VOIR SUR RAINA LA SÉRIE « ÉCHOS DES LUTTES DES TRAVAILLEURS »

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“échos des luttes des travailleurs”

Information précieuse qu’on ne trouve que de façon éparpillée dans la presse et sur différents sites d’information


ECHOS DES LUTTES DES TRAVAILLEURS

Bulletin No 18

lundi, 29 septembre 2014

http://www.raina-dz.net/spip.php?article628

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Avant-projet du code du travail

Le CLA veut unifier les syndicats

le 21.09.14 el watan

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_0]

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L’UNPEF dénonce l’exclusion des syndicats autonomes

par S. E. K.

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_1]

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Seul syndicat des travailleurs à la tripartite

UGTA, un porte-parole controversé des partenaires sociaux

Source : el watan

le 22.09.14

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_2]

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Tripartite

Un sursis pour la paix sociale

par : Karim Kebir

Source Liberté 21 Septembre 2014

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_3]

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Changement syndical ou politique ?

par : Salim Tamani

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_4]

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LE MINISTRE DU TRAVAIL, DE L’EMPLOI ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE À AÏN TEMOUCHENT

“Le SG de la Centrale syndicale s’est démarqué de la position de ceux qui dénigrent l’avant-projet du code du travail”

par : M. Laradj

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_5]

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Projet de loi portant code du travail

Les syndicats crient à la régression des droits sociaux

par : Hafida Ameyar

Source : liberté 27 Septembre 2014

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_6]

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Le sociologue Nacer Djabi s’exprime sur le monde du travail

“La précarité devient la règle”

par : Hafida Ameyar

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_7]

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Un arbre peut-il cacher la forêt ?

par : Hafida Ameyar

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_8]

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Pour se réapproprier l’organisation syndicale

L’alternative du comité de sauvegarde de l’UGTA

par : Hafida Ameyar

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_9]

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Constantine : le congrès de wilaya de l’UGTA prévu pour le 8 octobre

Nayla Hammoud

Source : El watan le 25.09.14

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_10]

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Ahmed Badaoui. Porte-parole du CNRS «Il y a de graves dérives à la direction de l’UGTA»

Ahmed Badaoui, porte parole du CNRS

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_11]

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Droits des femmes en milieu professionnel

Le Snapap dénonce des atteintes à la dignité

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_12]

Actualités : Selon le SG de la fédération du textile
Les usines tournent à 25% de leurs capacités

L’Etat au secours d’ArcelorMittal Algérie

un second concours de recrutement d’enseignants en décembre

Actualités : Selon le SG de la fédération du textile
Les usines tournent à 25% de leurs capacités

[Mascara : Sit-in des économes devant la direction de l’éducation

par Khenouci Mostefa

Source : le quotidien d’Oran
->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_17]

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Nouveau pôle universitaire de Koléa

Le pôle d’Excellence en mal de réussite  !

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_18]

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Infraction à la réglementation du travail

La cimenterie de Zahana poursuivie en justice

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_19]

Oran : Les accidents mortels explosent sur les chantiers

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UN DÉBRAYAGE PAS COMME LES AUTRES À BÉJAÏA

Le harcèlement moral dénoncé publiquement

par Arezki SLIMANI –

Source : l’expression 27 Septembre 2014

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_21]

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El Tarf – Les travailleurs bloquent le siège de la SEATA

par A.Ouelaa

Source : le quotidien d’Oran

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_22]

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Aïn-Temouchent : Les agents d’entretien des routes protestent

par Mohamed Bensafi

Source : le quotidien d’Oran

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_23]

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Les travailleurs de l’Enad ferment le chemin de wilaya n°127

par : A. Debbache

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_24]

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Huis clos entre Amar Ghoul et les travailleurs du tramway d’Oran

Le ministre s’engage à régler la question des CDD

par : D. LOUKIL

Source : Liberté 23 Septembre 2014

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_25]

[

L’association des chômeurs hausse le ton

par Salah-Eddine K.

Source : le quotidien d’Oran

->http://www.raina-dz.net/spip.php?article628&lang=fr#outil_sommaire_26]


CONTROVERSES AUTOUR DE LA « RÉCONCILIATION NATIONALE »: UN ÉDITORIAL DU QUOTIDIEN D’ORAN

DES DÉCENNIES DE STATUQUO

par K. Selim

Le Quotidien d’Oran

le 30 septembre 2014

Faut-il enterrer la «réconciliation nationale»? Chez certains analystes qui font dans une lecture décennale biaisée, c’est un produit des années 2000 de Bouteflika au bilan «globalement négatif», car il aurait «dévié» du cap des années 90.

Peu leur importe que du point de vue de la chronologie historique, la «réconciliation» des années 2000 n’a fait que donner un contenu «politico-juridique» à des arrangements conclus en 1997 avec Madani Mezrag, «militaire» qui a «dépassé» les politiques du FIS.

Peu leur importe, non plus, de voir qu’il ne s’agit que d’un élargissement des dispositions de la Rahma de 1995. La tendance à manier des couleurs à plaquer sur les décennies fausse la lecture et ne permet pas de comprendre vers quel dépassement de la «réconciliation» doit-on aller.

La conjoncture marquée par l’assassinat d’Hervé Gourdel en Kabylie et une situation d’absence manifeste au sommet de l’Etat donnent lieu à une répétition de clichés sur les décennies.

En réalité, du point de vue du régime, la réconciliation, comme la Rahma, fait partie du traitement sécuritaire de la crise qui dispense d’aborder la question politique. Et avec des milliers d’hommes qui ont abandonné les armes pour rentrer dans la vie civile sans contrepartie politique, le bilan pour le régime est très largement positif.

Il n’y a aucune comparaison possible entre la situation sécuritaire d’aujourd’hui et celle des années 90. Et ceux qui pourfendent la «réconciliation» de Bouteflika ne semblent pas se rendre compte que la population en général n’oublie rien des années 90 et ne les porte pas au pinacle comme les idéologues.

Le processus de réconciliation mis en œuvre étant fondamentalement sécuritaire, il ne pouvait -et ne devait- du point de vue du système que déboucher sur le maintien du statuquo. Sur ce registre, l’action des hommes du régime, que ce soit dans les années 90 ou 2000, est marquée du sceau de la continuité.

La réconciliation a été une solution du régime, pour le régime, et la société a profité, de manière relative, de l’amélioration de la situation sécuritaire combinée à un retour d’aisance financière à partir du milieu des années 2000.

Ceux qui pourfendent la réconciliation de «Bouteflika» prônent de facto un retour à un discours éradicateur très idéologique -que les tenants du régime plus «pragmatiques» n’ont jamais réellement assumé- devant se traduire par l’évacuation des islamistes du champ politique. Voire, la peur des classes dangereuses étant toujours présente, par la mise en place d’une forme de «despotisme éclairé». Cette vieille lune qui ne cesse de revenir comme argument au renouvellement des vieilles pratiques et du statuquo.

Même si la conjoncture est devenue médiatiquement anxiogène après l’assassinat du ressortissant français ou la mort de soldats à Telagh, la «réconciliation», qui est celle du système et pas de Bouteflika, n’est pas attaquable par le biais de l’argument sécuritaire.

Dans ce domaine, son «rendement» est très bon. Mais, c’est un rendement précaire qui ne crée pas une stabilité durable. Le défaut de la réconciliation est dans son objectif : maintenir le statuquo politique.

Les réconciliations abouties sont celles qui se sont accompagnées, comme en Afrique du Sud, d’un vrai changement politique, d’un changement de régime. Cela n’a pas été le cas en Algérie et c’est bien ce qui rend les choses fragiles.

Les thèmes de l’amnistie ou la tentative de relancer le discours idéologique de l’éradication fonctionnent comme des diversions. Le vrai enjeu est posé depuis 1988 : changer de régime pour aller vers une vie politique dynamique, sérieuse, vertueuse et créatrice d’adhésion.

LIBYE, LE SENS D’UN CHAOS

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| © D. R.

Ali Bensaâd [[Ali Bensaâd : Maître de conférences Aix-Marseille Université]]

[El Watan – contribution

le 14 septembre 2014->http://www.elwatan.com/contributions/libye-le-sens-d-un-chaos-14-09-2014-271174_120.php]

Comme l’Irak, la Libye se retrouve dans la strate chaotique des bouleversements qui redessinent le monde arabe.

Dans cette zone de convulsions extrêmes, le chaos libyen semble faire écho à celui irakien et la trajectoire de la Libye vouée à être similaire à celle de l’Irak. L’intervention militaire occidentale est plus que souvent invoquée comme le facteur déclencheur de ce chaos, c’est elle qui aurait ainsi brutalement dessiné cette similarité dans la marche vers le chaos.

Cette intervention marque effectivement, dans les deux cas, le début de l’effondrement institutionnel qui a ouvert la voie au désordre social et sécuritaire. Cela est vrai. Mais seulement en partie. Et sa pertinence est surtout chronologique. Faut-il rappeler que la Syrie n’a pas eu besoin de connaître une telle intervention pour aboutir à une situation bien plus critique, en tout cas par rapport à la Libye. L’enkystement de la violence dans le corps social, la fragmentation sociale et l’éclatement territorial y sont autrement plus importants et dévastateurs.

