CONDOLEANCES À L’AMI ET CAMARADE KHIDER LOUELH

Une nouvelle pénible est parvenue aux amis et camarades de notre cher Khider LOUELH. Son fils Nasser Victor, âgé de 46 ans, a été terrassé par une foudroyante et inattendue crise cardiaque, dans l’exercice de sa profession médicale, le lendemain même d’une visite qu’il venait de rendre à son père.

Comme l’indiquait ce dernier dans son récit autobiographique « Un fils du peuple »[[sur socialgerie:

Vingt cinq ans plus tard, au début des années 90, Zina sa femme, décédait d’une longue et cruelle maladie.

Aujourd’hui avec Nasser, c’est sa source de réconfort et de lumière qui se dérobe à notre camarade à son âge avancé.

Tous ceux qui partagent sa peine adressent à ses trois petites filles et à leur mère leurs condoléances.

Khider, ceux qui te connaissent sont près de toi, ils savent que tu surmonteras l’épreuve et la douleur pour prendre soin de toi et de ta famille endeuillée.

Socialgerie


PoPour ceux qui souhaiteraient le contact avec notre camarade, son adresse-mail est:
louelhkhider@gmail.com

louelhkhider@gmail.com

EXIGER LA VÉRITÉ SUR L’ASSASSINAT DE MAURICE AUDIN: UN PAS DANS LA LONGUE MARCHE POUR LIBÉRER L’HUMANITÉ DE L’OPPRESSION

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Mon intervention à la table ronde et la manifestation du 24 mars 2014 au théâtre « Le Tarmac » à Paris pour lancer et soutenir l’appel à faire toute la lumière sur l’assassinat de Maurice Audin (Voir le sommaire de la manifestation initiée par “La Ligue des Droits de l’Homme”, “Mediapart” et L »Humanité »)[ [“Maurice Audin. Un collectif appelle à mettre fin au scandale d’Etat” – L’Humanité – le 26 mars 2014 ]]

Je voudrais illustrer quelques unes des raisons de mon soutien aux efforts pour faire éclater la vérité sur l’assassinat de Maurice Audin. Avec pour cette soirée une attention particulière à l’une des facettes de cette question : l’implication des Européens et Français dans chacun des deux camps qui avaient opposé les indépendantistes et les colonialistes. Pour d’autres illustrations, je renvoie ceux qui le souhaiteraient à mon site «socialgerie.net» que je continuerai à alimenter à partir des questions soulevées au cours de notre rencontre.

Josette et Maurice Audin

Le 13 septembre 1955

Josette et Maurice Audin

Je dis d’abord mon émotion de retrouver ici Josette Audin, plus d’un demi-siècle après la visite que j’avais rendu à elle et à Maurice à leur domicile de la rue de Nîmes. C’était au cours de la première année de guerre, plus exactement le 13 septembre 1955, donc le jour même de l’interdiction du PCA dont les activités se déroulaient jusque là sous couvert d’une très précaire «légalité».

Moi même à ce moment là, je militais sous un double statut. L’un aux yeux de la légalité française qui n’allait pas se prolonger pour moi au delà des trois mois suivants, exerçant comme médecin à El-Harrach et élu en avril au conseil général de ce canton après une campagne politique et non électoraliste consacrée au soutien du soulèvement du 1er novembre (nous l’avions menée parallèlement dans cette circonscription avec Ali Boumendjel qui lui le faisait au nom de l’UDMA peu après la libération de Abane Ramdane, son ami de longue date).

Avec Rachid Dalibey, l’élu des dockers de la Casbah et des bidonvilles d’Alger, nous attendions avec d’autres le moment le plus opportun pour donner une démission politiquement spectaculaire de nos mandats d’élus. Car depuis février de la même année, déçus par les dérobades de plusieurs dirigeants du FLN qui se refusaient à une rencontre pour discuter les modalités de la participation des communistes organisés au combat armé, je mettais en place avec Bachir Hadj Ali secrétaire du parti les structures de l’organisation armée des CDL [[Combattants de la Libération]].

Ces aspects organiques particuliers, connus seulement des combattants déjà structurés, au delà du soutien politique et pratique au soulèvement armé affirmé dès novembre 54, Maurice et Josette les ignoraient. L’objectif de la rencontre n’était pas que je leur en parle, de même qu’à Claude Duclerc, le secrétaire de la section du Plateau, qui était venu lui aussi rendre visite à nos camarades.

Mon souci à l’époque, dans le travail discret de prospection et de structuration des diverses compétences militantes que d’autres menaient aussi parallèlement, était avec de nombreux camarades activistes comme eux qui risquaient d’être sollicités de plusieurs côtés à la fois, de définir avec plus de précision leurs tâches présentes ou en perspective. Nous voulions minimiser le risque de confusions et d’interférences préjudiciables aux cloisonnements par lesquels nous souhaitions protéger les groupes armés déjà constitués ou à venir.

Avec Claude Duclerc, nous avons convenu que dans la période de clandestinité totale du parti qui s’ouvrait, Maurice et Josette continueraient à se consacrer aux tâches de clarification politique et de solidarité contre la répression qu’ils menaient déjà au sein de l’opinion.

C’était le profil militant qui convenait le mieux à leur statut d’intellectuels et universitaires engagés. Ils y étaient déjà impliqués en direction de l’opinion européenne et juive, aux côtés de personnalités comme Hamid Bensalem professeur d’arabe UDMA, André Mandouze, Marcel Domerc enseignant SFIO, Mohammed Abdelli, Yves Lacoste le géographe et son épouse Camille Dujardin, Lucien Hanoun, Meyer Timsit etc. En fait un très grand nombre d’enseignants et de personnalités syndicales qui prolongeaient ainsi leurs luttes passées dans les comités pour la Paix et la reconnaissance des droits de l’Homme.

À la fin de notre rencontre en voyant Josette et Maurice se pencher tendrement sur le berceau de leur premier né (Josette était déjà à nouveau enceinte), j’étais loin d’imaginer, bien que sans illusions sur la barbarie coloniale, que dix huit mois plus tard, le malheur allait foudroyer leur bonheur familial tout en arrachant à l’Algérie un scientifique et un humaniste de haut niveau.

Il était aussi difficile de prévoir en cette première année de guerre, où les portes d’une rapide issue négociée restaient encore relativement ouvertes, que six ans plus tard, en août 1961, le père de Claude Duclerc, ancien militant syndical et paisible retraité, allait être poignardé dans son appartement du Ruisseau par un commando de l’OAS.

C’était en cette dernière année de guerre, la première victime européenne de la folie meurtrière de l’OAS qui allait consacrer la débâcle de l’Algérie française.

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J’ai revu Josette une deuxième fois durant la guerre, quatre ans plus tard en 1959. Malgré le malheur qui l’avait durement frappée, elle n’avait pas baissé les bras. Surmontant ses lourdes charges familiales, professionnelles et de démarches juridiques, elle coordonnait la solidarité active aux familles de détenus avec l’aide de Djamila Briki (épouse de Yahia Briki, lui même membre des CDL intégrés à l’ALN et condamné à mort pour sa participation à l’attentat contre le général Massu).

Pour discuter avec Josette de sa tâche et lui transmettre directement l’hommage et la confiance de tous ses camarades de parti, nous avions décidé que je la rencontre dans un de nos locaux les plus clandestins qui servait aussi d’imprimerie. Elle y était arrivée après un parcours de sécurité compliqué et épuisant, sous le soleil de plomb d’un été écrasant et portant dans ses bras le dernier né que Maurice n’avait pas connu.

À cet instant, elle personnifiait la douleur et le courage multipliés des dizaines de milliers de fois dans les familles citadines et rurales, écrasées quotidiennement par le rouleau compresseur du plan Challe dit de « pacification » et les regroupements forcés des camps d’internement.

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La barbarie de la guerre d’indépendance

n’a été qu’un des chaînons, d’autres pratiques

massives et routinières de la torture

en amont et en aval

contre le mouvement national et social

ou contre les simples citoyens innocents

En pensant au chemin parcouru, après tant de batailles acharnées qui ont mis à nu les méfaits du régime colonial, on peut se dire que, quoiqu’il arrive, les bourreaux ne parviendront jamais à effacer les traces de leurs crimes, pas plus que l’oppression et l’exploitation qui enfantent guerres et tortures ne parviendront à être éternellement acceptés.

À une condition: que les mobilisations persévérantes continuent à accompagner les indignations pour les transformer en prises de conscience politiques.

Car les phénomènes liés de l’arbitraire et de la torture sont profondément enracinés. Ils tendent à se perpétuer y compris en temps de paix et au travers de régimes institutionnels successifs et à contenu différent.

De la même façon qu’à propos de chaque guerre, on ne peut garantir à la légère que ce sera la «der des der», il serait dangereux de croire qu’il suffit de clamer «Plus jamais de torture» pour qu’il en soit ainsi.

Parce qu’au fil des décennies, la barbarie de la guerre d’indépendance n’a été qu’un des chaînons, certes parmi les plus ravageurs et les plus odieux, d’autres épisodes similaires en amont et en aval.

C’est ce qu’à titre d’exemple notre camarade Jacques Salort, membre du comité central du PCA et ancien administrateur d’Alger républicain, a éprouvé dans sa chair à trois reprises de son existence.

En 1957, il avait été présenté au tribunal militaire tenant à peine sur ses jambes et soutenu par ses gardiens suite aux tortures subies les jours précédents (il était avec Bachir Hadj Ali et moi même membre du trio de la direction des CDL mais ce n’était pas pour cette responsabilité, ignorée des bourreaux qu’il avait été arrêté).

Ce qu’il faut rappeler c’est que quinze années auparavant, il avait été torturé avec la même sauvagerie par les représentants vichystes et pro-nazis du même système colonial.

Huit ans plus tard, dans l’Algérie devenue indépendante, il connut pour la troisième fois les mêmes sévices avec d’autres camarades communistes et des militants et cadres du FLN qui s’étaient élevés contre le coup d’Etat antidémocratique du 19 juin 65.

Ce triple et significatif calvaire de Jacques Salort a été encadré lui même par deux autres périodes, l’une antérieure et l’autre postérieure à ce milieu du 20ème siècle si fécond en pratiques barbares.

Tout au long du siècle précédent, la sanglante conquête coloniale avait été cautionnée par de grands esprits comme Tocqueville. Il prodiguait éloquemment ses conseils opérationnels aux généraux qui avaient fait leurs premières armes dans la guerre napoléonienne en Espagne.

Après cela, l’occupation coloniale a vu durant plus d’un siècle la société algérienne soumise aux pires sévices jusque dans une vie quotidienne insoutenable: pour vous en rendre compte, multipliez par autant de fois que vous voulez l’épisode oranais scandaleux en 1952 que je relate sur mon site, évoqué malgré lui par l’Echo d’Oran, un quotidien de l’évoque qui était l’équivalent algérien du Figaro et aussi ancien que lui.

La torture était une pratique massive et routinière quoique non avouée aussi bien contre le mouvement national et social que contre les simples citoyens innocents.

Plus tard, à l’indépendance, en aval l’ère du parti unique, remplacé après 1989 par un faux pluralisme, la nouvelle Constitution algérienne venait à peine de condamner solennellement la torture, que le cycle infernal a repris.

L’affrontement entre appareils sécuritaires de l’Etat algérien et groupes terroristes djihadistes-takfiristes a donné lieu à un déchaînement de barbarie tortionnaire dans la plus grande confusion politique.

Comme par hasard, les premières cibles en ont été les militants et les intellectuels progressistes qui après Octobre 1988 avaient déployé les plus grands efforts dans les comités de mobilisation populaire pour dénoncer la torture, réclamer des enquêtes, le châtiment des coupables et l’arrêt définitif de ces pratiques.

C’était le début d’une sombre décennie dans laquelle l’horreur est devenue massive et quotidienne, à l’image de ce triangle de la mort de la Mitidja, autour de Baraki et Sidi Moussa où l’ouvrage de Deniau avait situé l’une des fosses communes où Maurice Audin pourrait avoir été enseveli, région devenue quarante ans plus tard le tombeau collectif de milliers de citoyens étiquetés victimes du terrorisme ou disparus après interpellation des services sécuritaires.

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Comme on le voit, pour ceux qui la subissent ou la pratiquent, la torture ne connait ni les frontières territoriales ni les barrières idéologiques.

Les théoriciens et praticiens de cette gangrène nomadisent et exportent leurs sinistres talents vers les pays, les continents et les régimes qui en ont besoin.

Les bourreaux de la soi-disant bataille d’Alger ont fait école vers l’Amérique latine et d’autres contrées où leurs pratiques sont enseignées, encouragées et protégées.

Bachir Hadj Ali
Certains parmi les tortionnaires des démocrates et communistes algériens (dénoncés par Bachir Hadj Ali et ses compagnons de détention communistes ou FLN dans «L’arbitraire», l’équivalent de «la Question» de Henri Alleg) avaient fait leurs classes dans l’armée française qu’ils avaient quittée, spontanément ou sur commande, une fois l’indépendance devenue certaine.

C’est pourquoi sans être tendres pour les exécutants, la condamnation doit se tourner plus fermement encore vers les commanditaires et les complices qui par leurs positionnements politiques ont encouragé ou admis ces pratiques.

Ce n’est pas chose facile car les responsables aux échelons élevés de ces actes sont imbattables par instances et medias interposés dans l’art de camoufler leurs crimes sans laisser de preuves.

En même temps que les efforts persévérants d’investigation, c’est à la bataille politique et à la mobilisation de l’opinion de démasquer et isoler les responsables au premier chef des dérives criminelles.

Les mêmes qui ont poussé au prolongement d’une guerre qui aurait pu être arrêtée dès ses débuts si comme en Tunisie et au Maroc l’accord s’était opportunément réalisé sur les bases justes qui ont finalement prévalu en 1962.

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les décideurs responsables de l’oppression ont manié à fond les armes de la peur et de la haine raciale et idéologique pour diviser et désorienter les populations..

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On est ici au fond du problème et des difficultés auxquelles se heurtent les efforts de clarification et de mobilisation. Car les décideurs responsables de l’oppression ont manié à fond les armes de la peur et de la haine raciale et idéologique pour diviser et désorienter les populations et les organisations susceptibles de se mobiliser.

De gros mensonges ont été ainsi déversés tendant à faire de Audin, Alleg, André Moine ou Caballero de dangereux terroristes parce que dans les esprits racistes des chefs parachutistes complexés par leurs déboires indochinois, seuls des communistes européens auraient eu les capacités techniques et d’organisation nécessaires pour appartenir aux «groupes action» du PCA.

Aucun de nos camarades ainsi soupçonnés n’appartenait à la formation armée des CDL.

Leurs responsabilités étaient de nature politique, de propagande politique et idéologique, d’aide logistique et humanitaire aux victimes de la guerre et de la répression, toutes activités que les colonialistes avaient de tout temps pris l’habitude de criminaliser.

Quant à l’activité des communistes algériens armés organisés dans les CDL, y compris européens comme Maillot, Iveton et tous les autres, je peux attester que toutes leurs actions menées avant et même après l’intégration de leurs groupes structurés dans l’ALN-FLN, ont veillé au respect des population civiles et des lois internationales de belligérance.

Dans cet esprit humaniste, Bachir Hadj Ali affreusement torturé a exprimé dans un poème resté célèbre la position de principe de ses camarades: «Nous ne torturerons pas les tortionnaires!»  » [[

… Je jure sur les âmes mortes après la trahison
Je jure sur le verbe sale des bourreaux bien élevés
Je jure sur le dégoût des lâchetés petites bourgeoises
Je jure sur l’angoisse démultipliée des épouses
Que nous bannirons la torture
Et que les tortionnaires ne seront pas torturés… « 
Chants pour les nuits de septembre – 1966

]]

On ne rendra donc jamais assez hommage à tous ceux, chrétiens, juifs ou musulmans qui en Algérie ou en France, ont eu la lucidité et le courage de ne pas céder aux rumeurs et aux préjugés de la guerre psychologique, comme les personnalités et comités qui depuis 57 ans ont œuvré inlassablement pour la vérité sur les assassinats innombrables à l’image de celui de Maurice Audin

Je pense en particulier aussi à tous ces Français solidaires tout en ayant leurs opinions propres, que j’ai croisés et admirés dans les conditions les plus dangereuses comme durant la grève des huit jours de février 1957, tels que l’abbé Scotto, les frères Eric et Aymé de la confrérie chrétienne de Taizé et bien d’autres. Nombre d’entre eux avaient ainsi dignement prolongé leur passé de résistants français à l’occupation nazie, considérant que la cause de la liberté et dignité humaine est indivisible sous tous les cieux.

