OUVERTURE DU BLOG DE JACQUES FATH, CONSACRÉ AUX QUESTIONS INTERNATIONALES

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jacques_fath_international.jpgJacques Fath publie sur son blog des textes d’actualité et de réflexion sur tous les sujets concernant le monde, l’Europe, la défense, les conflits, la paix et le désarmement, les stratégies, les acteurs, les institutions, etc …

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Parmi les textes qui y figurent déjà, on y trouver un article de premières remarques sur cette crise européenne, qu’on appelle « grecque », dans ses aspects politiques, économiques, stratégiques et de politique internationale ou géopolitique. Ainsi qu’un texte sur la défense et la sécurité internationale.

Liste des articles récents (mois août 2015:

  • Sur une crise qu’on a tort d’appeler grecque…
  • Irak: rassemblements populaires, exigences démocratiques et revendications sociales
  • « L’Occident, bras armé des dictatures », Tribune LDH et FIDH
  • Les 3 fonctions de la construction européenne actuelle sont épuisées.
  • Penser l’après… Table des matières
  • Penser l’après…Synopsis
  • Guerres, paix et industrie de l’armement – Université d’Ensemble 24 08 2015

ALGÉRIE: LANGUES-ALIBIS ET HYSTÉRIES IDENTITAIRES

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Par Yassin Temlali[[ Yassin Temlali est né en 1969, en Algérie. Etudes de lettres Françaises et de linguistique. Écrit en français dans Maghreb Emergent et la revue Afkar-Idées, entre autres publications. Collabore en arabe à Al Safir Al Arabi.

A publié « Algérie: Chroniques ciné-littéraires de deux guerres » (Alger/Barzakh, 2011).

Participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont L’histoire de « l’Algérie à la période coloniale: 1930-1962 » (Alger/Barzakh-Paris/La Découverte, 2012).

[Publié par Saoudi Abdelaziz

blog algerie-infos

le 29 août 2015
->http://www.algerieinfos-saoudi.com/2015/08/algerie-langues-alibis-et-hysteries-identitaires.html]

headshot.jpgL’article de Yassine Temlali « interactions linguistiques », paru dans El Watan, se lit avec un réel plaisir.

Enfin une approche (denrée rare) dialectique et vivante, dépourvue des simplismes et manichéismes stérilisants trop souvent dominants.

Avec la montée d’un certain nombre d’études et analyses récentes, cela nous redonne espoir dans l’éclosion de productions où chacune des langues existantes pourront s’épanouir, chacune dans le créneau où la vie lui donne la possibilité d’être performante et consacrée par l’usage approprié et intelligent. Sadek Hadjerès

L’Algérie n’a pas succombé aux clins d’œil de l’Organisation internationale de la francophonie, mais le français y est bel et bien une seconde langue officielle.

Sans avoir le moindre statut juridique, il est la langue d’une partie non négligeable de l’administration, de l’enseignement, des médias et du secteur économique et financier.
Les médias gouvernementaux francophones s’adressent à un public autochtone, auquel ils supposent une compétence linguistique en langue française comparable à celle des francophones natifs.

Le français est enfin — et ce n’est pas peu — la langue dans laquelle est rédigée une partie des lois, ordonnances et autres décrets avant d’être traduits vers l’arabe. Il n’est pas exclu que la loi 91-05 du 16 janvier 1991 «portant généralisation de l’utilisation de la langue arabe» ait été écrite initialement en «langue étrangère» !

L’arabe dit fusha, dans ses variantes classique et moderne, connaît, quant à lui, une diffusion sans commune mesure avec sa situation dans les années 1960, lorsqu’il n’était connu que d’une élite minuscule de «lettrés».

Il est aujourd’hui la langue exclusive de l’enseignement général ainsi que d’une grande partie des filières universitaires. La popularité des médias arabophones, qu’ils soient locaux ou étrangers, témoigne de sa bonne fortune. Cette popularité est la preuve qu’il n’est pas la «langue morte» que certains ne cessent de moquer, quitte à se faire, à leur corps défendant ou presque, les défenseurs de la daridja, l’arabe dialectal.

Il est nécessaire d’ouvrir ici une petite parenthèse. Les discours sur la marginalisation de la daridja sont pour le moins excessifs. Bien qu’elle ne soit malheureusement considérée comme une véritable langue que par les linguistes, pas même par ses propres locuteurs, elle est employée (sous des formes rappelant l’«Educated Spooken Arabic» des plateaux des télévisions satellitaires) dans les émissions radiotélévisées, l’internet, le théâtre, le cinéma, la chanson, les dessins de presse, la littérature écrite, les débats politiques, les audiences des tribunaux, les contacts avec l’administration…

Elle a même brisé le tabou de la graphie : elle est une langue écrite dans la publicité, où l’on pourrait facilement croire qu’elle est en voie de supplanter le fusha. La politique d’arabisation ambitionnait, dans les années 1970 et 1980, de substituer le fusha au français, mais on ne peut affirmer sérieusement qu’elle visait à le substituer à la daridja. Le principal artisan de cette politique, le président Houari Boumediène, s’exprimait, sans complexe aucun, en langue dialectale.

La panne de la traduction

Ce bilinguisme officieux arabo-français[[Pour éviter toute confusion, précisons que nous parlons ici des langues en usage dans les différents domaines de la vie publique (économie, administration, école, enseignement supérieur), d’où les langues berbères sont rigoureusement exclues.]] donne lieu à des contacts culturels avec le Proche-Orient, qui continuent une tradition millénaire, ainsi qu’à des rapports culturels suivis avec la France. Il n’en résulte pas, cependant, en Algérie même, de contacts réels entre les intelligentsias arabisante et francisante, enfermées chacune dans sa citadelle prétendument assiégée. Le caractère négligeable de leurs contacts se voit d’emblée à leur monolinguisme.

Les rares intellectuels bilingues (universitaires, traducteurs, etc.) font figure de dérisoires passerelles entre deux univers parallèles. Peu d’intellectuels francisants maîtrisent le fusha, absurdement qualifié de «langue difficile». Peu de créateurs de culture arabe sont aussi francophones, alors que la grande diffusion du français dans le pays rend relativement aisé son apprentissage.

Les créateurs d’expression française ont plus de liens avec leurs pairs français qu’avec les créateurs d’expression arabe, tandis que ces derniers sont souvent plus en relation avec les cercles culturels cairotes ou beyrouthins qu’avec leurs concitoyens francisants. Il est des domaines artistiques où l’arabe est pratiquement proscrit : la majorité des artistes-peintres sont de culture francophone et, aux Beaux-Arts, le français est l’unique langue d’enseignement et de travail.

L’Union des écrivains est, elle, un club quasi-exclusivement arabisant depuis qu’elle a été «refondée», en 1974, pour être transformée en antenne du parti unique FLN.

Cette division linguistique de la vie culturelle prolonge le partage des différents domaines de la vie publique entre arabisants et francisants. Aux premiers, l’éducation nationale, une partie de l’administration et des médias (notamment les mass-médias), etc. Aux seconds, l’enseignement scientifique, l’économie, les finances, en plus de quelques influents médias (dont des médias gouvernementaux)…

L’école aurait pu être le creuset d’une génération peu influencée par les rancœurs linguistiques des aînés. Malheureusement, en matière de formation bilingue, elle connaît moins de succès que l’école franco-musulmane de l’époque coloniale.
L’enseignement des langues étrangères ne laisse pas moins à désirer que celui de l’arabe.

Formés en arabe, les étudiants en sciences sont appelés, dès leur accès à l’université, à se «refranciser» dans les pires conditions pédagogiques.

En effet, dans l’éducation nationale, l’enseignement des matières scientifiques, jadis plus ou moins bilingue (on se souvient des cours de «terminologie»), se fait exclusivement en arabe (ce qui n’est pas le cas en Tunisie, réputée, pourtant, plus «arabisée»).

Le cloisonnement entre les intelligentsias francisante et arabisante n’est pas rompu par un véritable mouvement de traduction. Le vœu formé en 1968 par Mostefa Lacheraf d’«un double effort de traduction allant du français à l’arabe et vice-versa»[[ Mostefa Lacheraf, La Culture algérienne contemporaine (Editions du Parti, Alger, 1968)]] est resté un vœu pieux. La traduction littéraire demeure une activité marginale.

Hormis les «pionniers» (Kateb Yacine, Mohamed Dib…) dont les premières œuvres ont été traduites à l’initiative d’éditeurs proche-orientaux, peu d’auteurs d’expression française sont présentés au lectorat arabophone algérien. De même, peu d’écrivains d’expression arabe sont traduits vers le français et, quand ils le sont, rien n’indique qu’ils peuvent conquérir un lectorat francophone dans leur propre pays autrement qu’en se reconvertissant linguistiquement, dans le sillage d’Amine Zaoui.

Un mur de peurs

Le monolinguisme des élites algériennes est emblématique de la hauteur du mur de peurs et d’incompréhension qui les sépare et qui, paradoxalement, n’était pas aussi infranchissable à l’époque coloniale, quand même les intellectuels oulémas pouvaient être parfaitement bilingues (Lamine Lamoudi…) et éditer des journaux en français (La Défense, Le Jeune musulman…).

L’intelligentsia francisante traditionnelle craint une arabisation religieuse qui enterrerait, sous les décombres d’une nouvelle conquête, le patrimoine culturel francophone, associé à la démocratie la plus parfaite et à la modernité la plus pure. Une partie de cette intelligentsia a tendance à confondre l’arabe fusha avec la langue des fulminations salafistes.

Pourtant, nul n’ignore que tout au long de sa longue histoire, l’arabe a été approprié aussi bien par des faqih rigoristes que par de courageux libres-penseurs, voire par des poètes libertins à l’image d’Abou Nouwas. S’il avait été un «idiome sacré», aurait-il pu transmettre le patrimoine philosophique grec à l’Europe occidentale ?

À défaut de pouvoir les nier, certains intellectuels francophones minimisent les liens entre l’Algérie et le Proche-Orient arabe, se faisant les chantres d’une «méditerranéité» vaporeuse — les populations des Hauts-Plateaux, des oasis et du Grand-Sud se sentent-elles «méditerranéennes»? Ils rejettent la culture arabe savante sous prétexte de défense du «patrimoine populaire».

Il semble pourtant établi que les recherches sur ce patrimoine soient essentiellement le fait d’universitaires arabisants. L’exaltation de la «méditerranéité» exprime la crainte de voir l’Algérie se dissoudre dans un grand ensemble arabe, le Proche-Orient étant perçu comme un danger pour son «authenticité» arabo-berbère.

Or, si l’Etat rechigne toujours à donner aux langues berbères les moyens de se développer, ce n’est pas à cause de pressions égyptiennes ou irakiennes, mais à cause d’une incurie bien locale.

En 1970, sous la férule du terrible baâth, le kurde a été reconnu en tant que langue officielle des provinces irakiennes kurdes. Chez nous, il a fallu attendre 2002 pour que le tamazight soit timidement élevé au statut — du reste tout formel — de langue nationale.

La dissolution de l’Algérie dans un ensemble arabe apparaît comme une perspective purement fictive pour deux raisons.

La première est que l’«union panarabe» n’a jamais été un souci sincère des dirigeants de la région arabe et, aujourd’hui, elle n’est même plus la revendication de peuples écrasés, qui ont compris que l’arabisme était une idéologie de pouvoir légitimant leur asservissement. La seconde raison est la force du nationalisme algérien, irrigué par une inépuisable épopée anticoloniale.

Contrairement à un mythe en vogue, notre pays n’a jamais été une sous-province égyptienne dirigée par Gamal Abdelnasser depuis Le Caire, pas même sous le règne du très arabiste Ahmed Ben Bella.

Et bien qu’entre 1967 et 1973, il se soit mobilisé militairement aux côtés de l’Egypte et de la Syrie par devoir de solidarité anti-impérialiste, il est resté très attaché, dans ses rapports au Monde arabe, à l’indépendance de sa décision.

L’intelligentsia arabisante traditionnelle, quant à elle, fait de l’arabe un objet monolithique ignorant la variation, un objet idéalement représenté par l’héritage de l’époque littéraire classique.

Ce faisant, elle offre des armes précieuses à ses adversaires, dont le dogme pseudo-linguistique réduit justement l’arabe à une «langue de la poésie», probablement belle et certainement inutile.

Elle nourrit une peur panique d’une refrancisation à rebours, qui anéantirait les acquis de l’arabe en Algérie. La diffusion de cette langue en un demi-siècle d’indépendance a pourtant atteint un niveau jamais égalé dans l’histoire maghrébine, qui rend l’idée de son extinction proprement inconcevable.

L’intelligentsia arabisante traditionnelle prétend que la francophonie algérienne — qu’elle perçoit, sans nuance, comme un bloc unique — est le cheval de Troie de la recolonisation. Même un anticolonialiste comme Kateb Yacine, pour avoir qualifié le français de «butin de guerre», ne trouve pas grâce à ses yeux. Pour être aimé d’elle, les auteurs francophones doivent se transformer en Malek Haddad et répéter sans arrêt que la langue française est leur «exil».

Malek Haddad serait ainsi l’unique patriote francophone et, pour les besoins de la cause, son «silence» littéraire est mythifié à l’extrême. Un examen attentif de son parcours montre, pourtant, tant de similitudes avec celui de Kateb Yacine : ne proclamait-il pas lui aussi que le français était devenu, pour sa génération, «un instrument redoutable de libération»[[La revue Confluent (n°47, janvier-mars 1965, p. 98)]]? Un tel examen montre également, toutefois, que contrairement à Kateb Yacine, passé à l’arabe dialectal pour se rapprocher de son peuple, Malek Haddad n’a jamais recherché, lui, à atteindre «ce lecteur idéal (…) ce fellah aujourd’hui occupé à d’autres besognes»[[ Ibidem.]] Certes, après l’indépendance, il n’a plus publié de fictions en français, mais cette langue est restée son unique langue de travail, aussi bien dans la page culturelle d’An Nasr, alors francophone, que dans la non moins francophone revue Promesses.

Des langues-identités

L’Algérie ne déroge ainsi pas à la règle des rapports conflictuels entre les langues qui ont donné au vocabulaire de la sociolinguistique quelques termes franchement martiaux («guerre des langues», «conflit linguistique»…). C’est que, comme dans d’autres pays en crise, les langues sont les vecteurs d’identités jugées inconciliables voire ennemies : identité ethnique (berbère), ethnico-religieuse (arabo-musulmane), sociale (le français).

On est loin de l’identité comme construction permanente et encore plus loin de l’identité en tant que «foyer virtuel auquel il nous est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses, mais sans qu’il ait jamais d’existence réelle».[[Claude Lévi-Strauss, dir., L’Identité (Paris, PUF, coll. Quadrige 2e édition, 1987)]]

Les identités revendiquées dans et par les langues sont d’autant plus figées qu’elles se sont construites contre des mouvements de minoration réels ou velléitaires. Minoration du berbère par l’arabe. Minoration — manquée — du français par l’arabe illustrée, au début des années 1990, par la tentative de lui substituer l’anglais dans le cycle primaire.

Enfin, minoration de l’arabe par le français sous la colonisation — et encore aujourd’hui, quand on sait que certains textes du Journal officiel sont d’abord rédigés en «langue étrangère». Il peut paraître étonnant de parler ici de minoration de l’arabe par le français mais la minoration d’une langue ne résulte pas seulement d’une attitude officielle. Elle peut résulter de «toutes sortes de ressorts économiques, sociaux, dans lesquels il faut inclure le poids de l’histoire», ressorts qui la cantonnent «dans une situation subalterne».[[Jean-Baptiste Marcellesi, De la crise de la linguistique à la linguistique de la crise : la sociolinguistique (Paris, La Pensée, n° 209, Institut de recherches marxistes, 1980 : 15. pp. 4-21)]]

La minoration insidieuse de l’arabe, langue officielle, par le français continue de nourrir le ressentiment culturel de larges secteurs de la population. Elle n’est pas complètement étrangère à la fortune relative que connaît l’islamisme, expression dévoyée de frustrations économiques, sociales et linguistiques. Fait significatif, elle se vérifie jusque dans les structures grammaticales de l’arabe employé par les médias algériens. Leur fusha, en effet, n’en est pas un ! Il est victime de l’adoption, par le biais de la traduction, de structures syntaxiques françaises et du recours débridé au calque sémantique qui fait que les néologismes ne sont intelligibles qu’en référence aux termes originaux dont ils sont censés rendre la signification. Il est amusant de voir les journaux qui prétendent porter haut le flambeau de l’«authenticité» s’écrire dans un arabe in-authentique, fruit hybride de la traduction littérale de la «langue du colonisateur».

