ALGER – 1er FEVRIER; LANCEMENT D’UN FORUM DES ARTISTES, INTELLECTUELS ET SCIENTIFIQUES

afaqichtirakiya perspectives socialistes

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afaqichtirakiya  perspectives socialistes


Samedi 1er février 2014

à 14 heures

Rencontre pour le lancement d’un

forum des artistes, intellectuels et scientifiques

Au cours des trois rencontres organisées à l’initiative du Rassemblement de Gauche (RdG), les participants ont relevé :

En octobre 2013, le recul de l’expression démocratique acquise après les manifestations d’octobre 1988, particulièrement la voix des intellectuels dont l’expression est devenue de plus en plus inaudible (ou que l’on a cherché à rendre invisibles ?).

En novembre 2013, il a été question de l’infitah et de l’impasse actuelle du choix libéral dans la gestion de l’économie nationale et de la nécessité d’un redressement qui préserve notre indépendance qui passe par une réappropriation de notre héritage historique et culturel, riche de luttes et d’avancées populaires et d’acquis politiques, économiques et sociaux.

Aujourd’hui, les tenants du libéralisme cherchent à les effacer de notre mémoire et de notre patrimoine et il est temps de riposter…

En décembre 2013, le débat a porté sur la situation de la culture dans le pays.

Les participants ont relevé le caractère évènementiel et la folklorisation des activités culturelles, la gestion administrative des productions en tout genres (quand elles existent) sans vision d’avenir et destinées à un public occasionnel, restreint et vite rangées sur des étagères.

Les infrastructures, bien que nombreuses, sont sous-utilisées.

Comme ils ont relevé l’absence d’espaces libres pour des expressions différentes, critiques et innovantes, indépendamment de la voix officielle, de la pensée unique et de la glorification.

Aussi en sommes-nous arrivés à évoquer l’expérience des années 1980, quand des artistes, intellectuels et scientifiques se sont dotés d’un forum d’expression – le Rassemblement des artistes, intellectuels et scientifiques (RAIS) – pour faire porter leur voix, donner leur avis sur tout ce qui touche à la vie politique, culturelle et sociale et ce, en toute indépendance de tous les pouvoirs.

C’est là que se situe le rôle des intellectuels.

Nous vous invitons donc à vous joindre à la rencontre

qui sera organisée le samedi 1er février 2014

pour débattre de la relance de ce forum

et des dispositions à prendre pour inscrire notre initiative

dans le respect des dispositions constitutionnelles.

Rencontre pour le lancement d’un forum des artistes, intellectuels et scientifiques

CRISE DE 1949 – LISTE DE RÉFÉRENCES SUR SOCIALGERIE

Crise de 1949

Quelques articles anciens repris sur socialgerie


JUILLET-AOUT SOIXANTIÈME ANNIVERSAIRE

LA CRISE DU PPA-MTLD DE 1949

articles de SADEK HADJERES

publiés dans EL WATAN, Juillet 1998

jeudi 20 août 2009

(Date de rédaction antérieure : 1er juillet 1998)

Juillet – Aout 1949, été brûlant et point culminant d’une crise qui a laissé chez tous les acteurs un sentiment amer et douloureux pour la cause nationale.

Soixante ans après, peut-on esquisser un aperçu global et quelques enseignements pour les nouvelles générations ?
J’en résume ici quelques épisodes, restés pratiquement inconnus de l’opinion patriotique et démocratique. Sur ce site, je les complèterai en cette année anniversaire par d ’autres évocations, documents et extraits d’un ouvrage non encore publié.

« WELLAT DRÂA » OU LA BIFURCATION FATALE

http://www.socialgerie.net/spip.php?article70

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/1949_crise49.-EW_1998_08_04-2004_02_27.pdf


[

IL Y A SOIXANTE ANS,

LES PIÈGES « IDENTITAIRES »
SE METTENT EN PLACE

->9]

vendredi 5 juin 2009, par Sadek Hadjerès

(Paru en septembre 2000, dans
« Deux mille ans d’Algérie », tome III, Carnets Seguier)

En 1947, j’avais dix neuf ans. Après ma première année étudiante, je venais d’obtenir (dans le groupe des trois premiers sur les 3OO candidats), mon certificat de Physique-Chimie-Biologie pour entrer à la Faculté de médecine d’Alger. Parallèlement je militais dans le mouvement associatif patriotique (comme membre du bureau de l’AEMAN) et surtout dans la section universitaire du PPA dont je deviendrai l’année suivante premier responsable, par Sadek Hadjerès
1947____

http://www.socialgerie.net/spip.php?article9

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/2009_06_02_Il_y_a_60_ans_le_piege_identitaire_2002_08_23.pdf


PREMIER ATTENTAT CONTRE L’AVENIR

D’UNE ALGÉRIE DÉMOCRATIQUE

[

AOÛT 1949 : AU-DELÀ DE FERHAT ALI

POUR DES DÉCENNIES, PRIMAUTÉ DE LA VIOLENCE SUR LE DÉBAT

->64]

jeudi 20 août 2009

(Date de rédaction antérieure : 8 octobre 2006)

LE 18 AOÛT 1949, à LA SORTIE DE LARBAA NATH IRATHEN, REVENANT LE JOUR DE MARCHE vers taddart-is (son village), Ferhat Ali, vétéran et cadre du mouvement nationaliste depuis l’Etoile Nord Africaine, est victime d’un attentat. Il restera miraculeusement en vie après presque un mois d’hospitalisation à Tizi Ouzou…

http://www.socialgerie.net/spip.php?article64

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/1949_2006_10_08_FERHAT_ALI_49_q-oran_2007_01.pdf


COLLOQUE SUR “LE MOUVEMENT NATIONAL

ET LA REVENDICATION AMAZIGH »

(ALGER. 24-25 DÉCEMBRE 2001)

[LA CONTRIBUTION TOUJOURS ACTUELLE DE « IDIR EL-WATANI » (1949)

AU DÉBAT NATIONAL->63]

communication de SADEK HADJERÈS

dimanche 27 septembre 2009

(Date de rédaction antérieure : 24 décembre 2001).

(Comme annoncé dans la lettre d’information de la mi-septembre 09, nous poursuivons en ce 60ème anniversaire de la crise de 1949, la publication des textes susceptibles d’éclairer cet épisode du mouvement national)

Chers amis, Vous comprendrez les causes multiples de l’émotion que j’éprouve en contribuant à ce colloque. Le thème se rattache à un épisode du mouvement national qui, à mes vingt ans, a marqué profondément mon engagement politique ultérieur et ma philosophie de la vie .

http://www.socialgerie.net/spip.php?article63

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/63_1949_2001_12_18_Coll_Le_Mvnt_Natnl_et_la_revendication_amazighAmazighite-2.pdf


[

« VIVE L’ALGÉRIE » de « IDIR EL WATANI » (1949)

Texte intégral de la brochure

L’ALGÉRIE LIBRE VIVRA – 1949 : VIVE L’ALGÉRIE

PAR IDIR EL-WATTANI

->74]

Le document « L’Algérie libre vivra », rédigé lors du premier semestre 1948, est présenté ici dans sa version intégrale. Il clôture pour cette année, soixantième anniversaire de la crise du PPA-MTLD » de 1949, la série de publications qui ont évoqué cet évènement sensible et prémonitoire de nombreux épisodes ultérieurs du mouvement national algérien. Le contexte et les péripéties de la publication de cet ouvrage ont été évoqués dans les textes précéedemment mis en ligne. L’évènement est loin d’avoir épuisé tous ses enseignements, principalement l’importance des libertés et du débat démocratiques pour la cohésion nationale.Aussi le site continuera à accueillir tous les documents, témoignages et commentaires qui pourront contribuer à la vérité historique et à donner du poids aux aspirations d’un peuple assoiffé de liberté, de paix et de justice sociale.

« Il faut être fermement convaincus que pour remporter la victoire, nous devons éveiller le Peuple et nous unir dans une lutte commune avec les Peuples du monde qui nous considèrent comme une Nation égale en droits ».

Aux victimes du colonialisme
Aux martyrs de la Cause Algérienne
Aux combattants de la Libération

Idir. El Watani :

Mabrouk Belhocine

Yahia Henine

Sadek Hadjerès

http://www.socialgerie.net/spip.php?article74

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/74_doc_pp_1949_ALGERIE_LIBRE_VIVRA_IDIR_EL_WATANI.pdf


Pour situer le contexte, nombreux articles, mais voir aussi

• CHRONOLOGIE DES FAITS ET MOUVEMENTS SOCIAUX ET POLITIQUES EN ALGÉRIE-1830 – 1954

http://www.socialgerie.net/spip.php?article1169

Chronologie des faits et mouvements sociaux et politiques en Algérie, 1830 – 1954

texte entier téléchargeable

http://www.socialgerie.net/spip.php?article1185

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/chronologie_des_faits_et_mouvements_sociaux_en_Algerie_1830_1954_reprise.pdf


• 1947 – 1949 : LE PARTI COMMUNISTE EN TRANSITION

http://www.socialgerie.net/spip.php?article912


POUR FACILITER LA CIRCULATION SUR LE SITE – LISTE [CHRONOLOGIQUE DES DOCUMENTS ET ARTICLES MIS EN LIGNE

(CLASSEMENT PAR DATE DE PREMIÈRE PUBLICATION / OU ÉCRITURE )->108#1]

mardi 8 juin 2010

http://www.socialgerie.net/spip.php?article108#1


• Très nombreux autres articles sur socialgerie

utiliser le moteur de recherche


• RÉHABILITER LE POLITIQUE – HADJERES AU « SOIR D »ALGÉRIE », GRAND ENTRETIEN – AVEC AREZKI METREF, MAI- JUIN 2007

http://www.socialgerie.net/spip.php?article6

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/2007_06_01_GRAND_ENTRETIEN_SADEK_HADJERES_.pdf


• Sadek HADJERES : REPÈRES BIOGRAPHIQUES ET POLITIQUES (de 1928 à 1966)

http://www.socialgerie.net/spip.php?article266

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/2010_09_03_266_2003_12_17_Biographie_en_chantier_SH_1928-1966.pdf


• RÉFLEXIONS D’UN TÉMOIN-ACTEUR COMMUNISTE SUR LES LUTTES ET PRATIQUES DE POUVOIR EN ALGÉRIE

(INTERVENTION DE SADEK HADJERES AU FORUM DE DELPHES,

OCTOBRE 1995)

http://www.socialgerie.net/spip.php?article469

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/2011_05_04_469_Temoin_acteur_Delphes.pdf


[

• MOHAMMED HARBI :

« NOS GOUVERNANTS DISENT N’IMPORTE QUOI… »

->703]

http://www.socialgerie.net/spip.php?article703


[

• « LE FILS DE L’AMAZIGH VIVRA »

HOMMAGE POSTHUME À MOHAMED IDIR AÏT AMRANE

->1302]

http://www.socialgerie.net/spip.php?article1302


Autre texte de Sadek Hadjerès :

Ali Laïmèche

un militant mort à la fleur de l’âge

par Sadek Hadjerès,

revue ACB, revue 58/59 – date « berbères » – page 8

http://www.acbparis.org/index.php?option=com_content&view=article&id=144:revue58-59&catid=91&Itemid=479

repris sur socialgerie, article 1359

http://www.socialgerie.net/spip.php?article1359


CONSTANTINE 1954 – 1962: LE « NOUVEAU MONDE ». LE PARTI COMMUNISTE ALGÉRIEN CLANDESTIN PENDANT LA GUERRE D’INDÉPENDANCE

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Un microcosme de l’Algérie nouvelle?
Le Parti communiste algérien clandestin à Constantine
pendant la guerre d’indépendance (1954-1962)

Pierre-Jean Le Foll-Luciani

ATALA Cultures et sciences humaines n° 16 – 2013

«Sensibiliser à l’art contemporain?»