L’intervention étrangère a certes été un facteur aggravant. Mais elle n’aura fait que précipiter l’expression des faiblesses et ambiguïtés qui pèsent sur le devenir démocratique de ces pays. C’est elle qu’il faut d’abord interroger.

En Libye, comme en Syrie, la rapide et brutale militarisation de la répression a vite fait de piéger les contestations en précipitant l’émergence d’une résistance armée qui n’a pu échapper à sa prise en otage par des «seigneurs de guerre». Elle révélait ainsi que la brutalité et le niveau de sophistication de la répression étaient encore bien en dessus des capacités de structuration et d’enracinement des contestations.

L’ascendant pris par les milices en Libye date déjà de ce moment, bien avant l’intervention étrangère. Le CNT (Conseil national de transition) formé dans la précipitation de la répression par des élites en exil ou transfuges du régime, a pu être une interface efficace à l’international, obtenant reconnaissances et soutiens dont l’intervention de l’OTAN qu’il a demandée, mais dès le départ et bien avant l’intervention il n’a jamais réussi à établir son autorité ni même des relations étroites avec et entre les divers acteurs d’une insurrection qui s’est réalisée au travers de mobilisations locales autonomes.

La désintégration des structures étatiques n’a pas été comme en Irak le résultat de leur démantèlement par les forces extérieures de l’intervention mais celui des luttes de pouvoir entre libyens mêmes qui ont réussi tout aussi rapidement à liquider un héritage étatique qui, il faut le rappeler, avait déjà été rendu quasi insignifiant par le pouvoir déchu.

La crise en Libye est le produit de luttes de reclassement entre ses élites. Celles-ci sont une conséquence courante des insurrections victorieuses mais, en Libye, elles peinent à être tranchées. Elles n’opposent pas «islamistes» et «libéraux», termes par ailleurs très équivoques dans le contexte libyen, même si les islamistes sont un des acteurs du conflit et y prennent une importance croissante.

Elles opposent nouvelles élites issues de la révolution et élites, reconverties ou non, issues des notabilités déjà établies. Elles se nouent particulièrement autour de la place des révolutionnaires dans les institutions. C’est elle qui pose problème et a ouvert une brèche, comme alliés conjoncturels, à des islamistes en mal de légitimité et dans leur foulée aux djihadistes. Comme elle a ouvert une brèche à toutes les surenchères et dérives.

Certes issue des urnes, la configuration politique mise en place au lendemain des élections de 2012 a remis sur scène les anciennes notabilités. Les parlementaires de l’AFN (Alliance des forces nationales), parti dont a été issu le gouvernement Zeidane, sont pour leur majorité issus des grandes familles et classes aisées. Plusieurs d’entre eux étaient responsables sous El Gueddafi. C’est aussi le cas de ministres. Cette configuration évitait certes l’écueil du scénario irakien de la liquidation des anciennes élites. Mais elle faisait naître un autre obstacle, la marginalisation des révolutionnaires artisans de la chute d’El Gueddafi dont l’intégration n’a pas su être négociée autrement qu’en marchandages clientélistes individualisés.

Mais dans les bastions révolutionnaires à l’image de Misrata, a émergé une nouvelle élite politique et militaire qui a forgé elle-même son ascension et son nouveau statut, investissant corps et biens dans la lutte. La puissance militaire de ses milices reste le garant de la pérennité de son nouveau statut tant que celui-ci ne peut être reconverti sous des formes civiles. Elle revendique un remodelage en profondeur de l’élite politique et économique pour s’y attribuer une place importante, invoquant la légitimité de l’insurrection et la nécessaire «défense de la révolution».

Même si sous cette revendication dominent plus que souvent des ambitions personnelles dont les dérapages augmentent l’exaspération des populations, la légitimité sociale des insurgés et la force de leur symbolique révolutionnaire opèrent encore auprès de parties importantes de la population, notamment dans les régions qui ont subi le plus la répression comme Misrata. Elles arrivent même à inhiber le désir des autorités de les contrer.

Misrata et Zintan, localités emblématiques chacune d’un des deux camps, incarnent également une divergence dans les soubassements sociétaux et l’histoire politique. Misrata, vieille cité urbaine entreprenante et siège d’une République autonome au début du XXe siècle, a tôt manifesté son opposition à El Gueddafi et en a subi une durable répression de ses élites. La région de Zintan où l’imaginaire tribal est resté vivace (Zintan désigne à la fois la ville et la tribu), avant de se démarquer d’El Gueddafi et de se retourner contre lui, avait été, bon gré mal gré, un élément du jeu tribal de ce dernier. Cette divergence de trajectoire est un des fondements des difficultés de réconciliation.

Non tranchée, ni par la force ni par le compromis, cette lutte de reclassement a donné lieu à des surenchères comme la «loi d’exclusion politique», nœud autour duquel se sont tramés les conflits qui ont abouti à l’aggravation actuelle. Partie de l’idée consensuelle d’écarter les piliers du régime El Gueddafi, elle a été radicalisée par les révolutionnaires frustrés et élargie à l’exclusion de tout responsable ayant servi sous El Gueddafi depuis son arrivée au pouvoir, y compris ceux devenus de longue date ses opposants. Elle a décimé l’armée régulière et les administrations et marginalisé une part importante de l’élite politique dont des fondateurs du CNT et le président du Parlement, l’un des plus vieux opposants à El Gueddafi. Mais elle a surtout fermé le jeu politique et bloqué les organes de la transition. L’escalade militaire du général Hafter au mois de mai visait entre autres à déverrouiller cette loi dont le général lui-même ainsi que le responsable militaire des Zintan Othmane Meliqta ou Mahmoud Djibril, leader de l’AFN, étaient victimes.

Plus organisés, les islamistes se sont renforcés de leur positionnement dans le camp des révolutionnaires. Mais ce dernier ne s’y réduit pas. Il est fait d’un assemblage hétéroclite allant des islamistes à l’ancienne opposition en exil, la minorité amazighe ou les groupes de loyauté locale comme Misrata dont les combattants ont fourni le noyau des «boucliers de Libye» du centre, trop hâtivement réduits à des islamistes.

Des conflits les opposent pourtant, comme l’a illustré la bataille pour le contrôle de la base navale de Tripoli. Omar El Hassi, que les islamistes de l’Assemblée sortante viennent de désigner comme «Premier ministre», avait été en juin leur candidat contre le Misrati Ahmed Miitig. Malgré la faiblesse de leur poids électoral qui se confirme toujours, l’alignement des islamistes sur le radicalisme des révolutionnaires leur a offert le champ d’influence et la légitimité qui leur manquaient, surtout que la question du rôle de la religion dans la législation ne suscite nullement débat et n’est pas vecteur de mobilisation politique.

Le conservatisme religieux fait consensus au sein de la société libyenne et aucune force non islamiste ne se revendique par ailleurs de la laïcité. Il faut rappeler que c’est le CNT, dont la majorité des dirigeants est plutôt identifiée à l’actuel courant dit «libéral», qui a décrété la «Charia» comme source de loi suprême et que celle-ci figure dans le statut de l’AFN «libérale». C’est en se coulant dans le radicalisme des
révolutionnaires et en l’exacerbant que les islamistes se sont mis politiquement en selle, d’autant que la loi d’exclusion politique ne pouvait les toucher. La plupart de leurs cadres ont intégré la confrérie à l’étranger et ceux nombreux de l’intérieur, qui avaient intégré le staff de Seif El Islam, y échappent aussi car, malgré le statut d’héritier de ce dernier et les considérables moyens dont il disposait, il n’est pas considéré au vu de cette loi comme un lieu de pouvoir formel.

Fortement présents dans les nouvelles structures sécuritaires, les Frères musulmans n’ont pas seulement cultivé une passivité bienveillante à l’égard des djihadistes comme lors de la destruction des mausolées, les attaques contre les intérêts occidentaux ou les assassinats de militaires. Une perméabilité et une transfusion régissent les rapports entre leurs milices. Aujourd’hui elles combattent ensemble. Le positionnement des islamistes, notamment à l’égard des djihadistes, est celui qui pose plus question pour la stabilité. Au-delà du cas libyen, il pose la difficulté du courant islamiste à faire son aggiornamento et à se différencier des conceptions totalitaires et violentes.

Dans un contexte moins contraignant qu’en Tunisie, et avec encore plus de marge qu’en Egypte, la course des islamistes dans la surenchère avec les djihadistes a légitimé et ouvert un espace politique à ces derniers dont l’ancrage civil est faible. De la France de 1944 à l’Algérie de 1962, la reconstruction de l’Etat a toujours buté sur le traitement de la question des insurgés. Commencée en 1962 avec la guerre de «l’armée des frontières» contre les «Wilayas de l’intérieur», la «normalisation» en Algérie ne s’est achevée qu’au milieu des années 1970 après plusieurs tentatives de coup d’Etat dont une réussie et de nombreux assassinats politiques visant les leaders de la Révolution.

En Libye comme ailleurs, le fait insurrectionnel, au-delà du changement de régime qu’il a produit, a été surtout un acte politique et un mythe refondateur. Malgré ses perversions et malgré son potentiel objectivement déstabilisant, il reste un élément cristallisateur indispensable d’un nouveau contrat social. Sa prise en compte et son intégration (par la place des hommes et la réappropriation des symboles) est une condition à la stabilisation et la possible neutralisation des milices et l’éloignement du risque de jonction entre acteurs locaux de la révolution et extrémisme islamiste ou délinquance armée. Si pression de l’extérieur il doit y avoir, il faut qu’elle s’exerce dans le sens de la réconciliation entre ces deux pôles politiques et sociaux, incapables de toute façon de se départager par la force.

