À Farid Moughlam, Hier, 40e jour de ton départ… Rien à dire, c’est l’irréparable… Et pourtant, jamais peut-être aussi présent… Dans les coeurs, les yeux, le verbe des tiens, tes amis et certainement de tant de gens. Au présent, car la vie doit continuer, et surtout dans ces beaux projets annoncés. Et c’est si peu dire que tes amis t’aimaient et t’aiment encore plus, toi qui leur joue encore un tour… Ils auraient voulu, ces ingrats, te voir te donner encore plus… Merci, cher Farid, éclat de cet Arc-en-ciel appelé Algérie, d’avoir été et d’être ce que tu es ! Merci d’avoir été et d’être encore ! Abdelkrim Elaidi |
2 DÉCEMBRE 2015-ACB PARIS: SOIRÉE LITTÉRAIRE AVEC AREZKI METREF
ACBOG Arezki Metref
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L’ACB ouvre les guillemets à
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« La traversée du somnambule »
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37 BIS RUE DES MARONITES 75020 PARIS
METRO LIGNE 2 DESCENDRE STATION MENILMONTANT
TEL 0143585325
Rencontre animée par Nourredine Saadi, suivie d’une scéance de dédicace de l’auteur. |
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4ème de couverture
Mentir-vrai ? C’est par ce concept que Louis Aragon définissait la littérature. Un recours à la fabulation pour dévoiler le réel. L’usage de l’imaginaire pour confondre la réalité. |
AuteurArezki Metref est un journaliste et écrivain. Il est l’auteur de recueils de poésie, de nouvelles, de romans et de pièces de théâtre. |
MAGHREB DES FILMS 7ème EDITION
Maghreb des Films 2015 : mode d’emploi
60 films, courts et longs-métrages, dans 11 lieux parisiens : la grille horaire complète par lieux de projection et par dates de projection est disponible sur le site
4 hommages : voir les pages qui leur sont consacrées
Une rétrospective de l’œuvre de Daoud Aoulad Syad: voir la page qui lui est consacrée
16 avant-premières
11 courts-métrages
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et la grille horaire
Tous les jours, le Journal du Maghreb des Films, présentera les séances du jour et des 3 jours suivants
Une lettre d’information toutes les semaines
Voir l’éditorial et le communiqué de presse
RFI est partenaire de la 7e édition du Maghreb des Films du 5 novembre au 15 décembre à Paris.
Une plongée dans le meilleur du cinéma maghrébin d’aujourd’hui, d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, mais aussi de Libye ou de Mauritanie.
Des avant-premières et des films inédits en présence de leurs auteurs.
Plus de soixante films, longs métrages et courts métrages, fictions et documentaires seront présentés en partenariat avec RFI.
Plus d’infos sur RFI.fr
ALGÉRIE: LANGUES-ALIBIS ET HYSTÉRIES IDENTITAIRES
Par Yassin Temlali[[ Yassin Temlali est né en 1969, en Algérie. Etudes de lettres Françaises et de linguistique. Écrit en français dans Maghreb Emergent et la revue Afkar-Idées, entre autres publications. Collabore en arabe à Al Safir Al Arabi.
A publié « Algérie: Chroniques ciné-littéraires de deux guerres » (Alger/Barzakh, 2011).
Participe à plusieurs ouvrages collectifs, dont L’histoire de « l’Algérie à la période coloniale: 1930-1962 » (Alger/Barzakh-Paris/La Découverte, 2012).
- à paraître prochainement: “AUX ORIGINES DE L’AFFIRMATION BERBÈRE EN ALGÉRIE (1830-1962)” – éditions Barzakh – Alger – 2015;
Nation algérienne :“Yassine Temlali tord le cou aux idées reçues” – Ait Benali Boubekeur – Huffpost Maghreb – le 7 novembre 2015; “UN COMPTE-RENDU SUBSTANTIEL DE L’OUVRAGE DE YASSIN TEMLALI” – socialgerie – 9 novembre 2015;
extraits du livre de YassinTEMLALI: “La genèse de la Kabylie. Aux origines de l’affirmation berbère en Algérie (1830-1962)” – socialgerie – le 17 novembre 2015; ]]
[El-Watan
le 29 Août 2015
->http://www.elwatan.com/contributions/algerie-langues-alibis-et-hysteries-identitaires-29-08-2015-302357_120.php]
Nation algérienne :“Yassine Temlali tord le cou aux idées reçues” – Ait Benali Boubekeur – Huffpost Maghreb – le 7 novembre 2015; “UN COMPTE-RENDU SUBSTANTIEL DE L’OUVRAGE DE YASSIN TEMLALI” – socialgerie – 9 novembre 2015;
extraits du livre de YassinTEMLALI: “La genèse de la Kabylie. Aux origines de l’affirmation berbère en Algérie (1830-1962)” – socialgerie – le 17 novembre 2015; ]]
[El-Watan
le 29 Août 2015
[Publié par Saoudi Abdelaziz
blog algerie-infos
le 29 août 2015->http://www.algerieinfos-saoudi.com/2015/08/algerie-langues-alibis-et-hysteries-identitaires.html]
L’article de Yassine Temlali « interactions linguistiques », paru dans El Watan, se lit avec un réel plaisir.
Enfin une approche (denrée rare) dialectique et vivante, dépourvue des simplismes et manichéismes stérilisants trop souvent dominants.
Avec la montée d’un certain nombre d’études et analyses récentes, cela nous redonne espoir dans l’éclosion de productions où chacune des langues existantes pourront s’épanouir, chacune dans le créneau où la vie lui donne la possibilité d’être performante et consacrée par l’usage approprié et intelligent. Sadek Hadjerès
L’Algérie n’a pas succombé aux clins d’œil de l’Organisation internationale de la francophonie, mais le français y est bel et bien une seconde langue officielle.
Sans avoir le moindre statut juridique, il est la langue d’une partie non négligeable de l’administration, de l’enseignement, des médias et du secteur économique et financier.
Les médias gouvernementaux francophones s’adressent à un public autochtone, auquel ils supposent une compétence linguistique en langue française comparable à celle des francophones natifs.
Le français est enfin — et ce n’est pas peu — la langue dans laquelle est rédigée une partie des lois, ordonnances et autres décrets avant d’être traduits vers l’arabe. Il n’est pas exclu que la loi 91-05 du 16 janvier 1991 «portant généralisation de l’utilisation de la langue arabe» ait été écrite initialement en «langue étrangère» !
L’arabe dit fusha, dans ses variantes classique et moderne, connaît, quant à lui, une diffusion sans commune mesure avec sa situation dans les années 1960, lorsqu’il n’était connu que d’une élite minuscule de «lettrés».
Il est aujourd’hui la langue exclusive de l’enseignement général ainsi que d’une grande partie des filières universitaires. La popularité des médias arabophones, qu’ils soient locaux ou étrangers, témoigne de sa bonne fortune. Cette popularité est la preuve qu’il n’est pas la «langue morte» que certains ne cessent de moquer, quitte à se faire, à leur corps défendant ou presque, les défenseurs de la daridja, l’arabe dialectal.
Il est nécessaire d’ouvrir ici une petite parenthèse. Les discours sur la marginalisation de la daridja sont pour le moins excessifs. Bien qu’elle ne soit malheureusement considérée comme une véritable langue que par les linguistes, pas même par ses propres locuteurs, elle est employée (sous des formes rappelant l’«Educated Spooken Arabic» des plateaux des télévisions satellitaires) dans les émissions radiotélévisées, l’internet, le théâtre, le cinéma, la chanson, les dessins de presse, la littérature écrite, les débats politiques, les audiences des tribunaux, les contacts avec l’administration…
Elle a même brisé le tabou de la graphie : elle est une langue écrite dans la publicité, où l’on pourrait facilement croire qu’elle est en voie de supplanter le fusha. La politique d’arabisation ambitionnait, dans les années 1970 et 1980, de substituer le fusha au français, mais on ne peut affirmer sérieusement qu’elle visait à le substituer à la daridja. Le principal artisan de cette politique, le président Houari Boumediène, s’exprimait, sans complexe aucun, en langue dialectale.