Espace des Jeunes chercheurs – pages 246 à 258

Résumé

Cet article étudie le fonctionnement et l’action
du noyau clandestin du Parti communiste algérien
à Constantine durant la guerre d’indépendance
algérienne.

En croisant les archives des services de
renseignements, des sources privées et des entretiens
biographiques avec d’anciens militants, il s’agit
de questionner l’idée, chère à certains courants
du mouvement national algérien, selon laquelle des
Algériens nouveaux — en quelque sorte débarrassés
de leurs appartenances sociales antérieures —
verraient le jour dans la lutte d’indépendance.

Mots-clés : Algérie coloniale, guerre d’indépendance,
communistes, clandestinité, normes sociales.

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Abstract

This article studies the operations and actions
of the clandestine group of the Algerian Communist
party in Constantine during the Algerian
War of Independence.

By combining sources
from the archives of intelligences agencies, private
documents and interviews with former militants,
I will question the idea so dear to certain
wings of the Algerian nationalist movement that
the fight for independence would encourage the
appearance of new Algerians free of their past
social affiliations.

Keywords: colonial Algeria, Algerian War of
Independence, Communists, clandestinity,
social norms.


En 1959, le psychiatre martiniquais Frantz Fanon, qui se proclame «Algérien»
depuis son adhésion au Front de libération nationale (FLN) durant les premiers
mois de l’insurrection algérienne, exalte la naissance d’un Algérien nouveau
dans les bouleversements de la guerre d’indépendance[[FANON (Frantz), “L’an V de la révolution algérienne”, Paris, La Découverte, «(Re)découverte», 2001 – (1re éd. Paris, Maspero, 1959).]]. Selon ses analyses
— qui se veulent tant descriptives que prescriptives —, les fortes contraintes
imposées par la guerre et la clandestinité ouvriraient sur des transformations
accélérées de la société colonisée et des militants anticolonialistes qui, dans
la lutte et la « révolution » algériennes, se libéreraient, au moins en partie, de
leurs appartenances — sociales, raciales, de genre — antérieures et s’émanciperaient
ainsi de l’ordre social dominant, promettant la construction d’une
société radicalement nouvelle en Algérie indépendante.

En confrontant les archives de l’administration française[[Les documents cités sont issus des Archives nationales d’outre-mer. Les services versants sont
mentionnés comme suit avant la référence du carton : gouvernement général d’Algérie (GGA), ministère
des Affaires algériennes (FM), et préfectures d’Alger (Alger) et Constantine (Constantine).]] à des sources privées
et à des entretiens biographiques menés avec une dizaine d’anciens militants, cet article se propose d’évaluer ces idées au regard d’un exemple précis : celui
des réseaux clandestins du Parti communiste algérien de Constantine, qui permet
de questionner, par la marge mais concrètement, les bouleversements
induits par la clandestinité. Le Parti communiste algérien (PCA), parti minoritaire
qui soutient le FLN tout en souhaitant conserver son autonomie, regroupe
en effet des militants issus de tous les groupes socio-ethniques de la société
coloniale — musulmans, européens et juifs — et se pense, dès avant 1954,
comme une contre-société et un microcosme d’une «Algérie nouvelle», socialiste
et ouverte à tous ceux qui accepteront la décolonisation.

Après avoir questionné l’origine des difficultés rencontrées par le PCA à
Constantine avant et au début de l’insurrection, je m’intéresserai à la composition
et au fonctionnement du noyau clandestin du parti et à la manière dont
les militants y réinventent l’action politique, leur vie quotidienne et jusqu’à
leur propre corps. Il s’agira enfin d’évaluer la portée de ce qui se joue à petite
échelle au regard du contexte général de l’Algérie en guerre.

État des lieux : le PCA à Constantine en 1954

Lorsqu’éclate l’insurrection algérienne, le 1er novembre 1954, le PCA compte
à Constantine un peu plus de 300 militants, majoritairement algériens musulmans [[GGA, 10 CAB 112 : lettre de la région de Constantine au comité central du PCA, 14 janvier 1952, indiquant
les effectifs de militants (169 «Arabo-berbères» et 144 «Européens», répartis en 12 cellules).]]. Bien que préfecture, Constantine est une ville de taille plus modeste
qu’Alger et Oran et, située à l’intérieur des terres, elle est peuplée d’une forte majorité de colonisés: en 1954, les «Français-musulmans» sont environ 100 000, contre 40 000 « Français », dont le nombre a régressé depuis les années 1930 comme dans d’autres localités où ils se sentent assiégés. Le sentiment minoritaire des Européens est d’autant plus fort à Constantine que, sur les 41 000 Français, on compte une majorité de juifs — plus de 20 000 en 1954 — qui, descendants d’autochtones naturalisés collectivement en 1870, sont réputés avoir conservé, notamment dans le quartier juif de la vieille ville, leurs «coutumes» dites «indigènes».

Dans cette ville profondément divisée par des barrières raciales, le PCA
apparaît comme l’un des rares espaces de sociabilité où s’élaborent des relations amicales et politiques qui se veulent égalitaires entre colonisés et
citoyens de plein droit, transgressant ainsi les fondements de l’ordre colonial.

Comme dans tout l’Est algérien, où le mouvement nationaliste est très ancré, le PCA rencontre cependant d’importantes difficultés.

D’une part, il est soumis
de manière croissante à l’arbitraire du pouvoir colonial à mesure que
s’affirment, après 1946, ses positions en faveur de l’indépendance de l’Algérie[[L’indépendance nationale est revendiquée dans des articles de la presse du PCA depuis 1950, et
fortement affirmée à Constantine dans des meetings, tracts et inscriptions murales (cf. par exemple
93 1112 : rapports mensuels du préfet de Constantine, 1951).]].

D’autre part, si ses meetings, où s’expriment des orateurs arabophones et
francophones, rassemblent des centaines de sympathisants (majoritairement musulmans)[[Constantine, B 3 86 : note de la police des Renseignements généraux (PRG), 7 novembre 1949 ; 93
1032 : note de la PRG, 6 novembre 1950 ; GGA, 10 CAB 112 : note de la PRG, 13 novembre 1951 ;
10 CAB 3 : note de la police, 29 janvier 1952.]], les réunions de la section du centre-ville ne rassemblent en
général que quelques dizaines de militants actifs[[Constantine, B 3 86 : notes de la PRG, 19 janvier 1948 et 15 décembre 1949.]]. Bien plus, vers 1952-1954,
le PCA, qui affirme que tous ses militants, quelles que soient leurs origines,
sont des « patriotes algériens » en lutte pour l’indépendance, connaît des
difficultés importantes qui transparaissent dans les discussions internes au
parti : difficultés à faire admettre aux « masses arabo-berbères » que le PCA
est « un Parti national[[Constantine, 94 4318 : résolution et plan de travail adoptés par la conférence de section Lucien
Sportisse du 27 janvier 1952, joints à une note de police du 18 février 1952.]]», et difficultés auprès de militants européens et juifs
qui, selon les propos d’un militant rapportés par les Renseignements généraux
(RG) en juillet 1954, «désapprouvent le terrorisme en Tunisie et appréhendent
son extension à l’Algérie, sachant bien que leur appartenance au Parti
communiste les rendrait suspects aux uns, en tant qu’Européens, et aux autres,
en tant que communistes[[GGA, 10 CAB 2 : note de la PRG, 7 juillet 1954.]]». Surtout, attaché à des formes d’action légale,
le PCA ne pose pas la question de l’utilisation de moyens extralégaux pour
parvenir à l’indépendance, et est pris de court par l’insurrection de novembre.

Un parti vulnérable face à la répression (1954-1956)

Les actions armées du 1er novembre 1954, décidées par le FLN qui signe ainsi
son acte de naissance, ont de lourdes conséquences pour le PCA. En effet,
par manque d’information, par fantasme anticommuniste et/ou pour des raisons
stratégiques
dans le cadre de la guerre froide, les autorités françaises
attribuent en partie le déclenchement de l’insurrection aux communistes.
Dans le Constantinois,
les RG tentent ainsi, dès le 17 novembre, de recueillir
des «indices concernant la position du Parti communiste algérien à l’égard
du mouvement terroriste d’inspiration séparatiste», afin d’y déceler une «collusion» ou une «complicité» du PCA avec le FLN[[Constantine, 93 3 F 23: rapport de la PRG, 17 novembre 1954.]]. Les premières mesures
anticommunistes liées directement à la guerre s’abattent au printemps 1955, et suivent globalement le même rythme dans toute l’Algérie.

Début juillet, treize militants du Constantinois, considérés comme des dirigeants,
sont arrêtés et traités différemment selon leur statut juridique : les
« Français-musulmans » sont internés dans des camps tandis que les « Français »
sont interdits de séjour dans le département[[Constantine, 93 4318 : tract du PCA protestant contre ces arrestations.]]. Après la dissolution du PCA
en septembre 1955, la répression s’accentue en prenant prétexte d’événements qui touchent Constantine ou le reste de l’Algérie. Après l’arrestation d’un
premier groupe de militants passés à la lutte armée en décembre 1955, d’autres
interdictions de séjour sont prononcées contre des communistes constantinois
en mars 1956, à la suite de l’assassinat par le FLN du commissaire de police
Sammarcelli, qui entraîne également des exécutions extralégales de militants
dont les communistes Ali Boudour et Ali Nezeri[[Constantine, 93 4193 : liste manuscrite de militants assassinés les 29 et 30 mars 1956, et liste d’interdictions de séjour dans les départements de Bône et Constantine prononcées le 31 mars 1956.]]. Des militants suspectés
d’avoir reconstitué le PCA sont arrêtés au moment de la désertion du soldat
communiste algérois Henri Maillot en avril 1956[[Alger, 91 4 I 217 : liste de militants communistes constantinois interdits de séjour dans le département
d’Alger, établie par la préfecture d’Alger le 17 avril 1956.]], et au 15 juin, au moins cent
quatorze communistes de la région ont fait l’objet de mesures répressives :
cinquante-neuf communistes «français-musulmans» ont été «assignés à résidence» dans des camps et huit autres interdits de séjour, et quarante-sept militants «français» ont été interdits de séjour et seront, pour certains, envoyés
au camp d’internement de Lodi[[Constantine, 93 3 F 23 : liste de militants communistes des départements de Constantine et Bône
interdits de séjour et assignés à résidence, 15 juin 1956.]]. Fin 1956, l’arrestation de communistes algérois
et oranais impliqués dans la lutte armée entraîne d’autres mesures, mais
après l’arrestation de cinquante nouveaux militants le 18 novembre 1956, le
préfet de Constantine, Maurice Papon, estime qu’elles sont suffisantes pour
« entraver l’action criminelle » du PCA, dont il affirme — en contradiction avec la réalité et plusieurs rapports des RG[[Constantine, 932 40 : rapport de la PRG de Batna, 4 mai 1956.]] — que la «collusion» avec le FLN
n’a jamais été détectée dans le Constantinois[[GGA, 12 CAB 196: télégramme de Maurice Papon au ministre résident en Algérie, 24 novembre 1956.]]. Indépendamment de toute
preuve d’action en faveur de l’insurrection,
dès les premiers mois de la guerre,
la répression est donc importante envers le PCA à Constantine. Il est clair
que son mode d’organisation et de recrutement au grand jour, lié à son acceptation
du jeu politique légal avant 1954, l’a rendu très vulnérable.