La responsabilité des jeunes créateurs

Une politique linguistique sérieuse doit viser une promotion de l’arabe moderne qui soit guidée par la recherche de ses similitudes (lexicales, etc.) avec les parlers dialectaux, et ce, dans le souci de tenir compte, dans son enseignement, des acquis extrascolaires des élèves.

Les contenus des cours de langue et de littérature arabes doivent être prioritairement des contenus modernes et contemporains, au lieu d’être dominés, comme c’est actuellement le cas, par le corpus classique et pré-islamique. L’arabe doit absolument cesser d’être perçu comme la «langue du Coran».

S’il est une des six langues de l’ONU, c’est, en bonne partie, grâce à l’œuvre modernisatrice de nombre d’intellectuels de confession chrétienne. Une telle politique doit également viser le sauvetage et la promotion des langues berbères, les seules langues véritablement opprimées dans notre pays.

Leur enseignement est aujourd’hui artisanal, et le travail pour les codifier et les standardiser est mené de façon laborieuse et anarchique. S’il n’est pas encadré par des sociolinguistes compétents, il débouchera sur un désastre : la création en laboratoire d’un berbère standard désincarné, dans lequel aucune communauté berbérophone ne se reconnaîtrait.

Le statut du français doit être courageusement clarifié. Il peut être, par exemple, officiellement admis comme langue de l’enseignement scientifique à l’université pour éviter la cacophonie linguistique actuelle, préjudiciable à la qualité de la formation. Il ne sera plus alors perçu comme un instrument de dépersonnalisation post-coloniale, mais comme une langue étrangère privilégiée, utile voire indispensable.

Cependant, il ne peut y avoir de progrès vers la résolution de nos problèmes linguistiques sans évolution sensible des intelligentsias francisante et arabisante.

Au sein de ces intelligentsias, de jeunes créateurs œuvrent, sans prétention, dans le sens d’un syncrétisme linguistique et culturel original. L’arabe n’est pas, pour eux, cette langue guindée des imams incultes et des politiciens véreux mais une langue vivante, que les Algériens possèdent en partage avec le Proche-Orient.

À leurs yeux, pas plus que l’arabe n’est la «langue du Coran», le français n’est la «langue du colonisateur». Ils le métissent et le créolisent, inaugurant un processus d’appropriation de cette langue qui, un jour peut-être, donnera quelque réalité autonome à la francophonie algérienne. Grâce à eux, les parlers dialectaux s’insinuent dans l’univers clos des deux langues «prestigieuses», l’arabe et le français. Ils assument, en un mot, la féconde hybridité de la culture algérienne.

Ces créateurs décomplexés constituent probablement la majorité au sein des élites culturelles et littéraires mais ils n’y ont pas encore l’hégémonie symbolique. Leur voix reste inaudible, ou pis, ils préfèrent ne pas intervenir dans les polémiques linguistico-culturelles qui agitent l’Algérie à intervalles réguliers. Leur intervention serait pourtant salutaire afin de mettre fin ces hystéries identitaires qui ne font que renforcer les réactionnaires de tous bords.

Par : Yassin Temlali
Journaliste

Source: El Watan

repris sur algerieinfos-saoudi

sur socialgerie lire aussi:
DEUX RENCONTRES : 1955 et 1989 KATEB YACINE, LES LANGUES ET LE POLITIQUE évocation, par Sadek Hadjerès le 24 octobre 2009;

COMMENT ON CAPTURE LES RICHESSES D’UN PAYS AU 21ème SIÈCLE

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Contribution de Ahmed Henni [[Ahmed Henni est professeur d’économie à l’Université d’Artois, en France.

Il a notamment publié Syndrome islamiste et les mutations du capitalisme (Non Lieu, Paris : 2007)

et Le Capitalisme de rente : de la société du travail industriel à la société des rentiers (L’Harmattan, 2012).]]

[le 24 août 2015

Maghreb Emergent
->http://www.maghrebemergent.com/contributions/opinions/50585-les-etats-de-l-eurogroupe-sont-les-delegataires-des-rentiers-financiers-opinion.html]

ob_a73851_henni1.jpg Photo DR

« Au lieu d’investir dans un pays et y posséder des terres et usines, il suffit de l’endetter et d’utiliser la souveraineté de son propre État et en faire le délégataire de la capture.

[repris sur le blog algerie infos

Saoudi Abdelaziz

le 25 août 2015->http://www.algerieinfos-saoudi.com/2015/08/ahmed-henni-comment-on-capture-les-richesses-d-un-pays-au-21e-siecle.html]

LES ÉTATS DE L’EUROGROUPE SONT LES DÉLÉGATAIRES DES RENTIERS FINANCIERS

Par Ahmed Henni, 24 août 2015

Les gouvernements de l’Eurogroupe ont imposé au gouvernement grec un certain nombre de mesures permettant, grâce à des prêts qu’ils lui accordent, d’opérer des transferts de richesse de la Grèce vers les autres pays, particulièrement vers les institutions financières détenant des créances sur l’État ou l’économie grecs.

Traduction : pour capturer de la richesse sur le peuple grec, on a utilisé la souveraineté des États pour mettre sous protectorat un autre État.

Les rentiers financiers ont donc : 1) délégué aux États le soin de mener cette capture ; 2) évité d’investir dans le système productif grec pour en tirer leurs profits.

La souveraineté des États permet aujourd’hui de capturer de la richesse par délégation et le fait mieux que la propriété de moyens de production, relégués, eux, dans des pays exotiques.

J’avais dans mon livre publié en 2012, Le Capitalisme de rente, décrit cette transformation dans les pays capitalistes développés. J’y annonçais que la forme actuelle que prend le capitalisme, dominé par la capture rentière, utilise davantage les ressources de la souveraineté des États, transformant ceux-ci en simples délégataires des rentiers et reléguant la propriété des moyens de production matérielle au deuxième plan.

Or, la principale source de rente est, aujourd’hui, la puissance monétaire. Elle exige un statut éminent indiscutable et indiscuté par une affirmation de souveraineté. Elle demande à se doter de moyens de pression garantissant l’ordre monétaire et le recours à des actions épisodiques périodiques pour faire exemple.

J’ai évoqué à ce sujet la pratique de la cryptie, utilisée par Sparte: organiser périodiquement des raids terroristes contre leurs esclaves ilotes pour les soumettre et les dissuader de toute velléité de révolte.
Or, que nous apprend M. Varoufakis, ancien ministre grec des finances? Que M. Schäuble, le ministre allemand, aurait voulu utiliser le cas grec pour terroriser le gouvernement français qui, lui aussi, fait face à un sérieux problème de comptes publics. Selon lui, il viserait «l’État-providence français, son droit du travail, ses entreprises nationales et considère la Grèce comme un laboratoire de l’austérité, où le mémorandum est expérimenté avant d’être exporté» (Le Monde, 22 août 2015).

De ce fait, si, dans le capitalisme industriel, la propriété des moyens de production matérielle était recherchée par les uns et combattue par les autres (elle est au centre de la réflexion socialiste accompagnant la société industrielle), aujourd’hui, c’est la souveraineté sur l’économie mondiale qui est recherchée. Elle procure, comme toujours, des rentes et devient un enjeu central.

D’un autre côté, lorsqu’il s’agit de modifier le partage des rentes que permet la souveraineté, les différents États et groupes sociaux, rentiers ou protestataires, délaissent les ressources que procure la propriété des moyens de production pour renforcer les moyens de la souveraineté ou revendiquer un meilleur accès aux rentes qu’elle procure.

L’appui sur la capacité souveraine et sur la loi nécessite de la puissance. Celle-ci doit s’exprimer aussi bien au niveau international – garantir l’ordre monétaire et la sécurité des différentes circulations (monétaire et autres) et contraindre les différents États à les respecter et payer les intérêts des dettes et autres droits à redevance (sur les logiciels, etc.).

Les menaces ressenties ne viennent plus des conflits liés à la propriété des moyens de production mais de possibles atteintes à la souveraineté.

Cet usage de la souveraineté revient au premier plan. Il consiste à instrumenter de plus en plus l’État lui-même à des fins de prélèvement de richesses sur les populations.

Le capitalisme de rente actuel se caractérise par un retrait de l’État de la sphère productive – «libéralisme» – et son cantonnement dans le double rôle d’État minimal assurant la sécurité de la circulation économique, ce qui l’a rendu plus répressif, et d’État endetté prélevant des impôts pour payer des intérêts à ses créanciers.

Au lieu d’investir dans un pays et y posséder des terres et usines, il suffit de l’endetter et d’utiliser la souveraineté de son propre État et en faire le délégataire de la capture.

Source: Maghreb-Emergent

PARUTION DES MÉMOIRES DE MAHMOUD LATRÈCHE

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Information publiée par Liberté, reprise et commentée par Saoudi dans son blog algerieinfos-saoudi.

Plus tard , Sadek Hadjeres y ajoutera ses souvenirs avec lui et ce qu’il sait de ses multiples itinéraires.

maher-charif.jpgElles narrent une partie de l’histoire algéro-palestinienne

Par Hafida Ameyar,

Liberté

le 24 août 2015

http://www.liberte-algerie.com/actualite/parution-des-memoires-de-mahmoud-latreche-231565

L’historien palestinien, Maher El-Charif, vient de publier aux éditions de l’Institut des études palestiniennes (IEP), à Beyrouth, une partie des mémoires du regretté Mahmoud Latrèche, communiste algérien militant au Moyen-Orient et en Algérie.

ob_22d889_mahmoud-latreche.jpg Dans Chemin de la lutte en Palestine et en Orient arabe : mémoires du leader communiste Mahmoud Latrèche le Maghrébin (1903- 1939) , le spécialiste de la pensée arabe contemporaine et membre du Conseil scientifique de l’IEP revisite le parcours de ce “monument du mouvement ouvrier et communiste international” de 1903 — année qui a vu Latrèche naître à El-Qods, en Palestine, dans une famille algérienne ayant fui la colonisation française — à son retour dans son pays d’origine à l’âge de 36 ans.

Sur les 372 pages, l’auteur y raconte la prise de conscience politique de cet Algérien et les nombreuses actions qu’il a menées avec d’autres militants arabes. En fait, l’histoire de la gauche, notamment du mouvement communiste en Orient arabe, de ses luttes initiées en Palestine, au Liban et en Syrie, se mêle à celle du militant algérien, nommé membre du Comité exécutif de la IIIe Internationale communiste en 1935.

L’ouvrage réalisé par El-Charif, ex-chercheur à l’Institut français du Proche-Orient et membre du Parti du peuple palestinien (PPP), s’achève avec le chapitre consacré aux derniers jours de Mahmoud Latrèche à Moscou, qui ont précédé son voyage vers l’Algérie.

Maher El-Charif, qui compte à son actuel plusieurs ouvrages et études, dont l’étude consacrée à la compréhension du “conflit arabo-israélien” (2005), a, pour rappel, interviewé Mahmoud Latrèche de son vivant, à Alger, en 1976.

Dans la postface du livre, il est question de “véracité des mémoires dans l’écriture de l’histoire”, un thème qui tient à cœur à l’historien, puisque ce dernier a déjà développé ce sujet, il y a des années, lors d’un colloque, en s’appuyant sur le parcours de militants communistes, dont Mahmoud Latrèche.

Maher El-Charif n’est pas le seul à s’intéresser à Latrèche, cet ancien membre du bureau politique du PC palestinien, puis du BP du PC syro-libanais, arrêté dans les années 1930 par les autorités britanniques de Palestine, ensuite par les autorités françaises, à Damas.

Plus tard, Latrèche a même été arrêté en France, en 1938, lors de son déplacement à Paris.

Des historiens autres qu’El-Charif ont essayé de retracer son parcours, à l’exemple de Jacques Couland, spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient, et de l’historien marxiste Abderrahim Taleb Bendiab, auteur de Chronologie des faits et mouvements sociaux et politiques en Algérie [[voir socialgerie, article 1169, mai 2014]]. C’est ainsi qu’on apprendra que Latrèche, une fois rentré au pays, a été arrêté et sera de nouveau arrêté, pendant la guerre de Libération nationale.

En février 1981, il décède à l’âge de 78 ans et sera enterré au cimetière d’El-Kettar, à Alger, dans la même tombe que son épouse, la martyre et poétesse kabyle, Dahboucha Hadj Ali.

H.A.
Sources : Liberté

mahmoud_latreche_pca.jpgKhaled gallinari – film: PCA

LE KABYLE NÉ À JÉRUSALEM. PARUTION DES MÉMOIRES DE MAHMOUD LATRÈCHE

Information publiée par Liberté,

reprise et commentée par Saoudi

dans son blog algerieinfos-saoudi

24 Août 2015

Souvenirs du blogueur (Saoudi Abdelaziz)

(…) A l’automne de 1963, après avoir installé ma famille, j’ai demandé au parti ma mutation du secteur étudiant vers l’organisation de quartier. Cela tombait bien : le parti avait besoin de quelqu’un à la section d’El Biar. C’est ainsi que j’ai été bombardé à la tête de la section du PCA d’El Biar. Je prends les choses comme elles viennent, c’est mon tempérament. De plus, j’avais un adjoint de taille : Mahmoud Latrèche était chargé de la trésorerie, mais en réalité c’était le tuteur du petit nouveau. Tuteur accepté avec plaisir, car Ammi Mahmoud était un blagueur invétéré.

Sa première anecdote : comment il avait adhéré au parti communiste, quand il était jeune maçon à Jérusalem. Jeune croyant il travaillait dans une mosquée de la ville sainte quand il a surpris l’imam, dévorant un casse-croûte, pendant le ramadhan !

Il poursuivait avec une deuxième anecdote. Quelques années plus tard, lorsque le Komintern accepta de l’affecter à Alger pour renforcer le processus d’algérianisation du Pca, il tenait la permanence dans un cercle de la basse Casbah, où les dockers venaient converser avec lui.

Ses invités venus à l’improviste, un jour de ramadhan, l’ont surpris en train de savourer un pain large et plat. Pris de panique, Latrèche perd la tête, prend le pain et s’en évente en murmurant : « il fait chaud, hein ».

Je ne me rappelle pas la suite du récit, mais j’imagine que les dockers n’ont pas été vraiment surpris de la chose.

Je n’ai pas revu Ammi Mahmoud depuis son départ en brancard de la salle 7bis de la prison d’El Harrach. C’était au énième jour de notre grève de la faim.

Je garde le souvenir du clin d’œil qu’il m’a lancé et de ses pétillants yeux clairs.

Au bilan positif de notre travail avec Ammi Mahmoud, il faut surtout mentionner le développement de d’implantation de cellules clandestines (le Pca était dissous depuis novembre 1962) dans les établissements d’enseignement secondaire, très nombreux dans le périmètre de la section : lycées de filles et de garçons à Benaknoun, écoles normales de garçons à Bouzaréa et de filles à Chateauneuf.

