13 FÉVRIER – ALGER- LIBRAIRIE EL IDJTIHAD: PRÉSENTATION – DÉDICACE DU LIVRE « L’ENTENTE DE SÉTIF « 

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INVITATION

librairie.el.idjtihad@gmail.com

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LIBRAIRIE EL IDJTIHAD (ex. Dominique)

Rencontre – Présentation – Dédicace

du Livre « L’Entente de Sétif »

En présence de l’auteur Mr. Omar
Mokhtar Chaâlal, nous parlerons du livre
sur l’équipe de football de l’Entente
de Sétif créée en 1958 en pleine
guerre de libération nationale.

  • Présentation et dédicace du livre par l’auteur,

    Mr. Omar Mokhtar Chaâlal,

    militant social, écrivain, auteur aussi de

    « Kateb Yacine »

    et « Talghouda » sur Abdelhamid Benzine

    aux Editions Casbah.
  • Mr. Mohamed Rebah, Chercheur en histoire, auteur, qui évoquera les joueurs
    de l’équipe de foot ball du Mouloudia de Cherchell qui sont tous morts au maquis
    durant l’été 1956..
  • Mr. Hamid Tahri, journaliste à El Watan, modérateur de l’activité.

Lieu :

Librairie EL IDJTIHAD (ex. Dominique)

Samedi 13 février

14h. 30

9, rue Hamani Arezki (ex. Rue Charras) – Tel. 023 49 25 86

mobile: 0667163243

email: librairie.el.idjtihad@gmail.com

ALGER – 19 DÉCEMBRE- RENCONTRE DÉBAT – PST: RÉSISTANCE A LA LOI DES FINANCES

Parti socialiste des travailleurs (PST)

Loi de finances 2016

et résistance antilibérale

Rencontre-débat

Avec Nourredine Bouderba

Ancien dirigeant syndical de la Fédération des travailleurs du pétrole, du gaz et de la chimie (UGTA), Expert en relations de travail

Samedi 19 décembre 2015

à 14 heures

au siège national du PST

27, boulevard Zighout Youcef

(près du square Sofia)

Alger

Soyons nombreux

FONDAMENTAL: « TOUT PEUT CHANGER – CAPITALISME ET CHANGEMENT CLIMATIQUE »

pdf-3.jpg NAOMI KLEIN::

«NOTRE MODÈLE ÉCONOMIQUE EST ENTRÉ EN GUERRE CONTRE LA VIE SUR TERRE»

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Naomi KLEIN

Oubliez tout ce que vous croyez savoir sur le réchauffement climatique. La «vérité qui dérange» ne tient pas aux gaz à effet de serre, la voici : notre modèle économique est en guerre contre la vie sur Terre.

Au-delà de la crise écologique, c’est bien une crise existentielle qui est en jeu – celle d’une humanité défendant à corps perdu un mode de vie qui la mène à sa perte. Pourtant, prise à rebours, cette crise pourrait bien ouvrir la voie à une transformation sociale radicale susceptible de faire advenir un monde non seulement habitable, mais aussi plus juste.

On nous a dit que le marché allait nous sauver, alors que notre dépendance au profit et à la croissance nous fait sombrer chaque jour davantage. On nous a dit qu’il était impossible de sortir des combustibles fossiles, alors que nous savons exactement comment nous y prendre – il suffit d’enfreindre toutes les règles du libre marché : brider le pouvoir des entreprises, reconstruire les économies locales et refonder nos démocraties. On nous a aussi dit que l’humanité était par trop avide pour relever un tel défi. En fait, partout dans le monde, des luttes contre l’extraction effrénée des ressources ont déjà abouti et posé les jalons de l’économie à venir.

Naomi Klein soutient ici que le changement climatique est un appel au réveil civilisationnel, un puissant message livré dans la langue des incendies, des inondations, des tempêtes et des sécheresses.

Nous n’avons plus beaucoup de temps devant nous.

L’alternative est simple : changer… ou disparaître.

Tant par l’urgence du sujet traité que par l’ampleur de la recherche effectuée, l’auteur de No Logo et de La Stratégie du choc signe ici son livre le plus important à ce jour.

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Sources:

  • blog algerieinfos Saoudi Abdelaziz
    http://www.algerieinfos-saoudi.com/2015/12/naomi-klein-notre-modele-economique-est-entre-en-guerre-contre-la-vie-sur-terre.html
  • Tout peut changer
    Capitalisme et changement climatique

    http://www.actes-sud.fr/catalogue/societe/tout-peut-changer
  • http://www.luxediteur.com/naomiklein

FAIRE SAUTER LE VERROU MÉDIATIQUE

par Serge Halimi

Le Monde Diplomatique

octobre 2015

pdf-3.jpg Les tentatives de rupture avec les politiques néolibérales se multiplient. Après l’espérance grecque, l’élection imprévue de M. Jeremy Corbyn au Royaume-Uni, demain peut-être le réveil de l’Espagne… Ces essais ne sont pas toujours transformés, on l’a mesuré à Athènes en juillet dernier. Mais quelques-uns des obstacles sont dorénavant bien identifiés : les marchés financiers, les entreprises multinationales, les agences de notation, l’Eurogroupe, le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne (BCE), la politique monétariste allemande et ses caudataires sociaux-libéraux. La puissance de ces agents ainsi que la convergence de leurs préférences expliquent pour partie les prudences et les capitulations des uns, les souffrances et les hésitations des autres. Bien que pertinent, un tel diagnostic est incomplet. Car y manque un élément décisif, souvent analysé dans ces colonnes mais largement ignoré ailleurs, en particulier par les forces politiques qui devraient s’en soucier au premier chef.

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Cet élément a révélé sa nocivité à Athènes lorsque Syriza résistait aux diktats de l’Union européenne ; il s’est d’emblée déchaîné à Londres contre le nouveau dirigeant travailliste, M. Corbyn (lire « Jeremy Corbyn, l’homme à abattre » ) ; on l’observera à Madrid si Podemos l’emporte en décembre prochain. Enfin, depuis six mois, il se reconfigure méthodiquement à Paris. De quoi s’agit-il ? Du perfectionnement d’un verrou médiatique susceptible de disqualifier tout projet contraire au pouvoir des actionnaires.

Au fond, pourquoi en serait-il autrement dès lors que les propriétaires des médias sont aussi, de plus en plus, les architectes des concentrations industrielles et les bénéficiaires de gigantesques capitalisations boursières ?
En France, par exemple, six des dix principales fortunes nationales — la première, la cinquième, la sixième, la huitième, la neuvième et la dixième — sont désormais détenues par des propriétaires de groupes de presse [[Respectivement MM Bernard Arnault, Serge Dassault, Patrick Drahi, François-Henri Pinault, Vincent Bolloré, Xavier Niel. Source : Challenges, Paris, 8 juillet 2015. ]].

