ÉGYPTE – 16 MAI 2015 : 106 PEINES DE CONDAMNATIONS À MORT

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L’ÉGYPTE A BESOIN D’ENTENDRE AUTRE CHOSE QUE « VIVA LA MUERTE »Saïd Djaafer – directeur éditorial du Huffington Post Algérie – le 17 mai 2015;


MARZOUKI LANCE UNE PÉTITION INTERNATIONALE CONTRE LES JUGEMENTS INJUSTES À LA PEINE DE MORT DE DIZAINES D’ACTIVISTES POLITIQUES ÉGYPTIENSgnet.tn – le 26 Mai 2015;


DES PALESTINIENS DÉJÀ MORTS… CONDAMNÉS À MORT EN EGYPTE AINSI QU’UN DÉTENU DEPUIS 19 ANSMalik Tahir – la 17 mai 2015 – Huffpost Maghreb Algérie;


L’ÉGYPTE A BESOIN D’ENTENDRE AUTRE CHOSE QUE « VIVA LA MUERTE »

Saïd Djaafer

directeur éditorial du Huffington Post Algérie

le 17 mai 2015

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« Accablé ». C’est le mot utilisé par un confrère après l’annonce, samedi, des condamnations à mort de masse prononcées par un juge égyptien contre l’ancien président Mohamed Morsi, les hauts dirigeants de l’organisation des Frères Musulmans et de nombreux palestiniens dont des morts et un homme emprisonné depuis près de 20 ans.

Accablement car cela rappelle l’engrenage des années 90 en Algérie et comment dans l’enchaînement des actions et des réactions un processus démocratique est mort et un pays s’est déchirée. Accablement et frayeur de voir que les expériences ne servent à rien.

L’Égypte n’est pas l’Algérie, certes. Mais cela pourrait être pire que nos années 90 dont nous avons grand peine à sortir politiquement et moralement. Le contexte actuel est en effet encore plus anxiogène et plus critique que nos années 90.

Les conséquences d’une situation où des milliers de Frères Musulmans basculeraient dans la violence, faute d’option politique ou de recours -et ils ont hélas la démonstration que la justice n’en est pas un- seraient calamiteuses.

Les explications de la crise algérienne des années 90 -dont on n’est pas sorti- sont variées, elles épousent les divergences idéologiques et les positionnements politiques. Pourtant, les représentants de toutes les tendances en sont revenus et quand ils ne le clament pas publiquement, ils l’admettent en aparté: ce fut un terrible et gigantesque gâchis.

LIRE AUSSI: Égypte: la condamnation à mort de Mohamed Morsi indigne la toile.

Le bannissement de la politique

L’ancien président tunisien et toujours militant des droits de l’Homme, Moncef Marzouki, notre voisin, connait parfaitement cet engrenage où la politique disparaît totalement et donc de la possibilité de négocier et de recréer des consensus. Ce bannissement du politique corollaire d’un choix d’exclusion ne laisse de place qu’au rapport de forces violent et dévastateur.

Marzouki a réagi rapidement au verdict sidérant en condamnant un « jugement politique et injuste ». Au-delà de la solidarité affichée à l’égard de Mohamed Morsi et des condamnés à mort, l’ancien président tunisien met surtout en garde les responsables égyptiens dans cette dérive grave où la justice cesse d’être un recours, un arbitre, pour se transformer en machine de guerre, en instrument à éliminer.

Il n’est pas certains que les responsables égyptiens entendent son « appel à la raison » dans le climat cynisme politico-médiatique qui règne en Égypte et où les faiseurs de propagande ont tendance à s’auto-intoxiquer.

Mais cela n’enlève rien à la justesse de l’appel aux dirigeants égyptiens à « ne pas continuer dans des choix qui ne peuvent apporter que des calamités à l’Égypte que nous aimons et dont nous sommes soucieux de la stabilité ».

Moncef Marzouki appelle à ne pas commettre l’irréparable -l’exécution des peines de morts- et à engager une « politique de réconciliation nationale pour préserver la paix sociale et la vraie sécurité ».

L’ancien président tunisien en a profité pour affirmer en direction de l’ensemble des peuples, des partis et « notamment islamistes » de l’impératif de « bannir la peine de mort de nos pays ».

LIRE AUSSI: Égypte: l’ex-président islamiste Mohamed Morsi condamné à mort.

Une justice à télécommande

« Ces nouveaux drames confirment que la peine capitale est justifiée par le besoin de punir les crimes » mais que son « but principal était et reste la vengeance politique, de classe » et une volonté de « terroriser les peuples pour maintenir l’oppression ».

Les dégâts de la peine de mort « sont énormes » alors que ses résultats contre le crime sont négligeables, a-t-il affirmée, appelant à rejoindre rapidement le « club des États démocratiques et des peuples civilisés qui ont banni la peine de mort ».
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Moncef Marzouki n’est pas un islamiste, c’est un vieux militant des droits de l’Homme. Sa parole est précieuse à un moment où les politiques menées en Égypte sont entrain de miner profondément et dangereusement le tissu social.

Il est également salutaire de voir que des égyptiens marqués à gauche se positionnent avec force contre ce verdict.

C’est le cas des « Socialistes révolutionnaires » égyptiens qui soulignent dans un communiqué que leurs divergences avec les Frères Musulmans ne les empêcheront pas de dénoncer des condamnations de masses sans « précédent dans l’Histoire de l’Égypte contemporaine ». C’est « un verdict catastrophique » qui montre que la justice est « gérée par la télécommande ».

Il n’est jamais trop tard pour stopper un enchaînement d’actions et des réactions qui finissent par créer leurs propres dynamiques destructrices. Il est bon que des hommes comme Marzouki et des militants de gauche le disent. L’Égypte a besoin d’entendre autre chose que les sinistres « Viva La Muerte ».

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LIRE AUSSI SUR LES BLOGS: Les pays nord-africains sont-ils condamnés à vivre sous la dictature?

Sources: Huffpost Maghreb Algérie

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MARZOUKI LANCE UNE PÉTITION INTERNATIONALE CONTRE LES JUGEMENTS INJUSTES À LA PEINE DE MORT DE DIZAINES D’ACTIVISTES POLITIQUES ÉGYPTIENS

gnet.tn
publié le Mardi 26 Mai 2015

Des politiciens, hommes de culture, activistes de la société civile, universitaires, journalistes, syndicalistes et acteurs sociaux lancent une pétition internationale suite aux jugements injustes à la peine de mort contre des dizaines d’activistes politiques égyptiens, à leur tête l’ancien président, Mohamed Morsi, jugé en violation des dispositions prévues dans la constitution.

Les signataires dénoncent dans cette pétition parue sur la page officielle, de l’ancien président, Moncef Marzouki, les jugements à la peine capitale et tous les procès politiques en Egypte, et condamnent l’exécution de six jeunes sans avoir bénéficié d’un jugement équitable.

Ils appellent les autorités égyptiennes à surseoir aux jugements et à mettre un terme à la répression contre les activistes politiques.

Ils mettent en garde contre la violence et l’escalade pouvant découler de ces jugements, ce qui prépare le terrain à une guerre civile, dont seuls les ennemis de la démocratie et de la stabilité profiteront.

Ils appellent l’ensemble des forces vives en Egypte à se rassembler autour d’un dénominateur commun national et fédérateur, et à unifier les efforts pour sauver l’Egypte, et baliser le terrain à la reprise du processus de transition démocratique.

Ils appellent les sages de la nation, les amis du peuple égyptien parmi les libres de ce monde défenseurs de la démocratie, des droits de l’Homme, et du droit des peuples à choisir leur régime et dirigeants, à une action rapide, forte et efficiente pour suspendre ces jugements, aider le peuple égyptien à la transition démocratique et lui épargner les affres de la guerre civile.

Pour signer cette pétition, il convient d’envoyer un mail à l’adresse suivante petition.masr@gmail.com , en indiquant le nom complet, la qualité, l’organisme et le pays.
Gnet

Ci-après le texte de la pétition dans sa version originale :

عريضة دولية

على اثر الأحكام الظالمة بالإعدام على العشرات من الناشطين السياسيين المصريين وعلى رأسهم الدكتور محمد مرسي أول رئيس منتخب ديمقراطيا والمحاكم اليوم دون احترام للإجراءات المنصوص عليها في الدستور، وما يمكن أن ينجرّ عن هذه الأحكام من انزلاق نحو العنف والاحتراب الأهلي في مصر في سياق وضع اجتماعي شديد الاحتقان، فإنّنا نحن السياسيين والمثقفين ونشطاء المجتمع المدني والمجال العام حقوقيين وجامعيين وإعلاميين ونقابيين وفاعلين اجتماعين، نعبّر عن:

تنديدنا بأحكام الإعدام وشجبنا لكل المحاكمات السياسيّة في مصر، واستنكارنا الشديد لتنفيذ أحكام الإعدام في حق 6 من الشباب لم يحظوا بمحاكمة عادلة،

دعوة السلطات المصريّة إلى إيقاف الأحكام وما يتعرّض له الناشطون السياسيون من قمع وسجن وتشريد بسبب تمسكهم باستحقاقات ثورة 25 ينايرفي الحريٌة والكرامة.

تحذيرنا ممّا يمكن أن ينجرّ عن هذه الأحكام من تصعيد للعنف يمهّد لحرب أهليّة لن يستفيد منها إلاّ أعداء الديمقراطيّة والاستقرار.

دعوة كلّ قوى المجتمع المصري من أحزاب سياسيّة وقوى مدنية وروابط شبابيّة ومراجع فكريّة وثقافيّة وأخلاقيّة إلى الالتقاء حول مشترك وطني جامع وتوحيد الجهود لإنقاذ مصر ومنع الانزلاق نحو العنف والانتقام والتمهيد لاستئناف مسار الانتقال الديمقراطي.