Pierre Coudre
À ce sujet, permettez-moi en terminant, d’accomplir un devoir personnel longtemps différé. Celui d’évoquer publiquement un de ces résistants français aujourd’hui au déclin de sa vie. Son engagement total pour la justice et la liberté des Algériens n’a eu d’égal que sa volonté de rester anonyme en considérant qu’il n’avait fait que son devoir d’être humain.

Je veux parler de Pierre Coudre, devenu mon ami après l’avoir connu miraculeusement dans les moments les plus noirs et l’un de ceux à qui je dois probablement d’être resté en vie.

Il fut parmi ceux qui ont coopéré au plus près à nombre des activités de Abane Ramdane et d’autres dirigeants du FLN quand leur exécutif était basé à Alger.

Pierre CoudreIl fit ses premières armes dans son adolescence de berger au centre de la France comme agent de liaison dans la Résistance. Venu en Algérie à travers les Auberges de Jeunesse et marié à Aline fille de petits colons du Sahel algérois, indigné par le sort fait au peuple algérien au nom de la France, il connut des militants progressistes du FLN où il milita entre 1955 et 1957.

Arrêté et torturé à la fameuse villa Sésini en 1957, il fit deux ans de prison à Berrouaghia qu’il aurait pu facilement écourter. Il avait refusé l’intervention en sa faveur de Edmond Michelet alors ministre de la Justice du gouvernement De Gaulle, qu’il avait connu pendant la résistance. Tout simplement, il ne voulait en aucune façon retirer son témoignage relatif à l’assassinat de Omar Djeghri, l’un des activistes de «la Voix du soldat» animé par André Moine.

Le militant communiste constantinois avait été délibérément achevé par un tortionnaire parachutiste dans la cellule qui faisait face à celle de Pierre Coudre et de ses compagnons, qui ont assisté impuissants à son agonie.

Comme tous mes compatriotes qui ont payé leur tribut à la cause de la liberté et des droits de l’Homme, comme ceux aussi des nouvelles générations qui aujourd’hui manifestent à Alger depuis la place Maurice Audin ou d’autres lieux symboliques pour un avenir de vérité et de dignité, confirmant l’idée forte émise par Edwy Plenel que «nous sommes les marcheurs d’une longue marche», je dis pour terminer: il faut faire triompher la vérité et donner toutes les suites justes à l’ignoble assassinat de Maurice Audin.

SOUTIEN AUX LUTTES SOCIALES LÉGITIMES

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LA GRÈVE DE LA FAIM

À LA CIMENTERIE LAFARGE

VIDÉO

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https://www.youtube.com/watch?v=rGKlKSQQMjY

Vidéo publiée le 12 mars 2014

Farid Bentouati


SAMSUNG – SAMHA – SETIF

LES GRÉVISTES ONT EU GAIN DE CAUSE

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le 23 Mars 2014

Publié par Saoudi Abdelaziz

Nous venons d’apprendre que la grève s’est terminée le 12 mars, à l’issue d’une réunion avec le fils de Issaad Rebrab dépêché suite au mouvement qui a pris de la cadence et de l’ampleur au bout de 5 jours.

Le mouvement selon ses protagonistes, s’est terminé en faveur des 2000 travailleurs.

Sur le papier les travailleurs ont eu gain de cause sur les revendications liées au droit d’exercice syndical , donc l’élection d’une structure syndicale, apparemment sous l’égide de l’UGTA.

Une telle concession, qui n’a pas été faite aux travailleurs de Cévital Bejaïa s’explique-t-elle par un changement de climat à l’échelle nationale?

Le mouvement a aussi imposé le respect de l’intégrité et la protection des travailleurs qui les ont représentés et qui ont dirigé le mouvement de grève.

La question du départ du staff dirigeant n’a pas été résolue, mais a été retenu par le PV signé lors de la réunion avec le représentant et fils du patron. Ce point constituait la condition des grévistes pour tenir cette réunion qui s’est tenue le 12 mars dernier.

Les revendications matérielles satisfaites concernent la détermination et l’octroi de toutes les primes : jours fériés, risque, ancienneté, responsabilité, femme au foyer, hygiène, insalubrité.

Dans l’immédiat, ils ont obtenu la revalorisation des primes en vigueur (panier, missions…) et une revalorisation de tous les salaires.

Les grévistes ont également obtenu la titularisation et la permanisation des travailleurs et l’adoption d’une grille des salaires transparente et non discriminatoire.

Le contenu du contrat de recrutement doit être revu alors que des commissions paritaires pour la prise de décision dans la gestion doivent être mises en place.

Enfin, il y aura application juste et effective du règlement intérieur.

Sources: Grève victorieuse des travailleurs de Samsung/Samha (Sétif) – par amilho – le 23 mars 2014 – afaqichtirakiya


EXIL, 20 ANS

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par Messaoud Benyoucef

lundi 24 mars 2014

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EI AQUA ET IGNI INTERDIXIT :

ON LUI INTERDIT L’EAU ET LE FEU

Formule rituelle du Sénat romain par laquelle il envoyait quelqu’un en exil

Le 25 mars 1994, je quittai Oran en catimini. Sid-Ahmed, gloire du football national et inspecteur de la police de l’air et des frontières (PAF), frère de mon ami et camarade, Mustapha, époux de mon ancienne élève et amie de ma femme, Khadidja, m’évita les formalités de douane, de police et d’enregistrement: trop dangereux pour moi, estimait-il. Il s’en chargea donc lui-même et m’emmena, par la piste, jusqu’à la passerelle de l’avion. Un courrier à destination de Paris, aux trois quarts vide, en ces lendemains de «fêtes» (‘Aïd Es-Séghir) marquant la fin d’un ramadhan sanglant.

À Paris-Orly, m’attendait Louis Weber. Dès l’assassinat de ‘Abdelkader ‘Alloula qu’il avait bien connu, Louis était très inquiet pour moi et me téléphonait: « Prends un billet d’avion et viens! T’occupe pas du reste! ». Louis Weber était l’un des dirigeants du puissant SNES (le Syndicat national des enseignements de second degré) et futur fondateur de la FSU (Fédération syndicale universitaire). J’avais connu Louis dans les années 60, alors qu’il était coopérant -professeur de mathématiques à Oran, un prof très aimé et apprécié par ses élèves. Fils de mineur lorrain et intellectuel critique, Louis était de ces marxistes avec lesquels j’étais le plus à l’aise car leur engagement était fait d’une fidélité subjective à leur classe d’origine -garantie d’authenticité- en même temps que d’une exigence de lucidité envers le mouvement communiste.

À partir de la mise en terre de ‘Abdelkader, j’ai plongé dans la clandestinité. C’est ma femme qui a été mon agent de liaison, efficace et d’une discrétion absolue, et pour cause: elle ne se déplaçait que dûment « mnaqba », cachée sous un niqâb (voile intégral). Comme quoi… Ma femme était aidée par mes collègues du lycée (français) Pasteur -Gérard Benayoun, Pierre Marc- ainsi que par Robert et Marie-Claude Doisy, un couple d’amis intimes, qui ont saisi la consule de France sur ma situation. La consule me reçut très vite. Elle fut sincèrement touchée, alors qu’elle me demandait de lui donner mon passeport pour que ses services apposent le visa d’entrée en France, de m’entendre dire que je n’avais pas de passeport. Alors, elle me proposa de me cacher! Je la remerciai et lui dis que je disposais d’une planque sûre.

DU PASSEPORT EN GÉNÉRAL

ET DE L’ARBITRAIRE EN PARTICULIER

Ce que Louis ne savait pas, c’est, en effet, que je n’avais pas de passeport. Et que pour en avoir un, il fallait l’aval de la police des Renseignements Généraux (RG). Autant dire une gageure pour moi car les RG refusaient systématiquement, depuis des dizaines d’années, de me permettre d’obtenir le titre de voyage. Mes protestations et mes courriers au Directeur général de la sûreté nationale (DGSN) et aux différents ministres de l’Intérieur ne reçurent jamais la moindre réponse.

(Nous avons là un exemple vivant de ce que les Algériens nomment la «hogra», un mixte d’arbitraire et de mépris. Qu’un petit prof de province s’imagine qu’un MINISTRE de la République algérienne démocratique et populaire soit tenu de lui répondre, non mais! Que le misérable s’estime déjà heureux qu’on ne lui ait pas envoyé une escouade de flics pour lui donner de la « hraouat el kleb » -du gourdin de chien-, ainsi que le recommandait Boukharrouba à Benhamza, tortionnaire en chef de la SM (qui s’en gargarisait dans une interview publique)! En 1981, mon épouse, gravement malade devait être évacuée vers un hôpital parisien; les RG refusèrent de me donner l’imprimatur pour le passeport. Après que j’eus menacé d’entamer une grève de la faim sur les marches du “Théâtre régional d’Oran”, la sous-préfecture m’accorda un passeport d’une durée de validité d’UN mois. Durant les préparatifs de l’Insurrection du 1er novembre 1954, les principaux chefs du futur FLN, bien que dûment fichés par la police et la DST, se déplaçaient librement d’Alger à Paris, Berne, Madrid, Tripoli, Le Caire, Tunis, Rabat, New York, Rome… Ils avaient des passeports, eux…)

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C’est encore à Sid-Ahmed que je devrais d’obtenir le sauf-conduit. Sid-Ahmed s’était entendu rétorquer par ses collègues des RG: « Ah! Il veut se tailler? Il restera ici crever! Il nous assez em…és, celui-là ». À quoi il a répondu qu’il ne fallait pas exagérer, que je n’étais pas un terroriste aux mains couvertes de sang. Donc, la consule d’un pays étranger m’offre de me cacher alors que des policiers de mon pays – censés protéger les personnes et les biens- souhaitaient ma mort. Finalement, les RG ont donné leur imprimatur, car on ne refuse rien à Sid-Ahmed. C’est ainsi que fonctionne la RADP: les gens n’ont pas de droits; ils ont des connaissances ou n’en ont pas.

DES PSEUDO FETWAS AUX ASSASSINATS BIEN RÉELS

Lorsque ‘Abdelkader ‘Alloula tomba sous les balles, le 10 mars 1994, personne ne donnait plus cher de ma peau. Mes collègues algériens et mes voisins m’évitaient. Je sentais manifestement le sapin. En effet, une rumeur insistante courait depuis quelques jours qui faisait état d’une liste de noms affichée dans un lieu de prière (situé près du Derb) et comprenant, entre autres, le nom de ‘Alloula et le mien. Je dois dire que je n’ajoutais pas foi dans ce genre de rumeur, moi qui recevais des lettres de menaces de mort depuis 1989. Mais après l’attentat contre ‘Abdelkader, je réalisai le sérieux de la menace qui planait au-dessus de ma tête. N’importe qui pouvant propager ce genre de rumeur (ou afficher des listes), il convenait de se poser la question rituelle: À qui profite le crime?

Personne ne contestera que la mort de ‘Alloula profitait au pouvoir dans l’exacte mesure où elle discréditerait absolument ceux qui auraient attenté à la vie d’un homme adulé par tous ceux qui le connaissaient -et ils étaient des milliers à le connaître et à apprécier sa gentillesse, sa générosité et sa disponibilité aux autres.

Vu la stature et le renom international de l’artiste, j’ai pensé un court, très court, instant que le FIS auquel l’assassinat fut attribué, allait réagir, dénoncer cet acte abominable et nier en être l’auteur. Illusion! Ma religion fut dès lors faite.

Ce que je subodorais depuis le début des violences s’est imposé à moi, à partir de ce moment, sous les espèces de la vérité: les factions qui étaient entrées en guerre pour le pouvoir -l’une pour défendre son pré carré, l’autre pour le lui ravir-, étaient trop lâches pour se battre à visage découvert et elles n’hésiteraient devant aucune ignominie, aucune ruse machiavélique, aucun coup tordu. Et encore une fois -comme durant la guerre d’indépendance- la population civile en paierait le prix fort.

Un an auparavant, les assassinats successifs -et à quelques jours d’intervalle- de Hafidh Senhadri (cadre de la Radio-Télévision Algérienne), de Djilali Liabès (philosophe, directeur de l’institut national d’études stratégiques globale, INESG, organisme gouvernemental), de M’hamed Boukhobza (sociologue, qui venait de succéder à Liabès à la tête de l’INESG), avaient semé l’effroi et le deuil à Oran: les trois victimes, en effet, étaient de l’ouest du pays (dans l’ordre: d’Oran, de Bel-Abbès et d’El-Bayadh) et avaient évidemment de fortes attaches dans notre ville.

À l’initiative de quelques amis, nous tînmes une réunion citoyenne- je veux dire sans attaches partisanes. J’y pris la parole pour dénoncer le climat d’hystérie anti-islamiste instauré par certains médias (je ne les nommai pas mais il s’agissait principalement de “L’hebdo libéré” -journal où s’exprimait la tendance éradicatrice de la SM- et d’“Alger républicain” -tombé entre les mains des scissionnistes du PAGS, le soi-disant Front de l’Algérie moderne (FAM) qui eut une existence météorique. (cf. “Les chroniques de la guerre des lâches”); ce climat de guerre civile, dis-je, avait clairement pour objectif de fracturer le pays, de tétaniser et de diviser les Algériens.

Avec mon camarade ‘Abdelkrim El ‘Aïdi, universitaire et homme de pondération, nous proposâmes à l’assemblée une motion condamnant les crimes et recommandant la mesure et l’esprit de responsabilité. Personne ne vota contre.

C’était platonique, certes, mais que pouvions-nous faire face au déchaînement de la violence, orphelins que nous étions de notre parti?

Le PAGS avait, en effet, disparu corps et biens dans le piège tendu par la SM. Il est vrai que cette dernière avait eu la tâche facile vu que la propre direction du parti -excepté son premier secrétaire, isolé et neutralisé- s’était faite sa complice silencieuse et consentante.

Le Premier ministre de l’époque (Belaïd ‘Abdesselam) avait été direct: dans un discours public, il s’était adressé aux communistes: « Rejoignez-nous sinon vous serez égorgés » (sous-entendu : par les gens du FIS, que les commis du pouvoir évitaient de nommer).

Jamais! Au grand jamais! Ai-je répondu au fond de moi, à l’écran de télévision sur lequel je suivais le discours, avec mes enfants à côté de moi, dont je sentais combien ils avaient silencieusement peur pour leur père.

Au total, Oran paiera un tribut exorbitant à la grande Terreur: Bakhti Benaouda, jeune et brillant universitaire arabisant; Djamal Eddine Zaïter, jeune journaliste progressiste arabisant; Rachid Baba-Ahmed, musicien, producteur; Cheb Hasni, superstar du Raï oranais (quelque temps avant que je ne parte, il m’avait payé un verre -de scotch- au bar « Le Dauphin »); ‘Abdelkader ‘Alloula; ‘Abderrahmane Fardeheb… Oran payait-elle pour le clan d’Oujda, faussement et grossièrement assimilé à elle?

En France, les assassinats de Liabès et Boukhobza eurent un grand retentissement car deux de leurs anciens professeurs -Pierre Bourdieu et Jean Leca- créèrent le CISIA (“comité international de soutien aux intellectuels algériens”). Le pouvoir algérien fit opportunément état d’une organisation criminelle liée au FIS, le FIDA (front islamique du djihad armé), dont la spécialité était de tuer les intellectuels anti-intégristes. J’attendis en vain que le FIS démente l’information et que le pouvoir fournisse la preuve de ses allégations.

TRAQUENARD

À partir du discours du Premier ministre, il ne fallait pas être grand clerc pour comprendre que nous étions au centre d’un traquenard dont nous ne sortirions pas vivants puisque les belligérants avaient un égal intérêt à nous voir disparaître. Et ces belligérants étaient selon moi, l’état-major de l’armée et la SM d’un côté, le FIS, le BTS (clan de l’est) et des dissidents de la SM de l’autre.

Qu’une fraction de la SM se soit bien mise au service du FIS m’apparaissait comme allant de soi: jamais les dirigeants islamistes ne se seraient lancés à l’assaut du pouvoir s’ils n’avaient pas pensé disposer d’un soutien de la SM, en particulier de son n° 2 (cf. Les chroniques de la guerre des lâches). Mon analyse se fondait d’ailleurs, en partie, sur le propre discours extériorisé de la SM, je veux dire le discours clamé par ses porte-voix, avéré (“L’hebdo libéré”) et supplétif (“Alger républicain”), discours halluciné qui voyait deux peuples en Algérie, un peuple moderne et un peuple archaïque et qui en était arrivé à proposer une partition du pays en deux entités : « l’Algérie moderne » et « l’Algérie archaïque ». Délire insensé. Folie pure.

