FIN D’ANNÉE: EGYPTE, TUNISIE ET… ALGÉRIE

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par Saoudi Abdelaziz

algerieinfos-saoudi blog

le 31 décembre 2013

->http://www.algerieinfos-saoudi.com/article-fin-d-annee-egypte-tunisie-et-algerie-121840190.html]

Depuis trois ans, l’irruption des masses populaires dans le jeu politique au Maghreb et au Machrek restera sans doute le phénomène majeur pendant une longue période.

Chaque pays a sa particularité, mais partout, ce sont les mêmes tendances qui sont encore à l’œuvre depuis trois ans: d’une part, les appareils de protection de la domination utilisent leur « savoir » pour sauver les privilèges -dorénavant sérieusement menacés-, d’autre part les organisations politiques traditionnelles n’ont pas su faire jonction avec les nouvelles forces vives, lesquels peinent à digérer l’intense expérience vécue depuis trois ans.

En Egypte, six mois après la journée « révolutionnaire » du 30 juin,

quelle est la situation des forces de gauche qui avaient fait le pari d’une coalition anti-frères musulmans, aux côté des conglomérats capitalistes, de la hiérarchie militaire et des services secrets? Trois mois plus tard, un communiqué du Parti « communiste » égyptien semblait convaincu que les forces du changement allaient reprendre la main. Avec une hauteur souveraine, il appelait à « la dissolution des Frères musulmans et la criminalisation de ses activités, qui sont celles d’un groupe terroriste ». Il préconisait dans le même temps une « alliance progressiste de masse avec les forces nassériennes, nationalistes et populaires pour la formation d’un grand front progressiste national-démocratique et de gauche, pour contrebalancer la position hégémonique des forces de droite ».

Vous avez dit « Un grand front progressiste? » L’actuelle direction du parti communiste égyptien semble vivre dans une planète particulière. Comment va-t-elle expliquer, en cette fin d’année, que le « nassériste » Hamdin Sabbahi et le « socialiste » Mohamed Abul Ghar, saluent la perspective de voir le général Al Sissi diriger le pays? Que Hamdin Sabbahi, qui avait recueilli 20,7 % des suffrages aux présidentielles, annonce qu’il ne se présenterait pas aux élections, si Abdel Fattah Al Sissi était candidat? (Une sorte de sketch à l’Algérienne mais appliquée déjà à un « premier mandat »?)

De leurs côtés, Les militants progressistes qui ont animé la Révolution de janvier remettent de plus en plus en cause l’alliance contre-nature du « 30 juin ». Le plus grand parti de gauche créé après la révolution (“Al Tahaluf”) vient d’éclater avec le départ de 280 membres refusant le soutien au général Al Sissi, tandis que le “Mouvement du 6 avril”, moteur de la révolution du 25 janvier 2011 réagit de plus en plus fermement contre la répression anti-démocratique dirigée jusqu’ici contre les Frères musulmans mais visant dorénavant les anciens révolutionnaires de la place Tahrir.

Pendant ce temps, sans autorisation, les gens continuent de manifester dans les rues, refusant la violence armée que le général veut les acculer à choisir (scénario dit « à l’Algérienne »); le mouvement social égyptien reprend son indépendance et… ses grèves; le nouveau pouvoir auto baptisé « néo-nassérien » signe cependant des contrats très réels avec les grandes multinationales occidentales, tout en faisant des yeux doux inoffensifs à Poutine.

En Tunisie, les forces de progrès n’ont pas basculé dans le piège égyptien.

Elles n’ont pas avalisé la construction d’une alliance idéologique contre-nature du même type que celle qui a été pratiquée par les politiciens de « gauche » en Egypte. Le responsable actuel du Front populaire, le médiatique Hamma Hammami semble porter la principale responsabilité de la compromission de la gauche tunisienne avec la « destourie ». Compromission qui n’a pas réussi à conduire à l’explosion civile. Dans tous les cas, un nouvelle phase plus apaisée s’ouvre avec la préparation des prochaines échéances électorales…

Quant à l’Algérie, nul n’est prophète dans son pays, dit l’adage.

Ya a’raf Slaho, c’est ainsi que les Algériens désignent traditionnellement la personne qui agit sagement, dans la pleine connaissance de ses intérêts. Ici comme en Tunisie ou en Egypte, l’évolution est conditionnée, pour chaque groupe social, par la bonne ou mauvaise identification de ses propres intérêts.

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Bonne année 2014

Dessin de Picasso


FORUM SOCIALGERIE/

FIN D’ANNÉE : EGYPTE, TUNISIE ET… ALGÉRIE

1er janvier 2014 à 21h55min / belgat Saci — sacibelgat@yahoo.fr

Bonne année aux animateurs du mouvement social algérien. Bonne année à vous, semeurs d’espoirs – Tous ensemble, formulons le vœu en cette année 2014 pour que notre pays retrouve le chemin du progrès et que notre peuple tutoie à nouveau le chemin de la fraternité des luttes qui a jalonné son histoire de résistance.


NAQD N°31 – LA NOUVELLE DONNE GÉOSTRATÉGIQUE

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La menace de déstabilisation des États et de remise en question des souverainetés
territoriales et nationales pèse de tout son poids sur notre présent et notre futur
immédiat.

Il est devenu évident que les rapports de force à l’échelle mondiale sont en
train de changer de fond en comble.

Les frontières héritées des XIXe et XXe siècles
deviennent mouvantes sinon poreuses et, avec elles, les souverainetés territoriales ou
nationales qui s’évaporent.

La référence des relations internationales qu’est le territoire
est en train de disparaître.

On observe la multiplication des espaces où l’État
n’intervient plus et où son contrôle disparaît.

L’État, en outre, est concurrencé par
d’autres organisations non-étatiques (ONG, multinationales) dont les décisions
influent fortement sur ses propres décisions tout autant que sur les relations qu’il
entretient avec l’étranger.

Ainsi se met en marche, de manière furtive d’abord, puis
de plus en plus évidente, une sorte de «dénationalisation de l’État» .

La globalisation affaiblit des pans entiers de l’État. Il n’est plus, dans la plupart
des cas, qu’un «gardien de portail» qui, sans disparaître institutionnellement,
est petit à petit dépossédé de sa souveraineté et abandonne progressivement ce qui
fait sa fonction: la défense et la préservation des intérêts de la nation.

Des institutions se défont, d’autres entrent en crise, d’autres encore se vident
de leur sens et abandonnent leurs missions tandis qu’une politique
de mise en ordre, et aux ordres, ne se cache même plus.


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NAQD N°31

AUTOMNE-HIVER 2013

LA NOUVELLE DONNE GÉOSTRATÉGIQUE

PRÉSENTATION

Spectateurs le plus souvent impuissants des bouleversements qui affectent notre région, nous avions commencé avec un précédent numéro de la revue NAQD à déconstruire le matraquage médiatique occidental sur le pseudo printemps arabe[[N°29 “Le défi démocratique”, Automne-Hiver 2011]] cachant mal les ingérences et travestissant les interventions en «secours aux populations».

Nous avions également tenté dans la dernière livraison de faire un bilan peu réjouissant des cinquante années d’indépendances africaines[N°30 [“IN/dépendances”, Automne-Hiver 2012]].

Nous restions cependant préoccupés de voir notre voisinage immédiat, au Maghreb-Machrek, mais aussi au Sahara-Sahel, rentrer à nouveau dans des périodes de troubles graves défaisant pour certains ce que les générations du siècle à peine passé ont eu tant de mal à bâtir.

Il nous fallait absolument tenter d’en tirer les leçons car la menace de déstabilisation des Etats et de remise en question des souverainetés territoriales et nationales pèse de tout son poids sur notre présent et notre futur immédiat.

Il est devenu évident que les rapports de force à l’échelle mondiale sont en train de changer de fond en comble.

Les frontières héritées des XIXe et XXe siècles deviennent mouvantes sinon poreuses et, avec elles, les souverainetés territoriales ou nationales qui s’évaporent.

Déjà, dans ses récents travaux [[Bertrand Badie, “La fin des territoires”]], Bertrand Badie montrait bien que la référence des relations internationales qu’est le territoire est en train de disparaître.

On observe ainsi la multiplication des espaces où l’État n’intervient plus et où son contrôle disparaît. L’État, en outre, est concurrencé par d’autres organisations non-étatiques (ONG, multinationales) dont les décisions influent fortement sur ses propres décisions tout autant que sur les relations qu’il entretient avec l’étranger.
_Ainsi se met en marche, de manière furtive d’abord, puis de plus en plus évidente, une sorte de «dénationalisation de l’Etat» (Saskia Sassen).

La globalisation affaiblit des pans entiers de l’État. Il n’est plus, dans la plupart des cas, qu’un «gardien de portail» qui, sans disparaître institutionnellement, est petit à petit dépossédé de sa souveraineté et abandonne progressivement ce qui fait sa fonction: la défense et la préservation des intérêts de la nation.

Des institutions se défont, d’autres entrent en crise, d’autres encore se vident de leur sens et abandonnent leurs missions tandis qu’une politique de mise en ordre, et aux ordres, ne se cache même plus.

Un nouvel internationalisme se développe au service d’un système financier globalisé et des intérêts des grandes puissances.

Même les légitimes préoccupations concernant le réchauffement climatique ou l’écologie tournent le plus souvent autour d’enjeux énergétiques dont ces mêmes grandes puissances veulent à tout prix détenir le monopole, fut-ce au prix de guerres meurtrières.

Dans cette livraison de la revue NAQD, les auteurs nous font découvrir la portée des défis et des enjeux de la nouvelle donne géostratégique.

Ainsi, dans une large rétrospective de l’évolution des logiques de domination à travers l’histoire, Alain Joxe (“Le bout du rouleau et la démocratie”) aborde la question de la substitution de la sphère virtuelle infinie des marchés financiers à la réalité économique de la biosphère comme oikoumène limitée [[ oikos: ce qu’on a, les ressources dont on dispose; nomos: usage, et donc allocation]]. Les techniques boursières – et les lois – permettent la poursuite de l’accumulation des richesses sans but particulier. Pour l’auteur, ces «gisements» de profits ne sont plus situés aujourd’hui dans l’espace-temps économique et logistique réel, mais dans l’espace virtuel et dans le temps rapide de la communication électronique. Un temps de type «militaire», avec menace, prise de risque, décisions héroïques. Batailles avec «paiement comptant», mais sans feu ni lieu. Contrairement aux maffias anciennes, ces réseaux prédateurs ne sont plus au service des tribus, des villages, de la vieille mère ou des cousins pauvres, mais au service de l’accumulation, et la spéculation financière elle-même est considérée comme l’instrument du profit final. Ce sont ces produits financiers qui se présentent comme prédation infinie de la richesse.