دعوة العقلاء في الأمّة وكلّ أصدقاء الشعب المصري من أحرار العالم المدافعين عن الديمقراطيّة وحقوق الإنسان وحق الشعوب في اختيار حكّامها وأنظمتها إلى التحرّك السريع والقويّ والفعّال لإيقاف هذه الأحكام ومساعدة الشعب المصري على الانتقال إلى الديمقراطيّة وتجنيبه ويلات الحرب الأهليّة
***********************
التوقيع
الرجاء توقيع العريضة عبر إرسال رسالة الى البريد الالكتروني التالي:
petition.masr@gmail.com
فيها المعطيات التالية:
الاسم الكامل – الصفة – الهيكل – الدولة.

Sources:

CLASSE OUVRIÈRE ET ÉVOLUTION EN ÉGYPTE

DR-Ouvriers de Hadislob en sit-in

“DÉCANTATIONS.

Vers « une nouvelle séquence révolutionnaire » en Egypte? »

[

algerieinfos-saoudi

20 décembre 2013

->http://www.algerieinfos-saoudi.com/article-decantations-vers-une-nouvelle-sequence-revolutionnaire-en-egypte-121690665.html]

« On est bien loin d’un scénario à l’algérienne tel que certains ont pu le craindre ou même d’un pouvoir fort militaire mettant un terme à la révolution ». affirme Jacques Chastaing qui avait appuyé la journée de mobilisation du 30 juin 2013 conduisant au coup d’Etat contre le président Morsi. Rendant compte des derniers mouvements sociaux, il ébauche une Intéressante analyse des décantations en profondeur actuellement à l’oeuvre au bord du Nil.

DR-Ouvriers de Hadislob en sit-in

LA VICTOIRE D’HELWAN OUVRE UNE NOUVELLE ÉTAPE DE LA RÉVOLUTION

La victoire de la grève des ouvriers d’Helwan entre ouvre un peu plus la porte d’une nouvelle séquence révolutionnaire. Samedi 14 décembre, au 19 ème jour de leur grève, les travailleurs de la Société égyptienne pour le fer et l’acier (HADISOLB) d’Helwan au Caire qui compte 13 000 salariés, ont annoncé le succès de leur lutte.

Les autorités ont en effet accepté leur principale revendication, le paiement de 16 mois (ou presque) d’arriérés de participation aux profits annuels qui complètent de manière conséquente les salaires des ouvriers. Mais elles ont aussi accepté de faire des investissements pour que cette entreprise tourne à plein régime et, enfin, de limoger la direction actuelle de l’entreprise comme le demandaient les salariés. Les autres revendications sont encore à négocier : la réembauche des ouvriers licenciés récemment et l’amélioration des conditions de travail.

Il faut dire que quelques jours auparavant, les grévistes avaient manifesté au siège de l’entreprise – sans en avoir l’autorisation suivant la nouvelle loi qui limite le droit de manifester – en faisant état de leur volonté de faire grève jusqu’à la satisfaction de leurs revendications et de durcir leur mouvement.

grève des ouvriers d'Helwan

En faisant reculer le gouvernement, les ouvriers de l’aciérie d’Helwan viennent de faire une démonstration politique: le pouvoir des militaires n’est pas si fort que ça et les ouvriers peuvent le faire reculer, montrant à tous ceux qui veulent le voir, que l’avenir se joue là, dans la capacité à donner une expression coordonnée aux revendications non seulement économiques mais politiques que les grèves ouvrières affichent fréquemment: dégager tous leurs dirigeants, à tous les niveaux de l’économie ou de l’administration.

Le même jour, samedi 14, les résultats partiels pour la moitié des mandats aux élections professionnelles chez les médecins montraient, comme déjà chez les étudiants au printemps, un effondrement électoral des Frères Musulmans. Ces derniers vont donc perdre la direction de l’association professionnelle qu’ils dirigeaient depuis 28 ans, au profit d’une liste indépendante des « Médecins de Tahrir » et des « Médecins sans droits » qui représentent l’aile la plus radicale de la profession. Ce sont eux qui ont par exemple initié le dernier mouvement de grève des médecins de l’automne 2012 qui avait menacé de s’étendre à toutes les professions du pays. Les Frères Musulmans avaient violemment combattu le mouvement en tentant notamment de détourner les colères en jouant des tensions confessionnelles autour d’une campagne contre un film anti-islamique. Dès le dépouillement du vote, la nouvelle assemblée des médecins confirmait son appel à une grève avec soins gratuits des médecins des hôpitaux publics au 1er janvier 2014 pour des augmentations de salaires, qui dans cette profession, sont parfois très bas, et, là aussi, comme les ouvriers, à dégager les dirigeants du système de santé.

Ce résultat montre que si les Frères Musulmans semblent occuper le devant de la scène publique médiatique en multipliant des manifestations minoritaires quasi quotidiennement, ces dernières n’ont guère d’écho populaire, et que la radicalisation révolutionnaire continue à progresser. Ce résultat donne également probablement le sens de ce qui se passe en milieu étudiant, où les manifestations des Frères Musulmans semblent avoir le plus d’écho, alors qu’il s’agit peut-être de tout à fait autre chose, le fait que ce que les Frères Musulmans ont initié dans ce milieu est en train de les dépasser.

En, effet, le vendredi 13 décembre, le nouveau Front du chemin de la révolution qui regroupe notamment les Socialistes Révolutionnaires et le Mouvement du 6 avril, a appelé à manifester le dimanche 15 décembre pour dénoncer la répression qui frappe les étudiants, expliquant que le pouvoir ne luttait pas contre le terrorisme islamiste mais contre les libertés des étudiants. Il y a eu plus de 500 manifestations, rien qu’en novembre, dans les établissements sco- laires d’Égypte. Or si les Frères Musulmans sont à l’origine d’une grande partie de ces manifestations, dorénavant la majorité d’entre elles semble dépasser ce cadre pour ne plus seulement dénoncer la répression, mais aussi les incursions de la police dans les établissements scolaires et la remise en question des libertés en leur sein au prétexte de la lutte gouvernementale contre le terrorisme islamiste, ce qui recouvre les luttes parallèles au même moment contre une nouvelle loi qui prétend interdire grèves et manifestations. En convergeant vers cette lutte, le mouvement étudiant dépasse largement la revendication initiale avancée par les Frères Musulmans, de la légitimité de Morsi, pour dénoncer certes le même régime militaire, mais sur de toutes autres bases, celles de la légitimité de la rue.

Enfin, toujours le samedi 14, et dans le même sens, un front d’organisations révolutionnaires et d’associations de familles de victimes de la répression, a appelé à des manifestations les 16 et 19 décembre en commémoration de ces mêmes journées en 2011 où le pouvoir militaire avait violemment réprimé, tuant 17 manifestants. Cet appel qui exige le jugement des militaires et policiers responsables des massacres, donne un prolongement à celui du 19 novembre 2013 – commémorant déjà les manifestations du 19 novembre 2011 – qui avait vu les révolutionnaires occuper à nou- veau la rue pour la première fois depuis le coup d’État militaire du 3 juillet. Or les organisateurs ont interdit aux Frères Musulmans de s’associer à ces manifestations, disant clairement qu’ils voulaient ouvrir un nouveau chemin à la ré- volution, qui soit aussi opposé à l’armée qu’aux Frères Musulmans.

Tout cela montre qu’on est bien loin d’un scénario à l’algérienne tel que certains ont pu le craindre ou même d’un pouvoir fort militaire mettant un terme à la révolution.

Comme nouvelles échéances politiques, les 14 et 15 janvier 2014, le président Adly Mansour, a annoncé la tenue du référendum sur la nouvelle constitution qui soulève bien des oppositions. En effet bien que rédigée par un gouvernement de laïcs, libéraux et nassériens soutenu par des démocrates, elle confirme la place centrale de la charia dans le régime, au grand dam des femmes, elle maintient les tribunaux militaires pour civils, si contestés par les révolutionnaires, elle donne toujours plus de place aux militaires en leur permettant de nommer le ministre de la défense et en interdisant toute manifestation contre leurs intérêts, qui sont vastes, puisque cela concerne même les stations services qu’ils détiennent.

Si le résultat du référendum ne fait guère de doute dans ce pays où la tricherie électorale est la règle, le pouvoir sait toutefois qu’une faible participation, qui est tout à fait possible, pourrait considérablement affaiblir son autorité. En permettant au peuple de se rendre compte qu’il ne soutient plus l’armée comme le pouvoir, les partis, syndicats et médias à son service le prétendent, le mouvement de contestation qui se dessine aujourd’hui dans la rue, pourrait capter la légitimité des abstentionnistes et prendre alors une toute autre visibilité et dimension en remettant la révolution à l’ordre du jour. C’est pourquoi contre l’humeur morose du peuple, le gouvernement met les bouchées doubles pour faire participer les égyptiens à son référendum.

On voit fleurir un peu partout dans les rues d’Égypte des affiches gouvernementales disant que voter oui au référendum, c’est voter oui à la révolution du 25 janvier 2011 et voter oui à celle du 30 juin 2013, contre tout retour au pouvoir des Frères Musulmans. Mais il n’est vraiment pas sûr que cette nouvelle tentative de se faire plébisciter soit un succès pour l’armée. A partir de là, la révolution reprendrait son cours, au point où elle l’a laissé au 30 juin 2013, avec 17 millions de personnes dans les rues, et l’objectif du « pain, liberté et justice sociale » en dégageant tous les petits Moubarak à tous les niveaux de l’économie ou de l’État comme le font entendre les grèves et manifestations de travailleurs.

Jacques Chastaing,

le 15 décembre 2013

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Source: revolutionarabe.over-blog.com

Egypte: la victoire d’Helwan ouvre une nouvelle étape de la révolution

MAGHREB- MACHREQ: SYRIE – EGYPTE

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ÉGYPTE: “UNE TROISIÈME VOIE” EST NÉEle 25 août 2013 – Assawra – La Rédaction;


ÉGYPTE: “UNE TROISIÈME VOIE” EST NÉE

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dimanche 25 août 2013

Assawra

La Rédaction

« Ni Frères musulmans ni régime militaire », telle est la devise de “La Troisième Voie” (“Midan Al-Talet,” en arabe), dernier-né des mouvements de la révolution égyptienne.

Le parti s’est formé au lendemain du 26 juillet, jour où le général al-Sissi, nouveau Zaim du pays, a donné mandat à l’armée de lutter contre « le terrorisme des Frères musulmans ». Craignant de voir l’Égypte basculer définitivement dans l’engrenage de la polarisation, une vingtaine de jeunes militants se sont mobilisés.

