoud Bourbia et Adel Abderrazak, tous répertoriés parmi le mouvement clandestin de gauche et soupçonnés de préparer une insurrection. Ces derniers, comme Djohra, seront relâchés, quatre jours après, à la suite de longues heures d’interrogatoires et de pression psychologique éprouvante. L’avocat Ali Kechid, quant à lui, passera quatorze jours dans les locaux de la SM. Il sera interrogé sur les événements de Constantine, ses convictions politiques et le contenu de sa plaidoirie lors du procès des jeunes à la cour de Constantine. Il sera, ensuite, transféré à Ouargla, le 3 décembre, et rejoindra les autres hôtes de Bordj Omar Driss, 24h après.

Souvenirs de Crésyl et hôtes de marque

Dans le camp militaire de Bordj Omar Driss (wilaya d’Illizi), Ali Kechid et Abdelkrim Badjadja vont se retrouver aux côtés de sept autres détenus qui portent les noms de Hachemi Zertal, à l’époque, sous-directeur de la cinémathèque de Constantine, Mourad Nefoussi et Mohamed Alliat, tous deux cadres de Cosider à El Hadjar, et Mohamed Boukhari, directeur de la programmation au théâtre d’Annaba. Il y avait, aussi, l’avocat Mokrane Aït Larbi et le cadre paramédical Arezki Kecili de Tizi Ouzou ainsi que l’anthropologue algérois Rachid Bellil. Quant à l’avocat et militant des droits de l’homme, Ali Yahia Abdennour, il sera maintenu à Ouargla aux côtés du couple Nekache. La plupart de ces intellectuels et militants des droits de l’homme subiront la torture par absorption de Crésyl, passage à tabac et perforation des doigts de la main au moyen d’agrafeuse.

Ali Kechid raconte qu’il n’a pas reçu la notification de l’arrêté portant son assignation à résidence, pour atteinte à l’ordre public, avant le 7 décembre. Décision émanant du ministère de l’Intérieur signée par le directeur général de la Sûreté nationale, à l’époque Hadi Khediri, sur ordre du ministre Hadj Yala.

Cette mesure va soulever une vague d’indignation et de condamnation et un large mouvement de solidarité qui va s’étendre jusque dans les milieux intellectuels français qui, emmenés par le professeur René Galissot, vont se joindre à leurs collègues algériens pour initier une série d’actions et faire pression sur le pouvoir algérien afin d’obtenir la libération des détenus ainsi que celle des 186 jeunes emprisonnés.

La plus illustre des initiatives est sans doute la lettre ouverte adressée par le président de l’Association internationale des juristes démocrates, Joê Nordmann, au président Chadli Bendjedid, protestant contre la répression dirigée contre ces personnes et invitant le président à mettre fin à la mesure d’assignation à résidence.

Une délégation, composée d’universitaires, d’intellectuels et d’artistes algériens, munie d’une pétition, va, de son côté, faire la tournée des institutions de l’Etat, à l’image de la présidence de la République, les dirigeants du FLN, l’ANP, le ministère de la Justice, la DGSN, ainsi que l’UGTA, l’UNJA et l’UNAC.

À retenir aussi l’attitude courageuse des avocats d’Annaba, conduits par le bâtonnier maître Bouandas, qui ont boycotté la visite officielle du ministre de la Justice en signe de protestation contre la partialité de la justice dans ces événements.

Plusieurs lettres ouvertes ont été adressées, également, au président de la République par les parents et les amis des détenus. La plus frappante est celle émanant de la mère de Ali Kechid, dont le contenu rappelait au premier responsable de l’Etat qu’elle était épouse et mère de chahids. Dans un passage, elle écrit: «Notre famille a payé, comme toutes les familles algériennes, le prix du sang et des larmes pour que nos enfants puissent vivre la tête haute, pour qu’ils ne subissent plus les brimades ni l’humiliation, pour qu’ils ne soient plus soumis à l’arbitraire et à l’oppression, pour qu’ils vivent dans un pays de droit et de justice sociale…»

Ces sollicitations ont été autant de pressions qui ont poussé le pouvoir à lâcher du lest.

En mars 1987, le président Chadli décide la levée des mesures d’assignation à résidence dans le Sud et, au mois d’avril, la libération des 186 condamnés.

Propagande officielle et médias français

La télévision nationale inaugure la campagne de propagande, dès le lundi, en organisant, au journal télévisé du soir, la repentance des personnes arrêtées, présentées comme de vulgaires vandales.

La presse écrite, exclusivement des journaux appartenant à l’Etat, emboîte le pas à la télévision et consacre, dès le lendemain, une large couverture des événements, en focalisant sur les actes de sabotage. Les auteurs seront qualifiés de «fauteurs de troubles», en «majorité célibataires, repris de justice», selon El Moudjahid. L’APS parlera de «conspiration» d’éléments «hostiles à la Révolution, à sa marche et à ses victoires», qui n’hésitent pas à utiliser «la spontanéité de notre jeunesse» pour «réaliser les desseins du colonialisme, de l’impérialisme et de ses alliés». Le quotidien arabophone An Nasr s’emploiera à publier les communiqués en langue de bois de condamnation et de soutien indéfectible aux dirigeants du pays de la part des organisations de masse, notamment l’UGTA et l’UNJA, et accuser «ces tendances qui nourrissent de la haine à l’égard de l’Algérie», en lavant l’université et ses étudiants de la responsabilité des émeutes.

L’APS écrit encore: «La communauté universitaire se démarque et réaffirme sa mobilisation derrière la direction pour défendre les acquis de la Révolution.» Un mensonge savamment préparé pour cacher le caractère massif de la révolte, atteignant le sommet du ridicule dans cette motion de soutien aux autorités du pays, adoptée, soi-disant, par les étudiants lors de l’AG présidée par Abdelhak Brerhi, alors ministre de l’Enseignement supérieur.

Le ministre était parvenu, il est vrai, à calmer les esprits contre la promesse de convaincre les autorités locales à libérer les étudiants et les lycéens arrêtés. La rencontre se déroulera, cependant, dans un climat de tension et le ministre se fera balancer sur sa table des cadavres de bombes lacrymogènes et un casque arraché à un policier.

À l’opposé, c’est la presse française qui va faire le travail de l’information à travers une large couverture de l’événement. Plusieurs envoyés spéciaux viendront renforcer sur place les rangs des correspondants locaux de Libération, Le Monde, Le Figaro, France-Soir, etc. Les écrits vont agacer le pouvoir et deux journalistes, celles de Libération et du Nouvel observateur, seront expulsées.

La façade se lézarde au sommet

Au milieu du black-out imposé par le pouvoir sur l’information, un seul article va traverser les mailles de la censure et paraître sur les pages de “Révolution africaine”. Loin d’être une omission, la publication recevra, et allant contre la politique du pouvoir, l’aval de Mohammed-Cherif Messaâdia, le deuxième homme du FLN. Cette « peau de banane » renseigne sur la divergence de ce dernier avec le président Chadli et les luttes au sommet opposant le parti, l’appareil d’Etat et la hiérarchie militaire.

Ali Kechid se rappelle, d’ailleurs, que l’attitude des militaires à l’égard des détenus et de leurs familles qui leur rendaient visite à Bordj Omar Driss était «correcte et constructive», confortant l’idée selon laquelle le premier responsable du camp et commandant de la 4e Région militaire, un certain Mohamed Betchine, était contre la mesure d’assignation en l’absence d’un procès.

Suite aux événements, le chef d’état-major, le général Mostefa Benloucif, démissionnera de son poste, officiellement, pour des raisons de santé. Le directeur de la DGSN et le patron de la Sécurité militaire, le général Lakehal-Ayat, affichent au grand jour leur mésentente, et le commandant Meftah, responsable de la SM à Constantine, sera sacrifié comme un fusible.

Quant à Chadli, son discours, prononcé le 11 novembre devant les walis, était un sérieux réquisitoire contre ses adversaires.

Les véritables enseignements ne seront pas tirés.

Deux années plus tard, l’Algérie s’engagera dans un processus démocratique qui va être celui de tous les dérapages, tuant tous les espoirs nés chez les Algériens.

Entre temps, l’expérience de l’école fondamentale a officiellement échoué, les noces du pouvoir avec l’islamisme ont donné le FIS et les milliers de Antar Zouabri, et jeté les jeunes, notamment ceux condamnés à Constantine, dans les bras de l’hydre terroriste. Les cadres de la nation ont choisi massivement l’exil. D’ailleurs, durant notre enquête, nous avons découvert que la majorité des universitaires acteurs des événements de Constantine ne vivent plus en Algérie depuis longtemps.

Aujourd’hui, soit 20 ans après, les émeutes plébéiennes cycliques n’ont pas pris fin et les ingrédients qui ont mené aux explosions de Constantine et d’Alger, sont, hélas, toujours d’actualité.

L’économie ronronne encore et le despotisme éclairé est toujours au pouvoir.

La société, quant à elle, voit ses aspirations contrariées, son identité toujours menacée, et souffre d’un chômage chronique, d’horizons bouchés et de conditions précaires d’existence.

Nouri Nesrouche

El Watan, le 14 novembre 2006

Sources sur le Web: …

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1986 : LE PAGS ET LES MANIFESTATIONS DE JEUNES DE CONSTANTINE

METTRE EN ECHEC L’ ARBITRAIRE ET LES PROVOCATIONS

LE 23 DÉCEMBRE 1986

De nombreux enlèvements et arrestations illégaux et arbitraires se sont poursuivis au cours des dernières semaines dans plusieurs villes du pays qui ont touché différents courants d’opinion, parmi eux des progressistes.

Ainsi KECHID, ZERTAL et BADJADJA de Constantine, après 3 semaines de détention dans des locaux du secteur militaire, ont été déportés et assignés à résidence à BORDJ OMAR DRISS (Wilaya d’ ILLIZI) à des centaines de kilomètres de leur famille et de leur travail.

BOUKHARI Mohamed, NEFOUSSI Mourad, ALLAYAT Mahmoud de Annaba ont été arrêtés depuis des semaines et leurs familles ignorent à ce jour où ils sont détenus. Selon certaines informations ils seraient aussi assignés à résidence à BORDJ OMAR DRISS.

CHETTOUH Mourad de SEDRATA, torturé malgré sa maladie, a dû être hospitalisé. Il a été placé sous mandat de dépôt après plusieurs semaines de « garde à vue ».

BEN BRAHIM Rachid, réalisateur à la RTA, ISRI Kamel, ingénieur à la RTA et un professeur d’architecture de Blida ont été gardés à vue pendant 10 jours au commissariat central d’Alger. BEN BRAHIM a été torturé pendant 3 jours. Tous les 3 ont été incarcérés à Alger.

Parmi les événements de Novembre, certains sont dramatiques comme à Constantine et Sétif. Au lieu d’une politique d’apaisement et de dialogue, au lieu de tirer les leçons des causes des manifestations et y apporter des solutions positives, certaines forces politiques veulent accroitre la tension.

Pour cela, elles répriment de façon multiforme des hommes et des femmes de progrès, dont les communistes. Elles veulent poursuivre leurs provocations et faire endosser à d’autres leurs propres responsabilités dans la violence et les affrontements qui ont suivi les mouvements d’étudiants et de lycéens.

La manipulation des faits et de l’information par certaines tendances dans les services de sécurité tend à faire admettre que les événements de Constantine ont eu pour origine loes activités des forces de gauche.

Ces informations visant à intoxiquer des milieux dirigeants du pouvoir et à cacher ou masquer le véritable plan de déstabilisation du pays par la droite réactionnaire et l’impérialisme.

Nous disons fermement : Non à la répression pour délit d’opinion ! Non à la provocation ! Non aux tentatives de division des forces patriotiques au moment où notre pays est menacé à ses frontières avec le Maroc, où il doit affronter des problèmes graves politiques, économiques et sociaux, où il doit faire face à une agressivité croissante et concrète de l’impérialisme.

C’est dans cet esprit que nous agissons et que nous appelons tous les patriotes à agir, pour briser la loi du silence et dénoncer les arrestations illégales et arbitraires, les mauvais traitements et la torture infligés à certains détenus.

Exigeons l’arrêt des poursuites contre tous les détenus pour délit d’opinion, y compris ceux avec lesquels nous ne partageons pas les idées politiques comme Maitre ALI YAHIA Abdennnour qui vient d’être arrêté de nouveau ainsi que 2 avocats et un professeur !

Exigeons la révision des procès expéditifs et injustes des centaines de jeunes arrêtés à Constantine, à Sétif et le respect des droits de la défense !

Exprimons notre solidarité avec toutes les victimes de l’arbitraire sous toutes les formes possibles !

Exigeons que soient connus et condamnés ceux qui ont torturé et ceux qui ont ordonné la torture, ceux qui ont piétiné les lois et la dignité des citoyens.

Alger le 23 décembre 1986

PARTI DE L’ AVANT-GARDE SOCIALISTE

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L’ ÉCONOMIE ALGÉRIENNE – QUELLE RELANCE? LE DÉBAT EST OUVERT

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Un visiteur du site « Socialgerie » nous a adressé des extraits du « Forum d’acteurs économiques du secteur privé », publié dans « Liberté » du 23 novembre 2011.

Le thème de la relance d’une économie fortement dégradée ou même sinistrée depuis les années 80, est de plus en plus présent dans la presse et l’opinion, avec un accent plus fort mis sur ce que certains dans des mouvances très différentes appellent le « patriotisme économique » pour corriger les lourdes erreurs passées, avec leurs illusions néolibérales entretenues par les maffias politico-financières.

Socialgerie ne peut qu’encourager ces échanges. Le site introduit ici ce débat souhaitable, en présentant d’abord le point de vue qui a prédominé dans les mouvances progressiste et communiste des années 60 et 70.

Il sera suivi d’autres opinions et réactions exprimées dans des publications, des sites ou des messages qui nous sont parvenus.

(note: l’ensemble des différentes interventions sont reprises dans un document joint, format pdf. téléchargeable, accessible en fin d’article)


COMMENTAIRE de SOCIALGERIE: … La place légitime et utile du secteur privé productif, … et l’assainissement du Secteur d’Etat et public, délivré des maux qui l’ont miné et saboté….


EL HADJAR: RACHETER LES PARTS DE M. MITTAL ET GÉRER NOUS MÊME LE COMPLEXE…www.algerieinfos-saoudi.com – le 13 novembre 2011;


OPINION DE MILOUD L. QUI A ADRESSÉ À SOCIALGERIE LE COMPTE-RENDU DU FORUM;


ÉLECTIONS CHEZ LES PATRONS “ON NE CHANGE PAS UNE EQUIPE QUI GAGNE” par Ahmed Selmane, «Note Algérienne» – le 13 novembre 2011 – La Nation.info;


FORUM D’ACTEURS ECONOMIQUES DU SECTEUR PRIVÉExtraits des interventions publiés dans “LIBERTÉ” du 23 novembre 2011


L’ÉCONOMIE ALGÉRIENNE SERA FORTEMENT TOUCHÉE PAR LA CRISE FINANCIÈRE INTERNATIONALEpar: A HAMMA – 4ème session du forum d’Alger


L’IMPACT DE LA CRISE SUR L’ ÉCONOMIE ALGÉRIENNEL’ ALGÉRIE DANS L’ŒIL DU CYCLONE EN 2012 par Khaled R.


LA CRISE FINANCIÈRE MONDIALE QUE SAVONS-NOUS? – QUELLES PERSPECTIVES POUR L’ALGERIE? par : Rachid Sekak, économiste;


M. KAMEL BENKOUSSA, ÉCONOMISTE ET FINANCIER, TIRE LA SONNETTE D’ALARME“VERS UNE DÉGRADATION DU QUOTIDIEN DES ALGÉRIENS”par Said SMATI:


HASSEN KHELIFATI, P-DG D’ALLIANCE ASSURANCES: “QUE L’ÉTAT PROTÈGE LES ENTREPRISES NATIONALES!” par : Said SMATI


ABDERRAHMANE BENKHALFA, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L’ABEF“OBLIGATION DE REPENSER NOTRE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT” par : Said SMATI


SYNTHÈSE ET CONCLUSIONS DU 4ème FORUM D’ALGER, par le Dr Mourad PREURE


COMMENTAIRE de SOCIALGERIE: …

La place légitime et utile du secteur privé productif

et l’impérative nécessité de l’assainissement du secteur d’État et public qui doit être délivré des maux qui l’ont miné et saboté….

Socialgerie ajoute en introduction à ce dossier un rappel des positions de principe et pratiques qui ont toujours été celles des défenseurs d’une économie laissant sa place légitime et utile à un secteur privé productif. Mais en même temps une économie nationale qui repose sur ses deux jambes, c’est à dire fortement charpentée, protégée et dynamique grâce à un secteur d’Etat et public assaini, délivré des maux qui l’ont miné et saboté: tels que les rigidités bureaucratiques, les fuites en avant volontaristes ou encouragées par des milieux occultes, les pratiques antisociales, antisyndicales et antidémocratiques envers la main d’œuvre, contraires aux intérêts de la production, la corruption au service des cercles parasitaires internes et des multinationales. Qu’on se souvienne du scandale de l’emprisonnement des cadres du complexe sidérurgique d’El Hadjar, coupables de fabriquer du fer à béton de qualité et avantageux pour l’économie nationale, alors que les cercles étatiques ou privés corrompus voulaient à tout prix l’importation de ces produits à des conditions pourtant moins avantageuses, etc.

