ABDELHAMID MEHRI NOUS A QUITTÉ

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À l’anonce du décès de cette grande personnalité du mouvement national, Socialgerie s’associe aux condoléances et à l’hommage qui lui a été rendu dans la presse nationale.


Message de condoléances

adressé par Sadek Hadjerès

le 31 janvier 2012

J’ai appris avec émotion le décès de Abdelhamid Mehri, compagnon infatigable de nos luttes nationales, nord-africaines et démocratiques des sept dernières décennies.

Mes condoléances attristées à sa famille et à ses proches, un sentiment partagé avec tous ceux qui ont croisé son itinéraire patriotique et connu ses qualités d’homme politique intègre, ouvert à ses concitoyens et à l’intérêt national.

Il fut une figure respectable et un combattant motivé du mouvement de libération algérien, de l’unité d’action entre peuples nord-africains, de l’intérêt national, des horizons démocratiques et de Paix.

Je garde en mémoire et les évoquerai plus tard, deux ou trois épisodes (en juillet 1953, juin 1981 et avril 1990) à travers lesquels, dans ma relation de militant communiste à lui militant nationaliste, j’ai pu apprécier chez le regretté Si Abdelhamid ces qualités précieuses pour toute nation qui veut se libérer ou se construire dans la coopération de ses composantes, la justice sociale et les droits humains.

D’où ma peine plus grande encore de le voir ravi aux siens et à ses compatriotes à l’heure où la nation et la société algérienne auraient eu besoin de sa contribution clairvoyante, unitaire et de sang-froid face aux lourdes menaces de déchirements et d’agressions multiformes qui pèsent sur la scène interne, régionale et mondiale.

Le meilleur hommage que nous puissions rendre à sa mémoire, au-delà de nos opinions, de nos convergences et divergences respectives, est la réflexion et les échanges que son parcours et ses positions auront suscités.

Honneur et respect à Si Abelhamid !


HOMMAGE À UN GRAND FREREpar K. SELIM – le 31 JANVIER 2012 – Le Quotidien d’Oran.


[DÉCÈS DE ABDELHAMID MEHRIL’INFATIGABLE MILITANT
– par Nadjia Bouaricha – le 31.01.12 – “El Watan”->#2]


“Ce cher frère…”Salima Ghezali – le Mardi 31 Janvier 2012 – “La Nation”



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HOMMAGE À UN GRAND FRERE

par K. SELIM

31 JANVIER 2012

Le Quotidien d’Oran.

Abdelhamid Mehri s’est éteint hier à l’hôpital Aïn Naâdja à Alger. On n’entendra donc plus la voix calme et posée d’un homme qui ne s’est jamais tu devant ce qu’il considérait injuste et inacceptable.

Homme de raison et de modération, Abdelhamid Mehri est l’incarnation de l’abnégation militante au service de la Nation algérienne.

Depuis ses premières armes et ses années de formation à la lutte révolutionnaire, jusqu’à ses années dangereuses mais exaltantes de militant du PPA. Des heures les plus sombres de la division de ce parti à la constitution du GPRA, dont il fut membre influent.

Il a assumé à l’indépendance diverses fonctions: directeur de l’Ecole normale de Bouzaréah, secrétaire général du ministère de l’Education, ambassadeur, à Rabat et Paris notamment, et secrétaire général du FLN.

Cet homme, sincère, modeste et plein d’humour, ne se confiait pas spontanément mais, avec un sourire bonhomme et les yeux pétillants d’intelligence, il avouait volontiers que son passage à la tête de l’Ecole normale représentait la période la plus gratifiante de son parcours professionnel. Il avait repris du service politique actif après la rupture d’Octobre 1988.

Abdelhamid Mehri était déjà convaincu que seules les libertés démocratiques inscrites dans l’appel du Premier Novembre pouvaient permettre de dépasser la crise traversée par le pays. Toute son action à la tête du FLN visait à réhabiliter le vieux parti et à jeter les bases d’un contrat politique renouvelé. Il avait été évincé de son poste de secrétaire général du FLN à la suite d’une grossière manœuvre d’appareil, mais il restait irrésistiblement un militant du parti dont il conservait intact l’esprit du Premier Novembre 1954.

Abdelhamid Mehri souffrait de voir le pays s’enfoncer dans une crise à la dimension tragique et n’avait de cesse de trouver des issues, des compromis et des moyens de conciliation pour dépasser la haine et la division. Pour lui, la paix civile et le progrès ne pouvaient se concevoir en dehors de la démocratie et du droit. Cela lui avait valu d’être cloué au pilori et d’être l’objet d’accusations grotesques et d’une mesquine campagne de dénigrement. Mais l’homme était serein et cuirassé: il considérait ces attaques avec une indifférence souriante et répliquait à ses détracteurs en utilisant l’humour, une de ses armes de prédilection.

Ecouter Abdelhamid Mehri était un plaisir, tant la rigueur intellectuelle, l’immense culture et la mémoire nourrissaient une analyse tout en finesse et retenue. Inlassable combattant pour la démocratie, l’homme ne se départait jamais d’une courtoisie exemplaire qui ne cachait pas son caractère inflexible s’agissant du respect des principes de justice, d’équité et de raison.

L’Algérie perd un de ses grands hommes assurément. Un homme qui était au contact des jeunes et de la modernité. Cheikh Abdelhamid n’aimait rien tant que ses rencontres avec les étudiants et, sans jamais montrer le moindre paternalisme, en vrai pédagogue, il échangeait avec chaleur.

En ces temps d’incertitudes et de basculements, le vieux militant gardait toute sa lucidité et son sang-froid.

Malgré les tempêtes et les drames, Abdelhamid Mehri était toujours positif et plein d’espoir. Il ne manquait jamais d’exprimer son optimisme pour des lendemains meilleurs, il avait confiance en la jeunesse de ce pays et en sa capacité à réaliser l’idéal démocratique pour l’Algérie au sein d’un Grand Maghreb des libertés et du progrès.

Abdelhamid Mehri a vécu dans l’honneur et il est mort dans la dignité.

À sa famille et ses proches, nous présentons nos sincères condoléances.

Que Dieu l’accueille dans Son Vaste Paradis.

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DÉCÈS DE ABDELHAMID MEHRI

L’INFATIGABLE MILITANT

le 31.01.12

par Nadjia Bouaricha

El Watan

C’est sous le ciel de l’Algérie qu’il aimait tant que Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du Front de libération nationale et homme politique de grande envergure, a rendu son dernier souffle.

Décédé à l’âge de 86 ans à l’hôpital Aïn Naâdja, à Alger, où il avait été admis il y a quelques semaines, l’homme politique, dont l’engagement n’a pas souffert l’ombre d’une lassitude, n’assistera pas à l’édification de cette Algérie libre et démocratique qu’il appelait de tous ses vœux.

Il y a 50 ans, il vit l’Algérie arracher son indépendance, fruit d’un combat auquel il avait participé, mais il ne verra pas le résultat de son autre combat pour la libération du peuple. Il aura tout de même eu la satisfaction méritée d’avoir apporté sa contribution, et pas des moindres, à cette lutte aux âpres allures et aux nobles visées qu’est la démocratie. Avec son allure et sa prestance de grand homme, son immense sagesse, son sens élevé de la mesure et son intégrité, Abdelhamid Mehri faisait partie de ces rares hommes politiques qui forcent le respect à la fois de ses amis et de ses détracteurs. Jusqu’à son dernier souffle, cet homme d’Etat, qui eut à assumer de hautes fonctions, ne s’est pas senti obligé de quelque faveur que ce soit envers un système politique qu’il n’a pas cessé d’appeler à la raison. D’ambassadeur dans les années 1980 (notamment à Paris de 1984 à 1988), puis secrétaire général du FLN, Abdelhamid Mehri a repris son bâton de militant avec l’ouverture du champ politique.

Si la révolte battait son plein dans les rues d’Alger en octobre 1988,
Abdelhamid Mehri fit sa révolution au sein de l’appareil d’Etat qu’est le FLN.
Il mit un point d’honneur à l’arracher des mains du pouvoir et lui donner la vocation d’un parti autonome. Il s’opposa, en 1992, à l’arrêt du processus électoral et opta, au même titre que le Front des forces socialistes, pour un deuxième tour aux législatives. Ce fut son premier affront aux décideurs. En 1995, il participait, au nom du FLN, à la réunion de Sant’Egidio pour la signature du contrat national portant sortie politique de la crise, à laquelle prirent part le FFS, la Ligue des droits de l’homme, le PT et des représentants du FIS. Un autre affront qui lui valut un «coup d’Etat scientifique» au sein de son parti, en 1996. «Notre parti doit s’ouvrir sur les partis signataires du contrat national, car il s’agit de la vraie voie vers la réconciliation. Je suis conscient que les convictions divergent, mais la situation du pays nous y oblige. La situation sécuritaire ne s’est pas améliorée, la situation socioéconomique a atteint un seuil de gravité. La manière avec laquelle on répond à ces questions pousse à l’inquiétude. Il faut un contrat national pour régler tous ces problèmes, sinon rien ne sera possible», disait-il face aux membres du comité central du FLN en 1996.

Abdelhamid Mehri avait proposé que le FLN agisse en parti responsable et autonome et non en appareil d’Etat. Il avait plaidé pour la constitution d’un gouvernement ayant la faveur de toutes les forces politiques et qui aurait pour mission «l’arrêt de l’effusion de sang, l’ouverture d’un dialogue avec les partenaires sociaux, renégocier les accords avec le FMI sur certains aspects, garantir les libertés constitutionnelles aux citoyens et organiser des élections législatives et locales libres, puis se dissoudre», disait-il aux membres du CC du FLN. Abdelhamid Mehri militait pour que le FLN soit libre. «Le président de la République est un candidat indépendant, le FLN n’a pas à lui offrir une majorité ou un quelconque soutien et le parti est libre de ne pas être d’accord avec son programme», disait-il en 1996. Une phrase qu’on ne pourrait entendre au FLN d’aujourd’hui. Ceci lui valut d’être victime d’un coup d’Etat au sein de son parti. Un coup qui ne lui fit pourtant pas courber l’échine. Il ne déserta pas la scène politique et continua de porter haut sa voix. Il profitait du peu de tribunes qui lui étaient offertes pour participer au débat, à la réflexion et au projet d’une solution politique concertée pour sortir le pays de son marasme. C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il avait été signataire, aux côtés de Hocine Aït Ahmed et de Mouloud Hamrouche, en 2007, de «l’initiative politique de sortie de crise».

Sa dernière salve pour le changement en Algérie a pris la forme d’une lettre au président de la République, en février 2011, dans laquelle il exprimait encore une fois avec lucidité et outrecuidance sa vision d’un changement réel pour sortir de la démocratie de pure forme.

Abdelhamid Mehri quitte ce monde la conscience apaisée d’avoir accompli son devoir, d’avoir dit vrai, de ne pas avoir déserté le terrain de la lutte et ce, jusqu’à la fin. Au confort de la résignation, il avait choisi la résistance. Aux décorations de la compromission, il avait choisi la reconnaissance des justes. Grand il vécut, grand il s’en va.

Nadjia Bouaricha

Sources: El Watan du 31 janvier 2012

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Ce cher frère…

Salima Ghezali

Mardi 31 Janvier 2012

Il aura consacré beaucoup de son temps à écrire. S’inscrivant dans une tradition épistolaire, face à la fermeture de l’espace public et à l’absence de dialogue, il ne renonce pas, pour autant, à faire entendre un avis contraire. Les mots, chez Abdelhamid MEHRI, ne sont pas interchangeables. Quand il écrit « cher frère » à un compatriote avec lequel il est en désaccord sur des choix décisifs, il le fait avec conviction. Dans l’esprit de cette culture particulière que l’on retrouve chez beaucoup de militants et de lettrés du mouvement national. Une culture forgée dans la lutte politique contre le colonialisme. La fraternité, à laquelle il est fait référence, n’est pas seulement de proximité, mais de revendication. Ce «frère»-là revendique bien plus qu’il ne se rapproche. Revendication-affirmation-proclamation d’une fraternité des hommes qu’aucun système, – aussi abominable soit-il -, ne peut réduire. N’a le droit de réduire. Ce «cher frère» sous la plume de Mehri est une leçon d’histoire, de politique et de philosophie.