« Plus qu’une formation, notre mouvement est d’abord un état d’esprit », explique son porte-parole, Karim Hassan. « Nous sommes contre les Frères musulmans, mais ne cautionnons pas le massacre dont ils ont été victimes », précise-t-il. Les militants du groupe sont pour la plupart d’anciens adhérents de partis de gauche et de partis islamistes. Déçus par les directions radicales prises par leurs dirigeants respectifs, ces activistes ont choisi la dissidence.

Cheveux mi- longs et barbe légèrement fournie, Karim Hassan faisait partie d’une formation d’extrême gauche, Notre Égypte (“Masrina”, en arabe), mouvement auquel adhérait également le célèbre cyberactiviste Wael Ghonim, devenu l’un des symboles de la révolution égyptienne de 2011.

Le ton posé, Karim fait part de son inquiétude face à l’extrémisme galopant de ses compatriotes. « Dans cette bataille sans merci que se livrent l’armée et les Frères, il est de bon ton de se positionner », regrette l’architecte, déplorant la violence dont est régulièrement victime son mouvement. « Lorsque nous organisons des marches, nous sommes souvent chassés par les habitants des quartiers qui ne comprennent pas notre refus de prendre parti. »

Selon Karim, cette réaction hostile trouverait sa source dans la propagande que les militaires et l’organisation des Frères musulmans mènent depuis l’arrivée de Mohamed Morsi au pourvoir, en juin 2012.

Le discours sécuritaire de la junte d’un côté et celui, sectaire, des Frères musulmans de l’autre auraient nourri les divisions. « Les militaires ont effrayé la population en allant jusqu’à lancer des rumeurs comme l’occupation prochaine du Sinaï par Le Hamas (mouvement de résistance islamique palestinien) ou le déploiement de la flotte américaine dans le canal de Suez », dénonce Karim.

Pour cet architecte de formation, les deux camps auraient donc chacun exploité la population, l’un avec l’intolérance, l’autre avec l’insécurité. Même le mouvement Rébellion (“Tamarod”, en arabe), instigateur de la mobilisation à l’origine du renversement de Mohamed Morsi le 3 juillet, ne trouve plus grâce aux yeux des révolutionnaires: « Leur action initiale de mise à l’écart de Morsi était louable, mais ils se rangent aujourd’hui du côté de l’armée », un choix que ne cautionne pas le mouvement, pour qui les acquis de la révolution ne sont pas négociables.

«La Troisième Voie» se structure peu à peu, via une page Facebook qui compte autour de 23 000 abonnés et un quartier général, le Sphinx, dans Mohandessin (sud-ouest du Caire).

Vendredi, ils étaient plusieurs centaines à défiler, tentant d’élever leurs voix au-dessus des slogans de la discorde.

Par Fatiha Temmouri

le 25 août 2013

Sources Assawra

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sur socialgerie voir aussi l’artcicle:

L’ALGÉRIE ET LA TROISIÈME VOIE
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Intellectuels

Saïd Radjef

le Quotidien d’Algérie

Rédaction LQA

Est-ce que le monde arabe n’existe que pour servir les autres, assurer au bon prix l’approvisionnement énergétique des puissances occidentales et laisser l’Etat clandestin d’Israël se construire aux dépens des palestiniens ?

Alger, le Caire, Baghdad, Damas… depuis le printemps arabe, tout le discours des élites arabes tourne de manière à faire penser qu’en dehors de l’armée et des islamistes, il n’y a point d’autre alternative aux peuples arabes.

Les peuples arabes sont-ils pour autant condamnés à cette bipolarité dont les modes d’articulation sont l’armée et l’islamisme ?

pour lire l’article cliquer ici (…)

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ÉCLAIRAGES SUR LE PROCESSUS EN COURS EN ÉGYPTE

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EGYPTE- L’EMPIRE A PERDU L’INITIATIVE STRATÉGIQUE

par Saoudi Abdelaziz

blog algerieinfos-saoudi

le 17 août 2013

En Egypte, après l’échec de la solution Soleimane en février 2011, après l’échec de la reprise en main par le Conseil des forces armées, après l’échec de la candidature Chafik en 2012, l’Empire a « collé » à la solution Frères musulmans.

La Maison blanche a lâché Morsi lorsque ce président démocratiquement élu, prenant en compte l’intérêt national, avait engagé une réorientation stratégique inacceptable pour la Maison blanche et la hiérarchie militaire.

Avec notamment l’amorce de l’alliance avec l’Iran et le soutien plus résolu aux Palestiniens, il avait franchi la ligne rouge. Les gages de Morsi sur le dossier syrien qui suivront ne serviront à rien, le mal était fait.

Une nouvelle phase était ainsi ouverte. Pour l’Empire, l’Etat égyptien ne doit absolument pas user de capacités autonomes de décision au services de des intérêts nationaux, capacités que le pouvoir égyptien avait abdiqués il y a quarante ans, avec l’Infitah.

Les consortiums financiers pro-occidentaux qui avaient prospéré sous Sadate puis sous Moubarak en dépeçant le secteur public, ont pu échappé à la Justice grâce à la complaisance de la Confrérie des Frères Musulmans.

Ils mettent toute leur puissance financière et médiatique au service de la préparation d’une opération de subversion qui aboutira au coup d’Etat mené par le « pieux » Sissi, le jeune et intelligent chef des services spéciaux de l’Armée qui avait remplacé à la tête de l’Etat-major, le vieux maréchal Tantaoui dépassé par les événements.

Par quel processus les « laïcs » égyptiens ont-ils été amené à soutenir cette opération?

Akram Belkaïd note: « Oui, l’armée égyptienne a su profiter de la dégradation du climat politique sous Morsi et il faudrait être naïf pour croire qu’elle n’a pas encouragé et entretenu les tensions. Le 3 juillet dernier, son intervention a comblé d’aise nombre d’Egyptiens, hostiles aux Frères musulmans ».[[http://akram-belkaid.blogspot.fr/2013/08/larmee-egyptienne-ce-medecin-boucher.html?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed:+LignesQuotidiennesParAkramBelkad+(Lignes+quotidiennes,+par+Akram+Belka%C3%AFd)]]

Les Révolutionnaires socialistes, une formation influente de la gauche égyptienne, viennent de condamner la politique d’Al Sissi. Cette prise de position, première échec de la bipolarisation idéologique, annonce la remise au devant de la scène des intérêts fondamentaux du peuple égyptien.

Kharroubi Habib pense que les puissances ont intentionnellement poussé les « deux camps égyptiens » à la confrontation « avec le calcul pour elles que quel que soit celui qui l’emportera elles pourront le moment venu se positionner avec bénéfice au profit du courant politique en faveur de qui se dessinera la victoire ». Le journaliste conclut: « Une telle tragédie s’inscrit dans la logique de la théorie du «chaos créateur» qu’ils ont conceptualisé pour le monde arabe et que les Egyptiens ont fini par croire qu’elle a été destinée uniquement aux autres peuples de la région ».[[http://www.lequotidien-oran.com/?news=5186643]]

Combien de temps va durer ce nouvel épisode du feuilleton égyptien? En tout cas, la principale victime du coup d’Etat d’Al Sissi sera sans doute l’argumentaire consistant à présenter les « Printemps » égyptien et tunisien comme le fruit d’une conspiration américano-islamiste.

Au début de l’année 2011, l’Empire a perdu l’initiative stratégique dans ces deux pays.

Depuis, ses efforts pour redresser la barre ne semble pas être parvenus à renverser durablement la tendance lourde de l’évolution qui veut que les peuples exigent dorénavant le droit d’exister, se faire respecter et celui de mieux vivre.

L’Empire et ses succursales locales ne l’acceptent pas, mais pourront-ils contenir durablement ces aspirations puissantes, alors que le système de domination craque sous l’effet d’une crise structurelle irrémédiable.

sources: blog algerieinfos-saoudi


ÉGYPTE, RÉVOLUTION ET CONTRE-RÉVOLUTION, suite.

INVESTIG’ACTION

Badia Benjelloun

le 17 août 2013

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Une foule compacte de civils est rassemblée et proteste contre un coup d’État militaire qui a destitué un gouvernement élu selon les critères de la démocratie représentative occidentale. Elle se fait encercler par l’armée. Quelques grenades lacrymogènes sont lancées puis le massacre commence.

Plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés civils contre une poignée de soldats lynchés, d’aucuns ont tôt fait moyennant quelques vidéos sur internet publiés par un organe de presse hostile aux Frères Musulmans [[http://www.youtube.com/watch?v=OkXdoasAVik&amp&nbsp]] ou par l’armée elle-même [[http://www.youtube.com/watch?v=q-JRsUSyLh4]] de qualifier la tuerie programmée par les hauts gradés égyptiens de ‘guerre civile’.

L’Égypte va revenir à la situation du statu quo ante, un état d’exception avec à la clé des couvre-feux, une interdiction de manifester et pas même un semblant de truc avec les falbalas coûteux de députés impuissants et de Parlement qui ne légifère pas.

L’armée, du moins ses dignitaires, abondamment perfusés par les aides étasuniennes et irrigués par des biens publics privatisés, c’est 40% du PIB, dans les secteurs du tourisme, de la promotion immobilière et du textile en particulier, au point qu’elle est créancière de l’État égyptien.

Le mouvement Tamarrod (Rébellion) s’est nourri durant les mois qui ont précédé la grande manifestation du 30 juin des frustrations d’un peuple qui attendait du changement de régime bien plus que les maigres aménagements des Frères. La confrérie structurée comme une société de bienfaisance n’a rien entrepris ni annoncé en terme de politique sociale et économique qui eût été à la hauteur de l’insurrection populaire pour réparer le délabrement social et économique. Elle était limitée dans ses ambitions de réformes économiques. La composition des deux gouvernements formés en un an par Hicham Qandil, ingénieur agronome hydraulicien de 50 ans a fait appel essentiellement à des technocrates, même si la deuxième équipe nommée en janvier 2013 comportait 8 affiliés au Parti de la Liberté et de la Justice que la précédente.[[http://www.egyptindependent.com/news/update-details-emerge-new-ministers-cabinet-reshuffle]]

Elle était cantonnée dans un cadre institutionnel où l’Armée concédait au Président sorti des urnes juste une petite place au-devant de la scène.