Dernier ouvrage paru sur la Libye: “La Libye révolutionnaire”, «Politique Africaine», Paris, Karthala, mars 2012.

Ali Bensaâd : Maître de conférences Aix-Marseille Université

23 SEPTEMBRE 2014: DISCOURS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU HEBZOLLAH (EXTRAITS)

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https://www.youtube.com/watch?v=7di5nDl8Mc0

Discours du Secrétaire Général du Hezbollah

le 23 septembre 2014

Sous-titres français

Dans cet extrait, Sayed Hassan Nasrallah explique pourquoi le Hezbollah est opposé à la participation du Liban à la coalition internationale contre l’Etat Islamique menée par les Etats-Unis, qu’il considère comme la source du terrorisme et accuse de vouloir s’implanter à nouveau au Moyen-Orient au prétexte de cette coalition.

Le Liban fait face à des agressions répétées de la part de l’EI et du Front Al-Nosra, qui ont capturé 22 soldats libanais et exécuté trois d’entre eux, mais Hassan Nasrallah considère que le Liban est tout à fait capable de faire face à ce danger, et qu’il n’est pas dans son intérêt de s’allier aux Etats-Unis.


VOUS ÉTIEZ TROP ARMÉES… IMMENSÉMENT ARMÉES!

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_________________

Merci Fateh,

d’avoir honoré la mémoire de ces héroïnes des batailles de l’enseignement,

d’avoir exprimé la douleur et les espoirs d’un peuple assoiffé de paix et de savoir

Avec en profondeur la force invincible de ceux et celles qui

YATLOUBOUNA L 3ILMA WA LAW BI TADHHIYYATIHIM.


Le message de ces enseignantes martyres et de leurs sœurs dans le sacrifice est bien passé:

le pourcentage des étudiantes, avec et sans hidjab, est devenu majoritaire à l’Université


À la mémoire de Mesdemoiselles et Dames:

DICH AMINA,

TOUNSI AZIZA,

BOUDAOUD KHIRA,

BOUTERAA RACHIDA,

MEHDANE ZOHRA,

BOUHEND FATIMA,

FLIOU MHAMDIA,

LOUHAB NAIMA,

LENFAD HAFIDA,

CHERID KHIRA

HANAFI SAHNOUNIA

ces onze femmes sauvagement assassinées sur la route de SFISEF -SIDI BELABBES par la main criminelle et terroriste qui a endeuillé notre peuple plus d’une décennie durant et qui continue de le faire!

Ces, ennemis déclarés de notre peuple, de ses intellectuels, ses artistes, ses producteurs, ses femmes, ses bergers et paysans!

Oui ils se sont attaqués par traîtrise à l’Algérie créatrice et de progrès! celle qui hier a vaincu et qui vaincra toujours!

Notre peuple résistant a payé le prix lourd à l’exemple de ses onze enseignantes qui, en pleine décennie de terreur, ont assuré leur devoir de semer le savoir, sans protection, chaque matin traversant des campagnes et zones reculées entassées dans des mini bus jusqu’à leur mort! Le 27 septembre 1997, en rase campagne sur une route entre Sfisef et Sidi Bel Abbes dans l’ouest ALGÉRIEN.

Elles ont été attaquées et affreusement égorgées par une horde de plusieurs dizaine de semeurs de mort armés jusqu’aux dents!

Car le danger était grand! c’était des enseignantes femmes!

Pour ces travailleuses et pour toutes les victimes de la barbarie terroriste,

Je dédie ces mots

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Vous étiez trop armées !

Face aux mutants,

O ! Mes damnées !

Avec cartables, et crayons

******

Sur vos chemins d’éveil,

La mort traîtresse !

Ôta vos stylos, vos feuilles

Et l’ardente jeunesse !

******

Et de vos rêves blindés

En bus pleins à ras bords !

Dès l’aube décidés

Enlaçant l’aurore

******

Vous étiez trop armées !

Avec de la blanche craie,

D’ardoises d’amour

Et de poèmes secrets !

*******

Arsenal vous étiez

De beauté sublime

De lumière métier

Survolant l’abîme

*******

O poème ailé !

Ils égorgent les rimes

Pour ne plus voler

Et nicher en vos cimes

******

Et quand la traîtresse lame,

Brisa les quatrains !

Onze vers en flammes

Ont appelé demain !

*******

Onze cris des entrailles !

Même le ciel s’est caché

De peur qu’il se maille

De têtes arrachées !

******

C’était le dernier acte

Mes dames du savoir

De l’immonde secte

Faiseuse de mouroir !

*******

Abbasiates [[femmes natives de Sidi Bel Abbés ville de l’ouest Algérien]] notre douleur

Faites nous nous cet honneur

Donnez nous la chance

De sentir votre hauteur !

******

Vous étiez trop armées !

Donnez vos affaires,

Au poème déclamé

Demain restera à faire !

FATEH AGRANE

Copyright tous

droits réservés

21 09 2011


sur socialgerie voir aussi article 577


LES OCCIDENTAUX NE COMPLOTENT PAS, ILS « EXPÉRIMENTENT »

DR

Le grand boulevard ouvert aux «djihadistes» par les Américains en 2003 a continué de s’élargir, au vu et au su de tous. Daech n’est pas une surprise mais une conséquence logique, peut-être «non souhaitée», d’une démarche politique vicieuse dont la finalité semble bien être le démantèlement de l’Irak.

Cela se fait, aussi, pour la Syrie où les Occidentaux font mine d’être surpris que la «bonne opposition» est débordée. Et on ne sort d’ailleurs pas de ces schémas. A la situation, épouvantable, dans laquelle se trouve la Syrie où le Daech a sa direction, que propose le Pentagone? Il nous faut 12.000 à 15.000 «rebelles syriens» pour combattre le Daech? On fait mine d’oublier que le Daech ou le Front Al-Nosra sont constitués de ces rebelles «soutenus» hier et qui sont devenus les «ennemis» d’aujourd’hui. On mène une politique qui fabrique le Daech et on œuvre à fabriquer un traitement qui peut, lui aussi, muter en un autre Daech.


« La destruction de l’Etat irakien par les Etats-Unis était l’acte de naissance futur du Daech. La « reconstruction » menée sous l’égide des Américains s’est fondée, délibérément, sur une démarche qui a alimenté le sectarisme et les divisions ».

[

M. Saadoune

Le Quotidien d’Oran – éditorial

le 28 septembre 2014

->http://www.lequotidien-oran.com/?news=5203896]

[

repris sur le blog algerieinfos-saoudi

le 28 septembre 2014

->http://www.algerieinfos-saoudi.com/2014/09/les-occidentaux-ne-complotent-pas-ils-experimentent.html]

Les Occidentaux ont l’art, d’une efficacité de moins en moins probante, de faire des choses qui provoquent des dégâts et d’en rendre les autres responsables. Et on est réellement fatigués de devoir expliquer à chaque fois que souligner leur très grande responsabilité ne relève pas du déni des «Daech» qui sont en nous ou d’une théorie de la conspiration.

Le monde arabe est travaillé par des dynamiques contradictoires et celle de la régression, sans être irrésistible, est puissante. Cette régression est soutenue par nos dictatures et nos autoritarismes qui ne cultivent pas l’ouverture mais l’enfermement même si les castes dirigeantes vivent, physiquement, dans les pays occidentaux. Il y a chez les élites au pouvoir dans le monde arabe un mélange de mépris, de violence et d’incapacité à prévoir qui ne peut qu’annoncer les catastrophes. Et ces élites, parce qu’elles ne sont pas comptables devant des peuples-électeurs souverains, n’ont pas de vrais agendas nationaux. Leur responsabilité est grande dans les dégâts qui se commettent avec des pays qui se défont et se détruisent. On doit le souligner avec force. Mais cela n’est pas une raison d’occulter la part, décisive, des Occidentaux dans ce qui arrive dans le monde arabe.

Les Occidentaux sont en train de vendre l’idée que le Daech est une menace «nouvelle», à nulle autre pareille, et qu’elle exige une mobilisation mondiale contre lui. Barack Obama n’a pas repris le slogan bushien qui «n’est pas avec nous est contre nous», mais c’est tout comme. On est dans un jeu où plus l’assertion est énorme et plus on croit qu’elle passe. Il n’y a pas à contester que les gens du Daech sont des personnages sinistres et abjects. Et qu’ils sont, au fond, l’aboutissement d’un abrutissement orchestré depuis des décennies par les grands moyens de l’Arabie Saoudite et des monarchies du Golfe.

Mais ces constats généraux, justes, ne dispensent pas de rappeler, de manière factuelle, que la destruction de l’Etat irakien par les Etats-Unis était l’acte de naissance futur du Daech. La «reconstruction» menée sous l’égide des Américains s’est fondée, délibérément, sur une démarche qui a alimenté le sectarisme et les divisions. Cela fait dix ans que dans ces colonnes, on fait les constats d’une entreprise systématique de destruction de l’Irak par l’injection du poison sectaire. Les Saoudiens et les autres monarchies l’ont fait au nom de l’impératif de s’opposer à «l’arc chiite». Al-Maliki, appuyé par l’Iran, a également joué un rôle d’accélérateur.