La qualité de « frères » en humanité (et de combat) a constitué le socle de dignité irréductible pour des êtres, les Algériens, qu’un ordre colonial, basé sur une domination raciste implacable, a niés précisément en leur humanité. Musulman -humaniste-militant, et, par-dessus tout Algérien, quand il dit frère autant que quand il dit camarade, sans rien céder aux enfermements idéologiques. Et sans rien céder de ses combats politiques. Aux frères, comme aux camarades et aux compatriotes, Abdelhamid MEHRI a parlé la langue d’un homme, pour qui, la radicalité réside dans la profondeur d’une réflexion et d’un engagement, dans l’intégrité d’une démarche, dans la constance des convictions et dans la pleine conscience de leur perfectibilité. En plus de soixante ans d’engagement en faveur d’une Algérie qu’il aura voulue libre, forte, juste, démocratique, apaisée, MEHRI ne l’a projetée que fraternelle.

Quand il écrit « cher frère » à Chadli, à Zeroual ou à Bouteflika, il signifie ce qu’il écrit. Le « frère » n’est ni de convention, ni de pur protocole. Il est de rappel.

La courtoisie chez Mehri n’intervient pas au moment où il écrit «cher frère» à un homme à qui sa missive explique qu’il est en désaccord fondamental avec sa démarche politique. C’est, peut-être même, ce «cher frère» qui porte en son sein le reproche le plus implacable. Car la fraternité en question est celle des hommes qui se sont élevés contre la domination et l’injustice. Et qui ne sauraient s’accommoder de ces maux sans se renier. Pour la génération de MEHRI, se sont proclamés «frères», des hommes qui se sont révoltés contre la négation de leurs droits et libertés. Des hommes qui n’avaient souvent en commun que cette fraternité des opprimés à opposer à la violence coloniale. Frères contre l’arbitraire et le déni. Contre l’exclusion. Ce mot que MEHRI a bien dû prononcer et écrire, des milliers de fois, pour en dénoncer la pratique durant les vingt dernières années.

La courtoisie chez MEHRI aura consisté en ce qu’il offre la possibilité, au lecteur, de comprendre, de lui-même, que ce «cher frère » n’implique pas de gommer les différences et les contentieux, comme l’habitude en a été prise, mais, au contraire, oblige à les traiter politiquement. Puisqu’à la base de cette fraternité algérienne se tient l’engagement politique qui rendit possible la libération de l’Algérie et des Algériens, sans lesquels aucun honneur n’aurait été possible.

Ce « cher frère », comme tout ce que nous a laissé Abdelhamid MEHRI, est une leçon d’humanité et de politique. Quand un géant s’en va, il nous reste à méditer sur la grandeur. Et à nous en inspirer.

Sources: “La Nation” – édito du du 31 janvier 2012

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TENSIONS GLOBALES ET ALTERMONDIALISME

Par Christophe Ventura

30 janvier 2012

Huit Forums sociaux mondiaux (FSM), un Forum polycentrique (c’est-à-dire organisé dans plusieurs pays de différentes régions du monde dans la même période), une «Journée globale d’actions», une «Année globale d’actions»[[FSM : Porto Alegre/Brésil (2001, 2002, 2003, 2005), Bombay/Inde (2004), Nairobi/Kenya (2007), Belém/Brésil (2009), Dakar/Sénégal (2011) ; Forum polycentrique (2006) : Bamako (Mali)/Caracas (Venezuela)/Karachi (Pakistan) ; Journée mondiale d’actions (26 janvier 2008), Année globale d’actions (2010).]] et un Forum social thématique[[Il s’agit de l’événement du processus du FSM de l’année 2012 qui s’est tenu à Porto Alegre du 24 au 29 janvier. Il s’agissait d’un Forum social thématique et régional intitulé «Crise capitaliste – Justice sociale et environnementale».]] ont accompagné une décennie tumultueuse qui a propulsé le monde dans une période de forte instabilité géoéconomique et géopolitique.

1.- Bref retour sur dix ans d’évolution radicale

L’année 2001 fut marquée par trois événements de nature géopolitique, économique et citoyenne. Chacun, dans sa dimension, allait significativement contribuer à façonner le cycle décennal.

Sur le plan géopolitique, les meurtrières attaques terroristes d’Al-Qaida contre le “World Trade Center” de New-Yorkallaient déchaîner les apôtres du «choc des civilisations», enivrer de rêves impériaux globaux les faucons néoconservateurs de George Bush et projeter le monde dans une période d’impasses guerrières (Afghanistan, Irak).

Dans le même temps, l’instrumentalisation du terrorisme par les Etats allait offrir aux gouvernements l’opportunité de développer comme jamais des politiques sécuritaires et de criminalisation de la contestation sociale dans leurs sociétés[[La répression brutale des mobilisations populaires contre le G 8 de Gênes en 2001 par le gouvernement de Silvio Berlusconi en restera le symbole. Celle-ci coûtera la vie du militant altermondialiste Carlo Giuliani.]].

Sur le plan économique, l’entrée de la Chine au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) allait confirmer l’irrésistible ascension de l’Empire du milieu dans le système-monde et, au-delà, celle de ceux que l’on nommerait bientôt les «BRICS» (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) dans la compétition économique et interétatique mondiale.

Enfin, s’agissant de la résistance sociale et citoyenne au capitalisme, la naissance du FSM à Porto Alegre (Brésil), en plein coeur de la dynamique victorieuse des luttes sociales et politiques latino-américaines engagée depuis la seconde moitié des années 1990, allait confirmer, à peine plus de dix ans après l’effondrement du communisme d’Etat, la montée en puissance et l’inscription dans la durée d’un «mouvement de mouvements» à dimension internationale.

Composé d’associations, d’ONG, de syndicats, de mouvements sociaux (antiguerre, sans droits, mouvements paysans, étudiants, de femmes, de migrants, etc.), le mouvement altermondialiste allait peu à peu s’affirmer comme un nouveau sujet politico-social pluriel porteur de propositions de réformes radicales du système économique et de ses institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OMC, Union européenne, etc.).

Depuis, ce mouvement a été capable d’organiser régulièrement sa présence dans l’arène internationale – avec une moindre visibilité grand public cependant ces dernières années et certaines limites comme nous le verrons – à travers les événements du processus FSM ou lors des rencontres de l’agenda international des dominants (G8/G20, Sommets des Nations unies, Sommets européens, etc.).

2.- 2011-2012 : un monde en transition

Sur le plan de l’actualité géopolitique, 2011 s’est révélée constituer une année majeure. La puissance impériale étasunienne a réussi à décapiter Al-Qaida, mais contrairement à ce qu’imaginaient les faucons de Washington, elle est aussi entrée dans une longue et inéluctable phase de déclin relatif de son hégémonie. Et ce alors que ses armées, officiellement retirées d’Irak, sont toujours significativement présentes en Afghanistan.

La catastrophe de “Fukushima” et le «printemps arabe» constituent deux événements cardinaux. Sur le plan géopolitique, le dernier est certainement le plus important depuis la chute du mur de Berlin. Dans ce mouvement tectonique des sociétés arabo-musulmanes qui dégage une puissante énergie de demande démocratique, les positions «djihadistes» se révèlent marginalisées dans le cadre d’une montée générale de l’islamisme politique et social.

La situation libyenne a divisé le mouvement progressiste mondial sur la question de savoir s’il fallait intervenir ou pas (notamment la gauche européenne et latino-américaine). Elle a également mis en lumière l’échec de l’ONU piégée dans une nouvelle guerre de l’OTAN. Cette dernière a révélé, par ailleurs, les dissensions et les errements stratégiques au sein de l’Alliance, ainsi que les limites physiques de ses capacités militaires.

Sur le plan géoéconomique, la Chine s’est solidement arrimée à sa place de seconde puissance en se déployant de manière inédite dans son histoire dans le commerce international. Les BRICS – qui représentent 40 % de la population mondiale, près de 20 % du PIB mondial et 30 % de la superficie terrestre – s’imposent ainsi sur la scène économique et, peu à peu, géopolitique. Tout indique que leur montée en puissance ne s’accompagne pas d’une remise en cause du capitalisme mondialisé et du néolibéralisme. Les BRICS se positionnent en tant que compétiteurs dans la lutte concurrentielle face aux puissances traditionnelles du centre du capitalisme.

Aujourd’hui, il existe du Nord au Sud et du Sud au Nord. Le monde se divise de plus en plus entre ceux qui profitent des mécanismes du capitalisme mondialisé et ceux qui en pâtissent, au Nord comme au Sud. Conséquence nouvelle de ce mouvement, la conflictualité sociale dans le monde du travail augmente (grèves, revendications salariales et syndicales, etc.) dans tous les pays du « Grand Sud » fournisseurs de main d’œuvre pour les besoins de la production mondiale. On peut raisonnablement penser que cette conflictualité débouchera, à terme, sur l’émergence de puissants mouvements sociaux capables de perturber les équilibres capitalistes en place et d’affecter la profitabilité des capitaux investis aussi bien par les acteurs locaux qu’étrangers. Cette incubation préparerait alors l’avènement d’un possible deuxième âge de l’intensification, au niveau international, de la lutte contre le capitalisme mondialisé.

Ainsi, le monde assiste au déplacement progressif du centre de gravité de l’économie internationale vers l’Asie du Sud-Est et de nouveaux pôles au Sud (Amérique du Sud et Afrique). Ce mouvement structurel s’effectue alors que le capitalisme mondialisé s’enfonce dans sa crise systémique (tout à la fois financière, économique, sociale, alimentaire, énergétique, environnementale, géopolitique). Et ce, notamment depuis sa phase financière de 2008 qui touche de plein fouet les économies du centre du capitalisme (notamment européennes) qui concentrent les principaux acteurs, places et flux financiers.

Dans ce contexte, aucun signe tangible n’indique une volonté de modifier le cours destructeur et insoutenable de ce système au sein des élites décisionnaires. Les gouvernements et les médias à leur botte, les dirigeants et « experts » des institutions financières internationales, les membres de l’oligarchie mondiale (opérateurs financiers, hyper-riches, etc.) n’ont aucune intention de remettre en cause un système d’exploitation qui leur procure encore l’abondance. Ils ont décidé de faire payer les peuples pour leur crise à travers l’imposition d’une austérité généralisée qui, elle-même, précipite à son tour le monde dans un nouveau cycle économique récessionniste aux lourdes conséquences sociales.

En Europe, face à la dégradation de la situation, d’importants mouvements sociaux – notamment celui des « Indignés » – se déploient dans certains pays (Espagne, Grèce). Ces derniers existent également, mais de manière moins massive, en France, en Italie, dans les pays d’Europe centrale et orientale, les Balkans, etc. [[Le mouvement des «Indignés» trouve également des formes d’expression dans d’autres pays : Chili, Israël, Russie, Sénégal, etc. Il organisera une journée mondiale d’actions le 12 mai.]]

À leur tête, les jeunesses précarisées et les salariés luttent contre l’imposition d’injustes plans d’austérité et condamnent l’épuisement des formes actuelles de la démocratie représentative et des systèmes politiques bipolarisés. Dans le cas des «Indignés», ils réclament une «Démocratie réelle».

L’année 2011 a également vu le développement remarquable du mouvement “Occupy Wall Street” aux Etats-Unis et l’émergence – confirmée en 2012 – des collectifs “Anonymous” qui investissent la Toile (et les rues) pour y mener des cyber-mobilisations (parfois spectaculaires contre les sites des Etats ou d’entreprises) pour la défense et la promotion d’un Internet libre et affranchi de la captation marchande.

La question de l’articulation et des formes d’alliances entre ces mouvements et les autres acteurs des luttes sociales reste ouverte tandis que beaucoup d’entre eux affichent la plus grande méfiance vis-à-vis des organisations traditionnelles (partis, syndicats).

Enfin, en Amérique latine – seule faille significative dans l’hégémonie néolibérale au cours de la décennie précédente -, le destin continental reste conduit par une majorité de gouvernements progressistes dans le contexte de difficultés économiques significatives et d’une forte contre-offensive des droites.

Ces gouvernements se sont appuyés sur des articulations originales entre mouvements sociaux et forces politiques dans leur phase de conquête de pouvoir et de mise en place de politiques de rupture avec les dogmes néolibéraux. Ils affichent aujourd’hui une combinaison d’acquis irréversibles et de contradictions [[Lire Valter Pomar, «Amérique latine: la gauche au gouvernement», Utopie critique (n°52, 4ème trimestre 2010). Cette remarquable analyse est proposée par Valter Pomar, membre de la direction nationale du Parti des travailleurs (PT) au Brésil et secrétaire exécutif du Forum de Sao Paulo.]] et doivent faire face, dans certains pays, à l’expression d’une nouvelle contestation de la part de certains mouvements sociaux (indigènes et paysans notamment) qui leur reprochent certains choix en matière de politiques de développement (extractivisme, agro-industrie) [[Lire Christophe Ventura, « Brève histoire contemporaine des mouvements sociaux en Amérique latine » (http://www.medelu.org/Breve-histoire-contemporaine-des)]].

3.- Quid du FSM et du mouvement altermondialiste ?