Les événements de janvier 2011, ces millions de personnes qui convergeaient quotidiennement sur la place Tahrir, avaient sidéré les capacités de réaction du gendarme du monde.

L’armée avait perçu son absence de réactivité à une situation inédite et non prévue par les multiples agences de renseignements et de conseils en manipulations géostratégiques.

Elle avait le contrôle des affaires placées entre ses mains par le dictateur éconduit. Pendant plus d’un an, elle a traîné des bottes, retardant autant que faire se pouvait des élections et la passation du pouvoir à un gouvernement mené par des civils.

Le 30 juin 2013 a été l’occasion pour les larrons de se débarrasser d’acteurs encombrants qui ne maîtrisaient pas un processus d’insurrection permanente. Les FM se sont comportés comme de vrais bleus, incapables d’intégrer l’expérience politique subie par le Hamas lui aussi élu à la ‘régulière’ et très vite marginalisés par des procédés d’étouffement insidieux. La mise à l’écart polie du Maréchal Tantaoui ne réduisait pas la capacité de nuisance de l’oligarchie rompue aux coups à quintuple détente par la fréquentation assidue du Mossad.

Le commerce (l’hôtellerie surtout) en pâtissait. Un processus révolutionnaire réussi de plus risquait d’être contagieux dans la région et au-delà. Un sentiment très fort d’anti-américanisme et surtout d’anti-sionisme soude le peuple égyptien.[[http://www.egyptindependent.com/news/tamarrod-starts-petition-reject-us-aid-scrap-peace-treaty-israel]]

L’armée a adroitement dévoilé un plan qui aurait été élaboré par Morsi, probablement négocié entre le Qatar de l’émir père destitué au nom du fils et l’amie de toujours Tzipi Livni pour céder 40% du Sinaï à l’ennemi voisin pour y placer les Palestiniens en quête de pays. Le régime sioniste ne prend plus aucune précaution pour afficher son intention de judaïser toute la Palestine. Toutes les conjectures sont permises pour attribuer à cette information le statut d’un faux vrai, d’un vrai faux ou d’un faux vrai faux jusqu’à épuisement des signes plus et moins. Il se trouve qu’il a mobilisé les consciences dans le sens voulu par les généraux.

Barack Obama a sans doute raison quand il déclare que ce massacre-ci n’est pas imputable aux US(a). Lors de la récente visite de William Burns au Caire à la mi-juillet, Abd Elfattah Sissi s’est permis de lui affirmer que l’aide militaire américaine menace la relation entre les deux pays et a un effet néfaste sur la partie récipiendaire. Les généraux font sans doute bien leurs comptes, la Fed imprime du dollar à usage interne désormais pour racheter la dette publique.

Sissi et sa bande ne se sont pas concertés avec l’exécutif étasunien pour se garantir les coudées franches. Si les aides étasuniennes représentaient au lendemain de Camp David, la plus grande défaite arabe, plus de 70% des ressources de l’armée égyptienne, à ce jour, le 1,5 milliard de dollar US alloué annuellement ne sont plus que les 20% du budget militaire égyptien. Cette relative autonomie financière est l’un des facteurs qui a conforté les généraux dans leur choix de pratiquer d’abord un coup d’État puis de le prolonger par un massacre et la déclaration de l’état d’exception. Parmi les autres éléments qui ont pesé dans l’élimination des FM mais surtout de l’écrasement de la tension du peuple vers un idéal démocratique, l’appui des Saoud versus un Qatar mis hors jeu compte pour beaucoup, quelques milliards d’aide directe et de salaires des expatriés.

1 000 ou 2 000 morts de civils supplémentaires vont-elles terroriser un peuple qui n’a pas encore trouvé d’issue à sa révolution inachevée? 1 000 morts, c’est le résultat de la moisson du mois de Ramadan en Irak sans que nul démocrate et nul média du système ne s’en émeuve.

En revanche, les milliers de morts syriens devenus au fil des mois plusieurs centaines de mille ont rapidement été pris en charge et recyclés comme arme de propagande contre le gouvernement de Assad. Le reliquat du mouvement socialiste et laïc Baath syrien est disqualifié dès 2003 et remonté en tête de liste du prochain à abattre par les likudniks bushistes. Il soutient de plus le Hezbollah lui-même coupable de «terrorisme» pour vouloir faire respecter la frontière du Sud Liban des intrusions sionistes.

L’équation égyptienne et arabe n’est pas de celles qui puissent se transformer en quelques formes reconnaissables et aisées à résoudre.

La Libye se ressent déjà de l’instabilité telle qu’elle se présente au Caire et bientôt à Alexandrie. Le gouvernement installé par l’OTAN à Tripoli se révèle incapable de désarmer les milices et les tribus. La guérilla couve toujours, un attentat à la voiture piégée a failli coûter la vie au colonel de la ville de Benghazi ce 14 août. Les postes de police et les représentations étrangères sont la cible d’attaques régulières.

L’exploitation des ressources pétrolières est entravée. En un mois la Libye aurait perdu plus d’un milliard de dollars en raison d’actes de sabotage.

Les ondes de turbulence n’épargnent pas la Tunisie. Elles ont affecté les relations avec la Turquie, elle-aussi désormais dans une politique pleine d’ambiguïtés à l’égard de Tel Aviv, rompant un certain arc qui enserrait Israël et favorisait la réunification entre la terre palestinienne sise sur la rive occidentale du Jourdain et la prison de Gaza.

Les US(a), c’est-à-dire la pléthore de congressistes élus grâce à l’activisme ou simplement au laisser-faire non malveillant de l’AIPAC, est constitué par la sécurité de l’entité sioniste et donc par la situation au Sinaï.

De manière presque ostentatoire, le Conseil Militaire Suprême a autorisé l’armée d’occupation sioniste à frapper en territoire égyptien des citoyens égyptiens dans le Sinaï. Un drone israélien a tué vendredi 9 août cinq «terroristes» que les renseignements ont identifié à la forme de leur ombre en plein midi et un lance-roquette qui aurait menacé la sécurité des estivants qui parfont leur hâle sur la plage d’Eilat.

La coopération militaire renforcée avec Israël avait été annoncée à Hagel et constitue le gage suffisant pour que vaquent à leur mise en ordre les généraux égyptiens.

Aucune preuve consistante n’a été trouvée pour étayer l’existence d’une coordination militaire entre le Hamas et des Frères basée à Gaza. Des allégations fantaisistes citées par Debka en situent même le QG dans un hôtel Gaza Beach Hotel, sa direction serait assurée par Izzat Ibrahim n°4 dans la hiérarchie des FM et surnommé l’homme de fer. Une insurrection armée serait conduite depuis le Sinaï et viendrait jusqu’au Caire renverser le gouvernement transitoire.[[http://www.debka.com/article/23189/Egypt&rsquo&nbsp]]

Un acte d’accusation est en train d’être dressé par le régime des militaires, de quoi permettre l’application de la mode étasunienne elle-même copiée et collée des techniques d’intimation du peuple palestinien par Israël, une détention illimitée sans jugement des ‘suspectés de vouloir accomplir des actes de terrorisme’.

Il semble que s’amorce un mouvement de protestation d’officiers au sein de l’armée égyptienne qui contestent la destitution du président élu. [[http://www.israelnationalnews.com/News/News.aspx/170930#.Ug81NxxmCtA]] Ils considèrent que le devoir de l’armée est de défendre la patrie, la religion et les valeurs de la nation et non de disperser par des armes létales des rassemblements de civils.

Parmi les 500 000 soldats et la dizaine de divisions [[http://www.israelvalley.com/news/2011/02/12/30332/israelvalley-l-armee-egyptienne-500-000-soldats-et-une-dizaine-de-divisions-500-avions-dont-250-f-16-3-000-chars-et-3-000]], il doit exister assez d’éléments formés techniquement et éduqués politiquement pour constituer une force antagoniste à l’oligarchie militaire qui s’appuie sur les intérêts des Saoud pour mettre 85 millions d’Égyptiens au pas.

L’équation arabe est complexe, mais en aucun cas, au Yémen, au Bahrein, en Arabie, en Syrie, en Libye, en Tunisie la motivation du soulèvement ne peut être lue comme d’essence religieuse.

Pas plus que le problème de la Palestine ne peut se réduire à un conflit religieux entre Musulmans et Juifs alors qu’il s’agit d’un pur problème colonial.

La lutte contre l’oppression et pour la dignité est un devoir sacré, il incombe à chacun. Il ne peut aboutir que s’il prend une forme collective. Les Arabes s’efforcent de reconquérir leurs droits, leur victoire sera un gain pour toute l’humanité.

Source : Investig’Action – michelcollon.info


LA GAUCHE MONDIALE ET LES TROUBLES EN EGYPTE

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par Immanuel Wallerstein

Sociologue, chercheur à l’université de Yale

Vendredi 2 août 2013

Le titre même de ce commentaire pose question: qu’est-ce que la gauche ou – autrement formulé – qui est la gauche? Il n’y a guère de consensus sur le sujet. Pour ma part, j’entends par «gauche» tout groupe se réclamant de la gauche ou, à tout le moins, du centre-gauche. Cela fait du monde, et c’est pourquoi les désaccords sont si nombreux quand il s’agit de savoir quel camp soutenir, du point de vue moral ou politique, dans les énormes troubles qui secouent l’Egypte et ont abouti au renversement du président du pays, Mohamed Morsi, par les forces armées égyptiennes.

À la lecture des prises de position de différents groupes de gauche hors d’Egypte, j’ai le sentiment qu’on a affaire ici à une question de priorité : qu’est-ce qui constitue, ou qui constitue, le plus grand danger à moyen terme ? Je crois discerner trois grandes lignes.