Extrait d’un témoignage paru sur le blog le 8 juin 2012: SOUVENIRS (1). À El Biar avec Mahmoud Latrèche

mahmoud_latreche_2.jpg REPÈRES BIOGRAPHIQUES

  • 1903 Naissance à Jérusalem (Palestine) d’une famille algérienne émigrée qui a fui l’occupation coloniale.
  • A créé à Haifa en 1917 le premier syndicat des ouvriers du bâtiment.
  • En 1926, il adhère au Parti Communiste Palestinien (PCP).
  • 1927-1930 il suit ses études à l’École d’Orient de Moscou.
  • 1930 Membre du Bureau Politique du PCP.
  • 1930-1931 Arrêté par les autorités britanniques de Palestine. Il est condamné à deux ans de prison.
  • 1933 Membre du BP du Parti Communiste Syro–Libanais. Il est en outre chargé de réorganiser le Parti Communiste Egyptien et de mettre en place le Parti Communiste Irakien.
  • 1935 Arrêté par les autorités françaises à Damas.
  • 1935 août : Le VIIe Congrès de l’Internationale Communiste (IC) qui tient son Congrès à Moscou, le désigne comme membre de son Comité Exécutif.
  • 1938 Se déplace en mission à Paris. Il est arrêté par les autorités françaises.
  • Après sa libération l’IC, le désigne pour aller en Algérie où il est arrêté en 1939.
  • 1943-1946 il est responsable à Alger du syndicat des ouvriers du bâtiment.
  • 1946-1955 il est membre du comité de rédaction de l’organe central du PCA en langue nationale « Al Djazair El Djadida ».
  • Il est arrêté pendant la guerre de Libération Nationale.
  • 1962-1965 membre du Comité de rédaction de l’organe central de l’UGTA. « Révolution et Travail » ;
  • A partir de 1968 il fait un long séjour à Berlin, capitale de la RDA où il rédige ses mémoires : « Les chemins de la lutte ».
  • En 1974 il retourne à Alger où il passe les dernières années de sa vie: suivant de très près le mouvement progressiste dans les pays arabes.
  • 1981 février: mort de Mahmoud Latrèche. Il est enterré au cimetière d’El Kettar à Alger.

Sources: blog algerieinfos-saoudi*

LA CONQUÊTE ET LA COLONISATION FRANÇAISE PAR LES ARMES, DE 1830 A 1962

1871.jpg

Une correspondante assidue de Socialgerie nous transmet dans son message deux liens vidéo:

Bonjour à toutes et tous,
Quelques points méconnus ou peu connus de l’histoire de l’Algérie et de la France, à travers ces vidéos :


1

Laaziv n zaamoum sur canal Algerie

فلم وثائقي حول لعزيب

1871.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=z4Guy4kpYAY

ARchiTube – 28 mars 2014


2

« Génocide de la conquête de l’Algérie par la France »

فرنسا أبادت الجزائريين

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https://www.youtube.com/watch?v=u6Zhx2hbYHk

Film de René Vautier, pour bien comprendre l’histoire d’hier et d’aujourdh’ui

Déjà le sang de mai ensemençait novembre

Génocide de la conquête de l’Algérie par la France
Mise en ligne le 23 déc. 2011

La conquête de l’Algérie par la France se réalise en plusieurs étapes distinctes, du débarquement de l’Armée d’Afrique à Sidi-Ferruch le 14 juin 1830, commandée par Bourmont, jusqu’à la reddition formelle de l’émir de Mascara, Abd el-Kader, au Duc d’Aumale le 23 décembre 1847. Cette conquête se conclut par l’annexion de l’Algérie à la République française par la création des départements français d’Algérie en 1848.

Dès 1830, la conquête de l’Algérie est accompagnée d’une colonisation de peuplement : les militaires français deviennent des colons en s’installant et aménageant le territoire conquis. Les pionniers sont progressivement rejoints par des compatriotes tels les voisins Corses ou les Alsaciens-Lorrains dont la région a été annexée par l’Allemagne en 1870, et également par des immigrants étrangers arrivant par vagues successives des pays méditerranéens frontaliers; surtout d’Espagne, mais aussi d’Italie et de Malte, possession britannique depuis 1814. Les ressortissants d’Allemagne et de Suisse sont également encouragés à prendre part à la colonisation.

Sommaire

1 Chronologie de la conquête de l’Algérie et du Sahara

2 Avant la conquête
2.1 Situation de la Régence d’Alger (1802-1829)
2.2 Situation du Royaume de France

3 Guerre d’Alger (1827-1830)

3.1 Affaire de l’Éventail
3.1.1 Les dettes de la France
3.1.2 L’incident diplomatique
3.1.3 Ultimatum au Dey d’Alger (juin 1827)

3.2 Blocus maritime d’Alger (1827-1830)
3.2.1 Bataille navale dans la baie d’Alger (octobre 1827)
3.2.2 Massacre de la Duchesse de Berry

3.3 Affaire du bombardement de La Provence (1829)

3.4 Campagne d’Alger (1830)
3.4.1 Reconnaissance d’Alger par l’espion Boutin (1808)
3.4.2 Résumé chronologique (1830)

4 Conquête du reste de la régence d’Alger (1830-1837)
4.1 Campagne du littoral (1830-1831)
4.2 Campagne de Constantine (1836-1837)

5 Campagnes contre Abd El-Kader (1832-1847)
5.1 De la bataille de Kheng-Nettah au Traité Desmichels (1832-1834)
5.2 De la bataille de La Macta au Traité de Tafna (1835-1837)
5.3 De l’expédition des Portes de Fer à la reddition d’Abd-el-Kader (1839-1847)

6 Campagnes de pacification (1830-1871)
6.1 Début de la colonisation européenne
6.2 La campagne de Djurdjura et la Reddition de Lalla Fatma N’Soumer (1857)
6.3 Pacification du centre du pays (1870-1871)

7 Campagnes du Sahara (1882-1902)

8 Les aspects économiques

9 Bilan
9.1 Le bilan démographique

10 Victor Hugo et la conquête de l’Algérie

11 Bibliographie

12 Voir aussi
12.1 Notes et références
12.2 Livres d’époque, et libres de droit, à télécharger

APPEL INTERNATIONAL: LAISSONS LES FOSSILES DANS LE SOL, POUR EN FINIR AVEC LES CRIMES CLIMATIQUES

6 Août 2015

publié par Saoudi Abdelaziz

blog algerieinfos

De tous les continents monte la volonté d’intervenir pour que la prochaine conférence de l’ONU sur le climat attaque le mal à la racine, en forçant Etats et industries à laisser les énergies fossiles dans le sol.

L’appel que vous êtes invités à signer propose:

« Concrètement, les gouvernements doivent mettre un terme aux subventions qu’ils versent à l’industrie fossile, et geler leur extraction en renonçant à exploiter 80% de toutes les réserves de carburant fossile ».

Appel international

Nous sommes à la croisée des chemins.

Nous ne voulons pas nous retrouver contraint(e)s à survivre dans un monde devenu à peine vivable.

Des îles du Pacifique Sud à la Louisiane, des Maldives au Sahel, du Groenland aux Alpes, la vie quotidienne de millions d’entre nous est déjà perturbée par les conséquences du changement climatique.

Par l’acidification des océans, par la submersion des îles du Pacifique Sud, par le déracinement de réfugiés climatiques en Afrique et dans le sous-continent indien, par la recrudescence des tempêtes et ouragans, l’écocide en cours violente l’ensemble des êtres vivants, des écosystèmes et des sociétés, menaçant les droits des générations futures.

Ces violences climatiques nous frappent inégalement : les communautés paysannes et indigènes, les pauvres du Sud comme du Nord sont les plus affectés par les conséquences du dérèglement climatique.

Nous ne nous faisons pas d’illusions.

Depuis plus de vingt ans, les gouvernements négocient mais les émissions de gaz à effet de serre n’ont pas baissé et le climat poursuit sa dérive.

Alors que les constats de la communauté scientifique se font plus alarmants, les forces de blocage et de paralysie l’emportent.

Ce n’est pas une surprise.

Des décennies de libéralisation commerciale et financière ont affaibli la capacité des Etats à faire face à la crise climatique. Partout, des forces puissantes – entreprises du secteur fossile, multinationales de l’agro-business, institutions financières, économistes dogmatiques, climatosceptiques et climatonégationnistes, décideurs politiques prisonniers de ces lobbies – font barrage et promeuvent de fausses solutions.

90 entreprises sont à l’origine des deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre. De véritables réponses au changement climatique nuiraient à leurs intérêts et à leur pouvoir, remettraient en cause l’idéologie du libre-échange, et menaceraient les structures et les subventions qui les soutiennent.

Nous savons que les multinationales et les gouvernements n’abandonneront pas aisément les profits qu’ils tirent

de l’extraction des réserves de charbon, de gaz et de pétrole ou de l’agriculture industrielle globalisée gourmande en énergie fossile.

Pour continuer à agir, penser, aimer, prendre soin, créer, produire, contempler, lutter, nous devons donc les y contraindre. Pour nous épanouir en tant que sociétés, individus et citoyen(ne)s nous devons tout(e)s agir pour tout changer.

Notre humanité commune et la Terre le demandent.

Nous gardons confiance en notre capacité à stopper les crimes climatiques.

Par le passé, des femmes et des hommes déterminé(e)s ont mis fin aux crimes de l’esclavage, du totalitarisme, du colonialisme ou de l’apartheid. Elles et ils ont fait le choix de combattre pour la justice et l’égalité et savaient que personne ne se battrait à leur place.

Le changement climatique est un enjeu comparable et nous préparons une insurrection similaire.

Nous travaillons à tout changer.

Nous pouvons ouvrir les chemins vers un futur vivable.

Notre pouvoir d’agir est souvent plus important que nous ne l’imaginons.

À travers le monde, nous luttons contre les véritables moteurs de la crise climatique, défendons les territoires, réduisons les émissions, organisons la résilience, développons l’autonomie alimentaire par l’agro-écologie paysanne, etc.

À l’approche de la conférence de l’ONU sur le climat à Paris-Le Bourget, nous affirmons notre détermination à laisser les énergies fossiles dans le sol. C’est la seule issue.

Concrètement, les gouvernements doivent mettre un terme aux subventions qu’ils versent à l’industrie fossile, et geler leur extraction en renonçant à exploiter 80% de toutes les réserves de carburant fossile.

Nous savons que cela implique un changement historique majeur. Nous n’attendrons pas que les Etats agissent. L’esclavage et l’apartheid n’ont pas disparu parce que des Etats ont décidé de les abolir, mais par des mobilisations massives qui ne leur ont pas laissé le choix.

L’issue est incertaine. Nous avons toutefois une occasion unique de renouveler la démocratie, de démanteler le pouvoir hégémonique des multinationales et de transformer radicalement nos modes de production et de consommation.

Tourner la page des fossiles est une étape décisive vers la société juste et soutenable dont nous avons besoin.

Nous ne gâcherons pas cette chance, à Paris comme ailleurs, aujourd’hui comme demain.

Pour signer l’appel :

http://350.org/climate-crimes-fr/


Cent premiers signataires :

Desmond Tutu, archevêque émérite; Bill McKibben, fondateur de 350.org; Naomi Klein, journaliste et essayiste; Vandana Shiva, physicienne et écologiste; Agnès Sinaï, Institut Momentum; Alberto Acosta, économiste; Alex Randall, Climate Outreach; Amy Dahan, historienne des Sciences; Bernard Guri, Centre for Indigenous Knowledge & Organisational Development; Boaventura de Sousa Santos, sociologue; Catherine Larrère, philosophe; Christophe Bonneuil, historien; Cindy Wiesner, Coordinator of Grassroots, Global Justice Alliance, USA; Claire Nouvian, Bloom; Claude Lorius, glaciologue; Clive Hamilton, philosophe; David Graeber, anthropologue; Dominique Bourg, philosophe; Dominique Méda, sociologue; Edgardo Lander, sociologue; Eduardo Viveiros de Castro, anthropologue; Emilie Hache, philosophe; Erri de Luca, écrivain; Esperanza Martinez, ancienne ministre de la Santé publique du Paraguay; Esther Vivas, chercheure et militante altermondialiste; François Gemenne, politiste; Frank Murazumi, Amis de la Terre Ouganda; Gaël Giraud, économiste; Geneviève Azam, économiste; George Monbiot, journaliste; Gerry Arrances, militant anti-charbon; Gilles Boeuf, président du MNHN; Gilles Clément, paysagiste; Godwin Ojo, Amis de la Terre, Nigeria; Gus Massiah, Cedetim; Guy Aurenche, président du CCFD; Isabelle Frémeaux, Laboratoire des Imaginaires Insurrectionnels; Isabelle Stengers, philosophe; Jean-Baptiste Fressoz, historien; Jean-Pierre Dupuy, philosophe; Jean Gadrey, économiste; Jeanne Planche, Attac France; John Holloway, sociologue et philosophe; Joan Martinez Alier, économiste; John Jordan, Laboratoire des Imaginaires Insurrectionnels; Jon Palais, Bizi !; Kaddour Hadadi, musicien et chanteur, HK et les Saltimbanks; Kevin Smith, Liberate Tate; Kumi Naidoo, Greenpeace International; Larry Lohmann, The Corner House; Lech Kowalski, réalisateur; Leonardo Boff, théologien; Lidy Nacpil, Jubilee South; Mamadou Goïta, Institut de recherche et de promotion des alternatives au développement, Mali; Marc Dufumier, agronome; Marc Luyckx Ghisi, écrivain; Marie-Monique Robin, journaliste; Maude Barlow, Food & Water Watch; Maxime Combes, économiste, membre d’Attac; Michael Hardt, philosophe; Michael Löwy, sociologue; Mike Davis, historien et sociologue; Noam Chosmky, linguiste et philosophe; Nick Hildyard, The Corner House; Nicolas Haeringer, 350.org; Nnimmo Bassey, Oil Watch International; Noble Wadzah, Oil Watch Afrique; Olivier Bétourné, éditeur; Olivier de Schutter, juriste; Pablo Servigne, collapsologue; Pablo Solon, ancien ambassadeur de la Bolivie; Pat Mooney, ETC Group; Patrick Chamoiseau, écrivain; Patrick Viveret, philosophe; Paul Lannoye, ancien député européen; Philippe Bihouix, ingénieur; Philippe Desbrosses, Intelligence Verte; Philippe Descola, anthropologue; Pierre Rabhi, agronome et penseur de l’écologie; Pierre-Henri Gouyon, écologue; Priscilla Achakpa, Water Supply and Sanitation Collaborative Council, Nigéria; Razmig Keucheyan, sociologue; Rebecca Foon, musicienne; Roger Cox, avocat; Saskia Sassen, sociologue; Serge Latouche, économiste; Soumya Dutta, Alliance nationale des mouvements anti-nucléaires, Inde; Stefan C. Aykut, politiste; Susan George, économiste; Swoon, artiste; Thomas Coutrot, économiste, porte-parole d’Attac; Tom Kucharz, Ecologistas en Accion, Espagne; Tony Clarke, International Forum on Globalization; Txetx Etcheverry, Alternatiba; Valérie Cabannes, End Ecocide; Valérie Masson-Delmotte, climatologue; Vincent Devictor, écologiste; Vivienne Westwood, styliste; Yeb Saño, ancien ambassadeur des Philippines pour le climat; Yvonne Yanez (Oil Watch)…

ALGÉRIE: L’INSURRECTION DU 20 AOÛT 1955

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#haut<-] [AOÛT 55 À TRAVERS LES YEUX D’UN ENFANT DE 5 ANS – ÉVOCATIONS DE L’INSURRECTION DU 20 AOÛT 1955 raina.dz – Contribution de Aziz Mouats – le 22 août 2015;


20 Août 1955 « Si nous venons à mourir défendez nos mémoires» L’INSURRECTION PATRIOTIQUE ET POPULAIRE DU 20 AOÛT 1955 MONOGRAPHIE – par SACI BELGAT – socialgerie – le 19 août 2011;


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AOÛT 55 À TRAVERS LES YEUX D’UN ENFANT DE 5 ANS

ÉVOCATIONS DE L’INSURRECTION DU 20 AOÛT 1955

raina.dz

Contribution de Aziz Mouats

le 22 août 2015

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Ce samedi 20 août 1955, j’avais 5 ans et demi et j’ai assisté au déferlement des insurgés à partir du marabout de Sidi-Ahmed qui surplombe la Prise d’Eau. Ce marabout est celui de la famille Mouats qui possède des lopins de terre sur le versant gauche de Béni Mélek.
C’est vers 11h que nous entendons s’élever pour la première fois l’appel au djihad, donnant ainsi le signal à quelque 4 000 fellahs encadrés par des responsables et autres combattants FLN de foncer sur Philippeville, une grande agglomération côtière de 70 000 habitants. Cet appel est de suite relayé par les youyous des femmes et des jeunes filles de la famille.
En face de notre mechta, la famille Messina, le père, la mère et les trois ou quatre enfants, voyant la foule déchaînée, quittent la ferme et remontent s’abriter sur le mamelon. Mais là, ils tombent nez à nez avec une deuxième colonne d’insurgés conduite par Mouats Lyazid, mon oncle maternel. C’est lui qui interdit à ses combattants de tuer les Messina, soulignant qu’ils n’étaient que des métayers. Ils lui doivent donc la vie sauve. Un geste qu’ils oublieront le lendemain, puisque c’est Messina lui-même qui allait dénoncer notre famille aux militaires.
Mon père et mes oncles Salah et Rabah – 14 et 16 ans –, lui revenant du maquis et ses jeunes frères de la ville où ils s’étaient planqués la veille de l’insurrection et s’étaient retrouvés pour la dernière fois, seront cueillis à l’instar des autres membres de la famille le mardi 23 août aux premières lueurs du jour.

