YEMEN

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LA GUERRE AU YEMEN ET LES DESSOUS DE LA « COALITION ARABE »

Conn Hallinan

Investig’Action – Michelcollon.info l’info décodée

Archives – Analyses et témoignages

le 29 mai 2015

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Le Yémen est le pays le plus pauvre du monde arabe. Dépourvu de ressources, fracturé par des divisions tribales et religieuses, il est aujourd’hui gangrené par la guerre civile.

Et pourtant, ce petit pays du sud de la péninsule Arabique fait éclater de vieilles alliances et fait s’en former de nouvelles pour le moins surprenantes. Pendant que l’Arabie saoudite continue ses frappes aériennes sur les insurgés Houthis, les défenseurs et opposants à la monarchie de Riyad tentent de remodeler le paysage politique de façon à ce qu’il ne s’effrite pas une fois que les combats auront cessé.

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La version saoudienne de la guerre, est que L’Iran chiite essaie de s’emparer du Yémen sunnite en utilisant des intermédiaires –Les Houthis- afin de menacer les frontières sud du Royaume et d’affirmer leur contrôle sur le détroit stratégique de Bab-el-Mandeb, situé sur la mer Rouge. Les Iraniens se défendent en affirmant qu’ils n’ont aucun contrôle sur les Houthis, aucunes vues sur le détroit, et que la guerre au Yémen reste un problème interne au pays, que les Yéménites devront résoudre par eux-mêmes.

Les Saoudiens ont bâti ce qui, au premier abord, semble être une formidable coalition composée de la Ligue Arabe, des pays membres du Conseil de Coopération du Golfe, de la Turquie et des Etats Unis. Cependant, la « coalition » n’est pas aussi solide quelle n’y paraît et elle s’avère plus intéressante par rapport à ceux qu’elle n’inclut pas plutôt qu’à ses propres membres. L’Egypte et la Turquie sont les piliers de cette alliance, mais il y a plus de paroles que d’actes véritables dans leur soutien.

Dans un premier temps, l’Egypte à fait courir le bruit qu’elle pourrait envoyer des troupes au sol. L’armée saoudienne ne peut pas contenir les Houthis et leurs alliés. Depuis, sous la pression de Al- Monitor, l’ambassadeur du Caire au Yémen Youssef al-Sharqawy a éclairci sa position : « Je ne suis pas celui qui décidera d’une telle intervention au Yémen. Cette décision appartient à l’évaluation de l’autorité suprême égyptienne, et dépend de la sécurité nationale du pays ».

Depuis que l’Arabie Saoudite a soutenu le coup d’état égyptien contre les Frères Musulmans et a appuyé le régime avec des sommes d’argent considérables, Riyad pourrait faire pression sur Le Caire pour envoyer des troupes au Yémen. Cependant, la dernière fois que l’Egypte a combattu les Houthis, elle a perdu des milliers de victimes. De plus, l’Egypte est déjà préoccupée par l’insurrection islamique au Sinaï.

Lorsqu’il a engagé le soutien d’Ankara dans une « Intervention saoudienne » et demandé le retrait des « Iraniens et des groupes terroristes », le président turc Recep Tayyip Erdogan a pris le temps de dire qu’il « pourrait potentiellement offrir un appui logistique, selon l’évolution de la situation ».

Erdogan veut punir l’Iran pour son soutien au régime d’Assad en Syrie et sa présence militaire en Iraq, là où Téhéran aide le gouvernement de Bagdad contre le Front islamique. Il essaie également de récupérer l’argent saoudien. En effet, l’économie turque est en difficulté, sa dette publique a atteint son plus haut niveau depuis 10 ans, et les taux d’intérêt augmentent partout dans le monde. Avec une élection primordiale en juin, Erdogan espère une intervention des Saoudiens.

Mais, pour le moment, il y a d’autres préoccupations. Les Turcs pensent que les Saoudiens sont dans le pétrin—Il sera très difficile de gagner une guerre au Yémen, et les assauts aériens n’ont aucune chance de porter leur fruits sans l’intervention de troupes au sol.

Lorsque les Iraniens ont réagi vivement aux commentaires d’Erdogan, le président a fait marche arrière. L’Iran est un partenaire commercial capital pour les Turcs et, avec la fin possible des sanctions internationales contre Téhéran, les Turcs veulent faire partie de la ruée vers l’or qui s’en suivra. Durant le récent voyage d’Erdogan à Téhéran, le président turc et le ministre des affaires étrangères Mohammad Javad Zarif sont arrivés à un arrangement pour appeler à la fin de la guerre au Yémen et pour trouver une « solution politique ». On est loin de la belligérance initiale d’Erdogan.

La Ligue Arabe soutient la guerre, mais seulement à un degré mesuré. L’Irak s’oppose aux attaques saoudiennes et l’Algérie garde ses distances en appelant à la cessation de « toute intervention étrangère ». Même le conciliant GCC, qui représente les intérêts des monarchies pétrolières du Golfe, avait un transfuge. Oman est accolé au Yémen et son dirigeant, le sultan Qaboos, a peur que le chaos arrive jusqu’à ses frontières. Et, alors que les Emirats Arabes Unis conduisent des missions aériennes sur le Yémen, ils sont également prêts à mettre la main au porte-monnaie si les sanctions de Téhéran prennent fin. « L’Iran est notre porte d’entrée, nous nous devons d’y être présents », indiquait Marwan Shehadeh, un homme d’affaire des Emirats, au Financial Times. « Cela pourrait redistribuer les cartes ».

L’absence la plus notable au sein de la coalition saoudienne reste cependant le Pakistan, un pays qui a reçu des milliards de dollars d’aide de l’Arabie saoudite, et dont le premier ministre Nawaz Sharif a été accueilli à Riyad lors des combats sanglants de son pays en 1999.

Lorsque les Saoudiens ont fait part de leur intention d’attaquer le Yémen, ils ont inclus le Pakistan dans leur coalition. Un orgueil qui leur a porté préjudice. Le parlement pakistanais a demandé un débat sur ce sujet et a finalement voté à l’unanimité la neutralité dans cette affaire. Pendant qu’Islamabad déclarait son intention de « défendre la souveraineté de l’Arabie saoudite », personne ne pensait que les Houthis étaient sur le point de marcher sur Djeddah.

La guerre yéménite est profondément impopulaire au Pakistan et les décisions du parlement ont été largement soutenues. Un journaliste a même appelé à rejeter le « Dictat du GCC ». Seule l’organisation extrémiste Lashkar-e-Taiba, qui avait planifié les massacres de Mumbai en 2008, a accordé son soutien aux Saoudiens. En effet, le Pakistan a profité des cadeaux saoudiens et, en échange, a assuré la sécurité à Riyad, mais cette relation ne tient qu’à un fil. Premièrement, il y a le fait que les Saoudiens soutiennent des groupes islamistes extrémistes, dont certains sont en guerre avec le gouvernement pakistanais. L’année dernière, une de ces organisations, les Tehrik-i-Taliban, a massacré 145 personnes, dont 132 étudiants à Peshawar. Le combat contre ces groupes dans le Nord Waziristan a fait subir de lourdes pertes à l’armée pakistanaise qui doit également protéger ses frontières de son voisin du sud, l’Inde.

Les Saoudiens, avec leur interprétation rigoureuse de l’Islam (le Wahhabisme), sont aussi critiqués pour avoir fait naître des tensions entre les sunnites et les chiites au Pakistan.

Deuxièmement, Islamabad approfondit sa relation avec la Chine. Mi-avril, le président chinois Xi Jining avait promis d’investir 46 milliards de dollars pour financer la nouvelle route de la soie de Pékin, qui part de l’ouest de la Chine et se termine dans le golfe Persique. Ces travaux incluront une extension considérable du port de Gwadar, situé sur le territoire agité du Balûchistân. Un port que Bruce Riedel considère destiné à « rivaliser avec Dubaï ou Doha, en tant que pôle économique régional ».

Riedel, chercheur à l’institut Brookings et professeur à John Hopkins, est un expert en sécurité de l’Asie du Sud. Dubaï se situe aux Emirats Arabes Unis et Doha au Qatar. Les deux sont membres du GCC.

La Chine s’inquiète de la situation au Balûchistân et de ses insurrections à répétitions contre le gouvernement en place, mais aussi de la résistance actuelle des turcophones, en grande partie musulmans, et des Ouïghours, un peuple de la province de Xinjiang, dans l’ouest chinois. Les Ouïghours, que l’on estime à un peu plus de 10 millions, sont marginalisés par un afflux de Chinois Han, l’ethnie chinoise dominante.

Les riches Saoudiens ont aidé à financer certains de ces groupes, ce qui n’a plu ni à Pékin, ni à Islamabad. Le Pakistan s’est engagé à créer une « Division sécuritaire spéciale » de 10 000 hommes pour protéger les investissements chinois. Selon Riedel, les Chinois auraient dit aux Pakistanais qu’ils « se tiendraient aux côtés du Pakistan si sa tentative de rapprochement vers l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis échouait ».

Les Etats unis ont joué un rôle important, quoique peu confortable, dans la guerre au Yémen. Ils ont aidé les renseignements Saoudiens, ciblé les informations et ravitaillé leurs avions de guerre en plein ciel. Ils ont également intercepté une flottille iranienne qui se rendait au Yémen. Les Américains ont indiqué qu’elle contenait des armes destinées aux Houthis. Cependant, l’Iran nie toute cargaison de ce type, et il y a peu de preuves que Téhéran fournisse des armes aux insurgés. Mais, pendant que Washington soutenait les Saoudiens, les Américains ont également exhorté Riyad de rappeler ses avions de chasse et de préférer une solution politique. Les Américains s’inquiètent de l’anarchie qu’a amenée la guerre, puisqu’elle pourrait permettre à Al-Qaïda de s’imposer dans la péninsule arabique. Les Houthis, désormais assiégés, étaient le principal adversaire du groupe terroriste.

La crise humanitaire au Yémen devient critique. Plus de 1000 personnes, dont énormément de civils, ont été assassinées, bombardées, et les combats ont généré 300 000 réfugiés. Le blocus maritime américano-saoudien et la destruction récente de l’aéroport international du Yémen empêchent les ravitaillements de nourriture, d’eau et de médicaments dans un pays qui est déjà largement dépendant de ses importations alimentaires. Cependant, les Américains ne veulent pas froisser davantage les Saoudiens, qui sont déjà en colère puisque Washington a négocié un traité nucléaire avec l’Iran. Au-delà de l’aide américaine apportée aux attaques saoudiennes, les Etats Unis ont une fois de plus ouvert grands leurs bras à Riyad.

Le traité nucléaire avec l’Iran a amené à l’alliance la plus imprévue de la région : Israël et l’Arabie Saoudite. Riyad est sur la même longueur d’onde que le gouvernement de Netanyahou sur le sujet iranien et les deux pays font pression pour saboter le traité. Selon le journaliste d’investigation Robert Perry, l’alliance entre Tel Aviv et Riyad a été scellée par un cadeau secret de 16 milliards de dollars déposés par Riyad sur un compte de « Développement Israélien » en Europe, le même genre de compte qui avait servi à construire des bases illégales en territoires occupés.