LE CONTEXTE

En 1989, au début de la drôle de « légalité » et du « multipartisme » tout aussi drôle, je fus désigné membre du comité fédéral d’Oran du PAGS. Nous fûmes trois à déposer les statuts du parti à la préfecture, comme l’exigeait la réglementation.

Quelques jours après, je commençai à recevoir des lettres anonymes de menaces qui tentaient de me faire accroire qu’elles émanaient d’anciens étudiants islamistes avec lesquels j’avais eu maille à partir, des années auparavant. Mais certains détails de ma vie ne pouvaient être connus de ces ex-étudiants; ils ne pouvaient l’être que de mouchards et de leurs maîtres policiers: ceux qui m’envoyaient ces lettres s’étaient trahis par un élément décisif qui me fit déduire la véritable identité de l’un -au moins- des anonymes. Un militant du FLN, chantre de l’arabité, fanatique et sectaire, dont le patronyme d’origine européenne (ses ascendants avaient probablement été raflés sur les côtes catalanes par les pirates de l’Odjaq) expliquait facilement pourquoi l’individu se voulait plus Arabe que les Arabes.

Le parti décida qu’il fallait en informer la police. Je m’y rendis en compagnie du coordinateur fédéral; un agent des RG prit ma déposition. Il insista lourdement pour me faire dire qui je soupçonnais, ce que je me gardais bien de faire. Les lettres continuaient d’arriver contenant maintenant des menaces de mort détaillées. Je n’en parlai plus à personne et décidai de leur appliquer le traitement que mon prof de philo -M. Yves Vié le sage- réservait aux lettres de menace de l’OAS : « Je leur fais faire le trajet de la boîte aux lettres à la poubelle en me munissant de pinces à linge… pour mon nez. », disait-il.

En juin 1990, survint l’événement qui jeta une lumière crue sur la nature réelle du parti: les élections municipales. Au niveau du comité fédéral, je me suis battu pour que le parti aille à ces élections sous ses propres couleurs, avec ses propres listes et qu’il tienne des meetings populaires. Il s’agissait d’inscrire le parti dans la réalité politique, de donner à voir le pluralisme en acte, d’offrir une alternative aux milieux populaires et de dénoncer les manoeuvres et la rhétorique du pouvoir.

Les deux seules voix qui me soutinrent franchement étaient celles des deux camarades ouvriers vivant dans le quartier populaire de Sidi-Lahouari; les autres membres, de tergiversations en atermoiements, convinrent que le débat devait reprendre au sein d’un comité fédéral élargi. Qui se tint quelques jours plus tard et qui me mit en minorité.

À cette réunion, fut convié un ex-cadre local qui avait pris ses distances avec le parti auquel il avait posé de sérieux problèmes, par ailleurs. Il parla de former de larges listes d’union, de ne pas se montrer sectaire! Je n’en croyais pas mes oreilles! Le stalinien sectaire, cassant et borné, qui ne savait pas à quoi ressemblait un ouvrier (encore moins un paysan pauvre), qui avait fait des dégâts considérables au bon renom du parti parlait d’anti-sectarisme!

Je repris mon plaidoyer pour que notre parti sorte des limbes et assume ses responsabilités. Peine perdue. La décision de se terrer avait été manifestement prise ailleurs que dans l’instance normale.
ç Aujourd’hui, il apparaît que l’ex-stal est un intime de l’un des plus hauts responsables de la SM. Ainsi va la vie.

À Oran-ville, une liste dite « El Bahia » (connotation orano-oranaise, racoleuse et démagogique) fut élaborée (par qui?), qui avait le soutien très discret de la fédération du PAGS. Je ne m’en mêlai à aucun moment.

À Arzew et ‘Aïn-El-Bia, par contre, je tins deux meetings publics avec les camarades de l’arrondissement qui avaient décidé de passer outre et de présenter des candidats sous notre étiquette. Notre camarade de ‘Aïn-El-Bia fut élu. Sous l’étiquette PAGS.

[Après le coup d’état de janvier 1992, le pouvoir de fait décréta la dissolution des municipalités conquises -au terme d’une fraude gigantesque menée sous la houlette du gouvernement « réformateur » (sans blague) de M. Hamrouche- par le FIS et les remplaça par des Directeurs d’exécutif communal (DEC) nommés par l’Administration.

Durant cette période, je reçus une convocation de la sous-préfecture d’Es-Sénia (mon lieu de résidence), sans mention autre qu' »urgent ». Etait-ce pour mon passeport? Je n’osais y croire. On m’introduisit immédiatement dans le bureau du sous-préfet. Ce dernier, sans même m’inviter à m’asseoir, me demanda de but en blanc: « Etes-vous intéressé?

Je vous demande pardon, Monsieur le chef de daïra, mais par quoi?

Mais par le poste de DEC, bien sûr!

Non, monsieur, catégoriquement non. »

L’entrevue avait duré 3 minutes.

Dans les mois qui suivirent, il y eut une hécatombe de DECs, assassinés par des « terroristes » non identifiés. Je laisse le soin à chacun de tirer la conclusion de cette invite qui a été faite à quelqu’un que l’on tient pour infréquentable, que l’on prive de passeport mais à qui on propose un poste de maire.]

Revenons à Juin 1990. J’exposai tous ces faits à mes camarades de cellule (‘Alloula et Djellid) au cours d’une longue réunion. Nous convînmes que le parti était dominé par des petits-bourgeois radicalisés en parole, sans attaches populaires réelles, qui avaient, de fait, largué la classe ouvrière et la paysannerie pauvre pour s’arrimer à un pouvoir dont ils partageaient en réalité la nature petite-bourgeoise et le nationalisme borné. Il était devenu incontestable pour nous que la tendance dominante au sein du parti était d’éviter de mécontenter ceux avec lesquels « on » entretenait une relation privilégiée: les soi-disant DR (démocrates-révolutionnaires) de l’armée et de la SM.

En ce qui me concerne, je pris la décision de démissionner du comité fédéral; mes camarades approuvèrent. J’adressai une lettre en ce sens à la direction du parti. Elle n’eut aucune suite. Comme n’eut pas de suite un rapport que j’adressai à ladite direction dans lequel j’exposais mon point de vue sur les syndicats. Lequel point de vue n’avait pas dévié d’un iota depuis les années 70: l’édification de syndicats libres promis à la défense des intérêts des travailleurs. À Oran, nous avions beaucoup avancé dans la réalisation de cette tâche à travers l’instrument que nous avions patiemment -des dizaines d’années durant- construit: « l’intersyndicale ».

L’intersyndicale tenait, maintenant, ses assises chaque semaine en réunion publique, regroupant quelque 250 cadres syndicaux et salariés (… et des policiers des RG). Ces sessions étaient l’occasion d’un travail pédagogique irremplaçable sur la nature des syndicats, leur rôle, leur rapport aux partis politiques, sur la manière graduée de conduire la lutte revendicative, etc..

Ces assemblées, qui se déroulaient chaque jeudi après-midi au cinéma « Le Pigalle », en plein centre-ville, étaient très suivies par un auditoire attentif qui ne manquait pas, néanmoins, de s’amuser aux interventions hilarantes de Djelloul le docker qui parlait d’« éteindre le compteur de l’UGTA » (Ntafioulhoum el countour) et qualifiait les ouvriers d’autant de « Kounta Kinté » (le héros noir et esclave de la célèbre série télévisée Roots, Racines).

[Les occasions de franche rigolade ne manquaient pas: un jour, notre camarade Mahieddine Tsouria prit la parole pour fustiger, dans son arabe approximatif, les droitiers qu’il prononçait « yamaniyine » (qui désigne les Yéménites) au lieu de « yaminiyine »; je lui fis remarquer, taquin, que nous n’avions, quant à nous, rien contre les Yéménites. La salle éclata de rire alors que Mahieddine -il n’avait pas compris où était le problème- continuait de fustiger les malheureux Yéménites.

Un autre jour, ‘Achour, combattant de l’intersyndicale et de l’amazighité -qui ne ratait jamais une occasion de promouvoir sa cause avec tact et intelligence, comme à l’occasion de la mort de Mouloud Mammeri-, ‘Achour donc nous apprit qu’un dirigeant historique du FFS (Front des forces socialistes), Si El Hafidh (‘Abdelhafid Yaha) avait fait sécession et venait prêcher la bonne parole à Oran. Notre ami se proposa d’assister à la réunion et d’en faire un compte-rendu devant la session hebdomadaire de l’intersyndicale. Quand vint le moment, je lui donnai la parole; il n’eut que ces mots, meurtriers: « Moustawa entaa couaffour ». (« C’était une parlotte du niveau d’un salon de coiffure »). Exit Si El Hafidh.]

Il m’est arrivé de rencontrer, plus tard, des jeunes gens, anciens participants à ces séances de l’intersyndicale: tous m’ont dit qu’ils se sentaient comme transportés ailleurs qu’en Algérie durant ces moments. Ce qui veut dire que l’image que nous donnions, toute de calme, de tolérance, d’argumentation rationnelle et d’unité était étrangère à ces jeunes, pire encore qu’elle ne pouvait pas faire partie de leur Algérie. Terrible constat à la veille même de ces années de barbarie qui allaient « triomphalement » couronner plus de 40 ans d’un culte lancinant rendu à la violence, seule forme d’expression politique constamment donnée en exemple aux jeunes.

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LA MORT DE MES AMIS

[ [’ABDELKADER ’ALLOULAHOMMAGE – socialgérie – mercredi 19 mars 2014 ]]

En décembre 1990, notre camarade M’hamed Djelid était emporté par un cancer foudroyant. ‘Alloula et moi, qui étions à peine rentrés du congrès du PAGS, étions anéantis. M’hamed avait fait face à la maladie avec un courage incroyable. Il fut inhumé au cimetière d’El-Asnam, sa ville natale. Dans le sifflement sinistre du vent de la plaine, ce jour-là, des images fulgurèrent dans mon esprit au moment où notre camarade était mis en terre: nos réunions de cellule chez ‘Alloula, durant lesquelles on se marrait bien malgré tout; sa fuite après son interpellation par la police en 1982 (cf. “Le printemps oranais”), ma femme qui le cache et lui donne des vêtements de rechange; nos débats passionnées sur le théâtre (il avait rédigé une thèse universitaire sur le théâtre amateur); nos discussions sur le « socialisme réel » après son séjour d’études en RDA (dont il n’était pas revenu enthousiaste); nos divergences également, en particulier sur l’intersyndicale (qu’il aurait voulue plus attentive aux luttes des ouvriers du secteur privé)…

Le 10 mars 1994 au soir, ‘Abdelkader était très grièvement blessé par balles. Le 11 mars, un camarade, médecin, Kamal, m’avait expliqué quel type de dégâts irréversibles avaient faits les balles au niveau de l’encéphale, ce qui rendait son transfert en France inutile. Nous étions, alors, à l’hôpital d’Oran, hébétés, devant le pavillon où se trouvait notre ami, inconscient.

Deux officiers de la SM (ceux qui m’avaient accosté dans la rue, il y a quelques années, et proféré toute sorte de menaces et d’injures contre ‘Alloula; cf. “Gouverner par le complot”) s’approchèrent de moi et me soufflèrent à l’oreille: « Ce sont les hommes de Taleb Ahmed qui ont fait le coup ». Peut-être ont-ils pensé en me voyant écrasé de douleur, que je m’accrocherais, tel un noyé, à leur misérable manœuvre et que je me ferais le vecteur de « l’information ». Dans mon enfance, ma voisine espagnole disait: « La poule qui chante a fait l’œuf ».

L’après-midi de ce même jour, un camarade pour qui j’avais la plus grande estime, Mohamed, me raccompagna chez moi, au village d’Es-Sénia, à bord de sa voiture. En descendant du véhicule, je vis ma femme qui venait à ma rencontre, visiblement inquiète. Depuis le balcon de l’appartement donnant sur la cour intérieure de la cité, elle m’indiqua trois jeunes gens, debout près des parkings -des boxes en tôle ondulée. Ma femme me dit qu’ils étaient là depuis la matinée et que ce n’étaient pas des jeunes du village. L’un d’eux attira immédiatement mon attention; vêtu d’un ample blouson blanc, de jeans et de baskets, il correspondait à la description que m’avait faite un camarade de l’assassin de ‘Alloula. Et ces trois jeunes se tenaient à côté de mon box.

Le modus operandi de l’assassinat de Tahar Djaout me revint en mémoire: les assassins attendent que vous soyez dans l’habitacle, vous tirent une balle dans la tête, jettent votre cadavre à terre et s’enfuient à bord de votre propre voiture. J’eus l’intime conviction, à tort ou à raison, que c’était ce scénario qui m’était réservé. Prémonition? Deux jours auparavant, j’avais décidé, par mesure de prudence, de laisser ma voiture dans le parking du lycée et de rentrer chez moi en bus. À la fin de la journée, les trois jeunes gens s’en allèrent en regardant ostensiblement vers mon balcon, d’où nous les observions.

Le 14 mars 1994, ‘Alloula décédait à l’hôpital du Val-de-grâce où on l’avait transporté sur demande de sa famille. Après l’arrivée du corps à la maison familiale, j’ai craqué quand je me suis retrouvé dans la grande salle où nous tenions nos réunions de cellule: mes deux amis et camarades de combat, mes frères si sûrs et si solides, mes piliers, n’étaient plus. Un malheur incommensurable, de ceux dont on ne se consolera jamais plus.

En fin d’après-midi, nous tînmes une réunion chez un ami de ‘Alloula afin de réfléchir à l’organisation des funérailles. Il y avait là le maître de maison, sa fille, ‘Abdelkrim El ‘Aïdi, Zerrouki Boukhari (artiste-peintre, concepteur des décors des pièces de ‘Alloula), Sid-Ahmed Agoumi (comédien, directeur de la maison de la culture de Tizi-Ouzou), ‘Azzedine Medjoubi (comédien, futur directeur du TNA) et moi.

Notre hôte était tétanisé, comme absent: son nom figurait à côté du nôtre sur la prétendue « fetwa ». Il avait pris un billet d’avion pour Marseille pour le lendemain matin. Il n’avait pas de problème de passeport.

Nous convînmes qu’après la levée du corps, le catafalque serait exposé sur les marches du théâtre pendant que Agoumi lirait un éloge funèbre à la mémoire de ‘Abdelkader. Il restait à en rédiger le texte. ‘Abdelkrim et moi furent chargés de la tâche. Nous nous retirâmes dans une autre pièce. « À deux, ça ne va pas être possible. Vous étiez très proches, écris comme tu le sens », me proposa ‘Abdelkrim. Dès que j’eus achevé le texte, je le lui fis lire; il le trouva satisfaisant. Les autres l’approuvèrent également. Il n’y eut qu’une proposition d’amendement: un remplacement d’un seul mot. Elle fut le fait de Medjoubi qui suggéra de remplacer le mot « assassinat » par « mort ».

Tout le monde se récria et Agoumi: « Parce que tu crois qu’on va échapper à la mort de cette façon? On y passera tous, t’en fais pas! ». (Quelques mois plus tard, ‘Azzedine sera assassiné sur les marches de l’opéra d’Alger.) ‘Abdelkrim et moi traduisîmes le texte en arabe puis nous nous séparâmes.

Dehors, il n’y avait pas âme qui vive alors que le jour venait à peine de finir.

La peur était comme palpable, une peur poisseuse, qui collait à la peau.

Le lendemain, en début d’après-midi, je suivais le cortège mortuaire qui se dirigeait vers la place d’Armes, noire de monde. Agoumi lisait l’éloge de ‘Abdelkader. Les têtes étaient baissées.

Quelqu’un m’aborda: « Tu es repérable à un km avec ton foulard mauve ! Tu es inconscient ou quoi? ». C’était Robert Doisy et il ne savait pas combien il avait raison de parler d’inconscience.

Il est des occurrences, en effet, où l’instinct de survie -le désir de vivre- s’estompe, passe à l’arrière-plan en tout cas, poussé là par plus fort que lui sur le moment: le devoir moral. Je me devais d’accompagner un compagnon à sa dernière demeure, comme on dit. Aucune autre considération au monde ne m’en aurait dissuadé.

Je ne garde de cette séquence du cimetière que des fragments d’images. Je ne sais plus comment je suis arrivé là: ai-je fait le trajet à pied? Des amis m’ont-ils transporté? Je me revois craquant une deuxième fois, lors de la mise en terre, mais surtout à la vue des hommes du pouvoir qui discouraient, toute honte bue, eux qui n’avaient pas eu un geste pour protéger un homme qui faisait honneur à son pays. Je me revois quittant les lieux à bord de la voiture de Ould Kadi, le cher ‘Abdelkader (décédé depuis, lui aussi).