En effet, à peine le jour était-il levé que les soldats investissent nos maisons, nous font sortir dehors pour assister à un spectacle macabre. Avec leurs machettes, ils égorgent nos poules et nos lapins qu’ils emportent dans leurs gibecières. Chèvres, vaches, mules et moutons sont également saisis et emportés.
Ensuite, les femmes et les enfants sont rassemblés sous des oliviers. Le soleil est déjà très haut dans le ciel lorsque les hommes qui avaient été rassemblés sont emmenés vers la crête où les attendent les GMC de l’armée.
C’est la dernière fois que je vois mon père et mes oncles vivants.
Puis les soldats se mettent à dynamiter avec des mortiers nos maisons, tout en y mettant le feu. Ils ont certainement dû utiliser des lance-flammes.
Le lendemain, nous avions fait le tour de la mechta et avons passé la première nuit de notre vie à la belle étoile. Un groupe sous un savonnier en plein cœur de la mechta et notre groupe sous un immense jujubier de Saïd Mouats, dont les maisons sont mitoyennes des nôtres. Le savonnier et le jujubier sont encore en vie.
À chaque fois que je retourne à Béni Mélek, je me fais un devoir de rendre visite à ces deux arbres miraculés.
Je me souviens que des décombres de nos maisons, nous avions réussi à retirer uniquement du couscous que toutes les familles indigènes préparent en prévision de l’hiver. Je garde toujours vivace ce goût de brûlé qui me fait penser au napalm. Un goût très particulier qui vous écorche la langue et la gorge et provoque des nausées insoutenables.

Des leaders à l’âge de 13 ans

Mais c’était ça ou rien. Les plus téméraires sont allés cueillir des figues en contrebas des ruines de nos si belles maisons en tuiles rouges de Marseille. Car pendant longtemps, lorsque nous étions autorisés par l’armée à revenir sur les lieux, nous retrouvions partout des éclats de ces tuiles plates, signe d’une urbanité et d’une relative opulence, comparativement aux habitations en « diss » des autres mechtas de la région.

C’est seulement le jeudi 25 que notre voisin, un colon humaniste et libéral, Roger Balestrieri, est venu nous consoler et nous apporter de l’eau et du pain. Je revois encore ses deux ouvriers, Boukhmis, un compagnon de guerre, et surtout Abdelkader Zine, un colosse noir originaire de Touggourt, l’un ployant sous le poids de deux gargoulettes et l’autre sous deux sacs de pain français. Roger, coiffé de son chapeau colonial, à peine la trentaine, peut-être moins, dégoulinant de sueur, parlait un arabe rudimentaire.
Affamés depuis la veille, nous nous jetons sur le pain et l’eau pendant que Roger parle en aparté avec les adolescents que les soldats dans leur furie avaient épargnés. Il s’agit de Hammoudi, Salah, Hafidh et Zouaoui, tous âgés entre 10 et 13 ans.
Ce sont eux qui en l’espace d’une nuit sont devenus de facto les nouveaux chefs de la communauté.

Par le feu et par le sang, la France coloniale, haineuse et sans scrupules, venait de faire passer le témoin entre les générations. Moi-même je devenais ipso facto le mâle le plus âgé de la famille. À moins de 6 ans!

Je vois encore ce bouc impressionnant, avec sa laine blanche et ses cornes acérées se laisser embarquer sans ménagement, comme un vulgaire agneau, par les soldats du 1er RCP. J’avais envie de crier que c’était mon bouc à moi, celui qu’on devait égorger à l’occasion de ma circoncision, soit juste après les festivités automnales et juste avant mon entrée à l’école. Mais ma mère m’a fusillé de son regard, m’intimant l’ordre de me taire et surtout de ne rien faire qui puisse exacerber cette troupe décidée à en découdre.

Se faire une raison

Déjà que j’étais très malheureux de voir mon coq se faire égorger par un soldat, mais les voir emporter mon bouc me rendait inconsolable. J’étais loin d’imaginer la suite.

Voir tous les hommes de ma famille alignés avec les mains sur la tête comme de vulgaires bandits m’indisposait au plus haut point.

Mais ce qui me fera le plus mal, c’est pourquoi j’en garde une blessure profonde, c’est de voir mes jeunes oncles avec qui je faisais déjà les quatre cents coups courber l’échine et partir en file indienne vers une destination inconnue, mais que déjà j’imaginais funeste. Encadrant leur grand frère, ils sont partis pour ne jamais revenir, mais ça je ne le savais pas. D’ailleurs, dans la famille, nul ne savait ce qu’il allait advenir de nos hommes.
Jusqu’au 5 juillet 1962, jour de l’indépendance de l’Algérie, jour de joies immenses, jour de grande ferveur, jour de grosses chaleurs, mais aussi jour de la dernière et de la plus humiliante déception.
Celle de devoir se faire une raison que les 23 hommes embarqués le 23 août 1955 par l’armée française ne reviendront pas. Avoir attendu jusqu’à la fin de la guerre, c’est-à-dire pendant sept longues et interminables années, pour se faire une raison.

Car durant toute cette période, à chaque fois que nos mères posaient la question, la réponse s’est toujours voulue évasive. Tantôt on nous disait qu’ils étaient à Lambèse, tantôt à Berrouaghia, les deux endroits dont j’ai appris à connaître les noms dès l’enfance. Mais à l’époque, ces deux centres pénitentiaires représentaient pour moi une simple auberge où mes parents étaient retenus pour troubles à l’ordre public.

Introuvables charniers

Quelques jours après avoir dormi sur la paille dans cette vieille mansarde mise à notre disposition par Roger Balestrieri, je suis pour la première fois séparé de ma mère et de ma tribu que je venais à peine de connaître. Plus de 80 personnes entre femmes et enfants que les Balestrieri avaient recueillies dans cette ferme désaffectée.

C’est donc vers la fin du mois d’août que je fais connaissance avec mon grand-père maternel. Je ne l’avais jamais vu auparavant, car en ces temps-là, le beau-père ne rendait visite à son gendre et à sa belle famille qu’aux grandes occasions.
C’est pourquoi, jusqu’à ce funeste mois d’août, je n’avais aucune idée de l’existence d’un grand-père maternel. Ma vie se limitait à celle de notre petite famille, avec comme patriarche Si Moha, l’oncle de mon père et donc mon seul et unique grand-père que je vénérais par-dessus tout. Lui était le véritable leader de la famille Mouats.

Le jour de la destruction de notre mechta, il était en ville, probablement bien à l’abri chez une de ses nièces qui habitait le faubourg de l’Espérance. Ayant été informé de ce qui se passait à la mechta et voyant au loin les flammes s’élevant au ciel, Si Moha avait pris la route de Collo qui mène droit à la mechta de Béni Mélek. Il sera arrêté à hauteur de la ferme de Bernard Dimeglio.
Depuis sa ferme, Roger Balestrieri a observé toute la scène. Lui a vu le convoi militaire et aperçu de loin les flammes et surtout la fumée s’élevant du douar. Avec les membres de sa famille et ses ouvriers, ils ont pu se rendre compte que quelque chose de grave se tramait chez nous. Depuis leur ferme qui domine la route sinueuse, ils n’ont aucune peine à reconnaître le vieux Moha se dirigeant prestement malgré son âge vers sa famille qu’il savait en grand péril.
Lorsqu’il se retrouve face à face avec le convoi militaire, il a à peine le temps de reconnaître les siens qu’il est embarqué sans ménagement dans l’un des GMC.
Lui aussi finira avec le reste de la famille dans un charnier que jamais personne n’aura signalé à ce jour. Pas même les responsables du FLN qui ne peuvent pas se soustraire à leur devoir sous un fallacieux prétexte.

Pour une reconnaissance nationale

Car ce qui s’est particulièrement passé ici dépasse en horreur ce que la France coloniale avait érigé en mode de destruction massive.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le témoignage d’un fils de soldat français, d’autant que nous avions presque le même âge et j’aimerais lui dire combien j’ai apprécié sa contribution. Parce qu’elle donne un autre éclairage de ce que fut cette insurrection. Que d’aucuns cherchent encore de nos jours à instrumentaliser.
À cet égard, après l’excellent livre de Claire Mauss-Copeaux, faisant voler en éclats la thèse de la préméditation – attribuée mécaniquement (machiavéliquement ?) à Zighoud Youcef –, le travail qu’est en train de réaliser Michel Mathiot constitue une contribution majeure à une meilleure connaissance des évènements et des hommes.

Enfin, comment ne pas souligner que dans son édition du lundi 22 août 1955, le New York Times parlait déjà de 12 000 victimes tuées par la répression, surtout que les ratonnades et autres crimes de guerre ont été couverts par les responsables militaires jusqu’au 29 août 1955.

Ce qui ne veut pas dire qu’après cette date, tout serait rentré dans l’ordre républicain, tant s’en faut, puisque l’état de siège a été décrété et les appelés ont été mobilisés en force. A l’évidence, l’insurrection a coûté très cher en destructions et surtout en vies humaines.

Après 60 ans de souffrances, nous avons tous besoin d’un peu d’apaisement qui ne viendra que le jour où nos morts seront enfin reconnus.
Ceci pourrait se faire par l’érection d’un monument national sur lequel tous les martyrs de ces glorieuses journées seront gravés dans du marbre de Filfila.
Est-il injuste d’imaginer que ce monument national pourrait trouver un petit espace en haut du mont Messiouène qui surplombe la vallée du Béni Mélek ?

Aziz Mouats

Université de Mostaganem

Sources: raina dz

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L’INSURRECTION PATRIOTIQUE ET POPULAIRE DU 20 AOÛT 1955

UNE MONOGRAPHIE ÉMOUVANTE ET REMARQUABLE

par SACI BELGAT

socialgerie

le 19 août 2011

pdf-3.jpg Ce témoignage brûle du souffle patriotique qui animait les insurgés depuis novembre 1954. Il a aussi la rigueur scientifique sans concession que mérite le grand tournant survenu au cours de la première année de la guerre libératrice et lui a donné son sens populaire profond. Les uns oublient ou déforment un épisode emblématique, qu’ils trahissent en ramenant sa célébration à un rituel vidé de contenu social et démocratique. Les anciens demeurés fidèles à leur idéal et surtout les nouvelles générations engagées dans les enjeux cruciaux de l’Algérie contemporaine en comprennent de plus en plus le sens profond. Défendre la mémoire des milliers de martyrs du 20 août 1955, c’est aujourd’hui prolonger leur lutte sur le terrain des aspirations et besoins populaires.

Un des moudjahid montant au maquis consolait sa fillette: je te rapporterai une poupée qui s’appelle « HOURRIYA ». Il n’est pas revenu mais le combat de ses enfants, aujourd’hui pacifique, dur et acharné, continue pour conquérir cette Liberté chargée du contenu humain auquel tout un peuple ne cesse de rêver.

L’enjeu aujourd’hui, c’est découvrir et surmonter les obstacles, objectifs et subjectifs, internationaux et nationaux, qui ont contiribué à arrêtre à mi chemin les processus révolutionnaires du changement, ou pire encore à les pervertir par les moyens de la corruption, de l’arbitraire et de la confusion politico-idélogoque

SH socialgerie – août 2011


(Transmis par Fateh AGRANE)

Mon camarade SACI BELGAT me fait l’honneur de m’envoyer son écrit sur la journée du 20 aout 55 a Skikda ou feu son père est tombé héroïquement les armes a la main avec un groupe de ses compagnons pour que vive l’Algérie libre et indépendante.

Sur le chemin de nos chouhada SACI a continué de marcher sans jamais se départir de son idéal et celui de son père, toujours en lutte contre la domination et l’arbitraire pour la justice et le progrès.

Avant de mourir son père voulait que SACI soit pilote d’avion ! … il ne l’est pas, notre enseignant universitaire, mais il vole très haut, sur les miasmes des traîtres et des renégats, il continue son combat pour la dignité humaine , je suis fier de pouvoir l’accompagner, pour honorer les miens aussi tombés au champ d’honneur le 6 juin 1958 et tous les chouhada et militants sincères notre cause anti-colonialiste nationale.

FATEH AGRANE


20 Août 1955

«Si nous venons à mourir défendez nos mémoires»

Ils disparurent en héros dans le fracas des balles, de la grenade et du mortier de la horde coloniale et leurs mémoires furent trahies et mêlées au comble de l’ignominie à celles des planqués qui se construisirent des itinéraires révolutionnaires rocambolesques, et plus grave encore à celles des collaborateurs et supplétifs de l’armée française.

Je veux parler des quinze martyrs de la rue de Paris (Skikda ex Philippeville), selon les documents de l’époque et dix neuf selon Madame Daiboune Sahal Zakia, un témoin de premier plan.

Madame Daiboune Sahal Zakia avait seize ans (16) en Aout 1955. Elle habitait avec ses parents l’une des deux maisons mitoyennes où se sont repliés les moudjahidines qui venaient d’attaquer la garnison de gendarmerie et tenter de libérer les prisonniers en forçant les portes de la sinistre prison de Philippeville.

Elle se souvient et relate les événements comme si, c’était hier. Il est vrai que cette bataille est marquante à plus d’un titre. Les impacts de balles de mitrailleuses, les trous des tirs de bazooka et de mortiers colmatés fraîchement, sont encore là pour témoigner de la violence du combat (voir photos accompagnant le texte). Témoins d’une des plus, âpre et prestigieuse épopée du 20 aout 1955, que les gardiens du temple du ministère des moudjahidines ignorent superbement. Mais est-ce véritablement leur histoire!

Tout, vous prend à la gorge. L’ambiance est d’une telle gravité émotionnelle et je comprends que cette dame altière – droite et fière dans ses soixante quatorze printemps ait gardé une mémoire fertile, pour raconter à ceux et à celles qui pour eux, Novembre et sa suite aient encore un sens.