Le patriotisme économique qui commence à s’exprimer ne peut être que le bienvenu, y compris lorsqu’i vient de milieux qui sont restés apathiques (ou même applaudissaient) à l’entreprise gigantesque et antinationale de désindustrialisation, baptisée « restructurations » à partir des années 80.

Il ya néanmoins une condition fondamentale pour que les aspirations légitimes à donner sa place et sa contribution importantes au secteur privé ou mixte soient couronnées de succès et bénéfiques aussi bien à l’économie nationale qu’à un meilleur climat politique et social.

C’est que le secteur privé respecte les aspirations légitimes des travailleurs, la démocratie et la représentativité syndicales, les intérêts de l’indépendance nationale face aux assauts des monopoles capitalistes, etc.

Autrement dit, que soient battues en brèche les activités anti-économiques des cercles maffieux et spéculateurs présents aussi bien dans les cercles dirigeants que dans la société.

On se souvient comment les efforts d’assainissement par le gouvernement en place en 1990 ont été rapidement contrariés et bloqués jusqu’à provoquer la chute de ce gouvernement sous des prétextes tout à fait autres prétendument sécuritaires.

C’est dire que l’élan – tardif mais utile – de patriotisme actuel des entrepreneurs et certains courants de l’Etat reste fragile s’il n’est pas soutenu, guidé et contrôlé massivement par l’ensemble des forces patriotiques, démocratiques, de progrès social et anti-impérialistes, au delà de leurs divergences idéologiques secondaires tenant à des raisons valables ou prétextes identitaires.

Autrement dit, qu’un profond courant de changement démocratique mette fin à des pratiques obsolètes, dont l’une des plus dépassées est le mode de fonctionnement de l’UGTA et syndicats bidons, l’étouffement des syndicat autonomes et associations corporatives, le tout couronné par des instances d’enregistrement et non représentatives telles que la prétendue Trilatérale.

Il n’est pas inutile enfin de rappeler que les orientations et prises de position communistes dans ces domaines ont de tout temps été claires au cours du demi-siècle écoulé.

Il suffit de se référer à leurs les publications, tracts, journaux, revues, à commencer par le programme du PCA publié en avril 1962 (entre le cessez le feu et l’indépendance). Cela n’avait pas empêché leurs détracteurs de les calomnier déjà au moment où Benbella prétendait instaurer le socialisme par la nationalisation des gargotes, des bains maures tandis que le coup de force de janvier 63 contre le Congrès de l’UGTA officialisait la politique de l’étranglement des syndicats représentatifs

SOCIALGERIE, 25 NOVEMBRE 2011

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EL HADJAR:

RACHETER LES PARTS DE M. MITTAL

ET GÉRER NOUS MÊME LE COMPLEXE…

www.algerieinfos-saoudi.com

le 13 novembre 2011;

« Les incertitudes sur les perspectives économiques se sont accrues au cours des dernières semaines», déclarait, le 3 novembre, Lakshmi Mittal, le patron du premier groupe sidérurgique mondial. « Nous sommes ainsi confrontés à des pressions s’exerçant à la fois sur les volumes et sur les prix. (Figaro du 4/11/2011)

On le sait: la baisse de la demande d’acier est sensible en Europe.

Mais en Algérie? La demande s’est au contraire accrue et aura tendance à croître avec la relance industrielle en cours.

Au moment où se négocie la nouvelle convention entre le géant Arcellor-Mittal et l’Etat algérien, la multinationale pèse de tout son poids pour faire participer l’Algérie au programme d’allégement de sa dette, conçu par son état-major international.

Que demande la multinationale ? Le refinancement de ses activités à Annaba par la Banque extérieur d’Algérie à hauteur de 500 millions d’euros; la récupération de 45 millions de dollars de TVA, le maintien des avantages fiscaux et l’obtention d’une dérogation à l’export concernant le métal.

Le syndicat semble sensible au forcing de la direction du complexe et à son chantage à l’emploi, cette direction s’inscrivant dans l’émulation qui anime l’encadrement de la multinationale pour faire des économies dans les différents pays.

Ces cadeaux financiers serviront sans doute à participer à la collecte des 5 milliards de dollars dont M. Mittal à besoin pour racheter ce qu’il convoite fortement aujourd’hui: l’Australien Macarthur Coal, premier producteur mondial de charbon pulvérisé.

L’Etat algérien contrôle 30 % du capital du complexe de Annaba un des fleurons de l’élan industriel algérien après l’indépendance interrompu par le bradage engagé dans les années 80.

L’Algérie dispose d’une riche expérience dans la sidérurgie, elle possède des mines, notre demande intérieure va croître dans les années à venir si le cap de la relance industrielle est confirmé. Pourquoi ne pas utiliser notre argent pour donner à M. Mittal le cash dont il a besoin, racheter les parts de la multinationale et gérer nous-mêmes El Hadjar?

S. A., le 13 novembre 2011

Sources:

[[ Rappel de certains articles précédemment repris et publiés sur socialgérie:

ANNONCE D’UNE GRÈVE ILLIMITÉE LE 28 MAI 2011 à ARCELOR MITTAL – ANNABADossier


1988 – 1989 : LUTTES POUR DES SYNDICATS REPRÉSENTATIFSSAOUT EL CHÂAB, N° 175, LE 7 JUIN 1989


Avènement d’une multinationale: MITTAL STEELL’IRRÉSISTIBLE ASCENSION DE LAKSHMI NARAYAN MITTAL ( L N M ) !


INDUSTRIE : LES OUVRIERS RELÈVENT LA TÊTE


]]

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“FORUM D’ACTEURS ÉCONOMIQUES DU SECTEUR PRIVÉ”

OPINION DE MILOUD L.

qui a adressé à socialgerie le compte-rendu du Forum

publié dans “Liberté” du 23 novembre 2011

« … Enfin, des entrepreneurs et experts algériens s’aperçoivent de ce qui se passe dans le monde et ils en débattent! Mieux vaut tard que jamais…

Ce qui était visible et prévisible depuis 2008, pour peu qu’on ôte de ses yeux les lunettes de la religion ultra-libérale du marché.

Au lieu de cela, il a fallu subir durant toute l’année 2011 (voir les précédents forums de Liberté) de répétitives déclarations et professions de foi en faveur du Dieu marché.

Du coup, maintenant (est-ce parce que leurs intérêts sont en danger?) on redevient patriote et on ne voit plus l’Etat comme le mal absolu.

Personnellement, je me réjouis de cette prise de conscience. elle aidera peut-être notre pays à traverser la tempête qui s’annonce sans trop de dégâts.

Bonne lecture à tous ceux qui n’ont pas eu l’occasion de lire le dossier de Liberté. »

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ÉLECTIONS CHEZ LES PATRONS

“ON NE CHANGE PAS UNE EQUIPE QUI GAGNE”

Ahmed Selmane, « Note Algérienne ».

13 novembre 2011. La Nation.info

Au Forum des chefs d’entreprises (FCE) avec un nombre réduit de votants, Reda Hamiani a rempilé pour un troisième mandat face à Mohamed Baïri patron de IVAL Algérie et Hassan Khelifati, PDG d’Alliance Assurances. Faut-il faire un commentaire à l’égard d’un « évènement » aussi plat? Peut-être en recourant à la trivialité footballistique genre : « on ne change pas une équipe qui gagne » ! La preuve, on importe jusqu’à 50 milliards de dollars. Les faux producteurs et vrais importateurs peuvent en effet pavoiser. L’Algérie ne change pas. Elle importe. Quand on aura des producteurs et des entrepreneurs, il sera toujours loisible d’analyser une élection du FCE. Pour l’heure, il ne sert à rien de commenter le néant.

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Sources : « Lanation-info »

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FORUM D’ACTEURS ÉCONOMIQUES DU SECTEUR PRIVÉ

Extraits des interventions

publiés dans “LIBERTÉ” du 23 novembre 2011

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4ème session du forum d’Alger

L’économie algérienne sera fortement touchée par la crise financière internationale

par : A HAMMA

Quelles sont les conséquences de la crise financière internationale sur l’Algérie? Telle est la problématique sur laquelle se sont penchés de nombreux experts et spécialistes de la finance mondiale et des questions économiques nationales lors de la quatrième session du Forum d’Alger qui s’est tenue le 19 novembre dernier à l’hôtel Shératon.

Organisée conjointement par le quotidien Liberté et le cabinet Emergy, ce forum a porté sur le thème d’actualité brûlante intitulé “Crise économique et financière mondiale, perspectives à court terme – enjeux – menaces et opportunités pour l’économie algérienne. Quels challenges, quelles ambitions pour les institutions financières nationales (banques, assurances…)? Quelles stratégies, quelles réformes à mettre en œuvre ?”

Cette rencontre a drainé une nombreuse assistance, venue de tous les horizons économiques, financiers et industriels, compte tenu, à la fois, de l’intérêt, de l’importance, de la sensibilité des sujets traités, ainsi que des inquiétudes réelles qui hantent les Algériens sur les conséquences de cette crise quant à leur avenir.

Ce rendez-vous a été marqué par des communications pertinentes autour des sujets évoqués, suivies de débats d’une grande intensité, et par moments passionnés, modérés par Mourad Preure, président du cabinet Emergy, qui a ouvert les travaux du forum par une communication intitulée “La crise financière, les grands enjeux et les challenges pour l’Algérie”. L’orateur a d’abord précisé que ce forum a pour objet de contribuer à un “débat citoyen”, à la compréhension des causes de la crise financière et économique mondiale et de ses effets sur l’Algérie.

Le relayant, Kamel Benkoussa, économiste financier, dans une intervention consacrée à “la crise actuelle et son impact sur l’économie algérienne. Historique, où en sommes-nous ?” a prédit des scénarios catastrophes pour l’économie mondiale mais également pour notre pays, en considérant que les années 2012- 2013 marqueront le début de la fin du système économique et financier mondial actuel et l’effondrement global du système bancaire comme corollaire, qui entraînerait “le plus grand choc économique que le monde ait jamais connu à ce jour.” Benkoussa, à travers un argumentaire étayé par des chiffres et des données quantitatives fournies par les institutions financières internationales, pense que l’Algérie, bien que disposant d’importants atouts tels qu’un PIB de 160 milliards de dollars, des réserves de change de 175 milliards de dollars, d’une population jeune etc. sera inéluctablement impactée par le risque d’effondrement du prix du baril de pétrole et de l’inflation importée liée au renchérissement des prix des produits importés de l’UE, zone avec laquelle nous réalisons l’essentiel de nos échanges.

Aussi, il préconise une panoplie de mesures d’anticipation sur les retombées de la crise, telles notamment, l’opportunité qui nous est offerte de rattraper 20 ans de retard technologique “en prenant des intérêts dans des entreprises ciblées, en vue d’en transférer la technologie et le savoir-faire.” Dans cet esprit, et tirant la sonnette d’alarme sur les risques majeurs qui pèsent sur notre économie, il recommande la création, rapidement, d’un fonds souverain qui accompagnera ces entreprises, afin de permettre “un nouveau départ et opter pour un autre modèle de développement, le modèle actuel ayant largement atteint ses limites.” L’intérêt de sa contribution réside, à notre avis, dans le “réalisme” du diagnostic qu’il a présenté sans complaisance et avec sérénité, en mettant en exergue l’amplification très probable du décalage entre “l’État et la société.”

Insistant sur la gravité de la situation, il a affirmé que “des dizaines de milliards de dollars y ont été injectés sans résultats probants, avec un très faible impact sur l’emploi et la société, en général, qui s’est retrouvée déstructurée, vivant dans une logique rentière, avec un État dissocié de la société.”

Hassen Khelifati, P-DG d’Alliance Assurances, dans une contribution relative à “la compétitivité des entreprises et institutions financières algériennes, meilleures armes pour faire face à la crise financière”, considère que, compte tenu des risques induits par cette crise, l’Algérie est tenue de relever le challenge de la compétitivité de ses entreprises en investissant dans l’innovation technologique et scientifique pour exploiter au mieux nos avantages comparatifs afin de nous insérer dans une économie désormais globalisée, obéissant au seul critère de la compétitivité…

En clôture des différentes communications, Réda Bousba, économiste financier, dans sa contribution relative “aux propositions de mesures macro et micro économiques, pour contenir les effets de la crise et préparer l’économie algérienne à une croissance à deux chiffres”, a décortiqué au peigne fin les effets de la crise financière mondiale sur notre économie.

Au final, toutes ces contributions ont donné lieu à un débat riche, fécond, notamment autour de la nécessité de création de fonds souverains et de la libération des initiatives créatrices de notre nation.

Ce débat a été aussi empreint de réelles préoccupations sur le devenir de notre pays dans un contexte international aussi mouvementé.

Il appartient, désormais, non seulement au pouvoir politique, mais également à l’ensemble des forces politiques de ce pays de prendre leurs responsabilités devant l’histoire; l’avenir de nos jeunes générations en dépend.

A. H.

Sources: “Lberté”

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LIBERTÉ / 23-11-11

Forum d’Alger liberté-cabinet emergy :

L’impact de la crise sur l’économie algérienne

L’ALGERIE DANS L’ŒIL DU CYCLONE EN 2012

Par : Khaled R.

Des experts de notoriété internationale prédisent un effondrement de l’économie mondiale l’an prochain, s’appuyant sur des indices – reconnus mondialement – qui annoncent une récession en Europe, aux États-Unis et au Japon due aux effets de la crise de la dette dans les pays de l’OCDE. Ce scénario catastrophe a été exposé de façon détaillée lors du Forum d’Alger organisé samedi dernier relatif aux répercussions de la crise financière mondiale sur le pays. Dans cette perspective, l’Algérie sera gravement affectée. D’une part, ses revenus pétroliers connaîtraient une baisse. D’autre part, notre pays serait touché par une hyperinflation importée.

Encore une fois, nos dirigeants n’ont pas encore pris suffisamment la mesure de cette tempête qui s’annonce à nos portes. Si un tel “tsunami financier” venait à se produire, bonjour les tensions sociales faisant planer le spectre de l’instabilité du pays. À moins que les pouvoirs publics ne se préparent d’ores et déjà à cette éventualité. En fait, si au plan macroéconomique, l’Algérie est bien armée pour riposter aux effets de cette crise avec des réserves en devises correspondant à plus de trois ans d’importations et d’énormes liquidités accumulées dans le Fonds de régulation, au niveau de la sphère réelle, en revanche, notre économie se porte très mal. Indices, nos importations vont dépasser la barre des 50 milliards de dollars en 2011 et la part de notre industrie dans la richesse nationale stagne à 5%.

Il est clair qu’en cas de retournement durable du marché pétrolier, ces réserves risquent de fondre rapidement sous le “soleil” de l’expansion actuelle des dépenses de fonctionnement et d’investissement. Au demeurant, si l’Algérie peut résister à court terme aux effets de cette crise, eu égard à l’importance de ses réserves en devises, l’année 2012 comporte au moins, s’accordent les experts, un haut risque de récession de l’économie mondiale et, par conséquent, une chute des prix du pétrole.

Encore une fois, la solution à ces vulnérabilités réside dans la transformation de l’économie actuelle de l’Algérie, qualifiée de rentière, en modèle fondé sur le développement de la production nationale.

En ce sens, accroître l’offre de produits et de services locaux constitue l’une des meilleures armes pour parer à l’hyperinflation.

L’autre amortisseur consiste à ouvrir le marché intérieur — qui suscite la convoitise des pays occidentaux touchés par la crise — en priorité aux entreprises algériennes. Les sociétés étrangères seront toutefois tolérées dans les secteurs où les entreprises nationales n’arrivent pas à couvrir les besoins locaux.

L’autre remède est de saisir les opportunités ouvertes par la crise financière internationale. Il s’agit, rappellent les experts, d’acquérir des sociétés internationales en crise de liquidités, et en perte de valeur, en vue de rattraper le retard technologique accusé par l’Algérie et de développer le tissu industriel du pays via des investissements de ces firmes. Un fonds appuierait les sociétés algériennes dans cette quête.

Mais au préalable, il faudrait disposer d’une vision du développement économique futur du pays, particulièrement une politique industrielle efficiente.

De telles questions qui ont fait l’objet, lors du Forum d’Alger, d’un débat citoyen interpellent à la fois les pouvoirs publics et la société civile qui devraient réagir de concert et rapidement face à ces enjeux qui déterminent l’avenir du pays à court, moyen et long terme.

K. R. / Libecosup@yahoo.fr

Sources: “Liberté”

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LA CRISE FINANCIERE MONDIALE

QUE SAVONS-NOUS ?

QUELLES PERSPECTIVES POUR L’ALGERIE ?

par : Rachid Sekak, économiste

Nous livrons ici à nos lecteurs l’intégralité de la communication de l’économiste Rachid Sekak, parmi les interventions les plus saillantes de la quatrième session du Forum d’Alger.

Traiter de la crise financière actuelle est un sujet complexe qui doit être abordé avec beaucoup d’humilité. Nous devons reconnaître que de nombreuses inconnues subsistent. C’est pour cela que je souhaite éviter l’enlisement dans les jeux de vocabulaires techniques qui émaillent souvent le descriptif événementiel de la crise et essayer de revenir aux questions fondamentales.