Le parti légal et la lutte armée (1954-1955)

Malgré la nécessité constante de se réorganiser à mesure que la répression
progresse, les communistes de la ville agissent et se positionnent face
à l’insurrection.
Après novembre 1954, dans ses proclamations publiques, le
PCA, à l’image des autres tendances encore légales du mouvement national,
rend le colonialisme français responsable du passage à la violence, demande
la satisfaction des aspirations des Algériens, et condamne la répression, ce qui
entraîne la saisie de ses journaux[[Déclaration du bureau politique du PCA publiée dans Liberté , 4 novembre 1954.]]. Son attitude immédiate face à l’insurrection
a fait couler beaucoup d’encre, car le PCA reprend dans certains
textes, jusqu’en avril 1955 et tout en approuvant parfois les actions armées des maquis[[La session du comité central du PCA du 14 novembre affirme que les actions des maquis des Aurès
sont liées aux «masses» et qu’«il ne s’agit pas d’une provocation, ni d’un complot colonialiste, mais
d’un mouvement algérien», Liberté , 18 novembre 1954.]], les termes d’une proclamation du parti communiste français (PCF)
mettant en garde contre des attentats qualifiés d’«actes individuels» dont il
se demande s’ils ne sont pas l’oeuvre de «provocateurs»[[Déclaration du bureau politique du PCF publiée dans L’Humanité , 9 novembre 1954. Voir Liberté ,
13 janvier, 17 février et 14 avril 1955.]]. Il convient toutefois
de se détacher des proclamations publiques — qui s’inscrivent dans un
cadre légal — pour se pencher sur les décisions des premiers mois de l’insurrection.
Il est en effet évident que si certains militants s’écartent de la lutte
anticolonialiste après le déclenchement de la lutte armée, celle-ci enthousiasme
de nombreux communistes qui désirent la rejoindre ou la soutenir.

À Constantine, ce soutien se manifeste d’abord, sous une forme légale ou
semi-légale, par l’organisation de la solidarité financière envers les familles
victimes de la répression[[Constantine, 93 3 F 23 : notes de la PRG, 5 et 17 mai 1956, au sujet d’un «Comité clandestin d’aide
aux familles des internés politiques».]], et par des articles de presse et des tracts comme
ceux qui condamnent en juillet 1955 la répression qui s’exerce contre les
«patriotes algériens» et réclament «la satisfaction des aspirations nationales du peuple algérien» par des négociations avec ses «représentants authentiques»[[Constantine, 93 4318 : tracts du PCA de Constantine, juillet 1955.]]. Le volet clandestin de l’action du parti avant sa dissolution est plus
difficile à saisir, et il est l’objet de controverses, certains auteurs affirmant que les communistes qui ont rejoint l’Armée de libération nationale (ALN) l’ont fait contre (ou sans) l’avis de leur parti, les autres affirmant que le PCA les y a encouragés. Les deux cas de figure se rencontrent en réalité, mais, dès la fin 1954, des dirigeants du PCA encouragent des militants à organiser un soutien logistique et à rejoindre le maquis là où ils le peuvent. Sadek Hadjerès est chargé par la direction du PCA, en février 1955, de mener en ce sens des «prospections», et il affirme s’être rendu à Constantine début 1955 afin d’y contacter individuellement de potentiels combattants[[Entretien avec Sadek Hadjerès, 10 décembre 2010.]]. Dès la fin 1954, les communistes disposent de contacts avec les maquis de l’arrière-pays constantinois: dans les Aurès, le communiste Sadek Chebchoub organise des groupes armés, et des militants montent au maquis en 1955, notamment par l’intermédiaire de Mahfoud Remita, cheminot communiste à Ouled Rahmoun et agent de liaison
de l’ALN[[Entretien avec William Sportisse, 10 janvier 2011.]].

Cependant, en dehors de ces liens individuels, le PCA rencontre des difficultés pour se faire reconnaître par le FLN, et des communistes peinent à se faire accepter dans les maquis. La peur du noyautage et l’anticommunisme largement répandus dans les rangs de l’ALN conduisent à la fermeture de certains maquis aux communistes — voire à l’assassinat de plusieurs d’entre eux, notamment dans les Aurès, dès la fin 1955 — et, face à ces difficultés, Sadek Hadjerès et Bachir Hadj Ali, dirigeants du PCA, sont chargés de mettre sur pied des organisations armées communistes autonomes: l’idée, en constituant ces Combattants de la libération (CDL), est de donner des gages de «patriotisme» au FLN et de lui faire admettre la participation du PCA au Front, étant entendu que le PCA souhaite
se maintenir comme parti, pour développer ses idées et préserver
sa structure dans la perspective d’un retour à la légalité après l’indépendance.

La création des CDL et la participation à la lutte armée sont officialisées lors d’une session du comité central en juin 1955, trois mois avant la dissolution du PCA.

À Constantine, un réseau CDL est mis sur pied après l’été 1955. Dirigé par
Selim Mohamedia, ancien secrétaire régional du PCA, il comprend notamment des cheminots et des employés des Postes, télégraphes et téléphones (PTT) et de l’Électricité et gaz d’Algérie (EGA) dont Tahar Belkhodja, Saïd Zitouni, André Martinez, Roland Siméon et Marthe Chouraqui. Fin 1955, le réseau est démantelé et la police découvre des documents à en-tête «Combattants de la libération nationale», des pistolets et des grenades. D’après l’audition d’un militant, les attentats que souhaitait perpétrer le groupe — notamment contre la police — avaient «pour but de créer un choc psychologique permettant par la suite au PCA de “gagner” sa place au sein du “Front de libération nationale” [[Audition de X… reproduite dans Constantine, 93 151: rapports de police sur la «Constitution à
Constantine d’une cellule terroriste d’obédience communiste et reconstitution de ligue dissoute» (29-30 décembre 1955).]]». Le démantèlement de ce réseau semble mettre fin, à Constantine, aux
velléités d’actions armées du PCA, qui plus est décapité de sa direction clandestine.

La question d’une organisation armée autonome ne se pose plus après
l’accord conclu en juillet 1956 entre le FLN et le PCA, en vertu duquel le PCA se maintient comme organisation politique, ses militants armés étant appelés à entrer individuellement, et sans plus garder de lien avec leur parti, au sein de l’ALN.

C’est dans ce contexte qu’un nouveau noyau du PCA clandestin
est mis en place à Constantine dans le second trimestre de l’année 1956.

« Une véritable image du peuple algérien »

William Sportisse arrive à Constantine en mars 1956 pour reconstituer
le PCA clandestin. Bien qu’issu d’une famille connue dans la ville — une rue
porte le nom de son frère Lucien, pionnier de l’anticolonialisme communiste
assassiné par des agents français de la Gestapo à Lyon en 1944, et son frère
Bernard a été candidat à plusieurs élections dans l’après-guerre avant d’être
expulsé du département en juillet 1955 —, William Sportisse dispose de plusieurs
atouts pour mener à bien cette tâche. Né en 1923, il consacre sa vie
au PCA depuis 1945 et décide, début 1956, de sacrifier sa vie familiale — il est le père de deux jeunes enfants — pour entrer en clandestinité totale ; ayant
grandi dans une famille juive arabophone et capable de rédiger des documents
dans les deux langues, il cumule de surcroît une expérience de journaliste et
d’organisateur politique et connaît tous les militants de Constantine ; enfin,
entré au PCA en 1940 à l’âge de 16 ans, il dispose d’une première expérience
de clandestinité sous Vichy[[SPORTISSE (William), “Le Camp des oliviers: parcours d’un communiste algérien, entretiens avec Pierre-Jean
Le Foll-Luciani”
, Rennes, Presses universitaires de Rennes, «Essais», 2012.]].

Arrivé dans une ville quadrillée par des agents de renseignements qui surveillent
de près les militants connus n’ayant pas encore été arrêtés[[Constantine, 93 4318 : note de la direction de la Sûreté, 6 juillet 1956 ; 93 3 F 23 : notes de la PRG,
16 avril, 5 et 22 mai 1956 ; 93 151 : notes de la PRG, 8 juin et 17 septembre 1956.]], William
Sportisse doit d’abord assurer sa propre sécurité. Plongé dans une clandestinité
totale, il se procure de faux papiers d’identité, change son apparence physique
et s’assure un nombre suffisant de planques, puis prend contact avec des
militants pour constituer le réseau. Le choix de ses premiers agents de liaison
— une jeune femme musulmane, Badéa Djefdjouf, et un ami juif plus âgé,
Armand Zerbib — est déterminé par leur discrétion. S’éloignant des militants
qu’il sait surveillés, William Sportisse se fait notamment héberger dans la famille
Melki, qui réside dans le quartier juif et dont l’un des fils, Jean-Claude, avocat
stagiaire mais non connu comme communiste, assure la défense des membres
des CDL, ce qui lui permet d’effectuer la liaison entre les dirigeants emprisonnés
et la nouvelle direction. Ses autres planques s’appuient également sur
des solidarités familiales, amicales et politiques : il est hébergé chez son père,
chez ses soeurs, chez des militants connus comme Saïd Zitouni et les frères
Ali et Azzedine Mazri, ou chez des militants inconnus des RG comme Jeanine
Caraguel et Guy Fève (qui adhèrent pendant la guerre) ou Jean-Pierre Saïd
(venu d’Alger en 1960).

William Sportisse est ainsi entouré, dans ce noyau de quelques dizaines
de membres, de militants musulmans, juifs et européens. Étudiant l’organisation du réseau communiste oranais démantelé fin 1956, la Direction de la surveillance du territoire (DST) remarque que ses membres ont également «les origines les plus diverses», et se demande si cette diversité correspond au souhait des communistes que leur organisation soit «une véritable image du peuple algérien», avant de conclure:

  • Les membres permanents du réseau ont été recrutés non pas en tant que
    «Juifs, Algériens-musulmans ou Français d’origine et pour grouper des hommes
    et des femmes de toutes origines »
    , mais suivant un critère précis: leur utilité pour le réseau [[“Un exemple de l’action clandestine du Parti communiste en Algérie : le réseau oranais,” mémoire de la DST,
    sans date, joint à FM 81 F 759.]].

Cette affirmation est une évidence, mais les militants communistes ont bien
conscience que la composition de leur organisation, même réduite à quelques
membres, est un symbole pour la défense en pratique de l’Algérie indépendante
à laquelle ils aspirent. Au coeur d’une guerre qui prend à plusieurs reprises une
allure raciale — du fait de l’attitude des « ultras » européens comme de certaines
actions armées du FLN (malgré les proclamations fraternelles qu’il lance
aux Européens et juifs d’Algérie) —, les réseaux communistes se dressent ainsi
comme une forme réduite de ce que pourrait être une collectivité algérienne
décolonisée et ouverte à tous ceux qui veulent y vivre dans l’égalité. William
Sportisse insiste particulièrement sur ce point à la fin 1957 dans un texte d’hommage
à sa camarade Raymonde Peschard, qui vient de mourir au maquis [[«Raymonde Peschard restera vivante dans le cœur des Algériens», Le Patriote , décembre 1957.]], et
André Beckouche, communiste juif constantinois né en 1931, dit aujourd’hui
l’importance de cet élément dans son engagement:

  • Pendant la guerre d’Algérie, avec tous les dangers, [le PCA] était le seul
    parti où il y avait des juifs, des musulmans, des chrétiens ensemble, et chacun risquant sa vie pour protéger l’autre. Ils risquaient leur vie ensemble — leur vie, leur liberté ensemble. C’était extraordinaire. C’était presque une utopie[[Entretien avec André Beckouche, 29 mars 2007.]].

