«OULD KABLIA DONNE UNE PRIME À LA TURPITUDE ET AU CRIME»

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interview de BelaÏd Abane. [[ abane_12241338_471417283051106_9218018306598416983_n.png chercheur en histoire politique de la Révolution

a publié:

En réponse aux propos de l’ancien ministre de l’Intérieur, Ould Kablia, l’auteur du livre “Nuages sur la Révolution: Abane au cœur de la tempête” juge que pour «donner une prime à la turpitude, au crime en justifiant 60 ans après l’assassinat mafieux d’un dirigeant national, il faut avoir un esprit gravement atteint par la boussoufisation».

– Quel commentaire vous inspirent les propos tenus par Daho Ould Kablia au sujet de l’assassinat de Abane Ramdane ?

Il était aussi criminel d’approuver un assassinat que l’assassinat lui-même. Les propos de Ould Kablia participent aussi de cette démarche criminelle. Le quitus donné au crime est aussi criminel. C’est une tragédie pour notre pays que d’avoir été gouvernés par des responsables comme Ould Kablia, qui glorifient le crime mafieux.

C’est un legs désastreux pour les nouvelles générations, d’autant plus grave en ce jour célébrant le déclenchement de la Révolution. Ould Kablia – qui n’a pas connu Abane – tient des propos rapportés à partir de l’idéologie d’un clan. Par ailleurs, dans son propos, il y a de la fabulation pure et simple. Il introduit la question du GPRA qui n’existait pas encore au moment des faits. Il dit aussi que Abane était isolé dans le Comité de coordination et d’exécution (CCE), ce qui est totalement faux.

Il était isolé par rapport aux colonels et principalement les deux plus puissants du CCE, Krim et Boussouf en l’occurrence, auxquels s’est joint par solidarité Bentobbal. Abane avait à ses côtés les politiques, notamment Ferhat Abbas, Lamine Debaghine et Abdelhamid Mehri. Il faut dire à ce propos que les politiques étaient tétanisés, en raison du complexe d’avoir pris le train de la Révolution en marche face aux activistes de la première heure. Ils avaient affaire à des hommes qui étaient prêts à tout et la preuve a été donnée par le sort réservé à Abane.

Quand Ould Kablia dit que c’était pour sauver la Révolution, je lui réponds que depuis cet assassinat, la Révolution a été déviée à ce jour. J’ai appris que M. Ould Kablia a rétro-pédalé, en soutenant que ses propos ont été mal rapportés par la presse. Je prends acte. Mais je continue à dire que cela fait partie de sa culture.

– Pourquoi cette tendance récurrente à vouloir légitimer cet assassinat bien des décennies après ?

Ould Kablia se sent comme le gardien du temple boussoufiste. A partir de là, il fait un plaidoyer pro domo. Avec toute l’expérience qu’il a eue au sein du MALG, ensuite dans l’administration et en tant que ministre, il n’a pas pris le temps nécessaire pour se documenter, alors qu’il veut traiter de sujets aussi sensibles. Ce qu’il oublie de dire, c’est justement cette mécanique infernale qui s’est installée à Tunis et qui avait conduit Abane à la mort par la méthode maffieuse. Boussouf a étranglé Abane de ses propres mains, en l’insultant pendant qu’il agonisait.

Est-ce qu’il faut donner une prime à ce genre de turpitudes ? Et c’est Ben Bella qui a dit de Boussouf qu’il était le Beria de la Révolution algérienne. C’est une tragédie que des gens comme Ould Kablia lèguent cet état d’esprit désastreux aux générations futures. C’est un véritable désarmement moral de notre société qui consiste à applaudir le fort nuisant et à avilir le faible.

– Vous venez de publier un second livre sur Abane Rambane, Nuages sur la Révolution : Abane au cœur de la tempête, aux éditions Koukou. Est-ce que tout n’a pas été dit à propos de ce personnage central de la Révolution?

Bien évidemment. Plus on fait de la recherche et qu’on s’interroge, plus on se rend compte que beaucoup de choses n’ont pas été dites. Dans ce livre, j’ai tenté d’évoquer tous les problèmes qui ont miné de l’intérieur la lutte de Libération nationale. Abane n’est que le fil conducteur de ce livre.

Le lecteur se rendra compte que je n’ai pas été tendre avec lui. Je ne fais pas un livre de glorification, mais un récit de la résistance nationale qui prépare un autre qui va traiter de cette mécanique infernale qui s’est mise en place à Tunis et qui avait abouti à l’assassinat de Abane par les colonels du CCE.

– En quoi consistait cette mécanique infernale ?

À l’époque des faits, curieusement, beaucoup de colonels ont approuvé les méthodes fortes et mafieuses.
C’est là que sont nés les germes de ce que j’appelle la boussoufisation des esprits, c’est-à-dire la culture de la brutalité et de la force violente. Et c’est à partir de là que commençait à se façonner ce désarmement moral de la société. Et Ould Kablia est imprégné de cette culture.

Pour donner une prime à la turpitude, au crime en justifiant 60 ans après l’assassinat mafieux d’un dirigeant national, il faut avoir un esprit gravement atteint par la boussoufisation. Il est l’archétype du désarmement moral. Je suppose qu’il en fait un peu plus, parce qu’il se sent le gardien du temple malgache. Ceci dit, et il faut le souligner, le MALG était un ministère glorieux de notre Révolution porté par de valeureux militants.

Dans votre livre, vous n’êtes pas tendre avec Abane, il est comment ce personnage?

Il est certain que son tempérament n’a pas aidé à aplanir les différends au sein de la Révolution. C’était un homme dur et exigeant, d’abord avec lui-même, un ascète. Il était d’une rigueur implacable, un comportement austère qu’il s’est imposé à lui-même, mais d’une sincérité révolutionnaire absolue. Une sacralisation de la Révolution. Ce type de vision poussée à l’extrême peut devenir un défaut.

– Souvent, on met en avant son caractère dur pour justifier son assassinat. N’est-ce pas là un paravent pour masquer la véritable divergence au sein de la direction de la Révolution qui était d’ordre politique ?

Sans nul doute. Le fond du problème est une divergence doctrinale avec bien entendu une lutte de leadership. Abane avait une vision et une ligne politique fondée sur l’unité nationale et des rangs qu’il défendait, pendant que d’autres dirigeants, notamment Krim et Boussouf, défendaient une ligne de pouvoir. Certains n’avaient pas accepté qu’il fasse rentrer dans la Révolution les centralistes, les oulémas, les communistes, l’UDMA. Pour eux, c’est une déviation que de ramener les autres courants dans le giron de la Révolution.

Or, Abane considérait que si l’on laissait le moindre parti et le moindre Algérien à la portée du colonialisme, c’était un alibi pour les autorités coloniales pour dire que les Algériens ne sont pas tous avec le FLN. Son leitmotiv était : «Je ne veux rien laisser à la France». Quand Ben Bella disait de lui qu’il éludait les principes islamiques, il oublie de dire que c’était Abane qui avait introduit tous les dignitaires des oulémas et les a envoyés comme responsables à l’extérieur. Pour lui, il fallait faire l’unité nationale et l’Association des oulémas était une tendance forte de la société algérienne. –

Hacen Ouali

31 OCTOBRE 2015 – AKBOU – COLLOQUE SCIENTIFIQUE SUR L’HISTOIRE NATIONALE : «POURQUOI LE 1er NOVEMBRE 1954?»


31 OCTOBRE 2015 – AKBOU – COLLOQUE SCIENTIFIQUE SUR L’HISTOIRE NATIONALE : «POURQUOI LE 1er NOVEMBRE 1954?»


POURQUOI LE 1er NOVEMBRE 1954 ? Thème de la table ronde organisée à Paris par l’IREMMO – SEMAINE SPÉCIALE ALGÉRIE – du 22 au 25 MAI 2012 – socialgerie mai 2012, texte revu octobre 2014 et septembre 2015;


1er NOVEMBRE 1954: AUTRES LIENS SUR SOCIALGERIE;


JUILLET 1956 L’ALN DANS LES MONTS DE CHERCHELL : LES PREMIERS ACCROCHAGESMohamed Rebah – raina-dz.net – le 14 janvier 2015 ;


LE PARTI COMMUNISTE ALGÉRIEN ET LE DÉCLENCHEMENT DE L’INSURRECTION DU PREMIER NOVEMBRE 1954William Sportisse-raina.dz & LRI – 1er Novembre 2014 -raina-dz.net.


31 OCTOBRE 2015 – AKBOU – COLLOQUE SCIENTIFIQUE SUR L’HISTOIRE NATIONALE : «POURQUOI LE 1er NOVEMBRE 1954?»

Le Colloque Scientifique sur l’Histoire Nationale intitulé « Pourquoi le 1er Novembre 1954 ? » dont les travaux auront lieu à Akbou le samedi 31 Octobre 2015 sera accompagné de la mise en circulation de la revue MEMOIRE éditée par l’association MedAction.

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association organisatrice

Med-Action [[Pour éventuelle prise de contact avec l’association organisatrice, voir coordonnées ci-dessous.
Hocine Smaali – Président – Medaction – Algérie

www.medaction.org
Centre culturel Akbou B.P 30 (06001) – Wilaya de Béjaia Algérie
Tél. / Fax: 00 213 (0) 34 334 577 / 00 213 (0) 34 334 584 – Mobile: 00 213 (0) 661 100 958]]

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COMMUNIQUÉ

Avec la participation d’historiens algériens et français, le 61e Anniversaire du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954 sera marqué cette année par l’organisation d’un Colloque Scientifique sur l’Histoire Nationale intitulé « Pourquoi le 1er Novembre 1954 ? » dont les travaux auront lieu à Akbou le samedi 31 Octobre 2015.

À travers cette manifestation, nous voulons apporter notre humble contribution à l’écriture de l’histoire ; une entreprise éminemment délicate lorsqu’il s’agit surtout de la guerre d’Algérie avec, au demeurant, une Révolution en majuscule.

Une dimension scientifique sera donnée à cette commémoration symbolique, à travers des communications académiques posant la question du 1er novembre qui reste cet authentique sursaut populaire héroïque, salvateur qui engendra une date, une révolution libératrice, essaimée à travers le monde, en symbolisant un flamboyant modèle de résistance pour les peuples opprimés.

Prendront part à ce Colloque, modéré par Samira Bendris, les Historiens Gilbert Meynier (Professeur Emérite à l’Université de Nancy II, ancien Maître de Conférences à l’Université de Constantine, Auteur), Gilles Manceron, (Journaliste, Auteur, Rédacteur en Chef de la Revue « Hommes et Libertés » de la Ligue des Droits de l’Homme) et Tahar Khalfoune, Conseiller Juridique, Enseignant à l’Université Lumières Lyon 2, Auteur.

Par ailleurs, mettant sous les feux de la rampe des faits et événements non anodins, avec la contribution d’historiens, d’universitaires et d’acteurs privilégiés de l’époque, dont Djoudi Attoumi, l’association Med-action sortira aussi le deuxième numéro de la revue « Mémoire ».
Dans cette seconde édition, un texte inédit de Mohamed Boudiaf intitulé « le commencement », écrit à Turquant, en 1961 ou Si Tayeb El Watani prédisait déjà, qu’« un jour viendra où tous les crimes seront connus et, à ce moment, on oubliera volontiers de parler aussi légèrement du 1er novembre 1954 ». Ce n’était, nullement, une prémonition légère mais une conviction profonde de l’homme.
Pour Gilbert Meynier, historien « Le déclenchement de la lutte armée en Algérie ne retentit pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein » et ce, « en dépit des assertions officielles françaises qui affectèrent, publiquement, sur le registre du fait divers, d’imputer l’événement à une organisation de malfaiteurs et/ou, dans le contexte de guerre froide, intriqué avec la méfiance à l’égard des suites politiques de la révolution égyptienne du 23 juillet 1952, elles dénoncèrent la main du Caire, représentée comme n’agissant que sur les directives de Moscou ».
Une guerre d’indépendance « ne doit pas être séparée de l’histoire, de ce qui l’a précédé, en particulier des nombreux mouvements de résistance à la colonisation de l’Algérie qui ont eu lieu avant son déclenchement », notera aussi l’historien Gilles Manceron dans « le FLN ou la construction d’un anticolonialisme moderne ».

Cette guerre pour l’émancipation algérienne était une plaie béante pour la France qui dénonçait pourtant « la barbarie nazie, les tortures, les déportations, les exécutions sommaires ». « Dans le subconscient général, il n’était donc pas possible que l’Armée Française ait pu se conduire comme les nazis ; cela ne pouvait être que des exceptions qu’il fallait cacher », témoigne Henri Pouillot, ancien appelé du contingent français, affecté au centre de torture qu’était la Villa Susini à Alger. Alimenté ainsi, le pourquoi du 1er novembre était posé, avec acuité, d’abord, par ses instigateurs, une poignée certes, mais résolus qui – après épuisement de tous les moyens antérieurs de lutte et de revendications émancipatrices – avec détermination, avaient bouleversé, par l’action directe, le cours de l’histoire, en s’adressant, en Novembristes, au peuple algérien en ces termes homériques: « A vous qui êtes appelés à nous juger… ».

Dans cette Revue, Dalila Ait El Djoudi, Docteur en Histoire Militaire et Etudes de Défense, notera dans son analyse relative à Abane Ramdane – héros du passé dans les débats politiques du présent – que les rapports entre la politique, le religieux et le militaire, réinstallent cette figure, dans un cadre mémoriel, dans une polémique politique, publique et idéologique. Ainsi, Abane appartenait à l’Algérie et ne se posait pas la question de l’identité régionale !

Le 1er novembre c’est aussi l’esprit et la lettre qu’il fallait expliquer en mettant à profit des supports écrits et audiovisuels comme complément de la lutte armée dont « le FLN avait réussi à renvoyer une image moderniste des aspirations révolutionnaires du peuple algérien », dira Ahmed Bedjaoui, Expert en Communication, dans sa contribution « du Fusil aux Médias ».

De ces combattants de l’ombre, nous entrouvrons la page d’un visionnaire, poète du langage, de l’esprit, assumant pleinement ses appartenances multiples : Jean El Mouhoub Amrouche, patriote universel, intellectuel déchiré, qui su exprimer, avec force, en tant que Jean et El Mouhoub, à la fois, sa propre dualité et la signification profonde de la révolte de son peuple. Considérant la notion de langue maternelle, Khaoula Taleb Ibrahimi, Professeur à l’Université d’Alger, soulignera, dubitative « alors devrions-nous, aujourd’hui, au nom d’une authenticité pure et originelle, nous enfermer dans les limites étroites de nos idiosyncrasies respectives en prenant le risque de casser les fils tenus et quoique étrangement solides d’une cohésion nécessaire et vitale pour notre survie face a un ordre mondial injuste et implacable. »

Puisant dans le « dominium » latin, « la colonisation française, c’est aussi la spoliation des terres, chères aux algériens, couverte de l’habit de la légalité », selon Tahar Khalfoune, Docteur en Droit.

Par ailleurs, en marge de cette rencontre, une Déclaration d’Amitié et de Partenariat sera signée par Med-Action et l’association « Amitié France-Algérie », établie dans le Gard (Nîmes) en France.

Dans le contrat programme, qui liera ces associations des deux rives de la Méditerranée, il est question de favoriser et développer les échanges pédagogiques entre les jeunesses des deux pays dans les domaines sociétaux, culturels, touristiques, artistiques et sportifs en vue d’une meilleure connaissance de l’autre par la formation de citoyens ouverts sur le monde et tournés vers l’avenir. Les échanges d’expériences, de documentation et d’archivage relatifs à l’histoire, la citoyenneté et la démocratie sont aussi des axes contenus dans ce document qui sera paraphé le 31 Octobre 2015 à Akbou.

À l’occasion de cet anniversaire mémorable, nous nous inclinons solennellement devant la Mémoire des Valeureux Martyrs de la Révolution de Novembre 1954, prônant l’Algérie Algérienne.

Par devoir de mémoire, indispensable à l’écriture de l’Histoire, et en perpétuant la tradition du Forum Citoyen initié depuis 2010, notre association continuera, périodiquement, à mettre en exergue des thèmes d’actualité en relation avec l’Histoire d’Algérie, la Citoyenneté, la Culture du Dialogue et de la Paix ainsi que le Brassage Inter-Méditerranéen.

Akbou, le 22 Octobre 2015

Le président
Hocine SMAALI


PROGRAMME ET PRÉSENTATION

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PARTICIPANTS

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POURQUOI LE 1er NOVEMBRE 1954 ?

pdf-3.jpg socialgerie, texte 2012, revu en octobre 2014 et septembre 2015

Thème de la table ronde organisée à Paris par l’IREMMO

[[ IREMMO SEMAINE SPÉCIALE ALGÉRIE du 22 au 25 MAI 2012

  • http://www.socialgerie.net/spip.php?breve517
  • http://iremmo.webou.net/spip/spip.php?article185
  • http://www.youtube.com/watch?v=E3IYRjUb190#t=12]]

le Mardi 22 mai 2012:

“Pourquoi le 1er novembre 1954 ”

Pour accéder à l’enregistrement de cette conférence animée par Gilbert Meynier, Sadek Hadjerès et Sylvie Thenault,

cliquer ci-dessous

enregistrement accessible sur YouTube avec le lien suivant

intervention de Sadek Hadjerès: 24 : 54 à 54 :33


“Pourquoi le 1er novembre 1954 ”

table ronde- conférence à 3 voix

organisée à Paris par l’IREMMO

le mardi 22 mai 2012 :

Transcription de l’intervention de Sadek Hadjerès

de 24 :54 à 54 :33

Je vais essayer de respecter moi aussi le planning

Je crois que Gilbert a bien situé le cadre historique et politique de l’insurrection de 54

En ce qui me concerne, je vais plutôt aborder la facette sous l’angle subjectif : Qu’est-ce qui a amené à cette idée de lutte armée? Qui a donné à l’idée de lutte armée un tel poids?

Pourquoi les Algériens ont-ils rapidement fait masse autour d’une voie, qui au départ, en novembre 54, avait les apparences de la fragilité

Comme Gilbert l’a dit, on peut dire, pour paraphraser Jaurès… le ciel de l’Algérie était lourdement charge des nuées du colonialisme, et que l’orage de l’insurrection était inévitable ; ça c’est une explication juste mais générale,

En fait des questionnements surgissent, quels sont les spécificités historiques et psycho-culturelles qui ont rendu ce, le soulèvement de 54 concevable, et puis qui l’ont marqué de cette particularité?

Par exemple, Pourquoi le 1er novembre 54 n’a pas été, comme ces orages méditerranéens, très violents mais de courte durée, et suivis d’éclaircies?

Pourquoi à la différence des insurrections du siècle précédent, ces premiers coups de feu de 54, bien sûr ont été suivis d’une accalmie très passagère, mais, ils ont débouché sur une guerre qui a duré 7 ans, et qui a balayé finalement l’édifice colonial, qui était présenté comme éternel en 1930, à l’occasion du centenaire de …

Il y a une autre spécificité dans cette entrée dans une guerre asymétrique :

Pourquoi le peuple algérien a dû consentir tellement de sacrifices prolongés, alors que dans l’espace maghrébin et africain, beaucoup de pays étaient parvenus, presque sans coup férir, à la reconnaissance de leur droit à l’autodétermination, bien sûr il y avait l’influence du contexte du soulèvement algérien… ?

Donc, ce 1er novembre, ça a été un pari, celui d’une avant-garde nationaliste restreinte, avec une part d’improvisation, parce que, entre autres, pour sortir d’une crise de politique interne au PPA MTLD, mais pourquoi, a-t-il fini par déboucher sur une rupture entre deux époques historiques, pour l’Algérie et pour une grande partie du monde colonisé.

Cet événement, qu’on peut dire emblématique, est devenu une référence plus tard, pour les générations suivantes, il avait même suscité des répliques, des imitations, qui s’étaient avérées fondées pour un certain nombre de mouvements de libération, mais elles ont été aussi moins judicieuses et elles ont avorté dans d’autres pays, quand on en est resté à la théorie à la guerre des focos implantée de l’extérieur, comme cela a été le cas en Bolivie, pour créer plusieurs Vietnams, dont on connaît le résultat.

Encore aujourd’hui, ou même plus tard, souvent quand il y avait une tension de crise, une volonté de changements, on entendait des voix dire « vivement qu’il y ait un nouveau premier novembre ».

Et, pour l’anecdote, je crois que vous savez que même Bouteflika, récemment, a dit que les élections algériennes, législatives, allaient être aussi importantes que le 1er Novembre …

Tout cela repose la question de fond : si l’option de la résistance armée était devenue presque inévitable en 1954, pourquoi les conditions qui l’ont rendue possible et productive par l’Algérie du milieu du 20ème siècle, pourquoi elles ne peuvent pas être reproduites n’importe où, et n’importe quand ?

Là je mets évidemment les facteurs subjectifs au centre de l’explication, mais ce n’est pas du tout à l’encontre du socle objectif des facteurs géopolitiques, mais simplement pour dire que les conditions objectives – je crois que le cadre historique qu’a tracé Gilbert le montre bien- mais ces conditions objectives ont été relayées par des motivations d’ordre psychologiques et culturelles. C’était une greffe compatible, une adéquation entre l’objectif et le subjectif et cela était vraiment la condition du succès.

Quelles étaient ces motivations ?

L’insurrection du 1er novembre, comme je l’ai dit avait été un pari audacieux sur la suite des événements, mais en aucune façon cela n’a été un miracle. A propos de miracle, Gilbert sait aussi, que dans le monde arabe, on a souvent parlé de « الجزائر بلاد العجائب » «Algérie pays des miracles», on a beaucoup aimé les interprétations magiques.

Mais en fait le succès final n’a pas relevé du seul volontarisme, parce que, à lui seul, il n’aurait accouché que d’une tentative glorieuse, mais avortée.
La vérité c’est que, dans le cadre d’un rapport de forces objectif, national et international, qui était de plus en plus favorable, ce potentiel subjectif interne s’y prêtait.

Le 1er novembre, de ce point de vue, est le résultat d’une longue maturation dans les opinions algériennes. Et il y a deux facteurs complémentaires qui se sont forgés l’un et l’autre dans le cours du processus historique.