J’organiserai donc ma présentation en deux parties: dans une première partie, je m’interrogerai sur l’origine de la crise et sur l’efficacité des mesures conjoncturelles mise en œuvre pour la juguler tandis que la seconde partie sera centralisée sur les conséquences de cette crise sur notre pays.

PREMIÈRE PARTIE

En 2008, la Gouvernance mondiale après “un peu de retard au démarrage” a fonctionné avec beaucoup de pragmatisme pour mettre en œuvre des solutions conjoncturelles à la crise. Une situation de panique était perceptible mais la catastrophe a été évitée. De nombreux tabous sont tombés, tout comme certains principes du libéralisme ambiant depuis plus de 30 ans, et le mot régulation n’était plus un “gros mot”. Nous devons néanmoins ne pas oublier que les mesures d’ordre conjoncturel ne règlent pas les questions d’ordre structurel. Elles permettent au mieux de gagner du temps et d’atténuer les coûts sociaux adossés aux réformes de structure. Pas étonnant que la crise soit de retour sous une autre forme durant l’été 2011.

On ne sait toujours pas d’où venait la crise. Elle apparaissait essentiellement comme une crise du surendettement de la sphère privée (ménages et banques). Le marché des “subprimes” (crédits hypothécaires de qualité inférieure) apparaissait comme le détonateur de la crise mais en était-il la cause ou le symptôme? Un gros travail reste à mener pour les économistes: décortiquer la crise pour en comprendre les rouages et la “vraie genèse”.

En effet, de nombreux économistes et banquiers relevaient à cette époque (et continuent de relever) que le problème n’était pas aussi simple, qu’il était certainement beaucoup plus profond et avec des causes de nature plus structurelle. Nombreux furent ceux, et je suis de ceux- là, qui pensaient qu’on se focalisait certainement trop sur la sphère financière. Objectivement, la sur-domination de la sphère financière ne permet pas de comprendre les phénomènes actuels. Une recentralisation de la pensée économique sur la sphère réelle semble indispensable pour obtenir une explication cohérente de l’apparition des crises: n’est-il pas logique de d’abord comprendre les causes du problème avant de mettre en œuvre les remèdes? On observe des déséquilibres financiers importants entre les trois types d’économie réelle du monde actuel:

  • États-Unis et Europe: gros consommateurs
  • Chine : manufacturiers
  • Moyen-Orient : pourvoyeurs de ressources naturelles

Dans le cadre d’une telle typologie et avec une économie et une industrie bancaire mondialisées, on peut de facto se poser deux questions importantes:

  • N’y a t il pas danger à maintenir des déséquilibres financiers aussi importants que ceux observés au cours des dernières décennies?

    Trop de pays n’ont-ils pas maintenu leur niveau de vie par un recours aux dettes privées et publiques? Une large part du monde ne vit-elle pas à crédit depuis plus de 20 ans?
  • Est-il encore possible de faire fonctionner la machine mondiale avec la plus grande puissance économique vivant à crédit?

Pour conclure cette première partie, nous ne savons pas grand chose sur cette crise! Et nous pouvons nous interroger sur l’efficacité à long terme des mesures conjoncturelles prises ces dernières années.

SECONDE PARTIE

Comment regarder l’avenir pour nous, Algériens? Je dois d’abord relever que trois décisions courageuses prises par le passé ont constitué jusqu’à aujourd’hui une auto-assurance (un rempart) comme l’instabilité macroéconomique et les chocs exogènes:

  • Le refus et la résistance exprimés au FMI dans les années 1990 quant à la convertibilité du compte de capital
  • Le remboursement par anticipation de la dette extérieure
  • L’accumulation et la gestion prudente d’un montant important de réserves de change.

Contrairement à certains débats stériles de ces derniers mois, nos gestionnaires méritent un hommage appuyé …pour leur sagesse et leur efficacité. Dans la tourmente actuelle, notre pays n’a pas perdu d’argent et cela mérite d’être signalé.

Mais la crise financière de 2008 et l’effondrement brutal du prix des hydrocarbures qui en a découlé, est venu rappeler en 2009 les fragilités structurelles de notre économie et l’urgence de travailler à la construction “d’une vraie économie”, à réfléchir sur “l’après-pétrole” et sur la gouvernance économique et administrative du pays. La gestion de la crise de 2008 par les pays occidentaux a nécessité des montants abyssaux et a été financée à crédit.

Pour débarrasser le secteur public privé de ces mauvaises dettes, notamment certaines banques, on a endetté le secteur public. N’a t- on pas déplacé le problème? Est- ce une solution viable à long terme?

Durant l’été 2011, un nouvel épisode s’ouvre: la crise de la dette souveraine succède ouvertement à la crise des “subprimes” dont elle est, en partie, la conséquence, le coût du sauvetage des banques ayant, sans aucun doute, impacté les finances publiques. Le monde est au “pied du mur”. Il ne pourra pas faire l’économie de réformes structurelles douloureuses pour relancer une croissance autonome (de la dépense publique) et réduire les déficits budgétaires.

Mais cela est certainement plus facile “à dire qu’à faire” et cela pour plusieurs raisons :

Les marges de manœuvre des pays occidentaux en matière de politique économique sont étroites aussi bien au niveau monétaire que budgétaire. Les dirigeants politiques du monde occidental sont à présent dans un vrai bourbier, comme l’affirme Joseph Stieglitz.

Mais le monde va évoluer car il doit évoluer …

Il s’agira très probablement, comme le relève Nouriel Roubini de reconstruire des nouveaux équilibres:

  • entre Capital et travail au niveau de la redistribution des revenus,
  • entre marché et intervention publique.

L’austérité plombe la croissance et toute baisse des déficits budgétaires ne pourra, à court terme, provenir que d’une pression fiscale supplémentaire ou d’une baisse des dépenses. Il ne sera pas aisé de se désendetter quand il n’y pas de croissance.

Le monde entier va souffrir et notre pays sera touché. Par le passé, les situations de crise comme celle que nous connaissons actuellement ont été souvent résolues de deux manières: la guerre ou l’inflation … Nous devons aussi méditer sur l’histoire… La crise de 2008 a été un accélérateur de l’histoire. Elle a assez profondément changé le monde.

En effet, on observe une transformation des relations internationales caractérisée par une accélération du réalignement des nations sur la scène mondiale.

La crise a consacré le G20 qui a pris du pouvoir au G8. La montée en puissance du Brésil, de l’Inde et de la Chine laissait et laisse planer la possibilité d’une profonde réforme des institutions Internationales? D’une réforme du système monétaire international, au-delà d’une retouche marginale des quotes-parts au sein du Fonds monétaire international?

Le centre de gravité du monde a bougé de l’Ouest à l’Est. “Go East!” s’est exclamé en 2009 Michael Geoghegan, ancien CEO du groupe HSBC, ajoutant qu’on observait aussi un rééquilibre au niveau Sud/ Nord. À titre d’illustration, on peut relever que le premier fournisseur du Brésil n’est plus les USA mais la Chine. Le “slogan politique” des années 1970 relatif au commerce Sud-Sud, ardemment défendu à l’époque par notre diplomatie, est devenu une vraie réalité économique.

La montée en puissance de la Chine est sans conteste. Se pose donc la question de sa cohabitation avec les États-Unis: sera-t-elle “hard ou soft” notamment en ce qui concerne une éventuelle remise en compte de la domination du dollar sur l’économie mondiale et le financement de la dette américaine? Les deux géants de l’économie mondiale sont pour l’instant “des otages réciproques” …mais pour combien de temps?

Comment tirer avantage de cette réorganisation de l’économie mondiale? Comment insérer notre pays dans cette nouvelle dynamique en scellant de nouvelles alliances pour contourner cet encerclement souvent ressenti? Plus que jamais notre pays à besoin d’une vision!… Plus que jamais, nous devons relancer la réflexion et la prospective.

R. S.

Sources: “Liberté”

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M. Kamel Benkoussa, économiste et financier, tire la sonnette d’alarme

“VERS UNE DÉGRADATION DU QUOTIDIEN DES ALGÉRIENS”

par : Said SMATI

Dans cet entretien, ce spécialiste financier aborde les effets de la crise de la dette en Europe et aux États-Unis sur l’Algérie et souligne l’urgence pour l’Algérie de transformer son modèle économique. En un mot régler une question vitale pour le pays, passer d’une économie rentière à une économie productive.

Liberté : Ce qui ressort de cet événement c’est que la crise est sans précédent. Quel sera l’impact sur l’Algérie ?

Kamal Benkoussa: Aujourd’hui, il est clair que cette crise qui n’a pas encore montré son vrai visage sera une crise comme l’histoire de l’humanité n’en a jamais connu. Il est inconcevable aujourd’hui ou irréaliste de croire que l’Algérie sera épargnée par cette crise. L’Algérie par son modèle économique d’importation en grande masse de biens de première nécessité et de son économie rentière sera aujourd’hui inéluctablement frappée par cette crise. Le modèle économique algérien est un modèle vulnérable aux crises financières et celle-ci sera d’autant plus violente qu’elle englobe les différents pôles de croissance au niveau mondial (États-Unis, une partie de l’Asie et l’Europe). Donc l’Algérie subira, dans un premier temps, la baisse des prix des produits pétroliers, car il y aura une contraction des économies occidentales, donc revenus et recettes qui baisseront. Dans un second temps, lorsque les économies américaine et européennes mettront en place leur plan de dévaluation de leurs dettes via une monétarisation de ces dernières, qui générera une hyper inflation au niveau mondial, l’Algérie la subira via ses importations. Donc avec une dégradation en même temps du quotidien des Algériens notamment des plus démunis qui représentent une partie importante de la jeunesse.

Que répondez-vous à ceux qui disent que notre aisance financière peut constituer une opportunité dans ce contexte de crise?

Je suis tout à fait d’accord. Cette crise aujourd’hui est une opportunité si on sait la saisir. À savoir si aujourd’hui nous avons un programme de développement économique ? À savoir quels sont les secteurs dans lesquels l’Algérie devra se renforcer ? Quelle est l’activité qui devrait être l’activité de pointe pour l’Algérie ? Est-ce que oui nous avons ciblé des entreprises qui pourraient être des entreprises étrangères intéressantes à faire venir en Algérie via des prises de participation. Il est clair que l’Algérie aujourd’hui peut saisir cette opportunité de crise pour pouvoir se développer. Maintenant tout est question de volonté politique et surtout de vision. Avoir une crise et ne pas avoir de vision économique de developpement du pays, c’est inutile. Je suis tout à fait d’accord avec ces propos.

Durant votre exposé, vous avez relancé le débat sur les fonds souverains, une question déjà débattue et tranchée en 2008.

Il ne faut pas croire que je suis un défenseur des fonds souverains. L’idée qu’il y a derrière c’est de savoir cela: vous avez une cagnotte d’argent, comment utiliser cet argent? Il y a des véhicules qui peuvent être utilisés à l’instar des fonds souverains. Est-ce que maintenant vous allez laisser vos investissements dans de l’obligataire et avoir des rendements réels négatifs et vous satisfaire de cela ? Ou est-ce que il ne serait pas plutôt intéressant d’utiliser l’expertise d’Algériens qui sont à l’étranger ou même aller chercher des non-Algériens qui sont experts de la gestion de ce fonds souverain qui pourraient demain saisir les opportunités d’investissement en vue, pas de prendre des positions spéculatives, mais en vue de prendre des prises de participation réelles dans des entreprises qui seraient nécessaires au développement du tissu industriel algérien.

Donc, c’est tout une politique stratégique d’indépendance de l’État algérien aussi bien économique que territoriale.

Il ne faut pas voir l’idée du fonds souverain comme étant une idée qui menacerait aujourd’hui l’intégrité de l’État, qui menacerait aujourd’hui l’indépendance de l’État vis-à-vis des autres puissances. Au contraire, si nous restons dans le modèle actuel, l’Algérie se vend à l’étranger.

Quant la monétisation de la dette des pays étrangers commencera, l’Algérie n’importera pas pour 40 milliards de dollars de produits de première nécessité, elle importera pour 70 à 80 milliards. Je vous garantis que si le modèle algérien ne change pas, l’Algérie dans trois années n’aura plus de réserves de change et ça c’est une réalité sur laquelle il va falloir une bonne fois pour toutes que nos dirigeants en prennent conscience. C’est un commentaire de compatriote. L’objectif est de prévenir pour pouvoir mieux guérir.

À l’unanimité, tous plaident pour un nouveau modèle économique, plus efficace pour l’Algérie. Comment voyez-vous ce modèle économique?

Déjà c’est un modèle économique et social. C’est un modèle dans lequel déjà il va falloir laisser les entreprises notamment privées, les forces vives de notre économie, se développer dans un cadre légal et un environnement sain. Qu’on laisse les entreprises se développer et créer la croissance et l’emploi.

Pouvons-nous aujourd’hui admettre qu’il soit difficile d’obtenir un agrément qui pourrait permettre le développement de certains secteurs sous prétexte de lourdeurs administratifs qui aujourd’hui étouffent le privé?

Laissons le privé s’épanouir dans son activité et de prendre ses responsabilités d’investissement et de développement de richesses et de création d’emplois pour, demain, permettre à l’Algérie de renouer avec la croissance. C’est nécessaire. Au-delà de cela, il y a aussi tout un modèle social et économique C’est la question du devoir et de ma responsabilité, des droits et devoirs. Il est clair que chacun d’entre nous doit prendre ses responsabilités.

Il est clair qu’aujourd’hui chaque Algérien à chaque niveau puisse se poser la question : qu’est ce que je peux apporter au développement de mon pays ? En partie, nous avons déstructuré cette société. Nous avons détruit le système éducatif. Cinquante ans de leçons à prendre. Je ne suis pas dans la critique du bilan de ces cinquante dernières années. Tout n’est pas à jeter. Il y a de bonnes choses qui ont été faites. Je ne suis pas là dans le jugement du passé. Il n’y a rien à juger. Regardons devant. Nous avons maintenant une Algérie au temps T.

Qu’est-ce que nous allons en faire dans cinq ans, dans dix ans, dans quinze ans ou dans vingt ans? Ce sont des questions qui sont très importantes pour l’Algérie de demain et aujourd’hui moi je pense, je suis profondément convaincu que nous pouvons créer notre modèle algérien basé sur non seulement nos valeurs qui sont nécessaires dans le cadre d’une moralisation de la société donc de renouer ces liens entre les individus.

Ma présentation paraît un peu pessimiste, mais je suis très optimiste dès lors que nous prenons nos responsabilités en tant qu’individus face aux défis de demain qui sont de sortir l’Algérie de ce modèle de dépendance vis-à-vis des économies étrangères.

S. S.

Sources: “Liberté”

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HASSEN KHELIFATI, P-DG D’ALLIANCE ASSURANCES:

“QUE L’ÉTAT PROTÈGE LES ENTREPRISES NATIONALES!”

par : Said SMATI

Aujourd’hui, il n’est pas inconcevable que l’État protège les entreprises nationales qui travaillent pour l’économie nationale, parce que d’autres l’ont fait et ce n’est pas à nous d’être complexés par cela. C’est-à-dire qu’il faut choisir des secteurs, regarder quels sont les secteurs qui créent des emplois pour les Algériens, qui créent de la valeur ajoutée pour les Algériens.

Il faut protéger les entreprises en attendant qu’elles aient la capacité de faire face à cette globalisation rampante. Il ne faut pas oublier que l’Algérie aujourd’hui a des atouts et il faut qu’elle les utilise face à l’Europe et face aux pays émergents.

Aujourd’hui, l’Algérie a presque 180 milliards de dollars de réserves en devises mais on n’utilise pas assez souvent tous nos atouts.

On est déconnecté du contexte de la crise mondiale. C’est un atout pour le moment. Il faut l’utiliser au profit de l’entreprise algérienne et de l’économie nationale.

Ne pas utiliser ces atouts, c’est subir de plein fouet cette crise et les premiers qui vont en pâtir c’est les entreprises algériennes, qu’elles soient publiques ou privées.

Il faut d’abord changer d’orientation et de concept. Il faut prendre des mesures en élargissant la concertation. Il faut prendre des mesures en parlant avec les entreprises, en ayant leurs avis. Il y a des mesures à court terme, à moyen terme et à long terme. L’essentiel est qu’il y ait un consensus national autour de cela.

Aujourd’hui, nous nous rapprochons dangereusement d’un équilibre entre les recettes et les dépenses (importation) et si on ne trouve pas de solutions rapides pour diversifier notre économie, relancer la machine économique et créer de la croissance réelle, nous risquons d’aller vers une crise qui sera plus grave que celle de l’Europe.

S. S.

Sources: Liberté

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ABDERRAHMANE BENKHALFA, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL DE L’ABEF

“OBLIGATION DE REPENSER NOTRE MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT”

par : Said SMATI

C’est un moment de synthèse extrêmement important. Au moment où la littérature sur la crise est, à différents niveaux, neutre ou non neutre, intéressée ou concernée.
Sincèrement cette halte de par la complémentarité des intervenants et surtout de leur neutralité par rapport à des solutions a été une bonne synthèse. C’est aussi un moment où nous avons fait la “check list” des pistes de travail aussi bien en dehors de notre pays que pour notre pays.
C’est également un moment où de nouveau émergent les questions fondamentales chez nous et qui sont que si nous sommes à l’abri sur le plan d’un impact direct, nous sommes dans les moments les plus opportuns pour réussir une sortie de la transition économique pour sortir avec un saut qualitatif.
Le dénominateur commun à tous les intervenants est que notre pays qui ne souffre pas, qui n’est pas vulnérable, qui n’est pas fragilisé par cette crise qui touche les grands partenaires de l’Algérie, s’il n’est pas touché c’est le moment, durant les trois quatre années parce que tous disent qu’il n’y aura de reprise que d’ici trois quatre années, pour lui de revisiter son modèle de développement et consolider sa gouvernance.