Elle se souvient, me regarde, me toise et me dit dans une confidence que seule les humbles, ceux qui ont porté à bout de bras la révolution savent le faire. «Mais tu ressembles étrangement au moudjahid que j’ai soigné ici dans la buanderie. Il a tes yeux, ton front, tes sourcils quelle ressemblance mon fils.» Oui c’est mon père et je viens justement à sa rencontre. «Il avait une blessure profonde au front, je lui ai mis du café pour coaguler le sang, il a continué à résister, jusqu’au bout, ils l’ont achevé à la grenade avec ses trois compagnons. J’ai gardé une carte d’identité jusqu’en 1958 et puis par peur des perquisitions je l’ai détruite. Elle était neuve datant de quelques jours. Elle était du nom de «Mokhtar», je ne me souviens pas du nom de famille. Lieu de naissance Saint Antoine. Cette carte je l’ai gardée longtemps. Je la mettais sous mon oreiller. La nuit je me réveillais en sursaut. Ce chahid me soulève et m’embrasse. Que dieu fasse, ils sont au paradis.

Tout ce que nous avons demandé c’est que l’ État algérien fasse de ces deux maisons un musée pour que nos jeunes n’oublient pas l’histoire de ces hommes.»

À ces quinze ou dix neuf résistants, l’armada coloniale a du mobiliser des centaines de parachutistes et de garde mobiles. La bataille a durée cinq heures de 13h 20 à 18h 20. Nous citons en plus de ce témoignage vivant ceux des autres historiens, militaires de l’époque ou colons.

Benjamin Stora, historien de renom spécialiste du Maghreb, dans historical références 2010, rapporte: «Dans la rue de Paris, aussi, il faudra cinq heures aux parachutistes de l’armée française pour anéantir un commando d’une quinzaine d’hommes qui, réfugiés dans une maison, tirent sur tout ce qui bouge et refusent de se rendre».

A son tour l’historienne Claire Mauss-Copeaux, rapporte dans son livre “Algérie, 20 août 1955, insurrection, répression, massacres,” en page 104, cet édifiant témoignage parlant des résistants de la rue de Paris «Le colonel Vismes relève leur « mordant » l’hommage qui leur rend est bref et net : non seulement ils sont très décidé à résister sur place jusqu’à la destruction », mais ils le font. Un autre document militaire précise que des armes lourdes (lance roquettes anti-char et automitrailleuses) ont été utilisées pour les réduire. Mais ils ont tenu et leur dernier combat ne s’est pas conclu avant 18 heures 20. ».

Un autre témoignage sur la toile: intitulé “déchaînement à Philippeville”:

«La fureur exacerbée, une quinzaine d’hommes se sont enfermés dans une maison de la rue de Paris d’où ils tirent sur tous les européens. Les parachutistes donnent l’assaut il dure cinq heures. A la grenade, au gaz lacrymogènes, à la mitraillette, au mortier.»

Pour se suffire à ces témoignages tous concordants, Gilbert Attard, un témoin, dans “une page d’histoire le 20 aout 1955 à Philippeville,” donne sa version: «13h30: une bande de 80 rebelles s’infiltre entre l’hospice et la gendarmerie. Quatorze rebelles se retranchent, rue de Paris, dans une maison occupée par des musulmans. Les youyous des femmes stimulent l’ardeur des hors la loi. Les militaires et les gardiens de la paix en font le siège pendant plus de 4 heures, faisant usage de gaz lacrymogènes et de grenades, un militaire est blessé, l’adjudant chef Maurice Giraud de l’état major de la 41e DPB. Tous les rebelles sont abattus.»

D’après Daiboun Sahal Zakia: les corps étaient méconnaissables déchiquetés par les éclats de grenades et les tirs de bazooka.

«Nous avons été évacués, alignés pour être fusillés. Notre salut nous le devons au commissaire de police «Gati» qui a intercédé en notre faveur et heureusement que mon père était dans son commerce. C’est ce qui nous a sauvés; sinon, on aurait été fusillés. La maison fut réquisitionnée et fermée plusieurs mois. Nous n’avons pu réoccuper notre maison que longtemps après, et puis nous on a rien demandé sauf que l’Etat fasse de cette maison un musée pour la mémoire.»

C’est ce même commissaire de police grande connaissance de mon oncle (Tahar Ben Achour), Garde champêtre de Stora, «Tahar, j’ai reconnu ton frère Messaoud, il était de ceux morts à la rue de Paris, ne me dit pas qu’il a disparu en ce 20 Août».

La sécurité de la famille a prévalu et il fallait garder au secret sa vraie place dans le soulèvement du 20 août 1955, moyennant quelques largesses et royalties versées à gauche et à droite pour garder le secret et éviter le pire, d’autant que la famille pouvait se le permettre, ferme agricole florissante à Ain- Zouit et en d’autres endroits, commerce et primeuriste en pointe à Philippeville, place enviable dans l’administration française.

Ce que j’en tire aussi, mon père comme beaucoup d’autres révolutionnaires, ne se sont pas soulevés contre l’ordre colonial par nécessité alimentaire, comme semble le suggérer certains. Les positions qu’ils occupaient dans la hiérarchie sociale de l’époque ne les mettaient pas en situation de simples desperados de la faim et des maladies récurrentes. Ils avaient un idéal pour leur pays et le prix en importait peu.

Quand Claire Mauss –Copeaux, rapporte en page 102 de son livre (“Algérie, 20 août 1955…”), « En Algérie, aujourd’hui, les mémorialistes affirment que «le secret était total». Seul Zighout Youssef et ses très proches collaborateurs étaient «au courant de la date, de l’heure et des lieux […]. Les militaires et les services de renseignements français de l’époque ignoraient eux aussi ce qui se préparait». Mais cette présentation des faits, qui confirme à leurs yeux la force des conjurés et l’unanimité du commandement FLN, est inexacte. Effectivement, la date de l’insurrection avait bien été révélée l’avant-veille à Brahim, l’un des chefs de groupe, mais ce dernier observe également que la préparation de la « Révolution » avait commencé un mois auparavant, au lendemain de la réunion de Zamane. Parmi ceux qui participaient, tous n’ont pas forcément respecté le secret.»

En effet, l’avant-veille du jour fatidique, mon père avertit son frère «Tahar garde champêtre de la commune de Stora de ne pas se rendre à Philippeville, le jour du samedi 20 août, il lui dit qu’il va se passer des événements violents». Pris de colère son frère lui intima l’ordre de se retirer. De l’avis de la famille qui écouta cette violente altercation entre le benjamin et son frère, jamais, on ne les a vu rentrer dans une telle colère, d’autant qu’il vouait (Messaoud, mon père) un respect mémoriel à son grand frère. Il lui résista et s’en alla sans lui faire les adieux.

Au fond, et même s’il ne lui pardonna jamais cette résistance, moi son fils, je comprends maintenant et à posteriori, le deuil mal assuré de mon oncle. À l’évidence, il se faisait violence, comme si son frère a été happé par une femme plus audacieuse et plus belle que l’amour qui les liait.

En effet, la Révolution était plus forte que les situations acquises. N’est ce pas que cette posture révolutionnaire est en rupture radicale avec le comportement actuel des roturiers de la république dévoyée.

Oui, non seulement que leurs compagnons les ont trahis, mais ils s’inventent des histoires, rapportent pour ceux qui étaient considérés comme des chefs des témoignages tronqués ou nécessairement ils doivent briller par rapport aux chouhadas, aux vrais baroudeurs.

Claire Mauss-Copeaux déjà citée, écrit à ce propos «Mais la légende des chefs luttant au milieu des insurgés n’est pas corroborée par Ali Kafi, qui se présente comme l’adjoint de Zighoud. Dans sa brève relation du 20 août, il observe un silence prudent à propos de son rôle et de celui du responsable du Constantinois.»

Tous les 20 août que Dieu fait (érigée en journée du Moudjahid), des témoins sortis de nul part «des zigotos» s’inventent des histoires qui font douter la jeunesse des vraies batailles pour l’indépendance acquise au forceps par ceux et celles qui n’avaient d’ idéal que celui du recouvrement de la souveraineté et de la liberté pour une nation et un peuple meurtri et exsangue, par l’une des colonisations les plus meurtrières du XX siècle.

Ces mots que me rapporta ma défunte mère sonne encore dans ma tête «au mois de juin, c’est le début de la fenaison- on rentrait le foin, sa belle soeur «parlant de mon père» l’interpella, pourquoi fais-tu tout ça Messaoud, un avion à réaction passait en ce moment, il leva sa tête au ciel, pour que Dib (moi, son fils ainé – du surnom qu’il me donna) puisse piloter un jour cet avion».

Même, si je ne fus pas pilote d’avion et je m’en excuse d’avoir failli à cela, j’ai tenu à pousser mes études au plus loin, rien que pour honorer sa mémoire et lui être fidèle.

La figure tutélaire du père fut de tout temps omniprésente et protectrice. Malgré que j’ai été assez dorloté et baisoté par ma mère, quand je suis en difficulté, je ferme mes yeux et je t’imagine grand gaillard de tes longs et puissants bras me protégeant. C’est dans tes bras que je cherche refuge et non ceux de ma mère.

C’est dire aussi, que le deuil ne se fera, au grand damne, jamais. Nous apprenons à vivre avec et continuons de faire de l’absent le premier compagnon de notre vie.

C’est peut-être ce deuil impossible et l’absence en héritage du père, qui me conduisirent en ce premier été de l’an un «1» de l’indépendance en compagnie de mon jeune cousin Madjid à la recherche des moindres recoins où séjournèrent les moudjahidines.

Que de chemins escarpés, que de ronces, de forêts denses, de ruisseaux, d’oueds et de gueltas traversés. Je ne savais pas pourquoi je le faisais, c’était je m’en souviens une aimantation plus puissante que les coups de gueule de ma pauvre mère.

En un mot ce n’était ni des illuminés, encore moins des assassins comme un certain documentaire de J.P. Liedo les présenta. Ils étaient des hommes aux rêves qui surpassaient ceux qui ont eu la charge de conduire les affaires de la nation à sa libération.

Au moment où ces révolutionnaires de la vingt cinquième heure se racontent les belles histoires justifiant les rentes et les prébendes servi allégrement par les magnats de la république, nous la petite fratrie, les yeux rivés sur la rue de Paris, on ne se parle pas et au retentissement de la sirène, annonçant midi (12H), au premier coup de feu, chacun de nous fait comme il peut pour étouffer ses sanglots.

Saviez vous qu’on n’a même pas un lieu digne où nous pouvons célébrer et honorer la mémoire de notre père. Un lieu où l’on peut se recueillir pour notre tranquillité.

Quelques petites explications à propos du déroulement des événements du 20 août 1955:

Pourquoi le repli en la maison de la rue de Paris: cette maison, je le tiens de ma défunte mère servait de réunion. Les occupants ne sont que les parents de Ramdane, compagnon de mon père qui mourut en héros en sa compagnie.

Monsieur Kafi dans son livre (“du militant politique au dirigeant militaire”), prétend en p. 66, que le PC était établi dans la rue de France. Mais chez qui? Il faut bien une adresse, un nom pour que le témoignage ait un sens historique, si non ce ne sont que des approximations, comme pour bien d’autres narrations.

Non le P.C se trouvait dans la rue de Paris chez les parents maternels de Si Ramdane, et c’est là même où toute la direction opérationnelle laissa sa vie.

La preuve nous vous la donnons.

Pourquoi la deuxième réunion après celle de Zamane, à laquelle mon père participa, fut tenue au douar Lamdjadjda?

Qui s’est occupé de la logistique, et qui connaissait ce douar?

Ce douar se situe en plein massif forestier entre Collo et Skikda, et n’est desservi par aucune route. Il est tellement enclavé qu’il faut de la détermination pour y aboutir.

Il est à un jet de pierre de notre ferme à Ain Zouit. Le seul qui avait une parfaite connaissance du douar était mon père. Nous avons des terres en indivision en ce douar jusqu’à aujourd’hui et les parents maternels de mon père sont de ce douar, et c’est mon père qui reçut de Zighoud l’instruction de préparer cette réunion.

Monsieur Kafi cite en, page 58 de son livre, des noms ayant assistés à cette réunion, puis il conclu furtivement…, et d’autres, mais qui sont ces autres. Ce n’est pas trop d’honneur pour quelqu’un qui prétendument aurait conduit les événements.

Est-il blasphématoire de dire que chaque chahid ait droit à vos yeux à l’éternelle reconnaissance de la patrie qu’il inonda de son sang.

Des noms qu’il cite *…+, aucun n’est de ce douar, ni d’ailleurs de la région pour maîtriser la configuration du terrain; alors qu’en stratégie révolutionnaire c’est la première condition à réunir. Oubli ou manipulations des faits.

Il omet de parler de la réunion à la veille du 20 août qui s’est tenu dans notre maison à Ain Zouit exactement au lieu dit «Aghzib m’gharat», là où est construite notre ferme. Mr Kafi y était présent à la réunion, nous en avons le témoignage d’un survivant du 20 août, Si El Meki, présent à cette réunion. Encore un oubli ou autre chose.

Pourquoi ne parlera-t-il pas de celui qui entraînait les moudjahidines au maniement des armes, au lieu dit «Oued el Maleh», sur nos terres. N’est ce pas que c’est Messaoud Ben Achour mon père ou Belgat selon la convenance.

Qui est ce jeune lettré qui tapait les rapports à la dactylo «stamba» comme on dit dans le langage des ruraux «djebailia» sous la dictée de mon père?

D’après un témoin. Mon père a procédé à l’enterrement du matériel avant le 20 août 1955 et je me ferais un devoir de vérité de les déterrer rien que pour abreuver l’histoire et éclairer la vision d’une jeunesse avide de connaître ses héros, ceux et celles qui ne lui ont jamais menti.

Quant aux sabotages des fermes de colons des Beni-Malek, qui, si ce n’était son groupe, n’est ce pas qu’il en paya le prix avec d’autres pour avoir été arrêtés et écroués quelques jours à Philippeville.

Parlez-nous encore de ce traitre infiltré dans les rangs de l’ALN naissante qui a failli décimer ses rangs. Que d’oublis, de hiatus, pour une histoire sélective et manipulée à souhait.

Pourquoi dans son livre ne parle-t-il pas du signe sacralisant l’engagement du moudjahed, que les résistants les vrais avaient à l’avant bras.

Claire Mauss-Copeaux le rapporte dans son ouvrage p. 88, parlant de Zighout Youcef: «Afin d’engager définitivement les combattants de la ville, il instaure un rituel qui sacralise leur cause et lie les conjurés. Dans le style qui lui est particulier, Ahmed Boudjeriou, le jeune frère de Messaoud, décrit la scène: «Il demande à cheikh Belkacem Kerris de réciter certains versets du coran. Zighoud et si Messaoud [Boudjeriou, le responsable du secteur de Constantine] appellent un à un les combattants pour leur faire prêter serment.»

Ce rituel ne s’est pas limité à la seule région de Constantine. Il s’est tenu partout – là où il y avait des combats et des combattants à engager.

Comment je le sais et d’où je tiens cette information. Ma mère dans ses colères combien légitimes, ravalant ses larmes, étouffant mal ses sanglots, elle me dit «quand je l’ai imploré de rester auprès de vous, vous étiez très jeunes, ta soeur ainée «Titam» née en 1947, n’avait que 7 ans, toi, né en 1951- 3 ans presque 4, et Kaddour, né en mai 1954, ton jeune frère à peine s’il venait de boucler sa première année. Parlant de mon père: «Il me fixa des yeux, remonta sa chemise et me montra un signe sur son avant bras, j’ai prêté serment et je ne peux reculer». Ce serment gravé en son corps, il ne le montra qu’à sa femme. «Mon fils un vrai «thouar», révolutionnaire, il doit avoir ça, si non c’est un faux ou quelqu’un qui est arrivé bien après les premiers révolutionnaires».

Mu, et porté par cette conviction nationale et religieuse, il teint avec son groupe de résistants, avant d’aborder la ville de Philippeville par le faubourg, une prière. Il demanda aux uns et aux autres de se pardonner.

Encore, avec toute la ferveur imposée par le djihad, là où il passait à la tête de sa section, il demandait le pardon aux populations riveraines; en témoignent tous les habitants encore en vie des Beni-Malek.