L’un d’eux, M. Patrick Drahi, vient également de débouler en tête des fortunes d’Israël [« The rich list : Drahi debuts at no1 », Haaretz, Tel-Aviv, 12 juin 2015. ]]. Pourtant, dans ce secteur-clé qui conditionne à la fois l’information publique, l’économie, la culture, les loisirs, l’éducation, on peine à détecter la moindre stratégie politique qui s’emploierait à contrer le danger. Un peu comme si chacun se disait qu’on verrait bien le moment venu, qu’il y a d’autres priorités, d’autres urgences [[ Cf. [ « L’art et la manière d’ignorer la question des médias » , www.homme-moderne.org. ]]

On verra bien ? On a vu… Arrivant au pouvoir à Athènes en janvier dernier, le gouvernement de M. Alexis Tsipras avait escompté, un peu imprudemment, que la solidarité des peuples européens en butte aux politiques d’austérité lui permettrait de mieux résister à l’intransigeance allemande.

Bien des raisons liées à la fragmentation et à la faiblesse des alliés continentaux de Syriza, politiques et syndicaux, expliquent que cette espérance ait été déçue. Toutefois, un élément important ne saurait être omis. Pendant six mois, le traitement médiatique de la question grecque a défiguré les termes du débat en cours. Et a tenté d’exacerber dans l’opinion publique européenne le souci de ce que l’effacement de tout ou partie de la dette d’Athènes coûterait à « chaque Français » , Allemand, Espagnol, Italien, Slovaque, etc. [[En France, la campagne a été lancée par Le Figaro dès le 8 janvier 2015 (« Chaque Français paierait 735 euros pour l’effacement de la dette grecque »). Elle a été relayée ensuite par la plupart des autres médias, notamment (le 26 janvier) par les deux principales chaînes de télévision française, TF1 et France 2. ]]. Les principaux moyens d’information, y compris ceux qui se montrent en général friands de prêches postnationaux, trouvèrent là un moyen assuré de contenir un mouvement de solidarité continental avec la gauche hellénique. Dans une autre configuration médiatique, la Grèce aurait peut-être été présentée non pas comme un mauvais payeur susceptible d’aggraver les difficultés de ses créanciers, y compris les plus pauvres, mais comme l’avant-garde d’un combat européen contre une politique d’austérité ayant échoué.

Chaque concentration semble favoriser la suivante

Le coût pour la collectivité des baisses d’impôts qui ont profité depuis trente ans aux contribuables les plus aisés ou celui des plans de sauvetage des banques privées n’ont d’ailleurs jamais été calculés — et matraqués — avec le même acharnement, à l’euro près, pour « chaque Français », Allemand, etc. Et quand, le 27 août, les créanciers occidentaux, intraitables dans le cas de la dette grecque, ont consenti à l’effacement d’une partie de celle de l’Ukraine, quel grand quotidien économique a évalué ce que cet abandon de créances risquait de coûter à « chaque Français », Italien, Lituanien, etc. ? Quelle chaîne de télévision s’est hâtée de recueillir, lors d’un de ses héroïques micros-trottoirs, les réactions de badauds terrorisés en imaginant la spoliation qu’une telle remise de dette signifierait pour eux ?

Évoquant en août dernier les difficultés du Brésil en proie à un ralentissement de son économie, à la baisse du prix des matières premières et à de multiples affaires de corruption, M. João Pedro Stédile, membre du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (MST), a noté que « le peuple observe avec inquiétude les nouvelles de la crise et le manque d’alternative à la télévision. (…) Nous n’arrivons pas à faire entendre nos propositions, y compris parce que les médias sont détenus par la bourgeoisie » . Le principal groupe médiatique brésilien, Rede Globo, servirait selon lui de « parti idéologique » et de lieu où se construit l’unité de la « classe dominante » [Entretien avec João Pedro Stédile, «[ Au Brésil, les classes dominantes ont abandonné le pacte d’alliance passé avec Lula et Dilma », Mémoire des luttes, 4 août 2015. ]]. Un peu comme Fox News est devenue aux Etats-Unis le bras armé du Parti républicain.

Fox News appartient à M. Rupert Murdoch. Le Sun britannique et le Wall Street Journal aussi. A priori, le lien entre une chaîne d’information continue dont raffolent les retraités américains, un journal anglais connu pour ses scandales et ses seins nus et le grand quotidien new-yorkais des milieux d’affaires ne saute pas aux yeux. Mais l’objectif de M. Murdoch est de constituer une puissance qui en impose, pas d’imaginer une quelconque complémentarité éditoriale au service du public. Et puis, quel rapport aussi entre un quotidien populaire comme Le Parisien-Aujourd’hui en France , Radio Classique et Les Echos , si ce n’est l’identité de leur propriétaire commun, M. Bernard Arnault ? La même observation vaut pour Libération, RMC, L’Express et BFM TV, sur lesquels M. Drahi désormais veille. Sans oublier Direct Matin , Canal Plus et CNews (ex-iTélé), que M. Bolloré dirige avec une brutalité remarquée.

Or, en l’absence d’une résistance dans des salles de presse de plus en plus inquiètes et dépeuplées ou d’une législation contraignante, chaque concentration favorise la suivante. En mai dernier, M. Francis Morel, PDG des Echos, expliquait en ces termes le rachat par le groupe de presse de M. Arnault du Parisien-Aujourd’hui en France : « J’ai redressé Les Echos, mais cela ne suffit pas. Un acteur ne peut rester isolé dans un univers en pleine concentration, sous peine de se mettre en danger. En analysant le marché, l’option la plus logique était celle du Parisien [«[ Le PDG du groupe Les Echos défend le rapprochement avec “Le Parisien” », Le Monde, Paris, 27 mai 2015. ]] »

Quatre mois plus tard, M. Nonce Paolini, PDG de TF1, estimait à son tour que la « consolidation » d’un secteur des médias désormais quadrillé par des mastodontes capitalistes était devenue telle que plus rien ne justifiait qu’on interdise à son entreprise, comme un an auparavant, de déployer sa chaîne d’information continue LCI sur la TNT gratuite : « Il n’y a plus de groupes isolés et fragiles, seulement des acteurs puissants qui investissent. La crainte de voir certains acteurs fragilisés par l’arrivée de LCI en clair n’est plus d’actualité [«[ TF1 défend un nouveau projet pour le passage de LCI en TNT gratuite », Le Figaro, Paris, 15 septembre 2015. ]]. » De fait, à l’aune de la trentaine de milliards d’euros de capitalisation boursière du groupe de M. Drahi (qui vient tout juste d’acquérir BFM TV) ou des 9 milliards d’euros de trésorerie nette du groupe de M. Bolloré (qui resserre son contrôle sur iTélé), TF1 va bientôt passer pour un petit artisan désargenté. En tout cas, un gouvernement insuffisamment respectueux des vaches sacrées du libéralisme aurait quelque souci à se faire s’il trouvait face à lui trois chaînes d’information continue de ce genre…

Comment espérer faire connaître
des analyses dissidentes ?