S. S.

Sources: “Linerté”

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SYNTHÈSE ET CONCLUSIONS DU 4ème FORUM D’ALGER

rencontre du 19 novembre dernier

par M. le Dr Mourad PREURE

Le cabinet Emergy et le quotidien Liberté ont choisi de consacrer le 4ème Forum d’Alger au thème de la crise financière, son impact sur notre pays, les enjeux et challenges pour nos entreprises et institutions financières. Ce choix s’inscrit dans les principes qui ont présidé à la création du Forum d’Alger: “Comprendre un monde qui change, changer un monde qu’on comprend”. Notre but est de contribuer si modestement soit-il à une attitude proactive de notre pays face aux bouleversements qui affectent l’économie mondiale.

Dans notre but de production de sens, d’apport conceptuel, nous visons la meilleure compréhension du changement pour nous prémunir des périls qu’il porte et surtout pour en comprendre et saisir les opportunités qu’il ouvre.

Les développements de la crise économique montrent combien en effet l’évolution de l’économie internationale est de plus en plus compétitive, complexe et erratique, de plus en plus imprévisible. L’histoire a connu deux accélérateurs au début de la décennie 90: la chute du Mur de Berlin et l’explosion des TIC. L’économie mondiale, dès lors, s’est retrouvée décloisonnée, sans frontières et ne se résume plus à un ensemble d’économies nationales en interrelations mais de plus en plus en une économie globale, un “Grand village” où se meuvent des acteurs globaux. Ces deux transformations majeures se sont déroulées avec en trame de fond deux mutations lourdes, à l’œuvre depuis les années 80:

  • Le mouvement de déréglementation amorcé dans les années 80 sous Reagan / Thatcher avec comme fondement théorique une pensée ultralibérale, un véritable intégrisme du marché et un culte du court terme.
  • La prééminence de la sphère financière sur l’économie réelle; son ascendant est tel que les chefs d’entreprises sont en situation de négociation permanente avec les marchés financiers, avec un rôle outrageusement important des agences de rating.

    Dès lors avec les années 90, ces marchés financiers se sont interconnectés entre eux à travers la planète et avec aussi les marchés de commodities, dont les marchés pétroliers.

    Ce que l’on a appelé la globalisation financière se caractérise par un grand marché financier où sont traités des portefeuilles globaux, avec une sophistication des opérations et des produits, une économie casino et une explosion des mouvements de capitaux. Ces marchés livrés à eux-mêmes sont de plus en plus spéculatifs et opaques et accentuent une volatilité incontrôlée.

    De même, la globalisation a conduit, par un mouvement de fusions de grande ampleur au début des années 90, à l’émergence d’acteurs globaux, entreprises industrielles, banques et compagnies d’assurances, elles-mêmes assujetties à cette sphère financière qui devient de plus tentaculaire, opaque et échappe totalement au contrôle des états.

Dans ce contexte, les Etats-Unis sont-ils encore le centre de gravité de l’économie mondiale ou bien de plus en plus l’épicentre des turbulences? Sur les 15 dernières années aux États-Unis, la baisse des salaires pour contenir les déficits a été compensée par le recours à l’endettement.

Les subprimes ne sont que la manifestation d’un phénomène global, car la sphère financière a compensé le manque de production de richesses en développant des instruments de plus en plus sophistiqués et en profitant de la globalisation financière. L’endettement américain a explosé (16 trillions de dollars) atteignant 500% de leur PIB contre 250% lors de la crise de 1929. D’autre part, le dollar est porté aussi par une bulle d’actifs (carry trade). Les taux d’intérêts faibles encouragent les investisseurs à s’endetter en dollar et investir dans des zones à rendements élevés, y compris sous forme d’actifs risqués. Les marchés pétroliers, interconnectés avec les marchés financiers, subissent leurs turbulences, les spéculateurs ajustent leurs positions en arbitrant les différents types d’actifs en fonction de leur liquidité et aussi des anticipations qu’ils font. C’est ainsi qu’en 2008, le prix du pétrole a atteint 147 dollars le baril pour connaître ensuite une baisse historique et atteindre 32 dollars en décembre de la même année. La qualité des portefeuilles mais aussi les anticipations sur la demande dans une ambiance de panique ont provoqué ce type de situations inédites et qui peuvent se reproduire à l’avenir, cela même s’il semble avéré que l’atteinte d’un seuil de 100 dollars le baril est structurelle.

La crise de la dette souveraine pose de manière pressante la question de la sortie de crise . L’Europe est le maillon faible. Elle se distingue par sa croissance faible, le déficit budgétaire, conséquence du déficit commercial de membres notables. La zone euro comprend en fait deux espaces que l’on peut désigner ainsi:

  • la zone eurofranc (France, PIG) où l’on observe un déficit budgétaire et une forte demande interne.

    Ces pays doivent mener des politiques de rigueur en mettant sous contrainte leur demande interne, réduisant leurs coûts de production et leurs déficits.
  • La zone euromark où l’on observe un excédent budgétaire et une faible demande interne (Allemagne, Pays-Bas, Autriche…).

    Ces pays doivent stimuler la demande interne tout en surveillant leur endettement et leur équilibre budgétaire.

La survenance de la crise grecque rend urgent un traitement de la crise avec de nouvelles approches sous peine d’éclatement de la zone euro. Faut-il abandonner la Grèce comme l’a été en 2008 la banque Lehmann Brothers, avec les conséquences que l’on sait? Un effet dominos ne risque-t-il pas alors d’emporter la zone euro? La dette grecque a été divisée par deux mais reste lourde. L’attaque globale contre l’euro que nous observons ces dernières semaines suppose une réponse globale.

Quelles réponses possibles pour la zone euro?

  • Sortie de l’eurozone des pays les plus faibles (PIG). Quels dommages cela impliquerait-il?
  • Renforcement du fédéralisme budgétaire pour sortir de la crise. Les états accepteraient-ils le contrôle a priori de leurs budgets.
  • La dépréciation de l’euro pourrait s’accentuer. Nouriel Roubini voit l’euro éclater avant 2015.

Les banques européennes sont trop fragiles et détiennent beaucoup de dettes européennes de plus en plus risquées. L’option de créer des euro-obligations attend de recueillir l’adhésion de l’Allemagne. La dette européenne est considérable: 10 trillons contre 16 trillons pour les Etats-Unis.

Les BRIC peuvent-ils se porter au secours de l’Europe?

Les réserves de change de la Chine (3 trillions contre 400 milliards de dollars pour l’Inde) ne pourront suffire, à supposer que ces pays le veulent, ce qui n’est pas sûr.

Où en sont les fondamentaux? Justifient-ils le comportement des marchés? Les mauvaises nouvelles s’accumulent:

  • Mauvais chiffres de l’emploi aux Etats-Unis (9%)
  • Recul de la production industrielle dans la zone euro au 2e trimestre, la première fois depuis deux ans
  • Essoufflement de la croissance OCDE à trop fort contenu budgétaire, inflation dans les pays émergents.

Les perspectives semblent sombres : Standard & Poors prévoit un ralentissement aux Etats-Unis à 1,9% et 1,1% pour la zone euro. 1,3% pour la France.

Il est certain aussi que le ralentissement américain va impacter les pays émergents et indirectement l’Europe. Les marchés en ont pris acte et sont déprimés depuis début août. Selon un sondage du Wall Street Journal six spécialistes sur dix anticipent une dépression dans les 18 prochains mois.

Les gouvernements “manquent de cartouches”, selon l’économiste Nouriel Roubini.

Il ne leur reste que les politiques d’austérité pour diminuer la dette. Mais ce faisant ils contractent la demande. Un pays too big to fail peut se révéler too big to save.

Les états peuvent-ils relancer la demande? Les entreprises ont besoin de clients. Les citoyens ont besoin d’emplois.

Or, dans les conditions présentes, la conjonction de la faiblesse de l’économie américaine, britannique et de la crise de la dette souveraine en Europe accroît le risque d’une grande dépression.

Les pays sud-méditerranéens absorbent une part de l’instabilité (désinvestissement, renchérissement du coût des facteurs, importent l’inflation). Il semble évident d’autre part que si l’euro s’effondrait, l’économie mondiale connaîtrait une grave et profonde récession.

Le creusement des écarts de taux entre pays du nord et du sud de l’Europe n’est-il pas une anticipation par les marchés financiers d’un éclatement de la zone euro? Les marchés n’apparaissent pas rassurés par les changements gouvernementaux. Après la chute de Berlusconi, les taux italiens à 10 ans sont repassés au-dessus de 7%, comme les taux espagnols. Ce niveau est insoutenable sur plusieurs mois. Pourtant la dette italienne est majoritairement détenue par des résidents. Cela alors que pour l’Allemagne les taux sont tombés à 1,74%. Un écart de taux de plus de 500 points de base par rapport aux taux allemands est intenable. La France est dans une situation sensible avec un taux de 3,499%, soit le double de la rémunération demandée sur les emprunts allemands. Beaucoup d’experts doutent de la capacité de résilience de l’économie française, surtout en année électorale.

Quel rôle peut jouer la BCE dans le traitement de la crise? La pression sur la BCE pour racheter les titres d’états attaqués est-elle porteuse? Il semble clair qu’une plus grande implication de la BCE est inévitable laquelle doit signaler :

  • son intention d’acheter autant de dettes souveraines que nécessaire,
  • qu’elle n’acceptera pas que les écarts de taux d’intérêts entre pays dépassent un certain seuil.

Cependant, il semble que l’Allemagne, encore traumatisée par le souvenir de l’hyperinflation qu’elle a connue les années 30, briderait toute volonté de la BCE de jouer le sauveur. Indépendance de la BCE sacrée. Souvenir de l’hyperinflation des années 30. LA BCE peut aussi prêter au FMI pour qu’il finance le sauvetage européen, ce qui décuplerait les ressources du FESF. Cette solution nous semble parmi les plus probables.

La BCE peut jouer un rôle plus actif et sera très certainement amenée à le faire. Son nouveau président, l’Italien Mario Draghi ne semble pas viser une hausse des taux d’intérêts, étant moins inhibé par l’inflation que son prédécesseur. Il ne semble pas non plus vouloir mettre d’échéance pour mettre fin aux rachats d’obligations.

Quel futur? Quels sont les scénarios probables pour la crise qui affecte l’économie mondiale? Il semble que nous nous acheminons vers une sortie de la crise en W ou en “double creux”, soit deux périodes de récession entrecoupées par une brève reprise. Le risque reste encore l’emballement des prix des commodities par le fait de la sortie plus rapide des pays émergents (Chine, Inde, Brésil) qui vont tirer la demande. Cela va compliquer la sortie de crise pour les pays OCDE.

D’autre part, les politiques de rigueur ont un contenu récessionniste fort qui entraîne par ailleurs un coût social difficilement admissible si l’on tient compte des réactions des opinions publiques, notamment le mouvement des “indignés”. Des troubles politiques dans les pays concernés ne sont pas à exclure.

La récession s’accompagnera vraisemblablement aussi d’une contraction de la demande pétrolière, donc d’une baisse des prix pétroliers.

De fait, nous risquons au mieux une forte instabilité, au pire un collapsus. Dans tous les cas de figure, le premier semestre 2012 est à très haut risque.

La crise de la dette souveraine se diffuse sélectivement dans les pays euroméditerranéens. Il ne semble pas évident pour la France de réduire ses déficits budgétaires de 5,6% à 4,7% pour 2012 et 3% en 2013, ni de retrouver une croissance robuste dans le court terme. Elle risque fort de perdre son triple A dès le premier trimestre 2012.

Faut-il croire en un réveil salutaire qui suppose un fédéralisme économique et social, zone monétaire? Cela exigera le contrôle a priori des budgets des états, question qui heurtera les souverainetés et mettra en péril les consensus politiques nationaux nécessaires pour mener les politiques de sortie de crise.

Mais la question clé est que les entreprises ont besoin de clients pour retrouver la croissance, or il faut contraindre la demande.

Ainsi la demande interne algérienne est-elle convoitée comme le sont les réserves de change qui pourraient être d’un précieux secours pour les pays sud-européens en crise. L’Algérie doit en prendre acte et mettre une stratégie adaptée pour saisir les opportunités qui s’ouvrent à elle et qu’elle ne retrouvera pas à l’avenir. Nous n’allons vraisemblablement pas quitter la tempête pour un ciel serein.

C’est la première crise post-mondialisation. Le cycle des crises (une fois tous les dix ans) tendra à se raccourcir à l’avenir. L’une des raisons essentielles est l’opposition d’une logique de très court terme, recherchant la volatilité, qui est celle des marchés financiers globalisés avec celle de l’économie réelle qui est gouvernée par des logiques de long terme.

Hassen Khelifati a insisté sur le fait que la crise financière internationale nous interpelle en effet et pose des challenges vitaux pour l’économie nationale. Elle interpelle les chefs d’entreprises algériennes, car, comme toute crise, elle les met en demeure de trouver des solutions novatrices, faire preuve d’audace et de détermination, innover pour non seulement assurer la pérennité de leur entreprise, mais surtout saisir l’occasion pour lui ouvrir de nouvelles perspectives stratégiques. Il a noté les graves dangers de la faible diversification de notre économie et des effets pervers du dutch disease qu’elle subit et où l’embellie pétrolière, par les importations qu’elle permet, inhibe tout développement industriel. Il a mis en relief la nécessité d’enclencher un cercle vertueux où la demande interne tire le système productif. Mais plus encore, dans la mesure où les pays sud-européens souffrent d’une insuffisante demande pour opérer leur relance, le marché intérieur est aujourd’hui un enjeu clé de la croissance dans un contexte de crise. Notre marché intérieur est important et doit, dans ce contexte de crise, être prioritairement réservé à nos entreprises.

Il peut par ailleurs ouvrir des perspectives de sortie de crise pour bien des pays sud-européens. Nous devons le savoir et négocier les partenariats internationaux en conséquence. Voilà qui ouvre de réelles perspectives de partenariat entre nos entreprises et celles venant notamment du sud-européen.

Le constat fait par Kamel Benkoussa est particulièrement sévère, signalant que le moteur de la croissance des pays du G20 est à l’arrêt. Il anticipe fort accroissement de l’instabilité et une persistance de la crise. Cet expert voit les pays émergents eux-mêmes emportés par la crise. Il cite la Chine avec son endettement représentant 300% de son PIB par exemple. La demande pétrolière selon cet expert devrait baisser, les marchés d’actions vont s’effondrer et le marché obligataire sera à l’arrêt. “Nous entrons en terrain inconnu”, observe-t-il. La dette des 10 pays les plus endettés s’élève à 147 trillions de dollars. Le monde a besoin d’effacer en dette 50 trillons de dollars au minimum. Diagrammes à l’appui, l’expert estime qu’il n’existe pas de frein dans le système pour stopper l’aggravation de la crise. Il anticipe “un effondrement du système bancaire auquel s’ajouteraient les défauts de pays qui entraîneront le plus gros choc économique que le monde n’aie jamais connu”. Il insiste sur la nécessaire anticipation de notre part.

Il convient avec les autres orateurs que nous pouvons tirer profit de la crise, notamment par le rachat d’entreprises en difficulté et l’accès à de nouveaux marchés. Pour cela, il propose la création d’un fonds souverain doté de 50 milliards de dinars. Il conclut en disant que “notre pays a besoin d’un nouveau départ” car nous avons atteint les limites de nos capacités de développement.

M. Rachid Sekkak est plus nuancé et relève que l’expérience a montré la capacité à affronter les crises, soit par la guerre, soit par l’inflation. Le monde ne pourra pas faire l’économie de réformes structurelles. La crise a consacré les BRIC, et le G20 a pris du pouvoir au G8.

La cohabitation Chine-États-Unis sera-t-elle hard ou soft? Le monde entier va souffrir, et notre pays sera touché. L’Algérie a pris, selon lui, 3 décisions qui ont repoussé l’échéance d’une éventuelle crise financière dans le pays:

  • résistance au FMI,
  • paiement par anticipation de la dette
  • et gestion prudente des réserves de change.

Réda Bousba relève que “plus de 60% de nos importations proviennent de la zone OCDE et plus de 60 % des exportations sont réalisées avec l’OCDE.” L’Algérie doit acquérir des actifs en international, notamment dans l’énergie, et aussi acheter les parts de partenaires étrangers dans les entreprises installées en Algérie et qui souhaitent s’en dessaisir du fait de leurs difficultés financières.

L’État devra continuer à dépenser majoritairement en dinars, maintenir la croissance, développer le secteur privé industriel en diminuant la pression fiscale qui est très élevée avec le taux de 75% actuellement. Il doit encourager et attirer les investisseurs industriels.

Nous devons aussi basculer dans nos échanges de la zone OCDE vers les BRIC.

La banque doit octroyer des crédits au secteur privé avec des taux bas. Il propose de réformer le système bancaire pour le porter aux standards internationaux et au niveau des enjeux de l’heure, mais aussi de libérer les compagnies nationales (télécom, énergie, transport). Il nous faut aussi sécuriser nos débouchés gaziers face au Qatar tout en préservant nos relations avec les multinationales pétrolières et gazières pour absorber les surliquidités.