Puis, le silence et l’obscurité pendant 10 jours, seulement interrompus par les visites de ma femme qui se démenait pour obtenir le sauf-conduit et me donnait des nouvelles des amis.

Un jour, elle m’apporta une bouteille de scotch: c’était une « pensée » de Robert, accompagnée d’un message écrit sur lequel figuraient les coordonnées d’un pied-à-terre parisien ainsi que de l’argent.

Un autre jour, ce sont mes collègues du lycée qui m’ont fait parvenir une somme d’argent. Dois-je préciser que leur geste était absolument spontané?

Et un jour, enfin, ma femme arriva avec le passeport. La consule me reçut une seconde fois et me donna -outre le visa- des recommandations précises ainsi que le nom d’une responsable du Quai d’Orsay que je devais contacter en cas de problème. Quand le moment vint de partir pour l’aéroport, les forces me manquèrent. Je craquai pour la troisième et dernière fois.

À bord de l’avion -presque vide-, je rencontrai la fille d’un couple ami, étudiante en France. Elle demanda au steward de lui apporter du champagne! « Désolé, mademoiselle; je n’ai rien à vous proposer, même pas du jus de fruit ou de l’eau minérale! C’est ça l’Algérie. » J’ai alors soutiré de mon bagage à main -mon unique bagage- ma flasque de scotch. Le steward s’invita sans vergogne (C’est aussi ça l’Algérie) et, entre l’exubérance joyeuse de la jeune fille et les plaisanteries du steward, je fis, somme toute, un voyage qui aurait pu être pire. À Orly, Louis m’attendait.

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ENTRE PRÉFECTURE ET CONSULAT :

TOUJOURS LES PROCÉDÉS ALGÉRIENS DE BASSE POLICE

Deux jours après mon arrivée, j’allai me signaler à la préfecture de mon lieu de résidence -en l’occurrence, j’étais logé chez Louis. Au Service des étrangers, je fus accueilli très courtoisement par une fonctionnaire à qui j’expliquai ma situation, lui demandant ce qu’il convenait que je fasse à l’expiration de mon visa de tourisme de trois mois. « N’ayez crainte, on vous donnera un certificat de résidence ». Ce qui fut fait trois mois plus tard. « Dès que vous aurez un emploi, nous vous établirons un certificat de résidence annuel », me dit la même personne. Je quittai la préfecture avec un récépissé de demande d’un certificat de résidence de 3 mois avec autorisation de travailler.

Au consulat d’Algérie, ma demande d’immatriculation fut refusée. Un vice-consul m’expliqua qu’il fallait attendre le feu vert de la DGSN, qui ne serait donné qu’après enquête. Il ajouta: « Si vous avez une connaissance au niveau de la DGSN, demandez-lui de faire accélérer l’enquête. De toute façon, on vous convoquera. » J’étais abasourdi mais j’avais immédiatement compris dans quelle situation impossible je risquais de me retrouver dans quelque temps: le certificat de résidence délivré par la préfecture est un « stick » qui est collé sur l’une des pages de votre passeport. Donc pas de passeport, pas de titre de séjour. Pas de titre de séjour, pas d’immatriculation. La boucle du piège à double entrée est bouclée.

Et c’est effectivement ce qui arriva quand mon passeport approcha de sa date d’expiration. Au consulat, il me fut opposé… que je n’étais pas immatriculé, donc « impossible de vous établir cette pièce ». Est-il utile de préciser que, malgré la promesse du vice-consul, je n’ai jamais été convoqué par ses services? J’écrivis une lettre explicative au préfet ainsi qu’à l’ambassadeur d’Algérie dans laquelle je dénonçais le mécanisme perfide qui était mis en œuvre par la partie algérienne pour me priver de papiers de séjour. Comme de bien entendu, je pouvais toujours attendre une réponse de l’ambassade. Par contre, la préfecture me convoqua et me prolongea le titre de séjour d’un an avec la promesse de délivrance d’une carte de résident (valable 10 ans).

Sur ces entrefaites, je reçus un appel téléphonique. C’était un ancien du PAGS -ou réputé tel, je n’ai jamais su au juste- qui m’avait avoué un jour qu’il « avait le bon code génétique » -c’était la première fois de ma vie que j’entendais cette formule-, son père ayant été un ancien du MALG. J’ai été très surpris d’entendre sa voix et bien plus surpris quand je l’entendis agonir d’injures les gens du consulat (« ces connards » sic) et me proposer: « Demain, on se voit au consulat et tu auras ton passeport! ». Bien renseigné, le « camarade » ! ( Quelque temps après, je verrai son nom dans un journal parisien, dénoncée par une ancienne du PAGS qu’il proposait d’aider. Apparemment, le « camarade » s’était fait une spécialité de « récupérer » les anciens pagsistes…) Je n’irai pas au rendez-vous de la récupération.

Le consulat me convoqua quelques jours après. Il me délivra un passeport d’une durée de validité d’UN mois et une carte d’immatriculation. Je relançai ma demande d’un passeport « normal ». Le jour fixé, et après une attente interminable, on appela mon épouse pour lui remettre son passeport. Pas moi. À notre demande d’explication, une employée nous répondit textuellement: « Le passeport de monsieur fih tikherbich! » ( = Y a du micmac à propos du passeport de monsieur).

Notre dégoût fut tel que, d’un même geste non concerté, ma femme et moi avons déposé nos papiers (moi, ma carte d’identité et la carte d’immatriculation) sur le comptoir; ma femme: « Puisque mon mari est privé de passeport, vous pouvez garder le mien ». Nous nous sommes dirigés vers la sortie. À la porte, un employé nous rattrapa en courant: « Venez, m’sieu, dame! Le passeport est signé!. » L’obtention de papiers algériens m’avait demandé pratiquement 10 ans! Entre-temps, la préfecture m’avait délivré une carte de séjour décennale et grâce à Michel Simonot (cf infra), le ministère de la Culture m’offrit un emploi dans la direction du spectacle vivant (chargé de mission aux enseignements artistiques) sans exiger de moi la nationalité française.

SYCOPHANTES À DOUBLE MANGEOIRE

Mais les coups bas ne se sont pas bornés à cela. Revenons en arrière.

À partir du mois de juillet, et à la demande insistante de la veuve de ‘Abdelkader ‘Alloula, j’ai entrepris la traduction en français de sa trilogie intitulée « Les généreux » dont une première mise en espace radiophonique fut réalisée par France-Culture, sous la houlette de Michel Simonot (dramaturge) et de Jean-Marie Borzeix (DG de la radio), au théâtre du Rond-Point-Champs-Élysées.

Après avoir participé à une émission sur ‘Alloula à France-Culture, je fus invité par des Algériens (en fait, il s’agissait de franco-algériens et de français) qui entendaient aider les réfugiés algériens. Je leur ai dit de m’aider à trouver du travail. « Mais mon pauvre ami, tu ne peux pas travailler! Tous les Algériens qui sont dans ton cas ne disposent que d’une autorisation provisoire de séjour (APS) sans permis de travail ».

Je répondis en montrant mon récépissé: il portait bien la mention autorisé à travailler. Le gars sembla très étonné. Ce fut lui qui me raccompagna.

Dehors, le ton changea. Cela commença par des menaces voilées pour finir en apothéose: « Et inutile d’écrire sous un pseudo ! Nous le saurions. Aucun directeur de journal parisien ne résiste à un paquet de dollars! » (sic).

Donc, j’étais tombé dans un nid de flics qui avaient pour mission -comme cela m’apparaîtra clairement par la suite- de récupérer, sinon d’intimider les intellectuels algériens réfugiés en France.

Dans quel but? Les empêcher de remettre en cause la vulgate que le pouvoir algérien distillait en France et dans le monde: celle d’une démocratie laïque en butte à la barbarie islamiste.

Je fis, ce jour-là, une marche de presque 10 km pour me calmer et réfléchir.

Mon titre de séjour de 3 mois arrivant à échéance, de nouveau la préfecture donc. La même personne qui m’avait accueilli si courtoisement la première fois, me reçut autrement. Debout, tenant à la main une feuille de papier, elle me cria avec colère à la face, en agitant sa feuille de papier: « Mais qui êtes-vous à la fin? Que venez-vous faire ici? ». Complètement désarçonné, moi qui avançais avec le sourire, je restai interdit de longues minutes. La dame sortit, me laissant en plan dans son bureau. Un moment après, arriva une employée qui m’apportait mon récépissé prolongé de trois mois. Je quittai la préfecture sans avoir rien compris.

Il faudra l’opportunité d’un « déménagement » pour que je saisisse le fin mot de l’affaire. Grâce à mon amie très chère, Fatima-Zohra, je pus avoir mon premier emploi en France (septembre 1994); grâce à mon amie non moins chère, Jacqueline Grelet, ancienne compagne de mon ami (j’en ai des amis!) Nadir Boumaza (qui, de Grenoble s’enquérait régulièrement de ma situation et m’envoyait de l’argent), j’avais un logement! dans un village de banlieue dépendant d’une sous-préfecture (SP).

Quand mon dossier fut transféré à la SP (ce qui demande beaucoup de temps), je fus convoqué par cette dernière qui me signifia que je n’avais plus le droit de travailler et me remit une APS. Sans autre explication.

J’écrivis aussitôt une longue lettre à la Direction des libertés publiques (ministère de l’Intérieur) avec une copie et une lettre explicative à la personne du Quai d’Orsay que la consule m’avait conseillé de saisir en cas de problème.

Dans le même temps, Louis lançait à ma rescousse une avocate du GISTI (ONG d’aide aux travailleurs immigrés). L’avocate, au vu de mon dossier, s’étonna de ce que je n’aie pas demandé l’asile politique: « Vous l’auriez eu sans problème! On se serait fait un plaisir de le plaider! ». Maître! -ai-je dit au fond de moi- Je ne voulais à aucun prix être logé à la même enseigne que certains de ceux qui bâfrent aux deux râteliers: profitant des prébendes du pouvoir en Algérie et réfugiés politiques en France.

Deux ou trois semaines plus tard, la SP me convoquait. Mes lettres avaient fait leur effet. Je fus reçu par la chef du service des étrangers. Elle m’apprit qu’à l’origine de mes problèmes, il y avait une raison: la préfecture (de mon premier lieu de résidence) avait reçu une note écrite de la main du ministre de l’Intérieur qui demandait des explications à propos du traitement préférentiel dont je bénéficiais et qui demandait qu’on m’aligne sur mes congénères algériens: APS sans autorisation de travail!

Évidemment, mon cas n’a pu me valoir l’intérêt du ministre que parce qu’on a attiré son attention sur moi. Et il ne m’a pas été difficile de deviner qui avait fait le travail: celui -le « bénévole » et néanmoins flic à double mangeoire- à qui j’avais montré mon récépissé et qui m’avait menacé. (J’aurai, plus tard, l’occasion d’authentifier ma déduction en découvrant la véritable identité de l’individu ainsi que ses liens avec certains Algériens de ma connaissance. Un marigot fétide où barbote une engeance infecte.)

La chef de service me délivra un titre de séjour d’un an. « Dès que vous aurez un emploi, je vous ferai établir une carte de résidence décennale… (un silence, puis) Une promesse d’embauche suffira, vous pouvez avoir ça, une promesse d’embauche? ».

Ce sera William Sportisse, mon camarade du PAGS et grande et belle figure du PCA historique, qui me la fournira, cette promesse d’embauche. Sauf que je ne m’en servirai pas car -et à ma grande surprise-, je reçus quelques jours après, une convocation de la SP: au guichet, m’attendait ma carte de 10 ans! J’écrivis un petit mot de remerciement au préfet qui m’accusa réception de mon mot et me remercia à son tour!

ÉPILOGUE

Ce n’était pas fini! Grâce au Ministère, j’obtins un logement à Paris.

Une désagréable surprise m’attendait: lorsque l’on change de département, il faut rendre sa carte de résidence et refaire un dossier complet de demande de carte de séjour! Je ne me voyais pas reprendre le bras de fer avec le consulat algérien car mon passeport arrivait à péremption. Me voyant abattu, la fonctionnaire de la préfecture de Paris qui nous recevait mon épouse et moi, me dit: « Vous avez des difficultés à vous procurer les papiers auprès des autorités algériennes, c’est ça? ». Si vous saviez, madame ! ai-je pensé. J’ai hoché la tête en signe d’approbation. « Monsieur, dame! Je vois que vous êtes nés avant 1962. Pourquoi ne vous épargnez-vous pas ces problèmes en demandant votre réintégration dans la nationalité française? Pour vous, assimilés à des fonctionnaires de l’administration française, ce sera une simple formalité. »

Pour les gens de notre génération, meurtris par la guerre d’indépendance et qui ont choisi l’Algérie en 1962, semblable décision prendrait l’allure d’une défaite psychologique. Je n’en étais plus là. La persécution de bas étage dont j’ai été l’objet ces dernières années de la part de mon propre pays qui me poursuivait de sa vindicte jusque dans mon exil, avait levé toute inhibition psychologique. C’est donc la paix dans l’âme que j’introduisis ma demande de réintégration dans la nationalité française. Ce qui fut fait sans problème. Comme dit l’adage de chez moi, « Et ainsi, la teigneuse fut débarrassée des démangeaisons de son cuir chevelu » (T’hanat el gar’a men hak erras).

Qu’ai-je fait pour mériter la bienveillance de l’Administration française? Rien, ou si peu. À Oran, j’effectuais mon horaire normal (18 heures), à cheval sur deux lycées, le lycée français -où j’enseignais la philosophie en français- et le lycée algérien -où j’enseignais la philosophie en arabe-, et je ne voulais recevoir qu’une rémunération, la mienne celle du professeur algérien que j’étais depuis des décennies (payé en monnaie de singe, comme tout le monde). Par ailleurs, et à la demande du centre culturel français, je dispensais des cours de philosophie dans ce centre également.

Après mon départ, le lycée français remettra ma rétribution -celle dont je ne voulais pas, car ç’aurait été manger à deux râteliers, selon ma vision des choses- à mon épouse, une coquette somme qui lui servit à financer le départ de notre fille à l’Étranger.

Après 33 années et demie de loyaux services dans l’Education nationale et sans avoir jamais rien demandé à mon pays -ni bourse, ni détachement, ni rien et pourtant ce ne sont pas les occasions ou les sollicitations qui ont manqué-, je suis parti comme un voleur dans la nuit (« like a thief in the night » pour les fans des Rolling Stones), avec pour tout viatique un bagage à main… mais avec un carnet d’adresses comme ça!, celui de mes amis.

Dixi et salvavi animam meam

À ma femme, Fatiha

À

Christine ROBICHON, ambassadeur de France, ancienne consule à Oran

Isabelle CROCHU, Division des réfugiés et apatrides au Quai d’Orsay

Agnès SAAL, ancienne Secrétaire générale du Ministère de la Culture

À mes très chers

Khadidja et Sid-Ahmed Belkedrouci

Gérard Benayoun

Pierre Marc

Marie-Claude et Robert Doisy et leurs enfants Basto et Nico

Coré Aline

Anita et Louis Weber

Fatima-Zohra Maamar

Jacqueline Grelet
Marie-Laure Coquelet

Nadir Boumaza

Miloud et Yamina Keddar

Leïla Touat

Jean-Luc Fénéant

Nicole et Frédéric Rouget

Dalila Hammou

Michel Simonot

Jean-Louis Borzeix

Zoubida et ‘Abdelkader Hagani

Père Michel Joly

Soeur Agathe

Chantal et Jean-Paul Gaudin

Publié par messaoud benyoucef

braniya chiricahua blog

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PARIS – 24 MARS 2014 – DÉBAT: « NOUS DEMANDONS LA VÉRITÉ SUR L’ASSASSINAT DE MAURICE AUDIN »

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pour information

et participation (pour ceux qui habitent la région parisienne)

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24 mars 2014

19h

LE CAS MAURICE AUDIN

«NOUS DEMANDONS LA VÉRITÉ

SUR L’ASSASSINAT DE MAURICE AUDIN»

Le Tarmac

159, avenue Gambetta

75020 Paris

métros GAMBETTA, (et Pelleport ou Saint Fargeau)

à 19 heures

Soirée – débat sur est organisé à Paris, le 24 mars 2014 par la Ligue des droits de l’Homme , “Mediapart”, “l’Humanité” , avec “les Amis de l’Humanité” et “les Amis de Mediapart

Maurice Audin, jeune mathématicien communiste, a été tué à Alger, en juin 1957, après avoir été arrêté par des militaires français. Les circonstances de sa mort n’ont jamais été élucidées et l’Etat français, que tout accuse, n’a jamais reconnu sa culpabilité.