D’un côté il y avait les imaginaires, le psycho-culturel avec des représentations dominantes dans nos sociétés opprimées, et d’autre part il y a eu les prises de conscience politiques, qui ont été le résultat d’efforts difficiles, pas toujours à la hauteur, mais elles ont été suffisantes, pour féconder, pour soutenir la continuité d’une initiative audacieuse et risquée à la fois.

Comment s’est donc faite cette jonction? Ceux qui avaient initié l’insurrection, ou bien les courants politiques qui ensuite l’ont ralliée, comprenaient bien cette maturation, et je crois qu’ils s’étaient reconnus dans la tonalité de l’Appel du 1er Novembre.

Mais toute autre était la vision d’un certain nombre d’esprits français, naïfs, ou bien embrumés, comme les a priori de la domination coloniale.

Voila : quelques semaines avant l’insurrection, le quotidien français le Monde qui est une référence… pontifiait avec un gros titre, y affirmant que «l’Algérie restait une oasis de paix dans un Maghreb en flammes» , il faisait allusion au Maroc et surtout à la Tunisie, avec les actions croissantes des fellaghas.

À cette allégation, notre camarade Bachir Hadj-Ali, avait répliqué en substance sur deux pages de l’hebdomadaire communiste algérien «Liberté»: «Non, l’Algérie, corps central du grand oiseau qu’est le Maghreb, ne peut échapper à l’incendie qui a enflammé ses deux ailes».

Sur quoi reposait la certitude de notre camarade ? Et bien le rédacteur du Monde aurait été mieux inspiré, de méditer un avertissement qui avait été lancé en 1913, avant la première guerre mondiale, par le député français radical, Abel Ferry, le neveu de son oncle Jules Ferry, fondateur de l’école laïque, et lui aussi imprégné du virus colonialiste, il rappelait au nom des intérêts – à ce qu’il disait- «intérêts et grandeur de la France» que deux éléments constituaient un mélange hautement explosif quand ils se conjuguaient : la misère et l’humiliation sociale d’un côté, les sensibilités identitaires et religieuses de l’autre.

Ces données, géopolitiques de base, échappaient aux spécialistes de la communication et hautes sphères dirigeantes coloniales, qui pour diverses raison se complaisaient à prendre leurs désirs pour des réalités. Elles ignoraient que la passivité apparente des indigènes n’était qu’une posture qui les aidait à survivre. Or, n’importe quel algérien peut attester qu’à cette époque, le rêve de la délivrance massive par les armes, pour peu que l’occasion s’en présente, c’était une obsession qui habitait la majorité de mes compatriotes, de leur enfance jusqu’à l’âge le plus avancé… Encore gamin, je voyais couler les larmes sur le visage de ma grand-mère maternelle dès qu’elle évoquait comment après l’insurrection de 1871, toutes les terres de sa famille avaient été volées, occupées par les Alsaciens-Lorrains, qui fuyaient l’Allemagne de Bismarck. Peut-être c’était une anticipation du phénomène international qui a provoqué la Naqba plus tard en Palestine : c’est-à-dire que des Palestiniens ont payé ce qui s’était passé en Europe.

À l’évocation de ces désastres, ma mère renchérissait, comme pour apaiser sa colère, elle nous racontait dans une espèce de revanche verbale, les exploits «djihadistes», de Sidna Ali, un des compagnons du prophète, un épisode que nous rappelait aussi les contes en prose rimée des meddahs – c’étaient un peu les troubadours populaires sur les places des villages – , qui chaque mercredi -jour de marché à Berraghouia- exaltaient les exploits qui étaient représentés sur des estampes naïves déposées sur le sol, et ma mère ajoutait avec amertume: mais nous, les musulmans, nous ne savons pas comploter, elle le disait en kabyle «our nessi nara an-nafeq-» nous ne savons pas comploter.

Et c’était là le hic, parce que le seul obstacle au passage à l’acte, à la révolte – dans l’imaginaire évidemment – c’était le manque de confiance dans la concertation collective.

Encore enfant, nous exprimions entre nous cette préoccupation d’une façon simpliste et arithmétique : nous les musulmans nous sommes dix fois plus nombreux qu’eux. Si chacun de nous ne s’occupait que d’un seul français – nous disions kaffer ou gaouri – le problème serait facilement réglé. Je signale en passant que cette même recette géniale habitait les phantasmes de nombreux pieds-noirs et adeptes de l’OAS: «Y a qu’à les tuer tous», une recette qui a connu plusieurs débuts d’application.

Mais nous devions nous contenter de ruminer nos incapacités à engager des actions concertées, et apprendre seulement à garder le secret de nos états d’âme contre les mouchards.

Qu’est-ce qui a fait progresser ensuite les mentalités dans toute la société, qu’est-ce qui leur a donné plus d’assurance et d’espoir, leur a appris à jauger avec plus de réalisme le contenu, les orientations de l’action violente ou non violente, la combinaison des divers moyens d’action possibles, l’adhésion à des formes d’organisation nouvelles, greffées sur les traditionnelles structurations patriarcales.

Et bien cette évolution s’est réalisée à travers l’émergence progressive de noyaux associatifs et politiques, d’abord minoritaires – tout à l’heure Gilbert les a évoqués – ; puis cela s’est fait à un rythme plus rapide, plus massif, à partir de la fin des années 30, sous l’influence des événements internationaux de grande importance qui avaient pénétré la scène algérienne, à travers de multiples canaux, jusqu’aux bourgades et les douars les plus reculés, c’est-à-dire les douars ou les bourgades d’où étaient originaires les habitants des villes, ou bien les travailleurs immigrés en France, porteurs d’une culture syndicale et politique minimum.

La courte période du Front populaire en France, malgré le refus du gouvernement socialiste de faire droit à des revendications démocratiques les plus élémentaires, a montré aux organisations, encore minoritaires, qu’il était possible d’accéder aux activités associatives, syndicales, politiques, en dépit des barrages répressifs, de sorte que la combattivité sociale et politique est montée d’un nouveau cran.

Mais c’est surtout le séisme de la deuxième guerre mondiale et des résistances à l’occupation nazie, qui nous a éveillés à la dynamique des luttes pacifiques et non pacifiques.

Après sa défaite de 1940, l’armée française n’était plus considérée par nous comme invincible.

Après le débarquement anglo-américain de 1942, en Afrique du Nord, en Algérie, cette armée faisait piètre figure à côté du spectacle des troupes motorisées américaines.

Les Algériens, au même moment, sont devenus aussi partie prenante, plus consciente, de l’usage des armes, dans les campagnes de libération d’Italie et de France.

Et ensuite, face au repli temporaire de la grosse colonisation, qui avait collaboré avec Vichy, la revendication nationale s’est déployée à travers le regroupement des Amis du Manifeste et de la Liberté, et surtout – en même temps- un très large réseau associatif, culturel, religieux, de jeunesse soute ou sportive, s’exprimer, activer de façon imbriquée, et en parallèle, sur deux registres qui n’étaient pas forcément contradictoires en ce qui concerne l’objectif commun. L’un était pacifique et légaliste, l’autre para-légal, tourné vers des horizons d’actions plus radicales, impliquant le recours aux armes

Ainsi les chants patriotiques en arabe classique ou populaire, et en berbère, évoquaient sans ambages l’idée du sacrifice de la vie pour la patrie, et ils appelaient à ne pas craindre les balles, «ma trafouch men dharb erssas »

Les causeries et les prêches des cercles culturels et religieux exaltaient les victoires militaires de l’islam à sa naissance, en dépit de l’inégalité des forces, comme lors de la fameuse bataille de Badri.

Dans le mouvement scout musulman, dans l’esprit d’ailleurs de son fondateur anglais Baden Powell, l’engagement envers l’idéal scout c’était de mettre un savoir faire technique et paramilitaire au service de la patrie et de ses concitoyens. Et quand un avion militaire allié s’était écrasé sur la montagne voisine, ou bien dans nos contacts avec les troupes des USA, cantonnées près du village, la recherche d’armes, c’était une de nos préoccupations.

L’attrait pour la perspective de la lutte armée allait de paire avec la politisation croissante du mouvement nationaliste, même si cette politisation ne s’accompagnait pas d’une réflexion qui articulait mieux, dans les esprits, les luttes militaires et les luttes pacifiques syndicales, électorales, associatives. Cette insuffisance va être ressentie plus tard dans les sphères dirigeantes nationalistes, par l’improvisation à l’époque du 8 mai 1945, avec des ordres et des contre-ordres d’insurrection, ou bien la façon dont les couches de la paysannerie pauvre, à cette même époque, dans le
Constantinois, avaient réagi d’une façon spontanée à cette répression, faute d’orientations assez claires.

C’est la même carence dans l’évaluation des stratégies des rapports de forces politico militaire qui s’est révélée après la défaite arabe de la première guerre israélo-arabe de Palestine, qui a été une douche glacée, à côté des rodomontades nationalistes qui étaient polarisées sur la puissance supposée d’une Ligue arabe qui était idéalisée à outrance.

Le 8 Mai 45 a eu deux sortes d’effets. La division et le pessimisme avaient été assez rapidement surmontés dans la majeure partie de l’opinion, en particulier grâce à la campagne pour l’amnistie qui avait été initiée par les communistes, et qui a bénéficié d’un rapport de forces favorable sur la scène politique française. En même temps le 8 mai a consolidé l’opinion algérienne dans l’opinion que le colonialisme ne nous laissait plus d’autre issue que la violence armée pour se libérer. C’est à partir de ce moment-là vraiment que c’était devenu une conviction politique assez forte.

Certains courants nationalistes moins convaincus, ou bien sensibles aux séductions des colonialistes des fractions libérales – que l’on appelait libérales à l’époque – concevaient les voies politiques comme opposées à l’option armée et non pas complémentaires.

Mais cette option armée va marquer des succès chez les plus résolus, avec la décision du Congrès du PPA – MTLD de 1947, de créer l’Organisation Spéciale OS

Je ne sais pas si je suis dans les temps / Il te reste 4 minutes

Le démantèlement de l’OS en 1950 n’a pas interrompu l’élan et le débat entre les avantages et les inconvénients de chacune de ces options.

Il y a deux événements qui vont précipiter le projet de recours aux armes :

  • D’abord c’est l’échec du FADRL – le Front Algérien pour la Défense et le Respect des Libertés Démocratiques –. Il s’était constitué en l’été 1951, par l’ensemble des partis politiques, qui ont eu, ensuite, chacun leur part de responsabilité quand il s’est effiloché les mois suivants.

    L’échec de cet élan politique et populaire a renforcé le courant des partisans de l’activisme armé. Mais ce fut d’une façon assez perverse et dépolitisée, avec l’idée fausse, chez nombre de gens déçus, que c’était la lutte politique en elle-même, et non pas l’absence d’une saine politisation, qui était stérile et contre-productive.
  • L’autre facteur, ça a été sur la scène régionale et internationale une série encourageante de changements tel que l’arrivée au pouvoir de Nasser en Egypte, en 1952, il a mis fin à l’aura trompeuse d’une Ligue arabe impuissante et complaisante envers les puissances coloniales, cette évolution ascendante va trouver plus tard son apogée avec le grand rassemblement intercontinental de Bandoeng ; et l’option militaire en même temps va s’inviter davantage avec l’entrée en lisse des fellagas tunisiens, et surtout la grande victoire de Dien Bien Phu.

    Le 8 Mai 1954 a été ressenti chez nous comme une revanche éclatante sur la tragédie du 8 Mai 45. Les Algériens ce jour-là, je m’en souviens très bien, je me trouvais à Sidi bel Abbès, le berceau de la Légion étrangère, c’était le deuil dans la Légion, contrairement à l’habitude, ils ne sont plus sortis de leurs casernes, et les Algériens se répandaient en congratulations traditionnelles, et se souhaitaient un nouvel Aid, une grande fête de libération à venir.

À partir de ce moment l’évolution vers la préparation de l’insurrection ne pouvait pas surprendre même les observateurs les moins avertis.

Et, je voulais ajouter là une note particulière, comment croire dans ces conditions à des affabulations selon lesquelles les communistes ont été surpris, ou, même, auraient réagi de façon hostile à la survenue de l’insurrection. C’était bien mal connaître cette période, que de se fier à des allégations propagandistes, qui s’expliquaient par les enjeux politiciens du temps de guerre, avec les positions hégémonistes de certains cercles dirigeants du FLN, mais qui ont été reprises plus tard en boucle sans vérification, par des médias, ou même des historiens dont ce n’était pas le thème principal de recherche.

Fort heureusement, dans la dernière décennie, nombre d’historiens, anciens ou nouveaux, soucieux d’investigations ouvertes et responsables, se dégagent de plus en plus de ces raccourcis sommaires, et idéologisants vers où les poussait la désinformation ambiante.

Par exemple, lié au 1er novembre, déclenchement de l’insurrection, je signale un article très documenté d’un historien hongrois, Ladzslö Nagy, qui vient de me l’envoyer, qui détaille un épisode significatif et pourtant occulté: l’appel du 1er novembre fut presque aussitôt répercuté par une station radio, émettant en arabe dialectal depuis Budapest, … c’était une station qui émettait en direction du mouvement indépendantiste d’Afrique du Nord. Cette station était animée et dirigée par notre camarade William Sportisse, qui avait été envoyé pour cette mission, depuis le milieu de l’année 54, c’est-à-dire vers juin-juillet, par le Parti PCA et les autres partis communistes du Maghreb. Il avait diffusé le communiqué du 1er Novembre avant qu’il ne le lui soit envoyé par la délégation du FLN au Caire, qui en son temps, en la personne de Aït Ahmed, l’avait remercié et félicité pour cette initiative.

Pour mieux préciser les choses, la direction du PCA n’a pas été surprise par la survenue de l’insurrection qui était politiquement dans l’air et prévisible pour les mois ou l’année à venir.

Ce qui nous a surpris dans la semaine qui a précédé l’insurrection, et au cours de laquelle nous avons compris son imminence – là, je signale que une semaine avant je me trouvais avec Bachir Hadj-Ali et moi-même, avec la section locale du Parti communiste dans laquelle figurait Galland, Jean-Jacques Galland, qui l’a relaté dans un ouvrage, qui avait rencontré 6 mois auparavant Ouamrane, futur colonel de la wilaya IV , et ils en ont discuté toute une nuit, c’est-à-dire ce n’est pas quelque chose qui nous avait surpris – ce n’est pas le fait qu’il allait y avoir une insurrection, c’était l’accélération de son timing, alors que il y avait la crise du PPA MTLD qui s’aiguisait de plus en plus ; parce que nous avions prêté davantage de perspicacité politique aux initiateurs de l’insurrection, à qui Abane Ramdane avait reproché plus tard d’ailleurs en termes très durs la précipitation avec laquelle l’insurrection avait été déclenchée dans de telles conditions.

Par contre, là où j’estime que la direction du PCA aurait dû et aurait pu faire mieux, c’est que, après Diem Bien Phu, d’après ce qu’on m’a dit parce que je n’étais pas encore au bureau politique où il y avait eu des discussions sur l’éventualité d’une lutte armée, je pense, qu’à partir de ce moment-là il aurait fallu anticiper organiquement, préparer des structures parallèles du type de ce qui va être fait ensuite avec les Combattants de la Libération, avant que l’insurrection ne survienne, ce qui nous aurait facilité les dispositions organiques, et un certain nombre de développements politiques ultérieurs dans l’intérêt de tous.

Voila, alors le temps qui m’est imparti ne me permet pas d’aller plus loin.

Nous le regretterons…

Je vais conclure seulement en soulignant que cette question du 1er novembre est d’une grande actualité.

Pourquoi elle est d’une grande actualité ?

Elle dépasse de loin la question du timing et de son accomplissement pratique et militaire.

L’essentiel réside dans la finalité et le contenu politique des soulèvements.

Il y a deux remarques qui me paraissent d’actualité, à propos de cette symbolique du 1er novembre

  • Premièrement : un prétendu novembrisme passéiste, et qui se tient à l’apologie désincarnée de la lutte armée, a servi de couverture idéologique à des dérives anti démocratiques de la part de cercles nationalistes, officiels ou non. Ils se sont mis à invoquer pour eux seuls la légitimité révolutionnaire et le label de la famille révolutionnaire.

    Ça s’est traduit par la crise de l’été 1962 qui a vu s’instaurer par la violence le socle militaro policier du nouveau système de pouvoir.

    Et ensuite, les vertus qui ont été attribuées à la violence armée sans évaluation critique de son contenu, sont à l’origine de fautes politiques graves, désastreuses, tels que les affrontements armés en Kabylie en 1964, puis dans tout le pays pendant toute la décennie de 1990.

    Ce constat a une nouvelle résonnance aujourd’hui en cette saison pas de printemps mais de tempêtes arabes et africaines. Quelques cercles s’étonnent, en le déplorant, de ce qu’ils appellent l’exception algérienne, ils caressent par mimétisme envers le 1er novembre 54 le calcul dangereux d’allumer un feu par internet, ou tout autre scénario planifié.

    C’est ignorer que ce qui a donné du souffle à l’insurrection algérienne en 1954, ce fut avant tout une orientation politique qui était bien en phase avec les aspirations, avec le ressenti et la sagesse populaire, et non pas fondamentalement les instruments pratiques qui ont véhiculé ce contenu, depuis le bouche à oreille, le téléphone arabe ou radio trottoir ou café du quartier, jusqu’au poste radio transistor qui venait récemment d’arriver. Donc c’est le contenu politique qui était déterminant.
  • Deuxièmement, un deuxième enseignement est rendu éclairant par le, les malheurs dans lesquels ont été plongés le peuple de Libye, de Syrie, et du Mali, après les Irakiens.

    C’est le suivant : militariser artificiellement les conflits internes, recouvre souvent des tentatives suspectes d’embrigadement émotionnel de l’opinion, d’anesthésie de la conscience politique et du sens critique, pour des buts non avoués dont profitent des cercles réactionnaires internationaux qui encouragent et/ou suscitent ces dérives.

    Dans ces conflits internes encore plus que dans les luttes de libération nationale, la lutte armée ne devient légitime et porteuse d’avenir que si elle est engagée en dernier recours, quand les moyens et voies pacifiques ont réellement épuisé leurs effets.

    Alors seulement le recours aux armes, avec un large appui populaire, peut ouvrir la voie à des solutions pacifiques et démocratiques.

    Dénouer l’écheveau compliqué des situations où s’entremêlent les représentations identitaires et les enjeux économiques et stratégiques.

    C’est dans ce sens que novembre 54 a ouvert la voie aux Accords d’Evian.

    En sens inverse, l’épreuve des forces de l’été 62 a préparé les impasses et tragédies survenues un quart de siècle plus tard : massacre d’octobre 88, années noires de la décennie 90, la répression algéroise sanglante des jeunes marcheurs du 14 juin 2001, et le marasme et la fragilité nationale actuels.

À cinquante ans de distance il est à souhaiter que ces enseignements croisés préparent un vrai printemps démocratique et social tel que celui qui était souhaité par l’appel du 1er novembre 54.

C’est l’enjeu, encore en balance des luttes en cours.

Intervention de SH le 22 mai 2014

IREMMO

transcription socialgerie M&S R

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annaba_mars_2013_fresque_murale_pour_anniversaire_independance.pngfresque murale Annaba, après le cinquantenaire de l’indépendance – photo mars 2013.

1er NOVEMBRE 1954

AUTRES LIENS SUR SOCIALGERIE


ALGÉRIE : LE MILITAIRE ET LE POLITIQUE DANS LA GUERRE INDÉPENDANCE ET SES SUITES

par Sadek Hadjerès

HORS SÉRIE DE L’ « HUMANITÉ » – mars 2012

socialgerie – article 772 – mis en ligne le 15 mars 2012

http://www.socialgerie.net/spip.php?article772


[

PCA-CDL (Combattants de la libération)

et FLN-ALN

DANS LA GUERRE D’ INDÉPENDANCE :
LIENS UTILES SUR SOCIALGERIE »

->br435]

socialgerie – brève 435 – mise en ligne le 5 février 2012

http://www.socialgerie.net/spip.php?breve435


COMMENT LE MONDE DU 5 NOV 2005 VOIT L’HISTOIRE PAR LE BOUT D’UNE LORGNETTE IDÉOLOGIQUE – LES COMMUNISTES ET LE 1ER NOVEMBRE 54

socialgerie – article 75 – Date de rédaction antérieure: 6 novembre 2005 – mis en ligne le 27 août 2009

http://www.socialgerie.net/spip.php?article75

le 1er novembre 1954, chez les Benni Yenni

1er novembre 1954 – extraits du livre « En Algérie du temps de la France »;

ed. Tiresias, 1999

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/1954_11_01_2005_01_31_deSH.Galland_1er_Nov_54_B_Yenni.extt_-_921.pdf


·

[

le 1er Novembre 1954
intervention de Sadek Hadjerès au siège du PCF – Colonel Fabien

le 28 octobre 2004

->http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/2004_10_28_de_SH_au_PCF_1_Nov_1954.pdf]

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/2004_10_28_de_SH_au_PCF_1_Nov_1954.pdf

lié à article 76 :

[

UN DEMI-SIÈCLE APRÈS LE CONGRÈS DE LA SOUMMAM

MI-AOÛT 2009

FORUM DU QUOTIDIEN D’ALGÉRIE

->76]

socialgerie – article 76 – mis en ligne le 27 août 2009

http://www.socialgerie.net/spip.php?article76

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JUILLET 1956

L’ALN DANS LES MONTS DE CHERCHELL : LES PREMIERS ACCROCHAGES

cherchell.png Mohamed Rebah
raina-dz.net

le 14 janvier 2015

Dans la zone montagneuse très accidentée de Cherchell, les accrochages avec l’armée française commencèrent au mois de juillet 1956.

La mi-juin 1956, treize hommes armés avaient été envoyés par le commandement de l’ALN de la zone 4 (Blida-Médéa) – plus tard wilaya IV- pour porter la lutte dans cet espace rectangulaire, de 70 kilomètres de long et de 15 à 20 kilomètres de large, qui sépare la plaine du Haut Cheliff de la Méditerranée.

Le premier objectif assigné à ce groupe « éclaireur » était de réaliser la jonction avec le maquis déjà actif de Ténès[[Les premiers jalons furent posés par les communistes de la région dès le dernier trimestre 1955.]] , à l’ouest, dans le cadre du plan général d’expansion de l’insurrection tracé par l’état-major de cette zone.