Il faut revenir à l’édition 2011 du FSM (le Forum social thématique 2012 de Porto Alegre s’inscrivant dans une dynamique continentale [[L’événement a néanmoins vu l’organisation de 600 activités autogérées, la proposition, faite par l’Assemblée des mouvements sociaux qui s’y est déroulée, d’organiser un Sommet des peuples pour la justice sociale et environnementale avant la tenue de la Conférence des Nations-unies Rio+20 sur le développement et une journée de mobilisations internationales contre la capitalisme le 5 juin 2012.]]) pour tenter de discuter l’état du mouvement altermondialiste dans son ensemble.

Le 9ème FSM s’est tenu à Dakar du 6 au 11 février 2011.

En tant qu’événement international, il a rencontré un indéniable succès quantitatif après une année d’actions 2010 qui s’est traduite par l’organisation de 55 événements liés au processus altermondialiste des FSM [Pour un bilan complet de cette «Année globale d’actions», lire Gustave Massiah, «Rapport préliminaire sur l’année globale d’actions 2010» ([http://www.forumsocialmundial.org.br/noticias_01.php?cd_news=3023&cd_language=) À ces événements, il convient d’ajouter ceux, nombreux, qui se sont déroulés au niveau local et qui témoignent de l’ensemble de la dynamique des Forums sociaux. Pour disposer d’une vue globale, lire Gustave Massiah, “Une stratégie altermondialiste”, la Découverte, Paris, 2011.]]. Et ce, dans 28 pays (avec une forte dynamique dans les pays latino-américains et dans la région Maghreb-Machrek).

Entre 60 et 100 000 participants venus de tous les continents – avec une forte participation africaine – et 70 000 manifestants lors de la marche d’ouverture ont participé. Des centaines de séminaires, d’ateliers autogérés, de rencontres de réseaux thématiques (eau, migration, démocratie, agriculture, etc.) et de stratégie de convergences pour la construction de campagnes internationales (préparation des mobilisations contre le G8/G20, de la Conférence des Nations unies Rio+20 consacrée au développement en 2012, etc.) se sont déroulés malgré un important chaos organisationnel. Celui-ci a jeté une lumière crue sur les limites des vertus de «l’auto-organisation laissée à elle-même» dans les Forums.

Dans ce cadre, tout comme dans celui du marché, il n’existe pas de «main invisible» autorégulatrice. L’auto-organisation intégrale bénéficie avant tout aux organisations et réseaux dont le «capital Forum» (participation régulière, ressources financières et politiques suffisantes, poids institutionnel, etc.) est important et produit des phénomènes d’inégalité d’accès aux ressources offertes par l’événement (salles, horaires, utilisation des structures, conditions d’accueil, visibilité médiatique, etc.).

Cette tendance à la captation des ressources du FSM par les grosses organisations et les «habitués» du mouvement s’est trouvée renforcée à Dakar, produisant des tensions importantes les premiers jours de l’événement et lors des réunions de bilan entre organisations et réseaux parties prenantes du processus.

3.1- Un Forum acteur des luttes actuelles ?

Ce Forum s’est tenu dans un contexte singulier. Il a commencé avec la chute de Zine El Abidine Ben Ali en Tunisie et s’est conclu le jour de celle de Hosni Moubarak en Egypte. Mais alors que le premier FSM de Porto Alegre et les éditions suivantes étaient directement portés par les acteurs des luttes latino-américaines en cours (ou indiennes en 2004), celui de Dakar fut largement spectateur du «printemps arabe». La présence de quelques organisations et personnalités ayant participé à ces événements n’éclipse pas le fait que la plupart des acteurs progressistes majeurs des révoltes arabes n’est pas liée au processus des Forums.

On peut toutefois nuancer le propos en avançant le fait que le développement de Forums sociaux locaux, nationaux et régionaux depuis quelques années (notamment du Forum social Maghreb/Machrek dont la prochaine édition devrait se tenir en mars 2012) et la diffusion de la critique intellectuelle de la mondialisation néolibérale ont pu imprégner la dynamique arabe.

Sur ce point, les avis diffèrent au sein du FSM. Et Immanuel Wallerstein de résumer: «Le FSM eut des débats où il s’interrogea sur sa pertinence au regard de soulèvements, dans le monde arabe et ailleurs, entrepris par des personnes qui n’avaient probablement jamais entendu parler du FSM. Les réponses données par l’assistance reflétaient les lignes de division traditionnelles dans ses rangs. Il y avait ceux qui estimaient que dix ans de réunions du FSM avaient significativement contribué à la remise en cause de la légitimité de la mondialisation néolibérale et que ce message s’était diffusé partout. Et il y avait ceux pour qui les soulèvements montraient que la politique de la transformation se passe ailleurs qu’au FSM.»[Immanuel Wallerstein, [«Forum social mondial, Egypte et transformation». (http://www.medelu.org/spip.php?article735).]]

Pour Fathi Chamkhi, porte-parole du Raid/Attac Tunisie, l’analyse est la suivante: «Une révolution vient d’avoir lieu en Tunisie. En soi, c’est une chose historiquement importante. Ce qui donne plus d’importance à cette révolution, c’est le fait qu’elle a enflammé un secteur entier de la révolution mondiale, ou bien une région du nouvel ordre capitaliste mondial, qui est la région arabe.

En Tunisie, nous luttions depuis des années contre la mondialisation néolibérale. Nous nous sommes, dès le début, engagés dans le mouvement altermondialiste naissant en créant Attac Tunisie en 1999. Nous étions présents aux rencontres internationales d’Attac à Saint Denis, en juin 1999.

Nous étions parmi les premiers à organiser un contre sommet que nous avions appelé «l’Autre sommet» en novembre 2000 à Marseille pour dire notre opposition au partenariat euro-méditerranée. L’Autre sommet a été en quelques sortes l’ancêtre des Forums sociaux.

Ensuite, nous avons lancé la dynamique d’un Forum social tunisien, qui a bien fonctionné jusqu’à ce que la dictature, aidée en cela par la direction bureaucratique de l’UGTT (syndicat ouvrier), ne réussisse à l’étouffer.

Jamais, au cours de toutes ces luttes, nous n’avions réussi à soulever un quelconque intérêt de la part des réseaux sociaux actifs dans le FSM. Encore moins, un soutien. C’est vrai que nous étions assez faibles en tant que mouvement social.

Cette révolution est en quelque sorte notre revanche! Nous sommes tellement fiers d’avoir démontré qu’un petit peuple peut faire de grandes choses!». [Entretien publié le 13 mars 2011 dans le cadre du dossier de Mémoire des luttes intitulé [«De l’impact des révolutions arabes dans le monde et sur les forces de transformation sociale» (http://www.medelu.org/spip.php?article766).]]

L’événement géopolitique majeur constitué par le « printemps arabe » – dont la dynamique va s’inscrire dans un temps long avec des avancées, des reculs et des offensives contre-révolutionnaires – pourrait amener le prochain FSM de 2013 à se tenir dans la région, en Egypte ou en Tunisie.

Comment ce processus du FSM peut-il contribuer au renforcement du nouveau cycle de luttes? Dans le même temps, comment ce dernier peut-il lui-même s’inscrire dans le développement des luttes internationales pour la transformation démocratique, économique, écologique et sociale? Du point de vue du processus du FSM, la première réponse doit être de se solidariser concrètement avec ces dynamiques à défaut d’avoir pu les impulser ou y jouer un rôle direct. De la sorte, ce sont ces dernières qui pourront peut être renforcer le processus du FSM dont la centralité opérationnelle est relativisée dans la phase actuelle. Celui-ci pourrait-il faciliter la rencontre et la convergence, au niveau international, entre les nouveaux processus en cours ? Il est trop tôt pour le savoir mais cette question sera un des enjeux des réflexions sur le devenir du FSM [Pour disposer d’éléments supplémentaires sur cette question, lire, en anglais, Giuseppe Caruso, [«The “miracles” of the Arab Revolution: Notes from the World Social Forum International Council meeting, Paris May 2011» (Les miracles de la Révolution arabe: notes issues du Conseil international du Forum social mondial, Paris, mai 2011). Giuseppe Caruso est chercheur et membre du Network Institute for global Democratization.]].

3.2 – Entre «événement» et construction d’un rapport de forces durable, quelle stratégie et quel projet?

Ces dernières années, de salutaires débats traversent le processus du FSM et le mouvement altermondialiste sur leur rapport et leur articulation avec les forces politiques et les gouvernements progressistes engagés contre le néolibéralisme et l’impérialisme (ce que nous avons appelé le post-altermondialisme) [Sur ce sujet, lire Christophe Ventura, «De nouvelles orientations stratégiques pour les Forums sociaux?» publié sur le[ site de Mémoire des luttes (http://www.medelu.org/spip.php?article444) et dans la revue Transform! (n°6, juin 2010). Egalement, les actes du colloque international « Vers un socialisme du XXIe siècle. Altermondialisme et post-altermondialisme » organisé le 26 janvier 2008 lors de la Journée mondiale d’actions (http://www.medelu.org/spip.php?article18)]]. Désormais, ils devront prendre en compte l’émergence d’une nouvelle composante de mouvements démocratiques « non organisés auto-organisés » qui se révèlent dans la séquence historique actuelle. Ces derniers sont caractérisés par le fait qu’il n’y a ni partis, ni leaders, ni organisations de masse au cœur des processus. Cette « marque » politico-organisationnelle trouve son prolongement dans une défiance assumée et théorisée à l’égard des partis politiques (parfois des structures syndicales) et, au-delà, de toutes les formes d’ « organisations traditionnelles ».

Si ces mouvements sont peu ou pas présents dans le processus du FSM, ils en intègrent pourtant une partie de la culture, des pratiques et des revendications dans leurs formes de mobilisation et leurs revendications (organisation en réseau, horizontalité des modes de décision, recherche de la plus grande diversité, autogestion, exigence d’une démocratie refondée, dénonciation de la dictature des marchés, etc.).

Le FSM de Dakar a confirmé les acquis et les limites des Forums et du mouvement altermondialiste. Le FSM, qui ne résume pas le mouvement altermondialiste, est un processus unique de débats, de maillage et de construction d’alliances pour des mouvements sociaux et citoyens issus du monde entier (du moins pour ceux qui y participent). Il offre le récit dynamique et en permanence actualisé d’une chronique vivante des méfaits du capitalisme sur l’ensemble des territoires mondiaux. Lors de sa dernière édition, il a par exemple permis d’identifier la question de l’accaparement des terres par les Etats (notamment du Sud) et les investisseurs privés comme phénomène structurant de l’espace mondialisé.

En une décennie, il a réussi à imposer une contradiction idéologique – à défaut de politique [[En effet, une limite que s’impose le FSM – et qui en réalité est inhérente à son mode d’organisation et de fonctionnement – est qu’il ne peut déboucher, en tant que tel, sur l’élaboration d’un projet politique.]] – au néolibéralisme et a significativement participé à délégitimer ce dernier auprès des opinions publiques. Dans une première étape (2001-2006), il a fourni aux syndicats, partis, associations, ONG, etc., une nouvelle matrice intellectuelle pour décrypter l’évolution de la mondialisation néolibérale. Dans un second temps (2006-2009), il a donné la possibilité à tous ces acteurs de construire de nouvelles formes d’internationalisme – thématiques et/ou sectorielles – par la constitution de réseaux qui développent désormais leur propre agenda.

De ce fait, ce processus a peu à peu, et paradoxalement, engendré une autonomisation progressive de ses acteurs – ou un relâchement de la centralité du lien entre ces acteurs et le Forum -. De nouveaux réseaux internationaux, dans le champ syndical, des partis ou des associations, se sont peu à peu créés ou consolidés au cours de ces dernières années : Forum de Sao Paulo, Confédération syndicale internationale, Forum mondial des alternatives, “Climate Justice Now”, plateformes thématiques d’ONG, etc. Et ce, notamment, grâce à leur passage ou leur immersion dans le FSM.

En ce sens, le processus du FSM a déjà rempli une partie de son rôle historique. Néanmoins, et malgré une accumulation significative de mouvements sociaux et citoyens depuis dix ans dans sa dynamique – surtout en Amérique latine et en Europe – et l’affirmation de valeurs et d’objectifs universels, le FSM et le mouvement altermondialiste ne mobilisent pas suffisamment de forces pour imposer, directement dans l’espace international et de manière durable, un réel rapport de force au capital.