Le grand boulevard ouvert aux «djihadistes» par les Américains en 2003 a continué de s’élargir, au vu et au su de tous. Daech n’est pas une surprise mais une conséquence logique, peut-être «non souhaitée», d’une démarche politique vicieuse dont la finalité semble bien être le démantèlement de l’Irak.

Cela se fait, aussi, pour la Syrie où les Occidentaux font mine d’être surpris que la «bonne opposition» est débordée. Et on ne sort d’ailleurs pas de ces schémas. A la situation, épouvantable, dans laquelle se trouve la Syrie où le Daech a sa direction, que propose le Pentagone? Il nous faut 12.000 à 15.000 «rebelles syriens» pour combattre le Daech? On fait mine d’oublier que le Daech ou le Front Al-Nosra sont constitués de ces rebelles «soutenus» hier et qui sont devenus les «ennemis» d’aujourd’hui. On mène une politique qui fabrique le Daech et on œuvre à fabriquer un traitement qui peut, lui aussi, muter en un autre Daech.

DR
Parlant de la Libye, l’écrivain et ancien ambassadeur français, Jean-Christophe Rufin, a noté qu’il était dangereux de penser «qu’il faut faire quelque chose sans réfléchir à ce que l’on fera après. On l’a fait ces dernières années en Libye et un peu partout. On fait tomber un dictateur, et on laisse le chaos derrière nous. Cela n’a pas de sens». En réalité, c’est bien la démarche. On lance les choses et on ne se soucie pas de ce qui peut arriver, sachant -et cela est historiquement prouvé- que les seules dynamiques vertueuses sont celles qui viennent des sociétés elles-mêmes. Une révolution, une démocratie ne s’exportent pas. Cela ne relève que de la manipulation et de la violence.

Les Occidentaux ne complotent jamais -ces termes sont réservés aux Russes et aux autres Chinois- mais ils «expérimentent». Et quand ils fabriquent un monstre, ils laissent croire que c’est de la génération spontanée. Après tout, ceux qui souffrent de ces expérimentations, ce ne sont que des femmes, des enfants et des hommes de lointaines contrées.

Source: Le Quotidien d’Oran

« LA GUERRE D’ALGERIE. LES MOTS POUR LA DIRE »

_________________________

LES MOTS POUR LA DIRE, LA GUERRE D’ALGÉRIE

blog braniya blogspot – chiricahua

le 20 septembre 2014

sous la direction de CATHERINE BRUN,

à paraître aux éditions du CNRS,

le 02 octobre 2014.

Quatrième de couverture :

« C’est un lieu commun que les relais médiatiques et les commentateurs pressés manient encore avec gourmandise : la guerre dite d’Algérie aurait été une «guerre sans nom».

Dès l’origine, ce conflit a mobilisé des termes très divers visant à masquer la guerre derrière une prétendue «affaire intérieure» : dire ou écrire «événements», «pacification», «maintien de l’ordre», «opérations de police», ce n’est pas la même chose que de dire ou écrire «révolution», « guerre d’indépendance», «guerre de libération».
Pour chacune de ces options verbales, quels locuteurs, quand, où, pourquoi? Quelle valeur d’usage?
Les textes rassemblés ici émanent d’universitaires, d’intellectuels, d’artistes:
Étienne Balibar, Mathieu Belezi, Slimane Benaïssa, Messaoud Benyoucef, Catherine Brun, Jean Daniel, Daho Djerbal, Fatima Gallaire, Jeanyves Guérin, Jacques Guilhaumou, Pierre Guyotat, Julien Hage, Daniel Lançon, Francine Mazière, Gilbert Meynier, Edgar Morin, Bernard Noël, Nathalie Quintane, Régine Robin, Todd Shepard, Pierre Vermeren.
Ils s’attachent à penser la charge souvent brutale, toujours vive, de termes dévoyés, de silences subis, d’abus de langage.

Ils manifestent la diversité et la concurrence de désignations irréductibles et irréconciliables.

Ils dénoncent les unanimismes de façade. I

ls récusent les réductions et les simplifications consensuelles.

Ils lient cette histoire et notre présent.
Catherine Brun est maître de conférences en littérature à la Sorbonne nouvelle – Paris 3.

Ses travaux portent sur la littérature et le théâtre du deuxième vingtième siècle, et leur rapport au politique.
Derniers ouvrages:
“Engagements et déchirements, les intellectuels et la guerre d’Algérie” (IMEC/Gallimard, 2012);
“Algérie : d’une guerre à l’autre” (PSN, 2014).

Sommaire

Introduction. “Les mots en partage”

Catherine Brun ……..…………………………………………………………… 9
“Désignations d’une guerre en cours”

Pierre Guyotat ………………………………………………….. 29
“Ressentis d’une guerre non déclarée”

Nils Andersson ….. ………………………………………………………………35
“Ce n’est pas ce que c’est”

Bernard Noël ……………. ……………………………………………………51
“Voix et échos de l’opposition à la guerre”,

Julien Hage …..…………………………………………………………………… 53
“La blessure”

Jean Daniel …………………………………………………………… 71
“Mauriac et les autres. Un dreyfusisme
catholique (1954-1957)”


Jeanyves Guérin …………………. ………………………………………75
“Cité des hommes et cité de Dieu dans les écrits
religieux de la guerre d’Algérie”


Daniel Lançon …………. ……………………………………………………93
“Nommer la guerre d’Algérie et ses combattants :
essai d’interprétation des registres linguistiques
et sémantiques algériens”


Pierre Vermeren …………………. ……………………………………113
“La révolution saisit la langue”

Messaoud Benyoucef …………………………………………. 131
“La « révolution » du FLN (1954-1962)”

Gilbert Meynier …. ……………………………………………………………141
“La guerre d’Algérie: une «guerre sans nom»?”,

Slimane Benaïssa ……………………………………………… 167
“Une guerre, deux grottes : lecture croisée
de La Grotte et de La Grotte éclatée”


Afifa Bererhi …….. ……………………………………………………………177
“Je suis en colère”

Mathieu Belezi ……………………….………………………………… 191
“Domestiquer pour réformer. Le rejet français
de la référence «coloniale» pour définir le conflit”
,

Todd Shepard ………………………………………………………. 193
“On va faire quelque chose qui ne se verra
pas dans un endroit où il n’y a personne”


Nathalie Quintane …………………………………………….. 209
“Distorsions verbales et mobilisations littéraires”

Catherine Brun …………………………………………………….. 215
“Une poly-tragédie”

Edgar Morin

(entretien avec Catherine Brun) ……………………………… 229
“La première analyse de discours sur l’Algérie” la thèse
de Denise Maldidier (1969)


Jacques Guilhaumou, Francine Mazière, Régine Robin … …241
“Pour une autre épistémê”

Étienne Balibar et Daho Djerbal …………………………….…255
“Dis- moi de quoi tu meurs”

Fatima Gallaire ……….……………………………………………………… …287
Les auteurs ………………………………………………………. 309
Liste des sigles utilisés ………………………………………….317
Index ……………………………………………………………….319

Publié par Messaoud Benyoucef

http://braniya.blogspot.fr/2014/09/les-mots-pour-la-dire-la-guerre-dalgerie.html


EBOLA, BRING BACK OUR DOCTORS!

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Dans le contexte de la crise Ebola, Bertrand Livinec et Simon Kaboré focalisent l’éclairage sur le problème des ressources humaines en santé en Afrique, et mettent en situation de responsabilité les politiques migratoires de certains pays du Nord dans cette situation qui pratiquent un brain drain très préjudiciable à l’Afrique depuis de nombreuses années.

Par Bertrand Livinec et Simon Kabore

Publié le 23 Sep, 2014

Avec plus de 2800 morts et des risques de progressions alarmants pouvant atteindre 20 000 cas d’ici novembre, l’épidémie de fièvre Ebola met en lumière l’échec généralisé des politiques de santé menées depuis des décennies dans les pays africains.

Impulsées le plus souvent par les organisations internationales, les stratégies lancées par ces Etats dans le domaine de la santé n’ont en rien permis de pallier le manque de moyens et de personnel médical dont souffre le secteur. Au contraire, l’exode des professionnels de santé africains vers les pays du Nord incapables de former suffisamment de personnels de santé continue de peser lourdement sur les effectifs. Une pénurie de médecins qui a particulièrement favorisé la propagation d’Ebola.

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Fin septembre 2014, la crise Ebola qui secoue plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest n’est toujours pas sous contrôle. Récemment, lors d’un discours aux Nations Unies, la Présidente de Médecins Sans Frontières a avoué que le monde était en train de perdre la bataille contre Ebola.

Plus de 2600 personnes sont décédées selon les chiffres de l’Organisation Mondial de la Santé, les professionnels de santé ayant déjà payé un lourd tribut.

Une crise sans précédent

Cette crise Ebola est, de loin, celle qui aura eu les conséquences les plus graves depuis la découverte de ce virus en 1976. Les précédentes avaient été maîtrisées en quelques mois et n’avaient jamais pris une telle ampleur. Auparavant, le nombre maximum de cas avait été constaté en Ouganda en 2000 avec près de 425 cas. Jusqu’à la crise actuelle, le pic de décès du à Ebola avait quant à lui été observé au Zaïre en 1976 avec près de 260 cas.