La panne de la traduction
Ce bilinguisme officieux arabo-français[[Pour éviter toute confusion, précisons que nous parlons ici des langues en usage dans les différents domaines de la vie publique (économie, administration, école, enseignement supérieur), d’où les langues berbères sont rigoureusement exclues.]] donne lieu à des contacts culturels avec le Proche-Orient, qui continuent une tradition millénaire, ainsi qu’à des rapports culturels suivis avec la France. Il n’en résulte pas, cependant, en Algérie même, de contacts réels entre les intelligentsias arabisante et francisante, enfermées chacune dans sa citadelle prétendument assiégée. Le caractère négligeable de leurs contacts se voit d’emblée à leur monolinguisme.
Les rares intellectuels bilingues (universitaires, traducteurs, etc.) font figure de dérisoires passerelles entre deux univers parallèles. Peu d’intellectuels francisants maîtrisent le fusha, absurdement qualifié de «langue difficile». Peu de créateurs de culture arabe sont aussi francophones, alors que la grande diffusion du français dans le pays rend relativement aisé son apprentissage.
Les créateurs d’expression française ont plus de liens avec leurs pairs français qu’avec les créateurs d’expression arabe, tandis que ces derniers sont souvent plus en relation avec les cercles culturels cairotes ou beyrouthins qu’avec leurs concitoyens francisants. Il est des domaines artistiques où l’arabe est pratiquement proscrit : la majorité des artistes-peintres sont de culture francophone et, aux Beaux-Arts, le français est l’unique langue d’enseignement et de travail.
L’Union des écrivains est, elle, un club quasi-exclusivement arabisant depuis qu’elle a été «refondée», en 1974, pour être transformée en antenne du parti unique FLN.
Cette division linguistique de la vie culturelle prolonge le partage des différents domaines de la vie publique entre arabisants et francisants. Aux premiers, l’éducation nationale, une partie de l’administration et des médias (notamment les mass-médias), etc. Aux seconds, l’enseignement scientifique, l’économie, les finances, en plus de quelques influents médias (dont des médias gouvernementaux)…
L’école aurait pu être le creuset d’une génération peu influencée par les rancœurs linguistiques des aînés. Malheureusement, en matière de formation bilingue, elle connaît moins de succès que l’école franco-musulmane de l’époque coloniale.
L’enseignement des langues étrangères ne laisse pas moins à désirer que celui de l’arabe.
Formés en arabe, les étudiants en sciences sont appelés, dès leur accès à l’université, à se «refranciser» dans les pires conditions pédagogiques.
En effet, dans l’éducation nationale, l’enseignement des matières scientifiques, jadis plus ou moins bilingue (on se souvient des cours de «terminologie»), se fait exclusivement en arabe (ce qui n’est pas le cas en Tunisie, réputée, pourtant, plus «arabisée»).
Le cloisonnement entre les intelligentsias francisante et arabisante n’est pas rompu par un véritable mouvement de traduction. Le vœu formé en 1968 par Mostefa Lacheraf d’«un double effort de traduction allant du français à l’arabe et vice-versa»[[ Mostefa Lacheraf, La Culture algérienne contemporaine (Editions du Parti, Alger, 1968)]] est resté un vœu pieux. La traduction littéraire demeure une activité marginale.
Hormis les «pionniers» (Kateb Yacine, Mohamed Dib…) dont les premières œuvres ont été traduites à l’initiative d’éditeurs proche-orientaux, peu d’auteurs d’expression française sont présentés au lectorat arabophone algérien. De même, peu d’écrivains d’expression arabe sont traduits vers le français et, quand ils le sont, rien n’indique qu’ils peuvent conquérir un lectorat francophone dans leur propre pays autrement qu’en se reconvertissant linguistiquement, dans le sillage d’Amine Zaoui.
Un mur de peurs
Le monolinguisme des élites algériennes est emblématique de la hauteur du mur de peurs et d’incompréhension qui les sépare et qui, paradoxalement, n’était pas aussi infranchissable à l’époque coloniale, quand même les intellectuels oulémas pouvaient être parfaitement bilingues (Lamine Lamoudi…) et éditer des journaux en français (La Défense, Le Jeune musulman…).
L’intelligentsia francisante traditionnelle craint une arabisation religieuse qui enterrerait, sous les décombres d’une nouvelle conquête, le patrimoine culturel francophone, associé à la démocratie la plus parfaite et à la modernité la plus pure. Une partie de cette intelligentsia a tendance à confondre l’arabe fusha avec la langue des fulminations salafistes.
Pourtant, nul n’ignore que tout au long de sa longue histoire, l’arabe a été approprié aussi bien par des faqih rigoristes que par de courageux libres-penseurs, voire par des poètes libertins à l’image d’Abou Nouwas. S’il avait été un «idiome sacré», aurait-il pu transmettre le patrimoine philosophique grec à l’Europe occidentale ?
À défaut de pouvoir les nier, certains intellectuels francophones minimisent les liens entre l’Algérie et le Proche-Orient arabe, se faisant les chantres d’une «méditerranéité» vaporeuse — les populations des Hauts-Plateaux, des oasis et du Grand-Sud se sentent-elles «méditerranéennes»? Ils rejettent la culture arabe savante sous prétexte de défense du «patrimoine populaire».
Il semble pourtant établi que les recherches sur ce patrimoine soient essentiellement le fait d’universitaires arabisants. L’exaltation de la «méditerranéité» exprime la crainte de voir l’Algérie se dissoudre dans un grand ensemble arabe, le Proche-Orient étant perçu comme un danger pour son «authenticité» arabo-berbère.
Or, si l’Etat rechigne toujours à donner aux langues berbères les moyens de se développer, ce n’est pas à cause de pressions égyptiennes ou irakiennes, mais à cause d’une incurie bien locale.
En 1970, sous la férule du terrible baâth, le kurde a été reconnu en tant que langue officielle des provinces irakiennes kurdes. Chez nous, il a fallu attendre 2002 pour que le tamazight soit timidement élevé au statut — du reste tout formel — de langue nationale.
La dissolution de l’Algérie dans un ensemble arabe apparaît comme une perspective purement fictive pour deux raisons.
La première est que l’«union panarabe» n’a jamais été un souci sincère des dirigeants de la région arabe et, aujourd’hui, elle n’est même plus la revendication de peuples écrasés, qui ont compris que l’arabisme était une idéologie de pouvoir légitimant leur asservissement. La seconde raison est la force du nationalisme algérien, irrigué par une inépuisable épopée anticoloniale.
Contrairement à un mythe en vogue, notre pays n’a jamais été une sous-province égyptienne dirigée par Gamal Abdelnasser depuis Le Caire, pas même sous le règne du très arabiste Ahmed Ben Bella.
Et bien qu’entre 1967 et 1973, il se soit mobilisé militairement aux côtés de l’Egypte et de la Syrie par devoir de solidarité anti-impérialiste, il est resté très attaché, dans ses rapports au Monde arabe, à l’indépendance de sa décision.
L’intelligentsia arabisante traditionnelle, quant à elle, fait de l’arabe un objet monolithique ignorant la variation, un objet idéalement représenté par l’héritage de l’époque littéraire classique.
Ce faisant, elle offre des armes précieuses à ses adversaires, dont le dogme pseudo-linguistique réduit justement l’arabe à une «langue de la poésie», probablement belle et certainement inutile.
Elle nourrit une peur panique d’une refrancisation à rebours, qui anéantirait les acquis de l’arabe en Algérie. La diffusion de cette langue en un demi-siècle d’indépendance a pourtant atteint un niveau jamais égalé dans l’histoire maghrébine, qui rend l’idée de son extinction proprement inconcevable.
L’intelligentsia arabisante traditionnelle prétend que la francophonie algérienne — qu’elle perçoit, sans nuance, comme un bloc unique — est le cheval de Troie de la recolonisation. Même un anticolonialiste comme Kateb Yacine, pour avoir qualifié le français de «butin de guerre», ne trouve pas grâce à ses yeux. Pour être aimé d’elle, les auteurs francophones doivent se transformer en Malek Haddad et répéter sans arrêt que la langue française est leur «exil».
Malek Haddad serait ainsi l’unique patriote francophone et, pour les besoins de la cause, son «silence» littéraire est mythifié à l’extrême. Un examen attentif de son parcours montre, pourtant, tant de similitudes avec celui de Kateb Yacine : ne proclamait-il pas lui aussi que le français était devenu, pour sa génération, «un instrument redoutable de libération»[[La revue Confluent (n°47, janvier-mars 1965, p. 98)]]? Un tel examen montre également, toutefois, que contrairement à Kateb Yacine, passé à l’arabe dialectal pour se rapprocher de son peuple, Malek Haddad n’a jamais recherché, lui, à atteindre «ce lecteur idéal (…) ce fellah aujourd’hui occupé à d’autres besognes»[[ Ibidem.]] Certes, après l’indépendance, il n’a plus publié de fictions en français, mais cette langue est restée son unique langue de travail, aussi bien dans la page culturelle d’An Nasr, alors francophone, que dans la non moins francophone revue Promesses.