Les deux chefs du groupe –Ahmed Ghebalou et Ahmed Noufi- chargé de cette mission sont nés à Cherchell. Les anciens membres du MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques créé par Messali Hadj au mois d’octobre 1946), bien intégrés dans la population des montagnes, les aidèrent dans leur mission en prenant particulièrement en charge la campagne d’explication des objectifs de l’ALN : libérer le pays de l’occupation coloniale.

Au plan administratif, le territoire pris en charge était divisé en sept douars issus du démembrement, en 1863, des tribus des Béni Menacer et d’El Ghobrini. Les douars, habités exclusivement par des indigènes, étaient caractérisés par l’extrême morcellement de l’habitat ; un habitat épars avec toutes ses singularités. Les populations, très conservatrices, vivant quasiment en autarcie, avaient toutes la même culture et pratiquaient la même religion. Elles parlaient la même langue, le berbère. Elles avaient le même mode de vie archaïque caractérisé par leur façon de travailler la terre avec des outils rudimentaires (l’araire et la hache à la main), leur façon de consommer, de se soigner, de s’habiller, de se divertir, de construire leur maison (une hutte construite en pisé et en pierre couverte d’une terrasse faite d’un mélange d’argile et de branchages entrelacés avec une étable sous le gourbi).

La colonisation féroce fit que les montagnards, séparés de la zone littorale utile occupée par les colons, furent abandonnés à leur triste sort, l’administration coloniale ne s’intéressant qu’au prélèvement des impôts : « pas d’école, pas de
médecin ni dispensaire, pas d’électricité, pas de route », nous dit un ancien paysan de la fraction Taourira du douar Sidi Semiane, rencontré à Sidi Ghilès où il habite.

« Des gens vivant dans les ténèbres, sans les ressources de base minimales, soumis à l’arbitraire de l’administrateur civil et de son assistant servile, le caïd, désigné à la tête de chaque douar, témoigne Mohamed Younès, un maquisard né à Cherchell.

Ses parents sont originaires du douar Bouhlal. Son compagnon d’armes, Mustapha Saadoun, un vieux dirigeant du Parti communiste algérien (PCA), avait été frappé, à son arrivée au maquis au mois de juillet 1956, par la terrible pauvreté des montagnards. Commissaire politique, il avait eu à arpenter tout le maquis. « Au douar Zatima, sur les hauteurs des monts de Gouraya, les gens vivaient à l’âge de pierre. À Sidi Ouchkine, la famine tuait en hiver. De ma vie, je n’ai vu une telle situation de dénuement. Pour éviter les rafales de vent, les gens vivaient sous terre comme des troglodytes. Livrés à eux-mêmes, ils étaient devenus des loups », nous a-t-il dit en 2008, quelques semaines avant sa mort survenue le 26 janvier 2009.

C’est dans ce douar déshérité de Zatima que les militaires français recrutèrent leurs premiers harkis en leur offrant une maigre solde.

« Au milieu de la désolation – où les enfants, vêtus d’une simple gandoura, marchaient les pieds nus – les garçons venaient à la vie pour garder des chèvres, puis adultes, aller travailler « des étoiles aux étoiles » dans les riches fermes coloniales du littoral, ou bien être des hommes de peine à l’huilerie Buthon, dans la montagne de Dupleix, ou alors tailleurs de pierre au mont des Carrières, au sud de Fontaine-du-Génie », raconte le maquisard Mohamed Younès qui, enfant, partait rendre visite à ses grands-parents restés dans la montagne de Bouhlal.

« Des montagnards, parmi les plus costauds, réussissaient à trouver du travail, sur le littoral colonial, comme cantonniers au service des Ponts et Chaussées. Aux côtés d’autres travailleurs, certains, les plus conscients, avaient intégré le mouvement national. Ils furent les premiers moussebiline », témoigna Mustapha Saadoun qui avait mené campagne, dans les années 1950, contre le recrutement des montagnards, démunis de l’essentiel pour vivre, pour aller faire la guerre en Indochine et servir de « chair à canon » dans le corps expéditionnaire français en contrepartie d’une maigre solde.

Dans cette partie orientale du Dahra, l’occupation du sol par les troupes de l’armée française, venues de France renforcer les forces répressives, se fit par étape. Elle commença par l’est du massif montagneux. Le 17 juillet 1956, le 3ème bataillon du 22ème régiment d’infanterie (22ème R.I) s’installa au centre de colonisation de Zurich puis fixa un PC réduit au centre de colonisation de Marceau. Les maisons forestières lui servirent de postes avancés dans les montagnes. Le bataillon était rattaché sur le plan opérationnel au secteur Est dont le PC se trouvait à Miliana. Pour les stratèges de l’armée française, la vraie guerre se jouait dans ces montagnes farouches. Il fallait « pacifier » ce territoire, c’est-à-dire soumettre tout à leur contrôle.

Pour le petit groupe de l’ALN, arrivé dans la région au mois de juin 1956, tout commença à Adouiya, un lieu escarpé très difficile d’accès, situé sur l’axe Carnot-Dupleix, à 50 kilomètres au sud-ouest de Cherchell, loin des centres de colonisation de Marceau et de Zurich. Son installation fut facilitée par l’imam Sid Ahmed, un homme de culture doté de la confiance de la population.

Les gens de Adouiya sont connus dans l’histoire du mouvement national pour avoir porté les candidats de la liste démocratique[[La liste démocratique était composée de militants et de sympathisants du Parti communiste algérien animé dans la région par Omar Heraoua et Mustapha Saadoun.]] à la Djemaa, en 1946. Mustapha Saadoun, alors militant du Parti communiste algérien, fut pour beaucoup dans ce succès électoral. C’est de Adouiya-un douar relativement politisé- que fut lancée l’opération de jonction avec le maquis de Ténès, à l’ouest.

La deuxième étape de l’extension de la guérilla dans la région fut Hayouna, un ensemble d’habitats dispersés au sommet d’un plateau très élevé, entre oued Sebt et oued Messelmoun. Située sur le versant de Gouraya, à mi-chemin entre la mer, au nord, et oued Chéliff, au sud, cette fraction du vaste douar de Bouhlal (4 000 habitants), offrait par son relief accidenté toutes les commodités pour l’implantation de l’ALN.

Le commando de l’ALN s’appuya sur l’organisation clandestine du MTLD présente au douar depuis longtemps. Ainsi, rapidement, les refuges furent trouvés pour servir de relais aux groupes armés en constants déplacements. Des caches pour le stockage du ravitaillement furent aménagées chez des hommes sûrs, dotés de la confiance de la population, tels que Hadj Larbi Mokhtari, Djelloul Bélaïdi, Mohamed Hamdine, M’Hamed Mokhtari, Larbi Charef et Mohamed Mechenech. « La population était acquise à la cause. De cette société montagnarde sortirent les fida et les moussebiline dont le groupe armé avait besoin. Les femmes préparaient la nourriture. Nous étions comme un poisson dans l’eau », témoigna le doyen du maquis, Mustapha Saadoun.

Le premier accrochage entre le commando de l’ALN et des éléments de l’armée française eut lieu le 18 juillet 1956, au maquis d’Aghbal, à six kilomètres au sud de Gouraya. Le commando, renforcé par de nouvelles recrues arrivées de la ville, notamment des joueurs de l’équipe de football du Mouloudia de Cherchell conduits par Ali Bendifallah, leur capitaine, venait de recevoir des armes de guerre sorties du lot capturé le 4 avril 1956 par Henri Maillot [[Henri Maillot est tombé au champ d’honneur le 5 juin 1956.]].

Ce premier accrochage eut lieu sur le plateau de Saadouna, au pied d’un des plus hauts sommets du Dahra oriental, Iboughmassen, à un lieu enclavé dans une épaisse forêt. L’embuscade fut tendue au col, à la fin d’une pente raide, boisée, caillouteuse. La 6ème compagnie du 3ème bataillon du 22ème R.I, partie de Gouraya, pour mener une opération de bouclage du djebel Gouraya, perdit plus de 50 morts. En se retirant, l’ALN emporta de nombreuses armes de guerre.

Douze jours après, le 31 juillet 1956, sur la piste qui borde l’oued Messelmoun, l’armée française fut une nouvelle fois accrochée. Là aussi, l’ALN récupéra des armes lourdes.

Mohamed Rebah, auteur de «Des Chemins et des Hommes»

Toponymie :
Zurich : Sidi Amar
Marceau : Menaceur
Fontaine-du-Génie : Hadjret Ennous
Carnot : El Abadia
Dupleix : Damous

Sources : http://www.raina-dz.net/spip.php?article710

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pdf-3.jpg LE PARTI COMMUNISTE ALGÉRIEN ET LE DÉCLENCHEMENT DE L’INSURRECTION DU PREMIER NOVEMBRE 1954

william_sportisse_7_-2-68e1b.jpg William Sportisse

raina.dz & LRI

1er Novembre 2014

http://www.raina-dz.net/spip.php?article682&lang=fr

À l’occasion du 60 ème anniversaire du premier anniversaire de l’insurrection armée du premier novembre 1954 en Algérie, la LRI (lettre des relations internationales du Parti communiste Français) a publié dans sa publication du mois de novembre 2014, l’article suivant de notre camarade William Sportisse, ancien dirigeant du PCA :

Le premier novembre 1954 est un grand moment de l’histoire de l’Algérie. Il a reflété l’ardente aspiration d’un peuple à se débarrasser d’un système d’oppression et d’exploitation qui lui était imposée par une puissance impérialiste, en l’occurrence la France, depuis plus de 120 années.
Le groupe de militants appartenant à la mouvance nationaliste du Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques, à l’origine de cette insurrection armée, conserve et conservera le mérite d’avoir eu l’audace de la déclencher, même si pour beaucoup d’Algériens gagnés à la revendication de l’indépendance cela pouvait apparaître qu’elle allait « à l’assaut du ciel » selon l’expression de Karl Marx à propos de la commune de Paris.
À ce moment-là, pour la majorité des Algériens qui composaient les différentes tendances politiques du mouvement de libération nationale, il devenait de plus en plus évident que le choix de la voie pacifique pour mettre un terme à l’oppression et à l’exploitation coloniales avait de moins en moins de chance de s’imposer à ce système qui se perpétuait par les moyens violents et répressifs de sa police, de son armée et de son administration.

Cet événement a-t-il surpris le peuple Algérien et ses partis politiques, comme certains l’ont exprimé quand il s’est produit ou encore aujourd’hui dans leur analyse de cet événement ?

Les choses sont beaucoup plus complexes. Au 6° congrès du Parti communiste Algérien (21-23 novembre 1952), dans son rapport présenté aux participants, Larbi Bouhali, premier secrétaire déclarait : « Quand on voit avec quelle puissance la colère des masses populaires explose dans les pays opprimés, comme en Tunisie, il ne peut venir à l’idée que l’Algérie est un oasis de calme. »
La même année, au cours d’une réunion publique il appelait à élever le niveau des luttes afin de parvenir « à la forme de lutte supérieure ». Ces termes étaient utilisés à la place de  » lutte armée » afin d’éviter des poursuites et des condamnations des tribunaux colonialistes pour « atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de l’Etat » colonial en vertu de l’article 80 du code pénal français.
En quoi donc peut-on parler de surprise ?
Certes de nombreux Algériens s’interrogeaient si le moment avait été bien choisi ?
Sans doute l’une des raisons de leurs interrogations était la crise profonde qui venait de diviser les rangs du MTLD, le plus influent et organisé des partis du mouvement de libération nationale. La désunion régnait également entre les différentes forces politiques du mouvement de libération nationale. Tout cela pouvait être un handicap sérieux à la conduite de la lutte pour l’indépendance.
Cependant d’autres facteurs allaient contribuer à le surmonter.

Craignant malgré tout le soutien populaire qui pouvait être apporté, en armes et autres moyens matériels et financiers, à l’ALN dont elle était dépourvue au début de l’insurrection, le système colonial s’est engagé aussitôt avec son obstination coutumière dans une large campagne répressive essentiellement dirigée dès les premiers mois de la guerre contre les couches laborieuses des villes et des campagnes et les militants de tous les partis composant le mouvement de libération nationale.

Loin d’être intimidés par cette répression, les couches populaires du pays et les militants appartenant aux différents partis du mouvement de libération nationale, contrairement aux calculs du système colonial, se sont alors engagés de plus en plus dans le combat actif contre le colonialisme.
Ils ont rejoint les rangs des groupes armés, les ont soutenus en les informant sur les mouvements et les activités des organes répressifs du système colonial tout en leur apportant une aide matérielle et financière dont ils avaient un grand besoin. Ce soutien populaire dont le couronnement fut marqué par les grandes manifestations populaires de décembre 1960 et de juillet 1961 fut décisif pour imposer la négociation après environ huit années de luttes.

De son côté, à la veille du premier novembre 1954, le Parti communiste Algérien s’était renforcé grâce à son action anticolonialiste et anti-impérialiste, sa politique et ses efforts constants en faveur de l’union de toutes les forces nationales.

Son implantation parmi les couches populaires du pays et son audience y compris dans les rangs des deux autres partis nationalistes (MTLD et UDMA) et de l’Association des Oulémas s’étaient élargis.

C’est pourquoi, même s’il n’avait pas été associé à l’organisation de l’insurrection du premier novembre, sa première réaction fut réaliste même si elle a pu comporter certaines insuffisances.

Elle se référait à la fois sur l’aspiration profonde d’une large majorité des Algériens à l’indépendance et en même temps prenait en compte le niveau d’organisation et la possession de moyens matériels nécessaires insuffisants pour mener la lutte armée combinée aux autres formes de lutte.
C’est pourquoi, pendant toute une période, de novembre 1954 jusqu’à septembre 1955, date de son interdiction, le PCA s’efforcera d’utiliser les moyens légaux encore existants pour élargir et renforcer la lutte sous toutes ces formes.

Dans son ouvrage « l’Algérie en guerre », Mohamed Teguia, ancien officier de l’A.L.N., écrit ce qui suit à propos de la déclaration du Bureau politique du PCA, en date du 2 novembre 1954 : « En fait, dans les limites d’une déclaration légale, le PCA a rapidement apporté son soutien au FLN (et il a été le seul, en tant que parti à le faire officiellement) dans cette déclaration, même si certains passages sont ambigües, comme celui qui faisait référence à des négociations « qui tiendraient compte des intérêts de la France ». Mais ces termes là sont employés dans la proclamation du premier novembre 1954 du FLN et repris plus tard par le FLN dans la perspective des négociations. »

Il écrit encore : « Si le PCA ne se décide pas à s’engager officiellement dans la lutte armée que lors de la réunion de son comité central du 20 juin 1955, il aura auparavant mené de front plusieurs luttes légales combinées à des démarches à caractère secret sur les lieux des combats, notamment dans l’Aurès pendant que ces cellules sont préparées dans diverses régions (Mitidja, Chelif, Tlémcenois) pour le passage éventuel à la lutte armée, le contact était recherché avec le FLN depuis novembre 1954. »
Après avoir rappelé la visite faite dans les Aurès, en février 1955, par une délégation du PCA composée de Rachid Dalibey, membre du Bureau Politique, Alice Sportisse député, René Justrabo (délégué à l’Assemblée Algérienne) , Azzedine Mazri, le docteur Camille Larribère, Laïd Lamrani, bâtonnier de l’ordre des avococats de Batna et Mohamed Guerrouf ( les six étaient membres du comité central du PCA), Mohamed Teguia écrit encore : « Guerrouf avait pris des contacts dés le mois de novembre 1954 avec des responsables (dont Ben Boulaïd Mostefa) et des combattants de l’ALN de l’Aurés, parmi lesquels s’étaient engagés les paysans communistes de cette région, notamment Hamma Lakhdar, responsable de la section communiste d’El-oued, qui dirigeait une katiba » qui selon Soustelle (gouverneur général de l’Algérie à l’époque) a été « anéantie avec son chef le 18 août 1955 à Guemar dans les oasis du Souf. »

Mohamed Teguia poursuit : « Les paysans communistes de l’Aurés qui rejoignirent l’ALN se comptaient par dizaines sur les centaines d’adhérents du parti dans la région de M’Chounéche, Tadjemout, de Zelatou, du Souf et.. Un ancien mineur communiste, Sadek Chebchoub, recherché à la suite d’une grève meurtrière à la mine d’Ichmoul tenait le maquis depuis 1947.. » [[Mohamed Teguia : « L’Algérie en guerre » (OPU) pages 259 à 267. ]]
Il est utile de préciser que cet engagement des paysans communistes à la lutte armée au lendemain du premier novembre 1954, fait suite à une décision de la direction du PCA fixant un pourcentage de ses effectifs qui devait rejoindre l’ALN dans les zones où elle activait.

Ajoutons d’autres faits qui méritent d’être également signalés. En mai 1955, après l’arrestation de notre camarade Ahmed Keddar, dirigeant de la section communiste de Duperré (aujourd’hui Aïn-Defla) et membre de son comité central, une marche de protestation vers Miliana pour exiger sa libération, organisée par le PCA, mobilise des fellahs de la région et les mineurs du Zaccar. Des heurts avec la police se produisent et de nombreux manifestants sont blessés.

Mais le commissaire de police Giscard qui dirigeait la répression de la manifestation est enlevée par les manifestants. Le militant communiste de la section du PCA de Duperré, Ahmed Ben Djilani Embarek dit Zendari au maquis, futur capitaine de l’ALN, est l’auteur de l’enlèvement de ce commissaire, à la suite duquel il rejoignit le maquis. Il tombera au champ d’honneur le 7 janvier 1961.

Par ailleurs, n’est-ce pas le colonel de l’ALN Dehilés Slimane dit Si Sadek qui rappelait dans une évocation du premier novembre 1954 le rôle joué par le quotidien « Alger républicain » dirigé par des communistes qui, avant son interdiction en septembre 1955, informait, malgré la censure, les maquisards de toutes les actions armées qui se déroulaient sur le territoire. Ce quotidien avait partiellement joué un rôle de coordination avec la diffusion de ces informations utiles aux moujahidine et à leurs chefs pour leur combat.
De son côté l’émission radiophonique des trois partis communistes du Maghreb qui se trouvait à Budapest (capitale alors de la République Populaire de Hongrie) après avoir diffusé l’appel du FLN du premier novembre 1954, relatait chaque jour sur ses ondes, en leur donnant la priorité, les actions armées menées sur le territoire national.

Ce rappel de quelques exemples sur l’attitude des communistes algériens et de leur parti, au lendemain du premier novembre n’a pas pour objectif de surestimer leur rôle dès les premiers jours et mois du déclenchement de la lutte armée qui fut l’œuvre de militants nationalistes du MTLD qui ont réussi à rassembler dans et autour du FLN et de l’ALN toutes les forces politiques du pays, (nationalistes, communistes et patriotes sans parti).

Il a pour objectif de rappeler la vérité historique souvent déformée par ceux qui, par anticommunisme de classe ou guidés par des préjugés d’un autre âge, ont voulu effacer cet apport des communistes à la lutte libératrice.
Ce que condamne Slimane Chikh, historien et enseignant qui, dans son ouvrage « l’Algérie en armes », a écrit : « Le tribut payé par le PCA au cours de la lutte de libération nationale est assez lourd. Le pouvoir colonial ne l’a pas épargné. » [[Slimane Chikh : « L’Algérie en armes » (OPU) page 316]]

William SPORTISSE

Sources : http://www.raina-dz.net/spip.php?article682&lang=fr

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L’AFFAIRE MAURICE AUDIN AU TRIBUNAL À MARSEILLE

par Gilles Manceron

le 26 septembre 2015

Mediapart – blog

pdf-3.jpg Le 22 septembre, la poursuite en diffamation du général Maurice Schmitt contre un ancien combattant en Algérie devenu militant anticolonialiste a eu pour effet que, 58 ans après les faits, un tribunal s’est enfin penché sur l’affaire Audin, cet assassinat en 1957 par l’armée française d’un militant du Parti communiste algérien.

Alors que, depuis 1957, tous les pouvoirs politiques ont fait en sorte que l’affaire Audin ne parvienne jamais devant la justice, la plainte en diffamation du général Maurice Schmitt – ancien chef d’état-major des armées de 1987 à 1991 –, contre Henri Pouillot – ancien appelé en Algérie, affecté en 1961 à l’intendance d’un centre de torture à Alger, aujourd’hui président du réseau «Sortir du colonialisme» –, a conduit à ce que, le 22 septembre 2015, le tribunal correctionnel de Marseille se penche longuement sur un assassinat qui, pendant 57 ans, a fait l’objet d’un mensonge d’Etat. On peut s’étonner qu’à l’exception de deux quotidiens, L’Humanité ->http://www.humanite.fr/laffaire-maurice-audin-devant-la-justice-marseillaise-584665] et La Marseillaise et du site de la Ligue des droits de l’homme de Toulon , ce fait n’a pas été signalé par les médias[Voir en [document joint l’article [ASSASSINAT DE MAURICE AUDIN. LE GÉNÉRAL SCHMITT ÉTAIT-IL DANS LE COUP – Saoudi Abdelaziz – blog algerie infos qui reprend de larges extraits de ces publications]]
.

On sait que, durant la guerre d’Algérie, Maurice Audin, brillant professeur et chercheur en mathématiques âgé de 25 ans, militant du Parti communiste algérien, a été arrêté le 10 juin 1957 à son domicile à Alger par les parachutistes du général Massu, commandant la 10e DP. Depuis le mois de janvier, ils avaient la charge des pouvoirs de police à Alger et pratiquaient massivement arrestations et interrogatoires sous la torture en tenant à l’écart la justice. Henri Alleg, ancien directeur d’Alger républicain, arrêté peu après, l’a retrouvé au centre de détention d’El Biar et a témoigné de ce que, comme lui, il y avait été torturé.

audin_parcours.pngParcours Maurice Audin, Alger 2003 © Ernest Pignon Ernest

Le 22 juin, la jeune femme de Maurice Audin, Josette, enseignante en mathématiques elle aussi, issue d’une famille européenne d’Algérie, restée seule avec trois enfants dont le dernier avait juste un mois, a commencé à comprendre quand elle a reçu la visite de deux parachutistes qui lui ont dit «Vous croyez le revoir un jour, votre mari… Espérez, vous pouvez toujours espérer…» et parlaient de lui au passé. Le 1er juillet, elle a été reçue par le lieutenant-colonel Roger Trinquier, collaborateur direct du général Massu, qui lui a dit que Maurice Audin s’était évadé le 21 juin, au cours d’un transfert où il n’était pas menotté. Sachant qu’une telle version est la couverture habituelle d’exécutions sommaires, elle a accusé les parachutistes de l’avoir tué et déposé aussitôt plainte pour homicide volontaire.