M. Arnault, on le sait, fut le témoin de mariage de M. Nicolas Sarkozy, auquel M. Bolloré prêta son yacht peu après son élection à l’Elysée [Lire Marie Bénilde, «[ M. Sarkozy déjà couronné par les oligarques des médias ? », Le Monde diplomatique, septembre 2006.. ]] Gageons que M. Drahi, encore peu connu en France, deviendra vite aussi bien introduit que MM. Arnault et Bolloré dans les milieux politiques. Deux directeurs de journaux employés de son groupe, Laurent Joffrin et Christophe Barbier, devraient l’y aider, l’un familier de M. François Hollande, l’autre de Mme Carla Bruni-Sarkozy. De toute façon, ce genre de relations s’acquiert sans effort quand on dispose d’un groupe de presse tentaculaire adossé à plusieurs milliards d’euros. En juin dernier, M. Xavier Niel (compagnon de la fille de M. Arnault) s’est rendu à une réception célébrant le mariage de la directrice exécutive de sa holding personnelle, Mme Anne-Michelle Basteri, avec M. Pierre Moscovici, ancien ministre des finances socialiste et actuel commissaire européen à l’économie. Il y a naturellement croisé le président de la République . [Marie Bordet, «[ Anne-Michelle Basteri, la gardienne de l’empire Niel », Le Point , Paris, 14 septembre 2015. ]]

Nulle spécificité française en la matière. En 2012, un rapport officiel relatif aux dérives sensationnalistes d’un hebdomadaire britannique, News of the World, appartenant à M. Murdoch relevait déjà que « les formations politiques qui se sont succédé au pouvoir et dans l’opposition ont tissé avec la presse des liens incestueux qui ne répondent guère à l’intérêt général. (…) Les actionnaires, directeurs et rédacteurs en chef des journaux britanniques ont appris dans les meilleures écoles à exercer un lobbying subtil dans le lacis des amitiés personnelles et professionnelles [ Le Monde diplomatique a publié de larges extraits de ce rapport dans son édition de janvier 2013 («[ Ce rapport qui accable les médias britanniques »). ]] . » Novice sur ce terrain et peu enclin à s’y risquer, M. Corbyn sait ce qui l’attend. Sa victoire a d’ailleurs été saluée par le Sunday Times (dont M. Murdoch est également propriétaire) par ce titre ruisselant d’entrain : « Corbyn déclenche la guerre civile au Labour ».

Dans de telles conditions d’adversité idéologique et médiatique, comment espérer faire connaître des analyses dissidentes au-delà de ceux qui sont déjà attirés, voire convaincus par elles ? Il est tentant de répondre en invoquant les cas spectaculaires où le tir de barrage de la propagande a échoué, par exemple les référendums français de mai 2005 et grec de juillet 2015. Lors de ces scrutins, l’indignation suscitée par l’unanimisme des médias dominants a même constitué un instrument de mobilisation populaire important, s’ajoutant au simple refus du traité européen de 2005 ou du diktat de la « troïka » dix ans plus tard. M. Stathis Kouvelakis, un des dirigeants de la gauche grecque, estime par exemple que « le fait que le camp du “oui” ait mobilisé des politiciens détestés, des commentateurs, des chefs d’entreprise et des célébrités des médias n’a fait qu’enflammer une réaction de classe » favorable au « non » [Entretien avec Stathis Kouvelakis, «[ Greece : The struggle continues », Jacobin, 14 juillet 2015. ]]. C’est dire que ne pas engager de combat contre le système de l’information dominante constitue une erreur de calcul autant qu’une faute intellectuelle. D’autant que la critique des médias sert souvent de point d’entrée en politique à de nouvelles générations, aussi saturées de nouvelles et de commentaires que défiantes envers le journalisme professionnel.

A la longue,
la traque de propos sulfureux
devient un exercice vain

Toutefois, d’éventuelles victoires resteront sans lendemain et l’indignation impuissante, sans une refonte radicale du système d’information. En décembre dernier, Le Monde diplomatique a proposé un projet allant dans ce sens [Pierre Rimbert, «[ Projet pour une presse libre », Le Monde diplomatique ,décembre 2014. ]]. À présent, il faut avancer ; nous nous y emploierons, forts de notre indépendance [Lire Serge Halimi, «[ “Le Monde” et nous », Le Monde diplomatique, juin 2010. ]].

Les problèmes du journalisme traditionnel se poseront bientôt — se posent déjà — au journalisme numérique. Imaginer que les promesses de la Toile vont enfanter un autre type d’information de masse, dégagé des logiques de rentabilité et de domination qui se déploient ailleurs, constitue par conséquent un pari perdu d’avance. L’existence d’un site marginal qui nous plaît et que nos amis aussi apprécient ne confère à celui-ci aucune puissance particulière, aucun impact supplémentaire dès lors que nous ne sommes que quelques-uns à le consulter, à le consommer. Vraisemblablement les mêmes qu’avant, mais derrière un clavier. Doit-on alors se scandaliser et abreuver tous ses contacts de tweets rageurs ? A la longue, la traque de propos sulfureux dont on va pouvoir s’indigner de concert avec ses amis devient un exercice lassant et vain.

Pour armer ses combats, mieux vaut chercher à comprendre. Au risque de ne jamais être compris soi-même par les professionnels des « unes » racoleuses, des intellectuels à la mode et des campagnes de dénonciation ronflantes — Le Point qui inlassablement aimerait associer notre critique de l’Europe libérale à l’extrême droite, Marianne qui semble imaginer que la menace djihadiste, dont les journalistes de Charlie Hebdo ont éprouvé la terrible réalité le 7 janvier dernier, sera conjurée par ses coups de trompette contre l’Etat islamique et par les puissantes analyses de Pascal Bruckner [[Le 27 novembre 2013, Le Point a placé Le Monde diplomatique dans le camp des « néoconservateurs à la française » (titre du dossier), puis le 30 octobre 2014, dans celui de « la gauche Zemmour ». Le 28 août 2015, Marianne a plutôt estimé que Le Monde diplomatique s’était donné pour mission d’ « anoblir Daech » … ]].