Les Saoudiens et les Israéliens sont aussi du même côté dans la guerre en Syrie, et malgré les belles paroles de Riyad, les seuls pays membres du GCC à avoir aidé financièrement la Palestine à reconstruire Gaza après les attaques Israéliennes de l’année dernière sont le Qatar et le Koweït.

Tous ces engrenages amèneront à une fin imprévisible. La seule chose qui est claire, c’est que, malgré leur puissance financière, les Saoudiens ne peuvent pas ramener les principaux acteurs régionaux sous leur coupe (mis à part Israël). Et une alliance avec Israël -un pays qui est de plus en plus isolé à cause de ses politiques d’occupation controversées- ne serait pas très stable. Robert Fisk, un correspondant de longue date au Moyen Orient du journal The Independant, pense que les Saoudiens vivent dans la « peur » de l’Iran, des Chiites, de l’Etat Islamique, d’Al-Qaeda, d’une trahison potentielle des Américains, d’un complot israélien, et d’eux-mêmes.

Mais d’où viendra le déclencheur d’une révolution sunnite en Arabie saoudite, sinon de la famille royale elle-même ? C’est cette « peur » qui a amené la guerre au Yémen. Elle est la raison pour laquelle les Etats Unis devraient cesser de souffler sur les braises, et plutôt rejoindre l’Union Européenne pour demander un cessez-le-feu immédiat, une aide humanitaire, et soutenir une solution politique qui serait prise par les Yéménites eux-mêmes.

Traduit de l’anglais par T.F. pour Investig’Action

Source : Investig’Action

Source originale : Counter Punch

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photo de Zied Benromdhane
http://ziedbenromdhane.net/?page_id=571

L’HÉRITAGE THÉORIQUE DE ERNEST MANDEL

adressé par Michel Peyret

Avec Marx

19 mai 2015

Daniel Bensaïd, pourquoi Ernest Mandel était-il méconnu en France ?

«Les réponses proposées par Ernest Mandel, constate Daniel Bensaïd, ne sont jamais simplificatrices ou monocausales : les facteurs politiques (guerres, révolutions, bureaucratie) y jouent un rôle clef, sans dispenser d’une étude rigoureuse des tendances économiques lourdes. On peut ainsi considérer qu’une part essentielle de l’œuvre d’Ernest depuis près d’un demi-siècle, du «Traité d’économie marxiste» (1962) aux essais sur «la Crise» (1977), en passant par les «Ondes longues du développement capitaliste» (1980, publication inédite en français) et «Le Troisième Âge du Capitalisme» (1975) est consacrée à l’analyse des mécanismes et des contradictions du capitalisme contemporain. Le second volet complémentaire de cette recherche concerne la bureaucratie et ses énigmes : «De la bureaucratie», «Où va l’URSS de Gorbatchev?» (1989), «Power and money» (1991)…»
Parcourons avec Daniel Bensaïd cet héritage…

Michel Peyret

le 29 mai 2015


L’HÉRITAGE THÉORIQUE DE ERNEST MANDEL

BENSAÏD Daniel

1er septembre 1995

Ernest Mandel était peut-être l’une des dernières figures symboliques de la grande tradition culturelle du mouvement ouvrier moderne, né au début du siècle, à la charnière entre l’héritage des Lumières et le mouvement socialiste naissant. De par son envergure internationaliste, ses engagements militants et sa production théorique abondante, il a occupé une place originale et créatrice dans l’histoire des marxismes contemporains.
Lisant et parlant couramment l’allemand, Ernest Mandel s’est nourri, dès ses années de formation, aux controverses fondamentales du début du siècle: la bibliothèque de la maison familiale était abondamment garnie par la collection reliée de la «Neue Zeit».

L’œuvre théorique de Mandel est ainsi irréductible à son opposition infatigable au stalinisme. Elle représente un trait d’union et un lien de mémoire avec les expressions plurielles et cosmopolites d’un mouvement social vivant et créatif.

Fils conducteurs

Ces conditions de formation intellectuelle permettent de mieux comprendre la place originale de Mandel dans l’histoire des marxismes contemporains. Alors que la marxologie française dominante des années soixantes ignorait largement des apports décisifs, comme celui des Grundrisse de Marx, ou les écrits de Roubine, Rosdolovsky, Parvus, Korsch, Kondratief, Ernest Mandel en était nourri grâce à sa pratique des langues et à l’ampleur internationaliste de sa vision militante.

C’est ce qu’illustre bien son livre de 1968 sur «La Formation de la pensée économique de Marx», à contre-courant de l’académisme structuraliste alors à la mode dans l’Hexagone.

Sa production théorique, abondante et variée, est orientée autour d’un thème conducteur. Dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les articles d’Ernest Mandel sont hantés par deux questions cruciales (voir «La Longue Marche de la révolution»: pourquoi, contrairement aux pronostics optimistes de l’Opposition de gauche, le dénouement de cette guerre, malgré le développement des révolutions chinoise et yougoslave, ne s’est pas traduit par la renaissance d’un mouvement révolutionnaire de masse, mais par une mainmise renforcée des bureaucraties réformiste et stalinienne sur les organisations ouvrières? Et comment expliquer le dynamisme retrouvé du « néocapitalisme » des Trente Glorieuses?

Les réponses proposées par Ernest Mandel ne sont jamais simplificatrices ou monocausales: les facteurs politiques (guerres, révolutions, bureaucratie) y jouent un rôle clef, sans dispenser d’une étude rigoureuse des tendances économiques lourdes. On peut ainsi considérer qu’une part essentielle de l’œuvre d’Ernest depuis près d’un demi-siècle, du «Traité d’économie marxiste» (1962) aux essais sur «la Crise» (1977), en passant par les «Ondes longues du développement capitaliste» (1980, publication inédite en français) et «Le Troisième Âge du Capitalisme» (1975) est consacrée à l’analyse des mécanismes et des contradictions du capitalisme contemporain. Le second volet complémentaire de cette recherche concerne la bureaucratie et ses énigmes : «De la bureaucratie», «Où va l’URSS de Gorbatchev?» (1989), «Power and money» (1991).

Questions questionnantes

À une époque où la pensée économique universitaire, grisée par les années de croissance, croyait à l’expansion éternelle, Mandel a maintenu l’hypothèse des cycles économiques et des ondes longues, était, cependant, conscient des questions non résolues par cette théorie.
Si la tendance à la chute du taux de profit, rythmée par les mutations technologiques (renouvellement long du capital fixe) et les transformations de l’organisation du travail, permet de rendre compte de la périodicité approximative des ondes et de leur retournement à la baisse, aucune «loi» économique n’explique les retournements à la hausse vers une nouvelle onde expansive. Il faut, selon Mandel, faire intervenir des facteurs politiques «exogènes» à la sphère économique et, pour une large part, aléatoires.

Mais si les conditions d’une telle inflexion sont aussi incertaines, comment comprendre la régularité relative des rythmes économiques sur une séquence (certes limitée) de deux siècles, bien mises en évidence par le livre de Dockès et Rosier?
Les dernières années de sa vie, Mandel cherchait une réponse à ces questions obsédantes dans l’articulation entre rythmes économiques et rythmes spécifiques des luttes et mouvements sociaux. Nous n’aurons probablement, hélas, que des fragments de cette recherche interrompue.

Les éditions La Brèche ont en préparation une édition française de «Power and money» (Le pouvoir et l’argent).

Malheureusement, une part importante des travaux de Mandel, qui écrivait indifféremment en anglais, allemand ou français, demeure inaccessible au lecteur français, en particulier «Thé Long Waves of Capitalist Development» (son texte le plus synthétique sur le sujet, qu’il comptait actualiser pour une édition française), «El Capital : cien anos de Controversias en tomo a la Obra de marx» (qui reprend en un volume les introductions aux trois livres du Capital rédigées pour l’édition anglaise Vintage Books en 1981), «The Meaning of the Second World War», ou «Revolutionnary Marxism Today».

Au-delà des livres, Ernest Mandel laisse d’innombrables articles de presse ou de revue sur la planification et l’autogestion, construction européenne, les événements révolutionnaires du siècle, les formations sociales latino-américaines, la révolution culturelle chinoise, ainsi qu’une production pédagogique de qualité ( «Initiation à l’économie marxiste» , «Introduction au marxisme.» « La Place du marxisme dans l’histoire »).

Reste, dans les limites de cet article synthétique, à souligner un paradoxe: alors que ses livres sont largement diffusés, leur rayonnement reconnu et son prestige considérable, aussi bien en Allemagne qu’en Amérique latine ou dans les pays anglo-saxons, c’est en France (et en Belgique, NDLR) que l’œuvre théorique d’Ernest Mandel reste sous-estimée.

Il y a probablement à cela plusieurs raisons.

Tout d’abord le débat marxologique en France a été marqué, comme toute la vie Intellectuelle, par une hypertrophie philosophique et idéologique, et les rigueurs de la recherche économique ont été longtemps dévaluées.

Dans son précieux petit livre sur «Le marxisme occidental», Perry Anderson insiste sur cette singularité: « Contrairement à la plupart des théoriciens de sa génération, Trotsky lui-même n ’avait pas écrit de grand ouvrage d’économie. Rosdolsky. qui n ’était pas lui-même un économiste de formation, entreprit son travail par sens du devoir envers les générations futures. Son espoir ne fut pas vain. Quarante ans plus tard, Ernest Mandel publiait en Allemagne une longue étude du troisième âge du capitalisme, dédiée à Rosdolvsky, qui constitue la première analyse théorique du développement global du mode de production capitaliste depuis la Deuxième Guerre mondiale. La tradition découlant de Trotsky était donc aux antipodes, pour l’essentiel, de celle du marxisme occidental, elle était centrée sur la politique et l’économie plutôt que sur la philosophie (aujourd’hui, cet héritage politico-théorique fournit l’un des éléments vitaux de toute renaissance du marxisme révolutionnaire à l’échelle de internationale. («Considérations of Western Marxism», Londres 1976, traduction française aux éditions François Maspéro, 1977, p. 138).

La seconde raison de cette méconnaissance de Mandel en France tient probablement aux effets combinés du poids du Parti communiste et de sa vulgate orthodoxe d’une part, et du protectionnisme conceptuel passablement provinciaux des lobbies universitaires, pour lesquels le «marxisme de Mandel» présentait «l’inconvénient» Impardonnable de rester profondément militant de l’autre.

Dans la grande tradition de Marx, de Lénine, de Rosa, de Trotsky, il n’a jamais dissocié la recherche théorique de l’engagement pratique, à une époque où l’écart entre les deux tendait à la déchirure.

Jusqu’à la fin de sa vie, Mandel, ce n’est pas le moindre de ses mérites, a toujours consacré une large part de son énergie, au demeurant considérable, aux questions pratiques, matérielles, organisationnelles de la lutte quotidienne.

BENSAÏD Daniel

* Paru dans « La Gauche », n°15/16, 1er septembre 1995.