Des langues-identités
L’Algérie ne déroge ainsi pas à la règle des rapports conflictuels entre les langues qui ont donné au vocabulaire de la sociolinguistique quelques termes franchement martiaux («guerre des langues», «conflit linguistique»…). C’est que, comme dans d’autres pays en crise, les langues sont les vecteurs d’identités jugées inconciliables voire ennemies : identité ethnique (berbère), ethnico-religieuse (arabo-musulmane), sociale (le français).
On est loin de l’identité comme construction permanente et encore plus loin de l’identité en tant que «foyer virtuel auquel il nous est indispensable de nous référer pour expliquer un certain nombre de choses, mais sans qu’il ait jamais d’existence réelle».[[Claude Lévi-Strauss, dir., L’Identité (Paris, PUF, coll. Quadrige 2e édition, 1987)]]
Les identités revendiquées dans et par les langues sont d’autant plus figées qu’elles se sont construites contre des mouvements de minoration réels ou velléitaires. Minoration du berbère par l’arabe. Minoration — manquée — du français par l’arabe illustrée, au début des années 1990, par la tentative de lui substituer l’anglais dans le cycle primaire.
Enfin, minoration de l’arabe par le français sous la colonisation — et encore aujourd’hui, quand on sait que certains textes du Journal officiel sont d’abord rédigés en «langue étrangère». Il peut paraître étonnant de parler ici de minoration de l’arabe par le français mais la minoration d’une langue ne résulte pas seulement d’une attitude officielle. Elle peut résulter de «toutes sortes de ressorts économiques, sociaux, dans lesquels il faut inclure le poids de l’histoire», ressorts qui la cantonnent «dans une situation subalterne».[[Jean-Baptiste Marcellesi, De la crise de la linguistique à la linguistique de la crise : la sociolinguistique (Paris, La Pensée, n° 209, Institut de recherches marxistes, 1980 : 15. pp. 4-21)]]
La minoration insidieuse de l’arabe, langue officielle, par le français continue de nourrir le ressentiment culturel de larges secteurs de la population. Elle n’est pas complètement étrangère à la fortune relative que connaît l’islamisme, expression dévoyée de frustrations économiques, sociales et linguistiques. Fait significatif, elle se vérifie jusque dans les structures grammaticales de l’arabe employé par les médias algériens. Leur fusha, en effet, n’en est pas un ! Il est victime de l’adoption, par le biais de la traduction, de structures syntaxiques françaises et du recours débridé au calque sémantique qui fait que les néologismes ne sont intelligibles qu’en référence aux termes originaux dont ils sont censés rendre la signification. Il est amusant de voir les journaux qui prétendent porter haut le flambeau de l’«authenticité» s’écrire dans un arabe in-authentique, fruit hybride de la traduction littérale de la «langue du colonisateur».
La responsabilité des jeunes créateurs
Une politique linguistique sérieuse doit viser une promotion de l’arabe moderne qui soit guidée par la recherche de ses similitudes (lexicales, etc.) avec les parlers dialectaux, et ce, dans le souci de tenir compte, dans son enseignement, des acquis extrascolaires des élèves.
Les contenus des cours de langue et de littérature arabes doivent être prioritairement des contenus modernes et contemporains, au lieu d’être dominés, comme c’est actuellement le cas, par le corpus classique et pré-islamique. L’arabe doit absolument cesser d’être perçu comme la «langue du Coran».
S’il est une des six langues de l’ONU, c’est, en bonne partie, grâce à l’œuvre modernisatrice de nombre d’intellectuels de confession chrétienne. Une telle politique doit également viser le sauvetage et la promotion des langues berbères, les seules langues véritablement opprimées dans notre pays.
Leur enseignement est aujourd’hui artisanal, et le travail pour les codifier et les standardiser est mené de façon laborieuse et anarchique. S’il n’est pas encadré par des sociolinguistes compétents, il débouchera sur un désastre : la création en laboratoire d’un berbère standard désincarné, dans lequel aucune communauté berbérophone ne se reconnaîtrait.
Le statut du français doit être courageusement clarifié. Il peut être, par exemple, officiellement admis comme langue de l’enseignement scientifique à l’université pour éviter la cacophonie linguistique actuelle, préjudiciable à la qualité de la formation. Il ne sera plus alors perçu comme un instrument de dépersonnalisation post-coloniale, mais comme une langue étrangère privilégiée, utile voire indispensable.
Cependant, il ne peut y avoir de progrès vers la résolution de nos problèmes linguistiques sans évolution sensible des intelligentsias francisante et arabisante.
Au sein de ces intelligentsias, de jeunes créateurs œuvrent, sans prétention, dans le sens d’un syncrétisme linguistique et culturel original. L’arabe n’est pas, pour eux, cette langue guindée des imams incultes et des politiciens véreux mais une langue vivante, que les Algériens possèdent en partage avec le Proche-Orient.
À leurs yeux, pas plus que l’arabe n’est la «langue du Coran», le français n’est la «langue du colonisateur». Ils le métissent et le créolisent, inaugurant un processus d’appropriation de cette langue qui, un jour peut-être, donnera quelque réalité autonome à la francophonie algérienne. Grâce à eux, les parlers dialectaux s’insinuent dans l’univers clos des deux langues «prestigieuses», l’arabe et le français. Ils assument, en un mot, la féconde hybridité de la culture algérienne.
Ces créateurs décomplexés constituent probablement la majorité au sein des élites culturelles et littéraires mais ils n’y ont pas encore l’hégémonie symbolique. Leur voix reste inaudible, ou pis, ils préfèrent ne pas intervenir dans les polémiques linguistico-culturelles qui agitent l’Algérie à intervalles réguliers. Leur intervention serait pourtant salutaire afin de mettre fin ces hystéries identitaires qui ne font que renforcer les réactionnaires de tous bords.
Par : Yassin Temlali
Journaliste
repris sur algerieinfos-saoudi
sur socialgerie lire aussi:
DEUX RENCONTRES : 1955 et 1989 – KATEB YACINE, LES LANGUES ET LE POLITIQUE – évocation, par Sadek Hadjerès le 24 octobre 2009;
AVIGNON- THÉÂTRE: « LA FONTAINE D’OR – L’HISTOIRE SANS STRESS DE LA GUERRE D’ALGÉRIE »
Les mots des poètes sont plus forts que les balles des fusils
AVIGNON – FESTIVAL OFF 2015
du 4 au 26 JUILLET (relâche les mardi)
à 15h45 au CHAPEAU ROUGE
36 rue du Chapeau Rouge
par la Compagnie « Sophie l’a dit’
« Mettre en scène la guerre d’Algérie ? Pari risqué, surtout si l’on promet de ne pas stresser le spectateur…
Parce qu’histoire, humour et poésie peuvent réussir un cocktail délicat
Parce que l’auteure est née sur cette terre algérienne qui l’habite profondément
Parce que Kateb Yacine, Anna Grekki, Bachir Hadj Ali, Victor Hugo ne s’éteindront jamais.
La compagnie « Sophie l’a dit » présente « La Fontaine d’or » à 15h45 au Chapeau Rouge Théâtre à Avignon dans le cadre du Festival Off 2015.
Ce spectacle est soutenu par la Ligue des droits de l’Homme et par le SNES.
signalé à socialgerie par Malika Tazaïrt
Voyag’acteur – www.voyagacteur.com :
Bonjour à toutes et tous,
La semaine dernière, je suis allée au théâtre où j’y ai rencontré, Geneviève Buono, une amie de mon frère Lounès, comédien.
Ella a vécu en Algérie.
Son père, Christian Buono, a enseigné près de chez moi, à Tigzirt.
Il a écrit « L’Olivier de Makouda ».
Geneviève et son mari ont monté et jouent une pièce de théâtre qu’ils appellent « L’histoire sans stress de la guerre d’Algérie ».
C’est un spectacle de 55′.
Une idée d’animation pour la prochaine AG de la 4acg ou de l’ANPNPA .
Cette pièce se joue en juillet, dans l’Off du Festival d’Avignon.