Heureusement, notre singularité semble rencontrer quelques échos. Depuis 2009, nous faisons chaque année appel à nos lecteurs pour que leurs dons et leurs abonnements consolident notre indépendance. En 2014, les deux ont progressé de concert. Avec 296 000 euros (contre 242 000 euros l’année précédente), les dons que nous avons reçus via l’association Presse et pluralisme ont représenté près du triple de nos recettes publicitaires. Le nombre de nos abonnés a quant à lui enregistré une hausse de 8,7 % entre août 2014 et août 2015. Enfin, nos ventes au numéro sont également en progression depuis quinze mois de suite.

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Il est donc probable que 2015 marquera le premier rebond de notre diffusion depuis 2008 (voir le graphique ci-dessus) . Ces résultats, s’ils se confirment, seraient d’autant plus encourageants qu’ils s’inscrivent à rebours d’une tendance générale [[Entre juillet 2014 et juin 2015, la presse payante grand public a enregistré un recul de 5,4 % de sa diffusion. ]]. Nous publierons nos comptes le mois prochain, mais disons-le d’emblée : grâce à votre mobilisation et à vos dons, notre situation financière s’est améliorée. La constance de votre soutien nous permettra à la fois d’engager de nouveaux projets — dès ce mois-ci, notre site fait peau neuve ; bientôt, nous disposerons d’une base d’archives multilingue — et d’espérer maintenir en 2016 notre tarif au niveau qui était le sien trois ans plus tôt. Votre appui nous procurera aussi les ressources grâce auxquelles nous pourrons amplifier notre effort éditorial, y compris à une période où le terrain tremble autour de nous.

Le règne des émotions destinées à être avalées, digérées, oubliées

Nous disposons de petits moyens, mais nous nourrissons de grandes ambitions.

Quand toutes sortes de colères s’expriment, la culture de la vitesse, du ragot, du coup de gueule médiatisé, de l’à-peu-près peut répondre à des raisons commerciales et servir des intérêts industriels, mais elle comporte des risques immenses, politiques et sociaux. Le démantèlement du code du travail au prétexte de favoriser l’emploi, des murs contre les migrants au prétexte de maintenir la cohésion nationale, une nouvelle expédition militaire au prétexte de contenir la guerre…

Dans un climat idéologique aussi lourd, un journal indépendant n’est pas de trop. Il s’adresse à des lecteurs qui réclament du recul, qui en ont assez d’être bombardés d’informations sans importance, d’anecdotes personnalisées, de « débats » confectionnés par les médias, d’émotions destinées à être avalées, digérées, oubliées. Il encourage les résistances là où tant d’autres s’emploient à les écraser.

Serge Halimi

6-9 OCTOBRE 2015 – TOULOUSE-3èmes JFCA: – LES AMI-E-S D’AVERROES

►HOMMAGE À EDMOND CHARLOT

MARDI 6 OCTOBRE 2015 à 20H 00

À L’ESPACE DES DIVERSITÉS ET DE LA LAÏCITÉ

38-rue d’Aubuisson

À l’occasion du centenaire de la naissance d’une personnalité marquante des deux rives de la Méditerranée : libraire-éditeur exceptionnel, galeriste et homme de radio E. Charlot est un des personnages clé de l’édition française et précurseur de l’amitié franco-algérienne.

● Évocation de la mémoire de François MASPERO,

libraire-éditeur, journaliste, écrivain et figure de l’engagement des intellectuels français dans le combat contre la guerre d’Algérie.

Avec la participation de :

  • Guy DUGAS, professeur des universités, critique de la littérature judéo-maghrébine et coordinateur du centenaire de la naissance d’Edmond Charlot.
  • Abdelmadjid KAOUAH, journaliste, poète et critique littéraire et Danièle CATALA, comédienne.

ΩΩ

►YEUX DE MOTS ◄

MERCREDI 7 OCTOBRE 2015 à 18h 30

À L’ESPACE DES DIVERSITÉS,

38- rue d’Aubuisson

Projection du court métrage ‘Yeux de mots’.

Film réalisé par les élèves du Lycée ‘Les Arènes’

suivi d’un débat en présence des jeunes réalisateurs, leurs professeurs et les protagonistes du film.

  • En présence d’Amar Mohand AMER,

    historien algérien, chercheur au CRASC d’Oran (Algérie).

ΩΩ

►FRANCE-ALGERIE ◄

JEUDI 8 OCTOBRE 2015 à 18 H 30

À L’ESPACE DES DIVERSITÉS ET DE LA LAÏCITÉ,

38, rue d’Aubuisson

Table ronde intitulée

‘Comment débarrasser le présent du passé colonial ?’

Avec la participation de :

  • Amar Mohand AMER,

    historien algérien, chercheur au CRASC (Université d’Oran)
    Jacques PRADEL, universitaire et président d’une ONG travaillant sur la mémoire.

ΩΩ

►DENIS MARTINEZ ET LA POÉSIE ALGÉRIENNE : ENTRE ART ET LITTÉRATURE ◄

VENDREDI 9 OCTOBRE 2015 à 18H30

LIBRAIRIE FLOURY,

36-rue de la Colombette

Rencontre avec le peintre algérien Denis MARTINEZ.

Vente-dédicace d’ouvrages de l’artiste.

●Hommage à Tahar DJAOUT.

Ecrivain, poète, romancier et journaliste algérien, il fut l’un des premiers intellectuels victime du terrorisme islamiste.

Merci de faire suivre dans vos réseaux et vos contacts

LES AMI-E-S D’AVERROES


POUR SALUER LA MÉMOIRE DE MON PÈRE

pdf-3.jpg Lateb Azeddine nous a adressé ce texte début septembre : « …Dans moins de dix jours, ça fera deux ans depuis que mon père n’est plus de ce monde. J’aimerais bien publier un petit texte à sa mémoire… »

Texte émouvant, il nous souvient des sentiments poignants éprouvés à la disparition des êtres chers à qui on ne peut rendre le dernier hommage ou message intime.
Socialgerie.


POUR SALUER LA MÉMOIRE DE MON PÈRE

Le 14 septembre 2013, tu es parti habiter l’autre monde.
Durant de longues années, tu avais courageusement tenu tête à la maladie et tu n’avais jamais manqué de célébrer la vie.
Tu refusais la défaite et tu ne désespérais pas, c’est ce qui te tenait vivant. Au plus fort de la maladie, tu te rappelais de la vie à vivre par-dessus tout. Tu disais que tout ce que je vis est un bonus.
Tu n’avais point de goût pour le malheur et pourtant ta propre vie a été sans cesse tremblée. Ton cœur généreux ne s’est point arrêté. Il n’a pas manqué à sa vocation de préserver cet ardent désir de vivre ; être digne du ventre de la Mère c’est inscrire la vie là où le malheur menace.
Tu as été bien entouré, bien accompagné, salué par les siens pour tout ce que tu es. Tu as reçu ce que tu as toi-même donné. A quelques jours de ta propre mort, fatigué, tu as tenu à honorer de ta présence la fête des siens, partager la joie et le fardeau. Pour toi, être un homme c’est ne pas manquer à l’appel du cœur ; ne pas être indifférent aux siens, aux autres.
Tu étais ainsi total. Tu n’aimais pas les demi-mesures. Tout ce qui te singularisais tant, le sens de la famille, la bravoure, la générosité y compris tes colères, nous manqueront. Nous avons fait le serment d’être heureux et nous ne renoncerons pas à ton héritage fait de sens et de dignité.
Que celles et ceux qui t’ont connu puissent avoir une pensée à ta mémoire.
Que Dieu le tout puissant t’ouvre les portes du Paradis.
Paix à ton âme.