Mis en ligne le 10 juin 2006
Posté par Michel Peyret


sur sodialgerie de Daniel Bensaïd, voir aussi

LUTTES DES CLASSES AUJOURD’HUI. ET POURTANT, ELLES LUTTENT.« Daniel Bensaïd confronte la définition de la « lutte des classes », donnée par Marx et Engels, aux critiques de penseurs réputés « post-modernes », (…)

UN ÉTAT DES LIEUX DE LA GAUCHE POLITIQUE EN ISRAËL

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MICHEL WARSCHAWSKI: « SI DEPUIS UN AN JE PARLE DE FASCISME… »

adressé par Michel Peyret

le 20 mai 2015

« Ce qu’on appelle ici la gauche radicale, indique Michel Warschawski, est très modeste, définie essentiellement par son positionnement sur les questions politiques (conflit colonial et guerres), même si en général cette extrême gauche défend par ailleurs une orientation anticapitaliste. Elle n’a pas, dans la population juive, de parti dans lequel elle pourrait se structurer, et c’est dans des collectifs qu’on la trouve, que ce soit sur des questions d’ordre politique (occupation, racisme) ou d’ordre social (refugiés économiques, droits des femmes, logement…) Quand il y a des élections, elle vote par défaut pour un des « partis arabes », en particulier le Parti communiste. Ce dernier se défend d’ailleurs d’être « un parti arabe », même si 85 % de son électorat provient de la population palestinienne d’Israël… »

Reprenons avec Michel Warschawski…

Michel Peyret


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Israël, Juifs et Arabes : la perspective révolutionnaire d’un vivre-ensemble. Europe solidaire sans frontières (Essf)

le 19 mars 2015

http://eric.et.le.pg.over-blog.fr/

Après avoir passé ses premières années à Strasbourg, Michel Warschawski[[Michel Warschawski milite depuis de longues années en Israël. Il a retracé sa biographie dans un de ses ouvrages, Sur la frontière (Stock, 2002).]] a décidé à 16 ans de partir pour Jérusalem où il a entrepris des études talmudiques. Il a rejoint en 1968 l’Organisation socialiste israélienne fondée en 1962 par des exclus du PC israélien et des militants plus anciens influencés par le trotskysme. Le groupe était surtout connu par le nom de son journal, Matzpen (« La boussole » en hébreu). Matzpen était une organisation révolutionnaire qui considérait le sionisme comme un projet colonial et combattait pour une coexistence entre Juifs et Arabes sur la base d’une complète égalité. Dès juin 1967, Matzpen appelait au retrait complet, immédiat et inconditionnel d’Israël de tous les territoires occupés et affirmait son soutien au droit du peuple palestinien à combattre pour sa libération.
Malgré un effectif restreint, les actions et positions de Matzpen ont eu un écho qui en a fait un « ennemi intérieur » dénoncé par les sionistes de droite comme de gauche, et dont les militants étaient fréquemment arrêtés. Bien que formé en majorité de militants juifs, Matzpen s’efforçait à la fois de de mobiliser la jeunesse juive israélienne et de développer des liens avec les Palestiniens d’Israël et les organisations de la gauche palestinienne et de pays arabes.
Dans les années 1970, un débat s’est ouvert au sein de Matzpen sur ses perspectives. Matzpen et des militants de la gauche palestinienne ont décidé de créer en 1984 le Centre d’information alternative (AIC), organisme d’information et de solidarité dont Michel Warschawski est le directeur.
Matzpen a ensuite cessé d’exister comme organisation bien que nombre de ses militants demeurent actifs dans divers mouvements. En 1989, Michel Warschawski a été condamné à plusieurs mois de prison ferme pour« prestations de services à organisations illégales » (il s’agissait de l’impression de tracts).

Sources : L’Anticapitaliste n°61 (janvier 2015)

par Henri Wilno

le 23 février 2015

Henri Wilno : Dans un texte de l’été 2014, tu parles de « fascisation » en Israël. Quelles sont les racines de ce processus ? Est-ce seulement le produit de l’état de guerre ? Peut-on dire que désormais c’est l’extrême droite qui gouverne ?

Michel Warschawski : Je parle d’un processus long qui remonte a la campagne de haine et de délégitimation qui a précédé l’assassinat de Yitzhak Rabin en 1995. Les assassins du Premier ministre ont pris le pouvoir et sont en fait le pouvoir depuis. J’y inclus l’épisode Ehud Barak (1999-2001) qui, certes, a été le candidat des Travaillistes, mais défendait une politique d’extrême droite et a tout fait pour qu’Ariel Sharon devienne Premier ministre et lui son ministre de la Défense.
Vingt ans donc de pouvoir continu de la droite, qui ont changé la donne, pas tant dans le domaine de la politique coloniale envers les Palestiniens, mais dans le régime interne de l’Etat d’Israël.
Le racisme s’est lâché, dans le discours politique, dans la rue et dans la législation qui culmine avec la proposition de modification de la « Loi Fondamentale – Israël, Etat-Nation du peuple Juif ». Une série de lois liberticides et ouvertement discriminatoires contre la minorité palestinienne d’Israël a déjà été votée, d’autres, pires encore, sont en route. La Cour Suprême, qui a été pendant de nombreuses années le garant d’un système qui jonglait entre « Etat juif » et « Etat démocratique », est depuis quelque temps l’objet d’attaques violentes de députés d’extrême droite. Plusieurs projets de loi visent à réduire son pouvoir.
Le gouvernement s’appuie sur un bloc de trois partis d’extrême droite, bloc dans lequel Netanyahou fait figure de modéré !
Si depuis un an je parle de fascisme, c’est parce qu’à tout ce que je viens de mentionner s’ajoute la violence contre les militants et organisations démocratiques, de la part de petits groupes fascistes ou même de passants. Gouvernement d’extrême- droite + lois liberticides + violence qui vise à terroriser toute parole critique = fascisme.

Henri Wilno : Israël est désormais un des Etats où les inégalités sociales sont les plus fortes (y compris parmi les Juifs), les politiques néolibérales démantèlent les acquis sociaux. Et, pourtant, vu de l’extérieur, le débat social et politique dans la partie juive de la population israélienne semble se polariser complètement autour de deux axes : la religion et la « sécurité ». Est-ce exact ? Les questions sociales ont-elles disparu du paysage ?

Michel Warschawski : Effectivement, Israël est, dans le groupe des pays industrialisés, le second dans le fossé qui sépare les riches et les pauvres : une bourgeoisie très riche et beaucoup de très pauvres. Selon les données de la sécurité sociale israélienne, 32 % des enfants israéliens – juifs et arabes – vivent sous le seuil de pauvreté ! Le démantèlement de l’Etat social et de ses acquis s’est fait avec une brutalité et une rapidité qui auraient fait pâlir de jalousie Margareth Thatcher.
Et pourtant les luttes sociales, en particulier les luttes syndicales, restent extrêmement limitées. Il y a trois raisons à cela : la réussite économique d’Israël qui permet de laisser des miettes aux travailleurs, le fait que le taux de chômage est très bas (inférieur à 2 %), l’absence de tradition et d’organisation syndicales dignes de ce nom. 50 ans de pouvoir absolu de la Histadrout, qui n’avait rien a voir avec une organisation syndicale, même de collaboration de classes, ont empêché la formation d’une conscience de classe, aussi primitive fût-elle. S’il y a des luttes, elles restent cantonnées à une entreprise (en général sur des licenciements) ou dans des secteurs plus privilégiés et mieux organisés (infirmières, enseignants).

Henri Wilno : Les classes populaires réagissent-elles aux politiques d’austérité ? Qu’est devenu le mouvement des « Indignés » d’il y a deux ans ? Que représente le syndicat Koach la-Ovdim qui semble se renforcer au détriment de la Histadrout ?

Michel Warschawski : Le mouvement des Indignés a été un feu de paille : une gigantesque mobilisation qui a entraîné des centaines de milliers de personnes pour un retour à l’Etat providence mais n’a enfanté qu’une commission nationale (la Commission Trachtenberg)… dont quasiment toutes les recommandations ont été rejetées par le gouvernement.
Koach la-Ovdim, qui est la première confédération syndicale indépendante de la Histadrout, reste une organisation modeste, comparée à cette dernière, mais a pu animer des grèves et autres luttes revendicatives de certains des secteurs les plus délaissés, entre autre les travailleurs de l’entretien dans certaines grandes administrations ou encore dans une carrière proche de Jérusalem.
Pour la majorité des travailleurs israéliens, les positionnements, y compris les identités, sont d’abord de l’ordre du politique et du « national », et, très loin derrière, de l’appartenance sociale. On demande à quelqu’un ce qu’il est, il répondra : Juif, puis Israélien, puis Tunisien ou Russe d’origine. Ensuite il dira « religieux » ou traditionaliste. Très rarement il dira « ouvrier » ou « employé ».

Henri Wilno : Qu’est devenu le « camp de la paix? » ? Est-il en situation de peser en quoi que ce soit ?

Michel Warschawski : 3000 personnes environ ont manifesté contre l’agression de Gaza. C’est très peu et représente surtout ce qu’en France on appellerait l’extrême gauche. En ce sens, le mouvement de la paix de masse qu’on a connu dans les années 1980 et 1990 ne s’est pas encore remis de sa déroute en août 2000. Cette date est à retenir, car elle marque une cassure, une espèce d’août 1914 du mouvement de la paix : quand Ehud Barak revient des négociations de Camp David (qu’il a sabotées avec la collaboration de l’administration Clinton), celui qui avait été élu sur la base d’une alternative à la politique d’occupation de la droite, réussit a convaincre son propre camp que Yasser Arafat se servait des négociations pour endormir Israël, y créer des lignes de fracture pour finalement jeter les Juifs a la mer (sic !). Il ajoute : la droite avait raison, c’est nous, les pacifistes, qui nous étions trompés.
Le problème est que ce méga-mensonge a été reçu cinq sur cinq par le mouvement de la paix… Et Sharon a été élu avec une large majorité, pour entreprendre la reconquête des territoires gérés par l’Autorité palestinienne et des quelques acquis résultant des négociations entre Israël et l’OLP.
Le mouvement de la paix ne s’est pas remis de cette déroute, et nous sommes encore loin d’une renaissance de ce dernier, comme mouvement de masse capable de peser sur les choix politiques du gouvernement.

Henri Wilno : Tu as expliqué, je crois, que par son ignorance des questions sociales, une partie de la gauche israélienne et du camp de la paix avait rejeté les sépharades dans les bras du Likoud et de l’extrême droite : est-ce définitif ?

Michel Warschawski : Les couches populaires et plus particulièrement les Juifs pauvres originaires des pays arabes (qu’on appelle à tort « sépharades »), ont fait, depuis la fin des années 1970, le choix de la droite, non par identification avec son idéologie du Grand Israël, mais parce qu’elle représentait l’opposition au pouvoir absolu, totalitaire et raciste – envers les Juifs non Européens – de la pseudo-gauche.
La « gauche » n’a aucune chance de regagner l’électorat populaire, car sa réalité et son image sont bourgeoises, et son racisme anti-oriental colle à son identité. L’immigration massive des Russes a d’ailleurs encore renforcé cette ligne de fracture. Pour reprendre pied dans les couches populaires, une nouvelle gauche est à construire, mais ceci est la tâche de la prochaine génération.
Ceci dit, les mariages intercommunautaires sont de plus en plus nombreux, et je pense que l’appartenance ethnique, au sein de la communauté juive-israélienne, tend à perdre petit a petit de sa pertinence.

Henri Wilno : Que représente l’extrême gauche en Israël ? Les Anarchistes contre le mur ? D’autres mouvements ?