Dans cet espace international où il est en concurrence avec les institutions du capitalisme, les marchés et les multinationales, le mouvement altermondialiste est limité par son poids. Les niveaux local et national, en résonance avec l’échelle régionale, restent, à cette étape de la phase de mondialisation financière, les plus opérationnels pour accumuler et convoquer ponctuellement, autour d’objectifs ciblés et sectoriels, des forces diverses, ancrées dans un terrain social et environnemental, et construire des fronts d’alliances temporaires [[Comme l’ont montré les mobilisations contre l’invasion de l’Irak en 2003, pour le référendum de 2005 contre le Traité constitutionnel européen en France ou au Pays-Bas, celles contre le projet de «réforme» des retraites en France en 2010 ou les révoltes arabes et les «Indignés» européens en 2011.]].

Pour leur part, les conditions socio-économiques générales dans lesquelles évolue ce mouvement, en particulier en Europe, sont caractérisées par une transformation majeure du régime économique (passage du capitalisme industriel au capitalisme financier) depuis trois décennies qui se traduit par l’affaiblissement relatif et progressif de la classe ouvrière traditionnelle et manuelle ; une crise des perspectives historiques du mouvement ouvrier ; un environnement dégradé du rapport capital/travail ; une flexibilisation du marché du travail qui produit le développement de nouveaux groupes sociaux (un prolétariat des services) structurés par le chômage, la précarité, l’intermittence dans l’accès au travail, l’individualisation des parcours, etc. Ces derniers, principalement des jeunes, des femmes et des immigrés, sont par définition moins socialisés dans des espaces de luttes durables, organisés et conscientisés [Sur l’impact de l’ensemble de ces éléments sur la situation en Europe, lire Christophe Ventura, «Limites et perspectives d’un mouvement social à l’échelle européenne», Utopie critique (n°52, 4ème trimestre 2010). Egalement disponible sur le site de [Mémoire des luttes (http://www.medelu.org/spip.php?article689).]]. Ce sont dans les interstices de ces grandes tendances que se développent les luttes actuelles.

Dans ses formes socioculturelles, le mouvement altermondialiste est en partie à l’image des rapports sociaux engendrés par le capitalisme mondialisé. Très différent de ce qu’a pu être le mouvement ouvrier, même s’il en prolonge en quelque sorte les combats, il est, lui, un mouvement de mouvements divers et sectoriel, sans idéologie dominante en son sein. Liés autour d’objectifs et de «moments » communs, les mouvements qui le composent ne s’organisent pas dans une temporalité et avec une coordination permanentes.

L’ensemble de ces facteurs et leur combinaison mouvante au gré des évolutions de la crise impriment le rythme et la nature des mobilisations de résistance. Ils imposent également une limite aux capacités politiques d’un mouvement qui réagit et résiste aux configurations et conséquences imposées par l’interaction des relations entre acteurs capitalistes plus qu’il ne pèse par lui-même sur la construction de nouveaux rapports sociaux par un conflit politique et social qu’il imposerait, sur un mode offensif, au capital.

Ainsi, si l’émergence du mouvement altermondialiste, notamment dans sa période de grande visibilité (1999-2008), correspond bien à une phase de retour, de renouvellement et de multiplication des luttes sociales et citoyennes contre le capitalisme financier, ces limites indiquent celles de son stade actuel de développement.

Sur le plan de son projet politique et philosophique, le mouvement altermondialiste pose comme objectif le développement d’une mondialisation des droits civils, politiques, économiques, sociaux et écologiques pour tous les individus. Cette logique amène certains de ses acteurs les plus dynamiques à former le vœu de l’avènement d’une véritable démocratie mondiale [[Pour disposer d’une synthèse théorique complète et argumentée de ce projet, lire Gustave Massiah, Une stratégie altermondialiste, la Découverte, Paris, 2011.]]. Cette ambition suscite de nombreux débats stratégiques en son sein. En effet, la mondialisation capitaliste pose un problème singulier. Elle stimule une concurrence interétatique permanente qui a pour objectif de capter des capitaux ultramobiles hors de tout contrôle politique [[On lira sur cette problématique l’ouvrage majeur de Giovanni Arrighi, Adam Smith à Pekin. – Les promesses de la voie chinoise, Max Milo, Paris, 2009.]]. Cette dynamique favorise une séparation structurelle des sphères de l’économie et de la politique. Et ce, dans un rapport capital/travail dégradé.

À cette étape de l’évolution du système-monde, l’idéal altermondialiste est confronté à une contradiction. Son propos rentre indéniablement en résonance avec l’orientation générale d’un capitalisme dont la logique d’accumulation sans fin et de développement permanent des interdépendances entre Etats accompagnera ces derniers, dans une longue perspective historique, vers «la formation d’unités (d’intégration et de domination) plus englobantes» [[Sur cette problématique analysée dans sa perspective historique longue, lire deux ouvrages de la réflexion majeure de l’auteur : La dynamique de l’Occident, Pocket, 2007 et La société des individus, Pocket, 2008.]] selon la formule du philosophe et sociologue Norbert Elias.

Celui-ci touche juste lorsque, à la fin des années 1980, il analyse les perspectives de l’interaction entre les niveaux national et supranational alors que s’accélère l’intégration du marché commun européen et se préparent l’effondrement de l’URSS et le début de ce que l’on nommera quelques années plus tard la mondialisation: «La poussée évolutionnelle sur le plan technique et économique et d’une façon générale la pression de la concurrence entre les Etats vont ( …) dans le sens d’une intégration supérieure à celle des Etats nationaux et de la constitution d’Etats confédérés. Mais cette pression de l’évolution non programmée se heurte à la pression contraire de l’identité du nous au niveau national, et jusqu’à présent cette dernière est la plus forte. Alors qu’au moment du passage de la tribu à l’Etat la résistance des traditions tribales ancrées dans la conscience et la sensibilité des individus n’a pratiquement aucune chance d’imposer la perpétuation de l’indépendance des tribus, il y a de plus grandes chances pour que la ténacité des structures de la personnalité qui s’opposent à la pression d’intégration à un niveau supérieur l’emporte en ce qui concerne le passage d’unités nationales à la formation d’Etats continentaux ou en tout cas d’unités post-nationales. »[[Norbert Elias, La société des individus, Pocket, 2008.]]

Quelle que soit l’opinion que l’on peut avoir du projet de démocratie mondiale porté par une partie du mouvement altermondialiste – nous lui préférons celui de construction d’un intérêt général international -, les conditions socio-historiques actuelles empêchent, comme nous l’avons vu, sa réalisation politique concrète.

Aussi, et sans s’en remettre à la perspective d’attendre l’avènement d’un monde meilleur dans quelques décennies ou siècles, deux questions se posent. Où se trouvent les points d’appui pour que les mouvements sociaux et, au delà, les peuples, puissent peser dans la séquence actuelle ? Sera-t-il possible, en définitive, de développer, aux niveaux régional et mondial et à une échéance compatible avec l’évitement des conséquences dramatiques promises par la crise écologique en cours, une accumulation suffisante d’acteurs sociaux et politiques forgée par une culture et un projet communs pour se confronter au capital ?

Ces problématiques éclairent le contexte des débats stratégiques qui traversent le mouvement altermondialiste sur l’internationalisme, l’Etat, la souveraineté, le peuple, le couple mondialisation/démondialisation, etc.

Il est intéressant de noter que sur toutes ces questions, les approches sont significativement différentes entre mouvements des pays du Nord et pays du Sud. Ainsi, la question de la souveraineté nationale, lorsqu’elle est perçue par certains comme porteuse d’un retour au nationalisme en Europe, l’est comme outil de résistance face à l’ordre néolibéral international en Amérique du Sud et dans d’autres pays du Sud.

4.- Quel Forum et quelles configurations des luttes pour l’avenir?

Force est de constater qu’aujourd’hui, la frange la plus combative sur le plan des luttes sociales (syndicats, mouvements de luttes comme, par exemple, le Mouvement des sans terre brésilien) n’est plus aux avant-postes de l’orientation du processus des Forums. Les grandes ONG, dont dépendent une partie significative des financements du FSM [[Un débat se fait jour sur le financement des FSM. En effet, celui-ci est devenu de plus en plus dépendant de grandes ONG, de Fondations et d’Etats (qui peuvent directement subventionner l’événement ou indirectement via les fonds accordés aux ONG avec lesquelles ils sont en relation, dans le cadre du FSM et en dehors).]] et qui sont tendanciellement rétives à toute forme de « politisation » de cet espace, ont pris une place très importante dans le processus et la préparation de l’événement. Cette réalité s’est renforcée ces dernières années avec le retrait relatif du suivi du processus des grands mouvements de luttes du Sud – notamment d’Amérique latine où étaient remportées d’importantes victoires populaires, en même temps que se préparait chaque édition du FSM dans la période 2001 et 2006 [[Guerres de l’eau (2000) et du gaz (2003) en Bolivie suivies de l’élection de Evo Morales à la présidence du pays en 2005, élections de Hugo Chavez au Venezuela (1998 -2001-2006), de Lula au Brésil (2002-2006), crise de la dette en Argentine (2001), mobilisation continentale de tous les secteurs des mouvements sociaux latino-américains contre le projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) entre 1998 et l’échec final du projet à Mar del Plata (Argentine) en 2005, etc.]] – et des organisations altermondialistes qui jouaient un rôle central dans la première phase historique des Forums (pour des raisons financières, de priorité et de capacité politiques).

En quelque sorte, le processus du FSM doit gérer un passage de relais entre sa période européenne et latino-américaine et son élargissement géographique et politique à l’Afrique et l’Asie. Si ce dernier est positif et en phase avec l’évolution du contexte international, il ne lui assure pas encore la même accumulation de forces mobilisées et forgées autour de luttes communes intégrées, ni les mêmes relais politiques et logistiques ancrés dans un espace géographique modelé par des victoires sociales et politiques.

Par ailleurs, et comme nous l’avons vu avec le développement des luttes sociales et politiques actuelles (celles visibles dans le monde arabe, en Europe, aux Etats-Unis ou en Amérique latine ou celles connues mais non visibles en Asie et d’autres pays du Sud), une nouvelle génération d’acteurs politico-sociaux est née. Si elle semble avoir hérité d’une partie de la culture et des revendications du processus du FSM, elle n’a que peu de liens avec lui.

Dans ces conditions, le FSM doit chercher à conserver sa fonction d’espace de convergences de toutes ces luttes et identités – une tâche décisive car il n’en existe pas d’autre -. Il doit également, dans ce cadre, permettre l’accumulation des savoirs et des connaissances sur les différentes situations nationales et améliorer leur mutualisation entre l’événement et le processus Forum. Il doit aussi repenser un format qui permette une appropriation collective des travaux des réseaux. Mais, et cette tâche est plus déterminante que jamais comme le démontrent l’événement des révolutions arabes et les mouvements espagnols et grecs, il doit faciliter la constitution de lignes d’action plus avancées en prise directe avec les acteurs de la transformation politique et sociale qui se déploient dans les espaces nationaux avec des résonnances régionales.

Cette tâche est cruciale pour son avenir, alors que, conservant son statut de référence commune, il n’est plus le centre unique de la construction de nouveaux sujets politico-sociaux au niveau international.

Une question vive traverse le mouvement altermondialiste et le processus du FSM depuis plusieurs années. Comment penser leur relation avec la transformation politique ?

Cette question ne se réduit pas à sa dimension relative à la relation entre mouvements, partis et Etats, mais admettons que cette dernière compte lorsqu’on observe l’histoire des mouvements d’émancipation depuis la révolution industrielle. Peut-on se satisfaire d’un discours – significativement présent au sein de plusieurs secteurs des mouvements sociaux – qui, au nom de la juste critique de la démocratie bourgeoise et de la dénonciation des échecs, voire des trahisons de certains partis politiques historiques, aboutirait in fine à théoriser une division du travail séparant mouvement sociaux et acteurs politiques ? Et, ce faisant, prônant la construction d’une ligne de démarcation entre « société civile » et société tout court ? Nous pensons que des articulations dynamiques sont nécessaires et possibles comme l’indiquent les expériences latino-américaines ou, sous d’autres formes, celles en cours dans le Maghreb.

Face à la puissance des forces du capital et de l’idéologie néolibérale, la construction d’alliances (même s’il s’agit, dans un premier temps, de marcher séparément pour frapper conjointement) entre toutes les formes de sujets – politiques ou sociaux – est une nécessité historique. Renoncer à cette perspective signifierait se condamner à ne pas dépasser le stade contestataire et infra-politique du combat contre le capitalisme et le néolibéralisme alors que les oligarchies dessinent une issue réactionnaire à la crise systémique. Et ce, en s’appuyant sur le développement de la xénophobie et de la droite-extrême.

Toutes ces questions se posent désormais à l’ensemble des acteurs des luttes sociales et politiques qui se déploient, dans différents espaces, à l’échelle planétaire.