L’ensemble des orateurs et l’auditoire, souvent avec passion, ont convergé sur la nécessité de réformes profondes qui englobent le secteur universitaire et la recherche et permettent la génération de processus innovants articulant universités et secteur productif.

Nous pourrions ainsi diversifier notre économie, impulser la production de richesses et la création d’emplois et réduire notre exposition aux cycles de plus en plus erratiques du marché pétrolier.

La création de fonds souverains, autant pour soutenir les entreprises nationales, particulièrement celles innovantes et tournées vers la nouvelle économie, mais aussi en international pour faire des acquisitions d’actifs industriels, a été beaucoup soulignée. Les acquisitions d’actifs étrangers doivent se faire non dans une logique de placement financier mais dans une logique industrielle, à l’instar de ce que fait la Chine, pour acquérir la technologie et accéder aux marchés européens.

Si un consensus s’est établi entre le panel et la salle sur une incidence forte de la crise financière sur notre économie, une convergence était manifeste sur les capacités de notre pays à faire face aux turbulences à venir.

À condition d’en prendre conscience. Il est impératif que cette question soit au cœur d’un débat citoyen, que toute l’intelligence algérienne soit mobilisée, qu’elle puisse exercer son droit de contribuer à ouvrir des perspectives réelles à notre cher pays.

Le Cabinet Emergy et son partenaire Liberté remercient tous les sponsors qui ont soutenu cet évènement. Alliance Assurance, Kadri Lumière et la Société Générale Algérie. Ils remercient les panelistes qui ont permis, par la qualité de leurs interventions, le succès de cette rencontre: MM. Hassen Khelifati, P-DG d’Alliance Assurances; Rachid Sekkak, économiste; Kamel Benkoussa, financier; Rachid Bousba, économiste et financier.

M. P.

Sources: “Liberté”

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LA QUESTION DU PROBLÈME À DÉBATTRE

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Voici une réflexion intéressante qui tente de déconstruire le discours dominant portant sur la trajectoire de l’Algérie depuis l’indépendance.

Par delà sa longueur et ses abstractions, cette contribution d’un visiteur du site aborde des problèmes de stratégie controversés dans le passé et qui rebondissent aujourd’hui tels que la façon de reconstruire l’économie nationale après les dégâts causés par la casse du tissu industriel algérien et la soumission aveugle et irresponsable à la logique ultralibérale. Bonne mise au point envers les points de vue qui croient obsolète la notion et la réalité de l’impérialisme. Les « ringards » sont ceux qui consciemment ou non, ne voient pas ou ne veulent pas comprendre les évolutions et les formes nouvelles d’un impérialisme global qui cherche à se survivre par une agressivité modulée tous azimuts.

En ce temps de transition vers autre chose, qui est aussi un temps où les dangers grandissent, où les certitudes ancrées sont ébranlées, il est bon de multiplier les points de vue.


On raconte qu’un riche planteur de Louisiane dans le Sud des States décide un jour d’emmener un de ses esclaves au marché pour le vendre. Dès lepremier client venu, il engage la transaction avec une première offre de prix à laquelle le client réplique aussitôt par une contre-proposition; le planteur se tourne alors vers l’esclave et lui demande: qu’est-ce que tu en penses? Celui–ci lui rétorque:“ it is not my problem!!” Au 2ème tour de marchandage, c’est l’acheteur qui tient à solliciter l’avis de l’esclave, même réaction de celui-ci: “it is not my problem!” Le marchandage se poursuit et finalement, après maintes tractations qui laissent toujours de marbre le vigoureux forçat à la peau d’ébène, les deux négriers parviennent à s’entendre sur un prix mais le planteur (on va dire démocrate?) ne peut s’empêcher de demander de nouveau l’avis de son esclave: qu’est ce que tu en penses? “ Now it is my problem”, lance lourdement l’enfant libre des savanes africaines, arraché à ses racines et enchaîné par les Blancs.

Une pensée « occidentale » empreinte d’une tradition d’histoire « asservissante »

D’instinct, le damné de la terre avait compris qu’il ne pouvait prendre part à un débat dont l’enjeu était sa propre mise à prix. Autant débattre de la qualité de la corde avec laquelle on s’apprête à vous pendre. Le «problème à débattre» n’est devenu le sien que lorsqu’il fut question de l’objet lui-même de l’échange, à savoir, la confirmation de sa condition d’infrahumain, de son statut d’esclave qui ne faisait que changer de propriétaire. L’objet de l’échange avait été défini par les Blancs pour les Blancs, délimitant ainsi le cadre du sujet à discuter. Sont donc exclues de ce «débat» les problématiques de remise en cause de l’esclavage, à fortiori celles aboutissant à sa condamnation et à son abolition. Dans cet échange Blanco-Blanc, le négrier peut s’offrir, sans nul risque, on le devine, le luxe d’intégrer l’esclave dans la discussion sur les termes de sa propre traite.

Cette longue digression métaphorique nous apprend combien est ancienne la tradition de la pensée occidentale de donner le La et de dire l’alpha et l’oméga, mais surtout comment elle plonge ses racines dans les rapports de domination et d’oppression les plus inhumains du capitalisme esclavagiste. Longtemps les colonisés étaient «invités» à s’expliquer leur condition en puisant dans les innombrables grilles explicatives construites avec une sophistication croissante par le colonisateur. Si on ne souscrit pas au raisonnement qui fait de nous des êtres inférieurs, qu’on en comprenne au moins les raisons!

« les prises d’indépendances » des puissances anciennement dominées, et les « grilles de lecture » perverties des puissances anciennement dominantes

Les indépendances ont, aussi, été le résultat d’un long processus d’émancipation de cette pensée asservissante ponctué par des ruptures violentes avec la grille du tuteur, ruptures symbolisées, par exemple, par la formule: l’Algérie n’a jamais été, n’est pas et ne sera jamais la France. Mais ces indépendances conquises, les désormais ex-colonisés ne vont pas, pour autant, s’affranchir d’un revers de main de la pesante grille du tuteur. «Quand on est capable de construire des engins de cent tonnes qui montent en 10 minutes à 10 km de hauteur, on a des droits sur ceux qui n’ont pas inventé la roue: voila ce que nous croyons, avouez-le. [[René Bureau, “Péril blanc. Propos d’un ethnologue sur l’Occident”, L’Harmattan, Paris, 1978, cité par Serge Latouche, “L’Occidentalisation du monde”, La Découverte, Paris, 1992.]]» Et l’ethno-sociologue africaniste René Bureau d’ajouter cette précision lourde de signification: «Et j’ai entendu des Africains admettre cela». L’étape de la construction étatique-nationale, singulièrement celle de l’Algérie, est riche d’illustrations de ce phénomène. L’ex-colonie ne saurait être un objet d’étude neutre ni ordinaire… Notre proximité plus que géographique de l’ex-métropole, grande puissance géopolitique, qui ne veut pas se départir de son “droit tutélaire” de dire la bonne voie et les conduites qui s’y conforment, nous vaut en effet, le redoutable privilège de l’élève relégable en sursis perpétuel. La multitude de yaouled, de Fatma et d’Ahmed est elle capable de former une nation, de construire un Etat, de bâtir une économie, d’engendrer une dynamique sociale et culturelle…? Le doute, puissant, est ancré au plus profond de l’inconscient colonial.

Quand on examine le discours à prétention critique sur les politiques et stratégies économiques mises en œuvre par l’Algérie depuis son indépendance, force est de constater que ce qui domine et nourrit invariablement sa thématique, c’est la rhétorique de l’échec, “l’échec depuis 1962”. “Natif”, “recommencé” ou “patent”, l’échec est, pour ainsi dire, inscrit dans les gènes de l’indépendance algérienne. Faits, évènements, réalisations sont convoqués pour en asséner la preuve tantôt sur le plan économique, tantôt sur le plan politique, tantôt sur le plan culturel. Comment dès lors s’étonner que la liste des “mauvais choix” de l’Algérie soit si longue au point de paver quasi intégralement cinquante années d’indépendance?

l’exemple du pétrole, de SONATRACH, et les langages de la « rente »(?)

S’il est un exemple qui illustre, de manière à la fois particulièrement significative et quasi caricaturale, ce regard tendancieux, c’est bien celui de la création, en décembre 1963, de la société nationale Sonatrach, en tant qu’instrument de récupération des ressources hydrocarbures nationales. Sonatrach va ainsi devoir faire, depuis sa naissance, avec les accusations de “gigantisme”, d’“Etat dans l’Etat”, “pieuvre tentaculaire”, alors même que cette entreprise se résume encore au seul décret de création et à quelques lignes dans le Journal Officiel [[ Décret 63-491 du 31 Décembre 1963 et Journal Officiel de la RADP du 14 janvier 1964, p. 23.]]. Dès l’âge du berceau, l’atout-clé du développement national alimentera une littérature économique qui fera d’une richesse naturelle la source de tous les maux de l’Algérie (la rente), et de la fondation de Sonatrach, le péché originel de l’Etat national- rentier. Sur le mode de “la malédiction des ressources”. Largement adoptée dans les publications des institutions internationales (en particulier, la Banque mondiale et le FMI), la notion de rente, note l’économiste Fatiha Talahite «qui manque, souligne-t-elle, de fondements théoriques et dérive souvent vers un simple jugement de valeur», appliquée à l’étude des économies de la région MENA a connu un succès inespéré parmi les élites de ces pays» [[“Le concept de rente appliqué aux économies de la région MENA-pertinence et dérives.” Fatiha Talahite, chercheur au CNRS-Université Paris 3 :http://hal.archives-ouvertes.fr/]]. Les facteurs explicatifs de tous les déséquilibres renvoient invariablement à ces notions qui vont jouer un rôle essentiel dans l’entreprise de déconstruction des politiques de développement national. Comme le fait observer le politologue français arabisant Alain Roussillon, «la catégorie de rente et d’économie rentière, couplée à l’analyse de la structure de «classe» induite par/à la base de ce type de mobilisation des ressources, vont permettre une véritable inversion rétrospective du modèle.» [[Alain Roussillon. “Les dossiers du CEDEJ:“l’Egypte et l’Algérie au péril de la libéralisation”, Le Caire, Egypte/CNRS.1996,p.58.]]. [[Fatiha Talahite, “Le concept de rente..”, article cité]]Tant pis si la réalité n’obéit pas au schéma! Ce qui importe c’est que soient disqualifiés les résultats du développement parce que “dus à la manne pétrolière”… La littérature consacrée à l’économie algérienne déborde d’écrits tout entiers voués à la propagation de cette thèse. Comme le relevait pertinemment, en substance, Laurent Bonelli dans Le Monde diplomatique, ceux qui ont un quasi monopole sur la construction des catégories de perception de la réalité ne s’en privent pas pour donner le sens des faits, trouver les mots ou les catégories pour les dire [[Cf. “Des faits, mais quelle interprétation? Combien de divisions?”, par Laurent Bonelli, in Le Monde diplomatique, Avril-Mai 2009.]].

Cette rhétorique sur la rente pétrolière versus dévalorisation du travail productif, qui s’est dispensée de l’argumentation scientifique, feint d’ignorer une vérité simple et vérifiable. C’est le pétrole nationalisé qui a permis de mettre en selle la sphère productive et le travail productif, et qui a donné naissance à un essor de la création d’entreprises, sans précédent, dans notre pays. En réalité, c’est précisément ce statut des revenus pétroliers qui est en cause, car « à travers la dénonciation de la rente s’exprime implicitement une contestation de la légitimité des pays pétroliers ou de leurs Etats à s’approprier les revenus de l’exportation des hydrocarbures» [[Fatiha Talahite, “Le concept de rente..,” article cité]]. Les faits, têtus, ont beau s’inscrire en faux contre leur interprétation réductrice, le verdict reste désespérément le même. Ainsi, les années de vaste mobilité sociale ascendante sans précédent qui ont permis aux Algériens de “changer de file”, pour la première fois sans doute de leur histoire, deviendront, des décennies plus tard, sous la plume experte d’une journaliste française réputée être la “madame Algérie” de la presse parisienne, «les années postindépendance au cours desquelles le président Houari Boumediene à acheté la paix sociale (médecine, école gratuites, administration pléthorique)…».

les mythes coloniaux insensés

La mémoire oublieuse ne fait plus barrage aux mythes coloniaux les plus insensés. Celui, par exemple, d’un système d’enseignement performant et exemplaire quand 9 Algériens sur 10 ne savaient ni lire ni écrire en ces temps bénis de l’école française. Ou celui du paradis perdu de l’agriculture coloniale qui avait projeté dans la misère et le dénuement la quasi-totalité de la population indigène. Les mythes, on le sait, ont la peau dure, ils nourrissent jusqu’aujourd’hui un certain discours intéressé sur la réalité algérienne. Celui, notamment, qui préfère parler de l’Algérie “Etat riche” plutôt que de pays semi aride et pauvre en ressources naturelles renouvelables (la terre et l’eau), comme base de vie indispensable. Comme celui qui décrète, sans appel et sans nuances, “l’école algérienne sinistrée” sans jamais se demander comment cette école, lestée de cette “tare”, avait pu fournir des dizaines de milliers de diplômés de valeur aux économies développées du Nord qui en tirent profit.

“la non-conformité » des « audaces indépendantistes »”

Qu’il s’agisse du développement industriel, agricole ou social, la sentence est inscrite dans l’attendu même qui les qualifie : “l’audace indépendantiste” prolongée impudemment sur le terrain de l’économie. Et son corollaire, la coupable non-conformité au modèle de référence et au statut traditionnel assigné aux pays de notre rang. En forçant le raisonnement, on est amené à comprendre que les choix du développement national indépendant ont dévié le pays d’une trajectoire vertueuse déjà inscrite en pointillés dans son statut d’économie coloniale. Une anomalie donc. Le retour au modèle de référence devient alors une “urgence historique”.

Ainsi, derrière la sémantique de bon sens des Réformes, un agenda politique précis a imposé son champ d’observation et d’analyse, son objet, sa problématique et les catégories pour la traiter et, bien sûr, le vocabulaire approprié pour la vulgariser. À usage d’élites mondialisées et aussi d’élites locales d’autant volontiers réceptives qu’elles se considèrent « piégées dans le national ». Est en œuvre là, le fameux « soft-power » qui « réside largement dans la capacité à définir l’agenda politique d’une telle manière qu’il oriente les préférences des autres.» [[Selon Joseph Nye, The means to succes in world politics. Public Affairs (US) 2OO4.]].

L’enjeu de la définition du «problème à débattre» est considérable puisqu’il va induire le choix de l’appareil conceptuel pour l’analyser et celui de la méthode pour le «résoudre».

Ainsi du «climat des affaires» qui va focaliser la réflexion sur les «conditions institutionnelles» à mettre en place pour l’améliorer. Parfois « le problème à débattre » prend des accents séduisants et flatteurs. Ainsi, des voix savantes nous invitent à penser «comment mettre en place cette économie largement centrée sur les services, sur le développement des PME/PMI, sur une forte reconnaissance des chercheurs, des inventeurs, des entrepreneurs, toutes les choses que les systèmes bureaucratiques ont tendance à bloquer». Ces conseils d’expert ne se limitent pas à nous suggérer ce que devrait être notre champ d’analyse et l’objet de notre réflexion, ils s’autorisent même à nous en tracer la direction. « De ce point de vue, poursuit le président du Forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques (FEMISE), l’expérience internationale montre que l’ouverture et le choc externe sont le meilleur moyen d’y conduire naturellement» et, pour donner une couleur locale à cette affirmation, le professeur ne résiste pas à la tentation du jugement d’appréciation: «l’Algérie, affirme-t-il, a fait de considérables progrès depuis les années 80» [[Le président du Femise à El Watan Economie du 9 nov au 15 nov 2009]]. On sait que nombre de pays industrialisés sont revenus aujourd’hui de cette arnaque post industrielle refilée sous le couvert de passage à l’économie des services, arnaque qui a transformé des régions entières, naguère vivantes et dynamiques, en zones sinistrées, livrées à la désolation. On sait bien aussi qu’aujourd’hui les véritables protagonistes de l’économie ne sont ni des scientifiques ni des technologues ni des entrepreneurs schumpétériens mais des boursicoteurs et des spéculateurs financiers dont l’escroc Madoff n’est que la partie immergée, certes monumentale, de l’iceberg.

implications et conséquences de cet agenda imposé:

Les implications de cet agenda imposé dépassent cependant la stricte sphère académique.

Il y a d’abord celle qui va consacrer la rupture avec les conceptions des relations internationales en termes de relations de dépendance-domination et le passage à des conceptions qui mettent en avant les interdépendances et les opportunités que présente la globalisation. L’Algérie, écrit l’ex-haut fonctionnaire de la Banque mondiale, Mourad Benachenhou, s’engage à renoncer à l’idée que les relations entre le Nord et le Sud sont des relations de domination et d’exploitation devant être changées par des négociations globales et à accepter l’analyse des pays capitalistes suivant laquelle ces relations sont la conséquence du libre jeu des mécanismes de marché…et que le développement n’est que le résultat d’une exploitation adéquate des avantages comparatifs » [[Cf.Benachenhou Mourad, “Réformes économiques, dette et démocratie”, Maison d’édition Dar Echrifa, p.111]].