Michel Warschawski : Ce qu’on appelle ici la gauche radicale est très modeste, définie essentiellement par son positionnement sur les questions politiques (conflit colonial et guerres), même si en général cette extrême gauche défend par ailleurs une orientation anticapitaliste. Elle n’a pas, dans la population juive, de parti dans lequel elle pourrait se structurer, et c’est dans des collectifs qu’on la trouve, que ce soit sur des questions d’ordre politique (occupation, racisme) ou d’ordre social (refugiés économiques, droits des femmes, logement…) Quand il y a des élections, elle vote par défaut pour un des « partis arabes », en particulier le Parti communiste. Ce dernier se défend d’ailleurs d’être « un parti arabe », même si 85 % de son électorat provient de la population palestinienne d’Israël.
Les Anarchistes contre le Mur, certaines organisations féministes, les divers groupes qui luttent contre l’occupation ou les injustices sociales, ou encore le Centre d’information alternative (AIC), se retrouvent dans des campagnes spécifiques (contre le mur, contre les groupes fascistes, pour les sans-papiers, etc.), mais il n’existe pas de structures pérennes.
Un des problèmes auxquels nous sommes confrontés est ce que j’ai appelé, il y a des années, l’« ONGisation » de la politique, une professionnalisation autour de petites boutiques, souvent bien financées pour leurs activités par des fondations ou des Etats européens. Les ONG font certes un bon travail d’information et de sensibilisation, mais elles ne peuvent en aucun cas être la base d’un mouvement de masse. Certains diront même qu’elles en sont, involontairement, un obstacle.

Henri Wilno : Comment évoluent les discriminations envers les Arabes israéliens ? La sécession entre Juifs et Arabes israéliens est-elle désormais complète ? Ou bien y-a-t-il des espaces communs de coopération et de lutte ?

Michel Warschawski : Depuis 2000 (en octobre 2000, Ehoud Barak ordonnait une répression sanglante des manifestations de solidarité, dans les localités arabes, avec la révolte palestinienne des territoires occupés), nous avons été témoins d’une rupture du front judéo-arabe qui caractérisait le mouvement d’opposition à l’occupation et aux discriminations contre la minorité palestinienne d’Israël (qui fait 20 % de la population). Les Palestiniens ne viennent plus à Tel Aviv pour manifester et ont fait le choix de se mobiliser dans leurs villes et villages. C’est ce qui explique pourquoi les manifestations dans les grandes villes juives sont passées de dizaines de milliers à quelques milliers seulement.
Derrière ce choix, s’exprime aussi une volonté d’autonomie, car dans le « front judéo-arabe », le PC poussait à une hégémonie juive, dont la présence de drapeaux israéliens et la sur-représentation d’orateurs juifs étaient les signes extérieurs.
La minorité arabe est représentée à la Knesset par trois partis de poids plus ou moins égal : le PC (sous la forme du Front pour la paix et l’égalite), le Rassemblement national démocratique (Balad – nationalistes radicaux), et la Liste arabe unifiée, nationaliste conservatrice.
Un amendement à la loi électorale peut pousser les partis arabes à faire à l’avenir liste commune, s’ils veulent avoir des élus, et si cette perspective se réalise, il pourrait y avoir dans la prochaine Knesset un groupe parlementaire arabe d’une quinzaine de députés (sur 120…) A moins que n’aboutissent les tentatives de l’extrême droite d’interdire à certains partis arabes de se présenter. A ce propos, les prochaines semaines seront déterminantes.
Pour que le front judéo-arabe se reconstruise, il est indispensable que les militants juifs acceptent de se débarrasser de leur volonté hégémonique et de devenir une force d’appoint à un mouvement qui est d’abord un mouvement national arabe.

Henri Wilno : Quel est l’écho de l’AIC dans le contexte actuel ?

Michel Warschawski : La spécificité du Centre d’information alternative est d’être, trois décennies après sa constitution, toujours la seule organisation commune israélo-palestinienne. L’AIC regroupe des militants, connus et reconnus, de la gauche palestinienne et des antisionistes israéliens. Si, comme son nom l’indique, elle fait un travail d’information et d’analyse politique et sociale (en particulier sur son site alternativenews.org), son originalité et son importance résident dans son choix d’être une brèche dans le mur qui sépare les deux sociétés, y compris dans le monde militant, et de promouvoir une perspective de coopération et de partenariat entre les mouvements des deux côtés de la « ligne verte ».
Dans un contexte où la séparation est perçue comme une valeur quasi-absolue, la perspective d’un vivre-ensemble est éminemment révolutionnaire, et elle passe par la nécessité d’un combat commun.

Pour en savoir plus :


OPÉRATION NAVALE UE-OTAN EN MÉDITERRANÉE: LE COUP DE L’ÉVENTAIL, VERSION NATO

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Aziouz Mokhtari

Le Soir d’Algérie – bureau de Bruxelles

le 21 mai 2015

Les Etats du Sud – arabe – de la Méditerranée ne s’en inquiètent pas. Ou si peu. Pourtant, les récentes décisions de l’Union européenne contre l’immigration clandestine sont de type néocolonial, ressemblant, à s’y méprendre, au coup de l’éventail de 1827 que soi-disant le dey Hussein administra à Pierre Deval, consul de France en Algérie. Ce qui amena la conquête puis la colonisation.

Aujourd’hui, les embarcations de fortune et les barques d’occasion remplacent le chasse-mouches de la régence d’Alger pour le prétexte. Pour le prétexte, seulement.

Le reste, certes actualisé, demeure le même.

Depuis quelques années, l’Union européenne s’arrime à l’Otan. Politiquement et militairement. Toutes les décisions stratégiques prises par la Commission européenne ou de type doctrinal conviennent à l’Alliance de l’Atlantique Nord. Ukraine, Syrie, relations tendues avec la Russie sont des postures de guerre froide, de tension similaires à celles de l’après-Seconde Guerre mondiale.

L’Union européenne n’est plus une force d’équilibre du monde, une zone qui peut, un tant soit peu, atténuer l’hégémonisme américain, l’ultralibéralisme et s’opposer à un monde unipolaire. Que du contraire! Depuis l’invasion de G. Bush fils de l’Irak, le rapport de force au sein des 28 a brusquement changé en faveur des USA.

Les States dictent, présentement, leur conduite. La chose est facilitée par la disposition naturelle vers les thèses américaines de la grande partie des commissaires européens, favorable au marché, à la loi de la finance, à l’austérité et, intellectuellement, nourrie à l’anti-soviétisme, devenu de l’anti-Russie, sans nuance.

Sur les opérations navales qui se préparent en Méditerranée pour «attaquer à la source le mal», la sémantique ne laisse pas de doute, l’immigration clandestine est devenue un mal, demain, sans doute, mutera-t-elle vers d’autres qualificatifs plus guerriers, plus agressifs; les Russes, les Chinois et une partie des Européens s’inquiètent à juste titre de cette évolution.

Tout d’abord, est-ce l’affaire de l’Otan, les traversées en mer d’Ulysse de clandestins embarquant de Libye, de Ceuta ou de Mellila, la majorité d’entre eux ne survivant jamais, les médias occidentaux les classent dans les rubriques «naufragés de la mer»?

L’Alliance, dont l’essentiel des institutions se trouvent, justement, à Bruxelles, ne prend même plus la peine de laisser à la Commission européenne de la solliciter pour l’intervention navale, les responsables de l’Otan prennent la parole sans ménagement pour le «gouvernement de l’Europe» et indiquent, seuls, la direction à suivre.

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Dès le moment où l’Otan décide, l’UE se met en ordre de bataille et s’affaire à trouver les mots, les discours et les justificatifs pour entériner et cautionner les oukases otaniens. Ce n’est plus l’UE historique dont les fondements étaient, précisément, d’être un continent aux intérêts, des fois convergents, des fois divergents avec les autres puissances mondiales. Bruxelles fonctionne, depuis les départs du Français Chirac, de l’Allemand Schroëder et de l’isolement diplomatique des Nordiques (Suède, Danemark, Autriche) au profit des ex-Est et des ex-Yougoslaves transformés en véritables satellites des USA et de l’Otan, comme simplement force d’appoint, sans valeur ajoutée à la paix du monde.

Même les historiques de la création de l’Union européenne, ceux du Bénélux (Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) et l’Italie ne se sentent plus à l’aise dans la configuration européenne actuelle.

La haute finance et le libéralisme outrancier ont pris le dessus sur le capitalisme de la révolution industrielle, créateur de richesses, d’emplois, source de profits et de grandeur de l’Europe des 19e et 20e siècles.

Les opérations navales, en définitive le droit d’intervenir militairement en pays d’autrui, n’augurent rien de bon.

Ça sent les guerres, les destructions massives et un ordre nouveau horrible. Et si la guerre de l’Otan drivée alors par N. Sarkozy n’était que le prélude et que le reste viendra après?

Tout semble l’indiquer. Houles en Méditerranée.

A. M.

repris sur raina.dz

ESPAGNE: APRES LES ÉLECTIONS LES « INDIGNÉS » SE RETROUVENT AUX PORTES DE MADRID ET DE BARCELONE

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AFP

Huffpost maghreb algerie

le 25 mai 2015


Les Espagnols ont adressé dimanche soir un sévère avertissement à l’establishment politique, entrouvrant les portes de Barcelone et de Madrid aux « indignés », à l’issue d’élections municipales et régionales où l’antilibéral Podemos a globalement confirmé sa troisième place.

À Barcelone, la liste de la militante anti-expulsions Ada Colau est arrivée en tête devant celle du maire sortant Xavier Trias, un nationaliste conservateur: elle a obtenu onze sièges contre dix pour celui-ci, cinq pour Ciudadanos (centre droit) et quatre pour le Parti socialiste catalan.

A Madrid, la liste « Ahora Madrid » de Manuela Carmena, comprenant notamment Podemos, est deuxième après celle du Parti populaire (20 conseillers contre 21 conseillers) mais pourrait gouverner avec l’appui du Parti socialiste (neuf sièges), Ciudadanos arrivant quatrième (sept sièges).

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élections Espagne

Manuela Carmena fête la victoire à Madrid le 24 mai

Dimanche soir peu avant minuit, la liesse a gagné les partisans de cette ancienne juge de 71 ans qui ont fêté ce qu’ils considèrent comme une victoire, dans cette capitale de l’Espagne tenue par la droite depuis 23 ans, berceau du mouvement des « indignés » contre la corruption et l’austérité.

« Un changement imparable »

Non loin du musée du Prado, ils hurlaient de joie en écoutant l’ex-magistrate évoquer un moment « extraordinaire » après une campagne financée par les seuls dons des militants.

« C’est merveilleux, enfin cette ville cessera d’être triste », se réjouissait Nacho Lopez, un acteur de 38 ans, dénonçant la politique « revancharde » de la droite face à la culture.

Pendant ce temps à Barcelone d’autres fêtaient la victoire de la liste d’Ada Colau, 41 ans, égérie des « indignés », soutenue par Podemos comme Manuela Carmena et qui, comme elle, avait hésité à se lancer en politique.