Contrairement à ce qui s’était passé lors des précédentes crises localisées en Afrique Centrale, les principales organisations internationales impliquées craignent, six mois après l’apparition des premières victimes, une très forte augmentation des cas à venir. L’OMS évoque même le risque d’atteindre 20,000 cas dans les prochains mois si la tendance continue. L’organisation MSF a quant à elle récemment déclaré l’épidémie hors de contrôle.

Il est important à ce stade de tenter de comprendre pourquoi cette crise Ebola s’étend aussi rapidement et semble si difficile à freiner. Au moins sur les trois pays les plus touchés: Guinée, Libéria et Sierra Leone.

La santé, un secteur sinistré

Il est difficile d’établir un comparatif avec les crises précédentes concernant la réactivité des autorités locales ou nationales, celle des organisations internationales, ou la qualité des systèmes de soins nationaux. Que ce soit en Afrique Centrale ou en Afrique de l’Ouest, on peut surtout mettre en évidence des points communs sur les problèmes de gouvernance et de performance des systèmes de soins.

Ainsi, malgré des progrès, les systèmes de soins en Afrique sub-sahariennes restent assez souvent défaillants, en particulier pour les soins dits primaires, c’est à dire qui concernent les soins élémentaires pour la majorité des populations. On le sait déjà, les Objectifs du Millénaire pour le Développement définis par les pays membres des nations unies en 2000 ne seront pas atteints dans la plupart des pays d’Afrique Sub-Saharienne à la date butoir de 2015. En grande partie en raison de la défaillance des systèmes de santé.

Les causes des faiblesses de ce secteur sont pourtant bien connues. Après l’impact négatif des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) prônés par les institutions financières internationales, les systèmes de santé en Afrique souffrent aujourd’hui d’un manque d’investissements financiers des Etats dans le secteur de la santé. Les financements viennent en effet principalement de bailleurs extérieurs qui privilégient des programmes centrés sur quelques maladies seulement et imposent des priorités souvent en déphasage avec les besoins réels et les systèmes en place. Ces programmes se caractérisent par ailleurs par une mauvaise gouvernance des ressources mobilisées et une incapacité à impliquer les communautés dans la construction des systèmes de santé. Les chiffres montrent des dépenses de santé très variables selon les pays affectés par la crise Ebola : le Libéria et la Sierra Leone qui ont connu la guerre il y a près de 10 ans ont des dépenses de santé plus élevées (soit 15,5% du PIB pour le Libéria et 15,1% pour la Sierra Leone en 2012) que la Guinée dont les dépenses sont très faibles (6,3% du PIB en 2012).

Par ailleurs, il convient de pointer les problèmes de gouvernance auxquels sont confrontés ces pays minés par la corruption. L’indice de perception de la corruption de Transparency International suggère les scores suivants pour ces pays : la Guinée est classée au 150ème rang sur 177 pays notés tandis que la Sierra Leone et le Libéria occupent respectivement la 119ème et 83ème place[[plus la place est loin dans le classement, plus le sentiment de corruption est élevé.]]. La Guinée est très mal classée sur le plan de la corruption, le Libéria ayant semble-t-il fait des efforts plus importants.

L’impact des inégalités

Par ailleurs, les niveaux d’inégalités, qui ont un impact considérable sur le domaine de la santé, sont élevés dans ces pays. Les coefficients de Gini – une unité servant à évaluer le degré des inégalités – en Guinée, en Sierra Leone et au Libéria s’élèvent respectivement à 39,35 ; 42,52 et 38,16. Ils sont donc largement supérieurs à la France (32,74), et pour deux d’entre eux supérieurs à celui des USA (40,81). Or, les inégalités de revenus ont un impact très significatif sur l’état de santé des populations, laissant une frange significative de la population hors des systèmes éducatifs et de santé publique.

Notons que la crise Ebola touche aussi bien des campagnes que des grandes villes, où les systèmes de soins ne sont pas forcément très bons, surtout dans les quartiers défavorisés.

Médecins en fuite

Par ailleurs, les pays les plus touchés par Ebola sont en proie à une pénurie de personnel médical. Le ratio observé du nombre de personnes pour un médecin y est en effet très faible. Soit 1 médecin et moins de 0,5 infirmiers et sages-femmes pour 10 000 habitants en Guinée. Moins de 0,5 médecins et environ 2 infirmiers et sages-femmes pour 10 000 habitants en Sierra Leone. Et moins de 0,5 médecins et 3 infirmiers et sages femmes pour 10 000 habitants au Libéria.

http://www.who.int/gho/publications/world_health_statistics/FR_WHS10_Full.pdf

Sur le terrain, les professionnels de santé disponibles sont souvent surchargés et doivent de plus faire face à des populations souvent surinfectées par de nombreuses maladies. Ils sont souvent très mal payés et découragés par leur tâche, un bon nombre d’ailleurs cherchant à s’exiler pour fuir des situations particulièrement difficiles. Au Libéria par exemple, en décembre 2013 et donc avant la crise Ebola, des grèves d’infirmières ont eu lieu dans la capitale pour revendiquer des améliorations salariales. L’exode des professionnels de santé africains vers l’Amérique du Nord ou l’Europe reste un grave problème et les pays occidentaux ne peuvent pas d’un côté déplorer le manque de professionnels en Afrique et d’un autre côté laisser le brain drain s’opérer librement.

Ainsi, les Etats Unis actuellement très présents dans la lutte contre Ebola (on rappellera que leur aide publique au développement en % de leur PIB est l’une des plus faibles du monde occidental), oublient de dire qu’ils sont l’un des principaux responsables de cet exode de professionnels de santé africains. La crise Ebola est en effet aussi la conséquence de cette hémorragie des ressources rares et compétentes du Sud vers le Nord, du fait de l’incapacité des pays du Nord à former suffisamment de personnels de santé. C’est ainsi qu’aux Etats Unis, on estimait en 2008 que 26% des médecins en exercice ont été formés à l’étranger!

Ce rapport de l’OCDE et de l’OMS de 2008 pointait déjà du doigt cette hémorragie, dont les conséquences sont extrêmement graves dans les pays d’Afrique Sub-saharienne, citant notamment la Sierra Leone et le Libéria parmi les pays les plus impactés.

«La situation est toutefois fort différente dans le cas de certains pays dont plusieurs africains. Parmi les pays où le taux d’expatriation des médecins est supérieur à 50 % (ce qui signifie que les médecins nés dans ces pays sont aussi nombreux à travailler dans les pays de l’OCDE qu’à travailler dans leur propre pays) on trouve de petits États insulaires des Caraïbes et du Pacifique, ainsi que cinq pays africains – Mozambique, Angola, Sierra Leone, République Unie de Tanzanie et Liberia. Plusieurs pays africains francophones ont aussi des taux d’expatriation élevés, supérieurs à 40 %.»

http://www.oecd.org/fr/els/systemes-sante/44786070.pdf

La crise Ebola dans ces pays, a entrainé un surplus de travail considérable pour ces professionnels de la médecine, bien souvent incapables d’y faire face. Leur équipement dans les centres de santé souvent insuffisants, pour ne pas dire dans de nombreux cas dérisoires. Même en situation normale, il manque souvent le nécessaire pour garantir l’hygiène ou même la protection des professionnels face aux malades. Des grèves à l’hôpital de Monrovia au Libéria ont montré la détresse de ces professionnels. En Guinée, des patients ont préféré déserter les centres de santé, compte tenu des risques de contamination qu’ils considèrent élevés dans le principal hôpital du pays.

Il semble que le point le plus critique dans la crise Ebola soit le manque de personnels de santé. A ce titre, l’annonce récente par les autorités cubaines d’envoyer 165 médecins en Sierra Leone est plutôt un geste à saluer.

Une action internationale inadaptée

Les stratégies de santé en Afrique Sub-saharienne sont très influencées voire directement pilotées par les organisations internationales. Même s’il est vrai que la mobilisation autour de certaines pathologies dites prioritaires (VIH/Sida, paludisme, tuberculose) sont des opportunités de mobilisation des ressources, les interventions à financer devraient pourtant se baser sur une approche holistique et systémique sur le terrain. Malheureusement, nous constatons que les ressources mobilisées pour ces pathologies ont engendré la création de structures et des circuits exceptionnels parallèles aux systèmes classiques. C’est ainsi que les systèmes d’information sanitaire, d’approvisionnement en médicaments et autres réactifs, de coordination des agents communautaires ont été perturbés dans la plupart des pays Africains. En outre tout laisse croire que les priorités dans les pays sont en réalité fortement influencées par les lobbies qui mobilisent et orientent l’utilisation des ressources internationales.

Par ailleurs, l’absence de réflexion sur les déterminants sociaux, comme les inégalités sociales et les pesanteurs socioculturelles ne permet pas d’agir de manière optimale sur le fonctionnement de la société en amont pour diminuer les infections, alléger le poids du travail des professionnels de santé surchargés. Les systèmes de santé en Afrique ont une approche trop médicalisée où la priorité et les énergies sont investies essentiellement sur le curatif. La promotion de la santé, susceptible d’éviter de nombreux cas de maladies et qui est moins couteux que le curatif est négligée dans la plupart des pays. L’adage qui dit que « Mieux vaut prévenir que guérir » n’a pas encore été adopté par la grande majorité des autorités sanitaires africaines. Potentiellement, l’Afrique Sub-saharienne avec sa forte charge de morbidité et une vision curative des systèmes de santé au détriment de la prévention représente une terre d’avenir pour les laboratoires pharmaceutiques.