Pour certains, ce sont les « islamistes », quels qu’ils soient, qui représentent la menace fondamentale. Il y a certes beaucoup de sortes d’islamistes. L’on trouve trois grands courants chez les sunnites: les Frères musulmans, les wahhabites-salafistes et les groupes regroupés sous la bannière d’Al-Qaïda. Chaque courant combat les deux autres et ces luttes expliquent nombre d’alliances qui se nouent dans les pays à forte population musulmane.

Pour ceux à gauche qui considèrent que le plus important est de maintenir les islamistes à distance du pouvoir, les islamistes dits modérés ne sont en fait que des islamistes plus malins que les autres, mais dont le but à terme est identique : instaurer des Etats régis par la charia. Cette gauche-là est donc prête à faire alliance avec quiconque combat les islamistes.

Un deuxième groupe à gauche estime que ce sont les militaires l’ennemi principal. Pour eux, l’armée est une force conservatrice et répressive, dont les conceptions en matière politique et économique sont réactionnaires et qui a souvent des intérêts financiers directs dans le maintien des politiques néolibérales. Ils reconnaissent toutefois que l’armée soutient parfois les forces populaires et poursuit parfois aussi des politiques contraires à celles des Etats-Unis ou des puissances d’Europe occidentale.

Mais leur jugement sur les opinions « modérées » au sein de l’armée rappelle celui des anti-islamistes sur les islamistes modérés. La « modération » ou le « populisme » des militaires leur apparaissent comme un simple paravent pour des objectifs de fond intrinsèquement réactionnaires.

Enfin, pour un troisième groupe, ce sont les Etats-Unis (et, corrélativement, les anciennes puissances coloniales d’Europe occidentale) la principale menace. Pour eux, les militaires et les islamistes ne font que jouer le rôle que leur ont assigné les Etats-Unis. Il s’ensuit que tout groupe s’opposant activement aux Etats-Unis mérite d’être soutenu, quelle que soit son idéologie. Et comme au sein de ce groupe existe aussi une ligne dure, certains vont jusqu’à penser que les jeunes militants radicaux à la tête des émeutes sont manipulés par les Etats-Unis. Pour ce groupe, l’Amérique reste toute-puissante.

Naturellement, certains – et même beaucoup – diront que l’on discute ici de choix factices et que l’on peut – et devrait – être à la fois opposé aux islamistes, aux militaires et aux Etats-Unis. En pratique, toutefois, il faut souvent hiérarchiser ses priorités. La question reste donc entière.

Ce débat sur l’ennemi prioritaire explique en grande partie la place relativement modeste qu’occupent les forces de gauche dans ces luttes. Elles sont divisées dans leurs analyses et, par conséquent, elles sont divisées sur leurs objectifs à court, voire à moyen terme. Pire encore, beaucoup à gauche, au niveau individuel et collectif, le savent. Un pessimisme insidieux se diffuse, et le terrain politique militant est peu à peu déserté.

L’alternative à cet auto-sabordage de la gauche, c’est de s’engager dans un débat plus ouvert et plus fraternel. Ce débat ne peut avoir lieu que si la gauche prend conscience que la droite mondiale offre un spectre de forces et d’analyses aussi large que celui de la gauche mondiale. Une fois encore, je me permets de répéter que ce débat fraternel doit être mené en ayant à l’esprit que nous vivons une transition mondiale qui nous conduit du système capitaliste vers un autre système qui reste encore à définir. Si la gauche perd cette bataille, la plus importante, elle n’aura à s’en prendre d’abord qu’à elle-même.

Immanuel Wallerstein, 1er août 2013

Source: Mémoire des luttes

COMMENTAIRE N° 357, 15 JUILLET 2013

http://www.medelu.org/La-gauche-mondiale-et-les-troubles

haut

EGYPTE: DE VRAIS PUTSCHISTES, UN FAUX ALLENDE

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Cet article est une mise au point précise et nécessaire en réponse aux évaluations faites de flou et de généralités; certaines de ces « analyses », par esprit partisan, occultent trop souvent une partie des réalités au détriment des gauches arabes, même si une partie de ces dernières prêtent le flanc à ces déformations.


Yassin Temlali

le jeudi 25 juillet 2013

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Dans un article intitulé «À propos du putsch égyptien: le naufrage des gauches du monde arabe se confirme» (Maghreb Emergent, 15 juillet 2013), l’universitaire algérien Ahmed Henni attire l’attention, à travers l’exemple du coup de force contre le président islamiste Mohamed Morsi, sur les risques du déficit d’autonomie des organisations de gauche du monde arabe vis-à-vis des pouvoirs en place, encore dominés par l’armée et ou/les services secrets.

Je ne m’attarderais pas sur la critique nécessaire des alliances contractées par des partis censés être avant-garde des masses» avec des régimes autoritaires (Algérie) voire sanguinaires (Syrie). En revanche, le point de vue de l’auteur sur la situation en Egypte mérite qu’on s’y arrête tant il révèle une perception de la réalité gouvernée par deux idées «fixes» pour ainsi dire: la gauche a soutenu et soutient toujours le despotisme laïc, et les grandes mobilisations contre les islamistes sont le produit de savantes manipulations des moukhabarate (services de renseignements).

Ahmed Henni écrit : «(…) En juin 2013 une partie de la gauche égyptienne s’associe aux auteurs d’un appel (…) à la direction de l’armée égyptienne pour destituer un président élu». Ailleurs dans l’article, cette «partie de la gauche» devient une «majorité des courants de gauche» mais ni ici ni là il ne nous dit de quels courants il s’agit ni à quoi on peut reconnaître qu’ils constituent une «majorité» au sein de la gauche.

Il n’explique pas non plus à ses lecteurs que la gauche s’est associée, avant le 30 juin 2013, à l’appel à la tenue d’élections présidentielles anticipées et non à celui – ultérieur – à l’éviction de Mohamed Morsi par les militaires.

Surtout, il ne rapporte aucune déclaration officielle des courants concernés et se contente de citer l’économiste égyptien Samir Amine pour qui «il y a une autre légitimité, supérieure (à la légitimité des urnes, NDLR), celle de la poursuite des luttes pour le progrès social et la démocratisation authentique».

Or, tout contestables qu’ils soient, ces propos n’engagent que leur auteur; surtout, ils n’ont pas de rapport direct avec les événements récents en Egypte (ils datent de juillet 2012).

L’armée, sous le règne de Morsi, a-t-elle jamais quitté le pouvoir?

Cette «majorité de la gauche égyptienne» évoquée par Ahmed Henni inclut-elle les nassériens qui, fidèles à leurs origines putschistes (le coup d’Etat du 23 juillet 1952), ont souhaité, à mots à peine couverts, le renversement manu militari de Mohamed Morsi? Si l’acception du mot «gauche» est si large, il devrait alors inclure en Algérie… le FFS, qui s’est opposé à l’annulation des élections législatives de 1991, et en Tunisie El Takatol et le Congrès pour la République, qui… font partie de la coalition gouvernementale menée par Ennahda.

Les gauches arabes ne seraient pas alors toutes ces gauches laïcistes en plein naufrage que dénonce vigoureusement Ahmed Henni.

Si l’on n’inclut pas les nassériens dans la gauche égyptienne, le seul parti de la gauche «réellement existante» à avoir préconisé une intervention de l’armée contre le président islamiste est Al Tagamoê, né au milieu des années 1970 d’une fusion entre des communistes et des nationalistes arabes radicaux et dont le programme se résume presque à un anti-islamisme caricatural.

Tout en soulignant que «les forces armées ne doivent pas se mêler de politique», un autre parti de gauche de moindre envergure, le Parti socialiste égyptien, a estimé qu’elles devaient agir «en cas de risque d’effondrement de l’Etat ou d’affrontements sanglants ou si le régime en place expose la vie des citoyens au danger» (sa secrétaire générale Karima el Hafnaoui), ce qui peut être interprété comme une bénédiction tacite à la destitution violente de Mohamed Morsi.

Ni le Parti communiste égyptien ni les Socialistes révolutionnaires (extrême gauche) ni la Coalition populaire socialiste (formée d’une scission d’Al Tagamoê et d’une autre des socialistes révolutionnaires, entre autres factions) n’ont lancé d’appels au putsch.

Les deux dernières organisations citées ont même mis en garde contre les dangers du retour de l’armée aux commandes politiques du pays, ce qui s’inscrivait en droite ligne de leurs positions antérieures.

Elles avaient pris, en effet, une part active à la contestation qu’avait affrontée, après l’abdication de Hosni Moubarak, le gouvernement intérimaire de l’armée (février 2011-juin 2012).

Le Parti communiste égyptien n’avait pas cessé, lui non plus, durant cette période, de condamner ce gouvernement autoritaire et de réclamer le jugement de ses symboles.

On peut dire, sans crainte de se tromper, qu’une partie considérable de la gauche égyptienne sinon sa majorité avait lutté courageusement contre le pouvoir du maréchal Hussein Tantaoui au moment où les Frères musulmans justifiaient ses massacres et ses procès martiaux.

Les gauches arabes : un simple courant de la nébuleuse laïque?

Ahmed Henni généralise ses conclusions sur la gauche égyptienne à toutes les gauches arabes. Il écrit à leur sujet: «N’étant arrivées au pouvoir que dans les fourgons des militaires, elles continuent de répudier la lutte primordiale pour la citoyenneté et lancent, ici et là, des appels irrésistibles du peuple au putsch pour maintenir des dictatures dites ‘’laïques’’, ou renverser des pouvoirs élus par des peuples qui ‘’votent mal’’».

La question se pose: pourquoi continue-t-on à parler des gauches arabes comme si elles n’étaient constituées que de laïcistes obtus, drapés dans les oripeaux de la cause ouvrière?

Il est connu, par exemple, que les organisations des droits de l’homme dans le monde arabe sont souvent animées par les militants de gauche: lutter contre la torture, le jugement des civils par les tribunaux de l’armée et pour les droits politiques, sociaux, etc. ne serait-il donc pas «lutter pour la citoyenneté»?