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élections Espagne

Ada Colau à Barcelone le 24 mai

« L’espoir a gagné, le désir de changement a vaincu la campagne de la peur, de la résignation », a-t-elle dit avec des larmes de joie. « J’ai toujours été dans le camp des perdants, je n’ai pas l’habitude de gagner, c’est étrange », déclarait un de ses fans, Fernando Ramos, 63 ans, avant d’assurer que le mouvement des « indignés » a été « un moteur de changement qui ne s’arrêtera pas ici ».

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Pactes en vue

Ils seront cependant vite rattrapés par la réalité des tractations qui suivront ces résultats: faute de suffrage universel direct, Ada Colau doit être investie par le conseil municipal et peut encore être renversée par une coalition d’opposants. A Madrid, le PP, qui reste en tête mais perd 10 conseillers, a encore ses chances.

« Nous devrions gouverner sauf en cas d’accord entre partis », a expliqué la rivale de Manuela Carmena, Esperanza Aguirre. « Si la seule façon que le PP parte c’est de conclure un accord », Manuela Carmena devrait le faire, « mais elle respectera toujours son programme, j’ai confiance en elle », affirmait une électrice de 50 ans, Ana Prada, qui disait avoir voté « pour la première fois avec joie ».

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Sur l’ensemble du pays, la droite ne s’effondre pas mais cède du terrain. Elle perd une région qui passe au Parti socialiste (Estrémadure, ouest) et en garde 12 sur les treize en lice, mais sans majorité absolue. Les voix du PSOE alliées à celles de Podemos dépassent souvent les siennes.

« La prochaine législature municipale et régionale sera celle du dialogue et des accords », a dit Carlos Floriano, un des dirigeants du PP, semblant entendre le message.

Plus de « gouvernements progressistes »

Pedro Sanchez, secrétaire général du Parti socialiste, a lui estimé que les Espagnols avaient montré qu’ils voulaient un coup de barre à gauche, assurant qu’il appartiendra à son mouvement de faire en sorte qu’il y ait « des gouvernements progressistes » et « un changement sûr ».

Podemos, créé en janvier 2014 par un groupe d’enseignants en sciences politiques, a d’ailleurs gagné une troisième place dans douze régions. « Les partis au pouvoir ont eu les pires résultats de leur histoire », a réagi fièrement Pablo Iglesias, son leader, promettant « un changement irréversible ».

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élections Espagne

L’autre nouvelle formation nationale, Ciudadanos, parti de centre droit né en Catalogne, s’est présentée dans un millier de mairies et a pu se hisser à la troisième place au niveau municipal avec un discours moderne, favorable aux entrepreneurs, implacable sur la corruption.

Ces résultats ne faciliteront pas la tâche de la droite au pouvoir, qui se prépare à un autre marathon en vue d’élections législatives prévues à la fin de l’année.

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pour accéder à l’article et aux photos, cliquer sur le lien (…)

ÉGYPTE – 16 MAI 2015 : 106 PEINES DE CONDAMNATIONS À MORT

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L’ÉGYPTE A BESOIN D’ENTENDRE AUTRE CHOSE QUE « VIVA LA MUERTE »Saïd Djaafer – directeur éditorial du Huffington Post Algérie – le 17 mai 2015;


MARZOUKI LANCE UNE PÉTITION INTERNATIONALE CONTRE LES JUGEMENTS INJUSTES À LA PEINE DE MORT DE DIZAINES D’ACTIVISTES POLITIQUES ÉGYPTIENSgnet.tn – le 26 Mai 2015;


DES PALESTINIENS DÉJÀ MORTS… CONDAMNÉS À MORT EN EGYPTE AINSI QU’UN DÉTENU DEPUIS 19 ANSMalik Tahir – la 17 mai 2015 – Huffpost Maghreb Algérie;


L’ÉGYPTE A BESOIN D’ENTENDRE AUTRE CHOSE QUE « VIVA LA MUERTE »

Saïd Djaafer

directeur éditorial du Huffington Post Algérie

le 17 mai 2015

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« Accablé ». C’est le mot utilisé par un confrère après l’annonce, samedi, des condamnations à mort de masse prononcées par un juge égyptien contre l’ancien président Mohamed Morsi, les hauts dirigeants de l’organisation des Frères Musulmans et de nombreux palestiniens dont des morts et un homme emprisonné depuis près de 20 ans.

Accablement car cela rappelle l’engrenage des années 90 en Algérie et comment dans l’enchaînement des actions et des réactions un processus démocratique est mort et un pays s’est déchirée. Accablement et frayeur de voir que les expériences ne servent à rien.

L’Égypte n’est pas l’Algérie, certes. Mais cela pourrait être pire que nos années 90 dont nous avons grand peine à sortir politiquement et moralement. Le contexte actuel est en effet encore plus anxiogène et plus critique que nos années 90.

Les conséquences d’une situation où des milliers de Frères Musulmans basculeraient dans la violence, faute d’option politique ou de recours -et ils ont hélas la démonstration que la justice n’en est pas un- seraient calamiteuses.

Les explications de la crise algérienne des années 90 -dont on n’est pas sorti- sont variées, elles épousent les divergences idéologiques et les positionnements politiques. Pourtant, les représentants de toutes les tendances en sont revenus et quand ils ne le clament pas publiquement, ils l’admettent en aparté: ce fut un terrible et gigantesque gâchis.

LIRE AUSSI: Égypte: la condamnation à mort de Mohamed Morsi indigne la toile.

Le bannissement de la politique

L’ancien président tunisien et toujours militant des droits de l’Homme, Moncef Marzouki, notre voisin, connait parfaitement cet engrenage où la politique disparaît totalement et donc de la possibilité de négocier et de recréer des consensus. Ce bannissement du politique corollaire d’un choix d’exclusion ne laisse de place qu’au rapport de forces violent et dévastateur.

Marzouki a réagi rapidement au verdict sidérant en condamnant un « jugement politique et injuste ». Au-delà de la solidarité affichée à l’égard de Mohamed Morsi et des condamnés à mort, l’ancien président tunisien met surtout en garde les responsables égyptiens dans cette dérive grave où la justice cesse d’être un recours, un arbitre, pour se transformer en machine de guerre, en instrument à éliminer.

Il n’est pas certains que les responsables égyptiens entendent son « appel à la raison » dans le climat cynisme politico-médiatique qui règne en Égypte et où les faiseurs de propagande ont tendance à s’auto-intoxiquer.

Mais cela n’enlève rien à la justesse de l’appel aux dirigeants égyptiens à « ne pas continuer dans des choix qui ne peuvent apporter que des calamités à l’Égypte que nous aimons et dont nous sommes soucieux de la stabilité ».

Moncef Marzouki appelle à ne pas commettre l’irréparable -l’exécution des peines de morts- et à engager une « politique de réconciliation nationale pour préserver la paix sociale et la vraie sécurité ».

L’ancien président tunisien en a profité pour affirmer en direction de l’ensemble des peuples, des partis et « notamment islamistes » de l’impératif de « bannir la peine de mort de nos pays ».

LIRE AUSSI: Égypte: l’ex-président islamiste Mohamed Morsi condamné à mort.

Une justice à télécommande

« Ces nouveaux drames confirment que la peine capitale est justifiée par le besoin de punir les crimes » mais que son « but principal était et reste la vengeance politique, de classe » et une volonté de « terroriser les peuples pour maintenir l’oppression ».

Les dégâts de la peine de mort « sont énormes » alors que ses résultats contre le crime sont négligeables, a-t-il affirmée, appelant à rejoindre rapidement le « club des États démocratiques et des peuples civilisés qui ont banni la peine de mort ».
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Moncef Marzouki n’est pas un islamiste, c’est un vieux militant des droits de l’Homme. Sa parole est précieuse à un moment où les politiques menées en Égypte sont entrain de miner profondément et dangereusement le tissu social.

Il est également salutaire de voir que des égyptiens marqués à gauche se positionnent avec force contre ce verdict.

C’est le cas des « Socialistes révolutionnaires » égyptiens qui soulignent dans un communiqué que leurs divergences avec les Frères Musulmans ne les empêcheront pas de dénoncer des condamnations de masses sans « précédent dans l’Histoire de l’Égypte contemporaine ». C’est « un verdict catastrophique » qui montre que la justice est « gérée par la télécommande ».

Il n’est jamais trop tard pour stopper un enchaînement d’actions et des réactions qui finissent par créer leurs propres dynamiques destructrices. Il est bon que des hommes comme Marzouki et des militants de gauche le disent. L’Égypte a besoin d’entendre autre chose que les sinistres « Viva La Muerte ».

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LIRE AUSSI SUR LES BLOGS: Les pays nord-africains sont-ils condamnés à vivre sous la dictature?

Sources: Huffpost Maghreb Algérie

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MARZOUKI LANCE UNE PÉTITION INTERNATIONALE CONTRE LES JUGEMENTS INJUSTES À LA PEINE DE MORT DE DIZAINES D’ACTIVISTES POLITIQUES ÉGYPTIENS

gnet.tn
publié le Mardi 26 Mai 2015

Des politiciens, hommes de culture, activistes de la société civile, universitaires, journalistes, syndicalistes et acteurs sociaux lancent une pétition internationale suite aux jugements injustes à la peine de mort contre des dizaines d’activistes politiques égyptiens, à leur tête l’ancien président, Mohamed Morsi, jugé en violation des dispositions prévues dans la constitution.

Les signataires dénoncent dans cette pétition parue sur la page officielle, de l’ancien président, Moncef Marzouki, les jugements à la peine capitale et tous les procès politiques en Egypte, et condamnent l’exécution de six jeunes sans avoir bénéficié d’un jugement équitable.

Ils appellent les autorités égyptiennes à surseoir aux jugements et à mettre un terme à la répression contre les activistes politiques.

Ils mettent en garde contre la violence et l’escalade pouvant découler de ces jugements, ce qui prépare le terrain à une guerre civile, dont seuls les ennemis de la démocratie et de la stabilité profiteront.

Ils appellent l’ensemble des forces vives en Egypte à se rassembler autour d’un dénominateur commun national et fédérateur, et à unifier les efforts pour sauver l’Egypte, et baliser le terrain à la reprise du processus de transition démocratique.

Ils appellent les sages de la nation, les amis du peuple égyptien parmi les libres de ce monde défenseurs de la démocratie, des droits de l’Homme, et du droit des peuples à choisir leur régime et dirigeants, à une action rapide, forte et efficiente pour suspendre ces jugements, aider le peuple égyptien à la transition démocratique et lui épargner les affres de la guerre civile.

Pour signer cette pétition, il convient d’envoyer un mail à l’adresse suivante petition.masr@gmail.com , en indiquant le nom complet, la qualité, l’organisme et le pays.
Gnet

Ci-après le texte de la pétition dans sa version originale :

عريضة دولية

على اثر الأحكام الظالمة بالإعدام على العشرات من الناشطين السياسيين المصريين وعلى رأسهم الدكتور محمد مرسي أول رئيس منتخب ديمقراطيا والمحاكم اليوم دون احترام للإجراءات المنصوص عليها في الدستور، وما يمكن أن ينجرّ عن هذه الأحكام من انزلاق نحو العنف والاحتراب الأهلي في مصر في سياق وضع اجتماعي شديد الاحتقان، فإنّنا نحن السياسيين والمثقفين ونشطاء المجتمع المدني والمجال العام حقوقيين وجامعيين وإعلاميين ونقابيين وفاعلين اجتماعين، نعبّر عن:

تنديدنا بأحكام الإعدام وشجبنا لكل المحاكمات السياسيّة في مصر، واستنكارنا الشديد لتنفيذ أحكام الإعدام في حق 6 من الشباب لم يحظوا بمحاكمة عادلة،

دعوة السلطات المصريّة إلى إيقاف الأحكام وما يتعرّض له الناشطون السياسيون من قمع وسجن وتشريد بسبب تمسكهم باستحقاقات ثورة 25 ينايرفي الحريٌة والكرامة.