L.A. septembre 2015


Pour les miens

Peut-être, quelque part, tu m’entends ; tu entends ce que je voulais te dire, ce que j’aurais aimé te redire, je t’aime.
C’est peut-être absurde pour ce pays qui peine à naître. Mais le pays est à naître. Et l’amour est à réinventer.
Je te l’avais pourtant dit, mais j’aurais aimé t’embrasser, poser mes lèvres sur ton front fatigué par la guerre.
Sentir ton épaule.
T’accompagner dans ton dernier voyage.
Te revoir une dernière fois, rien qu’une dernière fois puis te fermer les yeux ; t’endormir comme on endort un enfant.
T’ouvrir ma poitrine pour y déposer tes secrètes paroles. Et te sentir ainsi apaisé.
Mais la vie est imprévisible. Et le cours du temps est parfois inclément.
La vie, elle, est précieuse. Elle n’est pas à solder. Elle est à croquer. C’est ta leçon.
Il me faudra apprendre à en être digne.
Oui. La dignité, la seule, est de faire chanter les oiseaux que tu as affectueusement nourris. Ils sont le gage de l’avenir. L’avenir est la vie à naître.
Savais-tu que l’hiver sera plus long lorsque les neiges tardent à venir ?
Là où tu dors, il a déjà neigé. Et le frère disparu un jour d’hiver repose à tes côtés.
Je VOUS EMBRASSE.
Nous ne nous sommes pas revus, certes mais quelque part, nous nous rencontrons tous les jours ; dans tous les gestes et paroles, je sens ta présence et ressens cette absence qui me démange les yeux et l’âme.
Tu vis. Et tiens vivant dans la foi que tu as dans ce qui est à butiner, abeille parmi les fleurs.
Lorsque la poitrine est engloutie, les mots sont incapables de faire traverser le battement. Le cœur, lui, apprend à nager. Et à faire entendre sa chanson du désir, la vie.
Alors, je pleure non de chagrin mais de t’avoir manqué, d’avoir manqué à cette ultime retrouvaille.
Mais l’amour est la seule palpitation digne de la blessure de la Mère : Notre Terre. Nous renaîtrons tous les jours dans la paume de cet amour, et nous en mourrons d’y avoir manqué.
Dans ce foutu pays qu’on ne fait que becqueter par nos tristes museaux, ton être durera, fleur dans ce champ vert, cri renaissant de l’enfance interrompue.
Sais-tu que ton prénom est à présent happé à la mort et à l’oubli ?
Oui, lorsque la vie reprend le cycle de la renaissance, la mort est insignifiante. Elle est l’insignifiance.
Car la naissance est la plus belle riposte à ce cycle qui pourtant envoie des flèches à ce cœur où tu habites. Ton battement le préserve, me préserve de son estoc meurtrier.
Pour tout dire, tout redire, je t’aime. Oui, je t’aime. Le jour où l’on n’a plus honte de l’amour, ce jour-là, nous vaincrons la mort, l’oubli.
Et nous renaîtrons enfants d’une terre neuve. Terre, sein de l’Aimée.
Paris, 12 janvier 2014

Lateb Azeddine


L’HÉRITAGE DE FRANTZ FANON

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HAMZA HAMOUCHENE

le 7 JUILLET 2015

Frantz Fanon est mort quelques mois avant l’indépendance de l’Algérie en juillet 1962. Il n’a pas vécu pour voir son pays d’adoption s’affranchir de la domination coloniale française, une chose qu’il pensait être devenue inévitable. Cet intellectuel radical et révolutionnaire s’est consacré corps et âme à la libération nationale algérienne et a été un prisme à travers lequel de nombreux révolutionnaires étrangers ont compris l’Algérie et l’une des raisons pour lesquelles le pays est devenu synonyme de révolution du tiers monde.

Avec le poids de son passé récent et en particulier sa longue lutte pour l’indépendance qui a servi de modèle pour plusieurs fronts de libération à travers le monde, et compte tenu de sa diplomatie affirmée et de sa politique étrangère audacieuse dans les années 1960 et 1970, la capitale algérienne allait devenir la « Mecque » de tous les révolutionnaires. Comme Amilcar Cabral l’a dit lors d’une conférence de presse en marge du premier Festival Panafricain tenu à Alger sur 1969 : «Prenez un stylo et notez : les musulmans font le pèlerinage à la Mecque, les chrétiens au Vatican et les mouvements de libération nationale à Alger!» Fanon aurait sûrement été fier de cette séquence de l’histoire de l’Algérie et de l’Afrique. Le festival était imprégné de ferveur révolutionnaire et d’idées sur une culture combative alimentée par les luttes quotidiennes du peuple. L’atmosphère radicale de quelques jours de juillet a été immortalisée par l’important et puissant film de William Klein, Le Festival panafricain d’Alger 1969, qui atteste que cette rencontre panafricaine n’était pas seulement un slogan ou une utopie généreuse mais aussi une véritable rencontre des cultures africaines unies à la fois dans leurs dénonciations du colonialisme et leur lutte pour la liberté.

Les dirigeants politiques comme António Agostinho Neto et Cabral voyaient la culture comme étant au cœur de leurs préoccupations parce qu’ils l’associaient à la libération qu’ils ont théorisée comme une forme d’action politique. Ils font fortement écho aux mots de Fanon dans Les damnés de la terre: «La culture nationale n’est pas le folklore où un populisme abstrait a cru découvrir la vérité du peuple. Elle n’est pas une masse sédimentée de gestes purs, c’est-à-dire de moins en moins rattachables à la réalité présente du peuple […] La culture négro-africaine, c’est autour de la lutte des peuples qu’elle se densifie et non autour des chants, des poèmes ou du folklore [[Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Editions La Découverte, 2002, p. 221-223.]]».