Confrontés aux dangers de la guerre et ressentant une communauté de
destin avec nombre de colonisés algériens face à la répression, les anciens militants
européens et juifs disent aujourd’hui combien ils ont alors consolidé leur
lien charnel avec l’Algérie. Ce lien les amène à l’époque à revendiquer sans
hésitation leur appartenance au peuple algérien, et à tenter d’entraîner d’autres
Européens et juifs d’Algérie dans cette attitude. L’une des premières actions
du noyau clandestin de Constantine est d’ailleurs la diffusion d’un tract rédigé
par William Sportisse et adressé aux «Algériens d’origine arabe et israélite [[Tract joint à Constantine, 93 3 F 23 : notes de la police et de la PRG, 21 et 22 mai 1956.]]» à la suite d’assassinats de musulmans commis par de jeunes juifs en représailles d’un attentat à la grenade perpétré par l’ALN dans un café juif les 12 et 13 mai 1956. La mise en oeuvre d’une action et d’une propagande spécifiques en direction des juifs de la ville — il s’agit de les convaincre qu’ils sont membres du peuple algérien et doivent s’opposer au colonialisme — demeure par la suite une préoccupation des communistes constantinois, du fait de la volonté de William Sportisse et d’initiatives de militants juifs plus jeunes comme Hubert Hannoun, André Beckouche et Jean-Claude Melki, anciens condisciples du lycée de Constantine.

Réinventer l’action et l’organisation politiques

En dépit de périodes plus ou moins favorables, l’action de ce noyau est
continue de la mi-1956 à 1962, et l’efficacité de la structure se lit en creux dans les archives de police : les rapports rédigés entre 1957 et 1962 soulignent
le plus souvent la faible activité du PCA, et s’en tiennent toujours à la surveillance
des mêmes militants — ce qui leur permet de se féliciter de l’efficacité
des mesures répressives —, mais les agents concèdent toutefois qu’ils n’ont pu
déterminer la provenance de l’abondante propagande diffusée à Constantine, et ils émettent l’hypothèse que les tracts sont ramenés d’Alger par des cheminots communistes[[Constantine, 93 3 F 23 : enquêtes du début 1957 sur l’activité du PCA ; 93 4399 : rapport sur l’activité
du PCA en 1959 ; 93 3 F 24 : notes d’information du service départemental des RG sur le PCA, avril 1962.]].

En réalité — et cela n’échappe pas aux autorités qui montrent parfois leur
agacement[[Constantine, 93 4421 : note de la PRG, 7 juillet 1959.]] —, les Constantinois ont mis en place leurs propres organes de
cinq à dix pages en langue française — Le Patriote et Études et documents — pour faire face aux coupures ponctuelles des liaisons avec Alger et pour
affirmer l’existence du PCA dans la ville. À ces bulletins dont la périodicité
est plus ou moins régulière — au moins dix-sept numéros du Patriote paraissent entre 1957 et 1961 — s’ajoutent des tracts en langue arabe ou bilingues comme le programme de réforme agraire qui, diffusé à partir de 1959, présente une forme particulièrement soignée [[Ce programme bilingue de réforme agraire est joint notamment à Alger, 91 3 F 44 et Constantine, 93 4421: notes des PRG de Tizi-Ouzou et Bougie, 27 mars et 4 mai 1959.]]. Ce souci esthétique amène les services de renseignements à croire que le PCA dispose à Constantine d’un matériel sophistiqué [[Constantine, 93 3 F 23 : note de la PRG, 26 novembre 1958, joignant Le Patriote , n° 11, novembre 1958.]], de même d’ailleurs que des militants du FLN, qui obtiennent des communistes qu’ils tirent leurs tracts [[Entretien avec William Sportisse, 27 février 2007.]]. Le processus de fabrication est en fait rudimentaire: William Sportisse écrit à la main les textes en arabe ou tape à la machine les textes en français sur des stencils obtenus auprès d’instituteurs (qui peuvent en acheter sans être suspectés), ainsi que de l’encre noire et bleue (pour le texte) et rouge et verte (pour les en-têtes aux couleurs de l’Algérie), même s’il lui arrive de fabriquer une «encre grasse»[[Terme employé par la PRG le 7 janvier 1959 dans une note sur Le Patriote , n° 12 (Constantine, 93 4421).]]; Sion Laloum, menuisier communiste du quartier juif, conçoit de son côté un système de duplication en bois, qui peut facilement être caché, détruit et fabriqué à nouveau, et les militants tirent les documents à leur domicile, en changent parfois la forme — à en juger par les mises en page différentes d’un même numéro du Patriote —, puis les diffusent sous pli ou de la main à la main.

Cette propagande témoigne des inflexions survenues pendant la guerre
dans les représentations que les militants communistes se font d’eux-mêmes et de leur parti. William Sportisse, habitué à utiliser l’expression «patriotes algériens» pour désigner les nationalistes et communistes dès avant 1954 et se considérant sans complexe comme un Algérien, décide de nommer l’organe du PCA clandestin Le Patriote , à la fois en hommage à son frère Lucien — qui dirigeait un organe résistant du même nom à Lyon lorsqu’il a été assassiné par la Gestapo — et pour insister auprès des lecteurs sur le caractère «national» du PCA. Caractère également affirmé à travers un vocabulaire très appuyé («insurrection nationale de notre peuple», «nos richesses nationales», «nos
compatriotes», «nos frères», etc.[[Expressions tirées du Patriote, novembre 1957 et n° 12, décembre 1958.]]) et un en-tête composé de la faucille et du
marteau d’un côté, et du croissant et de l’étoile de l’autre. Le Patriote apparaît comme l’organe d’un parti s’inscrivant d’ores et déjà dans le jeu politique d’un nouvel État: le Gouvernement provisoire de la République algérienne est considéré par les communistes comme leur gouvernement, l’ALN comme leur armée nationale, et William Sportisse exalte les attaques des «vaillants moudjahidines[[« Le peuple algérien boycottera le référendum », Le Patriote , n° 10, septembre 1958.]]» contre l’armée française, détaille leurs tactiques de guérilla et d’embuscades,
et note avec minutie les chiffres de soldats français tués au combat.

Le soutien à l’ALN n’est pas uniquemant verbal: les relations au sommet
étant inexistantes entre le PCA et le FLN dans le Constantinois, les communistes apportent un soutien matériel aux maquis avec lesquels ils ont un contact à la base, dans la région de Oued Athmenia, au sud-ouest de
Constantine. Ils livrent nourriture, armes, munitions, uniformes, couvertures, chaussures et médicaments qu’ils achètent, fabriquent ou subtilisent, et Guy Fève, jeune instituteur qui a adhéré au PCA pendant la guerre, dispose de plusieurs attestations de moudjahidines certifiant qu’il a effectué de telles livraisons entre 1959 et 1962[[Attestations d’un ex-responsable de l’organisation politico-militaire et d’un ex-commissaire politique de la Wilaya 2, datées des 18 et 26 septembre 1963, certifiant que des livraisons d’armes, de tenues militaires, de médicaments, d’argent et de machines à écrire ainsi que des tirages de tracts du FLN ont été
effectués de 1959 à 1962 par Guy Fève, militant communiste de Constantine (archives privées Guy Fève).]]. William Sportisse affirme avoir reçu à l’époque des lettres de l’ALN remerciant les communistes en tant que tels, et se souvient d’une lettre dans laquelle un responsable de l’ALN déclarait souhaiter que le PCA soit le plus fort parti à l’indépendance — les RG de Constantine notant pour leur part en 1962 que la propagande du PCA, « habilement faite, paraît actuellement trouver un champ d’expansion favorable parmi les couches musulmanes pro-FLN[[Constantine, 93 3 F 24: notes d’information du service départemental des RG sur le PCA, avril 1962.]]».

Cette propagande témoigne aussi du fait que se représentant comme les
citoyens d’un État algérien, les communistes clandestins n’en souhaitent pas
moins conserver leur indépendance en tant que parti par rapport au FLN.
Outre les contenus des programmes économiques et sociaux, l’indépendance revendiquée par le PCA apparaît dans des textes rédigés par William Sportisse et adressés au FLN, où sont par exemple critiquées, en mai 1956, les actions armées indifférenciées contre des civils, et, en mai 1962, les «méthodes autoritaires héritées de la dure période de la guerre», qui devraient laisser place à la «démocratie» comme pratique quotidienne, depuis les «petites assemblées et réunions» de quartier jusqu’aux institutions du pays[[«Pour mieux mobiliser notre peuple », tract de la région de Constantine du PCA, 7 mai 1962 (joint
à Constantine, 93 3 F 24 : note de la PRG, 11 mai 1962).]]. Sur ce point, les
anciens du réseau constantinois témoignent d’une sorte de mise en oeuvre du projet «démocratique», à l’échelle très réduite du noyau clandestin: insistant sur la personnalité de William Sportisse, Jean-Pierre Saïd et Jeanine Caraguel notent le caractère collectif des décisions prises et la construction de relations égalitaires malgré les contraintes de la clandestinité et la hiérarchie inhérente au parti. Bien plus, Jeanine Caraguel parle de ces années de lutte clandestine comme d’un moment d’apprentissage, et évoque particulièrement des discussions
avec William Sportisse, de quatorze ans son aîné, sur ce que voulait dire,
pour elle — institutrice «européenne» qui décide de qui décide de donner un prénom arabe à sa fille née en 1960 —, être une «Algérienne»[[Entretien avec Jeanine Caraguel, 28 septembre 2009.]].

L’enthousiasme des militants de ce noyau, lorsqu’ils évoquent cette période,
atteste leur optimisme d’alors. Le sentiment d’avoir vécu positivement les
bouleversements induits par la clandestinité dans leur existence se décèle
dans leurs anecdotes comiques sur les planques et les grimages, et jusque dans leur impression d’avoir véritablement fait peau neuve.

Une perturbation des normes de race et de genre

La clandestinité implique nécessairement de se grimer et d’entrer dans des
rôles sociaux crédibles afin d’échapper aux suspicions. Partant, il s’agit d’un
espace où les normes sociales sont remises en cause par le simple fait qu’elles sont jouées — donc mises à distance.

Cela est particulièrement net dans le rapport de ces militants aux normes
raciales qui structurent la société de l’Algérie coloniale, dans laquelle les mécanismes de reconnaissance et d’assignation identitaires surdéterminent les relations sociales. André Beckouche affirme: «Dans la clandestinité, c’était un vrai problème. Un Musulman planqué dans un quartier juif ou chrétien était vite repéré et réciproquement[[Lettre d’André Beckouche à l’auteur, 3 août 2010.]]». Les colonisés étant soumis à l’arbitraire racial
des rafles de la police ou de l’armée, les militants musulmans tentent régulièrement de se grimer en «Français» et de se procurer des faux papiers d’identité de citoyens français de plein droit. Or, par souci de crédibilité et en raison des (supposées) ressemblances physiques entre juifs et musulmans, le choix se porte de préférence sur des noms de juifs algériens. Traqué fin mars 1956 à Constantine où il est planqué dans des familles juives, Omar Djeghri, militant du PCA, fuit pour Alger; arrêté en avril 1957, il est torturé à mort par l’armée française et succombe sous l’identité de Simon Sportisse[[La presse, notamment La Dépêche quotidienne et Le Journal d’Alger, publie cette information le 13 avril 1957.]]. Quelques jours plus tard, à Constantine, l’armée annonce aux parents d’André Beckouche la mort de leur fils — en réalité en fuite —, sans doute du fait d’une ressemblance entre Omar Djeghri et lui[[Entretien avec André Beckouche, 29 mars 2007.]]. Le brouillage semble donc avoir réussi,
mais cet épisode prouve que pour l’armée française, être un (supposé) citoyen français n’empêche pas d’être littéralement «traité comme un Arabe».