تحذيرنا ممّا يمكن أن ينجرّ عن هذه الأحكام من تصعيد للعنف يمهّد لحرب أهليّة لن يستفيد منها إلاّ أعداء الديمقراطيّة والاستقرار.

دعوة كلّ قوى المجتمع المصري من أحزاب سياسيّة وقوى مدنية وروابط شبابيّة ومراجع فكريّة وثقافيّة وأخلاقيّة إلى الالتقاء حول مشترك وطني جامع وتوحيد الجهود لإنقاذ مصر ومنع الانزلاق نحو العنف والانتقام والتمهيد لاستئناف مسار الانتقال الديمقراطي.

دعوة العقلاء في الأمّة وكلّ أصدقاء الشعب المصري من أحرار العالم المدافعين عن الديمقراطيّة وحقوق الإنسان وحق الشعوب في اختيار حكّامها وأنظمتها إلى التحرّك السريع والقويّ والفعّال لإيقاف هذه الأحكام ومساعدة الشعب المصري على الانتقال إلى الديمقراطيّة وتجنيبه ويلات الحرب الأهليّة
***********************
التوقيع
الرجاء توقيع العريضة عبر إرسال رسالة الى البريد الالكتروني التالي:
petition.masr@gmail.com
فيها المعطيات التالية:
الاسم الكامل – الصفة – الهيكل – الدولة.

Sources:

OPÉRATION ANTITERRORISTE DE L’ANP

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L’opération militaire de l’ANP contre les terroristes à Bouira

décryptée au CPP de Radio M (VIDÉO)

par Nejma Rondeleux
HuffPost algérie

le 21 mai 2015

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Quelque 25 terroristes ont été tués en 24 heures par les forces de l’Armée nationale populaire (ANP) entre mardi et mercredi 20 mai dans une grande opération menée dans la région de Bouira, à une centaine de kilomètres à l’est de la capitale, Alger.

L’opération, spectaculaire par son bilan et dont les circonstances ne sont pas encore clairement établies, suscite beaucoup d’interrogations dans un pays qui a connu une décennie de violences dans les années 90 et qui est depuis le début des années 2000 installé dans ce qu’on appelle le « terrorisme résiduel ».

Une notion déjà utilisée par le passé, reprise à nouveau, ce jeudi, par Ramtane Lamamra, ministre des Affaires étrangères. Et qui continue de soulever des questions sur le sens à lui donner.

Ramtane Lamamra a affirmé jeudi 21 mai qu’il ne restait « que des résidus de terrorisme en Algérie », après l’élimination cette semaine de 25 islamistes armés à l’est d’Alger, rapporte ce jeudi l’agence de presse française AFP. Avec cette opération, le nombre d’islamistes armés tués depuis le début del’année par l’armée est de 59. Plus de 100 islamistes armés avaient été tués en 2014, selon l’armée.

Qui sont ces terroristes? Pourquoi étaient-ils, contrairement à la tactique qui semblaient prévaloir chez les groupes armés, aussi nombreux au même moment dans la région de Ferkioua? Comment interpréter les chiffres ? Quelles menaces représentent-ils ?

Ces questions ont été passées au crible ce matin par les journalistes du Café presse politique (CPP), l’émission hebdomadaire de Radio M.

La première question à laquelle ont tenté de répondre les journalistes du CPP lors de l’émission présentée par Khaled Drareni, en l’absence de Souhila Benali est celle de l’appartenance des terroristes abattus.

Sont-ils des éléments d’Al-Qaïda au Maghreb (AQMI) ou de Jund Al-Khilafa dont les chefs ont déjà été éliminés dans des opérations des services de sécurité? S’agit-il de nouvelles recrues ou des résidus de la guerre civile? s’est interrogé Ihsane El Kadi, directeur d’Interface Médias, qui pense que le groupe ciblé par l’armée algérienne fait probablement partie d’Aqmi.

La presse algérienne a fait état de la mort de plusieurs chefs jihadistes dans l’opération mais il n’y a eu aucune confirmation officielle, rapporte aujourd’hui l’AFP. « Des experts de l’Institut de criminologie d’Alger sont en train de procéder à l’identification des islamistes tués, ce qui leur permettra de déterminer avec certitude leur appartenance: Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ou Jund al-Khilafa », poursuit l’agence de presse française qui a interrogé une source sécuritaire.

« Je pense que la sortie de Jund El Khalifa, responsable de la mort d’Hervé Gourdel, en septembre 2014 a fait avorter l’évolution rapide d’une branche Daech en Algérie, du moins en Kabylie, puisque le chef a été abattu dans la commune des Issers ».

LIRE AUSSI: Militants ou terroristes ? Des médias français provoquent l’indignation des Algériens

Fourmilière

L’autre question soulevée dans le CPP est celle du nombre. 25 terroristes abattus en 24 heures, « c’est un gros succès de l’armée » a commenté Abed Charef en soulignant que ce nombre équivaut pratiquement au bilan annuel.

« Que faisait un tel contingent de terroristes à 150 kilomètres d’Alger? » s’est interrogé Mounir Boudjemaa, journaliste spécialiste des questions sécuritaires.

« On ne sait pas dans quelles conditions ces terroristes se sont réunis : est-ce une réunion de plusieurs factions ou pas ? », s’est demandé le journaliste qui a aussi insisté sur les circonstances dans lesquelles l’opération a été menée. « Il faut expliquer à l’opinion publique dans quelle phase la lutte anti-terroriste est entrée ».

J’ai l’impression que l’on est en train de militariser la lutte anti-terroriste. On tape un grand coup dans la fourmilière. A première vue ça peut paraître impressionnant mais en seconde lecture c’est assez préoccupant. Pourquoi? Parce que le terrorisme n’est pas que dans les maquis. On peut tuer un exécutant mais il y a toute la matrice derrière », a relevé Mounir Boudjemaa.

Résidu

La question de savoir que représente ce terrorisme résiduel a été soulevée par Saïd Djaafer, directeur du Huffington Post Algérie.

« A chaque fois, les chiffres avancés sur le nombre de terroristes tournent autour de 400 tandis que des opérations se poursuivent », a-t-il souligné en relevant qu’il y a une constance dans l’effectif des groupes armés qui suscite des questions. « On donne la perception que la menace vient de l’étranger mais la persistance de ce terrorisme résiduel interroge ».

Poursuivant sur l’origine des terroristes, Mounir Boudjemaa a dressé une géographie des groupes djihadistes.

« Avec la déflagration de la Libye, la montée d’un réseau terroriste tunisien de plus en plus puissant, la persistance de la menace sahélienne, on se rend compte qu’il y a une interpénétration régionale qui va jusqu’au Nigeria, en Somalie et peut aller jusqu’en Irak et en Turquie ».

Cela donne, a-t-il poursuivi un « éventail extrêmement puissant supporté par le fait que les terroristes peuvent infiltrer des réseaux de migrants qui partent en Europe ».

Enfin, la question de l’objectif de la lutte antiterroriste est venue clôturer les débats. « Au milieu des années 90, l’objectif était d’empêcher les islamistes de prendre le pouvoir, à partir des années 2000. L’action a consisté à contenir le terrorisme dans des zones pas très influentes, aujourd’hui, l’objectif est de réduire l’impact du terrorisme a un seuil très bas de manière à avoir une sorte de vie normale dans le reste du pays… en attendant mieux » a noté Abed Charef.

LIRE AUSSI: L’Algérie réplique aux accusations de défaillances dans la lutte anti-terrorisme portées par l’Arabie Saoudite

Retrouvez toutes les émissions de Radio M ICI.

PARIS-31 MAI- PALAIS DE LA PORTE DORÉE: HOMMAGE A RENÉ VAUTIER

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Newsletter du Maghreb des Films

HOMMAGE À RENÉ VAUTIER

DIMANCHE 31 MAI À 15H30

AU PALAIS DE LA PORTE DORÉE

LE MUSÉE DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION ET LE MAGHREB DES FILMS RENDENT HOMMAGE À RENÉ VAUTIER LE DIMANCHE 31 MAI À 15H30

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Palais de la Porte dorée
293, avenue Daumesnil
75012 Paris
En métro : station Porte Dorée (ligne 8)
En tramway : ligne T3
En bus : 46

Seront projetés :

Algérie en flammes (20’) : Un reportage sur le mouvement de résistance algérien

Les Trois Cousins (10’) : Fiction tragique sur les conditions de vie de trois cousins algériens à la recherche d’un travail en France. Logés dans un étroit réduit, le poêle à charbon provoque leur asphyxie. La face cachée de l’immigration…

Les Ajoncs (10’): Fable poétique et humoristique dans laquelle un immigré algérien (Mohamed Zinet) traverse la Bretagne à la recherche d’un travail. Il trouve une carriole et se met à vendre des ajoncs dans un village. À la sortie de l’usine, les ouvrières en signe de solidarité ramassent les fleurs dispersées et les lui paient.

Et le mot frère, et le mot camarade (50’) : Peut-on écrire l’histoire en poèmes ? C’est ce qu’a tenté René Vautier, à la demande du Musée de la Résistance Nationale, avec l’aide de grands poètes (Aragon, Eluard, Desnos).

Et aussi en s’appuyant sur des poèmes écrits dans les prisons et les camps de déportation, des poèmes de fusillés

La séance sera présentée par Benjamin Stora, président du Conseil d’Orientation du Musée de l’Histoire de l’Immigration.

À la suite de la projection, un débat rassemblera :

  • Peggy Derder, historienne, responsable du Département des Actions pédagogiques au Musée de l’Histoire de l’Immigration,
  • Moïra Vautier, Bruno Muel et Nasr-Dinn Guenifi, qui ont assisté René Vautier dans de nombreux films,
  • Gilles Manceron, historien.
  • Mouloud Mimoun coordonnera les échanges

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© Maghreb des films — 2015


sur socialgerie
HOMMAGE À RENÉ VAUTIER, LE « MAQUISARD DE LA CAMÉRA »1531

« LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE EST ENCORE MARQUÉE PAR LA QUESTION ALGÉRIENNE »

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entretien réalisé par Grégory MARIN

L’HUMANITÉ

le 15 mai 2015

[repris le 18 mai 2015 par Saoudi Abdelaziz

blog algerieinfos
->http://www.algerieinfos-saoudi.com/2015/05/la-societe-francaise-est-encore-marquee-par-la-question-algerienne.html]

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Plaque commémorative du cimetière de Beziers, inaugurée le 6 décembre 2003, avec des photos des quatre membres de l’OAS fusillés après avoir été condamnés à mort.