Il vaut mieux garder cela à l’esprit quand on pense au rôle et à la conception de la culture aujourd’hui. Est-ce simplement une culture qui divertit la population et la détourne des vrais problèmes ? Ou est-ce une culture qui parle au peuple et met en avant sa résistance et ses luttes ? Est-ce une culture indépendante et libre qui favorise la dissidence et la critique, ou est-ce une culture folklorique qui arrive sous le patronage suffocant de certaines élites autoritaires?

an-v-193x300.jpgFanon avait de grands espoirs et croyait fermement en l’Algérie révolutionnaire et son livre lumineux L’an V de la révolution algérienne l’atteste et montre comment la libération ne vient pas comme un cadeau. Elle est saisie par les masses de leurs propres mains et en la saisissant, elles sont elles-mêmes transformées. Il a fermement soutenu que pour les masses, la forme la plus élevée de la culture, c’est-à-dire du progrès, c’est la résistance à la domination et à la pénétration impérialistes. Pour Fanon, la révolution est un processus de transformation qui permettra de créer de « nouvelles âmes [[L’expression « nouvelles âmes » est un emprunt à Aimé Césaire.]]». Pour cette raison Fanon termine son livre de 1959 avec ces mots : « La Révolution en profondeur, la vraie, parce que précisément elle change l’homme et renouvelle la société, est très avancée. Cet oxygène qui invente et dispose une nouvelle humanité, c’est cela aussi la Révolution Algérienne. [[Frantz Fanon, L’an V de la révolution algérienne, La Découverte, 2001, p. 174.]]»

La préoccupation de Fanon pour ce que les masses font, disent et pensent, et sa conviction que ce sont les masses, et non pas les dirigeants ni les systèmes, qui font et déterminent l’histoire, sont au cœur de ses livres. Il est crucial d’analyser le témoignage de Fanon, car il montre comment au milieu des pires catastrophes, les masses trouvent les moyens de se réorganiser et de poursuivre leur existence quand elles ont un objectif commun. À cet égard, les descriptions de Fanon de la conduite des masses sont d’une grande importance car elles montrent comment les masses cheminent dans leur existence et comment elles vont de l’avant [[Une analyse plus profonde est fournie dans L’an V de la révolution algérienne.]].

Cette attention et ce vif attachement aux damnés de la terre, à leurs vies et leurs luttes est mis en opposition à une aversion instinctive envers une bourgeoisie nationale qui va trahir les masses, stopper la libération et mettre en place un système national de tyrannie et d’exploitation, sur le modèle de son homologue colonial. Fanon a observé à juste titre comment la conscience nationaliste peut très facilement conduire à la « rigidité gelée », remplaçant simplement les maîtres blancs défunts avec des équivalents de couleur.

Comprendre l’Afrique : Fanon aujourd’hui

Plus de cinq décennies après sa mort, la question semble être : pourquoi Fanon est-il pertinent aujourd’hui, plutôt qu’est-il pertinent du tout ? Il serait instructif d’examiner comment ce révolutionnaire aurait pensé et agi face aux enjeux contemporains en Afrique et dans le monde.

Le travail de Fanon, écrit il y a cinq décennies porte encore un pouvoir prophétique qui réside notamment dans la description exacte de ce qui est arrivé en Algérie et au-delà. En lisant les mots de Fanon et en particulier «Les mésaventures de la conscience nationale» son célèbre chapitre des Damnés de la terre (basé sur ses réflexions sur ses expériences en Afrique de l’Ouest ainsi que ses préoccupations au sujet de la révolution algérienne[[Les mésaventures de la conscience nationale, chapitre des Damnés de la terre, p. 145-193.]]), on ne peut s’empêcher d’être absorbé-e-s et secoué-e-s par leur vérité et leur clairvoyance sur la faillite et la stérilité des bourgeoisies nationales en Afrique et au Moyen-Orient aujourd’hui ; bourgeoisies qui avaient tendance à remplacer la force coloniale avec un nouveau système basé sur des classes reproduisant les anciennes structures coloniales d’exploitation et d’oppression. Aujourd’hui, nous pouvons voir les Etats à travers le monde anciennement colonisé qui ont des « pathologies de pouvoir congénitales » comme Eqbal Ahmad les a appelés, donnant naissance à des Etats de sécurité nationale, à des dictatures, des oligarchies et des systèmes à parti unique [[Eqbal Ahmad, The Neo-Fascist State: Notes on the Pathology of Power in the Third World (L’Etat néo-fasciste : notes sur la pathologie du pouvoir dans le Tiers Monde), Arab Studies Quarterly 3, No.2 (été 1981), p. 170-180.]].

Ce qui est advenu de l’Algérie d’aujourd’hui avec l’argent du pétrole qui joue un rôle extrêmement important dans la pacification de la population et le financement d’une force de sécurité pléthorique et omniprésente, correspond à ce que Fanon craignait. Sa vision et sa politique étaient et ne sont pas du goût de la classe dirigeante et c’est pourquoi il est marginalisé aujourd’hui et réduit à n’être qu’une autre figure anticoloniale, dépouillée de son attaque incandescente sur la stupidité et la pauvreté intellectuelle et spirituelle des bourgeoisies nationales.

livre-ewsaid-culture_imperialisme-195x300.jpgComme le disait Edward Said, le vrai génie prophétique des Damnés de la terre, c’est quand Fanon détecte la fracture entre la bourgeoisie nationaliste en Algérie et les tendances libératrices du FLN. Il a été le premier théoricien majeur de l’anti-impérialisme à réaliser que le nationalisme orthodoxe a suivi la même piste taillée par l’impérialisme, qui tout en apparaissant concéder le pouvoir à la bourgeoisie nationaliste, étendait en réalité son hégémonie [[Edward Said, Culture et impérialisme, Fayard/Le monde diplomatique, 2001.]]. Fanon nous l’a carrément montré : « Que le combat anticolonialiste ne s’inscrive pas d’emblée dans une perspective nationaliste, c’est bien ce que l’histoire nous apprend.[[Fanon, Les damnés de la terre, p. 145.]]» Il nous avertit alors que nous devons faire un pas rapide de la conscience nationale à la conscience politique et sociale si nous voulons vraiment que nos pays évitent la régression et les incertitudes.

Dans cet état de choses la bourgeoisie nationale se passe de la légitimité populaire et tourne le dos de plus en plus à l’intérieur et aux réalités du développement inégal et n’est intéressée qu’à l’exportation des énormes profits qu’elle tire de l’exploitation des personnes vers des pays étrangers. Les événements d’aujourd’hui confirment cette affirmation que nous pouvons voir une corruption endémique et scandaleuse et un vol « légalisé » en Algérie, au Nigeria, en Egypte, dans la Tunisie de Ben Ali et l’Afrique du Sud, pour ne citer que quelques exemples.