La conclusion qu’en tire Alain Joxe est que, par la destruction de la sécurisation du temps long des vies humaines, la version spéculative de la marchandisation des services engendre des psychopathologies de masse, et prépare activement les conditions d’émergence d’une guerre globale, pulvérisée en versions locales «démocidaires» sur l’ensemble des sociétés.

Nous comprenons par cette approche que des formes nouvelles de volonté de puissance sont mises en place dans cette aube du XXIe siècle.

Pour Georges Corm (“Religion et géopolitique: une relation perverse)”, la puissance peut se définir par la satisfaction d’intérêts matériels, tels que l’imposition d’un commerce inégal, l’exploitation directe ou indirecte des richesses matérielles des autres nations, mais aussi de leurs ressources humaines. Pour parvenir à cette satisfaction, l’État puissant doit aussi imposer sa contrainte politique, voire militaire, sur les autres États pour les faire entrer dans son aire d’influence et de domination.

Dans cette recherche de puissance, il devient fort utile d’instrumentaliser les religions. La création d’affinités religieuses transnationales ainsi que l’établissement de centres de pouvoir religieux soumis à une hiérarchie officielle ou diffuse et indirecte, dont le centre se trouve situé au sein de l’État dominant, sont des instruments privilégiés de puissance.

La religion sert aussi bien d’instrument de domination interne sur une société que d’extension d’influence et d’hégémonie voire de domination sur les autres sociétés. Plus l’usage externe de la religion sera fort, plus il devra aussi être étendu à l’ordre interne. Mais la relation pouvant aussi jouer en sens inverse, des dictateurs invoquant des valeurs ou des dogmes religieux pour légitimer leur pouvoir interne peuvent déclencher des guerres externes pour consolider ce pouvoir.

Mais alors qu’est-ce qui relie ces stratégies de puissance politico-financières et politico-religieuses?

C’est ce à quoi Tawfik Hamel (“De la «Long War» à l’«Asia-Pacific Pivot»: Vers la non centralité de guerre irrégulière?”) va s’atteler à apporter une réponse dans sa contribution.

Pour lui, Dès la fin de la guerre froide, le Pentagone appelait à examiner comment les forces militaires américaines devraient changer pour répondre à un environnement quasi unipolaire. Un nouveau paradigme stratégique semble alors apparaître. Mais lorsqu’il a fallu penser l’avenir de la guerre, trois questions se sont imposées:

  • Quelles sont les menaces à court et long terme auxquelles les États-Unis sont confrontés?
  • Quelles sont les mesures ou les capacités nécessaires pour dissuader ou répondre à ces menaces? Quelle est la structure de force nécessaire?
  • Quelles sont les ressources nécessaires pour établir et maintenir cette structure de force?

Le 11 Septembre 2001 a montré que des acteurs non-étatiques sont devenus source des futures menaces. Dans un sens, vu la supériorité militaire conventionnelle des États-Unis, la question qui s’était posée a été celle de savoir si le pays devait redéfinir sa capacité de combat sur la base des menaces irrégulières (opérations de contre-insurrection / stabilité / nationbuilding) ou non.

En clair, la future guerre sera pour les théoriciens de la géostratégie étatsunienne principalement une forme de terrorisme, d’insurrections et de conflits de basse intensité dans des États et civilisations en défaillance, avec la probabilité de nettoyages ethniques et de génocides.

Elle sera une guerre «sale», menée par des seigneurs de guerre et aura lieu dans ce qui était vaguement appelé autrefois le Tiers-Monde. Elle se produit en raison de la faillite de l’État, plutôt que par la force et l’expansion de l’État. Et souvent, les forces militaires des pays développés seront impliquées dans ces conflits malgré elles.

Selon les théoriciens de la globalisation, «dépérissement des gouvernements centraux, hausse des domaines tribaux et régionaux, conflits ethniques, pandémies, surpopulation et migrations, criminalité, autonomisation des armées privées et des entreprises de sécurité, cartels de la drogue, rareté des ressources, érosion croissante des frontières nationales et omniprésence croissante de la guerre sont profondément liés». D’où la nécessité de repenser les formes de la réponse aux menaces contre la fameuse « sécurité nationale » des Etats-Unis. Comme la capacité des États à protéger leurs citoyens diminue, la menace peut «se développer en conflit de faible intensité par la coalescence de lignes raciales, religieuses, sociales et politiques».

Nous voilà donc au cœur d’une nouvelle géopolitique où tous les facteurs vont se conjuguer comme menace ou contre-menace.

C’est quand l’ensemble de ces logiques convergent que nous voyons se déployer dans la région Maghreb-Machrek et au Sahara-Sahel un nouveau champ de manœuvres avec résurgence de procédés d’intervention et d’influence que beaucoup pensaient révolus, mais dont les buts poursuivis et les moyens mis en œuvre ne sont plus les mêmes.

Gérard Chaliand (“Les jeux de l’échiquier au Proche et Moyen-Orient”) montre bien que dans le cas de la Syrie, on constate l’affaiblissement de la Coalition (des forces de l’opposition au régime d’El Assad), plus ou moins favorisée par les Occidentaux. Par contre, on assiste au renforcement très net des diverses organisations islamistes radicales qui ont bénéficié, comme d’autres factions islamistes, d’aides substantielles des pays du Golfe, en argent et en armes. En surplomb, on retrouvera les États-Unis avec des observateurs actifs des événements (CIA et/ou forces spéciales), qui se sont contentés pour l’essentiel d’envois d’armes « non létales ». Ainsi, ce qui aurait pu être une crise interne à intensité variable en Syrie se transforme en guerre civile qui, comme pour ce qui est advenu de l’Irak, s’installe en épicentre d’une crise régionale entre sunnites et chiites, dont l’issue est incertaine et dont l’Iran est l’objectif ultime.

Saïda Bédar (“La stratégie des Etats-Unis en Irak et dans la région du Golfe”) reprend l’analyse et la met en rapport avec les objectifs stratégiques visés par les USA dans la région.

Pour elle, l’Irak représente un cas de la stratégie étatsunienne de gestion de la transition sociopolitique des États de la région.

Cette stratégie repose sur un fragile équilibre entre des actions favorisant la fin des États forts centralisés et le soutien à des options sociales englobantes.

Mais ils devront opter pour des stratégies qui prennent en compte les acteurs régionaux et globaux dans leur capacité à contribuer aux règlements des crises et conflits.

Cependant, certains de ces acteurs régionaux, empêtrés dans leurs contradictions et incapables d’opérer une transition, risquent de continuer, selon l’auteure, à déployer des stratégies nocives de déstabilisation. C’est le cas des monarchies du Golfe qui reposent sur un féodalisme tribaliste et semblent incapables d’envisager une transition qui progressivement instaurerait l’État de droit (opposé à la loi tribale), puis l’alternance de type partage du pouvoir (au-delà des familles régnantes) et ensuite la représentation démocratique.

Force est de constater que ce qui est vrai pour le Machrek l’est autant pour le Maghreb.

Salim Chena (“L’Etat dans les relations transnationales. Le cas de l’espace saharo-sahélien”) considère que l’espace saharo-sahélien, couvrant le sud du Maghreb et le Sahel, est aujourd’hui l’un des points chauds de la politique internationale en Afrique.

Progressivement, l’image sociopolitique de cette vaste zone désertique, culturellement complexe, historiquement riche, est passée de celle d’une «région-menacée», par des problèmes environnementaux et socioéconomiques, à celle d’une «région-menace», composée d’États aux souverainetés limitées et parcourue de divers flux de trafics et de contrebandes.

Le Sahara et le Sahel apparaissent donc comme des exemples convaincants de l’importance croissante des relations transnationales dans la politique internationale: si cette dernière est le fait d’États souverains, les premières renvoient à des acteurs non-étatiques qui peuvent parfois leur être antagoniques.

Pourtant, l’État n’a pas disparu de l’espace saharo-sahélien: ce sont des États qui ont mené l’offensive au nord du Mali; les firmes transnationales négocient avec ces derniers leurs investissements; certains agents et responsables liés à l’État seraient complices des trafics et contrebandes traversant la région.

Bernard Genet (“Nouvelle approche de la géostratégie africaine”) met l’accent quant à lui sur les ressorts de la stratégie française dans la région.

Coup d’État militaire français en Côte d’Ivoire, crises politiques tunisienne et égyptienne, agression de la Libye par l’OTAN, poursuite de l’épouvantable guerre du Congo, dislocation de la Somalie, fabrication du nouvel État sud-soudanais, putsch en République Centre Africaine, ces dernières années font de l’Afrique le continent de la plus forte instabilité.

Pour lui, les tentatives de compréhension synthétiques de cette situation sont nombreuses et mettent en œuvre des outils intellectuels divers, mais le plus pertinent aujourd’hui est celui d’ingérence.

Le cas le plus flagrant étant celui de l’agression de la Libye par l’OTAN où, profitant de l’abstention de la Chine et de la Russie au Conseil de sécurité, les puissances néocoloniales ont déclaré la guerre à un pays africain en outrepassant outrageusement la résolution des instances internationales.

Mais alors quels sont les ressorts sous-tendant la volonté de puissance de la France par exemple au regard de ce que les auteurs de ce numéro ont tenté jusqu’ici de mettre en évidence? Différence d’approche ou simple force auxiliaire des intérêts transnationaux ou supra-gouvernementaux?

Pour Manlio Dinucci , abordant l’agression contre la Libye, la réponse est claire.

La désagrégation de l’État unitaire a commencé, fomentée par des intérêts partisans. La “Cyrénaïque” – où se trouvent les deux tiers du pétrole libyen – s’est de fait autoproclamée indépendante, et le “Fezzan”, où sont d’autres gros gisements, veut l’être aussi; et ne resteraient à la “Tripolitaine” que ceux qui sont devant les côtes de la capitale.

La balkanisation de la Libye entre dans les plans de Washington, s’il n’arrive pas à contrôler l’État unitaire.

Ce qui est urgent pour les USA et les puissances européennes c’est de contrôler le pétrole libyen: plus de 47 milliards de barils de réserves assertées, les plus grandes d’Afrique. Il est important pour eux de disposer aussi du territoire libyen pour le déploiement avancé de forces militaires plus ou moins officiellement déclarées et mandatées.

Dans un autre court article, il fait le lien avec le déploiement des forces occidentales coalisées dans la région Sahara-Sahel.

Pour lui, ce qui a été lancé au Mali, avec la force française comme fer de lance, est une opération de vaste envergure qui, du Sahel, s’étend à l’Afrique occidentale et orientale. Elle se soude à celle qui a commencé en Afrique du Nord avec la destruction de l’État libyen et les manœuvres pour étouffer, en Egypte et ailleurs, les rébellions populaires.