La concession est de taille, elle en entraîne d’autres, de plus grande envergure. Celle, notamment, qui décrète l’obsolescence du modèle politique et économique de l’Etat-nation , mondialisation oblige [[Si on continue à raisonner dans le cadre des limites d’une économie proprement nationale, tout effort pour trouver une issue à l’état actuel des choses serait vain, estime, par exemple, Fodil Hassam, en conclusion d’un livre dédié à «Vingt ans de réformes libérales, 1986-2004, Les chemins d’une croissance retrouvée» op. cit , p. 199. Cf. aussi l’article intitulé “Les réformes économiques au Maghreb:la gouvernance à l’épreuve de l’autoritarisme”, par M.C. Belmihoub, in la revue des sciences commerciales, INC n° 8, 2008, pp. 107-141.]]. Ce qui a pour conséquence d’évacuer du champ d’analyse toute politique pensée en termes de développement national puisque inscrit dans le cadre de l’Etat-nation. Celle mise en œuvre durant les deux premières décennies de l’Algérie indépendante est, alors, disqualifiée sans appel pour cause d’inefficacité «native».

le verdict de l’échec du développementalisme

Et, aboutissement logique de cet agenda, le verdict de l’échec du développementalisme. Il emporte dans son opprobre l’industrialisation «conçue comme une greffe du modèle d’organisation économique et technique occidental sur des structures sociales inaptes à les recevoir, onéreuse, hautement capitalistique, peu créatrice d’emplois et foncièrement incapable de générer des synergies positives». N’échappent pas à ce réquisitoire, l’Etat «importé», ses politiques de modernisation, sources de tensions, ses pêchés d’acculturation et d’occidentalisation.

Formulé sur le mode de l’incantation, un seul crédo domine désormais: celui du développement d’ «une économie hors hydrocarbures compétitive et rentable». Son cheval de bataille est le développement de la PME /PMI en Algérie, promue terre de mission d’un libéralisme économique en mal de projet susceptible de donner une consistance économique nationale tangible et convaincante à l’économie de marché. Le nombre insuffisant de PME est régulièrement dénoncé comme le handicap majeur de l’économie algérienne. Le discours autour du ciblage des politiques économiques en faveur du développement des PME accapare la scène médiatique. Pour expliquer les difficultés des PME à grossir, on invoque traditionnellement le poids des charges sociales et fiscales, l’obstacle des complexités administratives, notamment pour l’accès au foncier, et la frilosité des banques, sans oublier, bien sûr, la “faiblesse de la culture entrepreneuriale”. En 2009, on n’enregistrait, souligne-t-on, que 55 entreprises pour 100. 000 habitants par an contre une moyenne de 240 PME/100.000 hab/an pour les pays en développement du même niveau que l’Algérie [[Source Cercle algérien de réflexion économique (CARE]]. Un discours qui, par un curieux paradoxe, valorise le rôle privilégié de l’entrepreneuriat tout en occultant son corollaire, le risque de l’entrepreneur, en faisant reposer sur l’Etat tout l’effort de développement de la PME». Est aussi occultée la béance essentielle, comme le souligne l’expert international en management, Omar Aktouf: aujourd’hui, les PME ne parviennent pas à s’arrimer à des entités pouvant jouer le rôle de locomotives [[Cf. Omar Aktouf, in El Watan du 30 novembre 2010.]]. Or, explique-t-il, l’existence des PME et leur pérennité ne sont possibles qu’à condition d’avoir un tableau des échanges interindustriels déjà intégré. Cela suppose des opérateurs économiques de grande envergure qui peuvent être des incubateurs de création de PME/PMI comme par exemple, rappelle-t-il, les fameux complexes du temps de Boumediene. Mais qu’importe si l’injonction et le crédo ne procèdent d’aucune démarche stratégique (sinon une visée à forte charge idéologique pour «créer une classe d’entrepreneurs»), puisque cela reste conforme à «l’agenda» du problème à débattre.

économie mondiale – vaste marché: où est l’égalité des chances?

Autre thématique d’emprunt en vogue, celle d’une économie mondiale, vaste marché où règne l’égalité des chances et où les opportunités dépendent des avantages compétitifs des acteurs. C’est le fameux mythe du “gagnant-gagnant”. Pour ne pas gâcher ce tableau idyllique, il faut surtout oublier de rappeler que ce “vaste marché égalitaire” est avant tout une hiérarchie implacable issue de rapports de forces forgés tout le long des siècles de l’industrialisation et de la colonisation. Que c’est, également, un immense pouvoir de marché concentré entre les mains d’une poignée d’acteurs, les oligopoles, un marché donc peu concurrentiel. Des entreprises ayant un pouvoir de marché mondial qui surpasse les compétences des régulateurs et les capacités financières de la plupart des Etats. Que c’est, pour finir, un «pouvoir structurel» de façonner et de déterminer les structures de l’économie politique globale à l’intérieur desquelles d’autres Etats -leurs institutions politiques, leurs entreprises, leurs scientifiques et autres professionnels- doivent opérer [[Susan Strange, “States and Markets”, New York’s. Martin’s Press, 1994]]». Pouvoir dont disposent la seule superpuissance existant actuellement, les USA, et un petit groupe de pays dominants de la Triade [[Idem]]. Pouvoir qu’ils exercent à travers une combinaison d’institutions, G8, G20,Union Européenne, FMI, Banque mondiale, Agences de notation, OMC, OCDE,OTAN, bref, la super élite entrepreneuriale, politique, militaire et intellectuelle de la Triade , un «système sans tête mais non sans maître» [[Cf. Elisabeth Gauthier, Dé-mondialiser ou changer le monde?, publié le 12/7/11.(http://www.espace-marx.net) Cf également sur le même site, Nils Anderssen, “Libérer le système des relations internationales des politiques des puissances”, Colloque d’Espaces Marx, «Une crise de civilisation ? »,28/29 janvier 2011.]] , qui nous commande d’ «enlever nos mains du clavier et de suivre ses instructions» [[Anne- Marie Slaughter est directrice de la planification politique au ministère des affaires étrangères des Etats-Unis (ex rectrice de la Woodrow Wilson of Public and international Affairs à l’université de Princeton dans les années 2002-2009.) En 1997, elle a écrit un article dans le magazine Council of Foreign Affairs dans lequel elle traite des fondements théoriques du nouvel ordre mondial. Selon elle, l’Etat ne disparait pas mais il éclate en différentes composantes fonctionnelles distinctes. Ces composantes -la justice, les agences de régulation, les composantes de l’Exécutif et même celles du Législatif- se connectent aux réseaux avec leurs vis-à-vis à l’étranger, formant ainsi une toile dense de rapports qui constituent le nouvel ordre supra gouvernemental, et le transgouvernementalisme devient rapidement le régime effectif le plus répandu de la domination internationale.]]. Comme le rappelle de manière convaincante, Luis Carlos Bresser-Pereira, l’auteur brésilien de «Mondialisation et compétition», un ouvrage de référence sur la question [[Luis Carlos Bresser-Pereira, Mondialisation et compétition, Editions La Découverte 2009.]], la compétition n’est pas seulement entre les entreprises, mais aussi entre les Etats et entre les gouvernements. Dans cette compétition, explique-t-il, l’Etat national est devenu plus stratégique qu’avant et les pays qui réussissent dans cette compétition, soutient le professeur Luis Carlos Bresser-Pereira, sont ceux qui consolident leur nation et adoptent une stratégie nationale de développement [[Cf. Interview de Luis Carlos Bresser- Pereira le 22 mai 2010 sur http://www.opalc.org/web]].

Autant dire que la construction des fondements de la compétitivité externe de notre pays est loin de se réduire à une question de bonnes techniques d’ingénierie financière et de managers compétents capables d’opérer les bons choix avec les «données du marché». Œuvre de longue haleine, elle est irréalisable sans la préservation et le renforcement de l’Etat national [[Nombreux sont les observateurs et les analystes de l’expérience chinoise qui mettent en exergue le rôle de l’Etat-stratège et du développement planifié et autocentré dans la création des conditions de la dynamique extraordinaire actuelle.]].

l’impasse aujourd’hui du « modèle de référence »

Aujourd’hui, la crise systémique qui a précipité dans la même impasse structurelle les trois pôles de la Triade, et l’impossibilité reconnue d’en entrevoir une issue visible, offrent chaque jour la démonstration pédagogique de l’impasse du « modèle de référence ». Le cycle des crises tend à se raccourcir fortement. Malgré les milliers de milliards de dollars déversés dans les circuits de la haute finance capitaliste, le cœur du réacteur, la machine économique, ne donne pas de signes d’une reprise durable et le spectre d’une rechute est toujours là qui plane. Les commandes centrales classiques de régulation du système ne répondent plus, sans engendrer de nouveaux déséquilibres. Le risque d’implosion guette ce mécanisme qui, il faut bien le dire, n’y échappe que grâce, notamment, au concours compréhensif et bienveillant des capitaux chinois. Un doute puissant pèse sur le devenir d’un modèle vers lequel «nos» réformes libérales étaient sensées nous faire converger [[Fatiha Talahite et Ahmed Hamadache, “L’économie algérienne dans le contexte de la crise financière internationale. L’Algérie aux défis de la globalisation”, Journée d’étude, Grenoble. Mardi 8 février 2011.(.http://lepi.upmf-grenoble.fr)]]. C’est bien la fin du «vaisseau global» selon la métaphore du Canadien John Ralston Saul qui a dressé le constat de la mort de la globalisation [[John Ralston John, Mort de la globalisation. www. Youtube.com/watch ?v=bhn3f2=JIQk]]. Un vide, une transition, nous signale-t-il, «où tout est à définir, où tout redevient possible» [[Omar Aktouf à El Watan du 30/11/10]]. Ce que le professeur Omar Aktouf résume dans ces lignes directrices: «développement autocentré sans modèle impératif mais adapté aux spécificités et priorités du pays, le non-alignement et la non-inféodation à aucun modèle ni aucune institution économiques quels qu’ils soient» [[Cf. El Watan des 13/5/09 et 24/5/09.]]. Le primat de l’intérêt national avant tout, comme fil conducteur.

Pour rester dans la métaphore marine, le vaisseau Algérie doit donc remettre en question son ancienne feuille de route, cause de tant de désastres, pour s’engager dans la voie difficile mais seule en mesure de le sauver, la voie qui a pour port d’attache l’intérêt national et l’indépendance nationale, et pour destination le développement national, forcément autocentré. Retrouver sa voie propre, en clamant haut et fort, comme le grand Mahmoud Darwich, à la face des tuteurs de l’Occident recolonisateur:

«Vous qui passez parmi les paroles passagères,

portez vos noms et partez.

Retirez vos heures de notre temps, partez…

Vous qui passez parmi les paroles passagères,

entassez vos illusions dans une fosse abandonnée, et partez.

Rendez les aiguilles du temps à la légitimité du veau d’or ou au battement musical du revolver.

Nous avons ce qui ne vous agrée pas ici, partez…..»


IL Y A 10 ANS MYRIAM BEN NOUS QUITTAIT LE 19 NOVEMBRE 2001

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En mars 2010, socialgerie avait mis en ligne un article de Sadek Hadjerès, précédemment publié dans “Le Matin” en mars 2002

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MYRIAM BEN, ALGÉRIENNE DE TOUS LES COMBATS

« En ces temps sombres, chaque nouveau huit Mars nous rend plus pénible l’évocation des femmes de courage et d’action qui nous ont quitté(e)s. Cette date, journée de luttes et d’espoirs féminins, les aidait à vivre les épreuves tragiques de la décennie écoulée et à persévérer dans leurs combats multiformes, engagés pour guérir les meurtrissures de leur peuple et celles de leur condition féminine. Mais elles sont parties sans avoir vu se lever sur l’Algérie ne serait-ce qu’un pâle soleil de liberté et de justice sociale, suffisant pour adoucir leurs épreuves.

Anissa transformait chaque anniversaire de l’assassinat de ses êtres les plus chers, (son mari directeur de l’Institut des beaux Arts et son fils étudiant dans le même établissement) en anniversaire de vie et d’action.

Face à l’injustice, à l’esprit de prédation, à la laideur et à la barbarie, elle savait malgré sa douleur faire passer aux jeunes générations guettées par la haine, les messages de création culturelle, de civisme, d’élan vers la beauté et la solidarité humaine.

Ceux qui l’approchaient étaient gagnés par sa sérénité, acquise certainement au prix d’une blessure interne jamais guérie. Par sa dignité, c’est elle qui insufflait aux autres confiance, combativité et ouverture d’esprit. Elle me rappelait, pour cette fermeté d’âme et cette générosité, les regrettés Abdelkader Alloula et Rabah Guenzet.

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Le 8 Mars cette année, dans ce même champ de l’art et de la culture en proie aux entreprises de désertification, c’est une autre grande dame que l’Algérie a perdue. Myriam Ben (nom d’écrivain et d’artiste peintre de Marylise Ben-Haïm), a quitté en même temps la vie et le pays de ses racines, celui de ses grandes joies avant qu’il devienne le pays d’un chagrin sans limite.

Algérienne de «souche» autant que de cœur et de raison, sa foi dans les forces saines de son peuple ne l’avait jamais quittée. Elle l’avait aidée à surmonter les épreuves qui n’ont pas manqué à l’Algérie depuis cinquante ans. Elle a été contrainte à l’exil en France depuis quelques années par les hégémonismes politiques et idéologiques croisés, impatients de gagner ou conserver le pouvoir sur le corps d’un pays ensanglanté. Mais elle ne pouvait continuer à créer et produire qu’avec les yeux et le cœur d’une Algérienne vivant les fiertés et les humiliations de son peuple.

Pour elle, la dernière des humiliations a été celle qui a frappé dans leur chair et dans leur âme les frères et sœurs innombrables de Massinissa Guermouh, les jeunes et les moins jeunes de Bab el Oued et de tant de lieux du persistant malheur algérien. Elle tenait à la vie, la sienne et celle des autres, mais sa santé déjà fragile n’a pas résisté à ces derniers épisodes.

Elle étouffait sous les sombres nuées qui se sont abattues en tapis de bombes et en cataclysmes naturels sur les peuples déshérités et opprimés du monde. Elle ne pouvait plus supporter le temps des torrents de boue, de dégradation sociale et politique qui ont englouti ou jeté vers la mer des centaines de ses concitoyens algérois et, pire encore, l’insultante hypocrisie officielle qui consistait, sans crainte de blasphème, à rejeter sur la volonté divine les carences des humains et les responsabilités du système.

Bab el Oued, Bologhine (Saint Eugène), ces quartiers lui étaient chers. Ils lui rappelaient quelques-unes de ses luttes passées. Scrutant la Méditerranée depuis les rives françaises où la clouait son exil, peut-être en ces temps de malheurs s’imaginait-elle faisant corps avec l’immensité bleue pour rejoindre ses compatriotes engloutis par les flots aux époques différentes. Ceux d’aujourd’hui emportés par les intempéries et ceux des années cinquante que les unités spéciales de répression colonialistes jetaient au large, lestés de béton, du haut de leurs hélicoptères après les avoir férocement torturés au Casino de la Corniche, tout près des Deux Moulins.

À deux pas de là, se trouvait le cabanon surplombant la mer, où Myriam venait nous rejoindre, Bachir Hadj Ali et moi-même au début de 1956, quand nous préparions l’opération consistant à s’emparer d’un chargement d’armes des troupes françaises.

Enseignante rurale à Oued Fodda, près de Chleff-El Asnam (ex-Orleansville), elle faisait infatigablement la liaison avec Henri Maillot, Maurice Laban, Hamid Gherab et d’autres. Je me souviens de sa déception quand elle apprit que, faute d’une réponse du FLN qui se dérobait au contact (pour une opération qui aurait nécessité la coopération de ses groupes armés), nous avions manqué l’occasion d’un chargement d’armes américaines beaucoup plus nombreuses et modernes, nous contentant de celles que les forces coloniales venaient de remplacer. Quelque temps après le succès de cette opération, Myriam mènera une périlleuse et active clandestinité, au cours de laquelle jusqu’à l’Indépendance aucune de la quinzaine de personnes concernées ne fut découverte ou arrêtée en liaison avec cette affaire.

Bab El Oued de la fin des années quarante et du début des années cinquante, c’était aussi sa participation enthousiaste aux manifestations de la salle «Padovani», tout près d’El Kettani en bord de mer. Chaque année, les journées de le jeunesse mondiale anticolonialiste résonnaient des envolées et des poèmes éblouissants de Kateb Yacine, devant les auditoires mobilisés en cette occasion par l’ensemble des organisations nationales de jeunes de l’époque : UJDA, Scouts Musulmans, Etudiants (AEMAN), Jeunes syndiqués, Jeunesse de l’UDMA etc.

Myriam faisait partie, comme Daniel Timsit et d’autres, de ces jeunes de la communauté israélite algérienne, qui ont commencé à militer très jeunes dans les Jeunesses communistes après avoir subi les humiliantes discriminations du régime colonialo-vichyste de 1940 à 42. C’est ainsi que Henri Alleg et Myriam (ainsi que Fernand Iveton et Henri Maillot qui n’étaient pas juifs) seront naturellement sensibles à la revendication nationale algérienne dans les quartiers populaires de la Redoute (Mouradia) et Clos Salembier qu’ils habitaient. Comme Ahmed Akkache, Baya Allaouchiche et d’autres jeunes communistes arabo-berbères de ce même quartier, ils agissaient côte à côte avec les nationalistes de la même génération.