La crise Ebola vient rappeler que les mesures d’hygiène les plus élémentaires sont souvent les plus efficaces pour combattre un grand nombre de maladies. Un grand nombre de résolutions dans le domaine de la santé sont adoptées chaque année, mais restent juste souvent des vœux pieux, faute de volonté politique pour les mettre en œuvre. Par ailleurs, on peut se demander si les néolibéraux, qui ont une forte capacité d’influence dans les instances internationales, ne cherchent pas à saboter les politiques de santé publique à caractère systémique, en préférant privilégier le développement des initiatives privées dans la santé.

Alarmisme ambiant

L’opinion publique internationale reçoit chaque jour un nombre très important d’articles sur la crise Ebola. Ils témoignent d’une dégradation de la situation sur trois pays (Guinée, Libéria, Sierra Leone) ce qui est parfaitement exact, mais regorgent également d’articles établissant des prévisions catastrophiques à l’avenir en Afrique. Or, sur ce deuxième point, on peut parfois se demander sur quelles bases sont formulées ces prévisions et à quel dessein.

Générer de la panique inutilement ne servira pas à stopper rapidement l’épidémie d’Ebola sur les trois pays les plus touchés. Ces rumeurs et paniques peuvent éventuellement pousser certaines autorités, en particulier internationales, à mettre sur pied dans l’urgence un fonds international avec en ligne de mire l’accès aux traitements via les laboratoires pharmaceutiques qui sont déjà sur les rangs.

La Banque Mondiale elle même, ne cesse d’envoyer des communiqués alarmistes indiquant que la peur pourrait faire chuter massivement le PIB des pays impactés. Si la Banque Mondiale souhaite réellement que les rumeurs et la peur cessent, elle ferait alors bien de changer de stratégie de communication. On pourrait également s’interroger sur le rôle de la Banque Mondiale dans le financement du renforcement des soins primaires en Afrique ces dernières années, l’OMS émettant depuis de nombreuses années les mêmes recommandations sur l’amélioration indispensable de l’hygiène, alors que leur défaillance est mise en évidence dans cette crise. La Banque Mondiale et le FMI auraient plus de crédibilité dans l’opinion publique s’ils tiraient régulièrement la sonnette d’alarme sur les risques pesés par les inégalités sociales en Afrique et les mauvaises conditions d’exercice des professionnels de santé.

Il serait aussi judicieux d’étudier le rôle des media dans la crise Ebola. Ont-ils préféré diffuser de manière systématique les messages les plus catastrophiques dans une forme de surenchère augmentant par cette approche les rumeurs ou les peurs, ou bien ont-ils cherché à enquêter de manière approfondie sur les tenants de la crise et les lacunes structurelles de ces pays ? Là aussi, la responsabilité des media devrait être de se baser sur des faits et de connaître précisément dans quelles conditions vivent les populations concernées et l’action réelle des institutions chargées normalement de répondre à leurs besoins de base.

Or l’urgence, c’est d’agir concrètement sur le terrain en apportant des ressources complémentaires, notamment en personnels de santé, aux pays qui en manquent.

Il est nécessaire de noter par ailleurs que pour le moment, l’épidémie d’Ebola reste globalement confinée à trois pays (Guinée, Libéria, Sierra Leone), quelques cas ayant été détectés au Nigéria. Sur les autres pays limitrophes (Sénégal, Mali, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau), il semble que la situation soit à ce jour maîtrisée. Rien n’indique pour le moment, que l’épidémie d’Ebola va forcément se déployer en dehors de ces trois pays.

Echec d’anticipation

Ces derniers subissent sont durement touchés, nous l’avons vu, du fait de l’incapacité des soignants à délivrer correctement les autres prestations de santé aux populations. La faiblesse des systèmes de soins de ces pays est clairement mise à nue. Le manque de ressources en santé reste un problème récurrent et les pays africains ne sont souvent pas à même de surmonter de graves crises sanitaires par eux-mêmes.

Les Nations Unies viennent de demander un milliard de dollars pour lutter contre Ebola, somme très importante dont on aimerait connaître la destination et la stratégie envisagée. On peut regretter que les dirigeants des Nations Unies ne soient pas capables d’anticiper de telles crises, ni sanitaires ni de guerres civiles d’ailleurs. La santé des populations les plus pauvres est-elle une priorité ou bien seulement quand celle des populations riches est menacée ? Le silence des Nations Unies sur les inégalités sociales très élevées en Afrique sub-saharienne montre bien que le bien-être des populations africaines n’est pas encore au cœur des préoccupations internationales, ni même nationales lorsqu’on voit la faiblesse des budgets nationaux de santé.

Les pays africains vont-ils rester encore longtemps dépendants des stratégies extérieures ? Ils ont les moyens de proposer à toutes leurs populations des soins primaires de qualité, notamment par une bonne gouvernance et en diminuant les inégalités sociales. Cherche-t-on réellement à ce que l’Afrique soit en bonne santé, où veut-on juste la maintenir dans un état végétatif pour continuer à s’enrichir sur les coûts de ses soins?

Enfin, il devient crucial que les pays du Nord cessent de se servir dans le vivier déjà faible des professionnels de santé africains. Cette crise Ebola, où tout le monde a pu constater l’insuffisance de praticiens, montre aussi la responsabilité de pays du Nord qui faute d’investissements en formation de santé dans leurs propres pays n’ont aucun état d’âme à récupérer des professionnels déjà formés issus de pays pauvres. A ce titre, les politiques migratoires de certains pays (en particulier Etats Unis, Canada, Royaume Uni) devraient être revisitées en étudiant de manière directe et indirecte les dommages causés sur les systèmes de santé en Afrique. Il est également de la responsabilité des dirigeants africains, s’ils considèrent la santé comme une priorité, de dénoncer cette situation. En parallèle ils se doivent de mettre en place des conditions de rémunération correctes pour leurs professionnels de santé qui jouent un rôle essentiel dans le développement de leurs pays.

Betrand Livinec est membre de l’association Développement et Santé

Simon Kabore est Directeur exécutif du RAME (Réseau d’Accès aux Médicaments Essentiels, Burkina Faso).

LETTRE À HERVÉ GOURDEL

par Brahim Senouci

Le Quotidien d’Oran – Opinion

Ton visage s’affiche sur l’écran, le visage rude d’un montagnard qui se sentait chez lui dans toutes les montagnes du monde, pardessus les frontières. Je ne te connais pas mais je crois que nous aurions pu être amis, parce que, par nature, par goût, nous sommes portés vers l’universel sans cesser d’être enracinés dans nos terroirs respectifs. Je ressens de la douleur, face à ta mort, d’abord, mais aussi parce que c’est dans mon pays que tu as été assassiné. Dans mon pays, on apprenait dès l’enfance que l’étranger (le berrani), dès lors qu’il ne vient pas avec des intentions hostiles, est précieux et qu’il faut faire en sorte qu’il soit en sécurité, qu’il en allait de notre honneur. Pas en tant que musulman, ni en tant qu’arabe ou berbère ou algérien, je te demande pardon, Hervé, en tant que frère en humanité, et demande à tous les Hervé du monde de ne pas mêler dans leur juste colère coupables et innocents. Je leur demande de ne pas s’arrêter aux idées simples, telles celles qui feraient de l’AUTRE un coupable ontologique, attaché à détruire les sociétés vertueuses dans lesquelles ils croient vivre. Qu’ils interrogent l’Histoire, qu’ils interrogent le présent, qu’ils interrogent le champ de ruines qu’est en train de devenir le monde, qu’ils interrogent la fin des idéaux de démocratie, de justice et de liberté, pervertis par l’utilisation mercantile, cynique de leurs dirigeants. Qu’ils recherchent plus loin que dans le confort d’évidences factices les raisons profondes de la montée de la haine…

Il est des évidences bien réelles

La dernière guerre du Golfe a fait, selon un institut étasunien, 500.000 morts. Cette guerre, on s’en souvient, a été déclenchée par le duo Blair-Bush sur la base d’un mensonge avéré, celui de la présence d’armes de destruction massive. Souvenons-nous de la pitoyable comédie de cette fiole, censée contenir une arme dévastatrice aux mains de Saddam Hussein, brandie à l’ONU par Colin Powell. Souvenons-nous de Blair annonçant devant les Communes que Saddam disposait de la bombe atomique et qu’il pouvait l’utiliser dans «les trois-quarts d’heure qui suivent». L’Onu leur a refusé la résolution que le duo infernal réclamait mais cela ne les a pas empêchés de monter leur expédition qui a débouché, 500.000 morts plus tard, au démantèlement de l’Irak et sa transformation en incubateur de candidats au meurtre et au suicide.

Qu’est-il advenu de ces brillants stratèges, de ces remarquables produits de l’«intelligence» et de la «morale» de l’Occident? Bush joue au golf et mène une retraite paisible. Quant à Blair, il a été, cela ne s’invente pas, représentant du Quartette (Etats-Unis, Russie, Union Européenne, ONU) pour le Proche-Orient. À ce titre, il est en particulier chargé de suivre et de promouvoir le «processus de paix» censé réunir négociateurs Palestiniens et Israéliens. Quelqu’un s’est-il posé la question de savoir comment cela a été reçu par la «rue» arabe (quelle détestable expression et comme elle en dit long sur le mépris qui habite ceux qui l’ont imposée dans le langage courant!)?