Pendant 57 ans, cette fable de l’évasion suivie d’une disparition n’a jamais été démentie, ni par la «Grande Muette» ni par les autorités civiles de la République. C’est incontestablement le plus long mensonge d’Etat de l’histoire contemporaine de la France (lire ici sur Mediapart). Or l’audience qui a occupé tout l’après-midi du mardi 22 septembre à la chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Marseille a été l’occasion de demander que la vérité soit enfin dite sur cet assassinat, ne serait-ce que pour que Josette Audin et ses enfants, Pierre et Michèle, puissent faire enfin leur deuil.

L’objet de ce procès ? Un passage d’une lettre d’Henri Pouillot – signataire de l’Appel des 171 – au général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, publiée par le journal Le Combattant, dans lequel le général Maurice Schmitt a vu une diffamation à son égard.

Le rôle du lieutenant Schmitt en 1957 précisé au tribunal

L’un des aspects de cette audience est d’avoir apporté un élément important sur l’activité du lieutenant Maurice Schmitt durant la bataille d’Alger. En effet, a été signalé au tribunal le témoignage écrit d’une personne détenue par les parachutistes du 3e RPC durant la bataille d’Alger et décrivant de manière précise son rôle personnel dans les tortures infligées aux personnes raflées. Ce n’est pas la première fois qu’un témoignage est présenté sur ce point. Comme le général Schmitt l’écrit dans son livre “Alger – été 1957. Une victoire sur le terrorisme” (L’Harmattan, 2002), les parachutistes du 3e RPC parmi lesquels il servait comme lieutenant entre le 20 juillet et le 4 septembre 1957, ont détenu et « interrogé durement » plus de 80 personnes soupçonnées d’aider le FLN à l’« école Montpensier » – l’école Serrouy, rue Montpensier – à Alger. Et plusieurs détenus de cette époque ont témoigné des tortures qu’il a dirigées ou pratiquées.

Le 27 juin 2001, sur France 3, dans le magazine « Pièces à conviction », Malika Koriche, ainsi que les 29 juin et 10 juillet 2001 dans le quotidien Le Monde, Ali Moulaï et Rachid Ferrahi (l’article en PDF à télécharger ici) l’ont désigné comme ayant ordonné ou effectué les tortures qu’ils y ont subies. Le 19 mars 2005,dans Le Monde, Rachid Ferrahi a même complété son témoignage en décrivant les tortures endurées par son père, Farid, auxquelles il avait assisté (l’article en PDF à télécharger là).

Le général Schmitt a répondu dans son livre qu’Ali Moulaï, « terrorisé », a parlé sans être torturé, et il a traité d’«affabulations » les témoignages de Malika Koriche et de Rachid Ferrahi. S’est ajouté aussi le témoignage d’un ancien parachutiste du 3e RPC, Raymond Cloarec, lors du procès en appel consécutif aux poursuites en diffamation intentées contre Schmitt par Louisette Ighilariz, à cette époque jeune agent de liaison du FLN, elle aussi détenue et torturée, qu’il avait accusée – ainsi qu’Henri Pouillot – de mensonge lors du débat suivant la diffusion sur France 3, le 6 mars 2002, du documentaire de Patrick Rotman, L’Ennemi intime.

Le témoignage de Raymond Cloarec, confié auparavant à la journaliste du Monde Florence Beaugé, a confirmé sur plusieurs points celui de Louisette Ighilahriz. En outre, cet ancien parachutiste a fait état des multiples tentatives du général Schmitt pour le faire revenir avant l’audience sur ses déclarations – comme le relate Florence Beaugé dans son livre Algérie, une guerre sans gloire. Histoire d’une enquête (Calmann Lévy, 2005) (lire ici).

Mais ce procès de Marseille le 22 septembre 2015 a été l’occasion d’ajouter à ces témoignages un document accablant. Il a été fait état pour la première fois devant la justice de la mention du lieutenant Schmitt dans le récit écrit à l’époque par une jeune algéroise de famille juive, Huguette Akkache, relatant sa détention dans cette école pour avoir soigné un militant du FLN. Ses 42 pages dactylographiées envoyées en février 1959 au quotidien La Croix ont, en effet, été publiées intégralement en 2012, par le journaliste Jacques Duquesne, dans son livre “Carnets secrets de la guerre d’Algérie” chez l’éditeur Bayard. Ce récit avait déjà fait l’objet de publications partielles : des extraits en décembre 1959 par l’hebdomadaire Témoignage Chrétien et le quotidien Le Monde; puis, en 2004, une édition (signalée par Le Monde du 28 octobre 2004 et du 18 mars 2005 – à télécharger ici en PDF) signée du pseudonyme de «H.G. Esméralda» sous le titre d’“Un été en enfer. Barbarie à la française. Alger 1957”, par les éditions Exils à Paris, où les noms des tortionnaires n’apparaissent qu’en abréviations.

Mais Jacques Duquesne a publié pour la première fois le nom de l’auteur de ce récit et les noms entiers des tortionnaires, dont celui du lieutenant Schmitt (orthographié Schmidt), cité à treize reprises. Avant sa longue carrière de journaliste qui l’a conduit jusqu’à présider l’association qui supervise le groupe Ouest-France, Jacques Duquesne avait fait ses débuts comme reporter pour La Croix en Algérie à la fin de 1957. En 2012, dans le Préambule de ses Carnets, il écrit: « A 82 ans, mes années d’Algérie me reviennent. […] Cette guerre que j’avais couverte pour La Croix s’est imposée dans ma mémoire au moment où j’ai rouvert les cartons que j’avais soigneusement ficelés et rangés au fond d’un grenier en Corrèze il y a 50 ans». Et il présente ainsi ce témoignage : «Sur 42 pages dactylographiées, une jeune femme algéroise, mère d’une petite fille, raconte, en termes simples et précis, les 43 jours de détention et de torture qu’elle a subies, à l’école Serrouy, rue Montpensier, près de la Casbah, un établissement transformé par les paras en “centre d’interrogatoire” durant la bataille d’Alger. […] Je ne me souviens pas d’avoir jamais publié l’histoire de Huguette Akkache. Je suis heureux de pouvoir le faire aujourd’hui». Le lieutenant Schmitt y est décrit comme dirigeant les interrogatoires, ordonnant aux bourreaux de poursuivre ou de stopper les tortures, et actionnant parfois lui-même la magnéto tout en lançant de violentes diatribes anti-communistes.

Est-ce la gêne qu’éprouve Maurice Schmitt quand il se rappelle son propre rôle à Alger en 1957 qui l’a fait réagir ainsi, en jugeant diffamatoire cette lettre d’Henri Pouillot suggérant simplement, en septembre 2014, au chef d’état-major des armées qu’on l’interroge sur ce qu’il pourrait savoir des conditions de la mort de Maurice Audin ? Une telle suggestion – qui ne portait pas sur son rôle personnel – paraît pourtant fondée. Schmitt est certes arrivé à Alger un mois après la mort de Maurice Audin mais il a rencontré fréquemment ensuite – il en fait état dans son livre – des officiers de l’état-major de la 10e DP, dont le lieutenant-colonel Roger Trinquier, collaborateur direct de Massu, et le capitaine Alain Léger. C’est son régiment, le 3e RCP qui – comme le rapporte le colonel Yves Godard, commandant alors la zone Alger-Sahel, dans son livre, “Les paras dans la ville” (Fayard, 1972) – a démantelé entre le 28 janvier et le 19 février 1957 le réseau FLN à l’origine d’une première série d’attentats. Il peut donc avoir eu des informations sur les circonstances de la mort de Maurice Audin, même s’il n’était pas à Alger le 21 juin 1957.

Dans son livre “Alger – été 1957. Une victoire sur le terrorisme”, il montre qu’il a une connaissance très précise des évènements intervenus à Alger pendant toute l’année 1957 : il relate ce qui s’est passé avant son arrivée le 20 juillet et consacre tout un chapitre à la suite de la bataille d’Alger, après le 4 septembre, quand lui-même et ses parachutistes du 3e RCP ont été remplacés par ceux du 1er REP. Il nomme même une fois Maurice Audin, dans la phrase suivante: «Il est clair que Boumendjel, Maurice Audin et Larbi Ben M’Hidi auraient dû être traduits devant un tribunal… ». Or — on le sait aujourd’hui avec certitude — Ali Boumendjel et Larbi Ben M’Hidi ont été tués, sur ordre, durant leur détention. Cette phrase de Maurice Schmitt semble donc indiquer que Maurice Audin a, lui aussi, été l’objet d’une décision de mise à mort. Dans ces conditions, il est logique de lui demander s’il peut le confirmer et s’il peut apporter des précisions sur ce point.

Maurice Audin a-t-il été assassiné sur ordre ?

D’autant que les choses ont bougé ces dernières années sur la question de la mort de Maurice Audin. En mars 2012, une journaliste du Nouvel Observateur, Nathalie Funès, a révélé que le colonel Yves Godard a écrit dans des carnets déposés à l’Université de Stanford (Californie) qu’Audin a été tué, sur ordre, par le sous-lieutenant du 6e RPC Gérard Garcet – qui était au début de 1957 l’officier d’ordonnance du général Massu. Puis, le général Paul Aussaresses – commandant, à l’époque, au sein du 1er RCP et chargé par le général Massu de l’« action », c’est-à-dire notamment des exécutions extrajudiciaires – a confié, peu avant sa mort le 3 décembre 2013, au journaliste Jean-Charles Deniau – qui l’a rapporté dans son livre “La vérité sur la mort de Maurice Audin”, paru en janvier 2014 aux éditions Equateurs – que l’ordre de tuer Audin est venu du général Massu et que le sous-lieutenant Gérard Garcet est bien celui qui l’a mis en œuvre. Il est clair pour les historiens que, si – comme l’a affirmé Aussaresses – il y a eu alors un ordre du général Massu, il a forcément été partagé par le ministre résidant, Robert Lacoste.

La déclaration d’Aussaresses a conduit le Président de la République à mettre fin à la version qui a été la thèse officielle pendant 57 ans, celle de l’évasion. Il a reçu le 17 juin 2014 à l’Elysée Josette et Pierre Audin, l’un des fils du disparu, et rendu public le 18 juin un message à l’occasion de la remise du Prix Maurice Audin de mathématiques. Dans ce message, pour la première fois, un président de la République a reconnu que « les documents et les témoignages dont nous disposons aujourd’hui sont suffisamment nombreux et concordants pour infirmer la thèse de l’évasion qui avait été avancée à l’époque. M. Audin ne s’est pas évadé, il est mort durant sa détention ». Cela revient à reconnaître que, pendant 57 ans, les autorités de l’armée et de la République ont fait d’un mensonge leur vérité officielle.

Mais de quoi Maurice Audin est-il mort alors qu’il était détenu par les parachutistes ? Le Président de la République a écrit dans son message qu’il avait ordonné « que soient engagées des recherches sans précédent dans les archives du ministère de la Défense, afin de découvrir si des documents officiels permettaient d’éclairer de façon définitive les conditions de la disparition de M. Audin en juin 1957. Ces recherches n’ont pas permis de lever les incertitudes qui continuent d’entourer les circonstances précises de la mort de M. Audin, que la justice n’a plus les moyens d’éclairer. C’est aux historiens qu’il appartient désormais de les préciser ». Dans ces conditions, il parait légitime de suggérer au chef d’état major des armées de demander aux officiers encore vivants ayant participé à la bataille d’Alger ce qu’ils savent sur cette mort. Le général Schmitt n’est pas un témoin direct de l’assassinat de Maurice Audin, mais il fait partie de ceux qui peuvent permettre d’établir la vérité. Si l’armée française, aujourd’hui, veut faire la lumière, elle le peut.

Sur la question sur laquelle le tribunal correctionnel de Marseille était saisi, la poursuite en diffamation introduite par Maurice Schmitt, il fera connaître son délibéré le 3 novembre 2015. Fera-t-il référence à l’affaire Audin ? Dans la ville où Pierre Vidal-Naquet, le fondateur du Comité Maurice Audin, était collégien quand ses parents ont été arrêtés avant de disparaître en déportation, on ne peut qu’attendre de la justice qu’elle fasse un pas dans le sens de l’exigence de vérité.

Gilles Manceron

Sources: Mediapart


socialgerie autres articles: (…)

ALGÉRIE: L’INSURRECTION DU 20 AOÛT 1955

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#haut<-] [AOÛT 55 À TRAVERS LES YEUX D’UN ENFANT DE 5 ANS – ÉVOCATIONS DE L’INSURRECTION DU 20 AOÛT 1955 raina.dz – Contribution de Aziz Mouats – le 22 août 2015;


20 Août 1955 « Si nous venons à mourir défendez nos mémoires» L’INSURRECTION PATRIOTIQUE ET POPULAIRE DU 20 AOÛT 1955 MONOGRAPHIE – par SACI BELGAT – socialgerie – le 19 août 2011;


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AOÛT 55 À TRAVERS LES YEUX D’UN ENFANT DE 5 ANS

ÉVOCATIONS DE L’INSURRECTION DU 20 AOÛT 1955

raina.dz

Contribution de Aziz Mouats

le 22 août 2015

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Ce samedi 20 août 1955, j’avais 5 ans et demi et j’ai assisté au déferlement des insurgés à partir du marabout de Sidi-Ahmed qui surplombe la Prise d’Eau. Ce marabout est celui de la famille Mouats qui possède des lopins de terre sur le versant gauche de Béni Mélek.
C’est vers 11h que nous entendons s’élever pour la première fois l’appel au djihad, donnant ainsi le signal à quelque 4 000 fellahs encadrés par des responsables et autres combattants FLN de foncer sur Philippeville, une grande agglomération côtière de 70 000 habitants. Cet appel est de suite relayé par les youyous des femmes et des jeunes filles de la famille.
En face de notre mechta, la famille Messina, le père, la mère et les trois ou quatre enfants, voyant la foule déchaînée, quittent la ferme et remontent s’abriter sur le mamelon. Mais là, ils tombent nez à nez avec une deuxième colonne d’insurgés conduite par Mouats Lyazid, mon oncle maternel. C’est lui qui interdit à ses combattants de tuer les Messina, soulignant qu’ils n’étaient que des métayers. Ils lui doivent donc la vie sauve. Un geste qu’ils oublieront le lendemain, puisque c’est Messina lui-même qui allait dénoncer notre famille aux militaires.
Mon père et mes oncles Salah et Rabah – 14 et 16 ans –, lui revenant du maquis et ses jeunes frères de la ville où ils s’étaient planqués la veille de l’insurrection et s’étaient retrouvés pour la dernière fois, seront cueillis à l’instar des autres membres de la famille le mardi 23 août aux premières lueurs du jour.

En effet, à peine le jour était-il levé que les soldats investissent nos maisons, nous font sortir dehors pour assister à un spectacle macabre. Avec leurs machettes, ils égorgent nos poules et nos lapins qu’ils emportent dans leurs gibecières. Chèvres, vaches, mules et moutons sont également saisis et emportés.
Ensuite, les femmes et les enfants sont rassemblés sous des oliviers. Le soleil est déjà très haut dans le ciel lorsque les hommes qui avaient été rassemblés sont emmenés vers la crête où les attendent les GMC de l’armée.
C’est la dernière fois que je vois mon père et mes oncles vivants.
Puis les soldats se mettent à dynamiter avec des mortiers nos maisons, tout en y mettant le feu. Ils ont certainement dû utiliser des lance-flammes.
Le lendemain, nous avions fait le tour de la mechta et avons passé la première nuit de notre vie à la belle étoile. Un groupe sous un savonnier en plein cœur de la mechta et notre groupe sous un immense jujubier de Saïd Mouats, dont les maisons sont mitoyennes des nôtres. Le savonnier et le jujubier sont encore en vie.
À chaque fois que je retourne à Béni Mélek, je me fais un devoir de rendre visite à ces deux arbres miraculés.
Je me souviens que des décombres de nos maisons, nous avions réussi à retirer uniquement du couscous que toutes les familles indigènes préparent en prévision de l’hiver. Je garde toujours vivace ce goût de brûlé qui me fait penser au napalm. Un goût très particulier qui vous écorche la langue et la gorge et provoque des nausées insoutenables.

Des leaders à l’âge de 13 ans

Mais c’était ça ou rien. Les plus téméraires sont allés cueillir des figues en contrebas des ruines de nos si belles maisons en tuiles rouges de Marseille. Car pendant longtemps, lorsque nous étions autorisés par l’armée à revenir sur les lieux, nous retrouvions partout des éclats de ces tuiles plates, signe d’une urbanité et d’une relative opulence, comparativement aux habitations en « diss » des autres mechtas de la région.

C’est seulement le jeudi 25 que notre voisin, un colon humaniste et libéral, Roger Balestrieri, est venu nous consoler et nous apporter de l’eau et du pain. Je revois encore ses deux ouvriers, Boukhmis, un compagnon de guerre, et surtout Abdelkader Zine, un colosse noir originaire de Touggourt, l’un ployant sous le poids de deux gargoulettes et l’autre sous deux sacs de pain français. Roger, coiffé de son chapeau colonial, à peine la trentaine, peut-être moins, dégoulinant de sueur, parlait un arabe rudimentaire.
Affamés depuis la veille, nous nous jetons sur le pain et l’eau pendant que Roger parle en aparté avec les adolescents que les soldats dans leur furie avaient épargnés. Il s’agit de Hammoudi, Salah, Hafidh et Zouaoui, tous âgés entre 10 et 13 ans.
Ce sont eux qui en l’espace d’une nuit sont devenus de facto les nouveaux chefs de la communauté.

Par le feu et par le sang, la France coloniale, haineuse et sans scrupules, venait de faire passer le témoin entre les générations. Moi-même je devenais ipso facto le mâle le plus âgé de la famille. À moins de 6 ans!

Je vois encore ce bouc impressionnant, avec sa laine blanche et ses cornes acérées se laisser embarquer sans ménagement, comme un vulgaire agneau, par les soldats du 1er RCP. J’avais envie de crier que c’était mon bouc à moi, celui qu’on devait égorger à l’occasion de ma circoncision, soit juste après les festivités automnales et juste avant mon entrée à l’école. Mais ma mère m’a fusillé de son regard, m’intimant l’ordre de me taire et surtout de ne rien faire qui puisse exacerber cette troupe décidée à en découdre.

Se faire une raison

Déjà que j’étais très malheureux de voir mon coq se faire égorger par un soldat, mais les voir emporter mon bouc me rendait inconsolable. J’étais loin d’imaginer la suite.

Voir tous les hommes de ma famille alignés avec les mains sur la tête comme de vulgaires bandits m’indisposait au plus haut point.

Mais ce qui me fera le plus mal, c’est pourquoi j’en garde une blessure profonde, c’est de voir mes jeunes oncles avec qui je faisais déjà les quatre cents coups courber l’échine et partir en file indienne vers une destination inconnue, mais que déjà j’imaginais funeste. Encadrant leur grand frère, ils sont partis pour ne jamais revenir, mais ça je ne le savais pas. D’ailleurs, dans la famille, nul ne savait ce qu’il allait advenir de nos hommes.
Jusqu’au 5 juillet 1962, jour de l’indépendance de l’Algérie, jour de joies immenses, jour de grande ferveur, jour de grosses chaleurs, mais aussi jour de la dernière et de la plus humiliante déception.
Celle de devoir se faire une raison que les 23 hommes embarqués le 23 août 1955 par l’armée française ne reviendront pas. Avoir attendu jusqu’à la fin de la guerre, c’est-à-dire pendant sept longues et interminables années, pour se faire une raison.

Car durant toute cette période, à chaque fois que nos mères posaient la question, la réponse s’est toujours voulue évasive. Tantôt on nous disait qu’ils étaient à Lambèse, tantôt à Berrouaghia, les deux endroits dont j’ai appris à connaître les noms dès l’enfance. Mais à l’époque, ces deux centres pénitentiaires représentaient pour moi une simple auberge où mes parents étaient retenus pour troubles à l’ordre public.

Introuvables charniers

Quelques jours après avoir dormi sur la paille dans cette vieille mansarde mise à notre disposition par Roger Balestrieri, je suis pour la première fois séparé de ma mère et de ma tribu que je venais à peine de connaître. Plus de 80 personnes entre femmes et enfants que les Balestrieri avaient recueillies dans cette ferme désaffectée.

C’est donc vers la fin du mois d’août que je fais connaissance avec mon grand-père maternel. Je ne l’avais jamais vu auparavant, car en ces temps-là, le beau-père ne rendait visite à son gendre et à sa belle famille qu’aux grandes occasions.
C’est pourquoi, jusqu’à ce funeste mois d’août, je n’avais aucune idée de l’existence d’un grand-père maternel. Ma vie se limitait à celle de notre petite famille, avec comme patriarche Si Moha, l’oncle de mon père et donc mon seul et unique grand-père que je vénérais par-dessus tout. Lui était le véritable leader de la famille Mouats.

Le jour de la destruction de notre mechta, il était en ville, probablement bien à l’abri chez une de ses nièces qui habitait le faubourg de l’Espérance. Ayant été informé de ce qui se passait à la mechta et voyant au loin les flammes s’élevant au ciel, Si Moha avait pris la route de Collo qui mène droit à la mechta de Béni Mélek. Il sera arrêté à hauteur de la ferme de Bernard Dimeglio.
Depuis sa ferme, Roger Balestrieri a observé toute la scène. Lui a vu le convoi militaire et aperçu de loin les flammes et surtout la fumée s’élevant du douar. Avec les membres de sa famille et ses ouvriers, ils ont pu se rendre compte que quelque chose de grave se tramait chez nous. Depuis leur ferme qui domine la route sinueuse, ils n’ont aucune peine à reconnaître le vieux Moha se dirigeant prestement malgré son âge vers sa famille qu’il savait en grand péril.
Lorsqu’il se retrouve face à face avec le convoi militaire, il a à peine le temps de reconnaître les siens qu’il est embarqué sans ménagement dans l’un des GMC.
Lui aussi finira avec le reste de la famille dans un charnier que jamais personne n’aura signalé à ce jour. Pas même les responsables du FLN qui ne peuvent pas se soustraire à leur devoir sous un fallacieux prétexte.