Les militants juifs qui vivent avec de faux papiers choisissent également des
noms juifs. William Sportisse explique clairement ce choix: «de par mon type physique, j’apparaissais comme un juif, et il était donc plus prudent de prendre
une identité juive[[Entretien avec William Sportisse, 15 février 2010.]]». En 1961-1962, il partage un studio avec un autre camarade
juif, Jean-Pierre Saïd, qui dispose également d’un faux nom juif; le studio
a été obtenu en priorité par ce dernier d’un propriétaire juif qui se fait un
devoir d’aider un «coreligionnaire»; c’est ce qu’escomptait William Sportisse
en voyant l’annonce, et ce dont ils s’amusent encore tous deux aujourd’hui [[Entretien avec Jean-Pierre Saïd, 26 juin 2011.]].

Jouant contextuellement sur la (supposée) «solidarité juive», William Sportisse utilise toutefois un nom de guerre arabe, Omar; parfaitement arabophone, il est perçu comme un Arabe dans certaines familles musulmanes qui l’hébergent, tout en étant perçu comme un juif — donc comme un citoyen français
— dans la rue et en cas de contrôle policier. Cet entre-deux identitaire
correspond au personnage, exemple rare de militant anticolonialiste juif algérien pouvant écrire l’arabe.

Le plus souvent, dans la clandestinité comme dans la légalité, la reconnaissance identitaire demeure cependant immédiate. Guy Fève — dont le collier de barbe semblable à celui de Pierre Lagaillarde, dirigeant de l’Organisation armée secrète (OAS), l’a sauvé d’une fouille un jour où il transportait des armes destinées à l’ALN —, raconte:

  • « Je me rappelle une fois, je suis allé dans une mechta comme on dit, dans le bled, dans la montagne, chez des paysans qui faisaient le relais avec l’ALN. Et il y en a un — un vieux — qui m’a dit: “c’est quand on voit des gens comme toi qu’on comprend qu’on a raison”[[Entretien avec Guy Fève, 9 septembre 2009.]].»

Dans ces moments, la reconnaissance identitaire joue en quelque sorte positivement comme ce qui vient prouver que les origines ne comptent pas. À travers ces interactions et ces jeux de rôle, les militants contribuent ainsi, dans le microcosme clandestin, à dévoiler une certaine porosité et artificialité des barrières raciales de la société coloniale.

En pratique, les rôles de genre sont également remis en cause dans l’action
clandestine. La clandestinité donne en effet à certaines femmes une grande
importance dans l’organisation; elle les implique dans des actions qui, si elles leur sont parfois confiées par stratégie, peuvent entraîner, chez elles, un sentiment d’émancipation individuelle lorsqu’elles les font sortir de rôles stéréotypés.

Ce point est mis en avant par des historiens à propos des militantes
musulmanes — pour lesquelles le changement est souvent particulièrement
spectaculaire —, mais il concerne l’ensemble des femmes engagées dans la
clandestinité. Les autorités françaises sont d’ailleurs sensibles aux utilisations «contre-nature» par le FLN et le PCA de femmes pour berner l’armée et la police, et se focalisent notamment sur la figure de la poseuse de bombes européenne.

Mais, au-delà de cette figure spectaculaire, la clandestinité ouvre parfois
des brèches jusqu’à l’intérieur des foyers. À Constantine, Jeanine Caraguel,
jeune institutrice qui se marie et accouche en 1960, dit combien la présence
chez elle du clandestin William Sportisse fut, dans la pratique, un élément perturbateur — et libérateur — pour elle, «en tant que femme». Encouragés à participer à égalité aux tâches politiques par William Sportisse, lui-même habitué à suppléer ses sœurs dans les tâches domestiques après le décès de sa mère, son mari et elle s’émancipent du schéma de répartition sexuée des tâches qu’ils avaient connu chez leurs parents et qu’ils reproduisaient «dans la naïveté la plus totale»:

  • Il n’était pas envisageable que je fasse la cuisine, le ménage, le linge, tout ça (rires) — c’était ça les femmes, hein —, et que je travaille aussi. Et [William Sportisse] voulait que je milite. Et moi j’étais pas contre. Ce qui fait que ça a d’abord été pratique. Et ensuite, des discussions de plusieurs heures avec des textes de Marx, de Lénine, de tout ça… Mais d’abord, ça a été pratique [[Entretien avec Jeanine Caraguel, 28 septembre 2009.]].

Au-delà d’un usage contextuel et stratégique, les déplacements identitaires
induits par la clandestinité peuvent donc avoir une portée importante
pour celles et ceux qui les expérimentent — du moins au sein des microcosmes clandestins, et à un niveau interindividuel.

Conclusion : la portée d’une expérience

André Beckouche, revenant sur la polarisation raciale exacerbée dans les
dernières années de la guerre d’Algérie, affirme: «Nous, dans cette ambiance, on avait l’impression d’être des anges[[Entretien avec André Beckouche, 29 mars 2007.]].» De fait, l’expérience des militants
communistes algériens — qu’ils soient musulmans, européens ou juifs —
apparaît ultra-minoritaire au regard non seulement de l’attitude de la majorité de la population française d’Algérie qui soutient, sentimentalement ou en actes, l’OAS, mais aussi des idées et pratiques à l’œuvre au sein du FLN-ALN. De ce fait, la communauté de destin qui rassemble apparemment tous ceux qui entrent en guerre dans le camp de l’insurrection est rapidement mise à l’épreuve:

alors même que c’est dans la guerre que se forge affectivement et effectivement l’appartenance la plus aboutie des anticolonialistes non-musulmans à une collectivité algérienne en voie d’étatisation, la radicalisation des contradictions internes au mouvement national algérien et celle des tensions politico-raciales de la société coloniale tendent à les mettre à l’écart du projet national algérien.

Le départ massif des Français d’Algérie en 1962 et l’arrivée au pouvoir, à l’indépendance, de fractions du FLN qui, entre autres, imposent le parti unique et figent dans le droit une algérianité exclusivement arabe et musulmane, semblent réduire à néant le projet d’«Algérie nouvelle» porté par les communistes et nombre d’autres Algériens.

Toutefois, pour le PCA lui-même, cette expérience revêt une portée importante à moyen terme. La persistance du parti durant la guerre d’indépendance a en effet donné des bases organisationnelles et une certaine légitimité au PCA qui, malgré le dénigrement de son activité par un FLN devenu parti-État, a connu un certain engouement, notamment à Constantine, dans les premières semaines de l’indépendance, avant que le nouveau pouvoir ne l’interdise en novembre 1962.

À plus long terme, pour ce qui est des trajectoires individuelles, cette expérience a consolidé des pratiques et des convictions politiques qui
seront réinvesties, dès 1965, par un certain nombre de ces militants au sein
de l’Organisation de la résistance populaire — laquelle tente une éphémère
opposition au coup d’État du 19 juin 1965, brutalement réprimée [[William Sportisse et Guy Fève feront partie des militants d’origine constantinoise arrêtés et torturés par la Sécurité militaire en septembre 1965, et ils passeront plusieurs années emprisonnés puis assignés à résidence.]] — puis du Parti de l’avant-garde socialiste, principal mouvement d’opposition au régime du parti unique, qui se maintiendra dans la clandestinité de 1966 à 1989.


QUI A ASSASSINÉ MAURICE AUDIN ?

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Messaoud Benyoucef

braniya chiricahua

le 25 Janvier 2014

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Un livre vient de paraître (janvier 2014) aux éditions Équateurs qui porte le titre «La vérité sur la mort de Maurice Audin». En fait d’enquête, le livre est tout entier une interview éprouvante du général Aussaresses, officier du renseignement au 1er régiment de chasseurs parachutistes (RCP) au moment des faits, par l’auteur, Jean-Charles Deniau.

D’emblée, deux remarques.

Sur ce titre d’abord : l’usage de l’article défini «La» suggère qu’on va enfin connaître le fin mot de cette affaire. On n’aura, en fait, droit qu’à l’accréditation des confidences du colonel Godard (divulguées partiellement par Yves Courrière en 1969).

Sur la méthode d’exposition, ensuite: l’auteur a fait le choix de ménager le suspense, comme dans un roman policier, et voudrait que le lecteur reste suspendu à la question: Aussaresses parlera, parlera pas? On appréciera diversement ce faux suspense et on se demandera s’il était de mise dans un sujet si tragique.

Maurice Audin, professeur de mathématiques à l’université d’Alger, militant du Parti communiste algérien (PCA), a été enlevé le 11 juin 1957, à son domicile, par les parachutistes de la 10 ° Division aéroportée (DP), commandée alors par le général Massu. Il ne devait plus jamais reparaître. La 10° DP s’était vue investie des pouvoirs de police judiciaire par le Ministre résidant Robert Lacoste, agissant au nom du chef du gouvernement socialiste Guy Mollet. La «bataille d’Alger» commençait. Il s’agissait d’ «extirper l’organisation rebelle» de la capitale.

Alger était devenue, en effet, un champ d’affrontement où les exactions contre les civils s’étaient multipliés à partir de l’attentat de la rue de Thèbes: un groupe de factieux européens dit «Groupe des quarante», gravitant dans les coulisses du Gouvernement général (GG) et comptant dans ses rangs l’agent provocateur Achiary (qui s’était illustré durant les massacres de mai 1945 à Guelma), fit sauter un pâté de maisons en pleine Casbah -la médina arabe-, murée par le couvre-feu. La complicité de l’armée et de la police était clairement établie. L’attentat fit 73 morts, hommes, femmes, vieillards, enfants tués dans leur sommeil.

Folle de douleur, la Casbah criait vengeance. L’organisation FLN allait réagir conformément à l’attente de la population arabe: œil pour œil, dent pour dent. La bataille des bombes déposées dans des lieux publics commençait. Le FLN avait un allié efficace dans la fabrication des bombes, leur transport et leurs caches, le PCA. Le parti disposait, en effet, d’une capacité logistique très importante en ce qu’il pouvait compter sur son réseau de militants et de sympathisants européens. Européens, donc insoupçonnables. Le PCA avait ainsi ses chimistes: Daniel Timsit et Giorgio Arbib fabriquaient les bombes. Jacqueline Netter-Guerroudj les transportait et les remettait aux «utilisateurs». Le parti avait son imprimerie clandestine dans laquelle était tirée, notamment, «La voix du soldat», une feuille destinée aux conscrits et dénonçant la guerre injuste faite contre un peuple qui ne demandait rien d’autre que sa liberté. C’est André Moine qui en assurait la responsabilité.

Deniau -c’est toute sa thèse- pense que cette implication du PCA dans la bataille d’Alger confortait la véritable paranoïa anticommuniste des militaires français, encore sous le coup de leur cuisante défaite devant le Viet Minh. Dès lors, ils auront comme objectif de faire un exemple pour terroriser les Européens qui seraient tentés d’entrer en lutte aux côtés du PCA. Ainsi s’expliquerait l’assassinat de Maurice Audin.