«c’est Messaoud Ben Achour qui à la tête des combattants qui sont rentrés par Beni-Malek, nous demandait de le pardonner.»

Avant de conclure ce chapitre, nous comprenons pourquoi ni du côté de la France officielle, et encore moins du côté des locataires de la république algérienne dévoyée n’a intérêt à ouvrir les archives et laisser place à la recherche et à l’investigation historique, au lieu des légendes auxquelles presque personne ne croit.

Prébende et mépris:

Vous, vous avez édifié des palais pour vous et vos concubines, nous nous eûmes droit à votre mépris.

Que fut la réponse à ma défunte mère d’un de vos gardiens des fausses mémoires, que vous nommiez dans votre jargon «responsable des anciens moudjahidines». Elle s’inquiétait pour son dossier d’attribution d’un logement décent en 1984 qui n’aboutissait pas. En lui faisant remarquer qu’elle est la veuve du Chahid Messaoud. La réponse de ce templier fut «nous on a intérêt dans les vivants, les morts ils sont partis».

Ignoble, c’est malheureusement cette race qui a terni l’une des plus prestigieuses révolutions populaires de ce XX siècle.

La descente aux enfers n’est pas pour autant finie, on continue dans ce cercle bien fermé à se congratuler et à racler les fonds de caisse de l’Etat.

Le saviez vous que sa demande de logement a traîné sans aboutir de 1966 à sa mort c’est-à-dire en 1993.

Le saviez vous qu’aucun de nous trois (03) n’a bénéficié de la république bien plus clémente pour les supplétifs de la coloniale, que pour ceux et celles qui au forceps ont émergé cette nation et son État du néant.

Saviez-vous que le corps de ma mère à sa mort a reposé au domicile de sa fille, avant d’être porté en terre.

Saviez vous pourquoi? Chez elle, la pièce que nous louons chez un privé et qui nous servait de logement est trop exiguë pour contenir le monde venu lui rendre un dernier hommage.

Dieu merci, de nous trois (03), ses enfants, aucun n’a prétendu à votre rente, nous vivons de notre labeur et nous en sommes fiers de porter le nom de celui qui a fait avec les autres l’histoire du 20 août 1955 et de la révolution algérienne.

Ni vous, ni aucun de ceux qui prétendument ont fait le baroud dans les djebels ne peut nous priver de cet insigne honneur.

La seule fausse note c’est quand j’entends des jeunes et des moins jeunes dire chacun son histoire: que les enfants de chouhada ont tout pris. Peut-être, et c’est certainement vrai pour la cour de valets où se mêlent malheureusement d’authentiques enfants de martyrs et d’autres, mais certainement pas pour nous et nous en apportons la preuve chaque jour que dieu fait.

Méprisés par les colons, torturé par les supplétifs de la R.A.D.P :

Que dire, quand à l’âge de six ans (06) «Raz», un sanguinaire de la SAS, me rabroua sèchement à l’occasion de la remise des cadeaux de noël. «Toi, fils de fellaga tu n’auras pas droit au
cadeau»
. Tenez vous bien en arabe du terroir, car ce «sanglier» a grandi parmi nous. Depuis j’ai une sainte horreur des festivités et de tous ce qui peut y ressembler.

Que dire encore quand ma soeur durant sa scolarité était systématiquement agressée par le préposé à la SAS, toujours ce sinistre Raz: «fille du chef des fellagas, et tu oses encore venir étudier».

Il est vrai aussi que pendant la guerre de libération, l’ALN était à nos petits soins. J’ai en mémoire ce responsable politique de l’A.L.N, de 1960 à l’indépendance, quand j’accompagnai ma mère au Djebel, pour recevoir sa solde de femme de chahid. Il était aussi précautionneux et attentif à ma scolarité que ma mère. Nous fûmes adulés à l’indépendance et méprisés dès que la république a changé de locataire.

Lui et les autres, ils ont été au bout de leur serment qu’ils ont honoré devant dieu et les hommes. Mais vous, vous avez fait de nous, leur progéniture des parias de la république, non contents, certains d’entre nous ont subi le supplice des torturés pour avoir osé contester votre histoire. Oui, dans les sous sols de cette république, dont les allées sont squattés par des indus occupants.

Que dire encore de ce tortionnaire grassement rémunéré par la république que nos parents ont fait saillir de 130 ans d’ombre- Non satisfait de torturer son fils , il a attenté à sa mémoire dans un langage de chiffonniers . (Voir témoignage de saci Belgat ; les cahiers noirs d’Octobre 1988).

Une autre vérité sur le commissaire principal de Police à Mostaganem (1988). Après des séances de tortures musclées, un voyage forcé à Alger- au siège même de la DGSN, dans une dernière tentative de me culpabiliser dans son bureau, il me tint ce discours très moralisateur: «vous voyez dans quel état vous avez mis la ville, vous en porter la responsabilité des morts et des dégâts». Je lui répondis, aussi calmement que la gravité du moment l’imposait. «Non, je ne suis pour rien dans ce déferlement de violence, moi je n’ai fait que défendre un idéal ».

Ce commissaire plus tard a fini par être confondu et inculpé dans des trafics de stupéfiants, d’ailleurs comme le responsable des R.G de l’époque et non moins patron en chef de l’équipe de tortionnaires qui s’est acharnée sur ma personne.

Si nous ne connaissons la probité et le désintéressement de nombreux commis de l’Etat, l’on est en droit de se poser la question si cette république n’est habitée que par des malfrats et des dealers.

Cette descente aux enfers justifie ce raccourci populaire «tous pourris», qui ne présage rien de bons et d’horizons sereins pour la suite des événements.

Cerise sur le gâteau, ces gens poussent l’outrecuidance, l’impudence et le zèle jusqu’à se poser comme la dernière digue de protection de la révolution. Si ce n’était la gravité du moment, on aurait ri de leur posture ubuesque. Mais c’est de vous que le pays doit se protéger, et se prémunir des jours sombres qui s’annoncent.

Supplétifs de l’armée coloniale et planqués aux allures de héros:

Venons-en aux supplétifs et planqués que la république mêle au sang des lions des monts de Skikda, de Collo, du Djurdjura et des Aures.

A se demander si ce n’est pas une stratégie pour vider novembre l’insolent le téméraire de sa substance révolutionnaire.

En tous les cas même si, ça ne relève pas d’une stratégie bien huilée, les résultats dépassent en matière de dégâts les attentes des cercles de la coloniale.

Des faits, que des faits du peu que je sais, ou j’apprends de mes contacts. Car quoique l’on ait fait, à la seule évocation du nom de mon père les gens sont d’une grande attention pour nous. Comment ne pas s’étrangler d’émotion et de fierté quand on vous dit textuellement «sauvegarder la mémoire de votre père, il est la fierté de la région».

Le cousin à mon père «Smaïn» qui était du groupe de résistants armés du 20 août 1955, se sépara de mon père avant l’hospice. Nous comprenons que mon père et le commando qui l’accompagna à la rue de Paris avait pour mission de forcer les portes de la prison. Là n’est pas le propos. Cet oncle, revenu indemne du 20 août 1955, a organisé seul l’attaque en Janvier 1956 de la caserne militaire de «Zarzour» à 5 km d’Ain Zouit.

Après les massacres du 20 août et le traumatisme causé à la population, il fallait rallumer la flamme révolutionnaire. Lors de ce coup de maître, il tua d’ailleurs la sentinelle.

En 1959, suite à l’une des plus grande bataille de la région au lieu dit «rmila», à 2 km du village d’Ain zouit. Un bataillon de l’ALN, a tendu une embuscade à un convoi militaire rentrant de Philippeville. Trente (30) harkis et plusieurs militaires français ont été neutralisés. Toute la logistique du bataillon de l’ALN fut préparée par cet oncle. Quelques jours après et suite à une dénonciation venant d’un certain «sendjak» de son surnom, mon oncle fut arrêté. Il subit les pires supplices, de caserne en caserne de centre de torture en centre de torture durant 2 ans. Il ne dut sa libération que grâce à de multiples interventions de ses cousins, bien installés dans le commerce à Philippeville. Au bout des courses cet oncle n’a jamais demandé ou prétendu à une carte d’ancien moudjahid et pourtant ses faits d’armes feront rougir n’importe quel obscur «zozo» ou supposé tel de l’ALN. «Sendjak» au fil du temps, s’est octroyé le titre et la carte d’ancien moudjahid et que vogue la trahison.

Une autre histoire encore plus truculente, car elle montre jusqu’où peut aller la trahison, quand la république est abandonnée aux scories et assimilés du colonialisme.

Au jour du 14 juillet 1960, en parade sur un cheval, un vigile et supplétif de la SAS d’Ain Zouit a chuté de son cheval, on fit venir l’hélicoptère pour le transporter à l’hôpital militaire de Philippeville.

Si la coloniale fit venir un hélico pour l’évacuer à l’hôpital c’est que certainement, il comptait parmi ses supplétifs.

Résultat des courses aujourd’hui, il a une incapacité d’ancien moudjahid de 100% et finit des jours heureux dans une des belles villas de Skikda.

Nous pouvons en raconter d’autres. Tous ceux qui ont été exécutés sur ordre du FLN/ALN dans notre village pour haute trahison sont portés au chapitre de chahid. Vogue la galère de la traitrise, et vous voulez que les jeunes croient un brun à vos histoires.

Face à la traitrise et aux légendes sur-construites, qui ne font plus rêver, des itinéraires de vrais combattants sont passés à la trappe.

En cette année 1959 où la bataille faisait rage dans notre région, deux (2) jeunes arrivés à l’âge du choix: se faire incorporer dans le camp des goums ou rejoindre l’ALN. Ils choisirent le chemin des nobles.

Othmane Beldjoudi, jeune qui travaillait sur nos terres et un autre à qui on donna plus tard le sobriquet du «combattant», je me souviens comme si c’était hier, ils dévalèrent la pente et rejoignirent le groupe des moudjahidines.

Année 1959, année de tous les dangers, l’armée française a miné tous les sentiers par où passaient les moudjahidines. Pour l’anecdote un paysan pauvre pleurait son âne qui venait de sauter sur une mine anti-personnelle au lieu dit «El-Hamoura»; il parlait à son âne déchiqueté par une mine anti-personnelle. «J’ai voulu faire de toi un moudjahid et tu n’as pas voulu, j’ai voulu en faire de toi un goumier et tu n’as pas voulu et voilà que tu viens de mourir sur une mine». C’est dire toute la détresse de ceux qui étaient cantonnés dans les centres de regroupement étroitement surveillés et filtrés par la SAS.

En septembre 1959, au retour d’un séjour en compagnie de ma mère, à Philippeville chez mon oncle maternel qui venait de sortir de prison. Pris dans un ratissage en 1956 à Oued Bibi sur ses terres, il passa trois ans(03) de prison et de tortures sans pour autant qu’il ait demandé à bénéficier de la carte d’ancien moudjahid.

Au détour d’un virage le camion qui nous transportait stoppa net, un homme que je connaissais «Ali Ben Khaled cousin maternel de ma mère, responsable politique de l’ALN de la zone, de qui ma mère recevait de 1956 à fin 1959 sa solde de femme de chahid», sauta dans le camion, il sermonna quelques récalcitrants, me caressa les cheveux, murmura quelques paroles à ma mère».

Un djoundi que je reconnu, c’était Othmane, en m’apercevant, il ne put résister pour venir m’embrasser et me serrer fort dans ses bras. Le responsable politique n’était pas content à l’entrave faite, mais que faire dans ce monde de combat et de cruauté, le cœur des djounouds parlait aussi.

Le téméraire et non moins responsable politique de l’ALN, Ali Ben Khaled, tomba au champ d’honneur en début 1960, et fut remplacé par un autre plus lettré. Son corps fut traîné derrière une jeep dans le village de Stora et exposé sur la place publique.

Quant à Othmane, c’est la dernière fois que je le vois, en 1961 il sauta sur une mine anti-personnelle à El Alia, en compagnie du «combattant» qui lui, laissa ses deux jambes.

À l’indépendance les parents du chahid si Othmane vécurent de la pension qu’on daigna bien leur verser, quant au «combattant», je le voyais, dans l’Algérie souveraine, s’échiner sur son pousse-pousse poussiéreux qui pétarade dans la montée de Ain-Zouit. C’est tout ce que la généreuse république lui offrit pour le consoler de son handicap.

En un mot le destin des uns et des autres ne fut pas identique, quand les combattants de la vingt cinquième heure rotaient des bien –faits de la république, ceux et celles qui ont libéré le pays se sont retirés pour cautériser leurs plaies.

Voilà aussi pourquoi, les instruments de la manipulation de l’histoire, les faussaires et fossoyeurs de la patrie de Novembre, ont mené une guerre à ce courageux, patriote et honnête citoyen – Ben Youcef Mellouk, qui le premier a éventré ce dossier brulant.

Le serment fait aux dix neuf martyrs de la rue de Paris :

  • Belgat Messaoud,
  • Daiboun Saïd,
  • Laïfa,
  • Ramdane,
  • Chebli cherif,
  • Baboun,

Et vous, leurs compagnons dont vos noms resteront pour combien de temps inconnus. Anonymes, vous êtes la lumière qui éclairera nos pas et ceux de votre patrie.

Voilà une histoire toute singulière qui renforce encore, et encore d’avantage mes convictions.

Ceux-là même qui comptaient parmi vos compagnons n’ont pas défendu vos mémoires. Il revient à nous de vous rétablir dans la hiérarchie du sacrifice suprême pour la nation et d’achever votre oeuvre.

Je fais le serment à mon père et aux dix neuf qui l’accompagnèrent dans son combat sur les lieux mêmes où ils ont livré l’une des plus marquantes bataille de la ville de Skikda «la rue de Paris», qu’Août et Novembre refleuriront des belles fleurs des myrtes des monts de Skikda et de Collo et que les chouhadas reviendront fêter l’indépendance de leur Algérie.

Novembre et Août continueront malgré toutes les trahisons à dérouler leur histoire féconde, qui un jour fera bloc avec la jeunesse pour libérer ce pays meurtri par tant de traitrises.

J’ai fait le serment sur les lieux de son sacrifice de ne plus me cacher derrière des pseudonymes et je ne sais quelle veulerie de circonstance. J’ai juré de mettre toute mon énergie au seul service de la patrie pour qu’enfin, le rêve qu’il en fit avec ses compagnons se réalise et pour qu’il n’y ait plus de jeunes qui meurent par désespoir d’un pays mis au seul service de ceux qui ont en fait un cimetière.

Pour paraphraser l’écrivain Congolais, Tchicaya U Tam’Si à propos de son Congo «l’Algérie c’est la quête de mon père c’est aussi la mienne».

Ton héritage même s’il est trop encombrant je l’assume et je le porterai aussi loin que la vie me le permettra.

Nous irons jusqu’au bout de nos convictions et quelque sera le prix à payer.