Pour une reconnaissance nationale

Car ce qui s’est particulièrement passé ici dépasse en horreur ce que la France coloniale avait érigé en mode de destruction massive.
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le témoignage d’un fils de soldat français, d’autant que nous avions presque le même âge et j’aimerais lui dire combien j’ai apprécié sa contribution. Parce qu’elle donne un autre éclairage de ce que fut cette insurrection. Que d’aucuns cherchent encore de nos jours à instrumentaliser.
À cet égard, après l’excellent livre de Claire Mauss-Copeaux, faisant voler en éclats la thèse de la préméditation – attribuée mécaniquement (machiavéliquement ?) à Zighoud Youcef –, le travail qu’est en train de réaliser Michel Mathiot constitue une contribution majeure à une meilleure connaissance des évènements et des hommes.

Enfin, comment ne pas souligner que dans son édition du lundi 22 août 1955, le New York Times parlait déjà de 12 000 victimes tuées par la répression, surtout que les ratonnades et autres crimes de guerre ont été couverts par les responsables militaires jusqu’au 29 août 1955.

Ce qui ne veut pas dire qu’après cette date, tout serait rentré dans l’ordre républicain, tant s’en faut, puisque l’état de siège a été décrété et les appelés ont été mobilisés en force. A l’évidence, l’insurrection a coûté très cher en destructions et surtout en vies humaines.

Après 60 ans de souffrances, nous avons tous besoin d’un peu d’apaisement qui ne viendra que le jour où nos morts seront enfin reconnus.
Ceci pourrait se faire par l’érection d’un monument national sur lequel tous les martyrs de ces glorieuses journées seront gravés dans du marbre de Filfila.
Est-il injuste d’imaginer que ce monument national pourrait trouver un petit espace en haut du mont Messiouène qui surplombe la vallée du Béni Mélek ?

Aziz Mouats

Université de Mostaganem

Sources: raina dz

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L’INSURRECTION PATRIOTIQUE ET POPULAIRE DU 20 AOÛT 1955

UNE MONOGRAPHIE ÉMOUVANTE ET REMARQUABLE

par SACI BELGAT

socialgerie

le 19 août 2011

pdf-3.jpg Ce témoignage brûle du souffle patriotique qui animait les insurgés depuis novembre 1954. Il a aussi la rigueur scientifique sans concession que mérite le grand tournant survenu au cours de la première année de la guerre libératrice et lui a donné son sens populaire profond. Les uns oublient ou déforment un épisode emblématique, qu’ils trahissent en ramenant sa célébration à un rituel vidé de contenu social et démocratique. Les anciens demeurés fidèles à leur idéal et surtout les nouvelles générations engagées dans les enjeux cruciaux de l’Algérie contemporaine en comprennent de plus en plus le sens profond. Défendre la mémoire des milliers de martyrs du 20 août 1955, c’est aujourd’hui prolonger leur lutte sur le terrain des aspirations et besoins populaires.

Un des moudjahid montant au maquis consolait sa fillette: je te rapporterai une poupée qui s’appelle « HOURRIYA ». Il n’est pas revenu mais le combat de ses enfants, aujourd’hui pacifique, dur et acharné, continue pour conquérir cette Liberté chargée du contenu humain auquel tout un peuple ne cesse de rêver.

L’enjeu aujourd’hui, c’est découvrir et surmonter les obstacles, objectifs et subjectifs, internationaux et nationaux, qui ont contiribué à arrêtre à mi chemin les processus révolutionnaires du changement, ou pire encore à les pervertir par les moyens de la corruption, de l’arbitraire et de la confusion politico-idélogoque

SH socialgerie – août 2011


(Transmis par Fateh AGRANE)

Mon camarade SACI BELGAT me fait l’honneur de m’envoyer son écrit sur la journée du 20 aout 55 a Skikda ou feu son père est tombé héroïquement les armes a la main avec un groupe de ses compagnons pour que vive l’Algérie libre et indépendante.

Sur le chemin de nos chouhada SACI a continué de marcher sans jamais se départir de son idéal et celui de son père, toujours en lutte contre la domination et l’arbitraire pour la justice et le progrès.

Avant de mourir son père voulait que SACI soit pilote d’avion ! … il ne l’est pas, notre enseignant universitaire, mais il vole très haut, sur les miasmes des traîtres et des renégats, il continue son combat pour la dignité humaine , je suis fier de pouvoir l’accompagner, pour honorer les miens aussi tombés au champ d’honneur le 6 juin 1958 et tous les chouhada et militants sincères notre cause anti-colonialiste nationale.

FATEH AGRANE


20 Août 1955

«Si nous venons à mourir défendez nos mémoires»

Ils disparurent en héros dans le fracas des balles, de la grenade et du mortier de la horde coloniale et leurs mémoires furent trahies et mêlées au comble de l’ignominie à celles des planqués qui se construisirent des itinéraires révolutionnaires rocambolesques, et plus grave encore à celles des collaborateurs et supplétifs de l’armée française.

Je veux parler des quinze martyrs de la rue de Paris (Skikda ex Philippeville), selon les documents de l’époque et dix neuf selon Madame Daiboune Sahal Zakia, un témoin de premier plan.

Madame Daiboune Sahal Zakia avait seize ans (16) en Aout 1955. Elle habitait avec ses parents l’une des deux maisons mitoyennes où se sont repliés les moudjahidines qui venaient d’attaquer la garnison de gendarmerie et tenter de libérer les prisonniers en forçant les portes de la sinistre prison de Philippeville.

Elle se souvient et relate les événements comme si, c’était hier. Il est vrai que cette bataille est marquante à plus d’un titre. Les impacts de balles de mitrailleuses, les trous des tirs de bazooka et de mortiers colmatés fraîchement, sont encore là pour témoigner de la violence du combat (voir photos accompagnant le texte). Témoins d’une des plus, âpre et prestigieuse épopée du 20 aout 1955, que les gardiens du temple du ministère des moudjahidines ignorent superbement. Mais est-ce véritablement leur histoire!

Tout, vous prend à la gorge. L’ambiance est d’une telle gravité émotionnelle et je comprends que cette dame altière – droite et fière dans ses soixante quatorze printemps ait gardé une mémoire fertile, pour raconter à ceux et à celles qui pour eux, Novembre et sa suite aient encore un sens.

Elle se souvient, me regarde, me toise et me dit dans une confidence que seule les humbles, ceux qui ont porté à bout de bras la révolution savent le faire. «Mais tu ressembles étrangement au moudjahid que j’ai soigné ici dans la buanderie. Il a tes yeux, ton front, tes sourcils quelle ressemblance mon fils.» Oui c’est mon père et je viens justement à sa rencontre. «Il avait une blessure profonde au front, je lui ai mis du café pour coaguler le sang, il a continué à résister, jusqu’au bout, ils l’ont achevé à la grenade avec ses trois compagnons. J’ai gardé une carte d’identité jusqu’en 1958 et puis par peur des perquisitions je l’ai détruite. Elle était neuve datant de quelques jours. Elle était du nom de «Mokhtar», je ne me souviens pas du nom de famille. Lieu de naissance Saint Antoine. Cette carte je l’ai gardée longtemps. Je la mettais sous mon oreiller. La nuit je me réveillais en sursaut. Ce chahid me soulève et m’embrasse. Que dieu fasse, ils sont au paradis.

Tout ce que nous avons demandé c’est que l’ État algérien fasse de ces deux maisons un musée pour que nos jeunes n’oublient pas l’histoire de ces hommes.»

À ces quinze ou dix neuf résistants, l’armada coloniale a du mobiliser des centaines de parachutistes et de garde mobiles. La bataille a durée cinq heures de 13h 20 à 18h 20. Nous citons en plus de ce témoignage vivant ceux des autres historiens, militaires de l’époque ou colons.

Benjamin Stora, historien de renom spécialiste du Maghreb, dans historical références 2010, rapporte: «Dans la rue de Paris, aussi, il faudra cinq heures aux parachutistes de l’armée française pour anéantir un commando d’une quinzaine d’hommes qui, réfugiés dans une maison, tirent sur tout ce qui bouge et refusent de se rendre».

A son tour l’historienne Claire Mauss-Copeaux, rapporte dans son livre “Algérie, 20 août 1955, insurrection, répression, massacres,” en page 104, cet édifiant témoignage parlant des résistants de la rue de Paris «Le colonel Vismes relève leur « mordant » l’hommage qui leur rend est bref et net : non seulement ils sont très décidé à résister sur place jusqu’à la destruction », mais ils le font. Un autre document militaire précise que des armes lourdes (lance roquettes anti-char et automitrailleuses) ont été utilisées pour les réduire. Mais ils ont tenu et leur dernier combat ne s’est pas conclu avant 18 heures 20. ».

Un autre témoignage sur la toile: intitulé “déchaînement à Philippeville”:

«La fureur exacerbée, une quinzaine d’hommes se sont enfermés dans une maison de la rue de Paris d’où ils tirent sur tous les européens. Les parachutistes donnent l’assaut il dure cinq heures. A la grenade, au gaz lacrymogènes, à la mitraillette, au mortier.»

Pour se suffire à ces témoignages tous concordants, Gilbert Attard, un témoin, dans “une page d’histoire le 20 aout 1955 à Philippeville,” donne sa version: «13h30: une bande de 80 rebelles s’infiltre entre l’hospice et la gendarmerie. Quatorze rebelles se retranchent, rue de Paris, dans une maison occupée par des musulmans. Les youyous des femmes stimulent l’ardeur des hors la loi. Les militaires et les gardiens de la paix en font le siège pendant plus de 4 heures, faisant usage de gaz lacrymogènes et de grenades, un militaire est blessé, l’adjudant chef Maurice Giraud de l’état major de la 41e DPB. Tous les rebelles sont abattus.»

D’après Daiboun Sahal Zakia: les corps étaient méconnaissables déchiquetés par les éclats de grenades et les tirs de bazooka.

«Nous avons été évacués, alignés pour être fusillés. Notre salut nous le devons au commissaire de police «Gati» qui a intercédé en notre faveur et heureusement que mon père était dans son commerce. C’est ce qui nous a sauvés; sinon, on aurait été fusillés. La maison fut réquisitionnée et fermée plusieurs mois. Nous n’avons pu réoccuper notre maison que longtemps après, et puis nous on a rien demandé sauf que l’Etat fasse de cette maison un musée pour la mémoire.»

C’est ce même commissaire de police grande connaissance de mon oncle (Tahar Ben Achour), Garde champêtre de Stora, «Tahar, j’ai reconnu ton frère Messaoud, il était de ceux morts à la rue de Paris, ne me dit pas qu’il a disparu en ce 20 Août».

La sécurité de la famille a prévalu et il fallait garder au secret sa vraie place dans le soulèvement du 20 août 1955, moyennant quelques largesses et royalties versées à gauche et à droite pour garder le secret et éviter le pire, d’autant que la famille pouvait se le permettre, ferme agricole florissante à Ain- Zouit et en d’autres endroits, commerce et primeuriste en pointe à Philippeville, place enviable dans l’administration française.

Ce que j’en tire aussi, mon père comme beaucoup d’autres révolutionnaires, ne se sont pas soulevés contre l’ordre colonial par nécessité alimentaire, comme semble le suggérer certains. Les positions qu’ils occupaient dans la hiérarchie sociale de l’époque ne les mettaient pas en situation de simples desperados de la faim et des maladies récurrentes. Ils avaient un idéal pour leur pays et le prix en importait peu.

Quand Claire Mauss –Copeaux, rapporte en page 102 de son livre (“Algérie, 20 août 1955…”), « En Algérie, aujourd’hui, les mémorialistes affirment que «le secret était total». Seul Zighout Youssef et ses très proches collaborateurs étaient «au courant de la date, de l’heure et des lieux […]. Les militaires et les services de renseignements français de l’époque ignoraient eux aussi ce qui se préparait». Mais cette présentation des faits, qui confirme à leurs yeux la force des conjurés et l’unanimité du commandement FLN, est inexacte. Effectivement, la date de l’insurrection avait bien été révélée l’avant-veille à Brahim, l’un des chefs de groupe, mais ce dernier observe également que la préparation de la « Révolution » avait commencé un mois auparavant, au lendemain de la réunion de Zamane. Parmi ceux qui participaient, tous n’ont pas forcément respecté le secret.»

En effet, l’avant-veille du jour fatidique, mon père avertit son frère «Tahar garde champêtre de la commune de Stora de ne pas se rendre à Philippeville, le jour du samedi 20 août, il lui dit qu’il va se passer des événements violents». Pris de colère son frère lui intima l’ordre de se retirer. De l’avis de la famille qui écouta cette violente altercation entre le benjamin et son frère, jamais, on ne les a vu rentrer dans une telle colère, d’autant qu’il vouait (Messaoud, mon père) un respect mémoriel à son grand frère. Il lui résista et s’en alla sans lui faire les adieux.

Au fond, et même s’il ne lui pardonna jamais cette résistance, moi son fils, je comprends maintenant et à posteriori, le deuil mal assuré de mon oncle. À l’évidence, il se faisait violence, comme si son frère a été happé par une femme plus audacieuse et plus belle que l’amour qui les liait.

En effet, la Révolution était plus forte que les situations acquises. N’est ce pas que cette posture révolutionnaire est en rupture radicale avec le comportement actuel des roturiers de la république dévoyée.

Oui, non seulement que leurs compagnons les ont trahis, mais ils s’inventent des histoires, rapportent pour ceux qui étaient considérés comme des chefs des témoignages tronqués ou nécessairement ils doivent briller par rapport aux chouhadas, aux vrais baroudeurs.

Claire Mauss-Copeaux déjà citée, écrit à ce propos «Mais la légende des chefs luttant au milieu des insurgés n’est pas corroborée par Ali Kafi, qui se présente comme l’adjoint de Zighoud. Dans sa brève relation du 20 août, il observe un silence prudent à propos de son rôle et de celui du responsable du Constantinois.»

Tous les 20 août que Dieu fait (érigée en journée du Moudjahid), des témoins sortis de nul part «des zigotos» s’inventent des histoires qui font douter la jeunesse des vraies batailles pour l’indépendance acquise au forceps par ceux et celles qui n’avaient d’ idéal que celui du recouvrement de la souveraineté et de la liberté pour une nation et un peuple meurtri et exsangue, par l’une des colonisations les plus meurtrières du XX siècle.

Ces mots que me rapporta ma défunte mère sonne encore dans ma tête «au mois de juin, c’est le début de la fenaison- on rentrait le foin, sa belle soeur «parlant de mon père» l’interpella, pourquoi fais-tu tout ça Messaoud, un avion à réaction passait en ce moment, il leva sa tête au ciel, pour que Dib (moi, son fils ainé – du surnom qu’il me donna) puisse piloter un jour cet avion».

Même, si je ne fus pas pilote d’avion et je m’en excuse d’avoir failli à cela, j’ai tenu à pousser mes études au plus loin, rien que pour honorer sa mémoire et lui être fidèle.

La figure tutélaire du père fut de tout temps omniprésente et protectrice. Malgré que j’ai été assez dorloté et baisoté par ma mère, quand je suis en difficulté, je ferme mes yeux et je t’imagine grand gaillard de tes longs et puissants bras me protégeant. C’est dans tes bras que je cherche refuge et non ceux de ma mère.

C’est dire aussi, que le deuil ne se fera, au grand damne, jamais. Nous apprenons à vivre avec et continuons de faire de l’absent le premier compagnon de notre vie.

C’est peut-être ce deuil impossible et l’absence en héritage du père, qui me conduisirent en ce premier été de l’an un «1» de l’indépendance en compagnie de mon jeune cousin Madjid à la recherche des moindres recoins où séjournèrent les moudjahidines.

Que de chemins escarpés, que de ronces, de forêts denses, de ruisseaux, d’oueds et de gueltas traversés. Je ne savais pas pourquoi je le faisais, c’était je m’en souviens une aimantation plus puissante que les coups de gueule de ma pauvre mère.

En un mot ce n’était ni des illuminés, encore moins des assassins comme un certain documentaire de J.P. Liedo les présenta. Ils étaient des hommes aux rêves qui surpassaient ceux qui ont eu la charge de conduire les affaires de la nation à sa libération.

Au moment où ces révolutionnaires de la vingt cinquième heure se racontent les belles histoires justifiant les rentes et les prébendes servi allégrement par les magnats de la république, nous la petite fratrie, les yeux rivés sur la rue de Paris, on ne se parle pas et au retentissement de la sirène, annonçant midi (12H), au premier coup de feu, chacun de nous fait comme il peut pour étouffer ses sanglots.

Saviez vous qu’on n’a même pas un lieu digne où nous pouvons célébrer et honorer la mémoire de notre père. Un lieu où l’on peut se recueillir pour notre tranquillité.

Quelques petites explications à propos du déroulement des événements du 20 août 1955:

Pourquoi le repli en la maison de la rue de Paris: cette maison, je le tiens de ma défunte mère servait de réunion. Les occupants ne sont que les parents de Ramdane, compagnon de mon père qui mourut en héros en sa compagnie.

Monsieur Kafi dans son livre (“du militant politique au dirigeant militaire”), prétend en p. 66, que le PC était établi dans la rue de France. Mais chez qui? Il faut bien une adresse, un nom pour que le témoignage ait un sens historique, si non ce ne sont que des approximations, comme pour bien d’autres narrations.

Non le P.C se trouvait dans la rue de Paris chez les parents maternels de Si Ramdane, et c’est là même où toute la direction opérationnelle laissa sa vie.

La preuve nous vous la donnons.

Pourquoi la deuxième réunion après celle de Zamane, à laquelle mon père participa, fut tenue au douar Lamdjadjda?

Qui s’est occupé de la logistique, et qui connaissait ce douar?

Ce douar se situe en plein massif forestier entre Collo et Skikda, et n’est desservi par aucune route. Il est tellement enclavé qu’il faut de la détermination pour y aboutir.

Il est à un jet de pierre de notre ferme à Ain Zouit. Le seul qui avait une parfaite connaissance du douar était mon père. Nous avons des terres en indivision en ce douar jusqu’à aujourd’hui et les parents maternels de mon père sont de ce douar, et c’est mon père qui reçut de Zighoud l’instruction de préparer cette réunion.

Monsieur Kafi cite en, page 58 de son livre, des noms ayant assistés à cette réunion, puis il conclu furtivement…, et d’autres, mais qui sont ces autres. Ce n’est pas trop d’honneur pour quelqu’un qui prétendument aurait conduit les événements.

Est-il blasphématoire de dire que chaque chahid ait droit à vos yeux à l’éternelle reconnaissance de la patrie qu’il inonda de son sang.

Des noms qu’il cite *…+, aucun n’est de ce douar, ni d’ailleurs de la région pour maîtriser la configuration du terrain; alors qu’en stratégie révolutionnaire c’est la première condition à réunir. Oubli ou manipulations des faits.

Il omet de parler de la réunion à la veille du 20 août qui s’est tenu dans notre maison à Ain Zouit exactement au lieu dit «Aghzib m’gharat», là où est construite notre ferme. Mr Kafi y était présent à la réunion, nous en avons le témoignage d’un survivant du 20 août, Si El Meki, présent à cette réunion. Encore un oubli ou autre chose.

Pourquoi ne parlera-t-il pas de celui qui entraînait les moudjahidines au maniement des armes, au lieu dit «Oued el Maleh», sur nos terres. N’est ce pas que c’est Messaoud Ben Achour mon père ou Belgat selon la convenance.

Qui est ce jeune lettré qui tapait les rapports à la dactylo «stamba» comme on dit dans le langage des ruraux «djebailia» sous la dictée de mon père?

D’après un témoin. Mon père a procédé à l’enterrement du matériel avant le 20 août 1955 et je me ferais un devoir de vérité de les déterrer rien que pour abreuver l’histoire et éclairer la vision d’une jeunesse avide de connaître ses héros, ceux et celles qui ne lui ont jamais menti.

Quant aux sabotages des fermes de colons des Beni-Malek, qui, si ce n’était son groupe, n’est ce pas qu’il en paya le prix avec d’autres pour avoir été arrêtés et écroués quelques jours à Philippeville.

Parlez-nous encore de ce traitre infiltré dans les rangs de l’ALN naissante qui a failli décimer ses rangs. Que d’oublis, de hiatus, pour une histoire sélective et manipulée à souhait.

Pourquoi dans son livre ne parle-t-il pas du signe sacralisant l’engagement du moudjahed, que les résistants les vrais avaient à l’avant bras.

Claire Mauss-Copeaux le rapporte dans son ouvrage p. 88, parlant de Zighout Youcef: «Afin d’engager définitivement les combattants de la ville, il instaure un rituel qui sacralise leur cause et lie les conjurés. Dans le style qui lui est particulier, Ahmed Boudjeriou, le jeune frère de Messaoud, décrit la scène: «Il demande à cheikh Belkacem Kerris de réciter certains versets du coran. Zighoud et si Messaoud [Boudjeriou, le responsable du secteur de Constantine] appellent un à un les combattants pour leur faire prêter serment.»

Ce rituel ne s’est pas limité à la seule région de Constantine. Il s’est tenu partout – là où il y avait des combats et des combattants à engager.

Comment je le sais et d’où je tiens cette information. Ma mère dans ses colères combien légitimes, ravalant ses larmes, étouffant mal ses sanglots, elle me dit «quand je l’ai imploré de rester auprès de vous, vous étiez très jeunes, ta soeur ainée «Titam» née en 1947, n’avait que 7 ans, toi, né en 1951- 3 ans presque 4, et Kaddour, né en mai 1954, ton jeune frère à peine s’il venait de boucler sa première année. Parlant de mon père: «Il me fixa des yeux, remonta sa chemise et me montra un signe sur son avant bras, j’ai prêté serment et je ne peux reculer». Ce serment gravé en son corps, il ne le montra qu’à sa femme. «Mon fils un vrai «thouar», révolutionnaire, il doit avoir ça, si non c’est un faux ou quelqu’un qui est arrivé bien après les premiers révolutionnaires».

Mu, et porté par cette conviction nationale et religieuse, il teint avec son groupe de résistants, avant d’aborder la ville de Philippeville par le faubourg, une prière. Il demanda aux uns et aux autres de se pardonner.