En Algérie par exemple, une bourgeoisie anti-nationale, stérile et improductive a la haute-main dans la gestion des affaires de l’Etat et dans la direction de ses choix économiques. Cette élite compradore est la plus grande menace à la souveraineté de la nation comme elle brade l’économie aux capitales et multinationales étrangères et coopère avec l’impérialisme dans sa « guerre contre le terrorisme », un autre prétexte pour étendre la domination et la ruée pour les ressources [[Hamza Hamouchene, L’Etat algérien est-il anti-impérialiste? Etat d’Exception.net.]]. C’est une bourgeoisie qui a renoncé au projet de développement autonome initié dans les années 1960 et 1970, et comme Fanon l’a éloquemment exprimé « n’arrive même pas à arracher à l’Occident des concessions spectaculaires : investissements intéressants pour l’économie du pays [[Fanon, Les damnés de la terre, p. 169.]]» Au contraire, elle accepte désormais concession sur concession pour des privatisations et projets aveugles qui vont miner la souveraineté du pays et mettre en danger sa population et son environnement – l’exploitation du gaz de schiste par exemple [[Hamza Hamouchène, Algeria, an Immense Bazaar: The Politics and Economic Consequences of Infitah, Jadaliyya, janvier 2013.]]. Aujourd’hui, l’Algérie – mais aussi la Tunisie, l’Egypte, le Nigeria, le Sénégal, le Ghana, le Gabon, l’Angola et l’Afrique du Sud entre autres – suit les diktats des nouveaux instruments de l’impérialisme comme le FMI, la Banque mondiale et négocie son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce. D’autres pays africains utilisent encore le Franc CFA, une monnaie héritée de l’époque du colonialisme et toujours sous le contrôle du Trésor français. Fanon aurait été révolté par cette bêtise et pure stupidité. Comment pouvons-nous continuer à être soumis à l’impérialisme en nous inclinant à toutes les folies pour satisfaire les capitaux étrangers ?

Fanon avait prédit cette situation inquiétante et le comportement choquant de la bourgeoisie nationale quand il écrivait que sa mission n’avait rien à voir avec la transformation de la nation, mais consistait plutôt « à servir de courroie de transmission à un capitalisme acculé au camouflage et qui se pare aujourd’hui du masque néo-colonialiste.[[Fanon, Les damnés de la terre, p. 149]]» C’est là que nous pouvons apprécier la valeur durable d’employer la sagacité critique de Fanon nous décrivant la réalité postcoloniale contemporaine, une réalité façonnée par une bourgeoisie nationale « sans vergogne … antinationale », s’enfonçant ajoute-t-il, dans la voie horrible d’une bourgeoisie classique, « d’une bourgeoisie bourgeoise, platement, bêtement, cyniquement bourgeoise.[[Ibid, p. 147.]]»

C’est exactement ce qui s’est passé en Algérie et dans d’autres pays en Afrique. Ces régimes se contentent du rôle d’agent d’affaires des capitales occidentales et ne sont préoccupés que par le fait de se remplir les poches le plus rapidement possible, en ignorant la stagnation déplorable dans laquelle leurs pays s’enfoncent plus loin et plus profondément. Fanon aurait été choqué par la division internationale du travail en cours où nous, Africain-e-s, « on continue à expédier les matières premières, on continue à se faire les petits agriculteurs de l’Europe, les spécialistes de produits bruts.[[Ibid, p. 148.]]»

La critique de Fanon du tourisme, qu’il considérait comme une industrie postcoloniale par excellence, doit être revisitée et poussée plus loin. Il condamne le fait que les élites nationalistes soient devenues « les organisateurs de fêtes » pour leurs homologues occidentaux au beau milieu de l’énorme pauvreté de leurs populations. À court d’idées et coupées du peuple, ces élites, soutient-il, auront en pratique fait de leur pays « le lupanar de l’Europe [[Ibid, p. 150.]]». Ce n’est pas juste le cas des Caraïbes ; c’est devenu celui de nombreux pays d’Afrique comme l’Afrique du Sud postapartheid, la Tunisie, l’Egypte et le Maroc.

« Dans ces pays pauvres, sous-développés, où, selon la règle, la plus grande richesse côtoie la plus grande misère, l’armée et la police constituent les piliers du régime. Une armée et une police qui, encore une règle dont il faudra se souvenir, sont conseillées par des experts étrangers. La force de cette police, la puissance de cette armée sont proportionnelles au marasme dans lequel baigne le reste de la nation. La bourgeoisie nationale se vend de plus en plus ouvertement aux grandes compagnies étrangères. À coups de prébendes, les concessions sont arrachées par l’étranger, les scandales se multiplient, les ministres s’enrichissent, leurs femmes se transforment en cocottes, les députés se débrouillent et il n’est pas jusqu’à l’agent de police, jusqu’au douanier qui ne participe à cette grande caravane de la corruption. [[Ibid, p. 165-166.]]»

fanon_wretched_gallimardjeunesse-179x300.jpgCe passage plein de rage des Damnés est une représentation assez précise de la situation dans de nombreux pays africains où la répression et la suppression des libertés sont la règle – avec l’aide bien sûr de l’expertise étrangère – et où les élites avides institutionnalisent la corruption et servent des intérêts étrangers.
Fanon était l’un des rares intellectuels radicaux à souligner les dangers d’un nativisme « soigneusement cultivé », pour reprendre les mots d’Edward Saïd, sur un mouvement sociopolitique comme la décolonisation [[Edward Said, Culture et impérialisme, p. 242.]]. De nationalisme, nous passons à l’ultranationalisme, puis au chauvinisme et enfin au racisme et au tribalisme. Cela se voit dans plusieurs idéologies dogmatiques et d’exclusion comme l’arabisme, la négritude de Senghor, et les appels à un Islam pur ou authentique, qui ont eu des conséquences désastreuses sur les populations. On peut reprendre à nouveau l’exemple de l’Algérie, où la diversité culturelle a été ignorée pour une conception culturaliste plus étroite de l’identité algérienne, où la dimension berbère du patrimoine culturel algérien a été marginalisée et réduite à des manifestations folkloriques, où l’élite s’est engagée dans une politique d’arabisation sclérosée, où s’est développée une interprétation conservatrice de la religion et une vision réactionnaire du rôle des femmes dans la société par l’adoption de mesures sociales destinées à apaiser les islamistes telles que le notoire et rétrograde Code de la famille de 1984.

Edward Said a noté que plus d’efforts semblaient être engagés dans le renforcement de l’idée qu’être syrien-ne, irakien-ne, égyptien-ne, ou saoudien-ne était une fin en soi, plutôt que de penser de manière critique, audacieuse même, sur le programme national lui-même [[Ibid.]]. La politique identitaire suppose la place principale, et « l’unité africaine […], dévoile son vrai visage et s’émiette en régionalismes à l’intérieur d’une même réalité nationale. [[Fanon, Les damnés de la terre, p. 155.]]» Fanon a plaidé pour aller au-delà des premières étapes de l’identité nativiste affirmée vers une véritable libération qui implique une transformation de la conscience sociale au-delà de la conscience nationale.[[Ibid.]]