BELGAT SACI chercheur universitaire,


Références:

Ali Kafi: “Du militant politique au dirigeant militaire” Casbah édition 2009;

Claire Mauss Copeaux: “Algérie, 20 août 1955” éditions Payot 2011-08-13;

Benjamin Stora: “Le massacre du 20 août 1955: Récit historique, bilan historiographique” Historical Reflections Volume 36, Issue 2, Summer 2010 © Berghahn Journals

“Déchaînement à Philippeville” www.histoire-en-questions.fr/…/terreur-massacres-philippev…

Gilbert Attard: “Une page d’histoire. Le 20 août 1955 à Philippeville” l’Algérianiste, n° 127, septembre 2009


Photos témoins de la bataille de la rue de Paris 20 Août 1955 [[Il s’agit ici des photos accessibles sur le document joint]]

SACI- BELGAT

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Mme Daiboun Cherfa:

témoin clé de la bataille de la rue de Paris


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La rue de PARIS: Philippeville


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Villa de la rue de France ou se déroula la bataille


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Impact de balle de mitrailleuse visible


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Impact de balle gros calibre


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Impact de tirs au bazooka récemment colmaté


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Impact d’un tir à l’arme lourde récemment colmaté


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Impacts de balles


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Buanderie où mon père et ses trois compagnons

tombèrent en martyrs, achevés à la grenade

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Barreau sectionné par un tir de gros calibre


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Impact de balle de petit calibre


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Porte par la quelle communiquaient

les deux maisons mitoyennes


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Vue sur les deux maisons mitoyennes de la rue de Paris


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Impact de balle


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Porte par laquelle les résistants sont rentrés

dans les deux maisons mitoyennes


[

sources

socialgerie article 551, août 2011

->551]

haut de page


YANIS VAROUFAKIS: « NOUS AVONS TRAHI LA GRANDE MAJORITÉ DU PEUPLE GREC! »

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Propos recueillis par Pavlos Kapantais.
L’OBS, le 20 août 2015

Nous avons rencontré l’ex-ministre des Finances grec un jour avant qu’Alexis Tsipras annonce la tenue d’élections anticipées. Il sera l’invité d’honneur ce dimanche de la Fête de la rose organisée par Arnaud Montebourg. Il revient sur sa démission et ses rapports avec le Premier ministre grec.

14287591.jpgYánis Varoufákis, ancien ministre grec des Finances (Maxime Gyselinck pour l’Obs)

C’est un homme souriant, en apparence apaisé, qui nous accueille dans sa résidence secondaire sur l’île d’Egine. Sa femme, Danaé, et un ami proche sont assis sur la terrasse qui donne sur la mer. Propos recueillis par Pavlos Kapantais .

Vous vous êtes opposé à la décision d’Alexis Tsipras, le 13 juillet, d’accéder aux demandes des créanciers. Pourrions-nous vous voir sur les listes électorales d’un autre parti lors des prochaines élections?
Yanis Varoufakis : Si les élections anticipées débouchent sur un gouvernement et un parti qui auront reçu un mandat populaire pour appliquer l’accord du 13 juillet, je ne pourrai évidemment pas en faire partie. Alexis Tsipras est rentré du sommet européen du 12 juillet, où nous avons assisté de fait à la capitulation du pays, en expliquant son positionnement. Celui-ci reposait, selon lui, sur un grave dilemme : soit on acceptait ce programme non viable, soit le plan Schäuble [le ministre allemand des Finances, NDLR] de « défenestration » de la Grèce de la zone euro était mis en action. C’est là que commence ma principale objection : je ne crois pas que le dilemme soit là. Je crois que le « plan Schäuble » est en train de se réaliser. C’est en votant « non » au référendum que je reste fidèle au programme de Syriza. Si je suis d’accord avec Alexis Tsipras pour dire que le Grexit doit être évité, selon moi, le maintien de la Grèce dans la zone euro passait justement par le rejet de ce nouveau et troisième mémorandum. C’est là que nos opinions divergent. Alexis [Tsipras] considère que cet accord est l’alternative au « Grexit » de Schäuble, moi je considère que ce mémorandum fait partie du plan de Schäuble [de sortie de la Grèce de la zone euro].

Pendant les négociations, vous avez souvent dit que pour que les négociations puissent aboutir, il aurait fallu que le FMI, la Commission et la Banque centrale européenne soient moins divisées. Quelle était la nature de ces divisions?
Yanis Varoufakis : Il est évident que cela aurait été plus simple… Le FMI a reconnu dès le départ que la dette était beaucoup trop importante pour que le pays puisse espérer s’en sortir. Mais la même institution était intraitable sur les réformes du droit du travail. En revanche, lorsqu’on allait parler aux Européens, ils nous disaient exactement le contraire ! Ils étaient d’accord avec nous sur le droit du travail, mais, pour eux, le fait d’envisager un effacement même partiel de la dette était un sujet tabou. Leurs divergences sont impossible à gérer, il faut qu’ils se mettent d’accord. Quand vous vous retrouvez pris en étau entre des discours contradictoires, la négociation devient quasiment impossible : vous êtes cerné par les lignes rouges des uns et des autres et, par conséquent, la discussion ne peut pas avancer.

Quel a été le rôle de la France au sein de l’Eurogroupe, et comment jugez-vous ce rôle?
Yanis Varoufakis : Le gouvernement français avait une perception très proche de la nôtre. Mais excepté quelques phrases de soutien lancées par Michel Sapin, cela ne s’est pas traduit par un réel soutien. Ses interventions ont été immédiatement rejettées par les autres, et plus particulièrement par Schäuble. Il est vrai que, lorsque j’ai fait remarquer la grande différence entre ce qui se disait à huis clos et ce qui se disait publiquement, un personnage haut-placé m’a dit que « la France n’était plus ce qu’elle était ». A l’intérieur de l’Eurogroupe, nous avons pu travailler avec Michel Sapin, notamment pour trouver un compromis entre la continuité des engagements pris par l’Etat grec et le principe de démocratie. Car le peuple grec s’est très nettement exprimé contre l’austérité lors des élections législatives de janvier. Michel Sapin l’a rappelé à plusieurs reprises au sein de l’Eurogroupe. Cependant, la réponse de Schäuble fut catégorique : les élections ne changeaient rien au problème car si les règles devaient évoluer à chaque fois qu’un nouveau gouvernement était élu, l’Eurogroupe n’aurait plus de raison d’être et la zone euro s’effondrerait.

14287583.jpg(Maxime Gyselinck pour l’Obs)

Comment s’est passée exactement votre démission le soir du référendum? Que vous a dit Alexis Tsipras ? Avez-vous pris cette décision ensemble, ou est-ce un gage qu’il a dû respecter sous le chantage, une reddition?
Yanis Varoufakis : La semaine qui a précédé la fermeture des banques, je considérais – et je considère toujours – que nous aurions dû nous opposer à cette décision scandaleuse de l’Eurogroupe. Mais comme nous étions dans la ligne droite qui menait au référendum, il était de notre devoir de rester unis et de travailler pour la victoire du « Non ». Et le « Non » l’a emporté. Α ce moment-là, j’ai ressenti une immense responsabilité face à ces gens qui ont su s’opposer à toutes les attaques médiatiques contre les partisans du « Non », au moment même où les banques avaient été fermées pour leur faire peur. J’ai considéré alors que notre rôle était d’honorer ce courage. Je suis rentré à Maximou [résidence officielle du premier ministre grec, NDLR] imprégné et motivé par l’énergie de notre très courageuse population et je me suis trouvé confronté à la volonté de capitulation de la part des autres membres de notre groupe politique responsables des négociations[[(groupe de six membres du gouvernement responsable des négociations comprenant à l’époque Alexis Tsipras, Yannis Dragasakis le vice-président du gouvernement grec, Yanis Varoufakis, George Stathakis le ministre de l’économie, Euclide Tsakalotos à l’époque vice-ministre des finances, et Nikos Pappas ministre auprès du premier ministre et bras droit d’Alexis Tsipras.]]. Ma position ayant toujours été de dire : « Je préfère que l’on me coupe la main plutôt que de signer un nouveau mémorandum », mon départ à ce moment s’est imposé à tout le monde comme une évidence.

Alexis Tsipras aurait-il dû démissionner ?
Yanis Varoufakis : Personnellement, je crois toujours ce que l’on me dit. Lors de notre arrivée au pouvoir, nous nous étions dit deux choses Alexis Tsipras et moi : premièrement, que notre gouvernement essaierait de créer la surprise en faisant réellement ce que nous avions promis de faire. Deuxièmement, que si jamais nous n’y arrivions pas, nous démissionnerions plutôt que de trahir nos promesses électorales. C’est pourquoi, d’ailleurs, à quelques jours du référendum, j’avais déclaré que si le « Oui » l’emportait, je démissionnerais immédiatement. Je n’ai pas la capacité de faire des choses en lesquelles je ne crois pas. Je pensais que c’était notre ligne commune. Finalement, à travers les décisions gouvernementales, c’est le « Oui » qui l’a emporté et pas le « Non »…

Vous sentez-vous trahi par Alexis Tsipras ?
Yanis Varoufakis : Je crois que nous avons trahi la grande majorité (62%) du peuple grec. En même temps, il est évident que ce résultat n’était pas un mandat de sortie de la zone euro. Comme Alexis Tsipras, j’ai toujours été opposé à ce scénario, même si je critique avec virulence l’architecture de l’eurozone. C’est d’ailleurs la raison principale pour laquelle j’ai été nommé ministre des Finances. Mais à travers ce référendum, le peuple nous a clairement dit : « Battez-vous pour un meilleur accord, et si l’on vous menace de Grexit ou de tout autre catastrophe, n’ayez pas peur. »

Étiez-vous matériellement prêt à sortir de l’euro ?
Yanis Varoufakis : C’est une question intéressante pour la zone euro dans son ensemble. Le problème, c’est qu’on ne peut pas envisager sérieusement une éventuelle sortie d’un pays de la zone euro. Car dès que la discussion commence, le mécanisme est enclenché et aussitôt les banques du pays concerné s’écroulent. Par conséquent, il est tout simplement impossible d’avoir un plan B opérationnel. Il ne peut être que théorique. Nos études sur la question, comme celles de la BCE d’ailleurs, n’était confiées qu’à 5-6 personnes pour rester discrètes. Pour qu’un tel plan soit opérationnel, il faudrait que près d’un millier d’experts se coordonnent. Cela ne pourrait plus rester secret, et provoquerait donc une panique bancaire, avec une sortie de l’euro à la clé…

Alexis Tsipras n’a donc jamais sérieusement envisagé ce scénario ?
Yanis Varoufakis : Je crois que cela n’a jamais été envisagé, ni par Tsipras, ni par moi. Ce que j’ai essayé de mettre en place, après que Dijsselbloem [le président de l’Eurogroupe], dès le 30 janvier, a menacé de fermer nos banques si nous n’appliquions pas le mémorandum, çela a été une série de solutions d’urgence pour créer de la liquidité si ce scénario devait se produire. Le but était de survivre quelques semaines à l’intérieur de la zone euro malgré les banques fermées, jusqu’à ce que l’on arrive à un accord. Malheureusement, le gouvernement n’a pas voulu appliquer ce programme : on a juste attendu que le référendum ait lieu pour capituler juste après.

À quoi aura servi le référendum finalement ?
Yanis Varoufakis : Pour la Grèce, il n’aura servi à rien. Il n’a pas aidé le gouvernement. Il n’a pas non plus aidé le peuple qui a voté « Non ». Le peuple a été abandonné et trahi. Et pourtant, à cette occasion, les peuples européens ont vu qu’il pouvait y avoir des citoyens fiers qui refusaient les chantages et ne se faisaient pas manipuler par leurs médias. Les Grecs ont montré l’exemple aux autres peuples européens. Mais le leadership politique grec, moi y compris, n’a pas su capter cette résistance populaire et la transformer en une force pour mettre fin à l’autoritarisme et l’absurdité du système.

14287581.jpg(Maxime Gyselinck pour l’Obs)

Croyez-vous que le FMI participera au programme grec?
Yanis Varoufakis : Je ne peux pas imaginer comment le FMI pourrait participer à ce nouveau programme sans que cela ne lui crée d’immenses problèmes internes. Ces derniers jours cependant, des voix au sein de l’Europe commencent à discuter d’un rallongement des maturités concernant la dette grecque.

Ne croyez pas que cela sera suffisant pour convaincre le FMI de participer?
Yanis Varoufakis : Cela dépendra des paramètres mis en place. Si l’Eurogroupe décide que les 312 milliards de dette pourront être remboursés à partir de l’année 2785 et que d’ici là il n’y aura aucun versement à réaliser, cela pourrait fonctionner car il s’agirait de fait d’un effacement de la dette. Pour le moment il y a un problème tant avec la valeur nominale de la dette qu’avec le calendrier des paiements. Pour être concret, regardez ce qui est prévu pour 2022. C’est comique ! Les paiements annuels prévus passent d’un coup de 10 milliards annuels à 30 milliards ! C’est comme si l’on déclarait à la terre entière qu’à l’horizon 2022-2023, la Grèce allait faire faillite ! Qui dans ces conditions viendra investir à long terme, quand on sait qu’en 2018 le pays doit afficher un excèdent budgétaire de 3,5%, ce qui signifie évidemment d’importantes hausses d’impôts, qui conduiront le pays dans le mur…

Quelle est votre solution ?
Yanis Varoufakis : Laissez-moi plutôt poser une autre question, que j’ai soumise aux membres de l’Eurogroupe en poussant leur raisonnement jusqu’au bout : « Ne serait-il pas mieux d’abolir les élections pour les pays se trouvant dans un programme d’aide ? Cela aurait le mérite d’être clair. Nous pourrions déclarer par la suite que nous avons créé une union monétaire en Europe qui abolit la démocratie pour les pays ayant une dette qu’ils ne peuvent pas rembourser ». Comme vous l’aurez compris, la discussion s’est arrêtée là… Par ailleurs, mes opposants les plus farouches, au-delà de Schäuble, ont été les pays ayant imposé à leurs populations des cures d’austérité très dures. Quand on sait, par exemple, qu’en Lettonie la moitié de la population a dû s’expatrier à cause de la cure d’austérité imposée au pays, il est prévisible que les dirigeants lettons ne veuillent pas s’exposer à la vindicte populaire en laissant le gouvernement grec démontrer qu’une autre voie existe.

Que pensez d’Euclide Tsakalotos, le nouveau ministre des finances ? Quels conseils lui avez-vous donnés?
Yanis Varoufakis : Euclide est un ami très cher et un excellent collègue. Nous sommes très proches. Il est comme un frère pour moi. Et j’ai de la peine pour lui : au moment où j’ai pris en charge le ministère, nous vivions des moments de joie, des moments historiques et héroïques. Euclide a été nommé, et il en est tout à fait conscient, pour mettre en place la capitulation.

Comment voyez-vous aujourd’hui l’avenir de Syriza et celui de la Grèce ?
Yanis Varoufakis : Il faut toujours rester optimiste quand on parle d’un pays comme la Grèce qui a derrière lui une histoire longue de plusieurs millénaires. Je considère que plus la crise s’intensifie, plus nous sommes proches du moment où, enfin, on accèdera à la lumière. L’heure la plus sombre vient toujours avant l’aube. Quant à Syriza, si le parti ne parvient pas à rester uni malgré les différences d’opinion qui le traversent concernant l’accord, il n’a aucun avenir. S’il réussit, il jouera un rôle hégémonique en Grèce pendant de très nombreuses années.

Mais comment Syriza pourrait-il rester uni, étant données ses profondes divisions actuelles?
Yanis Varoufakis : Les bons camarades peuvent rester unis malgré leurs divergences. Si nous parvenons à garder cet esprit, il a un espoir d’unité. Mais cet espoir disparaitra tôt ou tard si l’on continue à appliquer le mémorandum en prétendant qu’il est viable.

Pensez-vous que l’administration et l’Etat grec sont capables de se réformer ?
Yanis Varoufakis : Evidemment ! Il ne faut pas être négatif. Depuis une vingtaine d’années, il y a eu de nombreux progrès. Mais malheureusement la Troïka ne s’intéresse pas réellement à cela. Ce qu’elle veut avant tout c’est de garder sa mainmise sur l’économie de notre pays.

Pensez-vous publier un jour les enregistrements que vous avez des réunions de l’Eurogroupe ?
Yanis Varoufakis : Si je ne l’ai pas fait jusqu’ici, et malgré tous les mensonges que l’on a racontés sur moi , c’est pour démontrer que je respecte les règles du jeu. Mais malgré leur importance, il n’y a pas de compte rendu officiel de ses réunions ! Un jour, je rendrai donc ces enregistrements publics.