Une opération à long terme, qui fait partie du plan stratégique visant à mettre la totalité du continent sous le contrôle militaire des «grandes démocraties», qui reviennent en Afrique avec un casque colonial peint aux couleurs de la paix.

Il nous faut donc, ici, mettre à l’épreuve les hypothèses développées par les précédents auteurs en regardant de plus près les intérêts en jeu dans le temps plus ou moins long, à l’échelle locale ou régionale.

Pour André Bourgeot (“Sahara : espace géostratégique et enjeux politiques (Niger)”), l’OCRS[[“Organisation commune des régions sahariennes”, devenue plus tard avec les indépendances des Etats africains, “Organisme de coopération des riverains du Sahara” (NDLR)]] apparut très rapidement comme une institution à caractère politique.

L’évolution de la guerre d’Algérie devait finalement limiter son action aux deux seuls départements sahariens de la “Saoura” et des “Oasis”. Elle disparut en 1962, suite à la proclamation de l’indépendance algérienne après huit années de guerre. L’OCRS confirme que le général Bugeaud[[Thomas Robert Bugeaud, marquis de La Piconnerie, duc d’Isly, devenu maréchal de France après s’être illustré en tant que commandant des forces d’occupation par la politique de la terre brûlée dans sa lutte contre la résistance de l’émir Abd el Kader (1841-1848) (NDLR)]] avait, en son temps, et du point de vue colonial, correctement envisagé le rôle stratégique du Sahara qu’il considérait comme «la sécurité de l’Algérie».

Il apparaît au fil de cette étude que si la géographie n’est pas en mesure de circonscrire précisément le Sahara, c’est le politique et les politiques nationale et internationale qui lui donneront des frontières, artificielles bien sûr. Le Sahara, comme tous les autres déserts, se définit par rapport à ses marges. Envisagée comme la plaque tournante de l’Afrique francophone, les exemples avancés et les événements historiques décrits dans cet article tendent à montrer que le Sahara est avant tout un espace géostratégique, lieu d’enjeux politiques et économiques («plan de Foucauld», OCRS, constitution récente des États sahariens impulsée par le colonel Kadhafi).

Le Sahara, centre périphérique des enjeux politiques ou périphérie du centre stratégique est ambivalent et complexe. Espace hors ou sans frontière, ce sont aussi de vastes étendues vides peuplées de génies (les djinns)[[On peut dire de «forces spéciales» grimées aux couleurs et aux accents des lieux (NDLR)]], de derricks, de dunes, de cailloux, de nomades et de sédentaires: le Sahara se franchit mais il ne se laisse pas domestiquer pour autant. Il reste éclaté sur plusieurs États qui ont négocié et tracé des «frontières passoires».

Damien Deltenre (“Gestion des ressources minérales et conflits au Mali et au Niger”) reprend la même approche en mettant en exergue les tentatives des puissances de s’assurer l’accès à des ressources devenues stratégiques pour les économies occidentales.

L’auteur considère qu’à la lumière des événements récents qui ont affecté le Sahel, une lecture des enjeux sécuritaires de cette région pourrait gagner à intégrer la dimension relative aux ressources naturelles, en particulier minérales, étant donné l’importance économique que représentent l’or et l’uranium pour le Niger et son voisin, le Mali.

Cet article montre les différences et points communs entre le Mali et le Niger dans leurs politiques de gestion des ressources minérales. Pour ce qui concerne particulièrement le Niger, il apparaît très vite que la France obtient le monopole de fait de la production d’uranium nigérien. L’essor à la même époque de ses programmes nucléaires civils et militaires suscitait en effet une demande intense de la part de la France. Areva termine la construction du complexe minier d’Imouraren, lequel devrait voir le jour dans le courant de 2015 et devenir la seconde plus grande mine d’uranium au monde. On comprendra alors pourquoi Areva a eu besoin du soutien direct du président français Sarkozy pour éviter que cette concession ne soit acquise par une société chinoise.

Mais pour s’assurer le contrôle de telles ressources dont les économies occidentales menacées par la crise énergétique ne peuvent se passer, il faut non seulement entretenir des clientèles locales mais maintenir sur place des bases militaires et engager des forces d’intervention à géométrie variable.

Raphaël Granvaud (“De l’armée coloniale à l’armée néocoloniale”) s’intéresse justement à cette dimension dans la même optique que les précédents auteurs.

Pour lui, l’armée française est l’un des principaux instruments au service d’une politique qui vise au maintien de l’ordre néocolonial mis en place à partir des années 1960. Elle assure la défense et la protection des pays et des dirigeants vassalisés de la France, et symétriquement réprime les mouvements ou déstabilise les régimes qui s’opposent aux intérêts de l’ex-métropole.

Ces intérêts, hérités de la période coloniale, sont d’abord économiques à commencer par ceux qui assurent l’indépendance énergétique de la France (uranium, pétrole ou gaz obtenus à bas prix). Il s’agit aussi de garder dans l’orbite française un certain nombre d’États clients, qui contribuent à lui conférer sur la scène internationale le statut d’une grande puissance, héritage de la période coloniale.

Au vu des développements des théories géopolitiques et géostratégiques analysées plus haut, il apparaît de plus en plus que l’évolution de l’art de la guerre impose qu’à ces ingérences et interventions de toutes sortes, il faut un chef d’orchestre qui coordonne ou soutient les actions des gendarmes locaux aux moyens trop limités.

Manlio Dinucci (“Les missionnaires de l’Africom”) s’intéresse à l’outil militaire mis en place par les USA en Afrique.

Il rappelle que le 19 mars 2011, l’Africom a lancé avec l’opération Odissey Dawn la première phase de la guerre dont le but réel était de renverser le gouvernement de Tripoli pour imposer à la Libye (pays qui a les plus grandes réserves pétrolifères d’Afrique) un gouvernement qui plaise à Washington. Est-il utile de rappeler ici ce que Tewfik Hamel nommait dans son analyse les opérations de contre-insurrection / stabilité / nationbuilding.

Pour Manlio Dinucci, les États-Unis s’emploient à soutenir en Afrique des «démocraties fortes et durables», parce que «le développement dépend du bon gouvernement».

Mission que l’Africom réalise en formant en Afrique des «forces militaires partenaires, professionnelles et compétentes, pour créer une situation stable et sûre en soutien de la politique extérieure USA».

L’Africom contribue donc au bon gouvernement en Afrique en s’appuyant sur ces sommets militaires que Washington juge fiables ou pouvant être conquis. De nombreux officiers sont formés au Centre d’études stratégiques pour l’Afrique et dans divers programmes.


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http://www.revue-naqd.org/doc/index.html

VIENT DE PARAITRE – NAQD n°31: LA NOUVELLE DONNE GÉOSTRATÉGIQUE – MACHREK/ MAGHREB – SAHARA /SAHEL

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La menace de déstabilisation des États et de remise en question des souverainetés
territoriales et nationales pèse de tout son poids sur notre présent et notre futur
immédiat.

Il est devenu évident que les rapports de force à l’échelle mondiale sont en
train de changer de fond en comble.

Les frontières héritées des XIXe et XXe siècles
deviennent mouvantes sinon poreuses et, avec elles, les souverainetés territoriales ou
nationales qui s’évaporent.

La référence des relations internationales qu’est le territoire
est en train de disparaître.

On observe la multiplication des espaces où l’État
n’intervient plus et où son contrôle disparaît.

L’État, en outre, est concurrencé par
d’autres organisations non-étatiques (ONG, multinationales) dont les décisions
influent fortement sur ses propres décisions tout autant que sur les relations qu’il
entretient avec l’étranger.

Ainsi se met en marche, de manière furtive d’abord, puis
de plus en plus évidente, une sorte de «dénationalisation de l’État» .

La globalisation affaiblit des pans entiers de l’État. Il n’est plus, dans la plupart
des cas, qu’un «gardien de portail» qui, sans disparaître institutionnellement,
est petit à petit dépossédé de sa souveraineté et abandonne progressivement ce qui
fait sa fonction: la défense et la préservation des intérêts de la nation.

Des institutions se défont, d’autres entrent en crise, d’autres encore se vident
de leur sens et abandonnent leurs missions tandis qu’une politique
de mise en ordre, et aux ordres, ne se cache même plus.


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NAQD N°31

AUTOMNE-HIVER 2013

LA NOUVELLE DONNE GÉOSTRATÉGIQUE

[

PRÉSENTATION

pour lire la présentation, cliquer sur le lien (…)->1350]

RECUEILLEMENT À LA MEMOIRE DE HOUARI MOUFFOK

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Recueillement à la mémoire

de HOUARI MOUFOK

le 28 décembre2013


VIDÉO

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http://www.youtube.com/watch?v=L9uUYTGRWKY&feature=youtu.be

Nous étions quelques amis et camarades de HOUARI MOUFOK à venir se recueillir sur sa tombe en ce samedi 28 décembre au nouveau cimetière de BENI MESSOUS ALGER.

Le temps fut printanier, et des roses furent déposées sur sa tombe par SOUMIA, AOUICHA et SALIMA.

Mr Mohamed Rebah prit la parole pour nous raconter son camarade et frère. Ému il nous relata le partage du couffin avec HOUARI du temps ou ils étaient incarcérés ensemble à la prison d’EL HARRACH, après leur opposition au coup d’état du 19 juin 1965, et quand feu MOUFOK (dont la famille était à Oran et ne pouvait être là), à chaque parloir, avait l’honneur d’ouvrir le couffin que ramenait feu le père REBAH avec du pain tout chaud qu’ils se partageaient entre camarades… et entendre à chaque fois HOUARI entonner de sa voix fraternelle pour les détenus «Toi l’auvergnat!!!»

Suivent les interventions des quelques présents.

Les participants ont retenu l’idée d’une journée d’étude autour de HOUARI MOUFOK et son apport à la construction d’une ALGÉRIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, l’appel est lancé aussi à travers le journal RAINA, à tous ses amis et camarades pour préparer cet événement.