Mots-clés : Altermondialisme Forum social mondial Post-altermondialisme Système-monde

LA SIDÉRURGIE ALGÉRIENNE LAMINÉE PAR LE LIBRE ÉCHANGE

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Des syndicalistes, douaniers et managers révèlent les mécanismes par lesquels la production algérienne d’acier est laminée par les gros importateurs algériens et maghrebins, mais aussi par … la maison mère ArcelorMittal.

Sous le titre « ArcelorMittal d’El Hadjar (Annaba) : Jeux et enjeux de la crise », Naima Benouaret fait le point dans le quotidien El Watan. Extraits :

En effet, les exonérations des taxes douanières prévues dans l’Accord d’association avec l’UE et le pacte régional Zone arabe de libre-échange (ZALE) ont permis à une poignée d’importateurs privés de se sucrer, mettant à rude épreuve les produits longs issus du complexe ArcelorMittal Annaba. En la matière, le produit phare est le fer rond à béton puisqu’il pèse près de la moitié de la production, tous produits confondus.

Théoriquement, El Hadjar est doté de capacités de quelque 600 000 à 700 000 t pouvant satisfaire au moins le 1/3 des besoins nationaux. Vu les importations en cascades réalisées par les privés, il arrive à peine à grignoter de modestes parts de marché aux barons de l’acier.

Ses 200 000 t, seuil qu’il a rarement dépassé – moins de 1000 t/j produites en moyenne – se frottent difficilement aux quantités mises en vente par ces derniers. Rien qu’au port de Annaba, pas moins d’une centaine de navires chargés de rond à béton en provenance d’Europe sont annuellement traités par les douanes locales. À eux seuls, les 4 opérateurs privés, qui contrôlent le marché à l’import du rond à béton à Annaba, arrivent à égaler si ce n’est dépasser le volume produit par le méga-complexe d’El Hadjar. Leur premier record a été battu en 2010 avec pas moins de 175 328 tonnes, l’équivalent de près de 7,5 milliards de dinars.

La forte demande sur le marché national a aiguisé leurs appétits puisqu’une année après, les mêmes puissants «hommes de fer» ont doublé la mise avec 325 836 tonnes importées pour plus de 14,7 milliards de dinars, font ressortir les statistiques officielles de la direction régionale des douanes de Annaba. Il faut dire qu’il n’y a pas que les privés algériens qui se sucrent au détriment du complexe sidérurgique d’El Hadjar. Même son propriétaire a tiré bénéfice de la situation de laisser-aller et laisser-faire longtemps érigée en mode de gouvernance. Et à en croire ce qui a été avancé par Ahcène Bourfis, l’un des hommes forts du CP, l’on serait en droit de penser qu’envers sa société, l’actionnaire majoritaire était aussi délicat qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Selon lui, en plus du privé, le rond à béton d’El Hadjar avait, jusqu’à 2007, été confronté à la concurrence de celui introduit sur le marché national via les sociétés import-export créées pour la circonstance par le repreneur du complexe sidérurgique.

Cascade de défection des clients

À ArcelorMittal Annaba, une curieuse stratégie progressivement et doucement mise en œuvre par la maison mère, aurait, en outre, fait perdre le plus gros client voisin de l’Ouest à la faveur de l’une des filiales européennes du numéro un mondial de la sidérurgie, toujours d’après le même représentant du CP. Ainsi, depuis 2010, les produits plats «made in Algéria» auraient disparu sur le marché marocain.

«Dans sa liste des gros clients traditionnels, ArcelorMittal Annaba comptait un Marocain. Il nous achetait des milliers de tonnes de produits plats. Cependant, pour des raisons que seul le propriétaire connaît, nous ne l’avons plus revu, et ce, depuis 2010 à ce jour. Il a été récupéré par l’une des filiales européennes du groupe», déplore le syndicaliste avant d’évoquer la perte de plusieurs autres clients syriens. Néanmoins, les raisons étaient tout autres: embargo commercial et restrictions bancaires infligées à la Syrie par l’Europe.

À propos de ce même pays, M. Bourfis a tenu à souligner le cas de deux transactions douteuses conclues début 2011 avec un opérateur économique. «Deux importantes cargaisons distinctes de bobines de premier choix ont été cédées à un grand client syrien, et ce, sur dérogation des responsables de l’entreprise. Ce même client avait initialement commandé des bobines déclassées dont les quantités contractuelles n’étaient pas encore prêtes au moment du chargement. Pour pallier au non-respect de leurs engagements, ses vis-à-vis lui ont livré des bobines de premier choix à des prix arrangés – combinaison entre le prix du premier choix et celui relatif au déclassé. On se trompe une fois, mais pas deux. À vous d’en tirer les conclusions», a souligné la même source avant d’ajouter, ironisant: «Ce n’est qu’à ArcelorMittal Annaba que l’on prévoit et programme le produit déclassé est programmé. C’est comme si on s’arrangeait d’avance pour en avoir le maximum. D’où les commandes de bobines déclassées en cascades émanant de toutes parts».

Justement, la tendance haussière des exportations bobines et billettes très convoitées par le voisin de l’Est ont suscité pas mal de commentaires et d’interrogations, poussant les douanes de Annaba à s’y intéresser de plus près. Car de l’aveu même d’un haut officier des douanes en poste aux frontalières algéro-tunisiennes, après leur découpage ou leur transformation au niveau des ateliers d’une grande société vers laquelle converge une bonne partie des quantités exportées, les deux produits phares d’El Hadjar sont réintroduits et revendus en Algérie.

«Je n’arrive toujours pas à comprendre pourquoi l’on n’a toujours pas pensé à investir dans une usine qui fait ce que font les Tunisiens, découper ou transformer les bobines algériennes sur place?», s’interroge, pour sa part, son directeur régional Noueddine Haddadou.
«De plus en plus cupides, nos importateurs sont obnubilés par le gain facile et rapide. Ils trouvent leurs comptes dans les bananes, les bonbons et chocolats», explique le jeune officier.

[Naima Benouaret, 20 janvier 2012.

Texte intégral : El Watan->http://www.elwatan.com/economie/arcelormittal-d-el-hadjar-annaba-jeux-et-enjeux-de-la-crise-30-01-2012-156940_111.php]

repris dans “algérieinfos” le Lundi 30 janvier 2012

لنتحرك جماعيا ضد الإلهاء المغامر والإنتخباوي

الارتفاع الوحشي لأسعار المواد الغذائية والخدمات الأساسية الواسعة الاستهلاك خلال الأسابيع الأخيرة، أدى إلى محي كلي بل وتجاوز كل الارتفاعات في أجور ومعاشات التقاعد التي تمّ التفاوض عليها أو الموعودة منذ شهور، وذلك قبل أن تطبق ابتداء من 01 جانفي 2012.

العمال الأجراء، المتقاعدون، البطالون، الطلبة، صغار التجار، الفلاحون والحرفيون، يجدون صعوبة أكثر فأكثر للوصول إلى لقمة العيش والسكن والتعليم والعلاج والتنقل واللباس…

السلطات لا تتحرك أو قليلا ما تتحرك تاركة البلاد تتجه للهاوية نحو الانفجار الاجتماعي: فكل توزيع للسكنات أو توفير لمناصب شغل غالبا ما ينعكس بمظاهرات عنيفة متبوعة بعمليات قمع وتعنيف وتوقيف.

السكان أصبحوا مصدومين باتساع حجم الفساد والرشوة والمحسوبية والمحاباة والمظالم والاختلاسات، ونحن في وضع أصعب من ذك الذي كنّا عليه في جانفي 2011 عندما اندلعت مظاهرات الشباب عبر كل التراب الوطني، حينها وجهنا النداء الأول « للمبادرة » في 24 فبراير.

إن هذه المشاكل العميقة والحساسة التي يعيشها شعبنا هي التي يجب أن تكون محور انشغالات بلادنا.

الأحزاب السياسية في السلطة والمنظمات التابعة لها، وأحزاب المعارضة، والصحافة الرسمية وتلك المسماة « مستقلة » في غالبيتها، عيونها تنظر لوجهة أخرى نحو الانتخابات التشريعية المقبلة لشهر ماي تاركة جانبا المشاكل الأساسية المطروحة حاليا أمام بلادنا وأمام صرخات استغاثة الشعب الجزائري في محنته.

الوضع مناسب لكل المغامرات والمناورات، بل نحن نعيش في الأسابيع الأخيرة لعملية إجرامية واسعة لتحويل الأنظار وإعادة توجيه النضالات السياسية والاقتصادية والاجتماعية باتجاه الصراعات والمواجهات التي كلفت الشعب الجزائري غاليا وكادت أن تحطم الجزائر في العشرين سنة الماضية، فها هم يعاودون طرح مسألة « من يقتل من؟ »، ومسألة وقف المسار الانتخابي في 1992، عبر العديد من اللوائح « العفوية » التي حضرّ بعضها منذ أشهر.
إن الغموض قد بلغ ذروته ونحن نتساءل « من يهاجم من ومن يدعم من؟ ».

أين هي مصالح الجزائر؟

إن المواعيد الانتخابية، مهما كانت أهميتها، يجب إعادة وضعها ضمن الظرف الصعب جدا الذي تعيشه بلادنا، وضمن الأخطار التي تهدد الشعوب والبلدان في منطقتنا.

فالتدخل المباشر للقوى الإمبريالية العظمى للولايات المتحدة الأمريكية وأوروبا ليس من نسج الخيال، لقد التمسناه على حدودنا في ليبيا، هذا التدخل سيصبح أكثر وحشية مع تصاعد الأزمة الاقتصادية العالمية وبفعل الأتباع الداخليين، هؤلاء « الحركة » الخونة الجدد الذين يتمنون ويشجعون التدخل العسكري الأجنبي لكي يضعهم على رأس السلطة دون أي اعتبار للجزائر وشعبها.

وعلى العموم، فالقوى الليبرالية الجديدة هي التي تتحرك تحت غطاء الديمقراطية والإسلاماوية، والممثلة في الأجنحة المختلفة للسلطة الحالية التي هدمت الاقتصاد الجزائري وحطمت صناعته وسخرت الجزء الأعظم من مداخيله لاستيراد السلع والخدمات على حساب الإنتاج الوطني. وهو نفسه النظام الذي ولّد فئة من الأغنياء الجدد والمحظوظين واضعا الجزائر وشعبها في آخر اهتماماته.

كل هذه العناصر تفرض علينا تركيز الرهانات الحالية حول المشاكل الاقتصادية والاجتماعية الملموسة التي يعيشها الشعب الجزائري، وانطلاقا من ذلك فقط يمكن مواجهة المواعيد القادمة وخوض النقاش السياسي.

نداؤنا نوجهه إلى كل نساء ورجال بلادنا: عمال أجراء، بطالون، إطارات حاملة للشهادات وبدون عمل، صغار التجار، فلاحون وحرفيون، يمكنكم أن تكونوا قوة المستقبل الحاسمة إذا ما عرفتم كيف أن تنتظموا ديمقراطيا والتحرك جماعيا ومع بعض في تنظيمات نقابية وسياسية مستقلة.

فلتتحركوا المستقبل ملككم.

الجزائر 12 جاني 2012

Moubadara 24 février

http://mobadara24fevrier.over-blog.com/

28 JANVIER – ALGER : DES JEUNES SE MOBILISENT POUR NETTOYER LES PLAGES DE TAMENFOUST

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Des jeunes issus de quatre associations organiseront samedi 28 janvier, une action au profit de l’environnement. Elle consistera à nettoyer la plage de Tamenfoust (ex Laperouse) située à une vingtaine de kilomètres à l’est d’Alger.

« Nous, les jeunes issus du collectif « Denia Bekhir », nous serons 50 bénévoles » nous a confié un jeune étudiant,membre du collectif. « Il y’ aura aussi les bénévoles de trois autres associations, qui seront également nombreux à se déplacer pour nettoyer la plage de Laperouse » a-t-il ajouté.

L’action prévue s’étendra sur trois plages et tout le monde est invité à y prendre part. Les jeunes veulent réagir « contre le risque écologique qui menace cette plage » et veulent par cette opération « mobiliser et surtout sensibiliser les gens sur ce danger ».

« Nous nous sommes organisés de sorte que chaque collectif ou association occupe une étendue d’une dizaine de mètres environs pour entreprendre l’opération qui s’étalera sur 200 mètres environs», nous expliquera notre interlocuteur.

Notre interlocuteur insiste sur le fait que « les plages de Laperouse sont pleines de saletés et de poubelles, donc la tache ne sera pas simple ».

Les initiateurs de cette action comptent « sensibiliser les habitants sur la nécessité de nettoyer son environnement constamment ».