Comment voyez-vous votre avenir ?
Yanis Varoufakis : (rires) Question intéressante ! Je resterai actif politiquement quoi qu’il arrive, avec cependant une nouvelle certitude : toutes ces questions, l’austérité, la dette… doivent être pensées au niveau européen. Et en concertation avec les peuples qui souffrent et leurs représentants et non un Eurogroupe qui, lui, n’a aucune existence institutionnelle et donc n’a de comptes à rendre à aucune institution. S’il n’y a pas un mouvement européen pour démocratiser la zone euro, aucun peuple européen ne verra de jours meilleurs : ni les Français, ni les Italiens, ni les Irlandais, personne. C’est un combat fondamental qui nous reste à mener.

Propos recueillis par Pavlos Kapantais

14287575.jpg(Maxime Gyselinck pour l’Obs)

pour lire l’article en entier aller sur le lien (…)

MIKIS THEODORAKIS: « IL NE FAUT PAS PERDRE SON COURAGE »

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Publié par Saoudi Abdelaziz

blog algerieinfos-saoudi

le 1 Août 2015

ob_25de15_grece-colonie.jpgNON, la Grèce n’est pas une colonie. Nous pouvons autrement. Place de la Constitution.

Míkis Theodorákis vient de publier un nouveau manifeste, aussitôt approuvé par de nombreuses autres personnalités en Grèce*.

Présenté par Panagiotis Grigoriou

Par son appel, il demande à “faire respecter toute la volonté du peuple grec, comme il s’est exprimé lors du référendum du 5 Juillet et ainsi, stopper l’avancée du mémorandum qui conduira à la destruction et à l’esclavage”.

“Le programme des memoranda, mis en place depuis 2010, viole ouvertement la Constitution, tout comme il viole le droit européen et international. Il a également déjà causé le plus grand désastre économique et social en Europe (occidentale) depuis 1945. La Grèce, est ainsi utilisée comme un ‘ras de laboratoire’ pour tester en avant-première, les méthodes de destruction de l’État social et de la démocratie en Europe”.

“Pour maintenir alors les conditions morales et matérielles les plus élémentaires, nécessaires à la survie du peuple grec, ce programme doit être interrompu, de préférence en accord avec les autres pays de l’UE, ou, si cela est impossible, de façon unilatérale. Il n’y a pas d’autre moyen pour sauver la Grèce et le peuple grec. Ce nouvel accord lequel a été signé sous l’effet de l’humiliation et en usant de moyens illégaux, se traduira par l’accaparement des biens publics et privés des Grecs, y compris, leurs résidences principales, leurs terres agricoles ainsi que les banques du pays.”

Míkis Theodorakis et les autres signataires du texte critiquent le gouvernement “pour avoir agi après le référendum comme si les Grecs avaient voté ‘OUI’, car, au lieu d’organiser la défense du pays, le gouvernement a au contraire, propagé au sein de la population le découragement, la peur et la panique. D’ailleurs, les deux partis qui gouvernent après avoir incarné la lutte contre le mémorandum pendant trois ans et cela jusqu’à la dernière minute, (ils) n’ont pas été préparés et ils n’ont pas préparé le peuple grec et le pays non plus, devant la possibilité très probable de la rupture (vis-à-vis de la Troïka)”.

Les signataires exhortent “le peuple grec, dans l’un des moments les plus dramatiques de son histoire: il ne faut pas perdre son courage car il faut se souvenir de ce que les ancêtres des Grecs d’aujourd’hui avaient enduré, et ils ont survécu après avoir résisté et finalement vaincu, durant l’occupation allemande de 1941 à 1944 et suite à la terrible famine de 1941-1942. La fierté et le patriotisme des Grecs finiront par prévaloir face à la peur, ainsi la Grèce, la Démocratie et le l’Europe démocratique remporteront autant cette bataille.”

*Parmi les premiers signataires du texte, et à part Geórgios Kasimatis, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Athènes, se sont joint à l’appel, Yórgos Vichas, cardiologue membre du conseil de l’Ordre des Médecins d’Athènes et initiateur du Centre médical solidaire d’Ellinikón, Státhis Kouvelákis, professeur au King’s College de Londres (membre du Comité Central SYRIZA), Dimítris Belandís avocat (membre du Comité Central SYRIZA), Katerina Thanopoúlou (Comité central SYRIZA et Vice-présidente de la Région d’Attique), le caricaturiste Státhis, l’Ambassadeur Thémos Stoforopoulos et le journaliste Mihális Stylianou, directeur de la Radiodiffusion française en langue grecque pendant la dictature des Colonels.

Source: Greekcrisis

LE GAZ DE SCHISTE EN ALGÉRIE : UN MOUVEMENT DE CONTESTATION INÉDIT

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Hocine Malti,

Parlement européen,

Bruxelles, 4 juin 2015

Conférence du groupe des Verts sur les hydrocarbures non conventionnels au Parlement européen ‘ »Un point de vue extra européen : le cas de l’Algérie ».

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La genèse

Tout a commencé il y a une dizaine d’années quand l’Agence américaine de l’énergie a publié une étude dans laquelle l’Algérie était classée troisième au monde pour ce qui est des réserves de gaz de schiste, qu’elle avait estimées à près de 20 000 milliards de m3. Disons tout de suite que ce sont là des chiffres fantaisistes : la même agence, en utilisant les mêmes techniques d’appréciation, s’est trompée dans un rapport de un à cinq pour ce qui est des réserves de la Pologne. Pour la Californie, ce sont 96 % des réserves qu’elle avait annoncées qui n’existent pas en réalité. En Algérie, cela n’est cependant pas tombé dans l’oreille d’un sourd ; la compagnie nationale des pétroles Sonatrach, se fondant sur ces affirmations, a foré un premier puits de gaz de schiste en 2008.

En parallèle, en 2010-2011, le gouvernement s’est rendu compte que l’Algérie n’attirait plus les investisseurs étrangers, en raison d’une loi sur les hydrocarbures qui était devenue un véritable repoussoir. Il décida alors de la changer. Il prit attache des compagnies pétrolières étrangères et entreprit avec elles ce que l’on peut considérer comme des négociations secrètes, dans le but de savoir quelles modifications elles souhaitaient. Elles « suggérèrent » que soit révisé le système de calcul de l’impôt et que soit autorisée l’exploitation du gaz de schiste. Ce que le gouvernement fit dans une nouvelle loi sur les hydrocarbures, entérinée par le Parlement en 2013.

Les multinationales pétrolières ne se bousculèrent pas pour autant au portillon, car elles ne voulaient pas essuyer les plâtres, tant sur le plan technico-économique qu’au plan des relations avec les populations locales. Preuve en est que lors de l’appel à la concurrence pour l’attribution de permis de recherche de septembre 2014, aucun des dix-sept périmètres censés contenir du gaz de schiste ne trouva preneur. Sonatrach se lança alors seule dans le forage de puits d’exploration. Elle a réalisé, à ce jour (autant que l’on sache, car aucune information ne filtre à l’extérieur), sept à huit puits dont deux sur le permis de l’Ahnet (région d’In-Salah).

La réaction de la population

Dès que l’on sut, déjà en 2012, que la nouvelle loi sur les hydrocarbures allait permettre l’exploitation du gaz de schiste, un vent de protestation se mit à souffler sur l’Algérie. Les mouvements associatifs, des spécialistes pétroliers, des journalistes, des responsables politiques, des syndicalistes manifestèrent leur opposition à ce projet. Le mouvement de protestation s’amplifia en 2013, après la promulgation de la loi. Le Premier ministre tenta de calmer le jeu et fit notamment une déclaration, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle est malheureuse : il dit que l’exploitation n’était pas prévue avant 2025, voire 2040, comme si le fait de reporter à plus tard la catastrophe la rendait plus acceptable. Il dit aussi que les produits chimiques utilisés lors de la fracturation hydraulique n’étaient pas plus nocifs que ceux dont sont imbibées des couches-bébé…

À In-Salah, le mouvement de protestation de la population a été plus puissant que partout ailleurs. Parce que, non seulement le forage des deux puits programmés se déroulait, on peut dire aux portes de la ville (à 28 km à vol d’oiseau), mais aussi parce que des dizaines, voire des centaines d’autres puits suivront, dans le cas où il serait décidé d’exploiter le gaz contenu dans ce bassin géologique. L’opposition de la population d’In-Salah est d’autant plus légitime qu’elle souffre de traumatismes antérieurs. C’est dans cette région qu’ont eu lieu les expériences atomiques françaises des années 1960 et c’est ici aussi que se déroule une autre opération extrêmement dangereuse pour l’homme et son environnement, celle de la séquestration du CO2 dans le gisement de gaz de Krechba.

Le face-à-face autorités-population

La visite du ministre de l’Énergie, fin décembre 2014, pour inaugurer le premier puits allait mettre le feu aux poudres à In-Salah. Il s’en prenait violemment à la population qui, disait-il, avait montré par ses manifestations contre le gaz de schiste qu’elle voulait du mal à son pays et qu’elle allait en faire un nouvel Irak ou une nouvelle Libye. Dire cela à des gens connus pour leur pacifisme et qui, après tout, ne réclament rien d’autre que le droit à la vie…

Depuis le 1er janvier 2015, c’est toute la population qui manifeste journellement, du matin au soir sur la place centrale de la ville qu’elle a débaptisée et qu’elle appelle Sahat Essoumoud (place de la Résistance). Il s’est constitué un collectif anti-gaz de schiste composé de vingt-deux membres qui veille à ce que le mouvement demeure pacifique, mais extrêmement ferme dans ses revendications. C’est là un fait inédit en Algérie, et ce pour deux raisons.

C’est la première fois que l’on voit autant de femmes dans une manifestation de rue. Ailleurs à travers le pays, on ne voit d’habitude que des hommes et quelques rares femmes noyées dans la foule, alors que là il y a pratiquement autant de femmes que d’hommes. La seconde raison est que l’on a affaire à un mouvement citoyen sans motivations politiques ni matérielles. Cette foule ne dit pas « Bouteflika, dégage ! » et ne demande pas d’argent ou de privilèges particuliers. Et ça, le pouvoir ne sait pas traiter.

Il sait comment casser un mouvement de contestation politique. Par la matraque, les gaz lacrymogènes, les arrestations, etc. Par la manipulation et l’infiltration du mouvement : il sait corrompre les leaders ou pousser à la violence les militants. Par le « clonage », en créant un mouvement parallèle, généralement plus extrémiste dans ses revendications affichées pour mieux torpiller l’action des mouvements d’origine. Toutes ces techniques ont été utilisées sans succès à In-Salah. Pour neutraliser un mouvement de contestation à motivation matérielle, le régime algérien sort quelques millions de dollars du Trésor public qu’il distribue aux contestataires et achète ainsi la paix sociale. À In-Salah, ce sont tour à tour le Premier ministre, le chef de la police, le chef de la région militaire qui se sont rendus sur place et ont tenté de calmer les ardeurs de la population. Laquelle rejette toute discussion et n’exige qu’une seule chose : que le président de la République proclame l’arrêt des forages.

La contestation a pris une ampleur particulière au cours du premier trimestre 2015 . On a vu naître un peu partout à travers le pays des collectifs identiques à celui d’In-Salah, qui se sont fédérés au niveau national au sein d’un « collectif national Non au gaz de schiste ». Le 23 février, a été adressée au président de la République une demande de moratoire, accompagnée d’un argumentaire extrêmement bien fait dans lequel sont démontrés tous les dangers que comporte la technique de fracturation hydraulique utilisée pour extraire le gaz de schiste de la roche-mère ; les dangers pour la santé de l’homme mais aussi les risques de pollution du sol, du sous-sol, de l’air, de l’eau, notamment de la couche albienne qui recèle des dizaines de milliers de milliards de mètres cubes d’une eau fossile, accumulée là depuis la nuit des temps. Cet argumentaire relève également que l’exploitation du gaz de schiste est économiquement non rentable.

Dans la demande adressée au président de la République, en sus de la promulgation d’un moratoire, il a été proposé qu’ait lieu un débat public, une confrontation d’idées entre les experts ayant préparé l’argumentaire qui y est joint et les spécialistes qui auraient préparé le dossier technique sur lequel s’est appuyé le gouvernement pour autoriser l’exploitation du gaz de schiste. À ce jour, aucune réponse n’a été donnée par le président de la République à cette requête.

L’« assistance » américaine

Constatant que le mouvement de rejet de l’exploitation du gaz de schiste se propageait rapidement à travers le pays et craignent que le « virus » n’atteigne le cœur de la Sonatrach, le pouvoir a fait appel à l’assistance des États-Unis. Le 18 février de cette année il fit inviter par l’IAP (Institut algérien du pétrole) un spécialiste « indépendant » américain qui vint à Alger exposer aux cadres supérieurs de l’entreprise nationale les bienfaits que cela procurerait à l’Algérie. Effectivement, ce spécialiste, Thomas Murphy, directeur du Penn State Marcellus Center of Outreach and Research, ne dit que du bien de la fracturation hydraulique, une technique qui serait, selon son expérience personnelle en Pennsylvanie, sans danger pour l’homme, pour la faune et pour la flore. Il ne fit qu’une seule recommandation, celle d’agir en toute transparence, car, dit-il, les masses populaires sont ignorantes de toutes les retombées positives que procure l’exploitation du gaz de schiste.

Il faut savoir que le centre de recherches que dirige M. Murphy est chargé du suivi de l’exploitation du gisement de gaz de schiste de Marcellus, l’un des plus grands – si ce n’est le plus grand – aux États-Unis, et que participent au fonctionnement et au financement de ce centre pas moins de trois cents firmes, toutes intéressées à un titre ou un autre par l’exploitation du gisement. Que pouvait donc dire d’autre M. Murphy, si ce n’est louer les bienfaits de l’exploitation du gaz de schiste ? Le gouvernement connaissait évidemment ce « détail » : c’est en toute connaissance de cause qu’il fit appel à ce représentant d’un lobby, qu’il présenta comme un expert « indépendant ».

Autre initiative américaine, la venue à Alger dans le courant de la première quinzaine de mars 2015 de Charles Rivkin, sous-secrétaire d’État aux Affaires économiques, qui fit une conférence de presse à l’ambassade des États-Unis, au cours de laquelle il déclara qu’il « n’avait pas de conseils à donner aux Algériens, mais qu’il fallait qu’ils sachent que, dans son pays, l’exploitation du gaz de schiste avait été créative d’emplois, que la technique utilisée était saine et sans dangers et que l’opération était rentable ». Puis il ajoutait que « les États-Unis étaient disposés à fournir à l’Algérie l’assistance technique nécessaire, si elle le désirait ». Venant de la part d’un représentant officiel de la première puissance mondiale, c’était là plus qu’un conseil donné aux Algériens, c’était un ordre.

Pollution et hécatombe d’oiseaux

Aujourd’hui, il est certain que la pollution est déjà là. Elle est partout : dans l’air, à la surface du sol et dans le sous-sol. Il n’est qu’à voir, pour s’en convaincre, ces images diffusées sur Internet de bourbiers laissés derrière eux par les exploitants, qu’il s’agisse de Halliburton ou des foreurs de la Sonatrach. Il y a de fortes chances que la nappe d’eau phréatique, utilisée par la population locale pour ses besoins personnels, soit déjà polluée ou en voie de l’être très bientôt.

D’ailleurs des pigeons sont morts, des faucons sont morts, des volées de cigognes en migration sont mortes également. On ne connaît pas la raison exacte d’une telle hécatombe, très probablement la conséquence de la pollution des eaux et de l’air causée par les forages réalisés ou en cours dans la région. Connaîtra-t-on un jour la vérité ? Cela semble difficile, car les vétérinaires d’In-Salah ou des villes avoisinantes, sollicités pour procéder aux examens, analyses ou autopsies qui permettraient de déterminer les causes de ces morts, refusent de les faire. Ils craignent des représailles de la part des autorités dans le cas où ils viendraient à démontrer des liens de cause à effet entre les forages de gaz de schiste et ces disparitions d’oiseaux…

Sources : algeria-watch.org

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VIDÉO : IN SALAH Gaz de schiste – med hamou – février mars 2015