PHOTOS

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HOUARI MOUFFOK – LES « PASSEURS » DE L’UNEA HISTORIQUE


HOMMAGE À HOUARI MOUFFOKpar Farid Cherbal – enseignant-chercheur à l’USTHB (Alger) – algerieinfos-saoudi – El Watan – le 28 décembre 2013;


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HOUARI MOUFFOK, ANCIEN MILITANT DE L’UNEA LE MILITANT ÉTUDIANT ET LES TORTIONNAIRES“El Watan”le 09 novembre 2003;


ANCIEN LEADER DU MOUVEMENT ÉTUDIANT, HOUARI MOUFFOK NOUS A QUITTÉSalgerieinfos-saioudi – le 25 décembre 2013;


DÉCÈS DE HOUARI MOUFOKmardi 24 décembre 2013 – par raina;


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PRÉSENTATION de  » PARCOURS D’UN ÉTUDIANT »par HOUARI MOUFFOK – le 22 août 2011;

À la demande de Sadek Hadjerès, j’ai décidé de présenter, sur son site «Socialgérie», mon témoignage intitulé «Parcours d’un étudiant algérien: de l’UGEMA à l’UNEA», préfacé par Nourredine Saadi et publié par les Editions Bouchène, à Paris en 1999 et à Alger en l’an 2000…


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HOUARI MOUFFOK N’EST PLUS: L’ALGÉRIE PERD UNE AUTRE ICÔNE DE SON HISTOIRElemaghrebdz.com;


LES « PASSEURS » DE L’UNEA HISTORIQUE

[

algerieinfos-saoudi

le 28 décembre 2013

->http://www.algerieinfos-saoudi.com/article-les-passeurs-de-l-unea-historique-121798099.html]

« L’université et le mouvement syndical démocratique et revendicatif de l’Algérie du XXIe siècle doivent beaucoup aux luttes et aux sacrifices de Houari Mouffok et de ses camarades de l’UNEA historique ».

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HOMMAGE À HOUARI MOUFFOK

par Farid Cherbal

enseignant-chercheur à l’USTHB (Alger)

Le militant Houari Mouffok, premier président de l’Union nationale des étudiants algériens (UNEA historique, 1963-janvier 1971) est décédé le lundi 23 décembre 2013 à Alger.

Houari Mouffok fait partie d’une génération de militants du mouvement estudiantin algérien qui ont marqué l’histoire de notre pays par leur lutte, leur sacrifice et leur engagement permanent durant la guerre de Libération nationale et pour l’Algérie indépendante.

Houari Mouffok a milité sans relâche pour la liberté, la démocratie et la justice sociale. Houari Mouffok et ses camarades de l’UNEA historique, dont je cite les regrettés Keddar Berakaï et Mahmoud Mahdi dit «Zorba», ont été des militants de la continuité historique et des passeurs du souffle libérateur du mouvement national algérien à la jeunesse estudiantine.

L’histoire retiendra que Houari Mouffok, Keddar Berakaï et Mahmoud Mahdi et leurs camarades de l’UNEA historique ont affronté avec courage et une détermination sans faille la répression et les geôles humides des dragons noirs de la pensée unique et de la police politique qui sévissaient dans l’Algérie d’avant le 5 octobre 1988.

Leur sacrifice et leur contribution au projet politique et économique souverain dans l’Algérie des années 1960-70, ont permis à un million et demi d’étudiants de rejoindre les bancs de l’université algérienne, en septembre 2013.

Aujourd’hui, il faut combattre sans relâche les termites de l’amnésie et rappeler, haut et fort, que l’université et le mouvement syndical démocratique et revendicatif de l’Algérie du XXIe siècle doivent beaucoup aux luttes et aux sacrifices de Houari Mouffok et de ses camarades de l’UNEA historique.

Houari Mouffok est mort, le combat pour une Algérie démocratique et sociale continue.

Source: El Watan

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DÉCÈS DE HOUARI MOUFOK

[

mardi 24 décembre 2013

par raina

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article312]

Hospitalisé hier soir à l’Hôpital de Béni Messous – ALGER,
HOUARI MOUFOK est décédé.

Il a été enterré aujourd’hui au cimetière
de Béni Messous.

L’équipe du journal RAINA présente à l’occasion de ce
triste événement à la famille du défunt, et à tous ses compagnons et
amis ses plus sincères condoléances et les assure de son entière
solidarité!

haut de page


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interview accordé par Houari Mouffok

au journal “El Watan”

HOUARI MOUFFOK,

ANCIEN MILITANT DE L’UNEA

LE MILITANT ÉTUDIANT ET LES TORTIONNAIRES

“El Watan” du 09 novembre 2003

Monsieur Houari Mouffok, vous avez été arrêté en 1965 par la Sécurité
militaire lorsque la répression s’était abattue sur des centaines
d’Algériens dans les jours, les semaines et les mois qui ont suivi le
coup d’Etat du 19 juin. Pouvez-vous rappeler brièvement les données de
ce contexte aux lecteurs d’El Watan?

En réalité, j’ai été recherché par les services de sécurité après la
déclaration que j’ai faite au nom du comité exécutif de l’UNEA et qui
dénonçait le coup d’Etat du 19 juin 1965 et exigeait la libération de
Ben Bella, président de la République, garant de l’application de la
charte d’Alger.

Je suis entré en clandestinité, puis je me suis rendu
au Maroc. La répression s’est abattue sur les compagnons de Ben Bella
comme Benalla, le Dr Nekkache et autres, sur les leaders du PCA comme
Bachir Hadj Ali, Sadek Hadjerès… et la gauche du FLN, comme Harbi,
Zahouane… qui ont constitué l’“Organisation de la résistance populaire”.

Les étudiants ont payé un lourd tribut en raison de leurs actions pour
les libertés démocratiques.

Dans un écrit qui a été publié par El Watan le 7 octobre 2003, vous
exigez des autorités des compensations. Avez-vous subi des tortures ou
autres sévices durant le temps qu’a duré votre incarcération après
votre retour du Maroc où vous avez été, par ailleurs victime de
traitements inhumains?

En effet devant le silence des autorités face à mes doléances, j’ai
décidé de lancer un appel aux nombreuses victimes du régime instauré
par le coup d’Etat du 19 juin pour qu’elles se rassemblent et exigent
leur rétablissement dans leurs droits moraux et matériels.

Il est
injuste que, alors que des personnalités politiques ont bénéficié
d’indemnisations, la quasi-totalité des victimes soit oubliée.

Personnellement j’ai été arrêté à Rabat, torturé au commissariat
central et séquestré pendant 45 jours au bout desquels j’ai été remis
aux services algériens en échange d’exilés marocains de l’opposition
qui avaient trouvé refuge à Alger.

J’ai fait l’objet de sévices
inhumains de la part de la sécurité militaire et ce n’est qu’en
novembre 1965 que j’ai été transféré à la prison d’El Harrach où j’ai
retrouvé les autres détenus politiques.

Que vous reprochait la Sécurité militaire algérienne?

La Sécurité militaire a arrêté tous les opposants du 19 juin, en les
accusant d’association de malfaiteurs.

En réalité en ce qui me
concerne, ils n’avaient aucun motif si ce n’est la déclaration dont je
parle plus haut et qui a été publiée dans le quotidien “Le Monde”.

Avez-vous une idée de l’identité de vos tortionnaires? Quels sont
leur nom, grades et fonctions?

C’est le capitaine Benhamza qui m’a arrêté et enfermé dans une cellule
de 1 m² et 50 cm de haut où je suis resté trois jours… Un véritable
calvaire.

Transféré dans une cellule plus «vivable» j’ai eu affaire —
chance dans le malheur — à une ancienne connaissance de Mostaganem,
comptable dans une maison de gros, que mes compagnons de détention,
retrouvés à El Harrach, appelaient le «balafré» et qui était
particulièrement «féroce»

Vous aviez, sans doute, appris après votre libération que certains de
vos compagnons de l’UNEA, des militants du PCA et des membres de l’ORP
avaient également subi le sort qui vous avait été réservé, quelle
était l’ampleur des arrestations et des sévices infligés à ceux qui
s’étaient prononcés contre le coup de force de l’armée?

En prison déjà j’ai appris les traitements cruels dont ont été
victimes mes compagnons. Deux livres de référence dans ce domaine :
“Les Torturés d’El Harrach” de Henri Alleg et “L’Arbitraire” de Bachir
Hadj Ali.

Durant les années suivantes, avez-vous été encore maltraité ou l’objet
d’ostracisme ou d’autres formes de répression?

Quelques semaines après ma libération j’ai été agressé à Oran et
laissé pour mort dans un couloir d’immeuble. J’étais l’objet d’une
surveillance constante.

Par ailleurs, en 1976 lors d’un congrès
national des ingénieurs algériens alors que j’étais élu délégué par
l’assemblée de wilaya d’Alger à la quasi-unanimité, les responsables
du FLN qui contrôlaient le congrès ont tout simplement interdit ma
candidature au bureau national.

Vous savez, à ma libération en
novembre 1966, je me suis retrouvé sans famille, sans logement.

En
effet, mon appartement du centre-ville a été confisqué par la SM avec
tout ce qui s’y trouvait (mobilier, électroménager, albums personnels,
correspondance privée…).

Je n’ai même pas pu récupérer mes diplômes.

Les séquelles de la détention et des sévices m’ont lourdement
handicapé durant les premières années de ma carrière professionnelle.

Par la suite, marginalisé par le système, ce n’est que grâce à des
relations personnelles avec certains responsables comme Belaïd
Abdesselem, Sid Ahmed Ghozali ou encore Abdelhamid Brahimi que j’ai
pu, par exemple, faire un doctorat d’Etat de sciences économiques à la
Sorbonne et travailler pendant trois ans à la représentation de
Sonatrach aux Etats-Unis.

Vous étiez un jeune à la fin des années 1950 mais vous aviez néanmoins
entendu parler de la torture infligée par l’armée coloniale aux
Algériens et aux Français partisans de la libération de l’Algérie.

Quel a été votre ressentiment lorsque ces pratiques ont eu lieu sous
les ordres de responsables politiques et/ou militaires qui, en tant
que maquisards, dénonçaient, quelques années auparavant les sévices
féroces des militaires français?

Après avoir déserté l’armée française, je me suis rendu en Suisse où
j’ai découvert “La Question” de Henri Alleg. J’ai été bouleversé. Ainsi
la France, patrie de la Révolution de 1789, torturait ceux qui, en
Algérie, se réclamaient de ses principes.

Plus tard, comme beaucoup
d’autres victimes des tortures que nous infligeaient ceux que nous
appelions nos frères, j’ai eu le sentiment que l’appétit de pouvoir
mène à toutes les dérives.

Vous lancez un appel à toutes les victimes du coup de force de juin
1965 en vue de la mise sur pied d’une association. Quels objectifs
aura à atteindre cette dernière?

J’ai écrit un récit-témoignage paru aux éditions Bouchène à Paris en
1999 et à Alger en l’an 2000. Il retrace les péripéties objet de cette
interview et précède l’appel que j’ai lancé le 7 octobre à tous ceux
qui ont connu la prison, la torture, la spoliation, la clandestinité,
l’exil et ou la marginalisation après le coup d’Etat du 19 juin 1965,
pour qu’ils se constituent en une association démocratique qui a pour
seul objectif la satisfaction des revendications morales et
matérielles.