Encore, avec toute la ferveur imposée par le djihad, là où il passait à la tête de sa section, il demandait le pardon aux populations riveraines; en témoignent tous les habitants encore en vie des Beni-Malek.

«c’est Messaoud Ben Achour qui à la tête des combattants qui sont rentrés par Beni-Malek, nous demandait de le pardonner.»

Avant de conclure ce chapitre, nous comprenons pourquoi ni du côté de la France officielle, et encore moins du côté des locataires de la république algérienne dévoyée n’a intérêt à ouvrir les archives et laisser place à la recherche et à l’investigation historique, au lieu des légendes auxquelles presque personne ne croit.

Prébende et mépris:

Vous, vous avez édifié des palais pour vous et vos concubines, nous nous eûmes droit à votre mépris.

Que fut la réponse à ma défunte mère d’un de vos gardiens des fausses mémoires, que vous nommiez dans votre jargon «responsable des anciens moudjahidines». Elle s’inquiétait pour son dossier d’attribution d’un logement décent en 1984 qui n’aboutissait pas. En lui faisant remarquer qu’elle est la veuve du Chahid Messaoud. La réponse de ce templier fut «nous on a intérêt dans les vivants, les morts ils sont partis».

Ignoble, c’est malheureusement cette race qui a terni l’une des plus prestigieuses révolutions populaires de ce XX siècle.

La descente aux enfers n’est pas pour autant finie, on continue dans ce cercle bien fermé à se congratuler et à racler les fonds de caisse de l’Etat.

Le saviez vous que sa demande de logement a traîné sans aboutir de 1966 à sa mort c’est-à-dire en 1993.

Le saviez vous qu’aucun de nous trois (03) n’a bénéficié de la république bien plus clémente pour les supplétifs de la coloniale, que pour ceux et celles qui au forceps ont émergé cette nation et son État du néant.

Saviez-vous que le corps de ma mère à sa mort a reposé au domicile de sa fille, avant d’être porté en terre.

Saviez vous pourquoi? Chez elle, la pièce que nous louons chez un privé et qui nous servait de logement est trop exiguë pour contenir le monde venu lui rendre un dernier hommage.

Dieu merci, de nous trois (03), ses enfants, aucun n’a prétendu à votre rente, nous vivons de notre labeur et nous en sommes fiers de porter le nom de celui qui a fait avec les autres l’histoire du 20 août 1955 et de la révolution algérienne.

Ni vous, ni aucun de ceux qui prétendument ont fait le baroud dans les djebels ne peut nous priver de cet insigne honneur.

La seule fausse note c’est quand j’entends des jeunes et des moins jeunes dire chacun son histoire: que les enfants de chouhada ont tout pris. Peut-être, et c’est certainement vrai pour la cour de valets où se mêlent malheureusement d’authentiques enfants de martyrs et d’autres, mais certainement pas pour nous et nous en apportons la preuve chaque jour que dieu fait.

Méprisés par les colons, torturé par les supplétifs de la R.A.D.P :

Que dire, quand à l’âge de six ans (06) «Raz», un sanguinaire de la SAS, me rabroua sèchement à l’occasion de la remise des cadeaux de noël. «Toi, fils de fellaga tu n’auras pas droit au
cadeau»
. Tenez vous bien en arabe du terroir, car ce «sanglier» a grandi parmi nous. Depuis j’ai une sainte horreur des festivités et de tous ce qui peut y ressembler.

Que dire encore quand ma soeur durant sa scolarité était systématiquement agressée par le préposé à la SAS, toujours ce sinistre Raz: «fille du chef des fellagas, et tu oses encore venir étudier».

Il est vrai aussi que pendant la guerre de libération, l’ALN était à nos petits soins. J’ai en mémoire ce responsable politique de l’A.L.N, de 1960 à l’indépendance, quand j’accompagnai ma mère au Djebel, pour recevoir sa solde de femme de chahid. Il était aussi précautionneux et attentif à ma scolarité que ma mère. Nous fûmes adulés à l’indépendance et méprisés dès que la république a changé de locataire.

Lui et les autres, ils ont été au bout de leur serment qu’ils ont honoré devant dieu et les hommes. Mais vous, vous avez fait de nous, leur progéniture des parias de la république, non contents, certains d’entre nous ont subi le supplice des torturés pour avoir osé contester votre histoire. Oui, dans les sous sols de cette république, dont les allées sont squattés par des indus occupants.

Que dire encore de ce tortionnaire grassement rémunéré par la république que nos parents ont fait saillir de 130 ans d’ombre- Non satisfait de torturer son fils , il a attenté à sa mémoire dans un langage de chiffonniers . (Voir témoignage de saci Belgat ; les cahiers noirs d’Octobre 1988).

Une autre vérité sur le commissaire principal de Police à Mostaganem (1988). Après des séances de tortures musclées, un voyage forcé à Alger- au siège même de la DGSN, dans une dernière tentative de me culpabiliser dans son bureau, il me tint ce discours très moralisateur: «vous voyez dans quel état vous avez mis la ville, vous en porter la responsabilité des morts et des dégâts». Je lui répondis, aussi calmement que la gravité du moment l’imposait. «Non, je ne suis pour rien dans ce déferlement de violence, moi je n’ai fait que défendre un idéal ».

Ce commissaire plus tard a fini par être confondu et inculpé dans des trafics de stupéfiants, d’ailleurs comme le responsable des R.G de l’époque et non moins patron en chef de l’équipe de tortionnaires qui s’est acharnée sur ma personne.

Si nous ne connaissons la probité et le désintéressement de nombreux commis de l’Etat, l’on est en droit de se poser la question si cette république n’est habitée que par des malfrats et des dealers.

Cette descente aux enfers justifie ce raccourci populaire «tous pourris», qui ne présage rien de bons et d’horizons sereins pour la suite des événements.

Cerise sur le gâteau, ces gens poussent l’outrecuidance, l’impudence et le zèle jusqu’à se poser comme la dernière digue de protection de la révolution. Si ce n’était la gravité du moment, on aurait ri de leur posture ubuesque. Mais c’est de vous que le pays doit se protéger, et se prémunir des jours sombres qui s’annoncent.

Supplétifs de l’armée coloniale et planqués aux allures de héros:

Venons-en aux supplétifs et planqués que la république mêle au sang des lions des monts de Skikda, de Collo, du Djurdjura et des Aures.

A se demander si ce n’est pas une stratégie pour vider novembre l’insolent le téméraire de sa substance révolutionnaire.

En tous les cas même si, ça ne relève pas d’une stratégie bien huilée, les résultats dépassent en matière de dégâts les attentes des cercles de la coloniale.

Des faits, que des faits du peu que je sais, ou j’apprends de mes contacts. Car quoique l’on ait fait, à la seule évocation du nom de mon père les gens sont d’une grande attention pour nous. Comment ne pas s’étrangler d’émotion et de fierté quand on vous dit textuellement «sauvegarder la mémoire de votre père, il est la fierté de la région».

Le cousin à mon père «Smaïn» qui était du groupe de résistants armés du 20 août 1955, se sépara de mon père avant l’hospice. Nous comprenons que mon père et le commando qui l’accompagna à la rue de Paris avait pour mission de forcer les portes de la prison. Là n’est pas le propos. Cet oncle, revenu indemne du 20 août 1955, a organisé seul l’attaque en Janvier 1956 de la caserne militaire de «Zarzour» à 5 km d’Ain Zouit.

Après les massacres du 20 août et le traumatisme causé à la population, il fallait rallumer la flamme révolutionnaire. Lors de ce coup de maître, il tua d’ailleurs la sentinelle.

En 1959, suite à l’une des plus grande bataille de la région au lieu dit «rmila», à 2 km du village d’Ain zouit. Un bataillon de l’ALN, a tendu une embuscade à un convoi militaire rentrant de Philippeville. Trente (30) harkis et plusieurs militaires français ont été neutralisés. Toute la logistique du bataillon de l’ALN fut préparée par cet oncle. Quelques jours après et suite à une dénonciation venant d’un certain «sendjak» de son surnom, mon oncle fut arrêté. Il subit les pires supplices, de caserne en caserne de centre de torture en centre de torture durant 2 ans. Il ne dut sa libération que grâce à de multiples interventions de ses cousins, bien installés dans le commerce à Philippeville. Au bout des courses cet oncle n’a jamais demandé ou prétendu à une carte d’ancien moudjahid et pourtant ses faits d’armes feront rougir n’importe quel obscur «zozo» ou supposé tel de l’ALN. «Sendjak» au fil du temps, s’est octroyé le titre et la carte d’ancien moudjahid et que vogue la trahison.

Une autre histoire encore plus truculente, car elle montre jusqu’où peut aller la trahison, quand la république est abandonnée aux scories et assimilés du colonialisme.

Au jour du 14 juillet 1960, en parade sur un cheval, un vigile et supplétif de la SAS d’Ain Zouit a chuté de son cheval, on fit venir l’hélicoptère pour le transporter à l’hôpital militaire de Philippeville.

Si la coloniale fit venir un hélico pour l’évacuer à l’hôpital c’est que certainement, il comptait parmi ses supplétifs.

Résultat des courses aujourd’hui, il a une incapacité d’ancien moudjahid de 100% et finit des jours heureux dans une des belles villas de Skikda.

Nous pouvons en raconter d’autres. Tous ceux qui ont été exécutés sur ordre du FLN/ALN dans notre village pour haute trahison sont portés au chapitre de chahid. Vogue la galère de la traitrise, et vous voulez que les jeunes croient un brun à vos histoires.

Face à la traitrise et aux légendes sur-construites, qui ne font plus rêver, des itinéraires de vrais combattants sont passés à la trappe.

En cette année 1959 où la bataille faisait rage dans notre région, deux (2) jeunes arrivés à l’âge du choix: se faire incorporer dans le camp des goums ou rejoindre l’ALN. Ils choisirent le chemin des nobles.

Othmane Beldjoudi, jeune qui travaillait sur nos terres et un autre à qui on donna plus tard le sobriquet du «combattant», je me souviens comme si c’était hier, ils dévalèrent la pente et rejoignirent le groupe des moudjahidines.

Année 1959, année de tous les dangers, l’armée française a miné tous les sentiers par où passaient les moudjahidines. Pour l’anecdote un paysan pauvre pleurait son âne qui venait de sauter sur une mine anti-personnelle au lieu dit «El-Hamoura»; il parlait à son âne déchiqueté par une mine anti-personnelle. «J’ai voulu faire de toi un moudjahid et tu n’as pas voulu, j’ai voulu en faire de toi un goumier et tu n’as pas voulu et voilà que tu viens de mourir sur une mine». C’est dire toute la détresse de ceux qui étaient cantonnés dans les centres de regroupement étroitement surveillés et filtrés par la SAS.

En septembre 1959, au retour d’un séjour en compagnie de ma mère, à Philippeville chez mon oncle maternel qui venait de sortir de prison. Pris dans un ratissage en 1956 à Oued Bibi sur ses terres, il passa trois ans(03) de prison et de tortures sans pour autant qu’il ait demandé à bénéficier de la carte d’ancien moudjahid.

Au détour d’un virage le camion qui nous transportait stoppa net, un homme que je connaissais «Ali Ben Khaled cousin maternel de ma mère, responsable politique de l’ALN de la zone, de qui ma mère recevait de 1956 à fin 1959 sa solde de femme de chahid», sauta dans le camion, il sermonna quelques récalcitrants, me caressa les cheveux, murmura quelques paroles à ma mère».

Un djoundi que je reconnu, c’était Othmane, en m’apercevant, il ne put résister pour venir m’embrasser et me serrer fort dans ses bras. Le responsable politique n’était pas content à l’entrave faite, mais que faire dans ce monde de combat et de cruauté, le cœur des djounouds parlait aussi.

Le téméraire et non moins responsable politique de l’ALN, Ali Ben Khaled, tomba au champ d’honneur en début 1960, et fut remplacé par un autre plus lettré. Son corps fut traîné derrière une jeep dans le village de Stora et exposé sur la place publique.

Quant à Othmane, c’est la dernière fois que je le vois, en 1961 il sauta sur une mine anti-personnelle à El Alia, en compagnie du «combattant» qui lui, laissa ses deux jambes.

À l’indépendance les parents du chahid si Othmane vécurent de la pension qu’on daigna bien leur verser, quant au «combattant», je le voyais, dans l’Algérie souveraine, s’échiner sur son pousse-pousse poussiéreux qui pétarade dans la montée de Ain-Zouit. C’est tout ce que la généreuse république lui offrit pour le consoler de son handicap.

En un mot le destin des uns et des autres ne fut pas identique, quand les combattants de la vingt cinquième heure rotaient des bien –faits de la république, ceux et celles qui ont libéré le pays se sont retirés pour cautériser leurs plaies.

Voilà aussi pourquoi, les instruments de la manipulation de l’histoire, les faussaires et fossoyeurs de la patrie de Novembre, ont mené une guerre à ce courageux, patriote et honnête citoyen – Ben Youcef Mellouk, qui le premier a éventré ce dossier brulant.

Le serment fait aux dix neuf martyrs de la rue de Paris :

  • Belgat Messaoud,
  • Daiboun Saïd,
  • Laïfa,
  • Ramdane,
  • Chebli cherif,
  • Baboun,

Et vous, leurs compagnons dont vos noms resteront pour combien de temps inconnus. Anonymes, vous êtes la lumière qui éclairera nos pas et ceux de votre patrie.

Voilà une histoire toute singulière qui renforce encore, et encore d’avantage mes convictions.

Ceux-là même qui comptaient parmi vos compagnons n’ont pas défendu vos mémoires. Il revient à nous de vous rétablir dans la hiérarchie du sacrifice suprême pour la nation et d’achever votre oeuvre.

Je fais le serment à mon père et aux dix neuf qui l’accompagnèrent dans son combat sur les lieux mêmes où ils ont livré l’une des plus marquantes bataille de la ville de Skikda «la rue de Paris», qu’Août et Novembre refleuriront des belles fleurs des myrtes des monts de Skikda et de Collo et que les chouhadas reviendront fêter l’indépendance de leur Algérie.

Novembre et Août continueront malgré toutes les trahisons à dérouler leur histoire féconde, qui un jour fera bloc avec la jeunesse pour libérer ce pays meurtri par tant de traitrises.

J’ai fait le serment sur les lieux de son sacrifice de ne plus me cacher derrière des pseudonymes et je ne sais quelle veulerie de circonstance. J’ai juré de mettre toute mon énergie au seul service de la patrie pour qu’enfin, le rêve qu’il en fit avec ses compagnons se réalise et pour qu’il n’y ait plus de jeunes qui meurent par désespoir d’un pays mis au seul service de ceux qui ont en fait un cimetière.

Pour paraphraser l’écrivain Congolais, Tchicaya U Tam’Si à propos de son Congo «l’Algérie c’est la quête de mon père c’est aussi la mienne».

Ton héritage même s’il est trop encombrant je l’assume et je le porterai aussi loin que la vie me le permettra.

Nous irons jusqu’au bout de nos convictions et quelque sera le prix à payer.

BELGAT SACI chercheur universitaire,


Références:

Ali Kafi: “Du militant politique au dirigeant militaire” Casbah édition 2009;

Claire Mauss Copeaux: “Algérie, 20 août 1955” éditions Payot 2011-08-13;

Benjamin Stora: “Le massacre du 20 août 1955: Récit historique, bilan historiographique” Historical Reflections Volume 36, Issue 2, Summer 2010 © Berghahn Journals

“Déchaînement à Philippeville” www.histoire-en-questions.fr/…/terreur-massacres-philippev…

Gilbert Attard: “Une page d’histoire. Le 20 août 1955 à Philippeville” l’Algérianiste, n° 127, septembre 2009


Photos témoins de la bataille de la rue de Paris 20 Août 1955 [[Il s’agit ici des photos accessibles sur le document joint]]

SACI- BELGAT

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Mme Daiboun Cherfa:

témoin clé de la bataille de la rue de Paris


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La rue de PARIS: Philippeville


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Villa de la rue de France ou se déroula la bataille


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Impact de balle de mitrailleuse visible


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Impact de balle gros calibre


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Impact de tirs au bazooka récemment colmaté


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Impact d’un tir à l’arme lourde récemment colmaté


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Impacts de balles


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Buanderie où mon père et ses trois compagnons

tombèrent en martyrs, achevés à la grenade

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Barreau sectionné par un tir de gros calibre


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Impact de balle de petit calibre


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Porte par la quelle communiquaient

les deux maisons mitoyennes


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Vue sur les deux maisons mitoyennes de la rue de Paris


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Impact de balle


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Porte par laquelle les résistants sont rentrés

dans les deux maisons mitoyennes


[

sources

socialgerie article 551, août 2011

->551]

haut de page


LES « COMMENT TAIRE » D’UN RESPONSABLE DU MALG

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Messaoud Benyoucef

braniya chriricahua blog

le 29 mai 2015

Les éditions Barzakh (Alger) viennent de publier les mémoires de ‘Abderrahmane Berrouane, intitulés « Aux origines du MALG. Témoignage d’un compagnon de Boussouf ».

1- ‘Abderrahmane Berrouane

(dorénavant AB) est né en 1929 à Relizane, dans une famille aisée -son père étant courtier en grains. Après des études primaires à Relizane, secondaires à Sidi-Belabbès et Oran, il obtient le bac philo au lycée Lamoricière (Oran). Il part ensuite pour la France afin d’y poursuivre des études supérieures. Là, il fera connaissance d’étudiants algériens engagés en politique, entre autres de Sid-Ahmed Inal -militant du PCA- et Mohamed Harbi -militant du PPA, mais très à gauche, les deux étant étudiants en histoire. AB s’inscrira à la faculté de sciences politiques de Toulouse. Le 19 mai 1956, l’appel à la grève des cours lancé par l’UGEMA (cf sur ce blogue “La grève imbécile”) le trouvera en deuxième année de sciences po. Il obtempère et part pour le Maroc dans l’espoir de rejoindre, à partir de là, une unité combattante de l’ALN. Mais il n’ira pas plus loin.

2- Au Maroc

où s’était établi le commandement de la zone V-, il est coopté, après un long entretien-interrogatoire avec un nommé Mabrouk (‘A. Boussouf), pour faire partie du futur réseau d’écoutes et de transmissions que le même Boussouf (chef de la zone V, Oranie) mettait en place. La zone V -qui deviendra Wilaya V après le congrès de la Soummam, août 1956- va servir donc de banc d’essai à l’embryon de service de propagande et d’espionnage de l’ALN. Suivent deux années et demie de long apprentissage sur le tas (le commandant ‘Omar Tellidji, officier des transmissions dans l’armée française qu’il déserta, étant seul spécialiste de ces choses).

[Ici, une anecdote : AB raconte que Sid-Ahmed Inal, « déçu par le parti communiste » , rejoignit à son tour le Maroc et tenta d’entrer en contact avec lui. Boussouf refusa. La prétendue déception d’Inal fait réagir Sadek Hadjerès, secrétaire du PCA et responsable avec Jacques Salort des CDL (Combattants de la libération, l’aile militaire du PCA). Voici ce que dit Sadek Hadjerès à ce propos :

« L’auteur a la probité de ne pas occulter le segment étudiant de son parcours, mais dans le bain nationaliste hostile, il n’a pu s’empêcher de tordre un fait dans le sens de la doxa anticommuniste, malgré le portrait élogieux qu’il a dressé de Ahmed Inal.

Voir par exemple ce qu’il dit page 50 et page 56. Dans cette dernière, il décrit (en passant et de façon furtive) son (Inal) engagement au FLN comme celui d’un communiste déçu. Tout à fait contraire aux faits et à son parcours. C’est en fidélité à son engagement organique communiste qu’il a pris toutes ses décisions, en accord total avec son parti.

Avant 1955, nous étions déjà lui et moi en relation et coopération entre Alger et Paris depuis deux ans à propos de nos associations étudiantes. À l’automne 55, nous avons eu à Paris des discussions de groupe sur les questions politiques, idéologiques et culturelles (à l’une ou deux d’entre elles, avait assisté Harbi, que m’avait présenté Aziz Benmiloud qui était un ami commun). Puis j’ai discuté avec lui (Inal) longuement le long des quais de la Seine et il a été convenu entre nous qu’il rentre au pays comme membre du PCA et des CDL.

Ce qu’il a fait peu après en engageant son travail de masse à Tlemcen. Pendant les vacances scolaires de Noël (il était prof de lycée) il a fait le compte rendu de ses activités transmis par Colette Grégoire (NB : la poétesse Anna Greki, compagne de Sid-Ahmed) qui a rencontré à Alger Lucette Larribère à Blacet El aoud (NB : Place du gouvernement, Alger).

Nous avons eu plus tard des échos de ses activités au maquis et notamment la lettre admirable où il réaffirmait son attachement à l’idéal socialiste.
On est loin du comportement d’un communiste déçu, mais ça faisait partie de la posture nationaliste (y compris exprimée dans la plate-forme de la Soummam) de nier les faits. »
[[ Correspondance personnelle]]

3- Après la fondation du GPRA

(Gouvernement provisoire de la république algérienne, septembre 1958), Boussouf est nommé ministre des Liaisons générales et des communications (ministère qui deviendra quelque temps après celui de l’Armement et des liaisons générales, MALG). Boussouf confie le commandement de la wilaya V à son poulain Mohamed Boukharrouba Boumédiène et s’établit au Caire.

Ses lieutenants, parmi lesquels AB, l’accompagnent. On réfléchit à l’organigramme du ministère. AB se voit confier la DVCR (division de la vigilance et du contre-renseignement), le saint des saints des services spéciaux de l’ALN, la structure chargée de ficher tout le monde et d’espionner. AB en sera le chef jusqu’à l’indépendance.

4-Théoriquement donc,AB était l’homme le mieux informé du FLN-ALN.

Pourtant, ceux qui attendraient de lui qu’il lève le voile sur les aspects les plus problématiques de la guerre d’indépendance, en seront pour leurs frais.

  • Ainsi, rien sur Boussouf, sa vie, sa scolarité, son parcours militant, absolument rien.
  • Ainsi, rien sur l’assassinat de ‘Abane Ramdane, si ce n’est pour déplorer les incompréhensions et les malentendus entre les hommes! Rien que du subjectif, donc; pas de divergence politique radicale!
  • Pas un mot sur ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Si-Salah », le chef de la wilaya IV -la plus emblématique du combat de l’intérieur- qui a pris langue avec le général de Gaulle. Difficile de faire passer le baroudeur Salah Mohamed Zamoum pour un traître: on comprend le silence.
  • Rien sur l’hécatombe de colonels de l’intérieur que son service était censé protéger contre les coups tordus de l’ennemi.