A vous de juger.
Ahil n terba3t « tigawt d wawal » (programme de la troupe action et parole).
Aql-aɣ nuɣal-d !…
Muḥya.
« Ma tferḥem, yid-wen ferḥeɣ
Ma temmuɣebnem, ḥezneɣ
Yiwen uɛekkaz i ɣ-yewwten »
Lwennas Matub
Ilmend umekti wis-17 n tmenɣiwt n wegrawliw amaziɣ –
amedyaz, acennay – gma-tneɣ Lwennas Matub ; d abuddu i
yiman-ines ;
Tarbaɛt umezgun « Tigawt d wawal » n tiddukla Numidya n
Wehran a s-terr tajmilt s yinig n yiwen imalas (ssmana) ɣer
tmurt n yeqbayliyin – Tizi-Wezzu, Tubiret d Bgayet- , seg 1ru ar
8 deg Yulyu 2015.
Ahil ihanayen :
* Iḍ n 2 yulyu deg Wizgan – Tizi-Wezzu ( Asnubget sɣur ;
tiddukla tadelsant ‘Tiɛwinin);
- Iḍ n 3 yulyu deg At Mɛellem – Iwaḍiyen – Tizi-Wezzu (
Asnubget sɣur : tiddukla tadelsant Tamkadbut);
- Iḍ n 4 yulyu deg Taddart Sellum – Imceddalen- Tubiret (
Asnubget sɣur : tiddukla Itbir n tlelli);
- Iḍ n 5 yulyu deg Fetḥun – Aqbu- Bgayet ( Asnubget sɣur :
tiddukla Itri adelsan n Weqbu);
- Iḍ n 6 yulyu deg Weqbu – Bgayet ( Asnubget sɣur : tiddukla Itri
adelsan n Weqbu);
G. M: Ad ilin ihanayen nniḍen…
Ansuf yes-wen /kent.
En hommage a Lounes Matoub .
La pièce (spectacle «Tiɣwist taneggarut… (Le dernier cri…)»
en Kabylie.
Programme de la troupe théâtrale «Tigawt d wawal (ACTION ET PAROLE)»
de l’association culturelle Numidya d’Oran
à Tizi Ouzou, Bouira et Bougie – du 1er au 8 /07/ 2015 :
- Le 2 /07/ 2015 à Bouzeguene – Tizi ouzou ;
- Le 3 /07/ 2015 à Ait Maalem (Ait Bouaddou– Ouadhias – Tizi
ouzou ;
- Le 4 /07/ 2015 à Selloum – Mechdallah – Bouira ;
- Le 5 /07/ 2015 à Fethoun – Akbou – Boujie ;
- Le 6 /07/ 2015 à Akbou – Boujie ;
Soyez les bien venu(e)s
Tazgart si tmezgunt « Tiɣwist taneggarut… » ( Un passage de
la pièce « Le dernier cri… » en langue amazighe.
Djamal Benaouf, ass (le) 9/02/1966 deg Wehran (à Oran).
Tafelwit tamenzut
Asayes 1
Deg wexxam yellan di taddart. Akli yeqqim ɣef ukersi, akaram deg iciwis,
yerra aqerruy-is ger ifassen-is, yettxemmim deg imeslayen i s-d-yenna
U Tudert.
Taɣect n U Tudert :
Timlilit d-ssutreɣ seg-k ass-a, riɣ-tt ad tili mačči d tin n ger umuḍin d
umejjay-ines, maca, ad tili ugar ger sin imeddukal. Sin imeddukal-nni n
zik-nni.
A s-tiniḍ d akniwen nekk yid-k, ay Akli! Akken i d-nlul, akken i d-nekker
deg yiwet taddart. Akken i ɣ-tezdi lmeḥna, i ɣ-yezdi liser. Yezdi-yaɣ
usirem, tezdi-yaɣ ula d targit; ɣas tikkwal, tirga mxalfa!..
Nekk yid-k ay Akli, nlul-d akken yal yiwen deg-neɣ ad ikemmel wayeḍ.
Amzun akken d sin wudmawen-nni n yiwen uqarid neɣ n yiwet tepyast.
Ula d tayri tezdi-yaɣ ay Akli. Ulawen-nneɣ wellhen ɣer yiwet tlemẓit.
Tilemẓit-nni iɣef yerna yisem-is « TUDERT »! Tudert i d-irennun tudert i
tudert! Tudert-nni taḥnint n wul, tucbiḥt, tumliḥt, m sser n ṣṣifa ; m taɣect
u2eqqa yessawalen iɣef tecbeḥ teqbaylit!
Yes-s i nedder temẓi-nneɣ, d nettat i yessafsen fell-aɣ ti2ekkmin-nni
iɣeblan; yes-s kan i nessen tiẓeṭ d ccbaḥa n wussan; ye-s-s kan i nwala
tafat, amzun akken d taftilt-nni ireqqen deg wuḍan n tmara swayes
zehhunt wallen! Ur nezgil ara ay Akli, mi s-nsemma akken «Aneglus n
tmella neɣ lmalayek n rreḥma » acku ɣas d amdan i tella, deg-s tarwiḥt n
lmalayek!
Ula di temɣer-nneɣ, d nettat i ɣ-d-ineǧren iberdan, d nettat i ɣ-iwellhen
tameddurt-nneɣ! Yes-s i ferneɣ qqleɣ akka d amnadi di tujjya, am
wakken i tferneḍ kečč tasekla d tẓuri. D tamettant-ines i ɣ-ideggren neɣ i
ɣ-iṛeggmen akken ad nnadi tifrat i ulawi n waṭṭanen yeggunin talsa. Nekk,
ttlawiɣ aṭṭanen s i2eqqaren d-snulfuyeɣ, am wakken i ten-tettlawiḍ keččini
s ccbaḥa d inumak n tsekla yakk d tẓuri.
Ma tegreḍ tamawt s talqayt deg ugama, ad tafeḍ deg-s tamusni d
tzemna, kra ur iteddu kan deg-s s lewhi!
Kečč tḥemmleḍ Tudert, am wakken tt-ḥemmleɣ ula d nekkini; ɣas ma d
kečč i tefren ay Akli, imawlan-is fkan-tt i wayeḍ. Taggara tenɣa iman-is iḍ
n tmeɣra, amzun akken ur tebɣi ara ad tesnuɣni ula d yiwen deg-neɣ! Ur
yi-d-tṣaḥ, ur k-id-tṣaḥ, ur d-tṣaḥ wayeḍ. Amzun akken tunag, tettraǧu
anwi ara tt-yawḍen d amenzu seg-neɣ!
Tikkelt-a tkellxeḍ-iyi, aql-ik teqqleḍ d anekkay war lebɣi, imi d kečč ara ttyawḍen
d amenzu. Amarezg-ik ay Akli!!
Ayen ara k-iniɣ ass-a, werǧin yenna-t kra umejjay i umuḍin-ines. Ɣas
rẓaget tidet, maca, ggulleɣ ur tt-fflreɣ fell-ak ay ameddakel n yiman-iw.
Attan ɣur-k tidet ihi: Grant-ak-d kan12 tse2tin di ddunit-agi, eg deg-sent
ayen i k-yellan deg wul d wallaɣ.
Ssneɣ-k d anebɣas i telliḍ, ssneɣ-k daɣen amek tettxemmimeḍ, ḥṣiɣ a ttid-
tawiḍ di taddart.
Azekka a n-iliɣ dinna di taddart, akken ara nemsa2af nekk yid-k ɣer
isemṭal neɣ ɣer tmeqbert. Lemmer ufiɣ d nekkini ara k-yezwiren ar
wexxam n lebda, maca, aql-i cfiɣ ɣef lewṣayat-inek: “ yal win ara i2erḍen
a k-yerr tajmilt n tkerkas”, a t-reǧmeɣ s yeẓra am cciṭan”.
Ssawaḍ azul i Tudert, d wid akk i ɣ-yezwaren. Ar ass n temlilit!!
Asayes wis-sin
Akli:
Akka ara tt-mmagreɣ. Akka d azedgan, d amezdudgan! Ɣas rẓaget, ɣas
teqseh; ansuf yes-s!.. Maca, d acu ara geɣ di setta tse2tin-agi i yi-ddyegran,
skud setta tse2tin nniḍen ččiɣ-tent yakan deg webrid, deg yinig!