Dans son livre, «La guerre d’Algérie», tome II, «Le temps des léopards», Yves Courrière révélait (grâce aux confidences du colonel Godard, chef d’état-major adjoint de la 10° DP) que l’ordre, émanant de Massu, était de « liquider » Henri Alleg (qui avait été arrêté dans la souricière tendue dans le domicile de Maurice Audin). Pourquoi Alleg? Parce que le directeur d’Alger Républicain (interdit de parution depuis 1955) était l’auteur anonyme des «Lettres d’Algérie» -publiées par «L’humanité»– et qui rendaient les militaires fous de rage. Ils avaient réussi à identifier leur auteur et ils le tenaient. Et il n’était pas question de le remettre à la Justice! L’homme avait de l’entregent et un carnet d’adresses dissuasif -ne serait-ce que dans le milieu journalistique et intellectuel. Donc «corvée de bois» (= exécution sommaire déguisée en «tentative de fuite») pour Alleg. Sauf que -dit Godard- les exécutants se sont trompés de prisonnier et ont emmené Audin à la place d’Alleg!

Deniau juge cette thèse invraisemblable: la photo d’Alleg était affichée dans toutes les salles de torture de l’immeuble d’El-Biar. De fait, il est difficile de croire Godard, quoique la chose ne soit pas strictement impossible, venant d’exécutants bornés, dont certains étaient illettrés. De plus, l’immeuble d’El-Biar était une véritable ruche, le va-et-vient des militaires et des prisonniers ne cessant jamais dès que la nuit tombait, l’erreur sur la personne devient plus plausible. Mais alors, on ne voit pas pourquoi, s’apercevant de leur bévue, les militaires n’auraient pas « remis ça », avec la bonne personne cette fois-ci, en l’occurrence Alleg.

Il y a peut-être une autre explication que Deniau ne pouvait pas percevoir -tant est écrasant le poids du «politiquement correct»- et qui nous est suggérée par Daniel Timsit. Dans son livre «Les récits de la longue patience», Timsit pose courageusement la question de sa non-condamnation à mort par le tribunal militaire (qui venait d’envoyer à la guillotine son camarade de parti, Fernand Yveton). Yveton avait posé une bombe dans l’usine à gaz d’Alger, bombe réglée à 19H30 afin de ne provoquer aucune victime parmi les ouvriers, le résultat escompté étant de provoquer une panne électrique géante. La bombe fut découverte et désamorcée à temps: il n’y eut donc ni explosion, ni dégâts, ni victimes. Yveton fut quand même condamné à mort et exécuté (11 février 1957). En mars de la même année, Timsit était jugé par le même tribunal et «s’en sortait» avec une condamnation à 20 ans de prison, alors que personne -pas même lui- n’aurait donné cher de sa peau: si Yveton a été condamné à la peine capitale pour avoir posé une bombe, que dire de celui qui fabriquait les engins explosifs? (En l’occurrence, la bombe posée par Yveton avait été fabriquée par Taleb Abderrahmane, le chimiste du FLN qui sera lui aussi guillotiné.)

Si Timsit s’en est sorti, c’est, dit-il dans son livre cité ci-dessus, grâce à la mobilisation de la communauté israélite, son grand-père maternel étant grand rabbin. Cette mobilisation n’était évidemment pas de son fait à lui, Daniel Timsit militant communiste internationaliste, mais elle doit être vue comme réaction normale d’une communauté qui craint d’être stigmatisée par le comportement de l’un des siens. En se mobilisant et en faisant jouer ses relais dans l’appareil judiciaire, elle pouvait adoucir la sanction et par là-même atténuer l’opprobre qui toucherait la communauté. Fernand Yveton, ouvrier électricien, fils d’ouvrier électricien, vivant avec les Arabes du quartier du Clos-Salembier, n’avait aucune « surface » communautariste propre à lui éviter la mort.

Ajoutons pour faire bonne mesure qu’il n’est pas interdit de penser que la hiérarchie militaire, de son côté, ait également été soucieuse de ne pas ouvrir un nouveau front en paraissant s’attaquer à la communauté israélite. On peut compter sur la tête pensante de Massu -sa femme- pour avoir pris en compte cette donnée, elle qui fréquentait assidûment le tout-Alger mondain et avait une très forte influence sur son soudard de mari.

Récapitulons. En juin 1957, les paras détenaient, entre autres, trois militants du PCA dans leur centre d’El-Biar : Henri Alleg, Maurice Audin et George Hadjadj. C’est ce dernier, médecin de son état qui, pour épargner à sa propre femme la torture, a donné le nom d’Audin (dans le domicile duquel il avait soigné un fidaï du FLN, blessé, qui fut pris par la suite et qui donna le nom de Hadjadj). G. Hadjadj soignait les clandestins et hébergeait l’imprimerie du parti dans sa maison de campagne. M. Audin étant chargé de fournir des planques aux camarades recherchés, les paras s’acharnèrent sur lui, estimant qu’il savait où pouvaient se trouver les responsables de « La voix du soldat », André Moine et Paul Caballero. Ils n’obtinrent rien de lui.

Rien n’interdit, là non plus, d’appliquer la grille de lecture que nous suggère Daniel Timsit: Alleg et Hadjadj bénéficiant potentiellement de la protection de la communauté israélite à laquelle ils sont censés appartenir (alors qu’eux ne s’en réclament absolument pas, cela va sans dire), échappent à la corvée de bois. Maurice Audin, lui, est un jeune (25 ans) professeur de faculté, discret et rangé, sans appuis notoires autres que son appartenance au parti communiste -ce qui n’était pas à son avantage en ces temps de guerre. Audin se trouvait, de ce fait, logé à la même enseigne que Yveton. Quitte à faire un exemple -terroriser les intellos-, alors pourquoi pas lui ?

Au terme de son enquête-interview avec Aussaresses, Deniau n’obtiendra rien d’autre du vieillard que ce qu’avait déjà dit Godard, à savoir que le soudard qui a assassiné Audin (d’un coup de poignard porté au cœur) est le lieutenant Gérard Garcet, adjoint direct d’Aussaresses. Auprès de l’un des exécuteurs des basses œuvres de l’équipe de tueurs d’Aussaresses, le sergent Pierre Misiri, il apprendra que le corps de M. Audin aurait été enseveli dans une fosse commune non loin de Sidi-Moussa, à quelque vingt km au sud d’Alger.

La lecture du livre de J.Ch. Deniau laisse sur un complexe de sentiments. D’abord, la révolte intérieure face à ce vieillard qui continue de ruser, de mentir, de prendre les gens pour des débiles mentaux, incapables de lire dans son jeu. La sidération, ensuite, face à un individu si radicalement dénué de toute empathie qu’il en perd tout caractère humain : car quel humain ne serait pas sensible à l’attente et à la quête d’une épouse -Josette Audin, la veuve de Maurice- qui cherche la vérité depuis 57 ans ? Pas Aussaresses. Point n’était besoin de convoquer Hanna Arendt et ses inévitables propos sur la « banalité du mal » (dont on se demande bien ce que cela signifie au juste) ; Aristote avait déjà dit l’essentiel sur la question : celui qui n’a pas besoin des hommes pour vivre est theos, Dieu ; mais celui qui ne peut pas vivre avec les hommes est therion, Monstre. Ajoutons, pour notre part, que pour vivre avec les hommes, il faut vivre en homme, c’est-à-dire être capable d’empathie.

C’est pourtant à ce monstre, que le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, rend presque hommage dans une interview à la radio Europe 1, le 02 mars 2003. Interrogé par le journaliste J.P. El Kabbach, avant le voyage en Algérie de Jacques Chirac, Bouteflika déclare: «Je n’aime pas la sanction qui a été prise contre le général Aussaresses (NDA : retrait de la Légion d’honneur). Je pense que, l’âge aidant, Aussaresses a eu besoin de se libérer de secrets qui pesaient très lourd. C’est à son honneur. Il a fait un sale boulot et il l’a dit. Ça ne porte en aucune manière ombrage ni à l’image d’un officier français ni à l’image de quelqu’un qui était sous les ordres d’un pouvoir politique.»

Au-delà de la honte que l’on éprouve à la lecture de cet incroyable et obséquieux hommage rendu à l’un de «ces assassins que craignent les panthères» (Aragon), on ne peut pas ne pas lire dans les propos de Bouteflika une absolution accordée aux généraux algériens qui ont mené une guerre sale, avec les mêmes méthodes que celles des Massu, Bigeard, Aussaresses, Trinquier et consorts.

La situation des généraux français en 1957, et contrairement à ce que dit Bouteflika, est la même que celle des généraux algériens en 1992: il n’y a pas d’autorité politique au-dessus d’eux. Les social-traîtres (SFIO et radicaux-socialistes) avaient positivement et lâchement abandonné toutes les prérogatives à l’armée française en Algérie; l’armée algérienne, quant à elle, est et demeure le seul pouvoir en Algérie.

Et voilà comment l’histoire vous revient dans les gencives, à la manière d’un boomerang: les dirigeants algériens sont désormais disqualifiés pour porter un jugement moral sur les affres de la guerre d’indépendance (affres dont ils étaient au demeurant bien prémunis, planqués qu’ils étaient derrière les frontières des pays voisins), car ils craindraient de se voir rétorquer: «Mais, vous avez fait la même chose!».

Pour finir, comment ne pas rappeler qu’au commencement de cette «bataille d’Alger», comme au commencement des massacres du 08 mai 1945, il y a le même sinistre personnage, spécialiste de la provocation, André Achiary?

– En 1945, le mouvement national faisait un grand pas vers l’unité d’action et la clarification des objectifs politiques grâce à l’action des Amis du Manifeste et de la liberté (AML), sorte de front uni entre les autonomistes de Ferhat ‘Abbas (initiateur du Manifeste pour les libertés , le 10 février 1943), les ‘Oulémas et le PPA (Parti du peuple algérien). Face à ce mouvement de masse, les ultras (Pierre-René Gazagne, haut fonctionnaire du GG, André Achiary, sous-préfet de Guelma, Lestrade-Carbonnel, maire de Constantine…) étaient décidés à réagir pour «crever l’abcès» (M. Harbi). De leur côté les AML étaient confrontés à la surenchère du PPA dont les activistes ne témoignaient pas d’un sens politique élevé, pour dire le moins. Tout cela finira dans le bain de sang du 08 mai 1945.

– En 1956, l’insurrection a gagné l’Algérie du nord tout entière; le Front républicain (la Gauche) arrive au pouvoir en France; il engage des pourparlers secrets avec le FLN et limoge Jacques Soustelle (le GG qui a officialisé la responsabilité collective et conseillé le viol systémique des femmes arabes). Les ultras prennent peur, la population européenne fait une conduite de Grenoble à Guy Mollet qui se couche et les comploteurs qui agissent à partir du GG (parmi lesquels André Achiary) vont entrer en action en réalisant deux attentats spectaculaires : la bombe de la rue de Thèbes et le tir au bazooka contre le général commandant en chef, Raoul Salan. La direction politico-militaire de l’Insurrection ne saura pas éviter le piège qui lui était tendu. Cela donnera la « bataille d’Alger », immense désastre politique pour l’Insurrection et immense désastre moral pour l’armée française.

DÉCLARATION DU CERCLE NEDJMA SUR LA SITUATION POLITIQUE EN ALGÉRIE

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POUR UNE REFONDATION

DE LA RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE

ENCORE ET TOUJOURS

La déliquescence des institutions politiques et administratives a atteint des niveaux qui menacent gravement la cohésion sociale et nationale et la sécurité des populations dans un environnement régional et international problématique.

Procédant à une véritable «occupation de l’Etat» les gouvernants ont anémié le débat politique et anesthésié le sens critique. Les luttes des factions pour l’accaparement du pouvoir et de ses bénéfices tendent à devenir la préoccupation majeure de l’opinion et des observateurs politiques.