    À rebours même de ce que l’on soupçonne très fort aujourd’hui, AB encense le haut fait d’armes que constitue l’acquisition de postes émetteurs ANGRC9, passant sous silence ce que de nombreux historiens et acteurs de la guerre disent: ces postes comportaient des mouchards qui donnaient à l’ennemi la position de l’utilisateur. (Cf sur ce blogue: Regarde les colonels tomber.)
  • Par contre, position très défensive et confuse sur la faillite majeure des services de Boussouf : le carnage de la Bleuite. AB en rend responsable Aït Hamouda ‘Amirouche et son entêtement incompréhensible à poursuivre son œuvre de mort malgré tous les messages que lui envoyaient les services de Boussouf, l’informant qu’il était l’objet d’une manipulation retorse.

    Pourtant, s’agissant de la mort de ‘Amirouche, et en réponse à ceux qui accusent Boussouf de l’avoir fait repérer par radio, AB dit que c’est impossible vu que la wilaya III ne disposait pas de poste radio! Mais alors comment lui étaient parvenus les soi-disant messages à propos de la Bleuite? Ce que tente maladroitement de passer sous silence AB, c’est que la wilaya III n’avait pas de poste radio parce que son ANCRG9 avait explosé, tuant ses servants et manquant de tuer également Mohand Oulhadj (mise au point publique faite par le très officiel président de l’association du MALG, Daho Ould Kablia). Voilà qui rappelle un sinistre précédent : le poste radio piégé qui a tué Mostfa Benboulaïd [[L’explosion du poste radio de la W3 doit se situer logiquement entre décembre 1958 (date de la « conférence » des chefs de wilaya de Oued ‘Asker que ‘Amirouche avait convoquée de sa propre autorité) et mars 1959 (date de la mort de ‘Amirouche et d’El Haouès).

    D. Ould Kablia (dans son intervention au journal Le Soir) qui donnait l’information ne la situait pas dans le temps. (C’était à l’occasion de la grosse polémique suscitée par le livre de S. Sadi. Ce dernier accusait formellement Boussouf et Boukharrouba d’avoir donné ‘Amirouche à l’ennemi. Pour le détail de cette polémique voir l’article « Regarde les colonels tomber »: http://braniya.blogspot.fr/2013/02/regarde-les-colonels-tomber.html)]]
    .
  • Cela dit, AB livre tout de même quelques informations intéressantes pour qui sait faire la part des intentions calculées.
    • Ainsi de l’arrivée de Mohamed Harbi au Caire et de la campagne de dénigrement menée contre lui par ‘Ali Mendjeli (adjoint de Boukharrouba) qui exigeait rien moins que le « jugement » et « l’exécution » (sic) de Harbi! AB prétend que ce sont les services de Boussouf qui ont sauvé l’historien…

      Ce qu’il est intéressant de noter, c’est combien la vie humaine valait peu de chose aux yeux des porteurs d’armes pour lesquels un jugement n’est qu’une formalité précédant la mise à mort, Harbi n’ayant jamais fait autre chose que critiquer ce qui lui semblait aller mal dans la conduite de la guerre. Ce que le PCA avait eu le courage de faire également.
    • Ainsi également de cette information : Boussouf n’a jamais eu qu’un seul ami, un homme en qui il avait une confiance absolue au point de confier à ses adjoints d’avoir à s’en remettre à ce seul responsable dans le cas où lui (Boussouf) serait « empêché ».

      Cet homme, c’est Lakhdar Bentobbal, le responsable réel de la tragédie du 20 août 1955 (cf sur ce blogue: “La dame de cœur”), celui qui a donné ordre d’assassiner ‘Alloua ‘Abbas, neveu de Ferhat ‘Abbas (qui l’aimait comme son fils) et élu UDMA, l’homme qui, alors que la guerre tirait à sa fin, faisait des conférences devant l’armée des frontières pour mettre en garde contre… le danger communiste! Soit dit en passant, cette confidence de Boussouf suffit à ruiner les affirmations de Bentobbal à propos de l’assassinat de ‘Abane Ramdane: Bentobbal a toujours dit qu’il avait consenti à l’emprisonnement de ‘Abane, pas à sa mort. On n’en croit rien: comment Bentobbal aurait-il pu faire défaut à son ami et alter ego (tous deux originaires de Mila, tous deux descendants de koulouglis, tous deux si doués de savoir-faire expéditif en matière de condamnation et d’exécution)?
    • Enfin la troisième information : à quelques semaines de la proclamation de l’indépendance, des djounouds de Boukharrouba commandés par Tayebi Larbi, investissent le centre des données de la DVCR à Rabat et emportent toutes les archives. Idem pour le centre de Tripoli (plus important lieu de stockage des archives du MALG), dont le chef, ‘Abdelkrim Hassani, passe à Boukharrouba en mettant tous ses documents à la disposition du chef de l’état-major général (EMG). (AB, quant à lui, aura été ébranlé par la cabale que Laroussi Khélifa, secrétaire général du MALG et homme de confiance de Boussouf -qu’il trahira au profit de Boukharrouba-, monta contre lui dans le vain espoir de le démettre!) Que Boukharrouba n’ait rien eu de plus pressé à faire que main basse sur les archives du MALG, ce genre de question n’interpelle pas AB. (Par ailleurs, AB veut-il suggérer au lecteur que tout ce qui est arrivé après l’indépendance ne concerne plus le MALG?)

Au total, on sort de la lecture de ces mémoires avec le sentiment d’une très vive déception, à la mesure des attentes que suscitaient les débuts prometteurs du texte: tout avait bien commencé, en effet, avec un luxe de détails autobiographiques (ce qui n’est pas si courant avec les acteurs algériens de la guerre), la mention des amitiés progressistes (Inal, Harbi) -ce qui là encore n’est pas courant tant l’anticommunisme a marqué ces mêmes acteurs-, tout cela respirait la sincérité et une certaine fraîcheur.

Très vite, cependant, on retombe dans les ornières de la narration stéréotypée des anciens combattants, avec des « Si Flen » obséquieux à profusion, avec cette tendance à l’exagération des exploits supposés de ses propres services, avec cette incapacité à tenir la moindre distance critique avec son action. Et que dire de l’absence de réflexion sur ce qu’est devenue l’Algérie actuelle, l’Algérie telle que l’a façonnée la SM, fille du MALG ? Si des hommes cultivés tels que AB ne sont pas parvenus à soumettre leur propre pratique à la réflexion critique, c’est à désespérer.

Il y aurait en effet de quoi désespérer : dans les dernières lignes du livre, AB répond aux détracteurs du MALG historique. Quelle est sa réponse ? Ce sont des ennemis connus de la Révolution et nous avons des dossiers sur eux. Qu’ils se le disent !

Voilà, c’est dit. Chassez le naturel…

Le dernier mot à Sadek Hadjerès :

« Chez Berrouane, la vision d’appareil hégémonique me parait tempérée par un patriotisme qui a été influencé par son passage dans les milieux étudiants qu’il appelle « progressistes » parisiens de 1954-55. Ils étaient en fait les groupes de langue algériens du PCF que j’ai connus directement en septembre-octobre 55 lors d’une mission d’une quinzaine de jours (la date exacte peut être retrouvée, celle des entretiens de Bichat à la Salpêtrière) qui m’avaient servi à couvrir mon séjour parisien.

L’ouvrage de Berrouane est évidemment pro domo, le mérite étant qu’il donne des références factuelles intéressantes.

Mais sur le fond, l’histoire est la plupart du temps réduite aux actions louables des appareils (réelles ou exagérées), les défaillances sont liées à des faiblesses et facteurs personnels.

Quant au soubassement fondamental des orientations, il est grossièrement occulté jusqu’à gommer totalement le fait historique et significatif dominant, celui de l’assassinat de Abane Ramdane »
.[[ Correspondance personnelle]]

Messaoud Benyoucef

le 29 mai 2015


abane_ramdane.png

Photo de ‘Abane Ramdane


POUR DJAMILA BOUPACHA

djamila_boupacha.jpg

Évocation de Djamila Boupacha

VIDÉO – ARTE

2011

 Barjac Production – Telfrance

signalé par un visiteur du site

pour voir cliquer sur le lien

djamila_boupacha.jpg

https://www.youtube.com/watch?v=bZ93INwPPik

POURQUOI LE 1er NOVEMBRE 1954?

pdf-3.jpg texte revu en septembre 2015

Thème de la table ronde organisée à Paris par l’IREMMO
[[ IREMMO SEMAINE SPÉCIALE ALGÉRIE

du 22 au 25 MAI 2012

  • http://www.socialgerie.net/spip.php?breve517
  • http://iremmo.webou.net/spip/spip.php?article185
  • http://www.youtube.com/watch?v=E3IYRjUb190#t=12]]

le Mardi 22 mai 2012:

“Pourquoi le 1er novembre 1954 ”

Pour accéder à l’enregistrement de cette conférence animée par Gilbert Meynier, Sadek Hadjerès et Sylvie Thenault,

cliquer ci-dessous

enregistrement accessible sur YouTube avec le lien suivant

intervention de Sadek Hadjerès: 24 : 54 à 54 :33


“Pourquoi le 1er novembre 1954 ”

table ronde- conférence à 3 voix

organisée à Paris par l’IREMMO

le mardi 22 mai 2012 :

Transcription de l’intervention de Sadek Hadjerès

de 24 :54 à 54 :33

Je vais essayer de respecter moi aussi le planning

Je crois que Gilbert a bien situé le cadre historique et politique de l’insurrection de 54

En ce qui me concerne, je vais plutôt aborder la facette sous l’angle subjectif : Qu’est-ce qui a amené à cette idée de lutte armée? Qui a donné à l’idée de lutte armée un tel poids?

Pourquoi les Algériens ont-ils rapidement fait masse autour d’une voie, qui au départ, en novembre 54, avait les apparences de la fragilité

Comme Gilbert l’a dit, on peut dire, pour paraphraser Jaurès… le ciel de l’Algérie était lourdement charge des nuées du colonialisme, et que l’orage de l’insurrection était inévitable ; ça c’est une explication juste mais générale,

En fait des questionnements surgissent, quels sont les spécificités historiques et psycho-culturelles qui ont rendu ce, le soulèvement de 54 concevable, et puis qui l’ont marqué de cette particularité?

Par exemple, Pourquoi le 1er novembre 54 n’a pas été, comme ces orages méditerranéens, très violents mais de courte durée, et suivis d’éclaircies?

Pourquoi à la différence des insurrections du siècle précédent, ces premiers coups de feu de 54, bien sûr ont été suivis d’une accalmie très passagère, mais, ils ont débouché sur une guerre qui a duré 7 ans, et qui a balayé finalement l’édifice colonial, qui était présenté comme éternel en 1930, à l’occasion du centenaire de …

Il y a une autre spécificité dans cette entrée dans une guerre asymétrique :

Pourquoi le peuple algérien a dû consentir tellement de sacrifices prolongés, alors que dans l’espace maghrébin et africain, beaucoup de pays étaient parvenus, presque sans coup férir, à la reconnaissance de leur droit à l’autodétermination, bien sûr il y avait l’influence du contexte du soulèvement algérien… ?

Donc, ce 1er novembre, ça a été un pari, celui d’une avant-garde nationaliste restreinte, avec une part d’improvisation, parce que, entre autres, pour sortir d’une crise de politique interne au PPA MTLD, mais pourquoi, a-t-il fini par déboucher sur une rupture entre deux époques historiques, pour l’Algérie et pour une grande partie du monde colonisé.

Cet événement, qu’on peut dire emblématique, est devenu une référence plus tard, pour les générations suivantes, il avait même suscité des répliques, des imitations, qui s’étaient avérées fondées pour un certain nombre de mouvements de libération, mais elles ont été aussi moins judicieuses et elles ont avorté dans d’autres pays, quand on en est resté à la théorie à la guerre des focos implantée de l’extérieur, comme cela a été le cas en Bolivie, pour créer plusieurs Vietnams, dont on connaît le résultat.

Encore aujourd’hui, ou même plus tard, souvent quand il y avait une tension de crise, une volonté de changements, on entendait des voix dire « vivement qu’il y ait un nouveau premier novembre ».

Et, pour l’anecdote, je crois que vous savez que même Bouteflika, récemment, a dit que les élections algériennes, législatives, allaient être aussi importantes que le 1er Novembre …

Tout cela repose la question de fond : si l’option de la résistance armée était devenue presque inévitable en 1954, pourquoi les conditions qui l’ont rendue possible et productive par l’Algérie du milieu du 20ème siècle, pourquoi elles ne peuvent pas être reproduites n’importe où, et n’importe quand ?

Là je mets évidemment les facteurs subjectifs au centre de l’explication, mais ce n’est pas du tout à l’encontre du socle objectif des facteurs géopolitiques, mais simplement pour dire que les conditions objectives – je crois que le cadre historique qu’a tracé Gilbert le montre bien- mais ces conditions objectives ont été relayées par des motivations d’ordre psychologiques et culturelles. C’était une greffe compatible, une adéquation entre l’objectif et le subjectif et cela était vraiment la condition du succès.

Quelles étaient ces motivations ?

L’insurrection du 1er novembre, comme je l’ai dit avait été un pari audacieux sur la suite des événements, mais en aucune façon cela n’a été un miracle. A propos de miracle, Gilbert sait aussi, que dans le monde arabe, on a souvent parlé de « الجزائر بلاد العجائب » «Algérie pays des miracles», on a beaucoup aimé les interprétations magiques.

Mais en fait le succès final n’a pas relevé du seul volontarisme, parce que, à lui seul, il n’aurait accouché que d’une tentative glorieuse, mais avortée.
La vérité c’est que, dans le cadre d’un rapport de forces objectif, national et international, qui était de plus en plus favorable, ce potentiel subjectif interne s’y prêtait.

Le 1er novembre, de ce point de vue, est le résultat d’une longue maturation dans les opinions algériennes. Et il y a deux facteurs complémentaires qui se sont forgés l’un et l’autre dans le cours du processus historique.

D’un côté il y avait les imaginaires, le psycho-culturel avec des représentations dominantes dans nos sociétés opprimées, et d’autre part il y a eu les prises de conscience politiques, qui ont été le résultat d’efforts difficiles, pas toujours à la hauteur, mais elles ont été suffisantes, pour féconder, pour soutenir la continuité d’une initiative audacieuse et risquée à la fois.

Comment s’est donc faite cette jonction? Ceux qui avaient initié l’insurrection, ou bien les courants politiques qui ensuite l’ont ralliée, comprenaient bien cette maturation, et je crois qu’ils s’étaient reconnus dans la tonalité de l’Appel du 1er Novembre.

Mais toute autre était la vision d’un certain nombre d’esprits français, naïfs, ou bien embrumés, comme les a priori de la domination coloniale.

Voila : quelques semaines avant l’insurrection, le quotidien français le Monde qui est une référence… pontifiait avec un gros titre, y affirmant que «l’Algérie restait une oasis de paix dans un Maghreb en flammes» , il faisait allusion au Maroc et surtout à la Tunisie, avec les actions croissantes des fellaghas.

À cette allégation, notre camarade Bachir Hadj-Ali, avait répliqué en substance sur deux pages de l’hebdomadaire communiste algérien «Liberté»: «Non, l’Algérie, corps central du grand oiseau qu’est le Maghreb, ne peut échapper à l’incendie qui a enflammé ses deux ailes».

Sur quoi reposait la certitude de notre camarade ? Et bien le rédacteur du Monde aurait été mieux inspiré, de méditer un avertissement qui avait été lancé en 1913, avant la première guerre mondiale, par le député français radical, Abel Ferry, le neveu de son oncle Jules Ferry, fondateur de l’école laïque, et lui aussi imprégné du virus colonialiste, il rappelait au nom des intérêts – à ce qu’il disait- «intérêts et grandeur de la France» que deux éléments constituaient un mélange hautement explosif quand ils se conjuguaient : la misère et l’humiliation sociale d’un côté, les sensibilités identitaires et religieuses de l’autre.

Ces données, géopolitiques de base, échappaient aux spécialistes de la communication et hautes sphères dirigeantes coloniales, qui pour diverses raison se complaisaient à prendre leurs désirs pour des réalités. Elles ignoraient que la passivité apparente des indigènes n’était qu’une posture qui les aidait à survivre. Or, n’importe quel algérien peut attester qu’à cette époque, le rêve de la délivrance massive par les armes, pour peu que l’occasion s’en présente, c’était une obsession qui habitait la majorité de mes compatriotes, de leur enfance jusqu’à l’âge le plus avancé… Encore gamin, je voyais couler les larmes sur le visage de ma grand-mère maternelle dès qu’elle évoquait comment après l’insurrection de 1871, toutes les terres de sa famille avaient été volées, occupées par les Alsaciens-Lorrains, qui fuyaient l’Allemagne de Bismarck. Peut-être c’était une anticipation du phénomène international qui a provoqué la Naqba plus tard en Palestine : c’est-à-dire que des Palestiniens ont payé ce qui s’était passé en Europe.

À l’évocation de ces désastres, ma mère renchérissait, comme pour apaiser sa colère, elle nous racontait dans une espèce de revanche verbale, les exploits «djihadistes», de Sidna Ali, un des compagnons du prophète, un épisode que nous rappelait aussi les contes en prose rimée des meddahs – c’étaient un peu les troubadours populaires sur les places des villages – , qui chaque mercredi -jour de marché à Berraghouia- exaltaient les exploits qui étaient représentés sur des estampes naïves déposées sur le sol, et ma mère ajoutait avec amertume: mais nous, les musulmans, nous ne savons pas comploter, elle le disait en kabyle «our nessi nara an-nafeq-» nous ne savons pas comploter.

Et c’était là le hic, parce que le seul obstacle au passage à l’acte, à la révolte – dans l’imaginaire évidemment – c’était le manque de confiance dans la concertation collective.

Encore enfant, nous exprimions entre nous cette préoccupation d’une façon simpliste et arithmétique : nous les musulmans nous sommes dix fois plus nombreux qu’eux. Si chacun de nous ne s’occupait que d’un seul français – nous disions kaffer ou gaouri – le problème serait facilement réglé. Je signale en passant que cette même recette géniale habitait les phantasmes de nombreux pieds-noirs et adeptes de l’OAS: «Y a qu’à les tuer tous», une recette qui a connu plusieurs débuts d’application.

Mais nous devions nous contenter de ruminer nos incapacités à engager des actions concertées, et apprendre seulement à garder le secret de nos états d’âme contre les mouchards.

Qu’est-ce qui a fait progresser ensuite les mentalités dans toute la société, qu’est-ce qui leur a donné plus d’assurance et d’espoir, leur a appris à jauger avec plus de réalisme le contenu, les orientations de l’action violente ou non violente, la combinaison des divers moyens d’action possibles, l’adhésion à des formes d’organisation nouvelles, greffées sur les traditionnelles structurations patriarcales.

Et bien cette évolution s’est réalisée à travers l’émergence progressive de noyaux associatifs et politiques, d’abord minoritaires – tout à l’heure Gilbert les a évoqués – ; puis cela s’est fait à un rythme plus rapide, plus massif, à partir de la fin des années 30, sous l’influence des événements internationaux de grande importance qui avaient pénétré la scène algérienne, à travers de multiples canaux, jusqu’aux bourgades et les douars les plus reculés, c’est-à-dire les douars ou les bourgades d’où étaient originaires les habitants des villes, ou bien les travailleurs immigrés en France, porteurs d’une culture syndicale et politique minimum.

La courte période du Front populaire en France, malgré le refus du gouvernement socialiste de faire droit à des revendications démocratiques les plus élémentaires, a montré aux organisations, encore minoritaires, qu’il était possible d’accéder aux activités associatives, syndicales, politiques, en dépit des barrages répressifs, de sorte que la combattivité sociale et politique est montée d’un nouveau cran.

Mais c’est surtout le séisme de la deuxième guerre mondiale et des résistances à l’occupation nazie, qui nous a éveillés à la dynamique des luttes pacifiques et non pacifiques.

Après sa défaite de 1940, l’armée française n’était plus considérée par nous comme invincible.

Après le débarquement anglo-américain de 1942, en Afrique du Nord, en Algérie, cette armée faisait piètre figure à côté du spectacle des troupes motorisées américaines.

Les Algériens, au même moment, sont devenus aussi partie prenante, plus consciente, de l’usage des armes, dans les campagnes de libération d’Italie et de France.

Et ensuite, face au repli temporaire de la grosse colonisation, qui avait collaboré avec Vichy, la revendication nationale s’est déployée à travers le regroupement des Amis du Manifeste et de la Liberté, et surtout – en même temps- un très large réseau associatif, culturel, religieux, de jeunesse soute ou sportive, s’exprimer, activer de façon imbriquée, et en parallèle, sur deux registres qui n’étaient pas forcément contradictoires en ce qui concerne l’objectif commun. L’un était pacifique et légaliste, l’autre para-légal, tourné vers des horizons d’actions plus radicales, impliquant le recours aux armes

Ainsi les chants patriotiques en arabe classique ou populaire, et en berbère, évoquaient sans ambages l’idée du sacrifice de la vie pour la patrie, et ils appelaient à ne pas craindre les balles, «ma trafouch men dharb erssas »

Les causeries et les prêches des cercles culturels et religieux exaltaient les victoires militaires de l’islam à sa naissance, en dépit de l’inégalité des forces, comme lors de la fameuse bataille de Badri.

Dans le mouvement scout musulman, dans l’esprit d’ailleurs de son fondateur anglais Baden Powell, l’engagement envers l’idéal scout c’était de mettre un savoir faire technique et paramilitaire au service de la patrie et de ses concitoyens. Et quand un avion militaire allié s’était écrasé sur la montagne voisine, ou bien dans nos contacts avec les troupes des USA, cantonnées près du village, la recherche d’armes, c’était une de nos préoccupations.