En présence de Josette Audin

Diffusion du film « Maurice Audin. La Disparition », de François Demerliac.

Débat animé par Gilles Manceron (membre du Comité central de la LDH et coresponsable du groupe de travail «Mémoire, histoire, archives»),

avec, notamment, Raphaëlle Branche, René Gallissot, Sadek Hadjerès, Malika Rahal, Sylvie Thénault et Nathalie Funès

Le débat sera suivi d’un Appel pour la reconnaissance de ce crime d’Etat et des violations massives des droits de l’homme par l’armée française, durant la guerre d’Algérie.

Le Tarmac

159, avenue Gambetta

75020 Paris

métro GAMBETTA


Pour vous inscrire,

réservations (en entrée libre)

contactez le service communication de la LDH

communication@ldh-france.org

Tél. 01 56 55 51 15

ou

par tél : 01 43 64 80 80

par email : resa@letarmac.fr


http://www.ldh-france.org/Nous-demandons-la-verite-sur-l.html


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Article de Daniel Mayer, président de la LDH, paru dans L’Express du 29 juin 1958 après la publication du livre de Pierre Vidal-Naquet, L’Affaire Audin, aux éditions de Minuit.


ALGER-22 MARS: SITUATION DES FEMMES, ACTION ET MOUVEMENTS FÉMININS EN ALGÉRIE

Samedi 22 mars 2014

à 14 h

au Centre des Ressources d’Alger

2, rue des Frères ADER, Alger (2ème étage)

(ruelle qui mène à la rue de Tanger, juste après la Cinémathèque de la rue Ben M’hidi en venant de la Place Emir Abdelkader)

Le Rassemblement de gauche R(d)G a le plaisir de vous inviter à une
rencontre-débat sur le thème suivant :

Situation des femmes, action et mouvements féminins en Algérie

Cette rencontre-débat sera animée par deux intervenantes :

  • Mme Zoubida HADDAB, enseignante en sciences politiques à l’Université d’Alger et militante féministe des années 1980–1990, axera son propos sur “la présentation et l’analyse des mouvements associatifs féminins en Algérie au cours des vingt-trente dernières années.”
  • Melle Tinhinan Makaci, militante féministe, interviendra sur “le féminisme en Algérie aujourd’hui et sur ses perspectives” . Elle soulignera l’importance d’une action en direction du Planning familial et de l’installation de coopératives professionnelles (couture, apiculture, cuisine…) comme moyen d’affirmation et d’autonomisation des femmes.

Soyons nombreux et nombreuses

ALGER – PLACE HENRI MAILLOT

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HENRI MAILLOT A ENFIN SA STÈLEblog algerieinfos – par Saoudi Abdelaziz- le 20 Mars 2014;


Place HENRI MAILLOT – Inaugurationjeudi 20 mars 2014 – par raina;


RENCONTRE AUTOUR DE L’HISTOIRE DU CAMION D’ARMES D’HENRI MAILLOTle samedi 5 avril 2014 – à 14 heures – Centre de ressources – 2 rue des Frères ADER – ALGERavec projection du film Kamel Boualem: «Algériennes, Algériens non musulmans Morts pour la Patrie».


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[

HENRI MAILLOT A ENFIN SA STÈLE

20 Mars 2014

Publié par Saoudi Abdelaziz

blog algerieinfos

 >http://www.algerieinfos-saoudi.com/2014/03/henri-maillot-a-enfin-sa-stele.html]

Les anciens moudjahidine d’El Madania (Clos-Salembier) exigent depuis longtemps qu’une stèle soit érigée dans leur quartier à la mémoire d’Henri Maillot. C’est chose faite.

L’inauguration a eu lieu hier, au cours d’une cérémonie organisée par l’association consacrée à la mémoire du chahid. Le nom de Henri Mailot a été donnée à la petite placette située en face du cimetière chrétien d’El Madania, où il repose.

Aspirant de l’armée coloniale, membre du Parti communiste algérien, Henri Maillot avait, le 4 avril 1956, détourné une très importante cargaison d’armes, qui, livrée aux maquis démunis, donnera un nouvel élan au combat libérateur.

L’opération avait été monté par les Combattants de la Libération, l’organisation de combat du parti communiste algérien et dont les membres rejoindront l’ALN après les accords conclus à Alger entre Abane Ramdane, responsable du CCE et la direction du PCA. Sadek Hadjerès, alors dirigeant du PCA, fut au cœur de l’opération Maillot dont il est l’un des rares survivants.

Il raconte ce haut fait d’arme:[[http://www.socialgerie.net/spip.php?article1198]]

http://www.youtube.com/watch?v=2PVh2Uj1M-M

La mémoire de ce martyr, tombé au champ d’honneur le 5 juin 1956, fait l’objet d’une dévotion constante. N. Guenifi avait ainsi filmé une de rencontres d’Algérois sur la tombe du héros:

http://www.youtube.com/user/nasredify

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[

Place HENRI MAILLOT

jeudi 20 mars 2014 par raina

->http://raina-dz.net/spip.php?article397]

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Conviés pour assister à la « baptisation » de la placette située en face du cimetière chrétien d’El Madania – Alger , au nom d’HENRI MAILLOT par l’association portant son nom, nous fûmes une soixantaine de personnes sur les lieux en ce mercredi 19 mars 2014 à 9 h du matin.

Étaient présents ses compagnons d’armes, ses amis et camarades de différentes générations; une minute se silence fut observée après une prise de parole de ABDELKADER GUERROUDJ son compagnon d’armes

Nous avons attendu un moment la venue des représentants de la Kasma et de l’APC d’El Madania qui ont brillé par leur absence ce jour là, pour nous envoyer par la suite des émissaires nous informer que la cérémonie se fera ultérieurement!

Qu’à cela ne tienne, les présents faute de plaque commémorative ont gravé dans leur mémoire et leur cœur cet événement d’autant plus que ces mêmes autorités locales avaient depuis quinze jours auparavant arrêté avec Yvette Maillot sœur du chahid HENRI ,les modalités pratiques de cet événement, la date et l’heure!

Après cela des gerbes de fleurs furent déposés sur la tombe du martyr, ou plusieurs intervenants ont pris la parole saluant sa mémoire.

Un présent parmi nous avait saisi cette occasion pour nous dire qu’HENRI MAILLOT a inscrit à jamais la grande place Algérie dans le cœur de l’histoire du combat anticolonialiste de notre peuple.

Personne ne pourra l’effacer, ni l’altérer

Gloire au Chahid HENRI et à tous les chouhada de notre immortelle guerre d’indépendance

Fateh Agrane

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RENCONTRE AUTOUR DE

L’HISTOIRE DU CAMION D’ARMES

D’HENRI MAILLOT

Le samedi 5 avril 2014

à 14 heures

Au centre de ressources

2 rue des Frères ADER

ALGER

(rue qui mène à la rue de Tanger, juste après la Cinémathèque, sens Place Emir Abdelkader-Rue Ali Boumendjel, au 2ème étage)

RENCONTRE AUTOUR DE

L’HISTOIRE DU CAMION D’ARMES

D’HENRI MAILLOT

(4 avril 1956)

Avec la projection du film-documentaire

«Algériennes, Algériens non musulmans

Morts pour la Patrie»

réalisé par :Kamel Boualem

Rencontre organisée par le collectif

« MA NENSAOUCHE »

et le journal électronique

Raïna,

qui vous invitent à cette occasion à venir nombreuses et nombreux

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LE RÉGIME DE LA TORTURE ET LES TROIS ÉPREUVES DE JACQUES SALORT

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Jacques Salort est né le 1er février 1919 à Cap Matifou à l’Ouest d’Alger.

Il est actif avant ses 20 ans dans le syndicat CGT. Après ses études à l’institut industriel d’Algérie, d’où il est sorti major de sa promotion, il entre à l’AIA (Ateliers industriels de l’air) de Maison blanche (Dar el Beida), après avoir passé brillamment le concours d’agent technique supérieur de l’Aéronautique.

Il est nommé directeur de l’atelier de fonderie. Il rencontre alors le camarade Sanchez qui le fait adhérer au PCA.
Il participe notamment à la reconstitution d’une organisation du PCA à Alger.

Il est également responsable du Secours populaire à la même période, il en est le trésorier.

Il assure la liaison avec le groupe de l’imprimerie clandestine autour de Thomas Ibanez, dont le principal organe est «Liberté».
La 2ème guerre mondiale est déclenchée, ce qui l’amène à prendre des responsabilités au sein du PCA, et c’est au cours d’une mission qu’il est arrêté le 18 juin 1941, avec Yvonne Saillen et Ahmed Smaïli à Alger.

Après avoir subi maintes tortures, il est incarcéré à la prison de Barberousse à Alger dans des conditions lamentables.
À cette époque, il attrape le typhus. Ne pouvant participer à son procès, il est malgré tout condamné à 20 ans de travaux forcés en mars 1942. Après le procès et un cours séjour à la prison de Maison carrée (El Harrach), il est transféré à la prison de Lambèze, dans le sud constantinois, d’où il sera libéré le 18 mars 1943.
À sa sortie de prison, il est envoyé à Agadir au Maroc pour effectuer son service militaire. Il prend des cours de pilotage, mais on lui refuse les cours à l’école d’officiers.
Il reprend à son retour ses activités politiques et professionnelles à l’AIA de Maison Blanche.
En 1945, il se présente aux élections municipales de Maison Carrée. Il est élu au poste de 1er adjoint au maire. Il y restera pendant 2 ans.
En 1947, il est élu membre du comité central au congrès du PCA. Malgré ses taches multiples, il travaille toujours à l’AIA. Mais en décembre 1950, nous sommes en pleine guerre d’Indochine, il fait mettre en grève tous les ouvriers de son secteur, qui avait pour fonction la fabrication d’armes. À la suite de cette grève, il est convoqué à Paris où il passe le conseil de discipline, et par arrêté du 4 avril 1951, il est révoqué de ses fonctions par décision du secrétariat d’Etat aux forces armées.
Il devient aussi à cette période secrétaire de la région algéroise du PCA
Durant toute cette période (1951/1955), compte tenu de ses qualités d’organisateur et de gestionnaire, il entre à “Alger Républicain” en qualité d’administrateur.

La guerre de libération éclate le 1er novembre 1954. “Alger Républicain” est interdit en septembre 1955, de même que le PCA.

Il s’engage alors dans l’action clandestine. Jacques est alors désigné au comité de direction des Combattants de la libération (CDL) aux côtés des secrétaires du parti : Bachir Hadj Ali et Sadek Hadjeres, avec Camille et Lucette Laribère comme conseillers militaires.
Après le détournement du camion d’armes de l’aspirant Henri Maillot, il est chargé de leur acheminement vers les combattants de la libération (CDL) et l’Armée de libération nationale (ALN).
Arrêté le 16 mars 1957 par les paras du colonel Brothier, il sera torturé pendant 4 jours. Ses avocats, ayants appris son arrestation, ont exigé qu’il soit présenté au procès (dit «procès des combattants de la libération») en cours, puisqu’il y était inculpé (une manière légale de le sortir du secret où il était maintenu).

Il est présenté au tribunal soutenu par des gendarmes, car à la suite de ses tortures, il ne pouvait se tenir debout. Son cas ayant été dissocié du procès en cours, il est transféré à la prison de Barberousse où il est mis au secret pendant 23 jours. Son procès a lieu du 4 au 7 novembre 1957. Il est condamné à 20 ans de travaux forcés.
À la suite du procès il est transféré à la prison de Caen au début de l’année 1958, après un bref séjour à la prison de Maison Carrée. Il est incarcéré à Caen entre janvier 1958 et le 9 Mai 1958, date à laquelle il est transféré à Riom, avec d’autres camarades. Il doit son transfert à un mouvement revendicatif pour avoir droit aux journaux, livres, cantine…
En juin 1958, après une grève de la faim, il subit un nouveau transfert à la prison de Fresnes.
Du 28 juin au 16 juillet 1958, il est incarcéré dans l’isolement le plus complet.
Nouveau départ de Fresnes le 16 juillet 1958 pour le Puy en Velay. Il y arrive le 17 juillet à 9h, et va connaitre des conditions de détention très dures, et séparé de tous ses compagnons. Il est le seul prisonnier politique de cette prison. Toutes les revendications et les grèves de la faim se sont soldé par des refus dans cette prison, y compris le droit d’être avec des prisonniers de droit commun.
La seule chose accordée au cours de ces 2 ans à la prison de Fresnes a été la visite de l’aumônier de la prison, avec lequel il avait sympathisé. Il pouvait avoir des discussions aussi bien religieuses que politiques, mais surtout des nouvelles de l’extérieur.

En plus de tous ces tracas, le 23 novembre 1958 il a été pris de douleurs atroces avec apparitions de taches sur le corps. Il n’a pu voir de médecin que le 28 qui lui apprend qu’il avait un zona, maladie contagieuse qui a eu pour conséquence la fin de toute visite, ni même le surveillant général ou le directeur. Par contre il y a une amélioration dans son alimentation.
Durant l’année 1959, il n’y a eu aucune amélioration dans sa vie de prisonnier, malgré plusieurs grèves de la faim, dont les principales: fin 1958, du 13 au 17 avril 1959 et du 24 avril au 03 mai 1960.
C’est à la suite de cette dernière grève qu’il est transféré à la prison des Baumettes à Marseille. Là il retrouve bon nombre de prisonniers politiques. Il y restera jusqu’à sa libération, le 12 avril 1962. Pendant toute cette période, sa femme Rolande n’a pu le voir que 2 fois: 1 fois au Puy, et 1 fois à Marseille.
Après sa libération et son retour à Alger, il reprend son poste d’administrateur à Alger Républicain.
Tout va bien jusqu’au coup d’Etat du 19 juin 1965. Alger Républicain n’ayant pas pris position en faveur du coup d’Etat, et refusant de cautionner une orientation du pays sur une voie antidémocratique, il est à nouveau interdit de publication.
Jacques retourne donc en clandestinité où il s’organise au sein de l’ORP (Organisation de la résistance populaire, avec l’aile gauche du FLN).

Il est arrêté le 22 septembre 1965 et pendant 3 mois aucune nouvelle.

On apprend ensuite qu’il a été transféré avec d’autres détenus à la prison de Lambèze. Tous les permis de visite sont refusés. Ce n’est finalement que le 19 mars 1966 qu’a lieu la première visite. La deuxième aura lieu le 5 juillet 1967.Le courrier lui aussi prend 5 semaines de retard, et Jacques est coupé de tout.

Suite à ces brimades, il entreprend une grève de la faim en août 1967, et c’est à ce moment-là qu’on lui octroie un droit de visite. Hélas, à l’arrivée devant la prison, un ultimatum est proféré par l’administration pénitentiaire: «Ou les prisonniers cessent la grève et vous les voyez, sinon pas de visite!».

Après le refus de suspendre la grève de la faim, les prisonniers sont transférés à Annaba, où les visites sont également interdites. Les prisonniers sont séparés et Jacques est envoyé à Aflou, puis à Constantine, seul!
Ayant des problèmes de santé, il est envoyé à la prison de l’Hôpital. Des amis médecins, employés à l’hôpital, s’occupent de lui, ce qui lui permet d’avoir des nouvelles de l’extérieur. Durant toute cette période, soit du 29/11/1965 au 28/07/1968, il n’y a pas eu d’inculpation, donc pas de procès…
Le 28 juillet 1968, il rejoint Tlemcen. Il est assigné à résidence et doit pointer au commissariat tous les jours. Sa situation s’améliore à partir de ce moment-là.
Les camarades de Tlemcen prennent contact avec lui et c’est ainsi qu’il est employé aux Ateliers des Ponts et chaussées. Puis devant ses capacités d’organisateur et de gestionnaire, le préfet de Tlemcen lui confie la responsabilité de créer la section d’entretien du matériel de la région. C’est un champ de vignes qu’il faut arracher, ensuite construire le bâtiment, et ensuite créer les services et former le personnel.
Alors que sa femme entre à l’hôpital pour son opération de la vésicule, on l’autorise à se rendre à Alger. Et sur un appel téléphonique du préfet, on lui annonce qu’il est libre et qu’il peut rester à Alger (fin 1969).
Alger Républicain n’étant pas reparu, il entre à la Société nationale des travaux maritimes (SNTM) en tant que chef du département maintenance, jusqu’en 1982, puis à l’entreprise des travaux publics (EPTP) jusqu’en 1987, date de sa mise à la retraite.
Après quelques année sa santé décline, il combat la terrible maladie d’Alzheimer, qui mettra fin à ses jours le 10 mai 2000.