À la Redoute, au domicile de Myriam, se retrouvaient aussi pour des discussions culturelles passionnées les jeunes qui tournaient autour du quotidien «Alger républicain» ou qui y travaillaient. Parmi les habitués de ces rencontres où se mêlaient œuvres traditionnelles arabo-maghrébines et créations progressistes du monde entier, dont celles de Nazim Hikmet, Paul Robeson, Atahalta Youpanqui, etc., il y avait Kateb Yacine avec sa fougue poétique et Mohammed Dib, chez qui était en train de mûrir son premier roman «La Grande Maison», largement connu après l’Indépendance sous le titre «Dar Sbitar» feuilleton télévisé à grand succès.

Après l’avènement de l’Indépendance nationale à laquelle elle avait toujours cru et travaillé, il fut donné à Myriam comme à ses compatriotes de connaître deux visages de l’Algérie nouvelle. D’un côté l’Algérie qui se construisait avec d’immenses espoirs. Elle lui a beaucoup donné de son cœur et de ses forces, autant par ses activités de création culturelle que par son travail d’enseignante de grande compétence, en particulier à l’INH (Institut National des Hydrocarbures) de Boumerdès. De l’autre côté, il y avait l’Algérie de plus en plus piétinée et saccagée par la triple conjugaison et complicité des armes, de l’argent et des media, au service de pratiques politiques et de mystifications idéologiques anti-sociales, antidémocratiques et de régression culturelle.

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D’autres diront mieux que moi la qualité de son apport culturel dans les domaines aussi riches que la littérature, la peinture, la musique, en lesquels elle parvenait à fondre les inspirations et les versions multiples d’un patrimoine algérien à la fois traditionnel, populaire et moderne.

Je peux par contre témoigner de tout le courage qu’il lui fallut pour continuer à produire dans un climat où la plus grande des pénuries qu’ait connues l’Algérie, celle des droits citoyens, n’a jamais cessé d’étouffer les talents, les initiatives et les élans de civisme et de solidarité constructive.

Aussi n’a-t-elle jamais séparé son activité culturelle de son engagement politique. Malgré ses problèmes de santé qui l’ont plusieurs fois contrainte à des soins prolongés à l’étranger, elle a affronté persécutions, vexations et menaces en se joignant aux protestations démocratiques contre le coup d’Etat du 19 Juin 65, aux longues luttes diversifiées contre le système du parti unique, pour les libertés syndicales et démocratiques, pour l’égalité en droits citoyens et en dignité entre hommes et femmes.

Des moments forts ont été pour elle les manifestations de solidarité envers le peuple palestinien. Elle en partageait les souffrances et les espoirs. Elle proclamait son indignation envers les exactions sionistes. Elle les jugeait responsables d’une spoliation historique et d’une exploitation désastreuse des sentiments d’identité juive. Elle leur reprochait plus encore leur refus obstiné d’une solution pacifique passant par la reconnaissance des droits du peuple palestinien.

Enfin, dans le prolongement de son engagement pour les droits de l’Homme et du Citoyen, elle participa, après octobre 88, aux actions entreprises par le Comité contre la torture, dont plusieurs organisateurs, comme on le sait, les Prs Boucebci, Belkhenchir et d’autres furent plus tard assassinés.

Les événements ultérieurs ont malheureusement confirmé ses appréhensions concernant un problème de fond qui l’a toujours tourmentée et dont elle a personnellement et directement souffert. Elle a assisté à la transformation perverse de problèmes identitaires réels mais surmontables (de nature religieuse ou linguistique) en préjugés antagonistes. Les intolérances entretenues et manipulées, non seulement ont dégénéré en conflits violents et meurtriers, mais ont barré objectivement et subjectivement la route à des solutions sociales et démocratiques conformes aux intérêts communs des différentes catégories d’une population gravement divisée et désorientée.

L’anti-citoyenneté, baptisée chez nous du nom bien mérité de hogra, déjà lourde envers les hommes, l’était trois fois plus pour elle, comme femme, comme militante et comme personne gardant son franc parler. Surtout que s’exerçant à l’encontre de Myriam, cette hogra empruntait inévitablement un langage mille fois usé mais toujours aussi malfaisant. La mauvaise conscience et la lâcheté, faute d’arguments et de légitimité, stigmatisent toujours la cible désignée comme «étrangère» aux valeurs nationales.

Contre les auteurs de telles pratiques dont elle était profondément ulcérée, Myriam a souvent riposté chaque fois concrètement, dans le style direct qui lui était propre et avec une certaine efficacité, contraignant leurs auteurs à battre provisoirement en retraite. Mais dans ses écrits et ses interventions publiques, elle n’en a jamais fait état, pensant à tort ou à raison comme nombre d’autres qui subissaient ce genre de harcèlement, que cela nuirait à la renommée de l’Algérie à l’étranger.

Nul ne s’étonnera que les experts et les plus virulents en ce type de langage et de comportements, aient été le plus souvent des «super-patriotes» d’après le 19 Mars, des incompétents ou rivaux professionnels. Ils ne lui arrivaient pas à la cheville tant pour l’enracinement dans les réalités et la culture nationales que pour le dévouement au bien public et la sympathie sincère que lui ont manifestée des compatriotes qui la connaissaient sans partager pourtant ses convictions.

En fait, l’enracinement algérien de Myriam était naturel, viscéral même. Elle avait plus d’une raison d’en être fière, face aux mesquineries qui ne lui ont pas été épargnées. De descendance confessionnelle israélite, elle pouvait par le legs culturel double et vivace de ses ancêtres paternels et maternels, se prévaloir à la fois d’une amazighité millénaire ayant ses sources dans le Nord Constantinois et d’un héritage arabo-andalou véhiculé par ses ascendants chassés d’Espagne par l’Inquisition catholique. Elle était à la fois porteuse d’un bagage de civilisation enraciné dans l’histoire du Maghreb central, et en même temps, acquise à la vision d’un État qui respecte et protège les convictions religieuses de chaque citoyen tout en opérant dans la vie publique une distinction qui empêche toute utilisation de la religion à des fins d’exploitation économique ou politique.

Aussi, comme nombre de ses concitoyens musulmans, elle aspirait au renforcement d’une appartenance nationale potentiellement ouverte sur la modernité démocratique et sociale. Elle était sensible aux marques de respect humain des compatriotes et des camarades qui la jugeaient avant tout sur ses actes. Elle voyait dans l’attitude fraternelle de ces Algériens qui ne se comportaient pas comme les sionistes envers les arabes palestiniens un indice probant des grandes ressources d’humanisme de notre peuple. Un épisode concernant Yvette Bacri, fille de la Casbah, une de ses anciennes amies et camarades avant l’indépendance, lui avait fait chaud au cœur. Il lui avait confirmé qu’il existe des possibilités de faire reculer le fléau des machinations sous couverture faussement identitaire, pour peu que les efforts convergent dans ce sens à partir des intérêts communs réels des gens.

Myriam racontait cet épisode avec humour et émotion. À l’époque, dans les années 80, Saout ech-Chaâb, organe du PAGS, avait rapporté le fait sans entrer dans les détails. Lors du décès de Yvette Bacri, fille de la Casbah, assistante sociale qui s’était dévouée jusqu’à épuisement pour les droits sociaux des travailleurs de Sonelgaz et de leurs familles, une centaine de ces derniers se sont présentés à son enterrement au cimetière juif de Bologhine (Saint Eugène). Le personnel rabbinique éberlué avait observé une attente interminable et ne savait comment entamer la prière rituelle, car selon eux, elle nécessitait la présence minimum de dix juifs. La sagesse et l’ouverture d’esprit des responsables syndicaux et de l’assistance musulmane dénoua la situation. Ils désignèrent parmi eux les présumés juifs, ajoutant: si vous en voulez plus, nous sommes tous là.

Sans y voir rien de contradictoire avec leur foi, qu’ils ont vécue au contraire à travers ce geste de la façon la plus profonde et la plus authentique, ils l’avaient fait pour Yvette Bacri et pour le sens de la solidarité sociale et humaine qu’elle n’avait cessé de leur manifester de son vivant.

Au delà de l’émotion suscitée par un itinéraire qui paraît exceptionnel dans l’environnement actuel, la vie, l’œuvre et les luttes de Myriam Ben sont celles d’un combat à la fois national et citoyen. Elles nous éclairent sur certains mécanismes et évolutions géopolitiques dans notre société.

Qu’arrive-il en effet quand des forces dominantes se crispent sur un type de nationalisme asservi à des intérêts économiques et de pouvoir égoïstes? Qu’arrive-t-il quand l’indépendance est amputée du prolongement et du contenu souhaitable des droits citoyens? Vers où va-t-on quand au lieu de compléter les appartenances identitaires par une citoyenneté égale pour tous, qui harmonise et civilise la façon de vivre ces appartenances, on les oppose au contraire en niant la citoyenneté commune au nom d’appartenances (ethniques, linguistiques, idéologiques, partisanes, régionales ou de sexe) auto-proclamées les meilleures?

Il arrive alors le pire. On juge les gens non pas sur leurs actes, leur comportement social et les valeurs et les mobiles réels qui les inspirent, mais sur des proclamations «d’authenticité» démagogiquement greffées sur les préoccupations et les problèmes réels de la société en désarroi et en quête de solutions. Voilà comment on débouche le plus souvent sur des fractures fatales. Voilà comment, tels les membres d’un troupeau voués un par un à leur triste sort, on se présente en rangs dispersés, aussi bien face à des oligarchies locales chez qui les instincts prédateurs ont émoussé le sens de la solidarité nationale, que face à un ultra-libéralisme mondial, impitoyable pour les nations et les peuples affaiblis et divisés.

Et puisqu’il s’agit d’un huit Mars, je dois à la mémoire de Myriam de témoigner et souligner que son engagement national et citoyen ne s’est pas enfermé dans des alignements dominés par une logique étroitement partisane et nuisible au rassemblement de lutte démocratique et social.

Sa sensibilité à la condition concrète des gens, en particulier celle des couches les moins favorisées, elle l’a héritée de sa famille et des épreuves de son enfance, de son parcours d’enseignante rurale puis d’artiste attentive au profond de notre peuple (voir son œuvre ou les portraits comme celui de la potière kabyle aveugle). Sa sensibilité à la détresse des faibles et des humbles a fait que cette intellectuelle, foncièrement hostile à tout intégrisme, a pu éviter la vision dichotomique qui sépare ou oppose consciemment ou non deux catégories de femmes. Celles qui cherchent légitimement à défendre les acquis que leur a apporté la modernité, et celles, la grande majorité des Algériennes, qui n’en ont tiré que de maigres bienfaits et qui estiment, à tort ou à raison, que la modernité se bâtit sur leur dos.

Transposée sur une arène politique malheureusement sanglante, cette dichotomie tend à opposer entre elles l’ensemble des femmes victimes, sur lesquelles s’est refermé le piège du même système socio-politique infernal. Les femmes dont les larmes et la condition sociale ont la même amertume, les épouses, mères, sœurs et filles aussi bien des victimes du terrorisme que des «disparus».

Combien, me disait-elle avec désolation, serait grande l’efficacité de leur protestation commune si elles se rejoignaient autour des objectifs concrets tangibles et légitimes, alors que ceux qui devraient les satisfaire ne le font pas justement en profitant de leur division!

N’ont elles pas intérêt aussi à ce que, à un niveau plus global, soit rompue la logique erronée qui a voulu bipolariser notre peuple en éradicateurs et dialoguistes? Chacune de ces catégories n’abrite-t-elle pas aussi bien des partisans que des adversaires de la démocratie, de la justice sociale et d’une égale dignité pour les hommes et les femmes?

Que faire aujourd’hui à la mémoire de toutes les femmes qui ont sincèrement sacrifié et souffert comme Myriam Ben sans avoir les mêmes positions ou les mêmes idéaux?
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Aujourd’hui, une fois de plus depuis l’époque coloniale, pour les hommes comme pour les femmes, le social longtemps sous-estimé par les uns, nié ou combattu par d’autres, rebondit avec force, se vengeant même dans la violence et le chaos de l’abandon ou de l’incapacité du politique à y apporter des solutions. Celles-ci, même les plus élémentaires et les plus évidentes, ont toujours été reportées à plus tard au nom d’urgences, d’opportunités ou d’argumentaires politico-idéologiques fallacieux.

Ce fut encore le cas au tout début de la décennie sanglante écoulée, même par des courants qui avaient vocation et tradition de le prendre en charge en toutes circonstances. Le terrain social a été délibérément livré aux éléments anti-sociaux des deux blocs d’intérêts hégémonistes qui s’affrontaient pour le pouvoir, prêts pour cela aussi bien à la voie des armes qu’aux compromis opaques pour monopoliser ou partager ce pouvoir.

Pourtant la question sociale est au coeur des problèmes, c’est un centre de gravité, un dénominateur commun et un élément rassembleur possible à différentes mouvances politiques et idéologiques, masculines et féminines de la communauté nationale.

Voilà pourquoi je pense que l’esprit du 8 Mars aujourd’hui, c’est œuvrer à un large et puissant mouvement citoyen, tel qu’il a commencé à s’ébaucher à travers bien des difficultés et des méandres. Amplifié et mieux relayé par la composante démocratique de la «classe politique» et du mouvement associatif, il pourrait devenir un vrai mouvement social, masculin et féminin, autonome et politiquement efficient, seul en mesure de contribuer à débloquer enfin l’engrenage fatal instauré entre malheurs du social et pièges du politique.

pour lire l’article 198 en entier, rubrique « Femmes », cliquer sur le lien (…)

SAUVER LES PEUPLES D’EUROPE !

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Onze personnalités grecques, dont le compositeur grec Mikis Theodorakis et Manolis Glezos, le héros de la résistance durant l’occupation nazie, dénoncent le fascisme financier qui menace et appellent les peuples d’Europe à s’unir pour en finir avec la domination des marchés.

65 ans après la défaite du nazisme et du fascisme, les peuples européens sont aujourd’hui confrontés à une menace dramatique, non militaire cette fois, mais financière, sociale et politique.

Un nouvel « Empire de l’Argent » a attaqué systématiquement un pays européen après l’autre au cours des 18 derniers mois, sans rencontrer de véritable résistance.

Les gouvernements européens n’échouent pas seulement à organiser une défense collective des peuples européens face aux marchés, mais, au contraire, cherchent à « calmer » les marchés en imposant des politiques qui nous rappellent la manière dont les gouvernements ont tenté d’affronter le nazisme dans les années 30. Ils organisent des «guerres de la dette» entre les peuples européens, tout comme ils firent de la belle époque à la première Guerre mondiale.

L’offensive des marchés a commencé par une guerre contre la Grèce, un État membre de l’Union européenne, dont le peuple a joué un rôle décisif dans la résistance à la barbarie et dans la libération de l’Europe au cours de la seconde Guerre mondiale. Au début, il s’agissait d’une guerre de communication, qui nous rappelait les campagnes contre les pays hostiles, proscrit comme l’Irak ou la Yougoslavie. Cette campagne présentait la Grèce comme un pays de citoyens paresseux et corrompus, tout en entreprenant de rejeter la responsabilité de la crise de la dette sur les «poorcs» [PIIGS, acronyme anglais des initiales du Portugal, de l’Italie, de l’Irlande, de la Grèce et de l’Espagne] de l’Europe et non sur les banques internationales.

Rapidement, cette offensive s’est muée en une offensive financière, qui entraîna la soumission de la Grèce à un statut de souveraineté limitée et l’intervention du FMI dans les affaires internes de la zone euro.

Quand ils eurent obtenu ce qu’ils attendaient de la Grèce, les marchés prirent pour cible les autres pays de la périphérie de l’Europe, plus petits ou plus grands. Le but est toujours le même : garantir pleinement les intérêts des banques contre ceux des États, la démolition de l’état providence européen, qui était la pierre angulaire de la démocratie et de la culture européennes, la démolition des États européens et la soumission de ce qu’il reste des structures étatiques à la nouvelle « Internationale de l’Argent ».

L’Union européenne, qui était présentée à ses peuples comme l’outil du progrès collectif et de la démocratie, tend à devenir l’outil de la fin de la prospérité et de la démocratie. Elle était présentée comme un outil de résistance à la mondialisation, mais les marchés souhaitent qu’elle soit l’instrument de la mondialisation.

Elle était présentée aux Allemands et aux autres peuples européens comme le moyen d’augmenter pacifiquement leur pouvoir et leur prospérité, et non comme le moyen d’abandonner tous les Européens aux injonctions des marchés financiers, de détruire l’image de l’Europe et de transformer les marchés en acteurs d’un nouveau totalitarisme financier, en nouveaux maîtres de l’Europe.

Nous sommes confrontés au risque de reproduire l’équivalent financier des première et seconde guerres mondiales sur notre continent et de nous dissoudre dans le chaos et la décomposition, au bénéfice d’un Empire international de l’Argent et des Armes, dont le pouvoir des marchés est à l’épicentre économique.

Les peuples d’Europe et du monde font face à une concentration sans précédent historique du pouvoir financier mais aussi politique et médiatique par le capital financier international, c’est-à-dire par une poignée d’institutions financières, d’agences de notation et une classe politique et médiatique qu’ils ont convertie, dont les centres sont plutôt externes qu’internes à l’Europe. Ce sont les marchés qui attaquent aujourd’hui un pays européen après l’autre, utilisant le levier de la dette pour démolir l’État providence européen et la démocratie.