I lemmer a tt-rrɣ i yiḍes, ad ste2fuɣ meqqar cwiṭ? D acu ara yi-d-tawi
tguni, xuḍi d ticki ad sgunfuɣ i lebda?! I lemmer a tt-rreɣ i taẓallit d usuter
seg bab igenwan, meqqar a yi-yezwi kra si ddnubat-inu? Awwah, ma
ulac a d-teḍru tinna akken i wumi qqaren « yeqqim almi d-yerḍ, yejme2
iman-is» ! Di ddqiqa taneggarut di tudert-iw ad kkreɣ ɣer uḥiwet d
wesqizzeb! Ay ifut-ik lefjer ay amɣar. A Rebbi mačči d aqcic akken a skellxeɣ,
a yeẓra kullec! Yernu d acu n twerdella-yagi tiberkanin i giɣ di
tmeddurt-iw akken ara agadeɣ akk annect-a?! Xuḍi ur nɣiɣ tamgerṭ
akken ara tt-bibbeɣ, ur ččiɣ tidi uxeddam, ur snuɣnaɣ agujil… ma d
tuccḍiwin-agi timeẓyanin, ulac win zeglent!
Lemmer meqqar i s2iɣ kra n cci ara d-ǧǧeɣ, yili a t-ḥesbeɣ, u ad aruɣ
lewṣayat i wid ara yi-iwerten… Nekk, amzun akken teḍfer-iyi tucerka, a
s-tiniḍ yefla lǧib-iw, werǧin d-ssagreɣ frenk! ahat fell-i i nnan akken
« yedder ur yeksib, yemmut ur d-yeǧǧi» !…
Maca, cci n tidet, mačči d adrim kan, mačči d tiferkiwin kan, yella cci
nniḍen yugaren yakk aya! cci n tidet, d tamusni, d idles, d taẓuri… d
wagi i d cci ur nrekku, ur nfennu !.. Nekk, ǧǧiɣ-d akk aya; ǧǧiɣ-d idlisen,
ǧǧiɣ-d timezgunin, ǧǧiɣ-d isefra, ǧǧiɣ-d ayen ara yidiren deffir-i; ǧǧiɣ-d
ayen ara ileqqmen tudert-inu i lebda!.. Ihi, ferneɣ ad mmteɣ ger yedliseniw,
ger iwadamen-inu… dɣa, tura ad kellseɣ asenfar-inu aneggaru di
tmeddurt-inu, ara d-ǧǧeɣ i talsa. S wakka ara mmagreɣ lmut, skud d
anaẓur ay lliɣ; a tt-mmagreɣ am userdas-nni yeɣlin deg wannar n yiseɣ,
yemmut leslaḥ deg ufus-is !..
Wehran, aseggas 2015.
Ǧamal BENƐUF
Awlawal, seg Wehran.
Deg Iwaḍiyen/ à Ouadhias :
(Tiddukla tadelsant Tamkadbut)
Tafaska umezgun n wedrar (tazrigt tis-sa (7).
Festival du théâtre de la Montagne (7ème édition)
Tigawt d wawal – At Buwaddu 2011.
Timliliyin tis-snat umezgun n Wizgan (Les deuxièmes rencontres de
théâtre de Bouzeguene village.
Ahil n tezrigt tis-kra-et umezgun amaziɣ n Ṣṣumam
(PROGRAMME DE LA 11eme
RENCONTRE THÉÂTRALE AMAZIGH DE LA SOUMMAM
LYON – 2 JUILLET- PROJECTION DU FILM: DENIS MARTINEZ, UN HOMME EN LIBERTÉS
Newsletter du Maghreb des Films
Jeudi 2 juillet, à Lyon, « Denis Martinez, un homme en libertés »
Un film de Claude Hirsch (France et Algérie / 2014 / 60’)
à 17h,
Bibliothèque du 1er arrondissement,
7, rue Saint Polycarpe
69001 Lyon
Projection organisée en collaboration avec l’AFARA
En présence de Denis Martinez et de Claude Hirsch
Denis Martinez est un peintre algérien majeur
Plus jeune enseignant aux Beaux-Arts à Alger en 1963, il y enseigne pendant 30 ans, puis, exilé en 1994 à Marseille, il poursuit un enseignement du dessin aux Beaux-Arts d’Aix en Provence. Il continue à peindre et à animer des ateliers en Algérie dempuis les années 2000.
Le film débute par cette citation en exergue « la liberté est une relation au monde ». C’est son rapport au monde, exigeant, curieux, généreux, qui sera éclairé tout au long du film et servira de fil conducteur à son parcours d’artiste au service de son peuple et de sa culture.
Une première partie aborde les travaux récents du peintre Denis Martinez dans le cadre des Raconte-Arts, festival pluridisciplinaire itinérant dans les villages de Kabylie. Les peintures murales réalisées en public lors de ces rencontres sont mises en confrontation avec une promenade visuelle dans ses premiers tableaux d’exil, traitant des assassinats d’intellectuels et de villages entiers.
La seconde partie aborde le parcours de Denis Martinez depuis ses premiers travaux en 1961.
Voir la fiche du film sur le site du Maghreb des Films
RENÉ VAUTIER EN ALGÉRIE , UN COFFRET DE 15 FILMS – 1954 / 1988
ÉDITÉ PAR
» LES MUTINS DE PANGÉE « ,
UN COFFRET DE 4 DVD
PRÉSENTANT 15 FILMS
DE RENÉ VAUTIER
Des maquis des indépendantistes algériens jusqu’à la création du Centre Audiovisuel d’Alger et des ciné-Pops, l’Algérie a marqué à jamais la vie d’homme et de cinéaste de René Vautier qui est affectueusement considéré comme le « papa » du cinéma algérien.
On y trouvera en particulier l’un des films les plus puissants réalisés sur la guerre d’Algérie «Avoir 20 ans dans les Aurès» que les spectateurs pourront (re)découvrir dans une version admirablement restaurée, mais aussi un film introuvable J’ai huit ans, et bien d’autres films …
À COMMANDER AUX ÉDITIONS « LES MUTINS DE PANGÉE » BP 90 808 75828 Paris Cedex 17 Tél. 07 60 02 44 88 http://www.lesmutins.org/ contact@lesmutins.org |
Durée des films : 525 minutes Durée des compléments : 98 minutes 2014 |
Allez sur le site du Maghreb des Films pour prendre connaissance de la liste des films contenus dans le coffret
Le Maghreb des Films en partenariat avec le Musée de l’Histoire de l’Immigration ont rendu un hommage à René Vautier le dimanche 31 mai.
Un débat a réuni Peggy Derder, historienne, responsable du Département des Actions pédagogiques au Musée de l’Histoire de l’Immigration, Moïra Vautier, Bruno Muel qui a assisté René Vautier dans de nombreux films, Gilles Manceron, historien. Mouloud Mimoun coordonera les échanges.
Voir la galerie de photos
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KAMEL DAOUD ET ALAA EL ASWANY: DEUX ECRIVAINS ARABES DIALOGUENT AU CŒUR DES CONVULSIONS DU MONDE
En relayant cet entretien intéressant paru dans l’Huma, Socialgerie et nombre de lecteurs remarqueront que Al Aswany semble avoir rééquilibré ses regrettables et virulentes professions de foi et son soutien inconditionnel envers le pouvoir du général Sissi peu après son coup d’Etat « éradicateur » de 2013.
De quoi mieux mesurer, face aux situations complexes, les méfaits des pulsions unilatérales et pseudo-démocraitques irréfléchies, non fondées sur l’appréciation objective des enjeux réels et de l’intérêt des couches populaires et de la nation.
Mieux vaut tard que jamais.
On appréciera en tout cas les affirmations de Kamel Daoud telles que « Je ne suis pas un Occidental, je ne suis pas un Européen, je ne suis pas un Français. Je suis un Algérien. C’est chez moi que je me bats. Je refuse d’endosser le rôle d’Arabe libéral de service. »
Ou encore: « Quand les hommes bougent, c’est une émeute. Quand les femmes sont présentes, c’est une révolution… Libérez la femme et vous aurez la liberté.