1957: LE PROCÈS DE JACQUES SALORT

  • S’est déroulé du 4 au 7 décembre inclus (soit 3 journées et demi).
  • Inculpés : Abdelkader GERROUDJ, Jean FARRUGIA, Georges MARCELLI, Suzanne CHATAIN et Jaques SALORT.
  • La défense : était assurée par Maitres Michel BRUGUIER, Léon MATARASSO, DAUCE, MONTEUX pour Suzanne CHATAIN, et un cinquième pour TALEB dont j’ai oublié le nom.

Déroulement du procès :

GERROUDJ et moi-même avons été interrogés sur nos responsabilités dans l’organisation des Combattants De la Libération.

Puis ce fut le tour de Jacqueline GERROUDJ, FARRUGIA et…

Audition des témoins :

Comparution du commissaire tortionnaire REDONNET, Pendant une heure harcelé de questions. Il fut confondu sur plusieurs points. En ce qui me concerne, alors que j’ai été arrêté le 16 mars 1957 à 10h (un samedi) un dossier figure au procès verbal signé du commissaire stipulant que mon arrestation a eu lieu le 18 mars et que le jour même j’ai été présenté au magistrat instructeur.

En fait il est de notoriété publique que j’ai été présenté au tribunal le 20 mars porté par des gendarmes jusqu’à mon siège car je ne pouvais plus marcher.

Le tribunal a dû reconnaitre l’irrégularité au point qu’il a décidé de retirer du dossier une partie intéressant l’interrogatoire de BRIKI. En ce qui concerne ce camarade en effet, ayant fait l’objet d’une extraction de la prison de BARBEROUSSE, son cas était particulièrement scandaleux.

Durant l’audition du tortionnaire la salle était archicomble de policiers venus assister leur chef. Il y eut une tentative de chahut mais le président intervint pour rétablir le calme.

Personnellement, après avoir posé plusieurs questions au commissaire, questions auxquelles bien entendu il répondit mensongèrement, je disais au tribunal: «Dans ces conditions, je préfère que l’instruction de la plainte soit différée à une période où nous n’aurons pas besoin de nos électrodes pour nous faire armer».

Témoignages de moralité :

Émouvant témoignage d’une femme venue de France en faveur de Jacqueline GERROUDJ (Mme MARTEAU). Elle s’est retirée de la barre très émue. Notre gorge était bien serrée.

Pour BRIKI un pasteur.

Pour GERROUDJ plusieurs témoignages par lettre et notamment de personnalités Françaises.

Pour FARRUGIA, témoignage par télégramme de la fédération des déportés de DACHAU.

Pour moi, témoignage du professeur UNAL vers qui va toute ma reconnaissance.

Atmosphère du procès :

Durant tout le procès la place réservée au public était archi comble: une centaine de personnes environ.

Dans l’ensemble les débats ont été suivis avec attention aussi bien par le public que par le tribunal. Une ou deux tentatives de chahut ont été arrêtées par l’intervention du président qui a présidé avec une certaine objectivité.

Les déclarations faites par chacun d’entre nous ont été écoutées sans interruption et avec grande attention sauf celle sur la non reconnaissance du tribunal militaire Français pour nous juger.

Il faut dire que du point de vue politique le procès revêtait une certaine importance.

  • D’abord à cause de la représentativité sociale et ethnique des accusés:

    – GERROUDJ: musulman, instituteur.

    – Jacqueline GERROUDJ: israélite, institutrice.

    – TALEB Abderrahmane, musulman, étudiant.

    – Yahia BRIKI : kabyle de famille protestante, journaliste.

    – Jean FARRUGIA : européen, ancien déporté à DACHAU.

    – Suzanne CHATAIN : d’origine française, professeur de philo, fille d’un Général français (MONTEUX).

    – Georges MARCELLI : européen, journaliste.
  • Ensuite, le procès revêtait une importance à propos des rapports entre PCA et FLN qu’il fallait clarifier dans l’intérêt même de la lutte du peuple Algérien. Voir à ce sujet ma déclaration.

Les plaidoiries :

L’attention du tribunal et du public a redoublé durant les plaidoiries de nos avocats dont le talent bien connu a été décuplé par la juste cause qu’ils avaient à défendre et par l’amitié qu’ils nous manifestaient. La plaidoirie de Maitre BRUGUIER fut particulièrement sensationnelle et émouvante.

Les déclarations faites au tribunal :

Déclaration faite par Abdelkader GERROUDJ

avant que ne commencent les débats :

« Avant que ne commencent les débats je voudrais au nom de mes frères et de ma femme attirer votre attention sur le fait que nous sommes des Algériens contraints de nous expliquer devant les magistrats d’une armée contre laquelle les circonstances ont amené notre peuple à se battre.

Membres, pour la plupart du FLN, nous aurions voulu, même si nous ne portons pas l’uniforme, être considérés comme des soldats et non être jugés comme des malfaiteurs de droit commun.

L’état de guerre est quasi officiellement reconnu et sans refuser de répondre, nous ne pouvons pas normalement reconnaitre à des tribunaux Français le pouvoir de juger des combattants Algériens ».

Déclaration préalable que j’ai faite après GERROUDJ :

«En ce début de procès, je tiens à m’associer à la déclaration que vient de faire mon frère de lutte Abdelkader GUERROUDJ. Avec ou sans uniformes, Algériens de toutes origines, nous sommes des combattants au service de l’Algérie.

À ce titre, les lois connues de la guerre ne peuvent en aucun cas nous assimiler à des malfaiteurs.

C’est pourquoi, également à mon tour, sans refuser de répondre, je déclare ne pouvoir normalement reconnaître à des tribunaux Français le pouvoir de nous juger».

Ma déclaration politique faite au procès :

«Ce n’est pas la première fois que je comparais devant un tribunal militaire.

Déjà en 1941 pour avoir pris position contre la politique du gouvernement de Vichy, j’étais condamné aux travaux forcés.
Aujourd’hui, c’est le drame qui secoue l’Algérie qui est au centre de ce nouveau procès.

Je sais qu’il serait superflu de démontrer à la multitude d’Algériens qui me connaissent, y compris bon nombre d’adversaires politiques, la fragilité de l’accusation de malfaiteur.

En disant cela, je pense notamment aux 60 000 habitants de Maison Carrée, Musulmans et Européens, qui ont pu m’apprécier durant la période ou j’ai exercé en cette ville les fonctions d’adjoint au maire.
Je pense aux milliers d’ouvriers, techniciens et ingénieurs de l’aéronautique dont j’ai partagé la vie durant 11 années.

Je pense aux premières formations de jeunes élèves de l’école de l’air de Cap Matifou, école dont j’ai été pendant plusieurs années, membre du conseil d’Administration.

Je pense enfin aux dizaines de milliers de lecteurs du quotidien Alger Républicain que j’ai eu l’honneur d’administrer durant 5 années.

C’est avec d’autant plus d’indignation que je tiens à souligner devant le tribunal les tortures inqualifiables qui ont présidé à mon interrogatoire dans les locaux de la police d’Alger et les cantonnements militaires de la région de Koléa.

Puisque l’on conteste encore trop souvent les tortures qui ont joué un rôle ignoble dans notre affaire, je demande au tribunal d’examiner le constat du médecin légiste.

Bien qu’il soit entaché d’un esprit pour le moins partisan, il n’en constitue pas moins une preuve accablante contre mes tortionnaires.

La reconnaissance officielle de la mort sous la torture du jeune professeur AUDIN, ne peut plus faire douter de ces pratiques. Elles marquent du sceau de la honte la politique dite de pacification.

Au travers de ces faits, c’est une partie du drame Algérien qui est évoqué.

Si on a pris l’habitude depuis trois ans de parler, c’est pourtant sans trop en approfondir les causes et le plus souvent en les déformant.

Pour ma part, ce drame pour lequel je suis ici, je le vis personnellement, non pas depuis le premier Novembre 1954, mais depuis que j’ai pris conscience des humiliations, des souffrances, des injustices sans nom qui sont le tribut du peuple Algérien.

Comment aurais-je pu demeurer insensible en effet au mépris racial, érigé en institution et que l’on retrouve par exemple dans la constitution des assemblées délibérantes où la majorité de la population est livrée au bon plaisir des représentants de la minorité.

Comment aurais-je pu rester insensible au fait que dans ce pays la langue du plus grand nombre soit considérée comme une langue étrangère et que le culte religieux pratiqué par les 9/10 de la population soit sous le contrôle des préfectures.

Comment accepter d’un cœur léger la dépossession de leurs terres dont ont été victimes les fellahs de nos campagnes au profit de quelques seigneurs qui paient royalement leurs ouvriers à raison de 300 francs par journée de travail de 10 à 15 heures.

Et que penser de la surexploitation dont sont l’objet les travailleurs quand ils ne sont pas chômeurs.

Si personnellement j’ai été sensible à cela, c’est parce que je me sens Algérien dans toute mes fibres. Aîné de 5 enfants, de parents nés en Algérie, je n’ai aucune attache familiale avec la France.

Depuis mon plus jeune âge, j’ai apprécié les justes aspirations du peuple Algérien, et me suis associé à ses luttes en de nombreuses circonstances. De famille pauvre, j’y étais naturellement entraîné. Je dois beaucoup il me faut le reconnaître à mes instituteurs et professeurs qui ont su cultiver en moi le sens de la justice, de la dignité et de l’honneur.

Pourquoi vouloir m’assimiler dans ma vie et mes sentiments à un Français de Bourgogne ou d’Anjou? C’est animé d’un même sentiment National que je suis ici avec mes frères de lutte, TALEB Abderrahmane, Abdelkader GERROUDJ et BRIKI Yahia. Et ce sentiment National n’a fait que progresser depuis 15 ans.

Je me souviens ainsi qu’au moment de la victoire alliée sur l’Hitlérisme, j’ai partagé l’espoir de tous les Algériens de voir une ère nouvelle de liberté s’ouvrir sur notre terre d’Algérie. Les Algériens avaient en effet pris très au sérieux les idées de liberté pour lesquelles on les avaient appelé à se battre.

Le 8 mai 1945 devait hélas, avec les 45 000 morts du Constantinois, marquer la détermination de ceux qu’on appelle aujourd’hui les ultras, de ne transiger en rien, de s’opposer à toute politique libérale en Algérie.

Les élections tristement célèbres, à la première assemblée Algérienne, devait faire disparaître chez ceux qui en avaient encore toute confiance dans les promesses faites par les gouvernements Français.

Deux noms de village, Deschmya et Chamflain sont depuis gravés dans ma mémoire. Ils me rappellent le mitraillage de paysans devant les bureaux de vote alors qu’ils voulaient voter librement.

Et comme pour consacrer cette politique qui ne trouve d’ailleurs plus beaucoup de défenseurs aujourd’hui, le statut bien timide voté en 1947 devait demeurer inappliqué, car tel était le bon plaisir d’une poignée de profiteurs qui continuent à faire la loi en Algérie en s’opposant à toute solution de bon sens.

Peut-on s’étonner après cela de l’explosion du 1er Novembre 1954? Il est clair qu’elle est l’aboutissement de cette situation politique, que le peuple Algérien ne pouvait plus supporter.

Et qui est responsable de cet état de fait, sinon cette «minorité égoïste», comme l’appelait Guy MOLLET dans sa déclaration du 9 Janvier.

C’est cette minorité colonialiste qui s’est toujours opposée à toutes les propositions faites bien avant le premier Novembre pour solutionner démocratiquement et pacifiquement le problème Algérien. Elle a fini par imposer au peuple Algérien des moyens de lutte auxquelles il n’aurait jamais voulu avoir recours.

C’est dans cette caste privilégiée qui n’a rien de commun avec l’immense majorité des Européens d’Algérie, momentanément trompés, qu’il faut rechercher les malfaiteurs, et non parmi les patriotes Algériens.

Pour ma part, je suis fière d’avoir contribué de toutes mes forces à la libération de mon pays.

D’abord en me consacrant à la publication du grand quotidien «Alger républicain» qui a dès les premiers jours situé les responsabilités dans la guerre d’Algérie et qui a été interdit pour avoir été un lien entre tous les Algériens, pour avoir préconisé la solution qui de toute façon finira par s’imposer.

Je suis fier, ensuite, après que les gouvernements Français encore opposés en juin 1956 au retour à la parution de notre journal, de m’être mis à la disposition de mon parti dans le combat National.

Peut-être aurait-on souhaité que j’assiste passif à la lutte du peuple Algérien et que j’enregistre tranquillement les attentats au plastic contre nos locaux du boulevard … et notre imprimerie commerciale, attentats dont les responsables bien connus sont toujours en liberté.

Je suis d’origine Européenne et en cette qualité je suis heureux d’avoir contribué à l’édification de la nation Algérienne, où deux civilisations aussi riches l’une que l’autre se rencontrent et dans laquelle tous les habitants sans distinction de race ni de religion auront effectivement les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Bon nombre d’Européens, trompés par la propagande «ultra», s’interrogent sur le sort que leur réserve le dénouement du problème Algérien.

J’ai la profonde conviction que les Européens qui se sont solidarisés avec les revendications Nationales du peuple Algérien ont œuvré d’une façon décisive à la garantie et l’avenir des Européens d’Algérie.

C’est pourquoi les noms de Henri MAILLOT, de Fernand IVETON sont à jamais unis dans l’histoire de notre pays à ceux de BEN MHIDI et BOUMEDJEL.

Du reste l’intégration des Européens dans leur nouvelle patrie n’est-elle pas le meilleur moyen pour assumer sur notre sol la présence des valeurs françaises auxquelles nombre d’entre eux sont attachés profondément.

Toutes ces raisons ne seraient-elles pas suffisantes pour justifier la participation à la lutte d’Européens de toutes tendances, communistes, progressistes, catholiques, libéraux et à des degrés divers.

L’histoire soulignera combien cette participation dans l’édification de la nation Algérienne aura facilité le rétablissement de l’entente entre les différentes communautés ethniques dès la paix revenue.

Qu’il me soit permis d’apporter maintenant un éclaircissement à propos de ce que certains appellent «le mouvement communiste armé». Voici les faits :
Il est de notoriété publique que le parti communiste a eu une organisation paramilitaire propre, appelée les «combattants de la libération» à l’organisation de laquelle je m’honore d’avoir contribué.

Il n’est pas moins connu, que d’un commun accord entre le PCA et le FLN, cette organisation a été dissoute et intégrée à l’ALN dans le but de renforcer l’unité de la lutte armée du peuple Algérien.

L’ALN, il me faut le préciser, est une organisation militaire contrôlée par le FLN et c’est vouloir tenter de diviser les forces Nationales Algériennes que de continuer à parler de mouvement communiste armé.

C’est aussi vouloir user sur le plan international d’un artifice qui ne trompe plus personne.

Sur le plan militaire, donc, l’union est réalisée entre tous les patriotes sans distinction.

Sur le plan politique, le PCA a sa politique propre, qu’il développe et défend en tant que parti et en toute indépendance. Les récentes propositions de solutions des problèmes Algériens faites dans un … à l’ONU montrent combien il a conscience de ses responsabilités.

Oui, les communistes avec les autres patriotes luttent de toutes leurs forces pour mettre fin au colonialisme, pour que l’Algérie puisse accéder à son indépendance Nationale. Ils luttent pour qu’elle puisse s’ériger en république démocratique et sociale où tous ses fils seront égaux en droits et en devoirs, sans distinction de race ni de religion.

Le tribunal comprendra qu’avec de tels objectifs il est ridicule et injuste de nous traiter d’antifrançais. Du reste, ceux qui nous tarent d’antifrançais, sont-ils tous qualifiés pour le faire? Je ne reconnais pas en tout cas cette qualité à ceux qui se sont vautrés dans la boue de la «collaboration».

Je ne reconnais pas cette qualité à ceux qui se sont enrichis en vendant leur liège et leur vin à l’armée Rommel.

Je ne reconnais pas cette qualité à ceux qui n’ont pas hésité en 1934 à renvoyer leur fascicule de mobilisation parce qu’ils s’estimaient menacés dans leurs intérêts de gros viticulteurs par les petits seigneurs du midi de la France.

Et en vertu de quel patriotisme peuvent-ils apprécier nos sentiments ceux qui s’apprêtent à exporter leurs capitaux et à s’installer quelque part en Amérique du Sud. Ces trafiquants de la souveraineté Française, je n’ai pas à les convaincre.