L’ « Empire de l’Argent » exige aujourd’hui la transformation rapide, violente et brutale d’un pays de la zone euro, la Grèce, en un pays du Tiers monde, à l’aide d’un programme dit de « sauvetage », en fait de « sauvetage » des banques qui ont prêté aux pays. En Grèce, l’alliance des banques et des leaders politiques a imposé – par le biais de l’UE, la BCE et le FMI – un programme qui équivaut à un « assassinat économique et social » du pays et de sa démocratie, et qui organise le pillage du pays avant la banqueroute à laquelle il mène, en souhaitant d’en faire le bouc émissaire de la crise financière mondiale et l’utiliser comme le « paradigme » pour terroriser tous les peuples européens.

La politique, qui est menée actuellement en Grèce et qui tend à se généraliser, est la même que celle qui fut appliquée au Chili de Pinochet, dans la Russie d’Eltsine ou en Argentine et aura les mêmes résultats, si on n’y met pas fin immédiatement. Victime d’un programme supposé l’aider, la Grèce est maintenant au bord d’un désastre économique et social ; elle sert de cobaye pour étudier les réactions des peuples au darwinisme social et terroriser l’ensemble de l’Union européenne, par ce qui peut arriver à l’un de ses membres.

Les marchés peuvent aussi pousser et utiliser le leadership de l’Allemagne pour détruire l’Union européenne. Mais cela constitue un acte d’un extrême aveuglement politique et historique pour les forces dominantes de l’UE et d’abord pour l’Allemagne que de penser qu’il puisse y avoir un projet d’intégration européenne ou seulement de simple coopération, sur les ruines d’un ou de plusieurs membres de la zone euro.

L’Union européenne ne peut en aucun cas s’établir sur la destruction planifiée d’acquis politiques et sociaux majeurs, de grande portée mondiale. Cela conduira au chaos et à la désintégration et favorisera l’émergence de solutions fascistes sur notre continent.

En 2008, les banques privées géantes de Wall Street ont forcé les États et les banques centrales à les sortir de la crise qu’elles avaient elles-mêmes créée, en faisant payer aux contribuables le coût de leur fraude gigantesque, comme leurs prêts immobiliers, mais aussi le coût opérationnel du capitalisme casino dérégulé imposé au cours des vingt dernières années. Ils transformèrent leur propre crise en une crise de la dette publique.

Maintenant, ils utilisent la crise et la dette, qu’ils ont eux-mêmes créée, pour dépouiller les États et les citoyens du peu de pouvoir qu’ils détiennent encore.

C’est une partie de la crise de la dette. La seconde partie est que le capital financier, avec les forces politiques qui le soutient globalement, impose un agenda de mondialisation néolibérale, qui se traduit inévitablement par la délocalisation de la production hors de l’Europe et la convergence vers le bas des normes sociales et environnementales européennes avec celles du Tiers Monde. Pendant de nombreuses années, ils ont caché ce processus derrière les prêts, et maintenant ils utilisent les prêts pour finir le travail.

L’ « Internationale de l’Argent », qui souhaite éliminer toute notion d’État en Europe, menace aujourd’hui la Grèce, demain l’Italie ou le Portugal; elle encourage la confrontation entre les peuples d’Europe et met l’Union européenne devant le dilemme de se transformer en une dictature des marchés ou de se dissoudre. Le but est que l’Europe et le reste du monde reviennent à la situation d’avant 1945, ou même à avant la Révolution française et les Lumières.

Dans l’Antiquité, l’abolition par Solon des dettes qui forçaient les pauvres à devenir esclaves des riches, appelée la réforme Seisachtheia, posa les bases qui allaient conduire à l’émergence, dans la Grèce antique, des idées de démocratie, de citoyenneté, de politique et d’Europe, et d’une culture européenne et mondiale.

En luttant contre la classe fortunée, les citoyens d’Athènes ouvrirent la voie à la constitution de Périclès et à la philosophie politique de Protagoras, qui déclara que « l’homme est la mesure de toute chose ».

Aujourd’hui, les classes fortunées cherchent à venger cet esprit de l’homme: «les marchés sont la mesure de tous les hommes» est la devise que nos leaders politiques embrassent, en s’alliant au démon de l’argent, comme le fit Faust.

Une poignée de banques internationales, d’agences de notation, de fonds d’investissement, une concentration mondiale du capital financier sans précédent historique, revendiquent le pouvoir en Europe et dans le monde et se préparent à abolir nos états et notre démocratie, utilisant l’arme de la dette pour asservir la population européenne, instituant en lieu et place de nos démocraties imparfaites la dictature de l’argent et des banques, le pouvoir de l’empire totalitaire de la mondialisation, dont le centre politique se situe à l’extérieur de l’Europe continentale, malgré la présence de banques européennes puissantes au cœur de l’empire.

Ils ont commencé par la Grèce, l’utilisant comme cobaye, pour se tourner ensuite vers les autres pays de la périphérie européenne, et progressivement vers le centre. L’espoir de quelques pays européens d’y échapper finalement prouve que les leaders européens sont face à la menace d’un nouveau «fascisme financier », auquel ils ne répondent pas mieux que face de la menace d’Hitler dans l’entre-deux-guerres.

Ce n’est pas par accident qu’une grande partie des médias contrôlée par les banques ont choisi de s’attaquer à la périphérie européenne, en traitant ces pays de « porcs », et de diriger leur campagne médiatique méprisante, sadique et raciste à travers les médias qu’ils possèdent, non seulement contre les Grecs, mais aussi contre l’héritage grec et la civilisation grecque antique. Ce choix montre les buts profonds et inavoués de l’idéologie et des valeurs du capital financier, promoteur d’un capitalisme de destruction.

La tentative d’une partie des médias allemands d’humilier des symboles tels que l’Acropole ou la Venus de Milo, monuments qui furent respectés même par les officiers d’Hitler, n’est rien d’autre que l’expression d’un profond mépris affiché par les banquiers qui contrôlent ces médias, pas tant contre les Grecs, que contre les idées de liberté et de démocratie qui sont nées dans ce pays.

Le monstre financier a produit quatre décennies d’exemption de taxe pour le capital, toutes sortes de «libéralisation du marché», une large dérégulation, l’abolition de toutes les barrières aux flux de capitaux et de marchandises, d’attaques constantes contre l’état, l’acquisition massive des partis et des médias, l’appropriation des surplus mondiaux par une poignée de banques vampires de Wall Street. Maintenant, ce monstre, un véritable «état derrière les États » se révèle vouloir la réalisation d’un « coup d’état permanent» financier et politique, et cela depuis plus de quatre décennies.

Face à cette attaque, les forces politiques de droite et la social-démocratie européennes semblent compromises après des décennies d’entrisme par le capitalisme financier, dont les centres les plus importants sont non-européens. D’autre part, les syndicats et les mouvements sociaux ne sont pas encore assez forts pour bloquer cette attaque de manière décisive, comme ils l’ont fait à de nombreuses reprises par le passé. Le nouveau totalitarisme financier cherche à tirer avantage de cette situation de manière à imposer des conditions irréversibles dans toute l’Europe.

La coordination immédiate et transfrontalière des actions d’intellectuels, des gens des arts et lettres, des mouvements spontanés, des forces sociales et des personnalités qui comprennent l’importance des enjeux s’impose; nous avons besoin de créer un front de résistance puissant contre «l’empire totalitaire de la mondialisation» qui est en marche, avant qu’il ne soit trop tard.

L’Europe ne peut survivre que si elle met en avant une réponse unie contre les marchés, un défi plus important que les leurs, un nouveau « New Deal » européen.

  • Nous devons stopper immédiatement l’attaque contre la Grèce et les autres pays de l’UE de la périphérie; nous devons arrêter cette politique irresponsable et criminelle d’austérité et de privatisation, qui conduit directement à une crise pire que celle de 1929.
  • Les dettes publiques doivent être radicalement restructurées dans la zone euro, particulièrement aux dépens des géants des banques privées. On doit reprendre le contrôle des banques et placer sous contrôle social, national et européen le financement de l’économie européenne. Il n’est pas possible de laisser les clés de la finance européenne aux mains de banques comme Goldman Sachs, JP Morgan, UBS, la Deutsche Bank, etc… Nous devons bannir les dérives financières incontrôlées, qui sont le fer de lance du capitalisme financier destructeur et créer un véritable développement économique, à la place des profits spéculatifs.
  • L’architecture actuelle, basée sur le traité de Maastricht et les règles de l’OMC, a installé en Europe une machine à fabriquer de la dette. Nous avons besoin d’une modification radicale de tous les traités, de soumettre la BCE au contrôle politique de la population européenne, une «règle d’or» pour un minimum social, fiscal et environnemental en Europe. Nous avons un urgent besoin d’un changement de paradigme; un retour de la stimulation de la croissance par la stimulation de la demande, via de nouveaux programmes d’investissements européens, une nouvelle réglementation, la taxation et le contrôle des flux internationaux de capitaux et de marchandises; une nouvelle forme de protectionnisme doux et raisonnable dans une Europe indépendante qui serait le protagoniste dans la lutte en faveur d’une planète multipolaire, démocratique, écologique et sociale.

Nous appelons les forces et les individus qui partagent ces idées à s’unir dans un large front d’action européen aussi tôt que possible, à produire un programme de transition européen et à coordonner notre action internationale, de façon à mobiliser les forces du mouvement populaire, à renverser l’actuel équilibre des forces et à vaincre les actuels leaderships historiquement irresponsables de nos pays, de façon à sauver nos populations et nos sociétés avant qu’il ne soit trop tard pour l’Europe. peuples.jpg

Athènes, octobre 2011

Alexis Tsipras

Katia Gerou

John Mylopoulos

Costas Douzinas

Costas Vergopoulos

Theodosis Pelegrinis

Constantinos Tsoukalas

Kyriakos Katzourakis

Dimitris Constantakopoulos

Mikis Theodorakis

Manolis Glezos

Sources:

* Texte original en grec sous http://ecoleft.wordpress.com/2011/10/27/ ou http://www.mikis-crete.gr/diary/news-2011/412-eklisi

* Texte traduit de l’anglais en français (première moitié par R. Joumard le 7 novembre 2011 à partir du texte publié par http://arirusila.wordpress.com/2011/10/11/fw-common-appeal-for-the-rescue-of-the-peoples-of-europe/, et seconde moitié publiée par http://www.cnr-resistance.fr/mikis-thedorakis-et-manolis-glezos-appellent-les-peuples-deurope-a-se-soulever-contre-les-marches-financiers/ et revue par R. Joumard).

HIER À JÉRUSALEM – EST (VIDÉO)

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C’était hier entre Jérusalem et Qalandia

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http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=1MLDEQ00-IA

20 personnes – dont 6 enfants – se retrouvent sans abri

après la démolition de leurs trois maisons

Beit Hanina, Jerusalem


Vous ne pourrez pas dire : »Nous ne savions pas ».


MANIFESTE ALGÉRIEN DE DÉFENSE CONTRE L’IMMIXTION ET L’AGRESSION ÉTRANGÈRES

Ce document parvenu à socialgerie est une analyse claire, nette et opportune. Sans savoir de qui il émane et quels premiers appuis il a recueilli, sa diffusion ne peut être que bénéfique.

Il est important de casser l’élan des forces suspectes qui cherchent à dédouaner l’interventionnisme et les entreprises de division néocoloniales et impérialistes.

Bien sûr, son impact et sa contribution seront fonction des suites aux actions et initiatives sur les multiples terrains.

MANIFESTE ALGÉRIEN DE DÉFENSE CONTRE L’IMMIXTION ET L’AGRESSION ÉTRANGÈRES

Depuis plus de dix ans les USA et les pays occidentaux interfèrent dans les affaires des pays du tiers monde lorsqu’ils ne procèdent pas à des agressions, prétextant se sentir concernés pour défendre nos peuples, de chasser des dictatures, de promouvoir les droits de l’homme ou la démocratie.

Avec ou sans couverture de l’ONU, l’Empire US, ses préfets occidentaux ou ses relais serviles, ces derniers souvent mus par la terreur, portent le fer et le feu dans les régions des pays du tiers monde qu’ils détruisent et pillent en instaurant le chaos.

Au-delà du prétexte d’instaurer la liberté et la démocratie, l’Empire poursuit des objectifs impérialistes de domination et d’asservissement par l’élimination des régimes opposés à son hégémonie ou qui n’obtempèrent pas pleinement à ses diktats.

L’Empire a pour objectif de transformer la planète en satrapies soumises à sa loi et gouvernées par des pays vassaux adoubés. À cette fin, il doit isoler certains foyers dotés de capacités réelles pour s’opposer à lui (Chine, Russie) en formant, entre autres moyens, une ceinture verte, musulmane, autour de ces foyers. Les pays les plus faibles non soumis font les premiers frais (Irak, Libye, Afghanistan, Yougoslavie…) alors que ceux qui tentent d’accéder à un niveau supérieur de résistance font l’objet d’un containment forcené avec recours à la subversion (Syrie, Iran).

Dans cette optique, le Conseil de sécurité, les mesures d’embargo et la Cour Pénale internationale ou les cours de justice créées opportunément sont des instruments de répression privilégiés. Le recours à la guerre contre ces nations est loin d’être exclu en cas d’entêtement des pays à soumettre.

Si, de surcroît le pays qui encourt la colère de l’Empire détient des ressources naturelles importantes et, notamment, du pétrole – matière première susceptible de manquer à moyen délai – son sort est réglé.

Cette politique d’asservissement par l’Empire sert également ses vassaux, notamment l’Europe – en mal de néocolonialisme – et Israël. Celui-ci trouve son compte dans cette politique par l’élimination des régimes arabes ou musulmans opposés au sionisme et à l’occupation de Palestine. Son objectif est de fragmenter le monde arabo-musulman en micro Etats afin de les rendre inopérants contre sa politique de spoliation de la Palestine.

Les pays occidentaux ont une longue histoire de violences dont ils n’arrivent pas à s’affranchir. Ils ont envahi quasiment toutes les régions du monde en recourant souvent jusqu’au génocide (Tasmaniens et Guanches disparus) ou au quasi génocide (Hereros, Caraïbes, Peaux-rouges et autres peuples amérindiens) sans oublier l’esclavage noire par dizaines de millions.

Dans cette lancée, nous, Algériens, préoccupés par cette logique d’hégémonie, n’excluons pas une intervention occidentale contre notre pays sous des prétextes quelconques. Nous disons à l’Occident et à l’Empire, en particulier, que nous ne tolérerons pas une immixtion dans les affaires algériennes quelle qu’en soit la forme, subversion ou guerre. Nous récusons également toute décision des institutions internationales manipulées ayant pour objectif d’empiéter sur la souveraineté du peuple. Celui-ci, fût-il dirigé par un régime politique dit «non démocratique» ou «oppresseur» est souverain pour se libérer par lui-même tout comme ses luttes révolutionnaires en attestent le long de sa glorieuse histoire. Ceci n’est pas un blanc-seing donné au régime qui nous gouverne mais une position de principe qui veut que tout changement politique en Algérie doit être le fait des seuls Algériens.

Nous faisons donc appel, dès maintenant, à toutes les Algériennes, à tous les Algériens pour se mobiliser, s’organiser librement en Algérie et de par le monde en vue de prévenir et de dénoncer toute velléité étrangère susceptible d’entraîner une intervention ou une immixtion devant porter atteinte à notre souveraineté, à notre dignité et à la paix sociale et politique.

Premiers signataires :


Appel diffusé par le “Réseau des démocrates”

ARRESTATION DE MLLE NASSIMA GUETTAL

Nous venons d’apprendre à l’instant l’arrestation par la police de Mlle Nassima GUETTAL, 28 ans, ingénieur en informatique, militante des droits de l’homme et membre fondatrice du Front du Changement National (FCN).

En effet, cette jeune militante des droits de l’homme avait décidé d’observer aujourd’hui à la place du 1er mai, une grève de la faim pour protester contre les atteintes aux droits de l’homme (condamnation arbitraire de Mohamed Baba nadjar, arrestation de Bachir Belharchaoui, kidnapping de Noureddine Belmouhoub, cadres du port d’Alger…).

Alors qu’elle observait cette grève de la faim, elle a été appréhendée par les policiers pour «vérification d’identité » et emmenée au commissariat de la 4e sureté urbaine de la place du 1er mai où elle se trouve actuellement.

Mr Belmouhoub, membre de la cellule des droits de l’homme du FCN s’est immédiatement rendu au dit commissariat pour s’enquérir de la situation.

Les organisations internationales des droits de l’homme viennent d’être informées en vue de lancer une action urgente, tout comme la presse nationale et internationale.

Dr Salah-Eddine SIDHOUM

Alger le 25 novembre 2011. 10h 05


25 novembre 2011. 14h

Après les nombreuses protestations, dans les heures qui ont suivi, Mlle Nassima Guettal vient d’être libérée par la police.

JUSQU’À QUAND LES ACTES D’INTIMIDATION SE SUBSTITUERONT-ILS À LA SOLUTION DÉMOCRATIQUE DES PROBLÈMES CONSIDÉRABLES POSÉS AU PAYS ET VÉCUS PAR LA SOCIÉTÉ?