Les auteurs, l’un égyptien, l’autre algérien, échangent sur le printemps arabe, le poison islamiste, les droits des femmes… entretien exclusif. Le premier est égyptien. Le second est algérien. Alaa El Aswany et Kamel Daoud sont deux figures de la littérature universelle, deux intellectuels arabes qui, par leur écriture et leur engagement, posent un regard lucide sur les mouvements du monde. El Aswany était place Tahrir dès les prémices de la révolution égyptienne, et auparavant dans l’immeuble Yacoubian où il décrivait à travers les portraits savoureux des locataires de cet immeuble niché au cœur du Caire la corruption et la montée de l’islamisme. Daoud a traversé la « décennie noire » avant de prendre la plume pour exorciser les démons de l’obscurantisme et s’aventurer dans une langue française qu’il a faite sienne. Elle fut le «butin de guerre» de Kateb Yacine, il en fait son «bien vacant». L’un et l’autre parlent librement. Du pouvoir politique, de l’extrémisme religieux, de la corruption, de la démocratie, de la révolution et des femmes. Leurs propos se situent à contre-courant du flux d’informations anxiogènes qui nous empêche de penser. À la lecture de leurs ouvrages respectifs, on mesure combien l’un et l’autre sont visionnaires, à l’instar de tous les poètes. Alaa El Aswany et Kamel Daoud sont pareils à ces lucioles dont Pasolini déplorait la disparition et qu’ils rallument dans la nuit. |
CULTURE ET SAVOIRS
GRAND ENTRETIEN
ISLAMISME ET DICTATURE, LES DEUX FACES D’UNE MÊME PIÈCE
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SOPHIE JOUBERT ET ROSA MOUSSAOUI
L’HUMANITÉ
2 JUIN, 2015
Photos : Nacerdine Zebar/Gamma Rapho et Philippe Matsas/Opale/Leemage
ENTRETIEN:
De passage à Paris, l’Égyptien Alaa El Aswany et l’Algérien Kamel Daoud se sont prêtés au jeu du dialogue entre deux écrivains aux premières loges des bouleversements qui refaçonnent, depuis 2011, le Maghreb et le Machreq. Paroles de liberté en toute liberté.
Alaa El Aswany, dans votre livre Extrémisme religieux et dictature, vous évoquez à propos de l’islamisme et des régimes autoritaires les deux faces d’un même malheur historique… Quels liens ces deux projets politiques entretiennent-ils ?
Alaa El Aswany Je parlerai de l’Égypte. L’Occident commet à mon avis une erreur en appliquant la même grille de lecture à tous les pays arabes…
Dès 1952, en Égypte, ce piège s’est mis en place: d’un côté la dictature, de l’autre, le fascisme religieux, avec une alliance tacite entre le dictateur et les extrémistes.
Le dictateur utilise les extrémistes pour se débarrasser du mouvement démocratique.
Mais lorsque les extrémistes veulent le pouvoir, une confrontation se produit : les extrémistes sont réprimés, jetés en prison, assassinés.
Vient ensuite le temps des négociations aboutissant à une nouvelle alliance.
Au final, c’est toujours le peuple qui paie l’addition, bien plus que les extrémistes.
Ce cycle se répète aujourd’hui. Dictateurs et extrémistes ont besoin les uns des autres. La dictature a toujours été justifiée, en Égypte, par le danger extrémiste.
Comment le mouvement populaire contre le régime du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, a-t-il pu ouvrir la voie à un coup d’État militaire ?
Alaa El Aswany Mohamed Morsi a été élu. J’ai boycotté le second tour de l’élection présidentielle, parce que l’alternative était terrible: le fascisme religieux ou un autre Moubarak. Je n’ai pas voté pour Morsi, mais je considérais que la légitimité des urnes lui conférait le droit absolu d’accomplir son mandat.
Trois mois seulement après son arrivée au pouvoir, il a commencé à suspendre toutes les procédures démocratiques, à abroger certaines lois et à mettre la Constitution entre parenthèses. Il s’agissait là des premiers pas vers l’institution d’un régime islamique. Les décisions présidentielles étaient placées au-dessus de la loi.
Au fond, il s’est servi de la démocratie comme d’un marchepied pour tenter d’instaurer un régime islamique.
Nous n’avions pas de Parlement qui aurait pu lui ôter la confiance. Donc nous avons décidé d’occuper l’espace public, avec une pétition qui a recueilli 22 millions de signatures.
Au même moment, certains partisans de Morsi appelaient déjà au djihad. Certains leaders des Frères musulmans menaçaient de faire couler en rivières le sang des «infidèles». Dès lors, sans soutenir le général Abdel Fattah Al Sissi, je pensais qu’il était dans les prérogatives de l’armée égyptienne d’intervenir pour éviter une guerre civile.
Ma position, celle des révolutionnaires égyptiens, est une opposition franche aux Frères musulmans comme à l’armée. Nous défendons des principes que ne partagent ni les islamistes, ni les représentants de l’ancien régime.
Des milliers de jeunes révolutionnaires ont sacrifié leur vie. D’autres ont été assassinés, condamnés à mort ou croupissent en prison. Ils ont donné leur vie sans rien gagner en contrepartie. Certains affairistes sont prêts à dépenser des millions pour stopper le changement et sauver leurs prébendes. Les chaînes de télévision, en Égypte, sont toutes contrôlées par les millionnaires de Moubarak.
Mais la partie n’est pas finie. La révolution n’est pas un match de football, avec 90 minutes pour désigner le vainqueur. Nous avons besoin de temps dans ce conflit qui oppose des principes aux intérêts économiques. Après quatre ans, la Révolution française aussi a d’abord tourné court.
Je reste donc optimiste. C’est une révolution de la jeunesse, dans lequel le rapport entre générations est décisif. Plus de 60 % des Égyptiens ont moins de trente ans et cette nouvelle génération cultive une vision du monde très différente de celle de ses aînés.
Kamel Daoud En Algérie, nous avons connu un scénario similaire.
En 1988, le soulèvement contre le parti unique a donné lieu à une répression féroce, à la torture. Puis les islamistes ont débarqué, exactement comme sur la place Tahrir.
Lorsqu’ils ont vu le rapport de force pencher vers les révoltés, ils ont pris en charge le mouvement. Nous sommes passés par le même cycle, avec des élections municipales et parlementaires remportées par le Front islamique du salut (FIS). Ce n’est pas allé jusqu’à la présidence, nous n’avons pas eu de Morsi en Algérie. Mais nous avons été pris dans le même piège.
Que faire, lorsqu’au nom de la démocratie, il faut laisser des fascistes prendre le pouvoir? Il n’y a pas de solution, leur premier objectif étant justement de détruire toutes les avancées démocratiques.
En Algérie, la confrontation fut d’une rare violence. Elle a débouché sur dix ans d’une guerre sanglante.
La mécanique était simple. Face au mouvement démocratique de 1988, le régime a utilisé les islamistes. Il a favorisé leur ascension, avant de recourir au coup d’État, légitimé, à l’extérieur comme à l’intérieur, par la peur.
En vérité, les islamistes n’avaient pas la majorité électorale : le mode de scrutin taillé sur mesure pour le parti unique et surtout, seuls 30 % des électeurs se sont rendus aux urnes. Quoi qu’il en soit, les militaires ont arrêté le processus électoral et repris la main.
Durant la décennie noire, le régime militaire, qui avait instrumentalisé les islamistes contre le camp démocratique, a utilisé ce dernier pour légitimer sa guerre contre les islamistes. «Sans nous, ils massacreront tout le monde», proclamaient les généraux.
Aujourd’hui, la mouvance islamiste légale est éclatée, avec une dizaine de partis en compétition pour le leadership. Surtout, elle a été domestiquée par le pouvoir, qui a clientélisé les islamistes grâce à l’argent de la rente pétrolière.
Le deal est simple. L’argent et le pouvoir restent aux mains d’un régime hétéroclite, incluant militaires et affairistes. En bas, les islamistes s’occupent de la rue. Ils dictent à leur guise les normes sociales, les codes vestimentaires, les rites.
Cette expérience de la décennie noire explique-t-elle la sidération de l’Algérie face aux révolutions tunisienne et égyptienne?
Kamel Daoud Plusieurs raisons expliquent cette sidération.
Le souvenir de la guerre civile, bien sûr. Cette guerre sans images fut d’autant plus atroce que nous l’avons vécue seuls, à huis clos. Daesh (« État islamique ») sature aujourd’hui l’espace médiatique. Mais dans les années 1990, l’horreur était devenue le quotidien de la ruralité algérienne, avec des enfants égorgés, des femmes éventrées.
Le résultat, c’est que les Algériens préfèrent aujourd’hui l’immobilité au chaos.