Est-il nécessaire de rappeler qu’avant d’exiger la démission de Mohamed Morsi, une partie de la gauche avait même appelé à voter pour lui afin de barrer le chemin au candidat de l’armée, le général Ahmed Chafik. Sous la dictature moubarakienne, les socialistes révolutionnaires et une frange de l’actuelle Coalition populaire socialiste défendaient, à contre-courant, le droit des islamistes de créer des partis légaux et manifestaient pour la libération de leurs dirigeants (en souvenir de cette solidarité, les Frères musulmans se sont empressés de porter plainte contre des figures de la gauche radicale les accusant de vouloir «détruire l’Etat», une accusation qui prête à sourire de la part d’une confrérie qui rêve de restaurer le Califat).

Les jugements d’Ahmed Henni sur les gauches ne semblent pas s’appliquer non plus à la gauche tunisienne. À notre connaissance, elle n’a pas appelé à un coup d’Etat pour «dégager» Ennahda.

En revanche, nous savons que, sous le règne de Zine El Abidine Ben Ali, le Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT) et le Parti démocratique progressiste (PDP) avaient formé avec les islamistes un bloc d’opposition (le collectif du 18 octobre).

Les courants de gauche qui n’avaient pas rejoint cette coalition (les patriotes démocrates, les trotskistes, etc.) n’avaient pas, pour autant, soutenu la répression de leurs adversaires politiques. Bien au contraire, nombre de leurs figures, dont le défunt Choukri Belaïd, prenaient leur défense devant les tribunaux.

Si on tait ces prises de position – on peut critiquer, dans certaines d’entre elles, une foi curieuse en la possibilité d’une évolution interne majeure de l’islam politique vers la démocratie -, c’est qu’il est probablement plus aisé, pour condamner la gauche, de la réduire à une de ses composantes et d’en faire un mince courant d’une nébuleuse laïque qui méprise le «peuple».

La gauche égyptienne ne devait-elle pas exiger la démission de Morsi?

En réalité, si Ahmed Henni critique la «majorité de la gauche» égyptienne, c’est que pour lui, sa participation aux mobilisations exigeant la démission de Mohamed Morsi est synonyme d’un appel du pied à l’armée à revenir aux affaires.

Or, encore une fois, le slogan central des manifestations du 30 juin 2013 n’était pas le renversement de Mohamed Morsi mais l’organisation d’élections présidentielles anticipées: ce n’est pas parce que des dirigeants du mouvement Tamarrod ont accepté d’être le porte-voix officieux de l’armée que toutes les forces qui s’étaient associées à eux sont à la solde des militaires.

Et ce n’est pas parce qu’un président a été démocratiquement élu qu’il ne peut plus être révoqué.

Certes, sous prétexte de préservation de la stabilité, les démocraties parlementaires prévoient rarement des mécanismes de révocation des chefs d’Etat mais ceux-ci n’en sont pas moins une condition sine qua non de l’exercice démocratique.

Il faudrait rappeler ici que cette «majorité de la gauche» participait déjà aux manifestations contre Mohamed Morsi à un moment où les généraux lui juraient encore fidélité.

Elle s’était opposée, en décembre 2012, à son projet de Constitution qui, entre autres aspects contestables, soustrait le budget de l’establishment militaire au contrôle du Parlement (article 197).

Si elle a appelé à sortir dans la rue le 30 juin 2013, ce n’était pas pour couvrir politiquement des plans de l’armée (celle-ci n’en avait probablement pas de précis et attendait de mesurer l’ampleur de la contestation avant de déterminer son attitude).

Elle s’est associée aux manifestations parce que la politique des Frères musulmans avait aggravé les conditions de survie de millions d’Egyptiens et menaçait de déclencher une guerre civile confessionnelle.

L’armée a exploité le rejet des Frères musulmans pour revenir sur le devant de la scène (l’avait-elle jamais réellement quitté, avec ces députés et un président islamistes aussi indifférents à sa totale soustraction au contrôle parlementaire?)

La gauche militante ne pouvait, hélas, que constater ce retour de manivelle, lourd de dangers pour la démocratie et les libertés publiques, comme l’atteste la répression sanglante des sit-in des Frères musulmans.

Elle ne pouvait pas commanditer de coup d’Etat et encore moins s’y opposer.

Ce sont là ses limites: en deux ans et demi d’effervescence politique, elle a étoffé ses rangs mais n’a pas réussi à améliorer de façon substantielle son implantation ouvrière et populaire, unique levier pour empêcher les hold-up islamiste et militaire sur les mouvements de masse que connaît l’Egypte depuis le 25 janvier 2011.

L’Egypte de 2013 n’est pas le Chili de 1973

Pour Ahmed Henni «l’Etat profond», celui des moukhabarate, et des réseaux d’hommes d’affaires, a œuvré à bloquer l’action du président islamiste destitué. Ceci est vrai mais en partie seulement. Pas plus que les plans de libéralisation de l’économie, la répression des grèves ouvrières et la limitation des libertés publiques (le droit de manifester¸etc.) n’étaient pour déranger ces cercles influents.

Les généraux égyptiens sont des Pinochet en puissance mais Mohamed Morsi, qui ne voyait pas de mal à concéder au plus offrant la gestion de la zone du canal de Suez, n’est pas Salvador Allende qui, dès son élection en 1970, a nationalisé les banques et les mines de cuivre au grand dépit des Etats-Unis.

Il est surprenant que dans un article aussi sévère envers la gauche égyptienne, Mohamed Morsi ne nous soit présenté que comme un «président civil» et qu’il ne soit fait nulle mention de sa politique despotique et antisociale.

Ce «président élu» a tenté de s’attribuer des prérogatives de monarque absolu, notamment en interdisant toute contestation de ses décrets fût-ce devant la Cour constitutionnelle (la Déclaration constitutionnelle du 21 novembre 2012): c’était pour le moins choquant de la part du premier chef d’Etat élu de l’histoire de l’Egypte.

Avec un sens du timing peu commun, il promettait à des millions de démunis exsangues la douloureuse vérité des prix, sous prétexte de lutter contre la contrebande et le marché noir.

Au lieu de chercher de l’argent frais là où il se trouve, chez ces industriels au profit desquels des dizaines d’entreprises publiques avaient été privatisées, il a préféré tendre la main au FMI, dont les prêts avaient été «halalisés» pour la circonstance par des fetwas ad hoc.

Il avait beau être «légitime», il a échoué à réduire la force tentaculaire de la Sûreté d’Etat qui, pour toute réforme depuis la fin du régime de Moubarak, a été rebaptisée «Sûreté nationale»!

Et alors que dans les commissariats on continuait à torturer (349 cas de torture depuis son élection, dont certains se sont soldés par le décès des victimes), il appelait les Égyptiens à «améliorer leurs rapports avec la police» (sic! discours du 26 juin 2013).

Au niveau judicaire, son œuvre se résume à la nomination d’un procureur général qui a sévi contre ses opposants plus que contre les résidus de l’ancien régime, les fouloul.

Avec son accord, sa confrérie et ses alliés salafistes ont constitutionnalisé le statut d’«Etat dans l’Etat» qu’est celui de l’institution militaire.

Si au terme d’un an de gouvernement chaotique, il a été trahi par ceux-là mêmes dont il avait fait des alliés, lui seul doit en être tenu pour responsable.

S’il avait voulu mettre en œuvre un programme de justice sociale et de libéralisation politique, d’autres alliances étaient possibles, avec tous ceux qui espéraient que le «règne des craignant-Dieu» mette fin à des décennies d’oppression.

L’« Etat profond » est-il tout-puissant ?

Les militaires ont renversé Mohamed Morsi non pas parce qu’il leur avait déclaré la guerre mais parce qu’il s’était montré incapable d’être l’habile chef d’orchestre de la restauration de l’Etat moubarakien, et que pour ne pas mécontenter ses alliés islamistes, il s’était montré trop tolérant envers leurs franges radicales, dont certaines œuvraient, avec une inconscience criminelle, à plonger le pays dans une guerre religieuse.

Si elle était attisée et entretenue par les fouloul, la colère contre les Frères musulmans avait été allumée par leur politique antisociale et sectaire.

L’armée, le 30 juin 2013, a jeté des drapeaux aux manifestants mais il est peu probable que dans leur majorité ils aient été «rameutés» par ses officines secrètes.

Le penser c’est ignorer que l’Egypte manifestait en continu depuis le 25 janvier 2011, parfois contre… les militaires.

C’est surtout ne pas répondre à la question: si les services de renseignements égyptiens ont cette puissance de manipulation proverbiale, pourquoi avaient-ils échoué à empêcher la chute de Hosni Moubarak et à faire élire Ahmed Chafik?

L’affaiblissement des Frères musulmans était déjà réel avant l’élection de Mohamed Morsi.

En témoigne la division de leur réservoir électoral par deux entre les élections législatives de novembre 2011-janvier 2012 (10 millions de voix) et les présidentielles de juin 2012 (5 millions de voix au 1er tour). L’«Etat profond» n’a fait que l’instrumentaliser.

La pénurie de carburants (récurrente en Egypte depuis des années comme l’atteste le fait que l’aide des pays du Golfe à ce pays comprend 3 milliards de dollars de produits pétroliers) a été aggravée pour étendre la contestation aux classes populaires. Mais cela n’a été possible que parce que les islamistes étaient déjà rejetés par des millions d’Égyptiens qui, à peine débarrassés de Hosni Moubarak, voyaient en naître un autre, d’autant plus arrogant qu’il se croyait éternellement « légitime».

ÉTAT DES LIEUX DE L’EGYPTE EN CRISE

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À LA «GAUCHE» DE L’AUTORITARISME

par M.Saadoune

Le Quotidien d’Oran

le 17 juillet 2013

La gauche a-t-elle un avenir dans le monde arabe ?

Poser la question, c’est déjà apporter un élément de réponse.

Après une certaine présence dans les années 60 et 70, la gauche, hormis une existence groupusculaire, ne pèse plus sur les jeux politiques. Hormis en tant qu’appendice et alibi pour les pouvoirs en place avec lesquels elle entretient des rapports d’une grande ambiguïté.

Au cours de ces deux dernières décennies et jusqu’à présent, les batailles politiques ont été largement menées par les courants nationalistes -souvent faire-valoir de régimes autoritaires- et des islamistes.

La gauche, ou ce qu’il en reste, n’a plus qu’une présence marginale. Sa voix est amplifiée lors des moments délicats où l’alternance est en jeu et où les urnes donnent des résultats «indésirables».