M’adressant à ceux qui ne nous ont pas encore compris et qui ne connaissent pas nos vrais sentiments, je tiens à déclarer solennellement:

  • Nous ne sommes pas antifrançais, nous sommes anticolonialistes.

    Notre désir est de voir substitués au régime colonial, des rapports librement consentis, basés sur l’amitié!

    Et nous avons conscience de nous inspirer ainsi du peuple qui a pris La Bastille, des traditions de sa classe ouvrière, de ses penseurs, de ses philosophes, de ses intellectuels qui de tous temps, ont été aux cotés des opprimés!

    Des liens historiques existent entre les deux peuples. Il serait souhaitable qu’ils soient préservés. Mais ils risquent d’être détruits si les gouvernants Français, peu soucieux des véritables intérêts de la France, persistent à ne pas vouloir faire droit aux revendications nationales du peuple Algérien.

    Toutes les chances existent encore pour que ces liens soient sauvés au bénéfice des deux peuples.

    Le FLN n’a de cesse depuis quelques mois de faire connaitre par la voix de Mohamed YAZID et Ferhat ABBAS, son désir de régler le problème Algérien directement avec la France.

    Le communiqué commun du sultan et du président BOURGUIBA ne contiennent-ils pas également des propositions intéressantes qui ne doivent pas laisser indifférents les Européens d’Algérie.

Quant aux propositions de mon parti, je pense les avoir suffisamment exprimées.

Il est heureux de constater que des personnalités Françaises sont de plus en plus nombreuses à s’engager dans la voie des solutions réalistes. Il devient de plus en plus clair qu’il set peu raisonnable de penser régler un problème politique de cette importance par la répression, les tortures et les condamnations.

De multiples expériences montrent que ce sont la des moyens qui ne peuvent pas venir à bout de la volonté unanime d’un peuple.

Le peuple Algérien plus uni que jamais, avec ses ouvriers, ses paysans, ses commerçants, ses …, ses bourgeois, ses intellectuels, montre chaque jour sa détermination d’en finir une fois pour toute avec le colonialisme.

Je suis pour ma part pleinement solidaire de son action et confiant dans une solution prochaine démocratique pacifique et juste.

C’est pourquoi je rejette l’accusation qui pèse sur moi et qui n’a rien de commun avec le noble idéal de libération national et social qui a été et qui demeure le guide de mon action.


Nota :

C’est là la déclaration que j’avais préparée pour le procès, à quelques phrases près, en ce qui concerne la fin. J’ai en effet égaré un ou deux feuillets de mon brouillon.

L’original est entre les mains de Michel BRUGUIER.

Au procès, sur conseil de Michel BRUGUIER, tenant compte de l’atmosphère du procès, j’ai dû abréger et assouplir, mais j’ai conservé l’essentiel, à vrai dire presque tout.

J’ai par exemple sauté le passage au sujet du statut et des élections en 46, qui avait été traité par BRIKI.

J’ai également sauté le passage sur les tortures, puisque l’occasion s’était offerte à l’audition du commissaire.

Quant à mon autobiographie j’avais l’occasion d’en parler à l’interrogatoire d’identité.


ORAN – 1952: TAYEB MALKI ET SIMONE LEDUC DÉNONCENT LA TORTURE DANS LE JOURNAL « ALGER REPUBLICAIN »

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Information et complément, à l’annonce de la table ronde prochaine sur Maurice Audin,[[PARIS – 24 MARS 2014 – DÉBAT : « NOUS DEMANDONS LA VÉRITÉ SUR L’ASSASSINAT DE MAURICE AUDIN »]] ce texte confirme que la torture faisait partie depuis bien avant la guerre pour l’indépendance de l’arsenal de l’armée, de la police et de tout le système colonialistes.

Nous sommes au début de l’année 1952.

Le Dr Couniot, grand chirurgien d’Oran, reçoit un ouvrier agricole blessé, au cou en particulier, amené par des policiers, torturé par leurs soins, et qui, révolté, aurait tenté de se suicider avec le coupe-papier du commissaire.

Indigné, le professeur Couniot est venu voir son collègue Jean-Marie Larribère, connaissant l’obédience politique anticoloniale de celui-ci, en lui disant: «Vous, Alger Républicain, vous parlez beaucoup, mais vous n’agissez pas. Etes-vous capable de dénoncer un cas de torture à la PJ de Châteauneuf, à Oran?»

Jean-Marie Larribère, mis au défis, lui répond «Je vais voir!».

Il convoque chez lui Simone Leduc (Camarade du PCA, femme de Maurice Seban) journaliste bénévole à Alger Républicain avec une plume réputée (première femme internée dans les camps pendant le guerre d’Algérie, puis expulsée en France, décédée à Marseille) et Tayeb Malki (Militant JC, UJDA, PCA, correspondant d’Alger républicain à Oran, qui faisait équipe avec Simone Leduc).

Jean Marie raconte toute l’Histoire à Malki et Leduc et dit: «Allez voir si vous pouvez le voir chez Couniot, mais attention il y a là deux policiers qui le gardent au pavillon 14. Vous venez demain, je vais vous habiller en infirmiers, je vais vous faire entrer, et là débrouillez-vous, moi, j’ai rien vu, rien entendu!»

Malki, une fois équipé et sur place, entre, voit le torturé mais celui-ci, pensant avoir affaire à un policier, refuse de lui parler. Malki, pour libérer la parole du torturé, lui rappelle les honnêtes leaders syndicaux des ouvriers agricoles qui sont ses amis et ses frères de lutte, comme Benamar Mahrouz, ou Naïb, très connus chez les ouvriers agricoles.

Le torturé, rassuré et mis en confiance, raconte le motif de ses tortures:

«Ma femme est une belle jeune femme marocaine, et mon contremaître a voulu s’en emparer. Il a préparé un Méchoui pour messieurs les gendarmes, et leur a demandé de me faire arrêter et de m’envoyer chez les policiers.

Ceux-ci ont commencé leurs sévices et m’ont tant torturé que devant cette injustice j’ai tenté de me suicider avec le coupe-papier, dans le bureau du commissaire!»

L’équipe Leduc-Malki, forte de ces informations glanées, ont produit deux importants articles successifs sur “Alger Républicain”, qui firent grand tapage, tant et si bien que “l’Echo d’Oran” (deuxième quotidien né en France, en octobre 1844, après “Le Figaro”, et journal colonialiste chargé de «ne rien publier, sur les mouvements militaires, l’état de situation et l’ordre dans ce pays, et sur la politique en général, d’autres sortes d’articles que ceux inscrits au “Journal Officiel du Gouvernement” lesquels pourront être reproduits sans commentaire…») a été obligé d’en parler!

Est-il vrai qu’il y a des tortures à la PJ Châteauneuf d’Oran, pouvait-on lire sur le brûlot colonialiste, qui ne pouvait plus taire ce que tout le monde avait su grâce à “Alger Républicain”, le journal du peuple et des opprimés par le colonialisme, bras armé du capitalisme impérialiste et esclavagiste.

Abed Ghali


‘ABDELKADER ‘ALLOULA – HOMMAGE


‘ABDELKADER ‘ALLOULA – ARLEQUIN À NUMANCEpar Messaoud Benyoucef – braniya chiricahua. – 14 mars 2014;


QUELQUES SOUVENIRS AVEC ABDELKADER ALLOULAOran, le 14 mars 2014 – B. Lechlech;


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QUELQUES SOUVENIRS AVEC ABDELKADER ALLOULA

Le premier contact direct que j’ai eu avec A. Alloula était durant la fête du 8 mars de l’année 1988 exactement. C’était à la ‘’Commune’’, alors que j’étais cadre clandestin incognito depuis presque une dizaine d’années et que lui était une grande personnalité publique , notoirement connue. Au milieu de plusieurs camarades et sympathisant(e)s du PAGS, j’avais assisté à la fête avec ma compagne (ma future épouse), en me tenant discret au vu de mon statut par rapport aux autres.

À la fin, comme A. Alloula était à l’époque le seul véhiculé parmi nous, il avait tenu sans discussion de notre part à nous ramener chez nous, comme il l’avait fait avec tous les autres qui habitaient loin. Alors que nous avions emprunté , avec sa petite R 4 beige le chemin indiqué par moi , j’étais obligé de lui mentir sur mon adresse (ma planque), en ‘’respectant ‘’ les règles de la clandestinité. M. Djellid son complice avait dû lui parler de moi parce que je le connaissais mieux depuis 1975/76 et que j’avais plusieurs fois passé la nuit chez lui.

En 1989, pendant la sortie à la légalité, alors qu’avec Abdelkader on passait à côté de chez moi, non loin de chez lui, je l’avais invité à prendre un café. Il m’avait questionné d’un air étonné si je venais de déménager! Je lui avais expliqué que j’étais obligé de l’induire en erreur. En rentrant chez moi, il avait remarqué que je ne disposais que d’une table avec quatre chaises et d’un matelas par terre avec une couverture dans mon deux pièces-cuisine au vieux patio de ce quartier ancien situé presque en plein centre ville et que je venais juste d’acquérir au début de l’année 1988 dans le cadre de ma permanisation politico-organique projetée depuis 1986 à mon retour de la R.D.A.

Dans notre quartier populaire, ex. Saint Pierre (Yaghmorassen), j’avais alors pris l’initiative de regrouper les camarades qui y habitaient en cellule malgré le fait que nous appartenions chacun à des collectifs différents. Alloula, lui, appartenait au collectif ‘’J.M.L’’ (Jean-Marie Larribère) avec de fortes personnalités comme M’hamed Djellid, Messaoud Benyoucef… et moi j’appartenais à la toute nouvelle fédération (Sidi Bel Abbés, Tlemcen et Aïn Temouchent) tout en habitant Oran. Et comme le collectif de notre propre fédération devait se réunir une fois chez moi, A. Alloula avait donné instruction ferme à ‘’Bida’’ sa mère de mettre à ma disposition tout ce dont j’avais besoin (matelas,couvertures,oreillers,ustensiles) pour accueillir le vieux Ahmed Abbad et d’autres camarades. Et notre petite cellule informelle de quartier comprenait en plus de nous deux , M. Morsli (ancien du Vietnam) dont le personnage (Khelifa) a été représenté dans sa pièce théâtrale ‘’El Lithem’’, et quelques autres militants.

Une fois, en l’année 1989, A. Alloula m’avait sollicité pour rencontrer un personnage légendaire dont il avait entendu parler dans l’histoire du PCA et qu’il avait représenté dans sa pièce théâtrale ‘’Ladjouad’’, en l’occurrence Berrahou Mejdoub. Nous avions emprunté avec sa petite R 4 le chemin de Tlemcen et Ochba avec d’autres camarades qu’on avait pris sur notre chemin. Nous, nous avions comme d’habitude acheté des fruits et gâteaux pour notre vieux camarade Cheikh, alors qu’Abdelkader cachait empaqueté un Coran qu’il lui avait offert! Ils avaient rigolé pleinement comme des gosses en se racontant plein d’anecdotes populaires; le vétéran communiste paysan devait décéder quelques mois après d’une longue paralysie.

La relation s’était solidifiée entre nous par des échanges politiques et intellectuels. Je lui avais fait lire les mémoires de Mohamed Badsi et plein de contributions sur l’histoire et un projet de thèse sur l’histoire de la musique algérienne. Notre attachement commun à Bachir Hadj Ali, son combat et ses œuvres avait cimenté le lien entre nous deux. Ainsi A. Alloula avait beaucoup apprécié mes écrits sur Saoût Echaâb, celui de B. Hadj Ali le musicologue et Kaddour Belkaïm le martyr précoce du PCA. Et, une fois, il m’avait offert un livre neuf comme cadeau édité par le CNRS sur la vie de LENINE écrit alors par Léon Trotski! J’avais été membre de la coordination régionale éphémère du parti qui se réunissait à l’ex.rue de la Bastille au début de la légalité et j’étais chargé aussi de l’organe central (SEC) à l’échelle régionale (Ouest).

Entre temps le PAGS, notre parti était entré dans la tourmente, j’avais pris mes distances avec l’appareil et le poste de responsabilité politico-organique, en restant simplement militant de base et me consacrant plus à ma passion refoulée de la musique pendant la clandestinité, en plus de l’histoire, en restant très actif politiquement là où je vivais et travaillais.

En septembre 1992, je venais d’intégrer le nouveau Palais de la culture d’Oran et plus précisément son école de musique dont j’avais pris la responsabilité pédagogique. De nouveau nos chemins, celui de A. Alloula et le mien se sont croisés. J’avais là sous ma responsabilité directe ‘’les trois filles de Alloula’’, Rihab sa vraie fille, Yasmine et Cherifa ses deux nièces âgées toutes à peine de 10 ans. Et j’invitais chaque fin d’année Abdelkader aux auditions de fin de cycle avec les autres parents d’élèves. Je m’occupais particulièrement de Rihab qui faisait piano ( Méthode Rose, accordage du vieux piano de ‘’Bida’…), moi -même j’étais pianiste (pianOranais) depuis mon enfance. La petite étude sur le piano à quart de ton que j’avais élaboré et édité avait marqué A. Alloula qui prenait conscience de son importance, comme il avait pris conscience de la Halqa auparavant dans le domaine théâtrale au contact des masses populaires.

Avec l’évolution dangereuse de la situation, notamment après l’assassinat du Chahid Mohamed Boudiaf, A. Alloula au sein du groupe d’El Bahia (un cadre d’alliance patriotique) avait non seulement organisé en plein centre ville la cérémonie du 40éme jour, mais baptisé la rue dans laquelle il habitait (rue de Mostaganem) en rue Mohamed Boudiaf dés 1993 en qualité de conseiller culturel de Merouane Henni le DEC d’Oran. Auparavant, i l avait été membre du conseil culturel consultatif que présidait A.Benhadouga.

Toujours en 1993, j’avais initié un nouvel hommage à Bachir Hadj Ali en invitant Lucette sa femme et baptisant l’annexe de recherche sur la musique algérienne que je dirigeais en son nom, au sein du Palais de la culture d’Oran, dont j’étais le conseiller culturel. Elle était alors hébergée chez Bida la mère de A. Alloula pendant quelques jours et mangeait chez nous deux, Abdelkader ayant plus d’espace dans l’appartement familial.

C’est à partir de ce moment que le centre de gravité de l’activité culturelle et artistique s’était déplacée au Palais de la culture qui était devenu le moteur dynamisant le reste des structures et la vie artistique oranaise. Ce n’était pas du tout fortuit, car nous avions élaboré une stratégie culturelle de combat contre l’intégrisme par l’art et la culture. Et c’est à partir de ce temps-là que A. Alloula fréquentait plus le Palais de la culture que le T.R.O et nous avions formé un duo politico-artistique alors que le PAGS venait d’être dissolu en janvier 1993 et que nous n’avions pas suivi Ettahadi, tout en restant unitaire sur ce qui nous unissait avec ses militants… Les futurs initiateurs du PADS avait préféré prendre contact avec le réseau de feu M.B. Bachir dit ‘Ami paradoxalement, lui qui était lié à Fethi Bouchenak ; ce dernier ayant rejoint le groupe dit du F.A.M.

Les assassinats d’anciens militants du PAGS avaient déjà bien commencé et le danger devenait imminent. Dans un climat de désarroi, d’ébranlement de l’idéal communiste et de reniement, la résistance sur les divers fronts n’était pas chose facile. A Oran, grande ville commençaient alors à affluer vite ceux qui fuyaient malgré eux le danger de mort venant des petites villes et villages. Nous étions ainsi chargés de l’organisation de la solidarité avec nos anciens camarades.

Comme je venais juste de me marier en 1989, au passage à la légalité, j’avais un bébé: Bachir (né en fin 1991), sous ma responsabilité, sa mère étant tombée dans une maladie chronique depuis sa naissance. Et lorsque je l’emmenais parfois avec moi chez Bida, il était gâté aussi bien par elle que par Abdelkader qui adorait particulièrement tous les petits enfants. Et comme notre quartier était chaud, à côté de la mosquée dite de Cavaignac chaque vendredi matin nous partions ailleurs à cause des accrochages entre les islamistes et les forces de sécurité qui utilisaient le lacrymogène dont la fumée parvenait jusqu’à l’intérieur de notre chambre. Il y avait de facto une dualité du pouvoir qui s’installait progressivement, comme je l’avais souligné dans ma contribution envoyée à la conférence dite d’information des cadres du mois d’août de l’année 1990.