Les volontaires vont travailler avec les moyens de bord, sacs poubelles, pelles, rateaux…

Ce n’est pas la première fois que la plage de Tamenfoust bénéficie d’une telle action. Des jeunes se sont mobilisés via facebook et ont entrepris une action du genre samedi 21 janvier.

Hamida Mechaï

AGIR ENSEMBLE POUR RÉGLER LES PROBLÈMES CONCRETS DES CITOYENS

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Les augmentations sauvages des prix des produits et services de première nécessité et de large consommation, au cours des dernières semaines ont effacé totalement et dépassé les augmentations de salaires et des retraites négociées ou promises depuis des mois, avant même leur application à partir du 1er janvier 2012 .

Les travailleurs salariés, les retraités, les chômeurs, les étudiants, les petits commerçants, paysans et artisans ont de plus en plus de mal pour se nourrir, se loger, s’instruire, se soigner, se déplacer, s’habiller…

Les autorités ne bougent pas ou si peu et laissent le pays aller à la dérive, vers l’explosion sociale: chaque distribution de logements ou d’emplois se traduisent souvent par de violentes manifestations suivies de répressions et d’arrestations.

Les populations sont traumatisées par l’ampleur de la corruption, le népotisme, les passe-droits, les injustices et les malversations.

Nous nous retrouvons dans une situation plus délicate encore que celle de janvier 2011 quand les manifestations de jeunes ont éclaté à travers le territoire national. C’est à ce moment que nous avions lancé le premier appel de la moubadara du 24 février.

Ce sont ces problèmes cruciaux et les plus sensibles de notre peuple qui doivent être au centre des préoccupations de notre pays.

Les partis politiques du pouvoir et leurs organisations satellites, les partis d’opposition, la presse officielle comme celle dite indépendante, dans leur grande majorité, regardent ailleurs vers les futures élections législatives du mois de mai, en délaissant les problèmes cruciaux qui se posent en ce moment au pays et les cris de détresse du peuple algérien dans son désarroi.

La situation est propice à toutes les aventures, à toutes les manœuvres.

On assiste même ces dernières semaines à une grande opération de diversion criminelle tendant à recentrer les luttes politiques, économiques et sociales actuelles autour de clivages et affrontements qui ont couté cher au peuple algérien et qui ont failli détruire l’Algérie, il y a une vingtaine d’années: on revient au «qui tue qui?» et à l’arrêt du processus électoral de 1992, à travers de multiples pétitions toutes aussi «spontanées» les unes que les autres, certaines préparées depuis des mois et en lisant d’autres, la confusion est telle que l’ on se demande «qui attaque qui et qui soutient qui?».

Où SONT LES INTÉRÊTS DE L’ ALGÉRIE?

Les échéances électorales, aussi importantes soient-elles, doivent être replacées dans le contexte très délicat que traverse notre pays et les dangers qui menacent les peuples et les pays dans notre région.

L’interventionnisme direct des grandes puissances impérialistes des USA et d’Europe n’est plus une vue de l’esprit. Nous l’avons vu, à nos frontières, en Lybie. Il deviendra encore plus sauvage avec l’aggravation de la crise économique mondiale et l’action de relais internes, ces nouveaux harkis qui souhaitent et suscitent les interventions militaires étrangères, pour être placés à la tête du pouvoir, sans tenir compte des dégâts pour l’Algérie et son peuple.

Ce sont en général toutes des forces résolument néolibérales qui s’agitent sous la couverture démocrate ou islamiste. Elles s’apparentent aux différentes tendances du pouvoir actuel, qui a mis l’économie algérienne à genoux, détruisant son industrie et consacrant l’essentiel des ressources à l’importation des biens et services, au détriment de la production nationale.

Le système a engendré ainsi une caste de nouveaux riches et de privilégiés dont le dernier souci est l’Algérie et sa population.

Tous ces éléments doivent nous inciter à placer les enjeux actuels autour des problèmes sociaux et économiques concrets que vit le peuple algérien.

C’est sous cet éclairage que nous devons aborder les prochaines échéances électorales et débats politiques.

Femmes et hommes de notre pays : travailleurs salariés, chômeurs, diplômés et cadres sans emploi, retraités, petits commerçants, fellahs et artisans vous pouvez être une force déterminante et d’avenir si vous savez vous organiser démocratiquement et agir en groupes ou ensemble , dans des organisations syndicales ou politiques autonomes.

À vous d’agir, l’avenir est à vous

Alger, le 12 janvier 2012

FIDEL CASTRO: CUBA, LES USA ET LES EVOLUTIONS CONTEMPORAINES

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LE FRUIT QUI N’EST PAS TOMBÉ

Réflexions du compañero Fidel

Cuba a été contrainte de se battre pour son existence face à une puissance expansionniste, située à quelques milles de ses côtes et qui ne cachait pas ses visées d’annexion dans la mesure où sa seule destinée était censément de tomber dans son giron tel un fruit mûr. Nous étions voués à l’inexistence comme nation.

Dans la glorieuse multitude de patriotes qui se battit durant la seconde moitié du XIXe siècle contre l’abominable colonialisme imposée par l’Espagne pendant trois cents ans, José Martí fut celui qui perçut avec le plus de clarté cette destinée si dramatique. Et il le fit savoir dans les dernières lignes qu’il écrivit quand, à la veille d’un rude combat prévu contre une colonne espagnole aguerrie et bien équipée, il affirma que l’objectif clef de sa lutte était «d’empêcher à temps, par l’indépendance de Cuba, que les États-Unis ne s’étendent dans les Antilles et ne s’abattent, avec cette force de plus, sur nos terres d’Amérique. Tout ce que j’ai fait à ce jour et tout ce que je ferai, c’est pour cela.»

Quiconque ne comprend pas cette profonde vérité aujourd’hui ne peut être ni patriote ni révolutionnaire.

Les médias, le monopole de nombreuses ressources techniques et les fonds considérables destinés à tromper et à abrutir les masses constituent sans aucun doute des obstacles importants, mais non invincibles.

La nation cubaine a prouvé, malgré sa condition de factorerie coloniale yankee où sévissaient l’analphabétisme et la pauvreté généralisée, qu’il était possible de faire face au pays qui menaçait de l’absorber définitivement. On ne saurait affirmer qu’il existait une bourgeoisie nationale opposée à l’Empire; au contraire, elle en était si proche qu’un peu après le triomphe de la Révolution, elle est allée jusqu’à envoyer quatorze mille enfants aux États-Unis sans la moindre protection, car on avait fait courir le mensonge perfide selon lequel l’autorité parentale serait supprimée, l’Histoire devant enregistrer cette «Opération Peter Pan» comme la plus grande manipulation d’enfants à des fins politiques en Amérique.

À peine deux ans après le triomphe révolutionnaire, le territoire national fut envahi par des forces mercenaires constituées d’anciens militaires de Batista et de fils de gros propriétaires terriens et de bourgeois, armées par les États-Unis et escortées par des bâtiments de leur flotte navale, dont des porte-avions prêts à entrer en action, qui les accompagnèrent jusqu’à nos côtes. La défaite et la capture de la quasi-totalité des mercenaires en moins de soixante-douze heures et la destruction de leurs avions qui opéraient depuis des bases au Nicaragua et de leurs moyens de transport naval constituèrent une défaite humiliante pour l’Empire et ses alliés latino-américains qui avaient sous-estimé la capacité de lutte du peuple cubain.

Les USA ayant interrompu leurs livraisons de pétrole puis supprimé totalement les contingents d’exportation de sucre dont Cuba avait toujours bénéficié sur leur marché et interdit le commerce établi entre les deux pays durant plus de cent ans, l’URSS répondit à chacune de ces mesures en nous livrant du pétrole, en achetant notre sucre, en faisant du commerce avec notre pays et finalement en nous fournissant les armes que Cuba ne pouvait acheter sur d’autres marchés.

Une campagne systématique d’attaques pirates organisées par la CIA, les actions militaires de bandes contre-révolutionnaires créées et équipées par les USA avant et après l’attaque mercenaire, tout ceci devant aboutir à une invasion militaire directe, donnèrent naissance aux événements qui mirent le monde au bord d’une guerre nucléaire totale à laquelle aucune des parties ni l’humanité elle-même n’auraient pu survivre.

Ces événements entraînèrent sans aucun doute la destitution de Nikita Khrouchtchev qui sous-estima l’adversaire, refusa d’écouter les avis qu’on lui donnait et ne consulta pas ceux qui, comme nous, étaient en première ligne avant de prendre sa décision finale. Ce qui aurait pu être une importante victoire morale se transforma ainsi en un revers politique coûteux pour l’URSS. De fait, durant bien des années, les USA continuèrent de commettre les pires méfaits contre Cuba et continuent, comme c’est le cas de leur blocus criminel, de les commettre.

Khrouchtchev eut des gestes extraordinaires envers notre pays. J’ai critiqué sans hésiter, à l’époque, le fait qu’il ait passé un accord avec les États-Unis sans nous avoir consultés, mais il serait ingrat et injuste de notre part de ne pas reconnaître sa solidarité extraordinaire à des moments difficiles et décisifs pour notre peuple dans sa bataille historique pour son indépendance et sa Révolution face au puissant Empire étasunien. Je comprends que la situation était extrêmement tendue et qu’il ne voulait pas perdre une minute quand il prit la décision de retirer les projectiles et que les Yankees s’engagèrent, très en secret, à renoncer à leur invasion.

Des décennies se sont depuis écoulées pour atteindre un demi-siècle, et le fruit cubain n’est toujours pas tombé dans les mains des Yankees.

Les nouvelles qui nous parviennent aujourd’hui d’Espagne, de France, d’Iraq, d’Afghanistan, du Pakistan, d’Iran, de Syrie, d’Angleterre, des îles Malvinas et de bien d’autres point de la planète sont sérieuses et augurent toutes une catastrophe politique et économique à cause de la démence des États-Unis et de leurs alliés.

Je me bornerai à quelques points. Je tiens d’abord à signaler – comme tout le monde peut le constater – que la sélection d’un candidat républicain à la présidence de cet Empire globalisé et touche-à-tout, constitue – et je le dis sérieusement – le pire concours d’idiotie et d’ignorance qu’on ait jamais vu.

Comme j’ai d’autres chats à fouetter, je ne peux pas perdre mon temps à ça. Je savais pertinemment qu’il en serait ainsi.

Des dépêches de presse que je tiens à analyser sont bien plus éloquentes, parce qu’elles étalent en plein jour le cynisme incroyable que génère l’Occident dans sa décadence. L’une d’elles parle tout bonnement d’un prisonnier politique cubain qui, dit-on, est décédé au terme d’une grève de la faim de cinquante jours. Un journaliste de Granma, de Juventud Rebelde, d’un journal parlé ou télévisé ou de tout autre organe de presse révolutionnaire peut bien se tromper dans ses appréciations d’un tel ou tel thème, mais il ne fabrique jamais une nouvelle de toutes pièces ni n’invente un mensonge.

Selon la note publiée par Granma, cette grève de la faim n’a jamais eu lieu: il s’agissait d’un prisonnier de droit commun, condamné à quatre ans de privation de liberté pour avoir battu sa femme et lui avoir causé des blessures au visage; c’est la belle-mère en personne qui a demandé l’intervention des autorités; les proches ont été au courant de tous les gestes médicaux faits pour le sauver et savent gré aux spécialistes cubains des efforts qu’ils ont déployés. Il a été soigné, signale la note, dans le meilleur hôpital de l’Est du pays, comme n’importe quel autre citoyen. Il est décédé des suites d’une défaillance multi-organique secondaire associée à un processus respiratoire septique sévère.

Le patient a reçu tous les soins habituels dans un pays qui possède un des meilleurs services médicaux au monde, des soins gratuits malgré le blocus que l’impérialisme impose à notre patrie. Il s’agit tout simplement d’un devoir normal dans une Révolution qui peut se vanter d’avoir toujours respecté, durant plus de cinquante ans, les principes qui lui donnent sa force invincible.

Mieux vaudrait, assurément, que le gouvernement espagnol, compte tenu de ses excellentes relations avec Washington, se rende aux États-Unis et s’informe de ce qu’il se passe dans les prisons yankees, de la conduite impitoyable suivie envers les millions de détenus dans ce pays, de la politique de la chaise électrique qui y est appliquée et des horreurs commises envers les détenus dans les prisons et ceux qui protestent dans les rues.

Hier, lundi 23 janvier, un dur éditorial de Granma intitulé «Les vérités de Cuba» a expliqué en détail sur toute une page la campagne mensongère insolite et impudente orchestrée contre notre Révolution par «certains gouvernements traditionnellement impliqués dans la subversion contre Cuba».