L’attrait pour la perspective de la lutte armée allait de paire avec la politisation croissante du mouvement nationaliste, même si cette politisation ne s’accompagnait pas d’une réflexion qui articulait mieux, dans les esprits, les luttes militaires et les luttes pacifiques syndicales, électorales, associatives. Cette insuffisance va être ressentie plus tard dans les sphères dirigeantes nationalistes, par l’improvisation à l’époque du 8 mai 1945, avec des ordres et des contre-ordres d’insurrection, ou bien la façon dont les couches de la paysannerie pauvre, à cette même époque, dans le
Constantinois, avaient réagi d’une façon spontanée à cette répression, faute d’orientations assez claires.

C’est la même carence dans l’évaluation des stratégies des rapports de forces politico militaire qui s’est révélée après la défaite arabe de la première guerre israélo-arabe de Palestine, qui a été une douche glacée, à côté des rodomontades nationalistes qui étaient polarisées sur la puissance supposée d’une Ligue arabe qui était idéalisée à outrance.

Le 8 Mai 45 a eu deux sortes d’effets. La division et le pessimisme avaient été assez rapidement surmontés dans la majeure partie de l’opinion, en particulier grâce à la campagne pour l’amnistie qui avait été initiée par les communistes, et qui a bénéficié d’un rapport de forces favorable sur la scène politique française. En même temps le 8 mai a consolidé l’opinion algérienne dans l’opinion que le colonialisme ne nous laissait plus d’autre issue que la violence armée pour se libérer. C’est à partir de ce moment-là vraiment que c’était devenu une conviction politique assez forte.

Certains courants nationalistes moins convaincus, ou bien sensibles aux séductions des colonialistes des fractions libérales – que l’on appelait libérales à l’époque – concevaient les voies politiques comme opposées à l’option armée et non pas complémentaires.

Mais cette option armée va marquer des succès chez les plus résolus, avec la décision du Congrès du PPA – MTLD de 1947, de créer l’Organisation Spéciale OS

Je ne sais pas si je suis dans les temps / Il te reste 4 minutes

Le démantèlement de l’OS en 1950 n’a pas interrompu l’élan et le débat entre les avantages et les inconvénients de chacune de ces options.

Il y a deux événements qui vont précipiter le projet de recours aux armes :

  • D’abord c’est l’échec du FADRL – le Front Algérien pour la Défense et le Respect des Libertés Démocratiques –. Il s’était constitué en l’été 1951, par l’ensemble des partis politiques, qui ont eu, ensuite, chacun leur part de responsabilité quand il s’est effiloché les mois suivants.

    L’échec de cet élan politique et populaire a renforcé le courant des partisans de l’activisme armé. Mais ce fut d’une façon assez perverse et dépolitisée, avec l’idée fausse, chez nombre de gens déçus, que c’était la lutte politique en elle-même, et non pas l’absence d’une saine politisation, qui était stérile et contre-productive.
  • L’autre facteur, ça a été sur la scène régionale et internationale une série encourageante de changements tel que l’arrivée au pouvoir de Nasser en Egypte, en 1952, il a mis fin à l’aura trompeuse d’une Ligue arabe impuissante et complaisante envers les puissances coloniales, cette évolution ascendante va trouver plus tard son apogée avec le grand rassemblement intercontinental de Bandoeng ; et l’option militaire en même temps va s’inviter davantage avec l’entrée en lisse des fellagas tunisiens, et surtout la grande victoire de Dien Bien Phu.

    Le 8 Mai 1954 a été ressenti chez nous comme une revanche éclatante sur la tragédie du 8 Mai 45. Les Algériens ce jour-là, je m’en souviens très bien, je me trouvais à Sidi bel Abbès, le berceau de la Légion étrangère, c’était le deuil dans la Légion, contrairement à l’habitude, ils ne sont plus sortis de leurs casernes, et les Algériens se répandaient en congratulations traditionnelles, et se souhaitaient un nouvel Aid, une grande fête de libération à venir.

À partir de ce moment l’évolution vers la préparation de l’insurrection ne pouvait pas surprendre même les observateurs les moins avertis.

Et, je voulais ajouter là une note particulière, comment croire dans ces conditions à des affabulations selon lesquelles les communistes ont été surpris, ou, même, auraient réagi de façon hostile à la survenue de l’insurrection. C’était bien mal connaître cette période, que de se fier à des allégations propagandistes, qui s’expliquaient par les enjeux politiciens du temps de guerre, avec les positions hégémonistes de certains cercles dirigeants du FLN, mais qui ont été reprises plus tard en boucle sans vérification, par des médias, ou même des historiens dont ce n’était pas le thème principal de recherche.

Fort heureusement, dans la dernière décennie, nombre d’historiens, anciens ou nouveaux, soucieux d’investigations ouvertes et responsables, se dégagent de plus en plus de ces raccourcis sommaires, et idéologisants vers où les poussait la désinformation ambiante.

Par exemple, lié au 1er novembre, déclenchement de l’insurrection, je signale un article très documenté d’un historien hongrois, Ladzslö Nagy, qui vient de me l’envoyer, qui détaille un épisode significatif et pourtant occulté: l’appel du 1er novembre fut presque aussitôt répercuté par une station radio, émettant en arabe dialectal depuis Budapest, … c’était une station qui émettait en direction du mouvement indépendantiste d’Afrique du Nord. Cette station était animée et dirigée par notre camarade William Sportisse, qui avait été envoyé pour cette mission, depuis le milieu de l’année 54, c’est-à-dire vers juin-juillet, par le Parti PCA et les autres partis communistes du Maghreb. Il avait diffusé le communiqué du 1er Novembre avant qu’il ne le lui soit envoyé par la délégation du FLN au Caire, qui en son temps, en la personne de Aït Ahmed, l’avait remercié et félicité pour cette initiative.

Pour mieux préciser les choses, la direction du PCA n’a pas été surprise par la survenue de l’insurrection qui était politiquement dans l’air et prévisible pour les mois ou l’année à venir.

Ce qui nous a surpris dans la semaine qui a précédé l’insurrection, et au cours de laquelle nous avons compris son imminence – là, je signale que une semaine avant je me trouvais avec Bachir Hadj-Ali et moi-même, avec la section locale du Parti communiste dans laquelle figurait Galland, Jean-Jacques Galland, qui l’a relaté dans un ouvrage, qui avait rencontré 6 mois auparavant Ouamrane, futur colonel de la wilaya IV , et ils en ont discuté toute une nuit, c’est-à-dire ce n’est pas quelque chose qui nous avait surpris – ce n’est pas le fait qu’il allait y avoir une insurrection, c’était l’accélération de son timing, alors que il y avait la crise du PPA MTLD qui s’aiguisait de plus en plus ; parce que nous avions prêté davantage de perspicacité politique aux initiateurs de l’insurrection, à qui Abane Ramdane avait reproché plus tard d’ailleurs en termes très durs la précipitation avec laquelle l’insurrection avait été déclenchée dans de telles conditions.

Par contre, là où j’estime que la direction du PCA aurait dû et aurait pu faire mieux, c’est que, après Diem Bien Phu, d’après ce qu’on m’a dit parce que je n’étais pas encore au bureau politique où il y avait eu des discussions sur l’éventualité d’une lutte armée, je pense, qu’à partir de ce moment-là il aurait fallu anticiper organiquement, préparer des structures parallèles du type de ce qui va être fait ensuite avec les Combattants de la Libération, avant que l’insurrection ne survienne, ce qui nous aurait facilité les dispositions organiques, et un certain nombre de développements politiques ultérieurs dans l’intérêt de tous.

Voila, alors le temps qui m’est imparti ne me permet pas d’aller plus loin.

Nous le regretterons…

Je vais conclure seulement en soulignant que cette question du 1er novembre est d’une grande actualité.

Pourquoi elle est d’une grande actualité ?

Elle dépasse de loin la question du timing et de son accomplissement pratique et militaire.

L’essentiel réside dans la finalité et le contenu politique des soulèvements.

Il y a deux remarques qui me paraissent d’actualité, à propos de cette symbolique du 1er novembre

  • Premièrement : un prétendu novembrisme passéiste, et qui se tient à l’apologie désincarnée de la lutte armée, a servi de couverture idéologique à des dérives anti démocratiques de la part de cercles nationalistes, officiels ou non. Ils se sont mis à invoquer pour eux seuls la légitimité révolutionnaire et le label de la famille révolutionnaire.

    Ça s’est traduit par la crise de l’été 1962 qui a vu s’instaurer par la violence le socle militaro policier du nouveau système de pouvoir.

    Et ensuite, les vertus qui ont été attribuées à la violence armée sans évaluation critique de son contenu, sont à l’origine de fautes politiques graves, désastreuses, tels que les affrontements armés en Kabylie en 1964, puis dans tout le pays pendant toute la décennie de 1990.

    Ce constat a une nouvelle résonnance aujourd’hui en cette saison pas de printemps mais de tempêtes arabes et africaines. Quelques cercles s’étonnent, en le déplorant, de ce qu’ils appellent l’exception algérienne, ils caressent par mimétisme envers le 1er novembre 54 le calcul dangereux d’allumer un feu par internet, ou tout autre scénario planifié.

    C’est ignorer que ce qui a donné du souffle à l’insurrection algérienne en 1954, ce fut avant tout une orientation politique qui était bien en phase avec les aspirations, avec le ressenti et la sagesse populaire, et non pas fondamentalement les instruments pratiques qui ont véhiculé ce contenu, depuis le bouche à oreille, le téléphone arabe ou radio trottoir ou café du quartier, jusqu’au poste radio transistor qui venait récemment d’arriver. Donc c’est le contenu politique qui était déterminant.
  • Deuxièmement, un deuxième enseignement est rendu éclairant par le, les malheurs dans lesquels ont été plongés le peuple de Libye, de Syrie, et du Mali, après les Irakiens.

    C’est le suivant : militariser artificiellement les conflits internes, recouvre souvent des tentatives suspectes d’embrigadement émotionnel de l’opinion, d’anesthésie de la conscience politique et du sens critique, pour des buts non avoués dont profitent des cercles réactionnaires internationaux qui encouragent et/ou suscitent ces dérives.

    Dans ces conflits internes encore plus que dans les luttes de libération nationale, la lutte armée ne devient légitime et porteuse d’avenir que si elle est engagée en dernier recours, quand les moyens et voies pacifiques ont réellement épuisé leurs effets.

    Alors seulement le recours aux armes, avec un large appui populaire, peut ouvrir la voie à des solutions pacifiques et démocratiques.

    Dénouer l’écheveau compliqué des situations où s’entremêlent les représentations identitaires et les enjeux économiques et stratégiques.

    C’est dans ce sens que novembre 54 a ouvert la voie aux Accords d’Evian.

    En sens inverse, l’épreuve des forces de l’été 62 a préparé les impasses et tragédies survenues un quart de siècle plus tard : massacre d’octobre 88, années noires de la décennie 90, la répression algéroise sanglante des jeunes marcheurs du 14 juin 2001, et le marasme et la fragilité nationale actuels.

À cinquante ans de distance il est à souhaiter que ces enseignements croisés préparent un vrai printemps démocratique et social tel que celui qui était souhaité par l’appel du 1er novembre 54.

C’est l’enjeu, encore en balance des luttes en cours.

Intervention de SH le 22 mai 2014

IREMMO

transcription socialgerie M&S R


1er NOVEMBRE 1954

AUTRES LIENS SUR SOCIALGERIE


ALGÉRIE : LE MILITAIRE ET LE POLITIQUE DANS LA GUERRE INDÉPENDANCE ET SES SUITES

par Sadek Hadjerès

HORS SÉRIE DE L’ « HUMANITÉ » – mars 2012

socialgerie – article 772 – mis en ligne le 15 mars 2012

http://www.socialgerie.net/spip.php?article772


[

PCA-CDL (Combattants de la libération)

et FLN-ALN

DANS LA GUERRE D’ INDÉPENDANCE :
LIENS UTILES SUR SOCIALGERIE »

->br435]

socialgerie – brève 435 – mise en ligne le 5 février 2012

http://www.socialgerie.net/spip.php?breve435


COMMENT LE MONDE DU 5 NOV 2005 VOIT L’HISTOIRE PAR LE BOUT D’UNE LORGNETTE IDÉOLOGIQUE – LES COMMUNISTES ET LE 1ER NOVEMBRE 54

socialgerie – article 75 – Date de rédaction antérieure: 6 novembre 2005 – mis en ligne le 27 août 2009

http://www.socialgerie.net/spip.php?article75

le 1er novembre 1954, chez les Benni Yenni

1er novembre 1954 – extraits du livre « En Algérie du temps de la France »;

ed. Tiresias, 1999

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/1954_11_01_2005_01_31_deSH.Galland_1er_Nov_54_B_Yenni.extt_-_921.pdf


·

[

le 1er Novembre 1954
intervention de Sadek Hadjerès au siège du PCF – Colonel Fabien

le 28 octobre 2004

->http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/2004_10_28_de_SH_au_PCF_1_Nov_1954.pdf]

http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/2004_10_28_de_SH_au_PCF_1_Nov_1954.pdf

lié à article 76 :

[

UN DEMI-SIÈCLE APRÈS LE CONGRÈS DE LA SOUMMAM

MI-AOÛT 2009

FORUM DU QUOTIDIEN D’ALGÉRIE

->76]

socialgerie – article 76 – mis en ligne le 27 août 2009

http://www.socialgerie.net/spip.php?article76


« LA GUERRE D’ALGERIE. LES MOTS POUR LA DIRE »

_________________________

LES MOTS POUR LA DIRE, LA GUERRE D’ALGÉRIE

blog braniya blogspot – chiricahua

le 20 septembre 2014

sous la direction de CATHERINE BRUN,

à paraître aux éditions du CNRS,

le 02 octobre 2014.

Quatrième de couverture :

« C’est un lieu commun que les relais médiatiques et les commentateurs pressés manient encore avec gourmandise : la guerre dite d’Algérie aurait été une «guerre sans nom».

Dès l’origine, ce conflit a mobilisé des termes très divers visant à masquer la guerre derrière une prétendue «affaire intérieure» : dire ou écrire «événements», «pacification», «maintien de l’ordre», «opérations de police», ce n’est pas la même chose que de dire ou écrire «révolution», « guerre d’indépendance», «guerre de libération».
Pour chacune de ces options verbales, quels locuteurs, quand, où, pourquoi? Quelle valeur d’usage?
Les textes rassemblés ici émanent d’universitaires, d’intellectuels, d’artistes:
Étienne Balibar, Mathieu Belezi, Slimane Benaïssa, Messaoud Benyoucef, Catherine Brun, Jean Daniel, Daho Djerbal, Fatima Gallaire, Jeanyves Guérin, Jacques Guilhaumou, Pierre Guyotat, Julien Hage, Daniel Lançon, Francine Mazière, Gilbert Meynier, Edgar Morin, Bernard Noël, Nathalie Quintane, Régine Robin, Todd Shepard, Pierre Vermeren.
Ils s’attachent à penser la charge souvent brutale, toujours vive, de termes dévoyés, de silences subis, d’abus de langage.

Ils manifestent la diversité et la concurrence de désignations irréductibles et irréconciliables.

Ils dénoncent les unanimismes de façade. I

ls récusent les réductions et les simplifications consensuelles.

Ils lient cette histoire et notre présent.
Catherine Brun est maître de conférences en littérature à la Sorbonne nouvelle – Paris 3.

Ses travaux portent sur la littérature et le théâtre du deuxième vingtième siècle, et leur rapport au politique.
Derniers ouvrages:
“Engagements et déchirements, les intellectuels et la guerre d’Algérie” (IMEC/Gallimard, 2012);
“Algérie : d’une guerre à l’autre” (PSN, 2014).

Sommaire

Introduction. “Les mots en partage”

Catherine Brun ……..…………………………………………………………… 9
“Désignations d’une guerre en cours”

Pierre Guyotat ………………………………………………….. 29
“Ressentis d’une guerre non déclarée”

Nils Andersson ….. ………………………………………………………………35
“Ce n’est pas ce que c’est”

Bernard Noël ……………. ……………………………………………………51
“Voix et échos de l’opposition à la guerre”,

Julien Hage …..…………………………………………………………………… 53
“La blessure”

Jean Daniel …………………………………………………………… 71
“Mauriac et les autres. Un dreyfusisme
catholique (1954-1957)”


Jeanyves Guérin …………………. ………………………………………75
“Cité des hommes et cité de Dieu dans les écrits
religieux de la guerre d’Algérie”


Daniel Lançon …………. ……………………………………………………93
“Nommer la guerre d’Algérie et ses combattants :
essai d’interprétation des registres linguistiques
et sémantiques algériens”


Pierre Vermeren …………………. ……………………………………113
“La révolution saisit la langue”

Messaoud Benyoucef …………………………………………. 131
“La « révolution » du FLN (1954-1962)”

Gilbert Meynier …. ……………………………………………………………141
“La guerre d’Algérie: une «guerre sans nom»?”,

Slimane Benaïssa ……………………………………………… 167
“Une guerre, deux grottes : lecture croisée
de La Grotte et de La Grotte éclatée”


Afifa Bererhi …….. ……………………………………………………………177
“Je suis en colère”

Mathieu Belezi ……………………….………………………………… 191
“Domestiquer pour réformer. Le rejet français
de la référence «coloniale» pour définir le conflit”
,

Todd Shepard ………………………………………………………. 193
“On va faire quelque chose qui ne se verra
pas dans un endroit où il n’y a personne”


Nathalie Quintane …………………………………………….. 209
“Distorsions verbales et mobilisations littéraires”

Catherine Brun …………………………………………………….. 215
“Une poly-tragédie”

Edgar Morin

(entretien avec Catherine Brun) ……………………………… 229
“La première analyse de discours sur l’Algérie” la thèse
de Denise Maldidier (1969)


Jacques Guilhaumou, Francine Mazière, Régine Robin … …241
“Pour une autre épistémê”

Étienne Balibar et Daho Djerbal …………………………….…255
“Dis- moi de quoi tu meurs”

Fatima Gallaire ……….……………………………………………………… …287
Les auteurs ………………………………………………………. 309
Liste des sigles utilisés ………………………………………….317
Index ……………………………………………………………….319

Publié par Messaoud Benyoucef

http://braniya.blogspot.fr/2014/09/les-mots-pour-la-dire-la-guerre-dalgerie.html


LENS – 19 SEPTEMBRE 2014: « LES DÉSASTRES DE LA GUERRE D’ALGÉRIE » – « L’ASSASSINAT DE MAURICE AUDIN » – « 57 ANS DE MENSONGES D’ÉTAT »

« LES DÉSASTRES DE LA GUERRE D’ALGÉRIE »

« L’ASSASSINAT DE MAURICE AUDIN

57 ans de mensonges d’État »

INVITATION

Monsieur Pierre TARTAKOWSKY

Président national de la Ligue des droits de l’Homme

Monsieur Georges VOIX

Délégué régional de la LDH

Monsieur Alain PRUVOT

Président de la fédération du Pas-de-Calais de la LDH

Monsieur Jean-Emmanuel KLUPSCH

Président de la section de Lens de la LDH

ont le plaisir de vous inviter à la manifestation organisée

VENDREDI 19 SEPTEMBRE

Au COLISÉE de LENS

_ 12, rue de Paris
de 18h30 à 23h

LES DÉSASTRES DE LA GUERRE D’ALGÉRIE

en écho à l’exposition “Les désastres de la guerre” au Louvre-Lens

« L’ASSASINAT DE MAURICE AUDIN – 57 ANS DE MENSONGES D’ÉTAT »
_ en présence de Josette Audin, veuve de Maurice Audin,

avec le soutien du Conseil régional Nord-Pas de Calais, du Conseil général du Pas de Calais, de la Ville de Lens, de l’Humanité, de Médiapart.


PROGRAMME


18h30

Foyer du Colisée :

témoignages et projections

le peintre Jean-Jacques Lebel, dont trois oeuvres figurent dans l’exposition du Louvre-Lens

Geneviève Buono et Claude Chevallier, de la Compagnie “Sophie l’a dit” avec des extraits de leurs deux spectacles “La Fontaine d’or” et “La Première”

Sinda Guessab et Samir Guessab, qui interprètent la pièce Je vous ai compris, le 26 septembre, sur la Scène du Louvre-Lens

les oeuvres des artistes plasticiens, Ammar Bouras, Mustapha Boutadjine, Farid Mammeri, Mustapha Sedjal

Alice Cherki : la parole d’une psychanalyste


20h30

Grande salle

Introduction par Gilles Manceron, historien, Ligue des droits de l’Homme, et Patrick Apel-Muller, directeur de la rédaction de l’Humanité

Roland Rappaport et Jean-Philippe Ould-Aoudia: des avocats contre la torture pendant la guerre d’Algérie

Projection d’extraits du film Les traces et l’oubli, mémoire artistique de la guerre d’Algérie, présentés par son réalisateur, Hamid Smaha

Anissa Bouayed, commissaire d’expositions au Mama (Alger) et au Mucem (Marseille)


Table ronde

avec René Gallissot,

Mohammed Harbi, historiens,

et Benjamin Stora, président du “Musée national de l’immigration”


sur socialgerie

voir article 1477: POUR AUDIN

SOIRÉE AUDIN À LENS

LE VENDREDI 19 SEPTEMBRE

INVITATION

INITIATIVE DE LENS - 19 septembre 2014

INVITATION


POGRAMME

De nombreux artistes seront présents

PROGRAMME


SERMENT

œuvre vidéo de l’artiste algérien Ammar Bouras

sur un texte de Bachir Hadj Ali

http://www.youtube.com/watch?v=DTjgOsU3nsU


POUR AUDIN: LA FÊTE DE L’HUMA – LE 14 SEPTEMBRE – ANNONCERA L’ INITIATIVE DE LENS DU 19 SEPTEMBRE

LA FÊTE DE L’HUMA
DIMANCHE 14 SEPTEMBRE
À L’AGORA

de 13h à 13h 30
ANNONCERA L’INITIATIVE DE LENS

Patrick Apel-Muller et Alain Ruscio

rappelleront

« l’Appel des 171

sur l’exigence de vérité sur la mort d’Audin

lancé lors de la soirée au Tarmac le 24 mars dernier


SOIRÉE AUDIN À LENS

LE VENDREDI 19 SEPTEMBRE

INVITATION

INITIATIVE DE LENS - 19 septembre 2014

INVITATION


POGRAMME

De nombreux artistes seront présents

PROGRAMME


SERMENT

œuvre vidéo de l’artiste algérien Ammar Bouras

sur un texte de Bachir Hadj Ali

http://www.youtube.com/watch?v=DTjgOsU3nsU