Je profite de cette interview pour demander aux
intéressés de nous contacter par Internet

Lahourimouffok@hotmail.com

Par A. A.

El Watan, le 9 novembre 2003

repris sur plusieurs sites: algeria-watch.org

sources: raina-dz

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ANCIEN LEADER DU MOUVEMENT ÉTUDIANT,

HOUARI MOUFFOK NOUS A QUITTÉS

algerieinfos-saioudi

le 25 décembre 2013

Il est mort avant hier à l’hôpital de Beni-Messous.

J’ai connu Mouffok durant l’été 1963 à la cité universitaire Ben Aknoun.

Nous étions délégués au 5ème congrès de l’UGEMA qui déboucha sur l’affirmation de l’autonomie de l’organisation étudiante, jusqu’alors placée, comme les syndicats UGTA, sous la tutelle du FLN.

Le sigle et les statuts de l’UNEA furent adopté à l’isssue de ce congrès qui fut celui de l’émancipation du mouvement étudiant. Mouffok sera le premier président de la nouvelle organisation syndicale des étudiants.

Il sera arrêté deux ans plus tard pour son opposition au coup d’Etat du 19 juin 1965, après une malencontreuse tentative de trouver refuge au Maroc.

Il racontera: « J’ai été arrêté à Rabat, torturé au commissariat central et séquestré pendant 45 jours au bout desquels j’ai été remis aux services algériens en échange d’exilés marocains de l’opposition qui avaient trouvé refuge à Alger ». (El Watan)

Après octobre 1988, une des officines en compétition pour le contrôle du mouvement étudiant a fait main basse sur le sigle, sans doute considéré comme un bien vacant après sa dissolution officielle en janvier 1971.

40 ans plus tard, Houari Mouffok notera en août 2011 dans Socialgerie: « La mainmise de certains partis sur les quelques organisations étudiantes n’offre pas de perspectives claires sur le plan politique et n’assure pas des règles de fonctionnement démocratiques ».

Mais la nature a horreur du vide. L’ancien leader étudiant écrit: « Il ne faut donc pas s’étonner que pour faire aboutir leurs revendications, les étudiants aient manifesté en masse, en dehors de ces organisations, durant les mois d’avril et mai, en créant une coordination indépendante, digne des moments les plus glorieux de l’histoire du mouvement étudiant »

sources: algerieinfos-saoudi

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«LA SAS DE BENI DOUALA» – LIVRE DE MAX DRIDER

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L’ACB

ouvre

les guillemets

Mercredi

15 janvier 2014

à 19 heures

à

MAX DRIDER

Pour son livre

« La SAS

de Beni Douala »

(Auto éditions)

2013

ISBN: 9782954542508

[En vente sur

instant-lecture.com->http://www.instant-lecture.com/index.php?id_product=427]

Soirée présentée

par Mohand Dahmous

et Arezki Metref

Max Drider,

Ath Ayomrane de son nom kabyle est né à Marseille le 16 novembre 1942 d’un père amazigh de Tizi-Hibel et d’une mère française de Troyes.
Après la disparition de sa mère en 1945, son père décide de l’emmener vivre chez sa grand-mère en Kabylie. De 1946 à 1953, il vit à Tizi-Hibel. En 1953, il revient à Marseille jusqu’au décès de son père en 1956.

Il regagne Tizi-Hibel, où il vit les atrocités de la guerre qui ravage la Kabylie, fuyant en 1959, comme beaucoup, l’enfer du village pour se réfugier chez sa tante qui s’était elle-même enfuie à Alger.

De 1960 à 1962, il est incorporé de force à la SAS de Béni-Douala, par le capitaine Oudinot, sous prétexte de service national.

Installé en Métropole fin 1963, il est arrêté en avril 1964 pour insoumission au service national.

Après bien des péripéties, ce n’est qu’en 1965 qu’il est libéré de ses obligations militaires en France, après être passé par la prison des Baumettes, ensuite celle de Fresnes et pour finir au Dépôt Central des Isolés de Rueil-Malmaison, Caserne Guynemer, d’où il est sorti libre, seulement le 25 mai 1965, après son jugement devant le tribunal permanent des forces armées de Reuilly à Paris. Son service national n’a duré pas moins de 32 mois!

Il n’était jamais venu à l’esprit de Max DRIDER de raconter toutes les misères subies en Kabylie durant la guerre d’Algérie. Ce n’est qu’en découvrant par hasard en 2010 le livre écrit par le capitaine Georges Oudinot, « un Béret rouge en Képi bleu », et après avoir visionné son film intitulé “Le Destin d’un capitaine”, qu’il lui est apparu indispensable d’apporter son contre-témoignage.

Dans le préambule de son livre, il regrette que cet officier colonial, « cinquante ans après les faits, malgré tant de recul, n’ait pas évolué comme on aurait pu l’espérer, dans son approche du problème algérien et de l’émancipation des peuples. Il arrive même en fin de récit à se présenter en victime.

Or cela n’est pas acceptable au regard des centaines de martyrs des Béni-Douala, seules véritables victimes des événements d’Algérie. »

Plus de 600 Kabyles ont péri dans le seul secteur des Ath Douala sous le commandement de Georges Oudinot.

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ACB

37 bis rue des Maronites

75020 Paris

M°Ménilmontant

Entrée libre

->http://www.acbparis.org/index.php?option=com_content&view=article&id=287:bonne-annee-2014&catid=86:agenda-de-lacb&Itemid=476]

Réservation conseillée par mail

contact@acbparis.org

ou au 01 43 58 23 25


autres liens:

[

PRÉFACE

http://www.kabyle.com/

->http://www.kabyle.com/sas-des-beni-douala-max-drider-22246-23082013]

Préface

Max est un déraciné et la vie à Tizi Hibel, dans la guerre, n’a pas été facile pour lui.

Il s’y est pourtant adapté et s’est vite mis au travail pour échapper à la misère. Adolescent, il a tressé des corbeilles, fait le maçon et il s’est construit une petite chambre pour avoir un toit. Il se préparait à faire sa vie en kabyle, car il se sentait profondément d’ici.

Les événements et le capitaine Oudinot en ont décidé autrement. Sous le prétexte du service militaire, ce dernier le recrute d’autorité dans la SAS (section administrative spéciale) de Béni Douala. Il l’empêche ainsi de rejoindre Alger où il venait de trouver du travail.

Maxou, comme aiment pour lui signifier qu’il est désormais des leurs, à l’appeler, les gens de Tizi Hibel, a maintenant 17 ans. Il est déjà une des innombrables victimes de l’officier français. En l’enrôlant dans les effectifs de la SAS, le capitaine Oudinot a surtout voulu le compromettre afin de l’isoler de sa communauté et le soustraire à l’influence grandissante du FLN.

Le lecteur remarquera que, quand dans son récit Max évoque les moudjahidines, il les désigne par le vocable «les nôtres». Il revendique ainsi clairement son adhésion à la révolution et fait sien le désir du peuple algérien de recouvrer sa liberté et son indépendance.

Max n’a pas écrit ce livre pour parler de lui et si l’histoire de sa vie sert de trame à son récit, c’est pour insuffler, à ce dernier, de l’authenticité. Max se raconte aujourd’hui avec la maturité du crépuscule de l’existence et si ses souvenirs d’adolescent ont chargé d’émotion ce récit, il est resté serein dans la narration des événements.

Il vit aujourd’hui en France, il est plusieurs fois grand père et a gardé des attaches très fortes avec son pays, l’Algérie. Le mensonge du capitaine Oudinot a fait naître en lui la révolte. La même que celle qu’il a vécue quand, à son corps défendant, il s’est retrouvé le subordonné de ce personnage. Il lui répond, il en a toutes les raisons, mais il a surtout les arguments pour cela.

La mystification, par cet officier français qui fût plus tard un des acteurs principaux de l’OAS, des événements et celle de l’histoire de son passage dans cette région de Kabylie n’a pas laissé Max indifférent.

Elle a interpellé sa mémoire et convoqué des souvenirs, longtemps enfouis, qu’il décide aujourd’hui de partager. Il le fait bien parce qu’il montre, sans détour, le vrai visage du capitaine Oudinot et parce qu’à travers les agissements de ce dernier il pointe du doigt la réalité de l’implacable guerre que l’armée coloniale française a menée contre le peuple algérien pour continuer à l’asservir.

Voici un témoignage qui tombe à point nommé. Faut-il rappeler que l’indépendance de notre pays a cinquante ans.

Docteur Mahmoud BOUDARENE

Psychiatre

Ancien député

pour lire la suite, cliquer sur le lien (…)

L’IMPASSE DU SYNDICALISME ALGÉRIEN, SELON FARID CHERBAL

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[

algerieinfos-saoudi

le 23 décembre 2013

->http://www.algerieinfos-saoudi.com/article-l-impasse-du-syndicalisme-algerien-selon-farid-cherbal-121735307.html]

L’hommage rendu hier au regretté Redouane Osmane, précurseur des syndicats autonomes, a donné lieu à des échanges sur les impasses actuelles du syndicalisme algérien.

Intéressant point de vue de Farid Cherbal.

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«Le syndicalisme corporatiste a atteint ses limites», affirme Farid Cherbal, docteur en neurobiologie et fondateur du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES), cité par Ghania Lassal dans El Watan.

«Je m’étonne à chaque fois de constater que les questions sociétales échappent totalement aux revendications et aux discours des syndicats corporatistes qui se sont formés ces dernières années». ajoute-t-il.

M. Cherbal cite ainsi des problématiques qui devraient être élevées au rang de préoccupations nationales, comme les harraga, le chômage, les énergies ou encore l’environnement. «Aujourd’hui, les syndicats ne s’expriment même pas sur ces questions sociétales alors qu’ils devraient être les premiers à ouvrir et à participer au débat national», déplore-t-il.

Cela fait apparaître toute l’importance d’une centrale syndicale forte et unifiée, «revendicative et démocratique», qui regrouperait tous les secteurs et instaurerait ainsi une solidarité syndicale et sociale.

Dans “Le Soir d’Algérie”, sous le titre Syndicalisme autonome «Un saut qualitatif s’impose», selon Farid Cherbal, Salima Akkouche rapporte aussi les propos du chercheur de Bab Ezzouar:

« Les syndicats autonomes, depuis leur création en 1989, n’ont pas réussi à faire un saut qualitatif pour articuler les revendications socioprofessionnelles avec les revendications sociétales».