« La société française est aujourd’hui encore très fortement marquée par la question algérienne. Il y a plusieurs millions de Français qui sont liés à l’histoire de l’Algérie pour des raisons différentes : les pieds-noirs et leurs descendants qui vivent encore dans la haine et le regret, les soldats de l’époque, qu’ils aient été ou non des héros, et les Algériens qui ont vécu là-bas et leurs descendants français, de quelque côté qu’ils aient été, indépendantistes ou harkis. Des gens qui ont un seul point commun et toutes les raisons de continuer le combat mémoriel.

Et puis, il y a ce que j’appelle un «nouveau vécu» de la guerre d’Algérie. Un ancien soldat qui prend le métro à Saint-Denis ou à Bobigny est confronté à cette sensation de présence massive d’Algériens (ou ce qu’il peut assimiler comme tels) et, pour certains, la théorie du grand remplacement n’est pas loin.

Autant d’éléments qui font que les plaies de la guerre d’Algérie ne sont pas refermées ».


Un entretien avec l’historien Alain Ruscio[[Auteur de « Nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS ». Lire quelques pages sur notre blog]]

par Grégory Marin, le 15 mai 2015. l’Humanité

36423.hr.jpgFrancine Bajande

Dans Nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS, l’historien spécialiste de l’histoire coloniale analyse l’impact que la guerre d’Algérie a encore dans l’inconscient collectif. La faute en revient à « une seule famille politique française, écrit Alain Ruscio, celle des anciens de l’Organisation armée secrète et de leurs héritiers, (qui) l’a malhonnêtement et durablement instrumentalisée ».
Tout le monde a oublié le début de la fameuse tirade sur « le bruit et l’odeur » de Jacques Chirac [[Discours prononcé lors d’un banquet du RPR, 
à Orléans, le 19 juin 1991]]: « Il est certain que d’avoir des 
Espagnols, des Polonais et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d’avoir des musulmans et des Noirs. » Est-ce à dire qu’il y aurait un « problème » spécifique lié à l’immigration des anciennes colonies françaises?

Alain Ruscio. C’est clair. En particulier vis-à-vis des musulmans, il y a une hostilité très largement antérieure à la colonisation. Pour ma part, je la situe aux croisades. La haine du monde chrétien tient au fait que, après une progression inégalée, la conquête de presque tout le monde connu, il se trouvait face à un bloc inexpugnable, l’Islam. Évidemment, cette tendance s’est creusée avec la colonisation, parce que, parmi les motivations, il y avait la volonté d’évangélisation, même si elle a fait débat, les autorités civiles ne voulant pas ajouter ce motif d’affrontement. Cette hostilité très ancienne, on la retrouve bien évidemment en Algérie, la seule colonie de population – avec la Kanaky, même si les proportions ne sont pas les mêmes. Entre 10 % de colons considérés comme catholiques et 90 % d’Arabes et de Kabyles musulmans, ça ne pouvait qu’exploser. Il y a une sorte de rage de la société européenne de s’être pour la première fois attaquée à un bloc qu’elle n’a pas pu entamer. Cela ne concerne pas seulement l’OAS, mais l’ensemble de la société des colons. C’est très ancien et très profond.

Pourquoi cette hostilité s’est-elle concentrée sur le Maghreb et l’Algérie, et pas sur les autres colonies françaises?

D’abord, il y a un effet de masse. À l’apogée du système colonial en Indochine, par exemple, il y avait à peu près 40 000 Français, gendarmes, douaniers, administrateurs, quelques colons ou planteurs d’hévéa… pour 20 millions d’autochtones vietnamiens, laotiens, cambodgiens. À la limite, un villageois vietnamien pouvait passer sa vie entière sans jamais croiser un Français. Et puis, là-bas, les colons ont très vite fait leurs bagages, dès 1945, quand ça sentait le roussi. Pour des raisons économiques, pour sauver leurs placements, et pour des raisons humaines, ils n’avaient pas envie de vivre dans un pays en guerre. Ceux-là se sont fondus sans souci dans la population de métropole ou d’autres colonies : on en trouve aux Nouvelles-Hébrides, en Nouvelle-Calédonie, en Afrique quand l’AOF était encore française. Mais, même si les soldats qui revenaient de la guerre là-bas colportaient leur haine anti-Viêt-minh, cela n’avait pas la même prise que pour l’Algérie, plus tard: il y a eu 20 000 morts français en Indochine, c’est beaucoup, mais ça touchait peu les familles françaises. Pour faire le parallèle, au moment de la guerre d’Algérie, dans presque toutes les familles françaises moyennes il y avait un appelé. Pour l’Indochine, si on avait quelqu’un là-bas, c’était un engagé, il avait choisi, ça avait moins d’impact.

La guerre d’Algérie était-il un sujet de préoccupation quotidien en métropole ?

Oui, parce que le FLN (Front de libération nationale) avait fait le choix d’importer la guerre sur le territoire métropolitain, avec des attentats dès 1958, des affrontements interalgériens (entre le FLN et le Mouvement national algérien) souvent rapportés par la presse et qui ont fait beaucoup plus de morts – environ 4 000morts – que n’en a fait la police française. Si on ajoute les manifestations, tout cela fait que la guerre d’Algérie était très présente dans la vie quotidienne avant 1962. Après cette date, il y a eu entre 700 000 et 800 000 Français d’Algérie qui n’étaient, c’est vrai, pas bien accueillis parce qu’ils étaient assimilés à une page de l’histoire que les Français voulaient tourner. Néanmoins ils étaient là, ce qui fait que cette histoire continuait à marquer la société.

D’autant qu’elle a traîné en longueur, parce que les pieds-noirs, l’OAS surtout, avaient la « farouche volonté de rester », y compris en utilisant « le flingue, la grenade, le couteau, le plastic ». Une décolonisation pacifique n’aurait de toute façon pas été possible?

Travailler au conditionnel passé est difficile. Ce que je constate dans le livre, c’est que toutes les portes qui ont été entrouvertes à une transformation des rapports humains dans cette société coloniale ont été refermées par la volonté de la grande majorité des colons français, bien avant la création de l’OAS. Pour la majorité coloniale, les musulmans n’avaient pas la capacité d’exercer des droits politiques. Je cite par exemple le projet Viollette, en 1936, sur lequel la gauche a été en dessous de tout, et le PCF pas particulièrement hardi. Il s’agissait d’octroyer le droit de vote à 20 000 ou 30 000 musulmans. Mais il est resté dans les tiroirs, et n’a même pas été présenté à l’Assemblée, à la suite du congrès des maires d’Algérie, qui, à l’unanimité moins une abstention, a menacé de boycotter l’administration. Le monde politique a toujours capitulé devant ce front uni. Ça fait souvent grimacer, mais il n’y a que trois hommes politiques français qui ont tenu tête aux Européens d’Algérie : Napoléon III avec son rêve de « royaume arabe » ; Clemenceau, qui, en 1919, voulait remercier les soldats indigènes de la Grande Guerre en améliorant leur statut, et de Gaulle. Trois hommes de droite. Mais à chaque fois, il y a eu refus catégorique de toute concession. Bien sûr, il y a toujours eu des progressistes, mais leur voix n’a jamais été écoutée. Lorsque les communistes disaient que pour construire une nation algérienne, il fallait que toutes ses composantes s’unissent, les Européens ricanaient.

Pire, les progressistes, les communistes généraient un ressenti particulier : ils étaient des traîtres à leur pays…

Oui. Même avant l’OAS, tout Français d’Algérie « indigénophile », qui voulait assouplir la condition des Algériens, était taxé de trahison, d’utopie dans le meilleur des cas. Le Parti communiste algérien a eu un grand mérite historique en réussissant à unir les deux communautés, Européens et autochtones, dans ses rangs – un exemple unique au monde. Et si, au fur et à mesure que l’aspect nationaliste du PCA s’affirmait, les Européens l’ont quitté, en revendiquant l’accès pour les Algériens aux mêmes droits que les Français, ils risquaient leur peau. Ça s’est accéléré avec l’apparition de l’OAS. Même des gens pas particulièrement révolutionnaires comme le secrétaire de la SFIO, William Levy, ont été tués. Tout ce qui passait pour de la tiédeur était menacé de mort.

Dans le livre, vous parlez de « ces-Français-qui-se-croient-de-souche », pour qui l’histoire coloniale est « dans leur vie d’aujourd’hui »…

La société française est aujourd’hui encore très fortement marquée par la question algérienne. Il y a plusieurs millions de Français qui sont liés à l’histoire de l’Algérie pour des raisons différentes : les pieds-noirs et leurs descendants qui vivent encore dans la haine et le regret, les soldats de l’époque, qu’ils aient été ou non des héros, et les Algériens qui ont vécu là-bas et leurs descendants français, de quelque côté qu’ils aient été, indépendantistes ou harkis. Des gens qui ont un seul point commun et toutes les raisons de continuer le combat mémoriel. Et puis, il y a ce que j’appelle un « nouveau vécu » de la guerre d’Algérie. Un ancien soldat qui prend le métro à Saint-Denis ou à Bobigny est confronté à cette sensation de présence massive d’Algériens (ou ce qu’il peut assimiler comme tels) et, pour certains, la théorie du grand remplacement n’est pas loin. Autant d’éléments qui font que les plaies de la guerre d’Algérie ne sont pas refermées.

Il y a toujours une grande mobilisation de ces anciens d’Algérie liée au milieu des colons et à l’OAS. Quel est l’intérêt pour eux ?

Dans leur logique, on entend : « Ils nous ont virés et maintenant, ils sont là. » Ce constat erroné s’appuie sur un échec, réel celui-là, de l’Algérie nouvelle. Nul ne peut nier que l’enthousiasme de 1962 se soit vite dilué dans la bureaucratie, le parti unique, la prévarication, le népotisme… Les nostalgiques de l’Algérie française s’en servent pour dire que, de leur temps, ça n’allait finalement pas si mal. Comme ils ont fantasmé cette Algérie heureuse, ils font des parallèles historiques totalement dénués de fondements, mais auxquels ils croient dur comme fer.

C’est leur « paradis perdu »…

Oui. J’ai presque une sorte de… (il hésite longuement – NDLR) tendresse pour ces gens-là, qui vont mourir sans jamais rien avoir compris à leur vie. Cette génération toujours rivée à ses certitudes n’a rien compris aux raisons de son douloureux exil. Je cite, par exemple, l’entretien de Marthe Villalonga, cette brave femme qui n’est pas une facho, pas OAS, qui dit [[Dans le documentaire l’Amère Patrie.]]: « On s’entendait bien avec les Arabes. » D’autres maintiennent qu’il y avait des petits Arabes à l’école, alors qu’il n’y en avait pas un sur trente ! Et dans cette société « idyllique », d’un seul coup surgissent des agitateurs, le FLN, probablement payé par Moscou ou Le Caire, qui veulent les égorger ?

Un coup de tonnerre dans un ciel serein…

Évidemment, non. On ne peut comprendre la guerre d’Algérie sans remonter loin. Tout récit de cette guerre qui commence au 1er novembre 1954 est totalement discrédité. Comme on ne peut comprendre le nazisme si on part seulement de la prise du pouvoir en 1933, ou de la Révolution française si on ne traite qu’à partir du 14 juillet 1789.

Si ce groupe minoritaire et hyperactif, qui campe sur ses positions et les transmet à ses enfants, est toujours écouté, comment faire pour « débloquer l’histoire » ?