Notre peuple connaît bien les normes qui ont régi la conduite immaculée de notre Révolution dès le premier combat et jamais souillée durant plus d’un demi-siècle. Il sait aussi que les ennemis ne pourront jamais exercer de pressions sur lui ni le faire chanter. Nos lois et nos normes seront appliquées indéfectiblement.

Il est bon de le signaler clairement et en toute franchise. Le gouvernement espagnol et l’Union européenne qui part en capilotade, plongée dans une profonde crise économique, doivent savoir à quoi s’en tenir. Leurs déclarations reproduites par les agences de presse et recourant à des mensonges éhontés pour attaquer Cuba font pitié. Occupez-vous d’abord de sauver l’euro, si vous le pouvez, réglez le chômage chronique dont souffrent toujours plus de jeunes, répondez aux indignés que vos polices ne cessent d’attaquer et de frapper.

Nous n’ignorons pas que le gouvernement espagnol est maintenant passé aux mains d’admirateurs de Franco, lequel dépêcha près de cinquante mille membres de la Division Bleue auprès des SS et des SA nazis pour participer à la sauvage agression contre les Soviétiques, prenant part à l’opération la plus cruelle et la plus douloureuse de cette guerre, le siège de Leningrad, où un million de citoyens russes périt dans cette tentative d’étrangler la ville héroïque. Le peuple russe ne pardonnera jamais ce crime horrible.

La droite fasciste d’Aznar, de Rajoy et d’autres serviteurs de l’Empire doit avoir sa petite idée sur les seize mille morts que souffrirent leurs prédécesseurs de la Division bleue et sur les Croix de fer par lesquelles Hitler récompensa ses officiers et ses soldats. Ce que fait aujourd’hui la police-gestapo aux hommes et aux femmes qui réclament leur droit au travail et au pain dans le pays où sévit le chômage le plus élevé d’Europe n’a donc rien d’étonnant

Pourquoi les médias de l’Empire mentent-ils si impudemment ?

Ceux qui manipulent ces médias s’escriment à tromper et à abrutir le monde par leurs mensonges éhontés, pensant peut-être que c’est là le recours principal pour maintenir le système de domination et de pillage imposé au monde et, tout particulièrement, aux victimes proches du siège des métropoles, autrement dit les presque six cents millions de Latino-Américains et de Caribéens vivant sur ce continent-ci.

La république sœur du Venezuela est devenue l’objectif clef de cette politique. La raison en saute aux yeux. Sans le Venezuela, l’Empire aurait imposé le Traité de libre-échange à tous les peuples du continent qui vivent au sud des États-Unis, où se trouvent les plus grandes réserves de terre, d’eau potable et de minerai de la planète, ainsi que de grande ressources énergétiques qui, gérées dans un esprit de solidarité avec les autres peuples du monde, ne peuvent ni ne doivent tomber aux mains des transnationales qui imposent un système suicidaire et infâme.

Il suffit, par exemple, de regarder une carte pour comprendre l’extorsion criminelle dont l’Argentine a été victime quand on lui a enlevé un pan de son territoire à l’extrême sud du continent où les Britanniques ont utilisé leur appareil militaire décadent pour assassiner des recrues argentines vêtus d’uniformes d’été en plein hiver austral. Les États-Unis et leur allié Augusto Pinochet y offrirent à l’Angleterre un appui ignominieux. De nos jours, à la veille des Jeux olympiques de Londres, le Premier ministre David Cameron proclame à son tour, comme l’avait déjà fait Margaret Thatcher, son droit de recourir aux sous-marins atomiques pour tuer des Argentins. Le gouvernement de ce pays ignore que le monde est en train de changer et que notre continent et la plupart des peuples méprisent toujours plus les agresseurs.

Le cas des îles Malvinas n’est pas le seul. Quelqu’un sait-il comment se terminera le conflit en Afghanistan? Voilà quelques jours à peine, on apprenait que des soldats étasuniens avaient outragé les cadavres de combattants afghans assassinés par les drones de l’OTAN.

Voilà trois jours, une agence de presse européenne faisait savoir que «le président Hamid Karzai avait avalisé des négociations de paix avec les talibans, en soulignant que c’était là une question que devaient régler les citoyens de ce pays», et qu’il avait ajouté: «… le processus de paix et de réconciliation incombe à la nation afghane, et aucun pays ni aucune organisation étrangère ne peut ôter ce droit aux Afghans.»

Par ailleurs, une dépêche en provenance de Paris publiée par notre presse informait: «La France a suspendu aujourd’hui toutes ses opérations d’entraînement et d’aide au combat en Afghanistan et a menacé de retirer ses troupes avant la date prévue, après qu’un soldat afghan a eu abattu quatre militaires français dans la vallée de Taghab, dans la province de Kapisa […] Sarkozy a donné des instructions à son ministre de la Défense, Gérard Longuet, de se rendre sans délai à Kaboul et a envisagé la possibilité de retirer le contingent français par anticipation.»

À la disparition de l’URSS et du camp socialiste, le gouvernement étasunien a jugé que Cuba ne pourrait pas se maintenir. George W. Bush avait même préparé un gouvernement contre-révolutionnaire pour diriger notre pays.

Le jour même où Bush a lancé sa guerre criminelle contre l’Iraq, j’ai demandé aux autorités de notre pays de cesser d’être tolérantes envers les chefaillons contre-révolutionnaires qui demandaient hystériquement, ces jours-là, une invasion de Cuba, car leur attitude constituait de fait une trahison à la patrie.

Bush et ses crétineries ont sévi durant huit ans; la Révolution dure déjà depuis plus d’un demi-siècle. Le fruit mûr n’est pas tombé aux mains de l’Empire. Cuba ne sera pas une force de plus par laquelle l’Empire s’étendra sur les peuples d’Amérique. Le sang de Martí n’aura pas coulé en vain.

Je publierai demain d’autres Réflexions qui compléteront celles-ci

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Fidel Castro Ruz

le 24 janvier 2012

PARIS – 2 & 3 FEVRIER 2012: V° RENCONTRE EUROPÉENNE D’ANALYSE DES SOCIÉTÉS POLITIQUES

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au CERI,

56 rue Jacob.

Accès libre dans la limite des 150 places disponibles.

Outre une leçon et un documentaire sur l’anthropologie de la mort à Kinshasa, le jeudi 2, de 17h à 20h, elle sera consacrée, le vendredi 3, aux

« Printemps arabes : mythe et fictions ».

Elle accueillera notamment plusieurs acteurs importants des mouvements sociaux et politiques de Tunisie et du Maroc.


CINQUIÈME RENCONTRE EUROPÉENNE

D’ANALYSE DES SOCIÉTÉS POLITIQUES

“REASOPO”

« PRINTEMPS ARABES :

MYTHE ET FICTIONS »

PARIS, 2-3 FEVRIER 2012

La vague de contestations qui a balayé les pays dits arabes dans le sillage du renversement de Ben Ali, en Tunisie, s’est immédiatement révélée être une formidable expérience de laboratoire pour la sociologie historique comparée du politique.

Ce banc d’essai a confirmé l’inanité de quelques-unes des écoles de pensée les plus en cour dans les milieux universitaires et médiatiques. L’explication culturaliste, l’importance accordée à l’islam, la rêverie «transitologique» n’ont été d’aucun secours pour comprendre les événements.

En revanche, la comparaison implicite et intuitive de cette vaste mobilisation avec le Printemps des peuples européens, en 1848, a été bien inspirée, car elle mettait d’emblée le doigt sur quelques éléments clefs :

  • la combinatoire entre les logiques, trop souvent tenues pour contradictoires, de l’expansion mondiale du capitalisme, en l’occurrence sous sa forme néolibérale, et de l’affirmation du périmètre national ;
  • les connexions entre les différents Etats-nations dans une aire géographique donnée, et leur écho à l’échelle du monde, bien au-delà de leur « aire culturelle » ;
  • l’historicité irréductible de chacune des situations considérées.

    Le Printemps arabe est un mythe. Il s’est conjugué au pluriel et ne se laisse enfermer dans aucune catégorie générique, ni celle de l’arabité ni celle de l’islam. Il se cherche par les armes comme dans les urnes.

    Et c’est bel et bien par la singularité de ses épisodes qu’il accède à l’universalité et qu’il parle aux «Indignés européens » ou qu’il effarouche les autorités chinoises, qu’il montre les apories de la chirurgie militaro-démocratique et qu’il dissipe le trompe l’œil de la raison électorale, qu’il réhabilite cette vieille idée de la révolution que d’aucuns pensaient soluble dans la « démocratie de marché» et fait resurgir en pleine lumière la figure, tenue pour désuète, du militant, syndicaliste ou avocat de la cause des droits de l’Homme, sans laquelle Facebook n’aurait produit aucun miracle.

Au-delà des fictions auxquelles ils ont donné lieu et qui enchantent, «les Printemps arabes» nous rappellent que le politique est d’abord un rapport à l’inégalité sociale, voire la production de celle-ci, notamment dans le domaine économique (atelier 1). De ce point de vue aussi, la comparaison avec 1848 est riche d’enseignements.

Ensuite, la politique est un art de la contingence : les mobilisations sociales et démocratiques ont contraint les acteurs à inventer des processus et des institutions provisoires pour définir les nouveaux rapports de force constitutifs de la cité future (atelier 2).

La question se pose alors de savoir si le partage de l’espace public au gré des manifestations et la coexistence, ou la collaboration, dans les instances provisoires qui ont été mises en place pour accompagner, assurer ou limiter le changement, ont favorisé des recompositions, dont la plus décisive pourrait être l’émergence d’une offre islamique d’Etat séculier (atelier 3).

Un an après leur éclosion, les Printemps arabes sont loin d’avoir donné tous leurs fruits. Sans anticiper sur les récoltes futures, nous goûterons les premiers d’entre eux, en partant, à tout seigneur tout honneur, des situations différenciées du Maghreb et en confrontant celles-ci aux contrepoints du Machrek, du Golfe et de la Turquie.

Jeudi 2 février 2012

17h – 20h

CERI-SciencesPo

56, rue Jacob

75006 – Paris

LEÇON DU CYCLE EUROPEEN D’ETUDES AFRICAINES DU DEPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE

DE L’UNIVERSITE PARIS-I PANTHEON SORBONNE, AVEC LE CONCOURS DU REASOPO:

«ANTHROPOLOGIE DE LA MORT A KINSHASA »

par Filip De Boeck (Louvain)

Projection de « Cemetery State » (2010, 72′)

Le débat sera introduit par Peter Geschiere (Amsterdam),

John Lonsdale (Cambridge) et Ramon Sarró (Lisbonne & Oxford)

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Vendredi 3 février 2012

9h45 – 19h

CERI-SciencesPo

56, rue Jacob

75006 – Paris


9h30 : Accueil des participants

9h45 : Ouverture

10h – 10h30

PROJECTION D’UN COURT-MÉTRAGE

SUR LE CONFLIT DANS LE BASSIN MINIER DE GAFSA

(2008)

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10h30 – 13h

ATELIER I :

“LA QUESTION SOCIALE : LE RÉVÉLATEUR TUNISIEN”

Présidente : Béatrice Hibou (Paris)

avec Ridha Raddaoui (Gafsa & Tunis), Adnan Hajji (Redeyef) et Slim Tissaoui (Jendouba)

Contrepoint : Irene Bono (Turin & Rabat), Boris Samuel (Paris),

Marc Valeri (Exeter) et Kamal Lahbib (Casablanca)

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13h – 14h15 : Collation

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14h30 – 15h45

ATELIER II :

“L’INGENIERIE DU PROVISOIRE : LES INSTITUTIONS AD HOC”

Président : Michal Kozlowski (Varsovie)

avec Mohamed Tozy (Casablanca & Aix-en-Provence), Ridha Raddaoui (Gafsa & Tunis)

et Samir Rebhi (Kasserine)

Contrepoint : Jean-Pierre Filiu (Paris)

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15h45 – 16h : Pause


16h – 18h

ATELIER III :

“VERS UNE OFFRE ISLAMIQUE D’ETAT SECULIER?”

Président : Mohamed Tozy (Casablanca & Aix-en-Provence)

avec Omar Iharchane (Casablanca), Bilal Tlaidi (Rabat), Merieme Yafout (Casablanca)

et Ajmi Lourimi (Tunis)

Contrepoint : Ahmet Insel (Istanbul), Mohamed Kerrou (Tunis),

Stéphane Lacroix (Paris) et Zekeria Ahmed Salem (Nouakchott)

18h15 – 19h

CLÔTURE

“D’UN JASMIN A L’AUTRE?