Second facteur, les révolutions arabes ont connu un virage. Après la phase Tunisie-Égypte, s’est ouverte la phase Libye-Syrie. En s’appuyant sur l’échec libyen, le pouvoir algérien a travaillé l’équation démocratie = chaos. L’intervention militaire française aussi a servi la propagande du régime, qui n’a pas hésité à jouer sur le traumatisme colonial toujours vif en assimilant la démocratie au retour de la France.
Troisième facteur, l’argent. Le pouvoir a distribué énormément d’argent, renforçant le rapport de clientélisme avec la population. Entre le confort et la démocratie, les gens préfèrent le confort.
Une révolution qui touche uniquement la Terre ne suffit pas, elle doit aussi toucher le Ciel. Le slogan des Frères musulmans, «L’islam est la solution», doit être cassé, démantelé, pour que la chute d’un dictateur produise un vrai changement.
Nous devons faire la grande révolution des mentalités.
Quel rôle ont joué les chaînes de télévision ?
Kamel Daoud Dès le début des soulèvements tunisien et égyptien, sont apparues des chaînes de télévision privées de droit étranger, financées par des milieux d’affaires interlopes, proches du régime. Leur propagande a fait son effet.
Ceux qui contestaient le principe d’un troisième mandat de Bouteflika ont subi un véritable lynchage médiatique sur ces antennes.
Il faut évoquer, aussi, le poids des chaînes de télévision wahhabites, qui captent un auditoire déshérité de femmes vivant en milieu rural, sans formation critique.
Ces médias ont déplacé tous les référents.
Que peut un journaliste, que peut un romancier, face à ces 1 200 chaînes de télévision? Le combat est trop inégal.
À l’intérieur du pays, nous sommes isolés par le régime, par les conservateurs, par les islamistes.
À l’extérieur, il y a ce risque d’être pris dans un engrenage médiatique occidental, d’être embarqué dans un casting qui n’est pas le vôtre.
Je ne suis pas un Occidental, je ne suis pas un Européen, je ne suis pas un Français. Je suis un Algérien. C’est chez moi que je me bats. Je refuse d’endosser le rôle d’Arabe libéral de service.
Alaa El Aswany En Égypte aussi les chaînes de télévision wahhabites jouent un rôle décisif. Tous les wahhabites d’Égypte étaient opposés à la révolution. Le wahhabisme est une interprétation très étroite, très agressive de l’islam. L’application de cette doctrine, c’est l’État islamique, qui doit être instauré par la violence s’il le faut.
Mais en même temps, ses adeptes prêchent, paradoxalement, l’obéissance au président. En 2011, les téléprédicateurs wahhabites se relayaient donc à l’antenne, pour déclarer «haram», «illicite», la participation à la révolution.
Ces idéologies de régression se seraient-elles imposées aussi aisément au Maghreb et au Machreq sans l’afflux de pétrodollars en provenance du Golfe?
Alaa El Aswany Certainement pas!
L’idée que l’islam puisse être aux fondements de l’État n’a émergé en Égypte qu’en 1928, avec les Frères musulmans. Auparavant, notre combat était celui de l’indépendance et de la construction d’un État démocratique.
Après la révolution de 1919, une première Constitution a été élaborée. Adoptée en 1923, elle comprenait une disposition sur la liberté de conscience, c’est-à-dire la liberté de croire ou de ne pas croire.
En 1934, un pamphlet intitulé Pourquoi je suis athée a rencontré, en Égypte, un grand succès auprès du public. Au point qu’un autre pamphlet, intitulé Pourquoi je suis croyant, a été publié en réponse.
En 1933, le pays fêtait, place Tahrir, la première aviatrice égyptienne, arabe et africaine, Lotfia El Nadi. L’obtention de son brevet de pilote était vécue comme une victoire nationale.
En 1939, le fils du chah d’Iran, Mohammad Reza Pahlavi, épousait la princesse Fawzia d’Égypte. Il n’était aucunement question, à l’époque, d’un conflit entre sunnites et chiites!
Ce qui prévalait encore, c’est cette conception égyptienne, défendue par le juriste et mufti réformateur Mohamed Abduh, d’une séparation entre la religion et l’État.
Après le choc pétrolier de 1973, des millions de dollars ont été dépensés pour la promotion du wahhabisme. Pourquoi ? À cause de la structure politique des régimes du Golfe, tous adossés à l’alliance entre une famille royale et des cheikhs wahhabites. Pour ces régimes, la promotion du wahhabisme est donc une condition de la stabilité politique. Cela explique l’hostilité unanime des régimes du Golfe contre la révolution égyptienne.
Kamel Daoud La papauté non plus n’était pas franchement favorable à la Révolution française… Pour ces cheikhs saoudiens, l’immobilisation de la société est indispensable à la perpétuation d’un ordre féodal.
Chez nous aussi, l’afflux des pétrodollars pour rendre possible le boom wahhabite est visible, nous en payons la facture. Ce phénomène a bénéficié en Algérie d’un terrain de pénétration facile, mais l’Occident aussi est concerné.
Quant à l’Afrique subsaharienne, elle est en première ligne, avec les constructions de mosquées, le financement d’écoles, etc.
Dans deux décennies, Boko Haram deviendra un phénomène continental.
Ce qui est extraordinaire, avec l’Occident, c’est sa complaisance à l’égard de l’Arabie saoudite, qui n’est rien d’autre qu’une sorte de Daesh bien habillé. Donnez à Daesh beaucoup de pétrole et un peu de temps: ils achèteront le Printemps et se baladeront dans les rues de Paris.
L’Occident entretient un rapport d’hypocrisie avec ce fléau, cette peste. On ne naît pas islamiste, on le devient.
Quand la patronne du FMI, Christine Lagarde, salue l’œuvre du roi d’Arabie saoudite en faveur des femmes, elle condense de la façon la plus cynique et
la plus tragique ce rapport d’hypocrisie. Vouloir ruser en instrumentalisant
l’islamisme à des fins de pouvoir est périlleux. On ne joue pas avec le diable.
Alaa El Aswany, Il y a de très belles pages dans votre livre sur les femmes, on pourrait les rapprocher d’une récente chronique de Kamel Daoud sur les jambes féminines. Pourquoi le corps des femmes est-il devenu un enjeu de lutte politique?
Alaa El Aswany Si vous regardez les films égyptiens jusqu’aux années 1970, vous serez étonnés de ne voir aucune femme voilée. L’Égypte a eu une interprétation très ouverte de l’islam.
Après la révolution égyptienne de 1919, le leader Saad Zaghloul a considéré qu’on ne pouvait libérer le pays sans libérer les femmes.
Aujourd’hui, quand il y a un problème de burqa en Occident, on incrimine l’islam. Or le problème vient du wahhabisme, qui ne voit pas la femme comme un être humain mais seulement comme un objet sexuel, une machine à faire des enfants. On couvre le corps des femmes non pas pour le protéger mais pour empêcher les autres de «l’utiliser». Si la femme se trouve dans la rue sans son «propriétaire», n’importe qui se sent autorisé à assouvir ses pulsions sexuelles.
Les islamistes égyptiens ont lancé l’appel «Elles méritent le scandale», pour inciter les jeunes à poster sur Internet des photos de femmes considérées comme impudiques.
Kamel Daoud Le rapport à la femme est le nœud gordien, en Algérie et ailleurs. Nous ne pouvons pas avancer sans guérir ce rapport trouble à l’imaginaire, à la maternité, à l’amour, au désir, au corps et à la vie entière.
Les islamistes sont obsédés par le corps des femmes, ils le voilent car il les terrifie.
Pour eux, la vie est une perte de temps avant l’éternité. Or, qui représente la perpétuation de la vie ? La femme, le désir. Donc autant les tuer.
J’appelle cela le porno-islamisme. Ils sont contre la pornographie et complètement pornographes dans leur tête.
Il existe deux sortes de peuples. Ceux qui respectent leurs femmes avancent dans la vie, deviennent libres, ont des créateurs, savent jouir de la vie et avoir du plaisir.
Les autres, ceux qui entretiennent un rapport trouble à la femme, sont des peuples maudits.
Quand les hommes bougent, c’est une émeute. Quand les femmes sont présentes, c’est une révolution.. Libérez la femme et vous aurez la liberté.
En Occident, depuis 2001, un lien entre islam et terrorisme s’est établi dans les têtes. Il sert conservateurs et mouvements d’extrême droite. Comment s’en défaire?