Je suis assez pessimiste. Si ça n’a pas été possible depuis 1962, ce sera difficile. Depuis la fin de la guerre, il sort à peu près un livre par an de témoignages sur le sujet : tous sont fiers de ce qu’ils ont fait, certains expliquant même dans le détail comment ils ont tué. Ils n’ont aucune décence, ni remords. Pour faire sauter ce bouchon, il faudra sans doute attendre l’extinction naturelle de cette génération. Mais même après, le poison irriguera une partie de la société française. Quand on voit ce que le maire UMP de Wissous, Richard Trinquier (fils de l’officier putschiste Roger Trinquier), dit des musulmans, les prises de position de la maire UMP d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains, de Michèle Tabarot, les innombrables stèles et hommages à Béziers, Toulon, Marignane, Nice… cette transmission de leurs valeurs peut faire durer le blocage. Il y a un problème essentiel à mon avis : le manque de porosité entre le monde de la connaissance et la société. Je ne connais aucun historien qui soit dans le registre de l’Algérie heureuse : ils ont tous des yeux pour voir, travaillent sur les archives, les textes – qui sont par ailleurs consultables par le public. Mais ils se heurtent au mur des certitudes. Peut-être que les politiques peuvent faire quelque chose. L’ancien maire de Paris, Bertrand Delanoë, par exemple, en inaugurant une place Maurice-Audin, une plaque à la mémoire des victimes de l’OAS au Père-Lachaise, a bien fait. Mais c’est un rôle qui revient avant tout à l’éducation, au sens large. Je rêve de voir sur le service public une série complète sur la véritable histoire de la colonisation, sans en faire un tableau noir mais en rappelant la réalité. Mais dès qu’on affiche la volonté de présenter une histoire critique, on se heurte à de fortes réticences.

Sources :

  • http://www.humanite.fr/alain-ruscio-la-societe-francaise-est-encore-marquee-par-la-question-algerienne-574124
  • http://www.algerieinfos-saoudi.com/2015/05/la-societe-francaise-est-encore-marquee-par-la-question-algerienne.html

Débat. L’actualité en « Ménardie »

Les citoyens biterrois libèrent la parole, jeudi 21 mai, à 19 heures, au Théâtre du Minotaure de Béziers (15, rue de Solferino). Débat autour de la guerre d’Algérie avec Alain Ruscio (1), le journaliste Pierre Daum, auteur du livre le Dernier Tabou, sur les harkis restés en Algérie après 1962, et Jacques Cros, militant communiste, ancien soldat du contingent en Algérie, et animé par Jean-François Gavoury, président d’une association de victimes de l’OAS.

CULTURE ET IDENTITÉ: LA QUESTION BERBÈRE EN DÉBAT A LA SORBONNE

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Sarah A

reporters.dz

le 19 mai 2015

La question berbère à la lumière des évolutions postcoloniales en Afrique du Nord est le thème d’un colloque qui se tiendra les 19 et 20 mai à l’Université parisienne de La Sorbonne.[[19 et 20 mai La Sorbonne – amphithéâtre Richelieu, ACB, …]]

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Une première en France. Car « depuis 1990, il n’y a pas eu de grande réunion scientifique sur la question berbère », notent les organisateurs de cette rencontre scientifique, qui ouvrent ainsi le débat sur une problématique qui se pose avec acuité pour l’ensemble des pays de l’Afrique du Nord et de la sous-région du Sahel en butte à la poussée revendicative pour la reconnaissance de l’identité originelle de ces régions de l’Afrique. « Face aux soulèvements populaires de 2011 notamment, aux manifestations, aux revendications et aux acquis du mouvement amazigh, nul n’ignore plus que jamais la force d’un mouvement porté par 20 à 30 millions de berbérophones. Les repères identitaires et culturels de la population sont un objet essentiel de la reconfiguration en cours ou à venir du Maghreb au Sahel. Les Berbères sont le peuple originel du quart nord-ouest du continent africain (de l’oasis de Siwa en Egypte aux îles Canaris). Envahis, progressivement convertis à l’islam, occupés militairement et politiquement par divers peuples depuis l’antiquité, les Berbères non arabisés ont réussi à préserver leur culture, notamment leur langue, jusqu’au XXIe siècle. Bien qu’en régression au cours du XXe siècle sous l’effet paradoxal de la colonisation, puis du nationalisme arabe et des Etats-nations indépendants, il existe encore près de 30 millions de locuteurs berbérophones du Sahel (Touareg) à l’Afrique du Nord (Rifains, Kabyles, Chleuhs, Chaouis, Djerbiens…), en passant par le Sahara (Mozabites, Fguiguis, Siwis). En Europe, les Berbères ont constitué l’essentiel de l’immigration maghrébine au cours du XXe siècle, les principales régions pourvoyeuses étant le Sous, le Rif, la Kabylie et le Sud tunisien. En France, et plus encore en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas, sans oublier l’Italie, la majorité des migrants maghrébins sont d’origine berbère ou amazighe, bien que généralement perçus comme ‘‘arabes’’. (…) Il est aussi à souligner que les Berbères de Tunisie, de Libye, du Sahara algérien et du Rif sont extrêmement méconnus en France, alors que la connaissance de ces régions est d’intérêt public au vu des enjeux et des événements qui traversent ces régions », lit-on sur le document exposant les motifs de la tenue de ce colloque qui rassemble de nombreuses compétences scientifiques en sciences sociales (anthropologues, historiens, linguistes, sociologues…).

Amnésie, renaissance, soulèvements…

« La question berbère depuis 1962, amnésie, renaissance, soulèvements» est la question générique de cette rencontre scientifique ouverte au public et organisée à l’initiative du professeur Pierre Vermeren, historien à Paris Panthéon Sorbonne, et par le laboratoire UMR IMAf spécialisé dans les mondes africains, et se tiendra au sein du plus prestigieux amphithéâtre de la Sorbonne, l’amphi Richelieu.

Le thème sera abordé sous tous ses angles possibles, dans une perspective interdisciplinaire, à travers quatre axes cardinaux, à savoir les événements postcoloniaux ayant initié le retour, sous diverses facettes, de la question berbère sur le devant de la scène du Sahel à l’espace méditerranéen ; les stratégies étatiques employées dans la gestion politique et juridique de cette question, au sein de chaque Etat, leur impact sur la radicalisation du discours berbère.

Les enjeux politiques des récents soulèvements populaires en Afrique du Nord (dits en l’occurrence abusivement du « printemps arabe ») et leurs conséquences, quant à l’évolution progressive des régimes vis-à-vis des revendications berbères, et quant à leur coagulation régionale. Il sera aussi question « des enjeux locaux en France et en Europe, qui interagissent avec les régions d’origine.

L’espace transnational berbériste sur Internet, et maintenant sur les télévisions, sera dévoilé, de même que les connexions complexes au sein de la diaspora berbère, qui représente par exemple les deux-tiers des Maghrébins de France. Sociétés berbères et période postcoloniale est l’intitulé de la première journée qui s’articulera en deux sessions. De l’indépendance aux années 80 : le temps de l’enfouissement est le mot introductif de Benjamin Stora qui en est président.

Celle-ci (la première séance) verra l’intervention de plusieurs universitaires et chercheurs de renom.

Mbark Wanaïmla question berbère dans le Maroc de 1956-1960, les dessous d’une instrumentalisation au lendemain de l’indépendance”,

Melinda Seridj “l’insurrection du Front des forces socialistes 1963-1965”,

Hemimi Hellal “La question kabyle de la fin de la guerre au régime Boumediene”,

Maria Rosa de Madariaga “La figure d’Abd el-Krim dans la mémoire des Rifains”,

Saphia Arezki “Les officiers algériens et la berbérité : une question de réputation”,

Nabil MoulineQui sera l’Etat ? Le soulèvement du Rif reconsidéré 1958-59”.

Thème de la vacation de la soirée que présidera Tassad Yacine:

Des années 80 à 2011.

Ariel Planeix s’interrogera : «Comment rester zénète (malgré soi), formes rémanentes d’une berbérité sans revendication;»

Lahoucine Bouyaakoubi “Le Manifeste amazighe de 2000. A la limite de l’« ethnicisation » de la revendication amazighe au Maroc”;

El Khatir Aboulkacem “Politisation, processus de reconnaissance et instabilité discursive de la revendication amazighe au Maroc”;

Didier le Saout “L’amazighité entre contestation et institutionnalisation”,

Hamid ChabaniDiaspora et berbérité en France depuis les années 1970”,

El Khatir Aboulkacem “Politisation, processus de reconnaissance et instabilité discursive de la revendication amazighe au Maroc”,

Stratégies étatiques, régimes et soulèvements populaires

Le 20 mai, deuxième journée du colloque, les scientifiques analyseront les stratégies étatiques, régimes et soulèvements populaires.

Le professeur Salem Chaker parlera dans sa courte intervention en tant que président de session, “les stratégies étatiques à l’égard de la question berbère”.

Massensen Cherbi “Le discours berbériste et ses contradictions”,

Mansour Ghaki “La question berbère après la colonisation. Le cas tunisien”,

Katherine E. Hoffman “Pratiques juridiques et idéologies langagières au Maroc : le tamazight comme lingua non grata ou lingua franca dans les tribunaux?”;

Ramdane Achab “L’Etat algérien face à la revendication berbère et à ses outils (éditions, médias…”;

Mohand Tilmatine “L’Espagne et ses Berbères. Dilemme et silences officiels”.

Lors de la session de l’après-midi, les interventions s’articuleront atour de la problématique du Printemps berbère : dynamique et conséquences.

Un thème qui sera analysé par

Stéphanie Pouessel “Que reste-t-il au discours amazigh ? Démocratisation et revendications amazighes. Tunisie/Maroc”;

Vermondo Brugnatelli “Les berbères au Sahara : les cas du Mzab et de l’Azawad”,

Dida Badi “Les Touareg et le conflit en Libye”;

Mena Lafkioui “Nouveaux médias et renaissance culturelle berbère (amazighe)”;

Nadia Belalimat “L’impact des diasporas touarègues dans la construction du mouvement azawadien via internet”;

Marisa Fois “La question amazighe en Libye: la fin du silence?”;

Rachid Agrour “Regards actuels sur la mouvance berbère au Maroc. Entre confusion et doxa”.

Tables rondes et projections de films

Au programme,

une table ronde de clôture qui sera animée par Pierre Vermeren, Karima Direche, Todd Schepard, Irène Bellier, Lahoucine Bouyaakoubi.

Au Centre culturel berbère, poursuite du débat sur langues, médias et berbérité avec la participation des intervenants du colloque.

Il y aura, en outre, des projections de deux films,

avec la participation des réalisateurs

“Tinghir-Jerusalem, Les échos du Mellah” (2011) de Kamal Hachkar;

“Kabylie, genèse d’une révolte” (2011) de Youcef Lalami.

Signalons enfin que ce colloque est dédié à Camille Lacoste-Dujardin,

ethnologue française (née en 1929), grande spécialiste de la culture berbère qui a marqué le champ d’étude concerné.

À cette occasion, un hommage lui sera rendu lors de la séance inaugurale et les organisateurs remettront, après évaluation d’un comité, un prix de Master Camille Lacoste-Dujardin.