A.Alloula avait écrit la pièce‘’Ettafeh’’offerte par lui à Blaha Benmeziane et Sirat Boumediene qui venaient de créer leur propre coopérative pour les aider à bien démarrer et le Palais de la culture finança sa production. Tandis que lui il adapta ‘’Arlequin’’ qui avait connu une grande diffusion télévisée en plus de la tournée nationale de sa propre troupe. Toujours en cette année 1993, il avait été trop médiatisé dans une émission consacrée à son parcours artistique de dramaturge, metteur en scène et comédien.

Sur un plan politico-idéologique tout le bouleversement mondial n’avait pas ébranlé ses profondes convictions communistes. J’avais pris alors l’initiative d’organiser les artisans-artistes de diverses spécialités pour les lier au Palais de la culture par convention en mettant à leur disposition des espaces pour des expositions-ventes permanentes; et une rumeur circula que nous livrions des magasins à des privés dans le cadre de la politique de l’économie de marché. Il s’inquiéta auprès de moi, et j’avais dû le mettre au courant de la démarche que je pilotais en personne, en l’assurant que c’étaient des producteurs dans leurs propres ateliers qu’une commission spéciale vérifiait sur le terrain… Ainsi nous donnions un contenu non capitaliste à cette notion économique qui supplanta officiellement l’option socialiste.

En sa qualité de conseiller culturel de la municipalité d’Oran , il avait entrepris la rénovation et l’exploitation du moindre espace pour l’activité culturelle, à l’exemple de la salle ‘’Marhaba’, espace ‘’ Souiah Lahouari ’, etc…Et aussi il se distingua dans la sphère sociale, en particulier avec les enfants cancéreux. Il faut dire tout simplement que c’était dans sa nature ( le don de soi); il se plaisait à venir en aide aux démunis, aux malheureux, aux handicapés, SDF…

Sur un plan familial, on ne peut le comprendre sans saisir le type particulier de relation avec sa mère Bida (diminutif de Zoubida fait par ses petits-enfants). Il gérait tous les conflits de sa grande famille, malgré toutes les contradictions et désaccords dus à la diversité d’opinions, de convictions… Et il imposait un mode de vie austère chez lui à quiconque. Paradoxalement sa mort regrettée par tous libérera la satisfaction de multiples besoins et envies enfouis chez les membres qui partageaient son foyer au sens large dans la même grande maison. La porte sonnait à tout moment pour recevoir une chikaya, une demande d’aide, une médiation dans un conflit, le sourd-muet, le mendiant, le camarade venu de loin.

Depuis que j’ai connu A. Alloula qui me présenta à Bida, j’avais réussi à nouer une relation particulière avec elle et une complicité tacite. Elle durera même après sa mort plus d’une décennie, avant que je ne déménage du quartier et qu’elle ne meurt en 2008, lorsque je me trouvais résident à Tlemcen. Mais je visitais régulièrement sa tombe avec celle d’Abdelkader.

Bien sûr que beaucoup de choses changèrent pour elle,mais personne n’avait réussi à prendre la place de Kader auprès d’elle, ni sœur, ni frère… Elle me recevait parfois contre le gré, les pressions ou le conseil de certains, je lui rappelais tout simplement le dernier souvenir de Kader. Comme toujours elle m’offrait son café succulent et nous le pleurions tous les deux dans le calme! Et chaque vendredi matin elle est devant la tombe pour changer ses sept petites pierres et prier pour soulager son chagrin.

Dans notre relation il n’y avait ni intérêt, ni projet matériel commun, ni ‘’affaire’’ ou calcul quelconque comme on dit; il y avait juste l’amour de la patrie, l’amitié et la camaraderie purs pour le même idéal.

Oran, le 14 mars 2014 (à minuit).

B. Lechlech

(A suivre)

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‘ABDELKADER ‘ALLOULA – ARLEQUIN À NUMANCE

[

par Messaoud Benyoucef

braniya chiricahua

14 mars 2014

->http://braniya.blogspot.fr/2012/07/arlequin-numance_01.html]

'Abdelkader 'Alloula, grièvement blessé par balles le 10 mars 1994, décédera le 14 mars 1994, il  y a 20 ans. Son assassinat ne fut revendiqué par personne, les commanditaires d'un acte aussi abject étant bien trop lâches pour assumer leur responsabilité. Ce texte, en hommage à celui dont j'ai eu le privilège d'être très proche, a été écrit en 1999 et publié dans la revue

Il lui avait donné rendez-vous au café « le Djurdjura ». Le journaliste n’y avait jamais mis les pieds; mais quand il fut aux abords des lieux, il ne put s’empêcher d’éprouver de la gêne. « Décidément, cet homme-là ne faisait rien comme les autres », se dit-il.

Situé à l’orée de la vieille ville, noyau originel de la cité sur lequel veille, énigmatique et imperturbable, le saint patron des puisatiers[[Sidi-Lahouari, le saint patron de la ville d’Oran également.]], le café était idéalement placé pour s’offrir comme une halte bienvenue aux dockers qui remontaient du port, leur travail fini, en direction du téléphérique qui leur ferait enjamber la large faille bordant la ville pour les déposer sur les flancs de la montagne tutélaire où s’accrochent, dans un désordre indescriptible, leurs maisons hâtivement construites à coups de parpaings.

Par une rue adjacente, les éboueurs arriveraient en groupes compacts, sortant des entrepôts du service du nettoiement, coincés, tout près de là, entre l’imposante muraille du fort espagnol et les jardins du mess des officiers où il n’y a pas si longtemps une gazelle les regardait passer avec des yeux de velours débordant de nostalgie. Leur chef charismatique, un petit homme noir et bossu qui s’y connaissait en animaux, prétendait qu’elle était nourrie exclusivement de bon tabac blond américain. Il s’empressait toujours d’ajouter que les pauvres bêtes du jardin public n’avaient pas droit, elles, à un pareil traitement; et tout le monde se lançait alors dans une glose interminable sur la place respective des humains et des animaux dans la société. Le débat deviendrait encore plus vif au café car les dockers avaient une vision des choses et des bêtes sensiblement différente.

Le café était bondé. Dès l’entrée, l’odeur âcre du tabac brun, de la respiration et de la sueur des hommes entassés dans ce long boyau enfumé, le prit à la gorge. Les vociférations des clients, les hurlements du garçon lançant ses commandes au comptoir, le brouhaha de la place où se concentrent les terminaux des lignes d’autobus, rendraient vaine toute tentative d’enregistrer la conversation, pensa le journaliste. « Quelle idée de fixer un rendez-vous pour un entretien dans un endroit pareil! » se dit-il, passablement dépité.

Car il était décidé à « aller plus loin », comme l’on dit dans le jargon de la profession, avec celui qui venait de faire un énorme pied de nez au public. C’est du moins ce que le journaliste avait pensé au spectacle de cette pièce de théâtre qui, en rupture brutale avec tout ce que l’homme de l’art avait réalisé depuis plus de deux décennies, renouait avec le divertissement aimable et frivole, les costumes chatoyants et l’intrigue aux enchaînements conventionnels. Le journaliste entendait lui en demander raison; il avait affûté ses arguments, construit un questionnement implacable en espérant entendre, et en le redoutant tout à la fois, l’aveu d’un échec du théâtre engagé. Mais l’époque, après tout, n’était elle pas celle de l’échec des engagements, comme se plaisent à le dire les faiseurs d’opinion? Alors, un échec de plus ou de moins…

Le journaliste avait consulté une dernière fois ses fiches et repassé dans sa tête le film des questions et les postures qu’il était de bon aloi pour un homme de la plume d’afficher :

  •  » ‘Abdelkader ‘Alloula, vous venez, contre toute attente, de traduire et de réaliser « Arlequin, serviteur de deux maîtres » de Carlo Goldoni; ce choix, qu’il vous faudra motiver, n’est-il pas la négation même de toute votre quête dramaturgique depuis près de trois décennies?
  • ‘Abdelkader ‘Alloula, comment le brechtien convaincu que vous êtes, l’explorateur passionné du théâtre halqa populaire, le metteur en scène scrupuleux, à qui n’échappe pas le moindre détail, le comédien et le directeur de jeu exemplaire et exigeant, qui a donné au verbe la prééminence sur le corps et sur l’espace, qui a tenté une synthèse et un dépassement de Diderot, Stanislavsky et Brecht, peut-il expliquer ce retour à la commedia dell’arte et accepter de courir le risque de retomber dans la stéréotypie des personnages, l’inconsistance du texte et l’improvisation dans le jeu, aux seules fins, qui plus est, d’un divertissement dans le sens le plus classique du terme?
  • Pour le dire autrement, ‘Abdelkader ‘Alloula, vous, le pourfendeur obstiné de ce que vous appelez le théâtre d’agencement aristotélicien, c’est-à-dire de cette trinité, la mimésis, la catharsis et l’identification, qui constitue, selon vous, l’épine dorsale du théâtre bourgeois, ne pensez-vous pas que vous ayez remis en selle, aujourd’hui, ces catégories aristotéliciennes si décriées?
  • Enfin, ‘Abdelkader ‘Alloula, votre théâtre s’appliquait, jusqu’ici, à mettre en scène le petit peuple des cités, les simples gens aux prises avec les nécessités de la survie. Vous teniez la gageure de produire de l’art, donc du beau, à partir d’une réalité occultée par la tradition esthétique dominante. Et voilà aujourd’hui les classes oisives et aisées de retour sur votre scène! Alors? »

Le journaliste avait gardé pour la bonne bouche quelques questions subsidiaires. « Sait-on jamais, s’était-il dit; une fois que j’aurai fait donner la grosse artillerie, peut-être sera-t-il nécessaire de lui ménager une porte de sortie… Et puis, l’homme a de la ressource… j’aurais peut-être besoin moi-même de quelque esquive… »

  • « ‘Abdelkader ‘Alloula, « Arlequin », n’est-ce pas aussi une manière, malicieuse et fraternelle certes, de vous démarquer, encore une fois, de votre alter ego, Kaki[[Kaki Ould Abderrahmane, grand dramaturge, l’inventeur du théâtre algérien moderne]]? Lui, Piscator, vous, Brecht; lui, Carlo Gozzi, vous Carlo Goldoni; lui la fable et le merveilleux, vous, le réalisme et l’enquête sociologique?
  • ‘Abdelkader ‘Alloula, personne ne croira, connaissant votre culte de la métaphore et du non-dit, que ce « serviteur de deux maîtres » soit un choix innocent. Que vouliez vous suggérer par là? L’impossibilité de concilier les contraires? Ou l’inanité d’un choix entre deux solutions également dommageables?
  • ‘Abdelkader ‘Alloula, que peut proposer le théâtre face au déferlement de haine et de violence qui ravage le pays? Ne pensez vous pas que c’est son existence même que le théâtre est en train de jouer dans cette tourmente? »

Quand il sortit du café, le journaliste fut long à retrouver les bruits de la ville et la normalité du réel. Rien ne s’était passé comme il avait eu l’outrecuidance de le penser et il s’apercevait que beaucoup de choses échappaient encore à sa perspicacité. Le dramaturge avait parlé avec douceur et timidité; comme toujours; mais il y avait une grande tristesse dans sa voix et une expression étrange zébrait, par moments, son regard; quelque chose qui pouvait être une angoisse sourde perçait dans son propos. Il avait dit:

« – Nous sommes en 1993 et nous entendions célébrer le bicentenaire de la mort de Carlo Goldoni, celui-là même qui lutta contre la décadence de la commedia dell’arte et sa récupération par les classes parasitaires. Nous nous inscrivons dans l’universalité. Goldoni nous appartient comme les « Mille et une nuits » appartenaient à Carlo Gozzi[[Allusion à «L’oiseau vert» de Carlo Gozzi, adaptée d’un conte des 1001 nuits.]]. Nos recherches sur le théâtre nous ont mené à Goldoni et à Aristote eux-mêmes, avant que la bourgeoisie ne se fût emparée d’eux et ne les eût défigurés.

Nous sommes en 1993 et le message de notre ami Bertolt Brecht est plus que jamais présent en nous, dans notre réflexion, dans notre travail. “Nous déduisons notre esthétique comme notre morale des besoins de notre combat ”, disait il. Aujourd’hui, face à la montée des périls, nous estimons que l’art est plus que jamais sommé de prendre sa place, et sa part, au combat. Alors, nous avons choisi de nous adresser à la masse de nos jeunes, que nous sentons de plus en plus sensibles à la séduction de la destruction et de la mort. Que pouvions-nous, en tant qu’artistes, opposer à la majoration de la pulsion de mort, sinon le spectacle magnifié des jeux éternels de l’amour, de la beauté, de la vie, et l’offrir à ceux qui en sont si injustement et si cruellement privés? L’art n’est pas tenu d’apporter une réponse symétrique aux problèmes de la société, mais une réponse spécifique. Le théâtre ne peut rien proposer d’autre qu’un divertissement.

Simplement, nous pensons que ce divertissement peut, et doit selon notre conception propre, s’articuler à une recherche du vrai. S’il en est ainsi, alors le théâtre est, comme toute recherche de la vérité, une aventure incertaine et risquée, où un péril mortel peut jaillir, à chaque instant, au détour d’une apparence bousculée ou d’un simulacre renversé. Œdipe, dans sa quête terrifiante, a indexé définitivement cette tradition dans laquelle nous nous inscrivons quoi que nous fassions. On ne part pas impunément à la recherche du vrai, certes; mais où résident la grandeur d’Œdipe et le génie de Sophocle?

Permettez moi, pour finir, d’oser cette image que me suggère votre question sur le devenir de notre art. Notre théâtre se tient aujourd’hui en ce lieu où il lui faut tutoyer la mort, comme Hamlet dialoguant avec le crâne de Yorick. Mais le dialogue ne commence-t-il pas justement au moment même où l’homme se dédouble et se met à contempler son image, maintenant détachée de lui et lui faisant face, celle du néant? Le théâtre a l’éternité de l’homme devant lui. »

Les mots du dramaturge résonnaient dans la tête du journaliste comme un sinistre présage. Tout prenait le ton et la forme d’une sombre prophétie, chahutée cependant par des éléments scabreux, exorbitants de la juridiction de la tragédie antique, scellée à jamais dans ses codes implacables.

Il faut dire, en effet, qu’il y avait, faisant cercle autour d’eux, assis sagement et observant un silence pieux, les éboueurs et les dockers. Ils écoutaient avec attention, même s’ils ne comprenaient pas tout; leurs deux chefs respectifs, le petit homme noir à la gibbosité aussi célèbre que son verbe véhément et coloré et le patriarche à la barbe blanche et aux lunettes d’écaille à la monture rafistolée avec du sparadrap, se chuchotaient mutuellement à l’oreille, par moments, et confrontaient des chiffres sur des bouts de papier. Ils attendaient que l’entretien prît fin pour entamer avec le dramaturge un autre débat: sur quelles bases répartir l’argent collecté pour venir en aide aux ouvriers chômeurs de la grande entreprise de bâtiment, ruinée par le pillage fabuleux dont elle fit l’objet de la part d’hommes d’influence et de ses propres cadres?

Le journaliste fit quelques pas en direction de la place et s’arrêta brusquement, comme touché par la grâce. Ça y est! Il avait le titre de son article: « Arlequin contre la barbarie ». Percutant. Emblématique. Un rien énigmatique. Il repartit, guilleret, d’un bon pas, mais s’arrêta tout aussi brusquement, comme rappelé à l’ordre, désagréablement. “Le mot « barbarie » ne fait pas partie du lexique de cet homme. Je n’ai pas le droit…”

Il demeura un long moment songeur, debout, sur le trottoir. Et puis, subrepticement, un mot, un nom s’imposa à lui, finit par accaparer la scène tout entière de sa conscience claire; un nom coupé de toute signification. Numance… Numance… Numance… II Ie considéra avec curiosité, puis avec perplexité et comprit soudain d’où il venait et pourquoi il était là. Il y a près de 25 ans, le dramaturge avait adapté et mis en scène « Numance », de Cervantès.

La gorge serrée, la poitrine oppressée, le journaliste se rappela la scène finale de la pièce. Les Numantins, assiégés par les Romains, préfèrent, après une longue et héroïque résistance, se donner collectivement la mort, refusant de se rendre; le seul survivant, un adolescent, se tue devant Scipion plutôt que de lui remettre les clés de la cité. Le général vainqueur était vaincu par la mort de ses adversaires.

Le journaliste sut, alors, qu’il n’écrirait pas son article.

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Publié par messaoud benyoucef

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’ABDELKADER ’ALLOULA – ARLEQUIN À NUMANCE
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