L’opposition radicale aux islamistes -tous classés dans une seule case sans la moindre nuance- qui émane de ces courants n’est pas purement idéologique. La gauche a des divergences avec les ultralibéraux qui ne tournent jamais à une vision guerrière.

On peut observer actuellement en Egypte que la gauche accepte de s’allier avec l’affairisme le plus véreux du régime Moubarak -qui n’a jamais disparu- par opposition aux islamistes. On aura même entendu des gens de gauche afficher leur mépris pour la population qui ne sait pas «voter». Vieille et terrible rengaine droitière!

Et au fond, au-delà des divergences idéologiques et politiques réelles, ce que la gauche ne supporte pas chez les islamistes est qu’ils sont plus écoutés par les classes populaires dont elle se sent, par une sorte de prédestination divine!, la seule apte à représenter. La seule apte à défendre y compris contre elles!

En Algérie comme ailleurs, les premières élections ouvertes ont été un terrible choc pour les gens de gauche. La «distance» entre eux et les classes populaires était abyssale.

Et même si intellectuellement, ils pensent -et souvent à juste titre- que l’islamisme n’est pas une réponse aux attentes de ces damnés des indépendances, ils n’en tirent aucune réflexion sur eux-mêmes, sur leur pratique. Sur le fait que les classes populaires choisissent légitimement ceux qui les côtoient dans leur vie quotidienne et non ceux qui, de loin, théorisent sur des sujets abstraits.

Il y a bien entendu une crise des vocations militantes, une incapacité à sortir d’un entre soi et de ses codes.

Il y a, plus gravement, un renoncement à un combat sur le terrain politique qui rend les élites de la gauche plus enclines à défendre les systèmes autoritaires que les processus démocratiques.

Il est pénible de constater la gauche arabe, dont la littérature pourfend avec abondance les régimes autoritaires, s’installer durablement dans le rejet de la démocratie au nom du rejet de l’islamisme, voire du «diktat de la populace».

Que l’islamisme ne soit pas une alternative de gouvernement est un fait.

Mais que des militants de gauche y trouvent un motif pour justifier que l’on rallonge la vie des systèmes autoritaires est le signe d’une impasse.

Ou l’expression d’un «statut de classe».

La gauche arabe ne serait-elle en définitive qu’un élément du décor du système autoritaire… qu’elle défend avec acharnement contre les urnes libres?

CE QUE L’ÉGYPTE POURRAIT EVITER DANS LE «SCÉNARIO ALGÉRIEN»

Yassin Temlali

Le quotidien d’Oran

Maghreb Emergent

6 juillet 2013

Il est très courant, ces jours-ci, de parler de la «réédition du scénario algérien» en Egypte, où le processus révolutionnaire lancé en janvier 2011 traverse un moment critique, avec le retour de l’armée sur le devant de la scène et son hold-up caractérisé sur la formidable mobilisation anti-Morsi, initié par le mouvement Tamarod.

Il n’est pas nécessaire d’énumérer toutes les différences entre ce qui s’est passé dans ce pays et l’annulation, par les militaires algériens, des élections législatives de décembre 1991, remportées par le Front islamique du salut (FIS). Citons-en seulement deux, les plus importantes.

  • La première est que la démission de Mohamed Morsi était une revendication réellement populaire, ce qui n’était pas le cas de l’arrêt du processus électoral en Algérie, où, pour une partie non négligeable de l’électorat, seuls les intégristes radicaux pouvaient en finir avec le système FLN.
  • La deuxième différence est que cette revendication n’était pas une manifestation de peur abstraite du pouvoir islamiste mais une réaction à l’échec des Frères musulmans à améliorer la situation socio-économique et sécuritaire ainsi qu’à leurs tentatives d’islamisation de l’appareil de l’Etat, dont l’exemple caricatural a été la désignation d’un ancien dirigeant du groupe intégriste qui a assassiné des dizaines de touristes étrangers à Louxor (1997)… à la tête du gouvernorat de Louxor.

    Dans un pays où quelque 10% de la population sont chrétiens et où le développement de la religiosité n’a pas réussi à bloquer le processus de sécularisation de la société, à l’œuvre depuis un siècle et demi, le discours islamiste était de plus en plus perçu comme une surenchère sectaire, menaçant le mutli-confessionnalisme égyptien voire la diversité même de l’islam (le massacre de chiites, le 23 juin 2013).

Ces différences avec l’Algérie signifient-elles que la situation en Egypte n’évoluera pas, pour ainsi dire, «à l’algérienne»? En d’autres termes, les organisations politiques islamistes les plus radicales ne seront-elles pas tentées par la violence? Ce risque n’est, malheureusement, pas à écarter.
Ces organisations n’ont pas toutes révisé leur «doctrine du djihad», et certaines croient encore aux armes comme ultime recours contre le taghout, aujourd’hui incarné, à leur grand désarroi, non seulement par le général Abdelfattah El Sissi mais aussi par des millions d’Egyptiens de toutes conditions sociales. Il n’est pas exclu qu’appliquant la vieille maxime qui enseigne que «la meilleure défense c’est l’attaque», elles réagissent par anticipation à la répression qui pourrait s’abattre sur elles dans le sillage de la destitution de Mohamed Morsi et de l’arrestation de plusieurs dirigeants des Frères musulmans.

Si ce pronostic, à Dieu ne plaise, se réalise, il n’est pas improbable que leurs rangs se renforcent des membres de cette confrérie les plus sensibles au discours jihadiste.

L’ARMEE DE RESERVE DES JIHADISTES

Il serait utile de rappeler ici certains événements des années 1990 en Algérie. La première action militaire islamiste depuis le démantèlement du maquis de Bouyali (1982-1987) a eu lieu fin novembre 1991, soit un mois avant la suspension des législatives remportées par le FIS; il s’agit de l’attaque d’une garnison à Guemar (Sud-est) par le Mouvement islamique armée (MIA), qui n’avait pas de lien organique avec ce parti et rejetait son projet d’édification de l’Etat islamique par la voie électorale.

Le jihadisme algérien, dans les années 1990, avait ainsi son propre agenda, ce qui paraît être le cas du jihadisme égyptien (l’élection de Mohamed Morsi n’a pas mis fin aux attentats dans la presqu’île du Sinaï). Cela veut-il dire que l’arrêt des législatives de 1991 a joué un rôle mineur dans l’explosion de violence et de contre-violence qu’a vécue l’Algérie à partir de 1992? Cette décision du Haut commandement de l’armée, maquillée en sauvetage de la République, a fait apparaître les jihadistes aux yeux des cadres du FIS comme des hommes clairvoyants, qui ne se sont pas laissés envoûter par les sirènes de la légalité. Elle a ouvert aux islamistes radicaux, déjà actifs au sein du MIA et d’autres groupes (dont un issu du FIS, le Mouvement de l’Etat islamique, de Saïd Makhloufi) des perspectives de recrutement inespérées de centaines de militants qui s’estimaient dépossédés de leur victoire et, surtout, fuyaient la répression.

Car on a poussé l’irresponsabilité jusqu’à interner des milliers de cadres du FIS, «à titre préventif», dans les «camps du Sud» et charger des escadrons de la mort d’abattre des centaines d’autres. Une partie des locataires de ces sinistres camps prendront le maquis dès leur libération et y rejoindront ceux qui les y avaient précédés pour échapper aux exécutions sommaires.

Cette gestion catastrophique de l’après-janvier 1992 est la raison majeure de la tragédie des années 1990 et non, «en soi», l’annulation d’élections législatives qui, dans des circonstances de tension politique extrême et de bipolarisation FLN-FIS, ne pouvaient être ni libres ni démocratiques. Nous pouvons dire, plus de 21 ans plus tard, que ce drame aurait peut-être été évité si les dirigeants de l’armée ne s’étaient pas tant aveuglés sur les conséquences de leurs décisions. L’Algérie aurait-elle perdu des dizaines de milliers de ses enfants si on n’avait pas arrêté et exécuté sans jugement tant de militants islamistes, si l’interdiction du FIS n’avait pas été l’annonce des funérailles de l’ouverture démocratique consécutive à l’intifada d’octobre 1988?

EGYPTE: LA TENTATION DU TOUT-SÉCURITAIRE

C’est cet épisode du célèbre «scénario algérien» qui doit être médité en Egypte par les partisans de l’«éradication militaire de l’islamisme», un fantasme qui est loin d’être purement algérien. Les erreurs de la décennie rouge doivent d’autant moins être commises dans ce pays que la désaffection vis-à-vis de l’islam politique y est à son comble et qu’elle-même est sans précédent dans l’histoire. S’il ne veut pas que ce puissant élan anti-islamiste s’éteigne lamentablement, dans des règlements de comptes exécutés par les fouloul (résidus du moubarakisme), le mouvement opposé aux Frères musulmans doit modérer les ardeurs de ses éradicateurs qui rêvent de «renvoyer les islamistes en prison» et non de les vaincre dans une compétition démocratique, dont les règles interdiraient l’étouffement des libertés politiques aussi bien que l’instrumentalisation de la religion pour accéder au pouvoir.

Des poursuites judiciaires à l’encontre des principaux dirigeants des Frères musulmans égyptiens ont déjà été engagées. Elles ont été ordonnées par un Procureur général nommé par Hosni Moubarak, éphémèrement limogé par Mohamed Morsi et revenu à son poste la veille de la destitution de celui-ci. Bien qu’elles soient formellement fondées (appels à la violence et à la haine religieuse¸etc.), elles ont tout l’air d’une vendetta légale, menée par une justice qui n’a toujours pas condamné les responsables de la répression de janvier-février 2011 et qui continue d’innocenter les symboles du régime de Moubarak.

Si cette répression s’élargit à la base de la confrérie islamiste, elle pourrait, comme en Algérie, en 1992, pousser beaucoup de ses cadres dans les bras des jihadistes. La géographie de l’Egypte (l’absence de maquis pouvant constituer des «zones libérées») ne favorise, certes, pas une insurrection à l’algérienne. Mais un retour aux affaires, sous la houlette des militaires, de fouloul ragaillardis et revanchards, qui n’ont de programme que l’asservissement politique et économique des Égyptiens, pourrait en provoquer une, de basse intensité. Le prétexte serait alors tout trouvé pour remettre aux calendes grecques cette démocratisation qui fut une des revendications centrales de l’intifada du 25 janvier 2011.