Le printemps arabe s’est manifesté dans différents pays. Il a épargné, ô surprise, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Qatar. Notons que, dans cette région, il a touché, entre autres, le Bahreïn. Ce pays a la particularité d’être le seul dans le monde arabe à abriter une population à majorité chiite. Il était et il reste gouverné par la minorité sunnite. Des manifestations y ont éclaté pour exiger l’instauration de la démocratie et la fin du déni de droit pour les chiites. Ces manifestations ont été écrasées dans le sang. Le petit Bahreïn n’ayant pas de forces de répression suffisantes, il a demandé et obtenu le soutien des Emirats, du Qatar et de l’Arabie Saoudite qui ont participé à la mise au pas des manifestants.

Le printemps arabe s’est manifesté également en Libye. Les professionnels de l’émotion ont donné de la voix pour que les pays occidentaux aident le peuple libyen à se débarrasser de son dictateur. L’appel est entendu. Une coalition est montée. Elle comprend la France, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, qui dépêchent leurs avions et leurs drones. Ils le font au nom de la démocratie, bien sûr. En fait, les bonnes volontés se manifestent de plus en plus et la coalition s’élargit à l’Arabie Saoudite, aux Emirats Arabes Unis et au Qatar. Il a été question de ces trois pays au paragraphe précédent. Ce sont ceux qui ont aidé l’oligarchie du Bahreïn à écraser dans le sang la contestation populaire. Les voici donc, peu de temps après, engagés dans une opération «vertueuse» de défense de la démocratie! Pour l’anecdote, notons que le brillant résultat de l’expédition est le spectacle d’un pays éclaté, livré à des milices incontrôlées. Apparemment, les sauveurs, qui ont plié bagages aussitôt après le lynchage infâme du dictateur, n’ont pas l’air de s’en émouvoir. Est-ce que quelqu’un s’est posé la question de savoir comment la «rue» arabe avait reçu une telle manifestation de désinvolture et de mépris meurtrier?

Plus récemment, Israël a perpétré un massacre dans la bande de Gaza, sous le nom de «Bordure protectrice». Des crimes de guerre y ont été commis.

  • L’organisation HumanRights Watch cite ainsi le bombardement de trois écoles qui se sont soldés par la mort de 47 personnes dont 17 enfants. Au cours de l’opération qui a duré 50 jours, 2131 Palestiniens, dont 501 enfants, ont perdu la vie. Il y a eu 10918 blessés dont 3 312 enfants et 2 120 femmes. 244 écoles ont été bombardées. Plus de 10.000 maisons ont été endommagées ou détruites. 98 écoles, 161 mosquées, 8 hôpitaux, 46 bureaux d’organisations non gouvernementales (ONG), 50 bateaux de pêche et 244 véhicules ont été détruits.
  • Selon John Dugard, professeur de droit international et ancien Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés: «dans le bombardement de maisons et d’appartements qu’ils pensaient être occupés par des militants du Hamas, l’armée israélienne a fait preuve de mépris flagrant pour ce qu’elle appelle des dommages collatéraux, mais ces dommages collatéraux ont souvent pris la forme de civils tués ou blessés ou de destruction de leur propriété. L’absence de distinction entre cibles militaires et cibles civiles constitue indubitablement un crime de guerre».
  • Citons enfin le témoignage d’Ivan Karakashian, de l’ONG Defence for Children International-Palestine, sur l’utilisation d’enfants comme boucliers humains par l’armée israélienne, sur les attaques contre les infrastructures et équipes médicales, et contre les zones industrielles et les usines

.De plus, Israël maintient la population sous embargo depuis 8 ans. Beaucoup de jeunes Gazaouis ne connaissent ainsi rien d’autre du monde que les murs de leur prison. Ce blocus est illégal. Des militants qui ont tenté de le forcer ont payé leur audace de leur vie.

Pour couronner cette indignité, il faut rappeler que, pratiquement dans son ensemble, le monde occidental a soutenu Israël dans cette agression. Hollande, Obama, Cameron et d’autres ont ainsi donné raison à Israël, au nom de son «droit à la sécurité». Ils n’ont même pas eu de mots de compassion pour les victimes.

501 enfants, pas une larme, pas une protestation. Evidemment, les médias n’en ont guère parlé. Ils n’ont pas montré ces centaines de petits corps déchiquetés.

Parce qu’ils étaient arabes?

En tout cas, s’ils avaient été Européens ou étasuniens, on n’ose imaginer le déferlement des diatribes et les bruits de bottes. Peut-on penser raisonnablement que cela n’a rien à voir avec le climat de violence et de haine qui est en train de nous submerger? Est-ce que ces leaders qui rivalisent de servilité pour complaire à Israël croient vraiment que leur conduite n’est pour rien dans l’émergence de ces monstres nouveaux? Est-ce qu’ils pensent sérieusement qu’ils ne sont pas les comptables ignominieux de la situation actuelle du monde et du danger mortel qu’ils font courir à l’humanité?

De fait, il y a un processus de simplification, voire de schématisation du monde. Les vieilles lunes du discours occidental sur la démocratie et des droits de l’homme sont totalement désincarnés, irréels. S’ils avaient encore quelque substance, l’opinion publique pourrait à bon droit exiger qu’ils s’appliquent, ici et ailleurs, notamment en Palestine. Ce mouvement existe d’ailleurs. Des citoyens européens se battent pour que prenne fin le déni de justice dont souffrent les Palestiniens. Les dirigeants occidentaux restent sourds à ces demandes. Ils ne peuvent y opposer le droit, la morale ou la justice. Alors, ils utilisent l’arme fatale, celle de l’essentialisme, celle du «eux» et «nous», du «eux» contre «nous». Malheureusement, force est de constater que cette stratégie donne des résultats. Le racisme se développe dans toute l’Europe. Il transcende les différences politiques. La prophétie de Huntington n’est plus une vue de l’esprit depuis qu’elle est devenue auto réalisatrice.

Voici le monde tel qu’il sera si les apprentis sorciers qui le dirigent persistent dans cette voie. Il faut qu’ils abandonnent leur prétention à faire de la Terre leur propriété exclusive. Il faut que les citoyens du monde occidental comprennent que la démarche de leurs gouvernants mène à des tragédies dont personne ne sortira indemne. Il faut peser sur ces gouvernements pour les contraindre à travailler à la promotion du droit, en tout lieu, à tout moment. Il faut priver de munitions les porteurs de haine et nourrir celles et ceux qui portent l’espoir, celui d’une humanité réconciliée avec elle-même, consciente de ne former qu’un SEUL monde.

Alors, ton sacrifice, Hervé, n’aura pas été vain, pas plus que celui de ces dizaines de soldats libanais, ces dizaines de milliers de civils algériens, irakiens, syriens,…torturés, assassinés, décapités, dans l’indifférence environnante.

HOMMAGE À LUCETTE À LA FÊTE DE L’HUMA

Un hommage a été rendu à LUCETTE HADJ-ALI, le samedi 13 septembre 2014, à la Fête de l’Humanité, à l’initiative d’un collectif de camarades algériens, et avec le soutien de la section PCF de Bagnolet.

Née il y a 94 ans à Oran (Algérie), Lucette Hadj Ali, militante communiste, a vécu et milité en Algérie jusqu’aux années 1990. Elle est décédée le 26 mai 2014, près de Toulon.

Cette rencontre a permis de découvrir les témoignages d’ami(e)s et de compagnons de lutte de Lucette : Sadek HADJERES, dirigeant du PCA pendant et après la guerre d’indépendance et premier secrétaire du PAGS de 1966 à 1990 ; William SPORTISSE, dirigeant du PCA ; Rachida ARABI , enseignante et syndicaliste à la retraite.


Texte de Sadek Hadjerès

lu par Lounis Mohamed

le 13 septembre 2014

à la Fête de l’Huma

LUCETTE

À propos de Lucette, plusieurs périodes d’avant et après 1954 me reviennent au cœur et à l’esprit avec intensité. J’évoquerai seulement en priorité la plus importante à mes yeux : celle où nous avons traversé ensemble les 6 années de guerre d’indépendance qui ont suivi l’interdiction du PCA en septembre 55.

Sa participation fut étroite à des postes d’observation et d’action les plus importants. À tel point que j’ai souvent regretté, comme elle aussi, qu’elle n’ait pas pu apporter des témoignages de première main et d’une valeur inestimable à la hauteur de ce qu’elle a connu et traversé.

Certainement plusieurs choses l’en ont sérieusement empêchée: les épreuves subies après l’indépendance par son mari Bachir, suivies par la grave et longue maladie qui a emporté ce dernier.

Puis les conditions dangereuses et pénibles qu’elle a vécues durant la décennie noire 90 en même temps qu’elle militait pour les droits de l’homme et de la femme gravement et quotidiennement violés par les hégémonismes rivaux.
Enfin il y a eu, c’est du moins mon avis, l’absence autour d’elle d’un environnement et d’un cadre politique suffisamment sensibilisé à l’importance de ce travail de mémoire.

Quand elle l’a finalement entrepris dans ses dernières années, sur l’insistance de ses amis et malgré ses problèmes de santé, les souvenirs mentionnés dans son petit ouvrage ne représentaient qu’un mince reflet concret, souvent anecdotique, de son riche parcours de courage et d’abnégation.