LES PRINTEMPS ARABES VUS DE CHINE”

avec Antoine Kernen (Lausanne),

Françoise Mengin (Paris) et Jean-Louis Rocca (Paris)

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الانتفاضات العربية في انتظار ربيعها الاجتماعي

الانتفاضات العربية في انتظار ربيعها الاجتماعي

ياسين تملالي

« الأخبار »، بيروت، 24 يناير 2012

حققت الطبقات الشغيلة في المنطقة العربية طوال سنة من الانتفاضات بعض المكاسب، منها ما هو ماديّ كرفع الأجور وتحسين ظروف العمل، ومنها ما هو سياسيّ كحق تمثيلها ديمقراطيا (صعود الحركة النقابية المستقلة المصرية، تجديد قيادة الاتحاد العام التونسي للشغل، الخ). لا شك في هذه المكاسب لكنها، سواء رحل الحكام المستبدون أو تحولوا إلى « مصلحين »، لم تترافق بعدُ بأية بادرة تغيير للسياسات الاقتصادية المتبعة في المنطقة، ولا حتى في مصر وتونس، حيث أطاح المدّ الثوري برمزين من رموز تزاوج الحكم التسلطي بالنهب الليبرالي.

في مصر، يتصرف المجلس العسكري وكأن حسني مبارك تخلى عن الحكم سلميا، بطلب منه، لا تحت ضغط شعبي كانت الإضراباتُ العمالية أحد مظاهره الحاسمة. لا فرق يُذكر بين الموازنة العامة التي أعدَّها له عصام شرف في يوليو 2011، وتلك التي أعدَّها للرئيس المخلوع، في يوليو 2010، أحمد نظيف، القابعُ في سجن طرة. أدهى من ذلك، رأينا المجلس، بعد « قراءة متأنية » لمقترحات رئيس حكومته السابق – وبغرض « حماية الثورة » من نفسها على الأرجح – يأمرُه بتقليص بعض النفقات الاجتماعية التي حاول هو، على استحياء، عدمَ تقليصها (الصحة والسكن والمعاشات ومنح البطالة).

وجاء رئيسُ الوزراء الحالي، كمال الجنزوري، خيرَ خلف لخير سلف، فرغم تواصل الاحتجاجات الشعبية بكل أشكالها (إضرابات عمالية، مظاهرات مطالبة بتوفير الغاز، الخ) ، لا فرق بين السياسة الاقتصادية التي يعتزم تطبيقَها تحت إشراف العسكر وسياسة حكومات مبارك، وأهمّ أركانها تحميلُ الفقراء وحدَهم عبء تمويل الاقتصاد، بزيادة وطأة الجباية عليهم واستِلاف مبالغ ضخمة من الخارج سيُفنون العمرَ في سدادها، هم وأبناؤهم من بعدهم. لا أدلَّ على هذا الاستمرار بين الماضي والحاضر، بين الاستبداد المدني والديمقراطية العسكرية، من الحديث الدائر اليوم عن إلغاء دعم أسعار بعض المنتجات (المحروقات) ولا من مشروع اقتراض 3،2 مليار دولار من صندوق النقد الدولي، اشترط لضخِّها في الخزينة المصرية إحكامَ رقابته على الأداء الحكومي (خاصة الإنفاق الاجتماعي).

سنة بعد 25 يناير 2011 إذاً، لا تراجعَ عن سياسة مبارك الاقتصادية (لُخِّصت كل مساوئها في « الفساد » و »التربّح بغير وجه حق ») ولا عن خصخصة عشرات الشركات الحكومية رغم ما شكّلته من تبديد فاضح للممتلكات العمومية، ولا مجردَ تفكير في إلزام رجال الأعمال بالمساهمة في حل أزمة مصر المالية، فمساهمتُهم في حلّها لا ينبغي أن تتجاوز، في نظر كمال الجنزوري، تكرُّمَهم بدفع ثمن الطاقة التي تستهلكُها مصانعهم (قرار رفع الدعم عنها جزئيا، ديسمبر 2011). ولا يبدو أن الإخوانَ المسلمين المرشحين لتشكيل الحكومة القادمة ينوون توجيه دفّة البلاد الاقتصادية وجهة أخرى. بالعكس، نراهم يوزّعون الوعودَ تلو الوعود – على العسكر والأمريكان – باحترام قوانين الاستثمار وتشجيع المستثمرين.

ورغم واقع التغيير السياسي في تونس (رؤساء الدولة والبرلمان والحكومة وجزء كبير من الوزراء من قدامى المعارضين)، لا يختلف المشهد الاقتصادي فيها كثيرا عنه في مصر، فما أن تولت حكومة حمادي الجبالي الإسلامية مهامَّها حتى بادرت إلى طمأنة قطاع الأعمال (المحلي والأوروبي) واعدةً باحترام قوانين الاستثمار السارية وتشجيع المستثمرين، أي السير على نهج حكومة الباجي قايد السبسي المواصل لنهج حكومات زين العابدين بن علي. ولن يعيق وفاءَها بوعودها الرئيسُ منصف المرزوقي وهو الذي دعا الشعب التونسي، في 23 ديسمبر الماضي، إلى « هدنة اجتماعية »، ملوحا بـ « تطبيق القانون » في حال استمرت الإضرابات والاعتصامات في تعطيل الإنتاج (ورد كلامه هذا، يا لبلاغة الرمز، في خطاب ألقاه أمام أرباب العمل التونسيين).

سنةٌ مضت منذ أن « فهم » الرئيس اللاجئ في أبها ضرورةَ رحيله لكن لا حديث لسلطات تونس الجديدة عن التخلي عن « النموذج التونسي » الذي ارتبط به اسمُه، وهو نموذج قائم على الاستثمار في المناطق الساحلية (أي قرب الموانئ التجارية) على حساب مناطق الداخل وتوجيه الطاقات الإنتاجية نحو التصدير وتشجيع القطاعات الاقتصادية التي لا تحتاج إلى يد عاملة عالية التأهيل كالنسيج والخدمات (ما يفسر ارتفاع نسبة البطالة في أوساط حَمَلة الشهادات الجامعية). ولولا أن فتيلَ حركات الاحتجاج في ولايات الشمال الغربي والوسط لا يزال مشتعلا لنُسي أنّ الثورة التونسية، قبل أن تتحول إلى « ثورة ياسمين » رقيقةٍ رومانسية، اندلعت في سيدي بوزيد المحرومة من نِعم « المعجزة الاقتصادية » البنعلية.

لا يستهدف وصفُ هذا المشهد الكئيب التأسّفَ على عدم تمكن الطبقات العاملة من فرض نفسها لاعبا رئيسيا على الساحة السياسية في المنطقة، فالثورة ليست جنيّا طيبا يحقق الأماني كلَّها في رمشة عين. ما يستهدفه هو التذكيرُ بأن الانتفاضات العربية لا تزال تنتظر اكتمالَ ربيعها الاجتماعي وأن القوى الرأسمالية، المذعورةَ من انقلاب التوازنات الطبقية محليا وإقليميا، أتمت تأقلمَها مع الوضع العربي الجديد، وأهم معطياته حلولُ نخب الأحزاب الدينية محل قسم من النخب الحاكمة القديمة (بالتحالف مع قسم آخر منها).

وتُظهر هذه القوى من المرونة الشيءَ الكثير، فكما دعمت في الماضي حكومات مبارك و بن علي تدعم اليوم تلك التي يعينها « المرشدون »، محمد بديع وراشد الغنوشي وغيرهما، ما التزمت باحتواء الحركات الاجتماعية والسياسية الراديكالية. لهذا السبب، تبدو المرحلة القادمة من مسار التغيير في المنطقة العربية بالغةَ الدقة، فلأوّل مرة يجد الأجراء ومجموع الفقراء أنفسَهم في وجه حكومات إخوانية تلبس رداء الشرعية الثورية لكنها منبثقة، جزئيا، من الطبقات السائدة وممثِلةٌ تامة الحقوق لمصالحها. قد تكون نضالاتُهم أصعب مما كانت عليه، عندما كان الإخوان المسلمون في عداد المعارضين، لكنهم قد يوفرون على أنفسهم ملاحقةَ سراب « الحل الديني » وهم يرون التيار الإسلامي يلهيهم بواجب التمسك بـ « هويتهم » لينسيَهم أن « الصالح العام » الذي يدافع عنه هو « صالح الأثرياء »، الملتحين منهم وغير الملتحين.

ياسين تملالي

«LE DEFICIT DEMOCRATIQUE, UN OBSTACLE AU CHANGEMENT»

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À la une Actualité

El Watan

Le 21 janvier 2012

Le conférencier Ammar Belhimer invité du FFS

Le changement, les réformes, des mots qui reviennent avec insistance pour dire combien le besoin de voir la situation actuelle évoluer vers le meilleur se fait pressant et fort.

Il se trouve toutefois que les conditions requises pour mettre sur les rails tout projet de changement ou de réformes sont compromises par l’absence de démocratie.

C’est en tout cas l’avis de Ammar Belhimer, docteur en droit, enseignant à l’université d’Alger, invité hier par le Front des forces socialistes à disséquer «les grands indicateurs de la situation économique et sociale, en Algérie».

Lors de cette conférence entrant dans le cadre de l’association par le FFS «des personnalités de la société civile afin d’élargir et d’éclairer la réflexion pour la préparation de la convention nationale prévue le 11 février à Alger», M. Belhimer estime que deux obstacles majeurs ferment la voie au changement.

Il s’agit, dit-il, du «déficit démocratique et de la prise en otages des intérêts économiques locaux par des facteurs extérieurs». Malgré les moyens financiers importants dont dispose le pays, le conférencier souligne que l’absence de transparence et de règles de gestion saine des deniers de l’Etat fait qu’il est impossible de sortir de l’économie de comptoir dans laquelle on s’est engouffrés pour servir des puissances étrangères.

Parler de réformes dans ces conditions relève de la pure fantaisie, le mal étant plus profond et nécessitant des réponses politiques appropriées.

«Le déficit démocratique s’exprime par la prééminence de la violence politique. Nous nous trouvons devant une démence du système face à un peuple pacifique», note Ammar Belhimer qui relève que la violence employée par le système comme mode de fonctionnement politique s’exprime sous différentes formes, dont l’absence d’alternance au pouvoir.

«Les successions s’ordonnent de manière opaque par le cabinet noir ou conclave de décideurs… le changement des chefs d’Etat ne se fait pas de manière pacifique, ils sont soit faits prisonniers, soit assassinés, soit poussés à démissionner», dit-il en notant que chaque président concocte sa propre Constitution prouvant ainsi l’absence de contrat social négocié autour duquel tout le monde se retrouve. Une succession de violences qui traduit on ne peut mieux la nature d’un pouvoir de prédation.

L’autre forme de violence évoquée par M. Belhimer est celle liée au mode de régulation institutionnelle. «Corruption, clientélisme et compromission» sont les maîtres-mots d’un mode de régulation des institutions dans le cadre d’un contrôle policier de ces dernières.

Le conférencier souligne en outre que la violence s’exerce aussi dans l’encadrement de la société à travers la matraque qui s’exprime davantage en temps de crise.

La violence comme référent culturel est aussi, note le conférencier, mise à contribution dans l’opération de contrôle de la société et elle s’exprime par la violence à l’égard des femmes, la violence dans les écoles, etc.

L’autre obstacle au changement lié aux intérêts économiques du pouvoir et de sa clientèle sert, selon l’invité du FFS, des intérêts étrangers. «Nous n’avons pas construit une économie nationale, mais une économie de comptoir, une économie de brique, selon l’expression espagnole ou de tchipa, selon l’expression algérienne», note M. Belhimer.

Ce dernier précise que l’économie de comptoir se caractérise par une grande fuite de capitaux, mais aussi de cerveaux. «Ces fuites, qui ont un coup faramineux, hypothèquent l’avenir du pays», dira M. Belhimer en indiquant que l’Algérie a dépensé pas moins de 11 milliards de dollars en 2010 au titre des services.

«Le port d’Alger est géré par Dubai Port, le métro par la RATP française, l’eau par la Seaal filière française, l’aérogare d’Alger est gérée par les Français», précise le conférencier qui s’interroge sur le devenir de l’encadrement algérien.

Ammar Belhimer estime qu’on se trouve devant «un pouvoir de janissaires qui agit pour les intérêts étrangers et qui ne peut gérer que dans la violence… On est dans le pompage des ressources naturelles. En termes de démocratie représentative, on a eu droit à une Assemblée élue à seulement 15% et ose légiférer. Et en termes de démocratie participative, toute association qui n’est pas alliée au pouvoir est exclue».

Le dramaturge Slimane Benaïssa interviendra pour dire: «On peut représenter ce système de voyous en le comparant à une équipe de football dans laquelle on fait jouer cinq joueurs invisibles. La problématique qui se pose maintenant est de savoir comment dégager ces joueurs invisibles qui en fait gèrent tout.»

Nadjia Bouaricha