Les politiques gouvernementales, concoctées dans l’opacité par des cercles restreints, adoptées, hors Conseil des ministres, sans débats même au sein du gouvernement, ne peuvent régler les problèmes de l’école, de la santé, du logement et de plus en plus de la sécurité publique.

Au lieu de rendre au peuple sa souveraineté, de tracer la voie qui y mène et donc de favoriser les moyens démocratiques modernes d’organisation de la société, grâce à des associations, des syndicats et des partis politiques autonomes et représentatifs, le chef de l’Etat et ses gouvernements successifs n’ont cessé de s’appuyer sur des groupements d’intérêts ou de remettre en selle des notables traditionnels ou religieux ou des zaouïas pour tenter de briser les regroupements de citoyens revendiquant leurs droits.

Est-il étonnant dans ces conditions que le Parlement, mal élu et peu représentatif, ne joue que les rôles qui lui sont impartis par le pouvoir exécutif en approuvant systématiquement toutes les politiques qui sont à l’origine de la dilapidation des ressources. Rappelons le scandale sans nom de l’adoption de la loi scélérate sur les hydrocarbures de 2005 qui devait mettre les ressources du pays sous sujétion des firmes multinationales.

La gestion autoritaire de la société par le moyen de la police politique a été érigée en système. La répression, l’infiltration et la manipulation des associations, des syndicats et des partis autonomes les empêchent de jouer les rôles indispensables de représentation des forces sociales et d’intermédiation. Tout contribue à anémier la société civile, à défaire le moindre signe de lien social, à casser son dynamisme et à décrédibiliser l’idée de démocratie. Tout cela n’a fait que mener au délitement des institutions existantes.

Dans ces conditions, c’est le clientélisme et le clanisme qui président aux désignations aux postes de responsabilité dans tous les rouages de l’Etat. Ils sont la clé du système d’enrichissement et du développement accéléré des inégalités. Qui dans ce système se soucie du bien-être des populations et des risques d’aventure?

L’incapacité apparente, voire le handicap du chef de l’Etat n’ont fait qu’aggraver cette situation risquant ainsi de mener le pays vers un horizon dont personne ne peut prévoir les conséquences.

À quelques mois des échéances présidentielles, le pouvoir, avec ses différentes composantes, continue de gérer le pays dans l’improvisation et la démagogie. Cette situation est dommageable à la crédibilité de l’Etat, tant sur le plan interne qu’international.

Il nous faut sortir de cette impasse. Ni les élections (y compris présidentielles), ni la révision ou l’interprétation des dispositions constitutionnelles agitées au gré de la conjoncture ou des rapports de forces, ne peuvent régler les problèmes dont nous souffrons.

Faisons en sorte que la lutte contre l’arbitraire, les inégalités et la corruption devienne la préoccupation de tous et qu’elle aboutisse à un système qui bannit toute police politique.

Un système dans lequel fonctionnent une séparation des pouvoirs, une justice indépendante et une presse libre.

Ces combats menés par des associations, des syndicats et des partis politiques autonomes et représentatifs sont le seul catalyseur du changement.

Seules ces luttes peuvent créer le rapport de forces nécessaire pour contraindre au changement les détenteurs actuels du pouvoir.

Après les drames de la Kabylie et du M’zab, et pour éviter d’autres explosions dans d’autres régions du pays, ayons le courage d’affronter le problème de la construction nationale et de la refondation d’une république moderne.

À l’initiative du Cercle Nedjma :

Madjid Benchikh

Ahmed Dahmani

Mohammed Harbi

Aïssa Kadri

Janvier 2014.


UKRAINE: LA FAUSSE -VRAIE RÉVOLUTION ORANGE

par Kharroubi Habib

le Quotidien d’Oran

le 25 janvier 2014

À Kiev, les partisans de l’intégration de leur pays à l’Union européenne ont le droit de protester contre leur président et son gouvernement dont la politique s’oriente vers le rapprochement avec la Russie. Les médias occidentaux qui soutiennent leur mouvement présentent celui-ci comme animé par des démocrates ayant l’appui de la majorité du peuple ukrainien et le président ukrainien Igor Ianoukovitch et son gouvernement tels des autocrates obéissant au doigt et à l’œil à Poutine, avatar stalinien cherchant à replacer l’Ukraine dans l’orbite de la Russie.

Leur grille de lecture de la crise ukrainienne évacue tout simplement le fait que Ianoukovitch n’est pas arrivé au pouvoir par un coup de force ou une élection présidentielle truquée mais le plus démocratiquement du monde grâce à un scrutin dont les organisateurs à l’époque étaient les chefs de file de ce camp pro-européen qui veut le contraindre aujourd’hui à rompre avec la Russie et à ratifier l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne. C’est, répétons-le, le droit des partisans ukrainiens de l’intégration à l’Europe de manifester en faveur de celle-ci et de faire pression sur leurs autorités pour qu’elles en conviennent. Mais pas jusqu’à fomenter une insurrection pour faire partir Ianoukovitch et tomber son gouvernement. Or, c’est la dérive à laquelle se sont laissées aller des composantes du mouvement de protestation qui bat la rue à Kiev.

Ces extrémistes d’entre les manifestants bénéficient du soutien de l’Union européenne et des Etats-Unis qui en l’occurrence ont à nouveau montré qu’ils ne sont respectueux de l’ordre démocratique chez les autres que le temps qu’il se plie à la préservation de leurs intérêts géostratégiques.

Ianoukovitch a le tort de ne pas avoir respecté et avalisé leurs desseins de ce point de vue pour son pays. Il est par conséquent la cible de leur foudre qui se manifeste par leur ingérence flagrante dans les affaires intérieures de l’Ukraine et leur soutien et encouragement multiformes à un mouvement qui est passé de la contestation pacifique à une confrontation violente avec un gouvernement bénéficiant de la légitimité des urnes.

Le temps a révélé ce que fut la «révolution orange» dont les manifestants de Kiev se revendiquent et veulent ramener au pouvoir ceux qui en furent les «leaders». Il a été amplement et irrécusablement démontré que ses acteurs déterminants en Ukraine ont été sponsorisés et encadrés par des officines américaines et européennes dont le but inavoué a été et reste de détacher irrévocablement l’Ukraine de la Russie et ainsi permettre à l’OTAN, le bras armé de l’Occident, de parachever l’encerclement militaire de la Russie.

Le paravent de la liberté, de la démocratie et de la souveraineté des peuples derrière lequel se cache la stratégie occidentale appliquée à l’Ukraine ne dupe que les naïfs minoritaires dans ce pays qui croient que l’intégration à l’Union européenne leur apportera le «paradis». Les médias occidentaux les confortent dans cette utopie et se gardent de leur montrer où la croyance au même rêve a mené les Grecs, les Irlandais, les Portugais, les Espagnols et toutes les couches «d’en bas» des sociétés européennes. En Ukraine, nous sommes en face d’une résurgence de la guerre froide et nullement à un moment où la société de ce pays débat et se confronte en toute démocratie sur un projet de construction d’un Etat souverain voué à défendre ses propres intérêts nationaux et libre de nouer des alliances internationales qui les favoriseraient.


RÉACTIONS ET COMMENTAIRES AUTOUR DE « L’AFFAIRE DIEUDONNÉ »

Dieudonné, interdit en France…

En Algérie, c’est… Yennayer

Chronique du jour

par Arezki Metref

arezkimetref@free.fr

Interdiction. Dieudonné a jeté l’éponge. Il a senti le seul coup qui pouvait lui faire mal : le coup au portefeuille ! En acceptant de renoncer sans se battre à son spectacle litigieux, “Le Mur”, et en en remontant un autre dans les normes, il nous dit tout. Il nous dit qu’il est prêt aux concessions quand la menace sur le tiroir-caisse devient réalité. Pauvres «antisystème» qui suivent un mec qui ne suit, lui, que le fric !

Fin de partie ? Sûrement pas ! Si Valls a gagné, Dieudonné, lui, n’a pas perdu. Pas tout. Dorénavant, la balle est dans l’autre camp. Ça discute ferme à propos de ce paradoxe (c’est, d’ailleurs, plus qu’un paradoxe) qui fait que les propriétaires de “La Main d’or”, ce théâtre parisien que Dieudonné a érigé en temple antisémite, appartient à deux fortunes juives du Sentier, Georges Melka et Gabriel Lévy. Pour autant, quelque chose laisse penser que l’affaire Dieudonné n’est pas tout à fait terminée. En tout cas, en ce qui nous concerne, elle se poursuit ici au moins cette semaine, la chronique de la semaine dernière[[http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2014/01/12/article.php?sid=158961&cid=8]] nous ayant valu des réactions qui méritent d’être versées au débat.

Alice Cherki qui, comme on le sait, a milité pour l’indépendance de l’Algérie, psychiatre et merveilleux auteur d’un “portrait de Frantz Fanon” et surtout de “La Frontière invisible”, ouvrage qui décrit finement les arcanes psychologiques de l’altérité, m’a amicalement interpelé. Elle ne comprend pas que j’associe, dans la même réflexion, Dieudonné et le maccarthysme qui a fait notamment de nombreuses victimes juives américaines dont les Rosenberg en 1951[[Julius Rosenberg et son épouse Ethel, un couple de juifs new-yorkais, furent arrêtés pour espionnage au profit de l’URSS. Ils furent exécutés le 19 juin 1953 dans la prison de Sing Sing. Cette affaire, qui attira des appels internationaux à la clémence, se déroula dans un double climat tendu, le maccarthysme qui battait son plein et la Guerre froide.]]. Elle m’invite à aller voir les propos ouvertement antisémites que ce dernier déverse sur son blog, plus encore que dans ses spectacles.

Mon propos n’est pas de considérer Dieudonné comme une victime actualisée d’une forme nouvelle de maccarthysme. Loin de là ! La référence au maccarthysme, en particulier à Dalton Trumbo, est une façon de dénoncer une forme insidieuse de révisionnisme qui consiste à imputer la censure et les interdictions aux seuls régimes communistes, faisant croire que les démocraties ont été et demeurent le paradis de la liberté d’expression. Interdiction. Eh bien le cas de Dalton Trumbo nous dit que c’est faux !

Autre référence au maccarthysme, la quenelle. Evoquer Dalton Trumbo, c’était aussi raconter l’histoire du scénario de “Spartacus” et du rôle négatif de Stanley Kubrick. Ce qui nous a conduits à parler du Dr Folamour et de son fameux salut nazi réfréné. La référence à Stanley Kubrick se justifie aussi en ce que Dieudonné, tout comme l’auteur d’Orange mécanique vu par Kirk Douglas, est «un sale con et un véritable artiste».

Le problème, philosophique, si l’on ose dire, n’est pas tant d’approuver ou de réprouver les mesures d’interdiction frappant l’humoriste. Après tout, pour cela, la justice dispose des outils nécessaires. Le problème est surtout de comprendre pourquoi tant de jeunes le soutiennent et l’admirent. Et qui plus est, des jeunes souvent originaires des banlieues, parmi lesquels des jeunes issus de l’immigration et attachés à l’histoire de cette dernière, la leur.

On ne peut pas ne pas songer à cette autre aberration, observée dans les années 90, consistant pour des milliers, voire des millions d’Algériens, à suivre un parti religieux extrémiste comme le FIS. Là encore, il s’agissait moins de délivrer une pétition de principe sur le fait de tolérer l’existence du FIS, que de comprendre les mécanismes sociologiques, politiques, voire psychologiques qui poussèrent des gens à adhérer à un parti carburant à la haine et à l’élimination de l’autre. À l’interdiction.