Alaa El Aswany Il est facile de créer un ennemi imaginaire après des attentats.
Un musulman est une personne qui pratique une religion comme les autres, un islamiste est un extrémiste, quelqu’un qui croit à la violence et à la guerre pour créer un État islamique.
Si nous ne sommes pas capables de voir la différence entre musulmans et islamistes, nous aurons tous des problèmes.
L’Église catholique a représenté des valeurs positives d’amour et de tolérance. Cette même Église a commis des crimes, durant les Croisades ou l’Inquisition. Pour autant, je n’ai pas le droit de dire que tous les chrétiens sont des criminels.
Or ce raisonnement est utilisé par la droite, qui fait de tout musulman un terroriste potentiel.
Kamel Daoud Mais les gens doivent se réveiller, ouvrir les yeux sur le péril islamiste. Il n’est pas arabe, algérien, égyptien ou subsaharien : il est mondial.
Daesh exerce un attrait irrationnel sur une petite frange de la jeunesse, pas seulement dans le monde dit arabe, mais aussi en Occident. Comment l’expliquez-vous?
Alaa El Aswany Il faut ouvrir la porte à une vraie démocratie. 50 % des Égyptiens vivent sous le seuil de pauvreté. Quel choix s’offre à un jeune qui se sent marginalisé et humilié? Soit il a un réseau démocratique et peut s’exprimer par le vote, changer les choses. Soit il est poussé vers l’extrémisme.
On peut faire le parallèle avec les jeunes de la deuxième génération en Occident, auxquels on répète qu’ils ne sont pas français ou anglais. Dans les pays arabes ou les banlieues européennes, ces jeunes sont désespérés, frustrés et veulent retrouver leur dignité à travers ce rêve illusoire que leur propose l’État islamique.
Kamel Daoud El Aswany est profondément optimiste, j’espère qu’il va me contaminer et non le contraire.
Je me bats pour ma liberté, l’enjeu est immense. Du point de vue de la pédagogie, de l’éducation, on n’a pas proposé d’alternative à l’islamisme. Il faut construire et proposer une offre aux jeunes de seize ans pour affronter la vie.
Sans cette alternative philosophique à l’islamisme, on court à l’échec. Un jeune de seize ans a besoin d’un dieu, il peut le trouver au ciel ou sur le visage d’une femme belle. S’il ne peut pas s’exprimer, il se tourne vers ceux qui lui font miroiter l’au-delà.
L’’islamisme offre du confort, comme tous les fascismes. La lutte est politique, la résistance est politique et c’est bien plus profond que l’exercice du pouvoir : c’est lié au sens de la vie.
Vous trouvez des livres djihadistes dans le Sahel mais rarement des romans. C’est donc aussi une bataille de livres.
Comment voyez-vous la suite ?
Kamel Daoud La société algérienne a été transformée en profondeur par les islamistes et les conservateurs, et nous avons un régime en crise. Du point de vue de l’histoire, le régime ne tourne pas la page de la génération qui a fait la guerre, ceux qu’on appelle les libérateurs. Il a fallu chasser les colons, maintenant il faut chasser les libérateurs. C’est très difficile.
Cette absence de transition est aggravée par la chute des prix du pétrole et le refus de laisser émerger de nouvelles figures.
L’autre facteur, le plus dramatique, c’est la terreur de l’Occident vis-à-vis de l’instabilité en Algérie. L’Occident préfère l’immobilisme et un «dictateur éclairé». Nous sommes un pays bizarre qui a prouvé qu’une dictature peut se passer de président. Bouteflika a été soigné pendant quatre mois en France et le pays a fonctionné normalement.
Quand les révoltes ont éclaté dans le monde arabe, les gens me demandaient pourquoi on ne faisait pas la révolution. J’ai répondu : «Chez nous on dégage qui ? Ben ou Ali?» On ne sait même pas qui dirige. Les Tunisiens et les Égyptiens avaient la chance tragique d’avoir un dictateur.
Pour nous, c’est plus compliqué. Les gens ont peur maintenant. J’ignore ce que sera l’après-Bouteflika. Va-t-on passer par une rupture violente ? Je ne le souhaite pas… Je suis fatigué. Pendant mes vingt premières années, on m’a parlé de la guerre de libération puis, entre vingt et trente ans, j’ai vécu la guerre civile. Nous ne voulons pas de rupture violente, mais le régime ne fait rien pour une transition en douceur. Nous sommes vraiment coincés.
Alaa El Aswany Je crois que le système est beaucoup plus important que le dictateur.
En Syrie, je ne pense pas que Bachar Al Assad soit le vrai décisionnaire. En Algérie, la dictature a besoin du président même s’il est malade ou absent. En Égypte, nous avons retenu cette leçon. Nous étions très contents de nous débarrasser de Moubarak et nous nous sommes rendu compte qu’il était seulement la couverture de la machine.
Sous cette couverture, nous avons trouvé une machine beaucoup plus méchante que Moubarak. La situation est différente selon les pays.
Mais contrairement à Kamel Daoud, je ne suis pas fatigué. Je sais que nous allons y arriver, même si le processus est long. Je ne peux pas penser autrement.
Il faut combattre pour ceux qui ne peuvent pas se défendre. C’était la motivation principale de la révolution égyptienne.
Alaa El Aswany est né au Caire en 1957. Il a publié chez Actes Sud des romans, l’Immeuble Yacoubian (2006), Chicago (2007), Automobile-Club d’Égypte (2014), un recueil de nouvelles, J’aurais voulu être égyptien (2009), et deux recueils de chroniques parues dans la presse égyptienne, Chroniques de la révolution égyptienne (2011) et Extrémisme religieux et dictature (2014). |
Kamel Daoud est né en 1970 à Mostaganem. Il est journaliste au Quotidien d’Oran, où il tient une chronique depuis douze ans. Il a publié deux recueils de nouvelles, la Préface du nègre (Barzakh, 2008), le Minotaure 504 (Sabine Wespieser Éditeur, 2011) et un roman, Meursaut, contre-enquête (Actes Sud), contrepoint à l’Étranger, d’Albert Camus, pour lequel il a obtenu le prix Goncourt du premier roman et le prix des cinq continents de la francophonie. Il vit à Oran. |
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PARIS-31 MAI- PALAIS DE LA PORTE DORÉE: HOMMAGE A RENÉ VAUTIER
Newsletter du Maghreb des Films
HOMMAGE À RENÉ VAUTIER
DIMANCHE 31 MAI À 15H30
AU PALAIS DE LA PORTE DORÉE
LE MUSÉE DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION ET LE MAGHREB DES FILMS RENDENT HOMMAGE À RENÉ VAUTIER LE DIMANCHE 31 MAI À 15H30
Palais de la Porte dorée
293, avenue Daumesnil
75012 Paris
En métro : station Porte Dorée (ligne 8)
En tramway : ligne T3
En bus : 46
Seront projetés :
►Algérie en flammes (20’) : Un reportage sur le mouvement de résistance algérien
►Les Trois Cousins (10’) : Fiction tragique sur les conditions de vie de trois cousins algériens à la recherche d’un travail en France. Logés dans un étroit réduit, le poêle à charbon provoque leur asphyxie. La face cachée de l’immigration…
►Les Ajoncs (10’): Fable poétique et humoristique dans laquelle un immigré algérien (Mohamed Zinet) traverse la Bretagne à la recherche d’un travail. Il trouve une carriole et se met à vendre des ajoncs dans un village. À la sortie de l’usine, les ouvrières en signe de solidarité ramassent les fleurs dispersées et les lui paient.
►Et le mot frère, et le mot camarade (50’) : Peut-on écrire l’histoire en poèmes ? C’est ce qu’a tenté René Vautier, à la demande du Musée de la Résistance Nationale, avec l’aide de grands poètes (Aragon, Eluard, Desnos).
Et aussi en s’appuyant sur des poèmes écrits dans les prisons et les camps de déportation, des poèmes de fusillés
La séance sera présentée par Benjamin Stora, président du Conseil d’Orientation du Musée de l’Histoire de l’Immigration.
À la suite de la projection, un débat rassemblera :
- Peggy Derder, historienne, responsable du Département des Actions pédagogiques au Musée de l’Histoire de l’Immigration,
- Moïra Vautier, Bruno Muel et Nasr-Dinn Guenifi, qui ont assisté René Vautier dans de nombreux films,
- Gilles Manceron, historien.
- Mouloud Mimoun coordonnera les échanges
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