Il suggère donc de faire un saut qualitatif en créant une centrale syndicale. Celle-ci, dit-il, sera au diapason avec les revendications sociétales algériennes du 21e siècle. «Il y a de grands débats de société sur lesquels les syndicats autonomes doivent se pencher comme le chômage, l’économie, les énergies renouvelables, l’environnement…».

Autant de sujets, estime l’intervenant, qui s’imposent mais qui ne sont pas pris en charge par les syndicalistes.

Pour cela, poursuit-il, il faut des relais sociaux et politiques afin que cette centrale pèse sur les pouvoirs publics.

algerieinfos

le 23 décembre 2013

TORTURE ET HISTOIRE

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PAUL AUSSARESSES ET L’ÉCOLE FRANÇAISE

DE LA GUERRE CONTRE -RÉVOLUTIONNAIRE


PAUL AUSSARESSES EST-IL VRAIMENT MORT?Fadhila Boumendjel-Chitour analyse le sombre «Héritage» du tortionnaire.


Malika Rahal. Historienne du temps présent CETTE ÉCOLE FRANÇAISE DE LA GUERRE CONTRE -RÉVOLUTIONNAIRE – El Watan – le 09.12.13;


PAUL AUSSARESSES EST-IL VRAIMENT MORT?

Fadhila Boumendjel-Chitour analyse le sombre «Héritage» du tortionnaire

[

El Watan

le 9 décembre 2013

->http://www.elwatan.com/hebdo/histoire/paul-aussaresses-est-il-vraiment-mort-09-12-2013-237885_161.php]

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Nous sommes le 23 mars 1957. Ali Boumendjel, un brillant avocat de 38 ans, membre du collectif de défense du FLN et conseillé politique de Abane Ramdane, est jeté du haut d’un immeuble à El Biar.

Il avait été arrêté le 9 février 1957 et avait subi les pires supplices durant ses quarante-trois jours de détention. La thèse du suicide est aussitôt avancée, comme avec Ben M’hidi, pour camoufler ce crime d’Etat. On avait même prétendu qu’il avait tenté de se couper les veines avec ses lunettes, comme le rapporte son épouse, l’admirable Malika Boumendjel, dans une interview accordée à Florence Beaugé (Le Monde du 2 mai 2001).

Il s’avèrera que c’est Aussaresses qui avait donné l’ordre de le précipiter dans le vide. Dans son livre “Services spéciaux, Algérie 1955-1957”, le para tortionnaire passe aux aveux. Il raconte par le menu comment il avait utilisé un de ses subalternes, un certain Lieutenant D., pour accomplir son forfait. Au lieutenant qui demande: «Mon commandant, expliquez-moi exactement ce que je dois faire», Aussaresses rétorque: «Très simple: vous allez chercher votre prisonnier et, pour le transférer dans le bâtiment voisin, vous empruntez la passerelle du 6e étage. J’attends en bas que vous ayez fini. Vous me suivez mieux maintenant ?» Aussaresses poursuit: «D. hocha la tête pour me montrer qu’il avait compris.

Puis il disparut. J’ai attendu quelques minutes. D. est revenu, essoufflé, pour m’annoncer que Boumendjel était tombé. Avant de le précipiter du haut de la passerelle, il l’avait assommé d’un coup de manche de pioche derrière la nuque.» Aujourd’hui, avec la mort de l’ancien chef des services de renseignements français à Alger, un homme qui doit sa sinistre notoriété à ses faits d’armes peu glorieux autant qu’à ses fanfaronnades médiatiques obscènes, il nous a paru utile de ne pas laisser ce bourreau compulsif s’en tirer à si bon compte et aller se terrer dans sa tombe comme un vieux curé de campagne, inoffensif et béat. Une autopsie de son œuvre macabre s’impose. Et qui mieux que Fadhila Boumendjel-Chitour pour nous dire ce que ce personnage frankensteinien sorti tout droit des laboratoires de l’armée coloniale véhicule comme enseignements sur le «système Aussaresses». Fille d’Ahmed Boumendjel et nièce de Ali Boumendjel, Fadhila Chitour nous confie d’emblée à quel point le martyre de son oncle a forgé l’ardente militante qu’elle est, engagée sur tous les fronts.

«L’assassinat de Ali Boumendjel a été tellement important comme jalon de ma vie» susurre-t-elle d’une voix émue au téléphone. Professeure à la faculté de médecine d’Alger, ancienne chef de service au CHU de Bab El Oued, Fadhila Boumendjel-Chitour a été la Présidente du “Comité médical contre la Torture” créé peu après le soulèvement d’Octobre 1988 [Le Cahier Noir D’Octobre – [La Version Completée par – Anouar Benmalek, est accessible et téléchargeable d’ Internet ]]. Elle a été également au nombre des fondateurs de la section algérienne d’“Amnesty International” (1990). Figure féministe bien connue, elle est aussi membre fondateur du “Réseau Wassila”.

«Un Aussaresses sommeille dans beaucoup de Français»

Fadhila Chitour aborde la figure d’Aussaresses à travers plusieurs prismes.

D’abord, l’homme trahit à ses yeux une profonde faillite morale, un «vieillard misérable qui aura traversé sa vie sans même prendre conscience de ce qu’était le colonialisme, son horreur et son corollaire, la torture, qu’il avait pratiquée de ses propres mains».

Mais elle estime qu’il n’aura été finalement que «l’instrument d’un système répressif qui, en fait, représentait l’Etat français». Une manière d’affirmer que derrière ce triste fonctionnaire de la torture se profile la raison d’Etat.

La nièce d’Ali Boumendjel en veut pour preuve la loi du 23 février 2005 sur le «rôle positif de la colonisation», une loi qui l’a «profondément meurtrie».

Fadhila Chitour ne comprend pas le fait qu’il n’y ait pas de «condamnation nette, tranchée, du colonialisme en tant que tel, de l’horreur qu’a été la guerre coloniale».

Pour elle, il est impératif de «répéter et marteler tout le temps que le colonialisme est une abomination au même titre que le racisme et l’esclavagisme». «Il est important, ajoute-t-elle, de ne jamais baisser la garde et de s’indigner en permanence» contre la barbarie du fait colonial.

«Je pense qu’il y a beaucoup de déni encore dans la classe politique et dans la société civile françaises», constate l’honorable professeure.

À la question: «Pensez-vous qu’Aussaresses n’est pas tout à fait mort?», elle répond sans ambages: «Mais bien sûr qu’Aussaresses n’est pas mort!»

Et d’expliquer: «C’est un Aussaresses qui est mort, mais ne croyez-vous pas que (des Aussaresses) sommeillent dans beaucoup de Français? Ils n’ont peut-être pas l’outrecuidance de l’avouer, mais ils ont des Aussaresses potentiels et des tortionnaires potentiels qui, dans les mêmes circonstances que lui, auraient fait la même chose.»

Cela se manifeste, selon elle, sous d’autres avatars, «ne serait-ce que le racisme, la xénophobie ou la montée du Front national.»

Dans un autre registre, Fadhila Chitour insiste sur la dette mémorielle que nous devons à tous les Ali Boumendjel contre tous les Paul Aussaresses. Elle rappelle que la date anniversaire de l’assassinat de son oncle est devenue Journée nationale de l’avocat. Une rue porte le nom de Ali Boumendjel (en prolongement de la rue Larbi Ben m’hidi). Ce qui lui fait dire que «ce devoir de mémoire, concernant mon oncle, a été respecté».

Elle rend hommage, à ce propos, au combat acharné mené par son père pour faire éclater la vérité sur l’assassinat de son frère: «J’ai envie de dire que si ce devoir de mémoire a été honoré, c’est grâce à quelqu’un qui n’est autre que la personne de mon père, Ahmed Boumendjel, qui était, au moment de l’assassinat de son frère, avocat à Paris. Mon père n’a pas arrêté d’ameuter la classe politique française, les autorités religieuses, les journalistes», énumère-t-elle en précisant qu’il avait même adressé une lettre au président René Coty.

«Il faut abolir la torture et la peine de mort»

La campagne de dénonciation menée par Ahmed Boumendjel portera ses fruits: une commission d’enquête est dépêchée à Alger, «et grâce à cette commission, les malheureux qui avaient été arrêtés dans les mêmes conditions n’ont pas connu le sort de Maurice Audin ou de mon oncle», indique Fadhila Chitour.

Notre interlocutrice regrette, néanmoins, qu’il n’y ait aucune plaque commémorative devant l’immeuble où a été exécuté Me Ali Boumendjel, immeuble situé au 94 avenue Ali Khodja (ex-boulevard Clémenceau), à El Biar.

Enfin, Mme Chitour lance un cri du cœur pour abolir à jamais la torture et la peine de mort dans notre pays. «La mort d’Aussaresses me renvoie à cette abomination qu’est la torture, et à l’obligation de rappeler qu’elle a été pratiquée dans notre pays, hélas, sans discontinuité depuis l’indépendance. Nous avons été rappelés par cette abomination, comme un électrochoc, en octobre 1988, mais en fait, elle était pratiquée bien avant», dit-elle, avant de lâcher: «C’est horrible ce que je vais dire, mais c’est comme si certains des tortionnaires algériens avaient très bien appliqué les leçons des tortionnaires de la colonisation!»

Et de marteler: «Il faut que cet acte abominable ne puisse jamais recevoir de justification. Il n’y en a aucune, aucune, aucune!»–

Mustapha Benfodil

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Malika Rahal. Historienne du temps présent

CETTE ÉCOLE FRANÇAISE

DE LA GUERRE CONTRE -RÉVOLUTIONNAIRE

[

El Watan

le 09.12.13

->http://www.elwatan.com/hebdo/histoire/cette-ecole-francaise-de-la-guerre-contre-revolutionnaire-09-12-2013-237886_161.php]

Sollicitée par nos soins pour décrypter le «cas» Aussaresses, Malika Rahal, historienne, chargée de recherche à l’Institut d’histoire du temps présent (CNRS), mettra, avant tout, en exergue la complexité du personnage.

«La figure du général Aussaresses, témoin rare de l’usage de la torture et des méthodes contre-insurrectionnelles durant la guerre d’indépendance, me semble finalement assez complexe. D’une part du fait de la personnalité de l’homme: il existait chez lui une dimension bravache et ‘‘plastronneuse’’ (…) qui jette une ombre de suspicion sur son témoignage. Compte tenu des relations entre les officiers parachutistes, et notamment entre Paul Aussaresses et Jacques Massu, il n’est pas entièrement à exclure, à mon sens, qu’Aussaresses ait endossé des responsabilités et des actes revenant à d’autres. (…) Mais sur le fond, cette répartition des responsabilités ne change rien, et l’éventuel “serment de silence” entre eux ne recouvre désormais que les cas individuels – même s’ils sont parfois infiniment douloureux», analyse-t-elle. L’auteur de “Ali Boumendjel. Une affaire française, une histoire algérienne” (Barzakh, 2011) dissèque avec précision le dispositif politico-militaire qui a engendré la machine répressive incarnée par Aussaresses: «Ses mémoires confirment de l’intérieur le mécanisme de la répression — notamment durant la «Bataille d’Alger» tels qu’ils ont été décrits par les historiennes Sylvie Thénault et Raphaëlle Branche.