Pour le reste, tout à fait d’accord avec Alice Cherki. Dieudonné est effectivement antisémite. Et pas seulement comme tentent de le défendre certains de ses affidés, un antisioniste.

Autre réaction un peu dans le même sens. Celle d’Amina A., universitaire tunisienne, qui m’a fait part de sa surprise d’entendre, dans un débat avec le dessinateur Plantu, l’inénarrable Finkielkraut accabler Dieudonné d’antisémitisme faisant, pour la première fois publiquement, une concession incroyable. Il déclare en substance que Dieudonné a le droit d’être antisioniste, d’être contre l’Etat d’Israël, mais pas antisémite. On peut être antisioniste ? Dans la bouche de Finkielkraut, c’est du jamais entendu.

Interdiction. Gilbert Meynier me signale que, contrairement au Conseil d’Etat interdisant le spectacle de Dieudonné, la justice avait innocenté Philippe Val, alors directeur de l’hebdomadaire Charlie Hebdo, lorsqu’il avait publié «les caricatures danoises de Mahomet». Deux poids, deux mesures?

Benjamin Stora, quant à lui, m’envoie une vidéo datant de 2011-2012 dans laquelle l’ami intime de Dieudonné, Alain Soral[[Alain Soral, universitaire, écrivain, militant du Parti communiste dans les années 1990, devient en novembre 2007 membre du comité central du Front national. Aux élections européennes de 2009, il se présente en 5e position d’une liste conduite par Dieudonné, dont il est un proche du premier cercle.]], applique le révisionnisme non pas à la Shoah mais au massacre des émigrés algériens du 17 Octobre 61. Voilà les amis de Dieudonné: au nom d’un «nationalisme de gauche», ils enlèvent aux jeunes des banlieues issus de l’immigration jusqu’aux combats et aux souffrances de leurs parents! Dans cette même vidéo, Alain Soral nous expliquerait presque que la colonisation n’a pas eu lieu. Il tape comme d’habitude sur Benjamin Stora, trop favorable à son goût aux anciens colonisés!

Je viens d’évoquer une interdiction en France. En Algérie, ce ne sont pas des humoristes qui sèment la haine que nous interdisons, c’est la célébration de… Yennayer, une manifestation qui appartient à notre patrimoine national et historique.

Interdit à Mchouneche, dans la wilaya de Biskra.

Yennayer une fête attentatoire à la dignité du peuple algérien? Bien entendu lorsque l’information de cette interdiction est sortie, on a essayé de la faire passer pour ce qu’elle n’était pas, c’est-à-dire un simple couac dans la programmation. Ce qui donne un article ubuesque dans un journal public. Lisons plutôt: «La commémoration de Yennayer […] a été annulée en raison du refus de l’administration de l’autoriser en plein air, mais n’a pas été interdite» aux dires du président de l’Office local du tourisme. Ce qui n’est pas autorisé est-il interdit ? Vaste question.

On sait que depuis quelques années Yennayer pose problème. À qui ? À tous ceux, au pouvoir[[«Certains dirigeants et revanchards «embusqués» revenant de leur planque moyen-orientale, ne surent pas distinguer entre une arabité linguistique et culturelle légitime et un arabisme de frénésie et de réaction baathiste qui prétendait nous couper de notre lointain passé nord-africain», Mostefa Lacheraf, “Des noms et des lieux”, Casbah Editions]] et dans ses périphéries, qui craignent que la référence berbère désagrège l’essence arabo-islamique fermée à triple tour, à laquelle ils veulent réduire un aussi vieux pays que l’Algérie,- qui en a vu d’autres.

Ce n’est pas la première fois que Yennayer vient faire de l’intrusion dans la quiétude identitaire arabo-islamique. Plusieurs années de suite, des responsables du pouvoir ou des plumitifs à son service sont venus nous expliquer doctement que la référence à Yennayer n’était rien moins que du paganisme.

D’autres, plus sensibles à l’importance identitaire de cette fête, expliquent, sur la défensive, que Yennayer n’appartient pas en exclusivité à la Kabylie. Ce qui est parfaitement exact ! Yennayer appartient à toute l’Afrique du Nord, c’est pourquoi celle-ci doit se dresser pour condamner l’interdiction qui lui est faite. C’est peut-être le moment d’entendre celles et ceux qui se gargarisent de ce que Yennayer est un patrimoine commun à tous les Algériens. Le temps est venu de s’indigner de son interdiction. Il est évident que l’enjeu de Yennayer va plus loin, dans la définition de ce que nous sommes, que la simple célébration d’un rituel. Il s’agit de l’héritage de notre histoire antéislamique. Défendre la célébration de Yennayer, c’est revendiquer la sédimentation de ce qui nous constitue.

Cet interdit basé sur une forme d’intolérance structurelle chevillée à l’intégrisme baathiste et religieux, mine depuis longtemps l’unité nationale, et insuffle sans doute un poison nouveau aux persécutions dont sont victimes les Amazighs du M’zab[[Les récents événements à Ghardaïa révélant une collusion entre policiers et Chaâmbas contre les Mozabites, sont plus inquiétants que d’habitude dans la mesure où, au lieu d’apaiser les tensions, les forces de sécurité semblent les avoir attisées. Il est évident que cette dérive n’a été rendue possible que par une dégénérescence avancée du sens de l’Etat et de la notion de nation.]].

A. M.


22 JANVIER- ACB OUVRE LES GUILLEMETS à WILLIAM SPORTISSE

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L’ACB ouvre les guillemets

Mercredi 22 janvier 2014

à 19 heures

à

William Sportisse

Pour son livre

« Le camp des oliviers »

(Presses universitaires de Rennes)

Soirée présentée par Nourredine Saadi et Arezki Metref

William Sportisse, né en 1923 à Constantine, grandit dans le Camp des oliviers, quartier populaire et mixte d’une ville profondément divisée par les barrières coloniales.

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Élevé dans une famille juive autochtone, française par le droit mais de culture judéo-arabe, et guidé parla trajectoire de son frère aîné, Lucien, pionnier des luttes anticoloniales, assassiné par la Gestapo à Lyon en 1944, il choisit très tôt le camp d’une Algérie décolonisée et socialiste.

D’une guerre à l’autre, ce camp le mène de l’action souterraine antifasciste sous Vichy à la coordination des réseaux clandestins du Parti communiste algérien à Constantine durant sept années de la guerre d’indépendance, en passant par la direction d’une émission de radio en langue arabe à Budapest, considérée dès novembre 1954 par le gouvernement français comme l’une des responsables du déclenchement de l’insurrection algérienne.

Devenu citoyen de l’Algérie indépendante, il connaît à partir de 1965, comme nombre de ses camarades, les tortures et prisons d’un régime autoritaire dont les communistes tentent avec difficultés de réorienter la marche, avant que l’explosion des années 1990 ne le contraigne à l’exil.

À travers le prisme d’une personnalité militante confrontée à des documents d’archives jusqu’ici inexplorées, ce livre d’entretiens déploie autour d’un parcours minoritaire des pans méconnus de l’histoire sociale et politique de l’Algérie (post) coloniale.

ACB : 37 bis rue des Maronites – 75020 Paris – M°Ménilmontant

Entrée libre

Réservation conseillée par mail :

contact@acbparis.org

ou au 01 43 58 23 25


sur socialgerie:


TUNIS – 17 JANVIER – BEÏT AL-HAKIMA: PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE « ABDELAZIZ THAALBI DE MONCEF DELLAGI » PAR KMAR BENDANA

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INVITATION

BEÏT AL-HAKIMA

17 JANVIER

17h

Carthage – Hannibal

NAISSANCE DU MOUVEMENT NATIONAL TUNISIEN

PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE

« ABDELAZIZ THAALBI DE MONCEF DELLAGI »

PAR KMAR BENDANA

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Kmar BENDANA

Domicile/Fax : 00 216 79 219 037 / Mobile : 00 216 22 451 422

Carnet de recherche : hctc.hypotheses.org


transmis par

Revue Naqd

Daho Djerbal

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CONTRE L’OUBLI: CHARON EST PARTI, C’ÉTAIT UN CRIMINEL

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Une enseignante se souvient et réagit à la mort de Sharon

C’était un criminel !

Ariel Sharon est parti, il emporte dans sa tombe glaciale les cris de milliers d’innocents palestiniens. Les crimes commis par ce tortionnaire restent à répertorier, il faut trouver des mots nouveaux pour les verbaliser car les dictionnaires de toutes les langues ne suffisent pas pour dire l’errance du peuple palestinien à qui on a ôté le droit de vivre sur ses terres!

En 1986, je suis tombée sur un article qui décrivait l’horreur sous toutes ses formes: Sabra et Chatila; il était enfoui entre les pages d’un livre et j’avais l’impression qu’il m’attendait pour le diffuser partout afin qu’il habite le cœur et l’esprit des Hommes.

Depuis, ce bout de narration ne m’a jamais quitté. Chaque année, au deuxième trimestre, le petit texte qui parlait de l’enfant dans la nuit était exploité en classe. Je ne me contentais pas de le lire et de le faire lire, non, non! Il fallait le graver dans le cœur des enfants! J’optais pour une reconstitution de texte à l’ancienne.

Une Reconstitution de texte:

– après deux lectures, poser des questions aux élèves pour reconstituer le texte collectivement et le reproduire au tableau.

– une fois le texte fixé, lu, mémorisé…. il faut l’effacer progressivement.

Les élèves doivent choisir les mots à effacer entre deux lectures et c’est tout doucement que tous les mots disparaissent du tableau.

Et là, écoutez bien, vint le moment magique qui fait que moi, je ne me suis jamais lassé de remplir le tableau et de l’effacer depuis 1986!

Petit à petit, les élèves reconstituaient le texte, seul ou en petit groupe, ils se corrigeaient, écrivaient, ponctuaient… le tableau devenait leur propriété et le texte qui parlait d’un enfant dans la nuit leur œuvre!

Un enfant dans la nuit

Le gosse ne comprend pas, il se débat avec la force de sa colère d’enfant sans parvenir à se détacher.
Il voudrait hurler mais il ne peut pas.
Il ne croit pas encore à la mort, la mort voyons, c’est une affaire d’adulte!

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Le vieux était en pyjama, la mère et la grande sœur étaient en habilles traditionnels…
les soldats tirent rapidement, proprement …
Demain, quand les journalistes viendront, il y aura des mouches bleues sur le corps de cet enfant, son cou aura un sourire horrible car il aura été tranché!
EL MOUDJAHID,1982.

J’ai reconstruis ce texte dans la tête de tous les enfants que j’ai eu pour lutter contre l’oubli! Aujourd’hui, charron s’en va, il emporte avec lui des milliers de sourires horribles et le gémissement des voix qui se sont tu.

La barbarie humaine ça cogne fort; le peuple palestinien paye chaque jour le prix fort pour survivre à cet apartheid sioniste qui vampirise tout sur son passage.

Va ! et que tes semblable te rejoignent rapidement dans ce voyage sans retour.

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Le monde a grandement besoin que les faiseurs de mort comme toi, quittent la planète terre pour que nous puissions rendre à tous les enfants frustrés leur regard innocent.

Houria BEO


Ps : depuis, mes élèves ont grandi. Quelques-uns de ces petits bouts de moi ont choisi de parler de ce petit bonhomme seul dans la nuit entre les mains de tes tortionnaires. Comme moi, ils parlent à leurs élèves de l’innocence ôtée et de ce sourire horrible qui s’est posé pour l’éternité : le combat continu!