Yassin Temlali


LE MYSTÈRE DU TEMPLE, UNE PREMIÈRE BRÈCHE DANS LA CRYPTE FRÈRO-MUSULMANE

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Note de lecture:

“Le mystère du temple”,

une première brèche dans la crypte fréro-musulmane

Yassin Temlali

El Watan

le 25 avril 2013

“Le mystère du temple: les secrets cachés des Frères musulmans”[[ “asrar al ma’bad: al asrar al khafiyya lil ikhwan al moslimin”, Editions Nahdat Masr, Le Caire, novembre 2012.

Cet article a été publié initialement dans la revue Afkar Idées (n°37). Il est publié ici avec son autorisation.]] de Tharwat Al Kharbawy ne pouvait aussi bien tomber, commercialement parlant. Publié à un moment de grande focalisation médiatique sur cette confrérie aujourd’hui au pouvoir en Egypte, il a eu plus de succès qu’un autre ouvrage de l’auteur, “Au cœur des Frères musulmans: les tribunaux d’inquisition”, paru en 2010.

Le mystère du temple, qui en est à sa onzième édition trois mois après sa sortie en novembre 2012, n’est pas un récit chronologique de l’activité militante de Tharwat Al Kharbawy, avocat qui a été, de longues années durant, un important dirigeant de la section «Corporations» des Frères musulmans. C’est plutôt une succession de tableaux, de portraits et de réflexions qui tissent la trame du fonctionnement opaque de cette organisation, de la toute-puissance de son morched (Guide), des rapports ambigus qu’elle a pu entretenir avec le régime et sa police politique sous le règne de Hosni Moubarak, et, enfin, des luttes qui, sous des dehors de cohésion à toute épreuve, y opposent factions ennemies et ambitions rivales. Le ton se veut romanesque, avec des fins de chapitres à suspense, et le tout est entrecoupé de longues digressions sur le chemin que l’auteur a parcouru, après sa dissidence, vers la «vraie foi», celle mystique, soustraite aux impératifs de la politique et de la soif de pouvoir.

Sur la foi de témoignages qu’il attribue à d’autres militants, Tharwat Al Kharbawy n’exclut pas que les Frères musulmans aient infiltré l’armée et la police, au sein desquelles ils auraient ressuscité leurs cellules clandestines des années 1940 et 1950. Surtout, il exprime sa quasi-certitude qu’al tandhim al khass (l’organisation spéciale), unité paramilitaire créée par le père-fondateur, Hassan Al Banna, en 1940 puis officiellement dissoute, a été recréée sous d’autres formes. C’est d’autant plus vraisemblable, suggère-t-il, que la doctrine violente de ce bras armé s’est réincarnée dans le discours de certains cadres se réclamant ouvertement de la pensée du dirigeant frériste radical Sayyid Qotb, exécuté en 1966 et duquel la confrérie, sous la direction de son troisième morched, Omar Al Telmeçani, a pris ses distances.

À propos de l’aile paramilitaire des Frères musulmans

Malheureusement, ces soupçons, qui ressemblent par moments à de franches accusations, ne sont pas appuyés sur des documents ou des témoignages mais sur de simples «déductions» de militants de même «rang» hiérarchique ou d’anciens cadres en rupture de ban avec l’organisation. À voir les attaques violentes lancées ces derniers mois contre les opposants du président Mohamed Morsi par ses partisans (notamment devant le Palais présidentiel, le 5 décembre 2013), l’existence d’une «unité paramilitaire» au sein des Frères musulmans n’est probablement pas une vue de l’esprit. Cependant, ce n’est pas dans ce livre qu’on en trouvera la preuve irréfutable et définitive!

L’auteur n’a pas été aidé à affûter ses arguments par l’éditeur, qui ne semble pas non plus s’être soucié d’authentifier les propos attribués à nombre de personnages, militants frères musulmans ou autres. On confirme davantage l’inconsistance de son argumentaire lorsqu’il écrit que les Francs-maçons ont très probablement infiltré la confrérie pour la «dévier de sa ligne modérée (…) et ainsi justifier son écrasement». On ne mesure la gravité d’un tel soupçon que si l’on sait la sainte horreur qu’inspirent les loges maçonniques aux islamistes qui, dans le sillage de l’extrême droite européenne, les présentent comme des sectes maléfiques visant, sous le couvert de la fraternité universelle, à saper les fondements des religions révélées. Cela étant dit, il faut reconnaître à Tharwat Al Kharbawy l’honnêteté d’avoir mentionné qu’Ahmed Ibrahim Abou Ghaly, de qui il tient ce qui ressemble moins à un doute qu’à une solide conviction – et qu’il présente comme une ancienne autorité de la confrérie -, reconnaît lui-même qu’il s’agit là d’une « extrapolation », censée éclairer certaines énigmes internes.

De «secrets du temple» il n’en est donc point dans le livre, en dépit de son titre alléchant. En tant que cadre intermédiaire, Tharwat Al Kharbawy a été, certes, impliqué dans d’importantes opérations politiques, mais pas plus qu’il n’était membre de makteb al irchad (littéralement «bureau de direction»), instance suprême des Frères musulmans, il n’appartenait à une quelconque «organisation paramilitaire» dont l’existence serait cachée à l’écrasante majorité des militants. Aussi, ne faudrait-il pas aborder Le mystère du temple avec l’espoir d’y trouver l’«histoire réelle» de cette organisation ou des révélations fracassantes sur ses dirigeants, anciens ou actuels.

Des origines « wahhabites » oubliées

La lecture de ce best-seller n’est pas pour autant sans utilité. Non seulement il souligne en creux les écueils à éviter lorsqu’on tente d’écrire «objectivement» une histoire subjective, mais il rappelle aussi un certain nombre de fondamentaux oublié concernant les Frères musulmans. Nous en citerions deux. Le premier est leur disposition à collaborer avec les grandes puissances «impies» pourvu qu’elles les acceptent comme alternative aux régimes despotiques en place. L’auteur écrit, à ce propos, que c’est Issam Al Aryane qui était en charge des contacts clandestins avec l’establishment américain, affirmation corroborée par la fonction «de représentation extérieure» que remplit celui-ci au sein de la confrérie depuis la chute de Hosni Moubarak. Le second fondamental, enfoui sous des sédiments de propagande présentant la plus vieille organisation islamiste égyptienne comme intrinsèquement modérée, est son «origine wahhabite» avérée: le modèle de Hassan Al Banna en la créant en 1928, relève Tharwat Al Kharbawy, était celui des prédicateurs-soldats qui ont été le fer de lance de la fondation de la monarchie saoudienne et qui, curieuse coïncidence, se donnaient pour nom les ikhwan, les frères.

La publication des deux livres de Tharwat Al Kharbawy montre que le mur de l’omerta qui entoure la crypte fréro-musulmane commence à se fissurer. D’autres témoignages viendront sans doute infirmer ou confirmer ses allégations et nourrir le débat sur cette confrérie qui, même après s’être dotée d’une aile «légale», le Parti de la liberté et de la Justice (dont est issu le président Mohamed Morsi), refuse de se dissoudre ou de se donner quelque statut juridique que ce soit. La situation en Egypte se prête parfaitement à un tel débat. Bien qu’ils restent mieux implantés que tous leurs adversaires, l’épreuve du pouvoir a fait perdre aux Frères musulmans leur aura de quasi-sainteté. Plus que jamais leur passé et leur présent peuvent être appréhendés loin des hagiographies faciles et de tenaces mythes fondateurs.

Yassin Temlali


EGYPTE : TROIS BONNES NOUVELLES CETTE SEMAINE

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Ces trois bonnes nouvelles apportent une confirmation importante à ceux qui en doutent encore:

À travers la complexité, les lenteurs et la dureté des processus de libération,

OUI, LES PEUPLES PEUVENT

DÉS QUE, FORTS DE LEURS EXPÉRIENCES,

ILS S’UNISSENT DANS L’ACTION !

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Ahmed Ezz au tribunal du Caire.

AFP Photo/STR

Ahmad Ezz vient d’être condamné à 37 années de prison et à une amende de 600 millions d’euros pour enrichissement illicite. Dans les années qui ont précédé la Révolution, Ahmad Ezz était la personnalité la plus influente de l’Etat après Suzanne Moubarak, épouse du président et mère de son dauphin Gamal. Quand le soulèvement contre Moubarak a commencé le 25 janvier 2011, les postes-clés du gouvernement étaient occupés par de grands hommes d’affaires tous condamnés aujourd’hui. Alexandre Buccianti un des meilleurs journalistes spécialistes de l’Egypte explique que c’est sous son influence que les Moubarak ont célébré les noces du pouvoir et de l’argent. Ezz doit sa fortune colossale au rachat d’une aciérie étatique en difficulté. C’est cette opération qui lui vaut sa condamnation.

Les Frères musulmans ont perdu pratiquement les trois quarts des sièges lors des élections professionnelles parmi les étudiants qui se sont terminées le mercredi dernier. Dans les unions d’étudiants élues dans toutes les universités publiques egyptiennes, les Frères détenaient une majorité écrasante, l’année dernière. Ces résultats sont un indice de la perte de vitesse des Frères Musulmans.

Plusieurs milliers de policiers égyptiens ont entamé une série de grèves dans diverses villes du Canal de Suez et du Delta. Ce sont les policiers des brigades anti-émeutes, des conscrits pour la majorité, qui sont le plus en colère. Ce sont eux qui, depuis des semaines, sont confrontés aux manifestants de Port-Saïd sur le Canal de Suez et de Mansourah et Méhalla dans le Delta. Mercredi, ils ont enfermé un général de police durant trois heures dans un camp d’Ismaïlia avant de le relâcher. Ils accusent le ministre de l’Intérieur de les sacrifier. Ils ne veulent plus être l’outil permanent de répression des manifestants.

Source : agérie-ionfos.saoudi