Et le tableau est accablant: l’armée joue le rôle qu’on lui demande de jouer dans les guerres contre-révolutionnaires, elle agit en contravention de tous les principes démocratiques de fonctionnement de la justice et de contrôle du pouvoir civil sur le pouvoir militaire», observe l’historienne, avant d’ajouter: «Et l’on en sait beaucoup plus grâce à lui sur l’existence et le fonctionnement de ce qu’on a appelé un ‘‘escadron de la mort’’, la façon dont les parachutistes liquidaient leurs détenus par dizaines». Malika Rahal revient ensuite sur le deuxième acte de la vie d’Aussaresses: son récit. Le tortionnaire se met à écrire et se fait l’apologiste de ses propres crimes. Et cela fait désordre.

Perversité du tortionnaire

Elle rappelle comment la publication des “Mémoires” d’Aussaresses lui ont valu une condamnation alors qu’il jouissait de l’impunité la plus totale, «du fait des lois d’amnistie», pour les atrocités qu’il avait commises. «Il est donc — faute de mieux — poursuivi pour avoir parlé. Il y a à cela un effet pervers», relève la chercheuse du CNRS. Pour la petite histoire, Malika Rahal avait tenté d’interviewer Aussaresses. Voilà comment cela s’est terminé : «Je travaillais lors de son procès sur la biographie de l’une de ses victimes, l’avocat du FLN Ali Boumendjel. Une fois la condamnation d’Aussaresses confirmée en appel, il a définitivement refusé de me parler. Peut-être le procès aura-t-il servi de leçon à d’autres qui auraient pu vouloir parler, les encourageants plus encore au silence?» Le récit d’Aussaresses, souligne l’historienne, renvoie forcément au débat sur la torture «initié par l’intervention de Louisette Ighilahriz, animé par les journalistes du Monde et de L’Humanité, qui secoue la société française profondément».

Elle précise que «cette fois, les révélations étaient nombreuses et installaient durablement le thème: le rôle de pédagogue des méthodes contre-insurrectionnelles à Fort Bragg (plus grande base d’entraînement pour les forces commandos au monde, située en Caroline du Nord, ndlr) joué par le général Aussaresses révélait qu’il existait une ‘‘école française’’, avec des ramifications jusque dans les régimes dictatoriaux d’Amérique latine».

Malika Rahal insiste sur le fait que le personnage, si exubérant soit-il, ne doit pas occulter la responsabilité du pouvoir politique qui a couvert ses crimes: «L’image du parachutiste retors et sans principes qu’il véhiculait, comme celle du fort-en-gueule construite par le général Bigeard, ne doivent pas faire oublier que la guerre contre-révolutionnaire est initiée par le pouvoir politique. Et que les scandales se multiplient en 1957 à mesure que les parachutistes du général Massu s’en prennent à des figures identifiables depuis la France: Larbi Ben M’hidi, dont Aussaresses raconte l’assassinat, était considéré comme un chef militaire en février 1957, et le scandale autour de sa mort est en France de faible ampleur; mais Ali Boumendjel, autre victime nommée par Aussaresses, est un avocat, un homme politique qui compte à Paris assez d’amis pour que son ‘‘suicide’’ par les parachutistes fasse scandale en mars et avril. (…)

La cible de la répression menée par l’armée française s’élargit désormais à l’ensemble de la population civile; les intellectuels et autres figures publiques ne sont plus à l’abri (…)»

L’historienne estime que «la disparition progressive des acteurs (à peu d’écart les généraux Massu, Bigeard et Aussaresses) ouvre d’autres perspectives: elle ouvre le temps d’une histoire sans doute un peu différente, moins focalisée sur des figures, sur des histoires particulières, et où l’on pourra contempler plus aisément une vision d’ensemble.

Un temps aussi où il faudra bien admettre que certaines informations sont perdues; que l’on ne saura jamais tout (…)».

Malika Rahal termine sur une pointe d’émotion: «Comme historienne, plutôt qu’au général Aussaresses, je pense ce jour aux personnages ‘‘rencontrés’’ dans mon travail: Larbi Ben M’hidi et Ali Boumendjel. Et aux vivants qui ont témoigné ou témoignent encore, et que la nouvelle de la mort du tortionnaire ne laisse pas indifférents. Et parce que j’ai beaucoup travaillé avec elle pour la biographie de son mari, c’est Malika Boumendjel qui occupe mes pensées, Malika avec son désir de vérité et de justice, que cette nouvelle secoue certainement.»-

Mustapha Benfodil

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HOMMAGE À MANDELA : QUAND LA FRANCE ET SES GRANDES ENTREPRISES INVESTISSAIENT DANS L’APARTHEID

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UN PEU D’HISTOIRE

[

par IVAN DU ROY

bastamag.net

le 10 décembre 2013

->http://www.bastamag.net/Hommage-a-Mandela-quand-la-France#nh1]

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Une classe politique unanime, des médias focalisés sur la commémoration «planétaire»: les funérailles de Nelson Mandela suscitent l’union sacrée autour du combat que le militant de l’ANC a incarné. Pourtant, quand Nelson Mandela est jeté en prison à perpétuité, il n’en était rien. La France et ses grandes entreprises sont l’un des plus fidèles soutiens au régime raciste de Pretoria, lui vendant armements, centrales nucléaires et technologies industrielles, tout en contournant allègrement les sanctions des Nations Unies. A l’époque, les protestations étaient bien rares.

1964. La condamnation de Nelson Mandela à la perpétuité laisse les grandes puissances occidentales indifférentes. Et n’émeut pas grand monde. 1964, c’est aussi l’année où la France du général De Gaulle intensifie ses relations commerciales avec l’Afrique du Sud. En une décennie, les exportations hexagonales, hors vente d’armes, vers le régime de l’apartheid vont être multipliées par trois, pour atteindre en 1973 plus d’un milliard de francs de l’époque. En y ajoutant les ventes d’armes et de matériel militaire, la France devient alors le deuxième fournisseur étranger du régime raciste, derrière le Royaume-Uni mais devant les États-Unis et l’Allemagne de l’Ouest. Un «fournisseur stratégique», critiquent, à l’époque, les organisations non gouvernementales.

85 entreprises françaises opèrent alors en Afrique du Sud. Et y investissent massivement. La Compagnie générale d’électricité et ses filiales, ancêtres d’Alcatel et d’Alstom, fournissent du matériel pour les chemins de fer ou la production d’électricité et y fabriquent des téléviseurs (Thomson). Renault et Peugeot vendent leurs moteurs à plusieurs usines. La famille Wendel, acteur majeur de la sidérurgie française (actionnaire d’Usinor, qui deviendra ArcelorMittal), s’y approvisionne en charbon pour alimenter ses aciéries. Des groupes du BTP – notamment Dumez, qui deviendra plus tard une composante du groupe Vinci, et Spie Batignolles – y construisent des terminaux portuaires, des barrages hydroélectriques, et des autoroutes, comme celle de Johannesburg. La Compagnie françaises des pétroles, qui deviendra Total en 1991, possède d’importantes participations dans les raffineries sud-africaines, et s’est associée à Shell et BP pour forer au large du Cap.

Une centrale nucléaire au service de «l’économie blanche»

EDF et Framatome – intégrée ensuite dans Areva – érigent même la première centrale nucléaire sud-africaine! En 1976 la France a signé un contrat pour la construction de la centrale atomique de Koeberg, s’engageant par ailleurs à former une centaine d’ingénieurs et techniciens pour la maintenance de la centrale. Les banques françaises Crédit Lyonnais et la Banque d’Indochine et de Suez désormais filiale du Crédit Agricole, ndlr] fournirent 82% des capitaux », détaille à l’époque l’écrivaine sud-africaine anti-apartheid Ruth First, assassinée sur ordre d’officiers afrikaners en 1982[[Emprisonnée, puis bannie d’Afrique du Sud, elle s’exile à Londres en 1964 puis s’installe au Mozambique où elle reçoit une lettre piégée le 17 août 1982. Son article «La filière sud-africaine. L’investissement international dans l’apartheid», publié dans la revue “Tiers-Monde” en 1979 est accessible [sur le portail des revues scientifiques Persée est accessible [sur le site de la revue Persée.

pour accéder à la version audio, cliquer sur le lien: (…) ]].

Si les affaires vont bon train, et que des grandes entreprises françaises privées comme publiques investissent massivement en Afrique du Sud, c’est que le régime de l’apartheid et son «économie blanche» fournissent une main d’œuvre «abondante et peu coûteuse»: les Noirs. «II est vrai qu’il y a des Noirs qui travaillent pour nous. Ils continueront à travailler pour nous pendant des générations, même si l’idéal serait de nous en séparer complètement (…). Mais le fait qu’ils travaillent pour nous peut ne jamais leur permettre de revendiquer leurs droits politiques. Ni maintenant, ni dans le futur, ni dans aucune circonstance», déclare en avril 1968 le Premier ministre de l’époque, John Vorster. État et patronat français savent donc pertinemment dans quel système ils placent leur argent.

Main d’œuvre abondante et travail forcé

«Un système indirect de travail forcé», évoque sobrement l’Organisation internationale du travail (OIT), qui exclut de son sein l’Afrique du Sud en 1964 2][[Voir la [déclaration de l’OIT du 8 juillet 1964.]].

Deux codes du travail distincts, un pour les Blancs, un pour les Noirs, interdiction aux ouvriers noirs de participer aux négociations collectives, refus de reconnaître leurs syndicats, répression violente des grèves des ouvriers africains… Telles sont les caractéristiques de «l’économie blanche» et sa manière de traiter la main d’œuvre noire.

En 1975, un ouvrier noir des mines de charbon, auprès desquelles s’approvisionne la sidérurgie lorraine, perçoit un salaire dix fois inférieur à celui d’un ouvrier blanc. Dans la construction ou l’industrie, où sont présents plusieurs grands groupes français, le salaire d’un Noir est cinq fois inférieur à celui d’un Blanc.