Au-delà de certaines péripéties de la clandestinité en temps de guerre qui l’ont davantage marquée et qu’elle a racontées, il y manquait son témoignage important et circonstancié sur les problèmes politiques de fond complexes, souvent angoissants, que le PCA avait affrontés et souvent résolus, avec l’apport déterminant de Bachir dans ces multiples épisodes.

Car le grand mérite de cette action clandestine ne fut pas seulement d’avoir déjoué la traque militaire et policière et d’avoir réussi à maintenir la présence sur le terrain; le plus grand mérite est que cette présence politique des communistes s’est exprimée dans un contenu et une action qui correspondaient vraiment aux intérêts de la nation et de l’idéal social des communistes que les forces hostiles auraient souhaité opposer l’un à l’autre

L’engagement de Lucette en cette période se réalisa d’abord sans interruption dans l’organisation de lutte armée des CDL (Combattants de la Libération) dont la création avait été décidée par le secrétariat du PCA en février de la même année 55, jusqu’à l’intégration des combattants communistes dans l’ALN au milieu de 56.

Puis à partir de juin 1957, la participation de Lucette fut tout aussi étroite à la direction de l’ensemble des luttes et activités politiques du PCA sur le sol national, autour de Bachir Hadj Ali et de moi-même. Nous avions en effet échappé aux multiples arrestations dont furent victimes durant cette première moitié de la guerre les autres dirigeants centraux présents à l’intérieur.

Dans la première période de guerre après 1955, Lucette comme membre du Comité Central, avait été affectée comme son oncle Camille au groupe qui entourait directement le noyau de direction des CDL, composé de Bachir Hadj Ali, de moi-même et de Jacques Salort.

Je dois dire que son passage à la vie clandestine, s’il était préférable pour elle à l’expulsion d’Algérie ou à sa mise dans un camp d’internement ou la prison, lui avait causé un grand déchirement familial.

Son engagement l’avait arrachée à ses deux garçons en bas âge, même si elle savait ces derniers entourés de l’affection vigilante de leur père Robert Manaranche, lui-même cadre militant (il avait entre autres participé auprès de moi à la rédaction et la direction de la revue Progrès en 1953 et 54). Menacé par la répression, il finira par être enfermé dans un camp puis expulsé vers la France.

Lucette subissait cela en serrant les dents comme dans toutes ses lourdes épreuves. Mais il est arrivé maintes fois dans les moments où la tension de guerre se relâchait autour de nous et nous laissait souffler un peu, qu’elle éclatait brusquement en sanglots. Cela lui faisait du bien, peut-être plus que les larmes silencieuses et amères de chacun de nous quand nous pensions à nos familles et aux amis, camarades et compatriotes qui tombaient chaque jour sous les balles ou étaient harassés par les brimades ou brisés par les tortures.

Cependant, une fois passées les alertes, les risques et les tâches épuisantes, elle partait des grands éclats de rire qu’on lui connaissait pour la moindre plaisanterie et le moral recouvrait les préoccupations sombres qu’il lui arrivait exceptionnellement de nous confier.

La réalité est que derrière la femme sensible, il y avait la militante déterminée qu’aucune difficulté, aucune fatigue, aucun risque ou danger ne faisait reculer. Même si après coup elle avouait une peur rétrospective et disait avec soulagement: qu’est-ce que j’ai eu la trouille!

Il est vrai que toutes les tâches qui lui étaient confiées l’exposaient plus que tout autre à un risque permanent, en plus du risque qui nous était commun: tomber sur des rafles ou contrôles d’identité, se trouver piégé dans un local ou un RV déjà tombé sous le contrôle ennemi, etc. Pour elle les tâches de liaison l’exposaient davantage encore.

Ces tâches étaient vitales non seulement pour que la direction assure sa propre subsistance et sécurité, mais pour que ses orientations et ses directives aient un réel impact dans la mobilisation militante et la société. Or ces tâches de liaison que Lucette assumait principalement auprès de nous (après 1960 elle sera aussi secondée par Eliette Loup revenue clandestinement après ses trois ans de détention, ainsi que Lucien Hanoun), ces tâches étaient multipliées dans un environnement hostile, imprévisible, alors que par sécurité elles ne pouvaient pas être confiées à un trop grand nombre de personnes.

L’exemple le plus typique est celui de la préparation de l’opération Maillot et ses prolongements. Lucette a assumé ainsi que Myriam Ben (Marilyse Benhaïm) une grande partie des liaisons nécessaires à une coordination minutieuse et précise entre les groupes d’acteurs souvent cloisonnés entre eux.

Dans ses tâches entrait aussi une incessante prospection des moyens logistiques tels que locaux de refuges ou de rencontre, véhicules, soutiens financiers, tout en respectant le maximum de discrétion et de cloisonnements. Une de ses réussites est d’avoir procuré sous sa couverture à Bachir pendant deux ans l’utilisation d’un appartement en plein centre d’Alger, loué à son insu par la parente huppée d’un important magistrat français raciste chargé de réprimer le FLN et les communistes, parente qui sans savoir de quoi il retournait, habitait le même immeuble. Il faut dire que l’utilisation de ce local nécessitait plus que d’autres une minutie extrême et nous a occasionné de nombreuses sueurs froides et manœuvres de vérification avant d’autres solutions de rechange (plus facile à dire qu’à trouver).

Entre autres, Lucette supervisait aussi les activités de solidarité financière et juridique envers les familles lourdement frappées par la répression, des familles qui étaient la plupart difficiles à joindre étant donné qu’elles étaient «marquées» aux yeux des services colonialistes.

Lucette le faisait entre autres à travers une camarade courageuse et astucieuse, Djamila Briki. Cette dernière était la femme d’un condamné à mort membre des CDL-ALN (Yahia Briki, ancien d’Alger-rep) , c’est à travers elle que se faisait le contact avec Josette Audin depuis l’arrestation et l’assassinat de son mari Maurice.

Parmi les autres activités très accaparantes de Lucette, il y avait la frappe et l’acheminement de documents confidentiels tels que la correspondance avec nos camarades à l’étranger, les documents en cours d’élaboration et parfois aussi la frappe et le tirage de documents destinés à la propagande du parti quand les camarades habituellement chargés n’étaient pas disponibles.

Il ne faut pas croire que les tâches de Lucette s’arrêtaient à ces aspects pratiques (y compris l’entretien domestique dont nous nous occupions tous par nécessité).

Elle était pleinement associée à la réflexion sur les décisions opérationnelles à prendre, aux tâches de discussion et d’élaboration politique et idéologique, par exemple écrire un article ou une étude.

Il fallait dans certains cas insister pour qu’elle s’y consacre: non par mauvaise volonté mais soit par scrupule de délaisser certaines tâches pratiques pressantes à ses yeux, soit par sous-estimation de ses capacités. En fait le résultat, mis en discussion et adopté, démentait ses craintes.

Nombre de ses écrits, en plus de tracts, ont figuré même non signés, dans nos publications clandestines: «El-Hourriya-Liberté» ou la revue «Réalités Algériennes et Marxisme».

À son avantage, on dira que pour elle aussi l’esprit de parti ne se confondait pas avec beni-oui-ouisme ou suivisme automatique envers les orientations «officielles» ou dominantes. Elle avait et défendait ses opinions.

Quelquefois, quand notamment des évènements ou comportements suscitaient son indignation, la passion et la subjectivité prenaient chez elle des tonalités de rigidité, au moins temporaire, qui nous rappelaient certains traits sous lesquels s’exprimait la fermeté de son père Jean Marie ou son oncle (elle nous expliquait en riant et avec un peu de dépit comment enfant elle cachait sous sn oreiller les romans policiers que son père lui interdisait strictement).

Mais Lucette ne cédait pas aux entêtements, elle tenait aussi de la douceur de sa mère, elle savait écouter et prendre de la distance, elle était ouverte aux conclusions des analyses politiques auxquelles elle était associée et les enrichissait souvent de remarques pertinentes.

Au total, si je devais résumer comment j’ai perçu Lucette durant la guerre d’indépendance, je dirais un seul mot: abnégation.

Face à la dureté de la guerre, plus dure encore pour les communistes soumis également aux pressions de certains secteurs nationalistes, cette abnégation a mis à plusieurs reprises Lucette au bord de l’épuisement total.

Bachir était encore plus tendu, au point qu’en août 1961, on décida de les mettre au vert pour quelques jours dans une petite ferme des environs de Ain Taya.

J’étais venu les y voir en urgence pour une décision à prendre concernant Benzine menacé de mort au bagne de Boghari, d’après un message qui venait de me parvenir.

À ce moment, l’OAS démarrait de plus belle avec ses émissions pirates et l’assassinat du vieux père Duclerc, camarade syndicaliste du Ruisseau. Dans l’oasis inattendue que constituait la petite ferme au milieu de l’enfer, j’étais heureux de constater que Lucette et Bachir arrivaient à se détendre avant de reprendre le combat.

En y repensant je me dis: quel malheur que l’indépendance pour laquelle ils avaient tant combattu et espéré, n’ait pas répondu à la plénitude de leurs espérances, pour eux comme pour notre société.

Sadek Hadjerès,

le 9 septembre 2014,

destiné à Lounis Mohamed

pour hommage à Lucette à la fête de l’Huma)