«L’apartheid aboutit à ce que les travailleurs africains souffrent d’une double oppression: comme Africains, ils souffrent de la discrimination inhérente au système de l’apartheid qui institutionnalise leur subordination; comme ouvriers, ils souffrent de la surexploitation de leur travail imposée par le contrôle étatique presque absolu de la détermination des salaires des Noirs, base économique du système», décrit Ruth First. Et ce, grâce aux investissements étrangers qui contrôlent alors 80% de l’activité productive sud-africaine, en particulier l’industrie minière et aurifère.

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Pour se défendre, investisseurs et grandes entreprises prétendent jouer un «rôle réformateur» en Afrique du Sud. Du fait du manque de main d’œuvre, de nouveaux emplois ne s’ouvrent-ils pas aux Noirs? L’émergence d’une main d’œuvre noire qualifiée, base d’une future classe moyenne, n’est-elle pas indispensable pour assurer de nouveaux débouchés aux produits de consommation? Le pasteur états-unien Leon Howard Sullivan symbolise cette démarche. Premier afro-américain à siéger au Conseil d’administration d’une grande entreprise (General Motors), il propose un code de conduite aux sociétés étatsuniennes installées en Afrique du Sud: égalité salariale entre Noirs et Blancs, abolition de toute ségrégation au sein de l’entreprise, liberté syndicale, participation des employés noirs aux négociations collectives… Les prémices d’une «responsabilité sociale des entreprises»? En 1978, une centaine d’entreprises nord-américaines, sur les 500 présentes, annoncent avoir adopté ce code de conduite. Cinq ans plus tard, Sullivan reconnaît que ses principes «ont commencé à faire effet, mais n’ont pas obtenu les résultats souhaités assez rapidement». Et appelle la Maison Blanche à rendre obligatoire ce code de conduite, à sanctionner fiscalement les firmes récalcitrantes et à les exclure des marchés publics. En France, aucune voix ne s’élève au sein des direction des grands groupes, y compris publics.

En France, les anti-apartheid sont bien isolés

Dans les pays anglo-saxons, d’importantes campagnes de boycott commencent à viser les multinationales présentes en Afrique du Sud, telles Shell ou Coca-Cola. La politique d’apartheid est «moralement indéfendable» reconnaîtra, en 1986, un porte-parole de Shell, tout en déplorant que le boycott qui vise les stations-service est «injuste et erroné» [Source: [“Los Angeles Times”.]]. Rien de tel en France. Rares sont les mouvements qui, dans les années 70, mènent des campagnes contre l’apartheid. Des militants du PSU (Parti socialiste unifié), de la Cimade, des groupes locaux de solidarité, animés par des militants chrétiens, notamment du CCFD, ou des centres de documentation sur le Tiers-Monde – qui donneront ensuite naissance au “Réseau Ritimo” et à “Peuples solidaires” – tentent de sensibiliser l’opinion. Et se sentent bien seuls.

«À l’époque, nous n’étions pas nombreux. Le PCF nous soutenait du bout des lèvres. Cela n’intéressait pas le reste de la classe politique, à part quelques individus», se souvient Michel Capron, membre du Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (Cedetim), et vice-Président de la «plateforme RSE» lancée en juin par Jean-Marc Ayrault. «C’était la présidence Giscard. Il n’y avait absolument aucun sentiment de mauvaise conscience, encore moins de culpabilité, de la part des entreprises françaises. Plutôt une sorte de mépris hautain à l’égard de ceux qui aidaient les «terroristes» de l’ANC [Congrès national africain, le mouvement de Nelson Mandela, ndlr]», raconte-t-il. Une campagne de boycott marque cependant les esprits: celle menée contre les oranges de la marque Outspan, importées d’Afrique du Sud. «Nous avons obtenu quelques résultats : les exportations d’oranges vers la France ont chuté de 30%.» Une telle indifférence laisse perplexe au vu de l’actuel concert de louanges à l’égard de Nelson Mandela.

Paris, premier fournisseur d’armes de l’État raciste

1964, c’est aussi l’année où la France devient le principal fournisseur d’armes du régime sud-africain. Après avoir été réticente à toute sanction, aux côtés du Royaume-Uni et des États-Unis, la France ne s’est pourtant pas opposée un an plus tôt au vote d’une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu recommandant un embargo sur les armes, en 1963. Mais la résolution n’est pas contraignante. Un an plus tard, alors que le Parti travailliste arrivé au pouvoir au Royaume-Uni y impose un embargo sur les armes, l’État français prend le relais. En 1971, Dassault vend à Pretoria des technologies et licences lui permettant de fabriquer des avions de combat «anti-insurrectionnels», le prototype Mirage-Milan, pour mieux réprimer les actions de guérilla de l’ANC. Entre 1970 et 1975, 48 Mirage F1 sont exportés vers l’Afrique du Sud, ainsi que pléthore d’hélicoptères (Alouettes, Frelon, Puma), de blindés légers ou de missiles. Dassault, Matra (groupe Lagardère), Panhard (racheté par Renault), Turbomeca (groupe Safran) et la Société nationale industrielle aérospatiale (aujourd’hui EADS) sont à la pointe de ce juteux commerce avec l’État raciste. «La France accepte de fournir pratiquement n’importe quel type ou montant d’armes à l’Afrique du Sud, sans tenir compte des restrictions officielles habituellement imposées», commente le Comité spécial des ONG sur les Droits de l’Homme, à Genève, en 1974 4][[L’article, publié dans la revue Tiers-Monde en 1979 est accessible sur le [portail des revues scientifiques Persée.]].

Soweto 16 Juin 1976

Le 16 juin 1976, des milliers d’élèves de la banlieue noire de Soweto (Johannesburg) manifestent contre la ségrégation scolaire. La manifestation est brutalement réprimée. «Dans un premier temps, les policiers lâchent les chiens sur la foule. Ensuite, pour amplifier la panique, ils lancent des grenades lacrymogènes, avant de tirer à balles réelles», relate le journaliste de Jeune Afrique Tshitenge Lubabu. Bilan: au moins 575 morts.

Un an plus tard, l’Onu vote enfin un embargo contraignant. Qu’importe! «L’Afrique du Sud a déjà acheté ses armes dont une cinquantaine de mirage F1 ; seul le programme de la marine de guerre reste à compléter : or, c’est précisément dans ce domaine que l’arrêt des ventes d’armes semble ne pas être appliqué», commente un organe de presse du Parti national, au pouvoir. Le régime raciste tiendra encore 15 ans.

Amnésie bien française

«Loin d’être un obstacle à la croissance économique de l’Afrique du Sud, le capitalisme racial — l’apartheid — est la cause des taux de croissance extraordinaires de cette économie. De plus, l’accroissement de l’investissement étranger a eu pour effet non de changer le système mais de le renforcer», estimait Ruth First, en 1979. L’Histoire lui donnera raison. Entre l’emprisonnement à vie de Nelson Mandela et son élection comme premier Président d’une Afrique du Sud démocratique, trois décennies seront nécessaires.

Aux Etats-Unis, des procédures lancées par des victimes de l’apartheid contre plusieurs grandes firmes (General Motors, Ford Motor Company, IBM, Daimler et l’allemande Rheinmetall) sont encore en cours[Pour plus de détails, [lire ici, en anglais.]].

En Suisse, une plaie s’est rouverte avec la mort de Mandela: plusieurs banques, comme le Crédit suisse et UBS, avaient continué d’investir dans le régime de l’apartheid sans être sanctionnées. «C’était la guerre froide. L’Union soviétique faisait tout pour mettre la main sur l’Afrique du Sud, un pays stratégique avec la ville du Cap qui contrôle une importante route maritime. Le but de notre groupe était d’empêcher que l’Afrique du Sud ne tombe entre les mains communistes», se justifie aujourd’hui le leader suisse d’extrême droite Christoph Blocher. La France, elle, a pour l’instant oublié ce sombre passé, pas si lointain.

Ivan du Roy

Photo de une : CC Nations Unies


sur socialgerie:

  • [UN LONG CHEMIN VERS LA LIBERTÉ – NELSON MANDELA
    livre e-book;->1334#8]

À PROPOS DU BILAN DE BOUTEFLIKA

[par Saoudi Abdelaziz

blog algerieinfos-saoudi

le 15 décembre 2013
->http://www.algerieinfos-saoudi.com/article-a-propos-du-bilan-de-bouteflika-121608516.html]

À quelques mois de l’élection de 2014, l’institution présidentielle est devenue le centre de gravité de l’Algérie politique. L’establishment politique, la presse et autres acteurs scrute la fumée qui sortirait d’El Mouradia. Ce n’est pas forcément l’annonce que Bouteflika se représente ou non aux élections qui est le véritable enjeu de ce moment politique crucial.

Le débat de fond sur les trois précédents mandat présidentiels est incontournable.

Abdelmalek Sellal a raison, à mon avis, de souligner que le recul puis l’échec de la fitna est le principal atout du bilan de Bouteflika. On peut y ajouter un petit progrès, qui reste virtuel, vers une reconfiguration des institutions fondée sur la transparence et l’Etat de droit.

Son bilan économique et social est critiqué à partir de deux regards complètement différents.

Pour les uns, Bouteflika a échoué car il n’a pas poussé jusqu’au bout l’application des recettes néolibérales engagées par Chadli il y a trente ans et réimpulsées fortement par l’équipe Bouteflika, lors de ses deux premiers mandats. Il n’a pas mené jusqu’au bout les privatisations, la déréglementation du buziness tous azimuts, la mise aux normes libérale des services publics, la fin du soutien des prix…

Pour les autres, durant les mandats de Bouteflika les inégalités se sont creusées et l’Algérie, sortant du calvaire de la décennie noire, n’a pas réussi à renouer avec une vraie ambition de développement national indépendant fondée sur la justice sociale. Cette ambition fut abandonnée par la présidence Chadli, dès le milieu des années 80 et Bouteflika a gaspillé deux mandats avant de commencer à reconnaître que cet abandon ne mène qu’à l’affaissement national. Too late disent les anglos-saxons

L’écart entre ces deux types de critiques est considérable. S’il est aujourd’hui politiquement occulté, c’est parce que, depuis la liquidation du Pags et de son potentiel conceptuel, la gauche algérienne, tétanisée sur une longue période, n’a pas encore réussi à faire sortir la critique anti-libérale du cercle clos où elle se tient encore.

L’essor de cette critique dans le peuple est endigué par la conjugaison du boycott médiatique, de la répression anti-démocratique et anti-syndicale directe ou larvée et de la captation sectaire dérisoire de l’héritage du Pags. La secte ne crée rien, c’est sa nature, elle ne fait que retarder le renouveau organisationnel des forces du changement.

Cette conjugaison des blocages fait se frotter les mains aux services, parce qu’elle bouche à moindre frais, l’avenir politique de la gauche, c’est à dire sa capacité à s’organiser en force organisé, autonome, ouverte et rassembleuse.