La vision de Fanon de l’Algérie future, qu’il partageait avec son mentor Abane Ramdane, l’architecte de la révolution, était une société sécularisée et démocratique avec la primauté de la citoyenneté sur l’identité (arabe, amazigh, musulmane, juive, chrétienne, européenne, blanche, noire, etc.) : « dans le cadre de la Cité en construction, écrit Fanon dans L’an V de la révolution algérienne, il n’y a que des Algériens. Au départ donc, tout individu habitant l’Algérie est un Algérien. […] Nous voulons une Algérie ouverte à tous, propice à tous les génies. [[Fanon, L’an V de la révolution algérienne, p. 15.]]» Il n’a pas oublié le rôle des femmes dans la nouvelle société quand il dit que tous les efforts doivent être faits pour mobiliser les hommes et les femmes aussi rapidement que possible et avertit contre le danger « de perpétuer les traditions féodales qui consacrent la priorité de l’élément masculin sur l’élément féminin. [[Fanon, Les damnés de la terre, p. 191.]]» Fanon a démontré dans un article qu’il a écrit dans son livre de 1959 intitulé «L’Algérie se dévoile» comment les femmes étaient des éléments essentiels de la révolution algérienne et comment les nécessités du combat ont donné lieu à de nouvelles attitudes et de nouveaux modes : « Le caractère quasi tabou pris par le voile dans la situation coloniale disparaît presque complètement au cours de la lutte libératrice.[[Fanon, L’an V de la révolution algérienne, p. 44.]]»

Alternatives : un deuxième moment fanonien ?

Hélas, une vision aussi généreuse d’une société pluraliste est encore à atteindre et c’est le second moment fanonien de la décolonisation, un moment qui rompt avec les hiérarchies, les divisions et les régionalismes constitués par l’impérialisme en embrassant un humanisme universel (qui comprendra les hommes et les femmes), et en construisant des solidarités régionales et internationales.

La triste réalité contemporaine que Fanon a décrit et contre laquelle il a mis en garde il y a cinq décennies laisse peu de doute que s’il était vivant aujourd’hui, Fanon serait extrêmement déçu par le résultat de ses efforts et de ceux des autres révolutionnaires. Il s’est avéré avoir raison au sujet de la rapacité et de la division des bourgeoisies nationales et des limites du nationalisme classique, mais il ne nous offre aucune prescription pour faire la transition après la décolonisation vers un nouvel ordre politique libérateur. Peut-être n’y a-t-il pas quelque chose qui ressemble à un plan ou à une solution toute faite. Peut-être qu’il considérait cela comme un processus de longue durée qui sera informé par la praxis et surtout par la confiance dans les masses et leur potentiel révolutionnaire à mettre à jour l’alternative libératrice.

pageimage-491391-2181333-3tahrirspainbw-300x225.jpgFrom Tahrir to Puerta Del Sol – Thumba Lewis Photography

Néanmoins, Fanon nous avertit que l’enrichissement scandaleux de cette caste mercantile sera accompagné par « un réveil décisif du peuple, d’une prise de conscience prometteuse de lendemains violents.[[Fanon, Les damnés de la terre, p. 161.]]» Aussi, nous pouvons voir la rationalité fanonienne de la révolte et de la rébellion rendue soudainement claire par les soulèvements arabes en 2011. Ce qui a commencé en Tunisie, puis sur la Place Tahrir en Égypte, est devenu une nouvelle révolte mondiale, s’étendant à l’Espagne et au mouvement des Indignés, à Athènes contre les vicieuses mesures d’austérité, aux révoltes urbaines au Royaume-Uni, à la mobilisation étudiante massive pour mettre fin à l’éducation à but lucratif au Chili, au mouvement Occupy contre les 1%, à la révolte en Turquie, au Brésil et ainsi de suite. Les masses populaires dans tous ces pays se sont rebellées contre la violence du monde contemporain qui ne leur offre que la paupérisation, la marginalisation et l’enrichissement croissants de quelques-uns au détriment et à la damnation de la majorité.

Des pays comme l’Egypte et la Tunisie ont longtemps été félicités pour les réalisations « merveilleuses » de leurs économies avec des croissances qui ne reflètent pas du tout la pauvreté abjecte et les inégalités profondes ancrées dans ces pays. Les masses ont surgi sur la scène politique, ont découvert leur volonté politique et se sont remises à nouveau à faire l’histoire. Comme les Égyptiens l’ont dit le 25 janvier, au début de leur révolution : « Quand nous avons cessé d’avoir peur, nous savions que nous allions gagner. Nous ne nous permettrons plus d’avoir peur d’un gouvernement. C’est la révolution dans notre pays, la révolution dans nos esprits.[[Une citation d’Ahmad Mahmoud tirée d’un article du Guardian, “Mubarak is still here, but there’s been a revolution in our minds, say protesters”, Chris McGreal, 5 février 2011.]]» Les Egyptiens et les Tunisiens ne se sont pas seulement révoltés pour réclamer la démocratie et la liberté, mais ils se sont rebellés pour le pain et la dignité, contre les conditions socio-économiques oppressives dans lesquelles ils ont vécu pendant des décennies. Ils se levèrent pour contester les géographies manichéennes de l’oppresseur et de l’opprimé (si bien décrites par Fanon dans Les damnés), géographies qui leur sont imposées par le système capitaliste-impérialiste mondialisé.

Que peut nous dire Fanon sur ce qui s’est passé en Egypte depuis 2011, avec le coup d’État militaire et la contre-révolution en cours ? Fanon dirait probablement : « la bourgeoisie ne doit pas trouver de conditions à son existence et à son épanouissement. Autrement dit, l’effort conjugué des masses encadrées dans un parti et des intellectuels hautement conscients et armés de principes révolutionnaires doit barrer la route à cette bourgeoisie inutile et nocive. [[Fanon, Les damnés de la terre, p. 167-168..]]» Libéraux, islamistes ou généraux militaires, quelle est la différence? Tous appartiennent à une bourgeoisie stérile alignée sur la demande du capitalisme néolibéral mondial.

Fanon nous répèterait également une observation importante qu’il a faite sur quelques révolutions africaines (y compris celle d’Algérie), à savoir leur caractère fédérateur qui marginalise toute pensée d’une idéologie sociopolitique sur la manière de transformer radicalement la société. C’est une grande faiblesse à laquelle nous avons de nouveau assisté avec la révolution égyptienne. « Le nationalisme n’est pas une doctrine politique, ni un programme », dit Fanon[[Ibid, p. 192.]]. Il insiste sur la nécessité d’un parti politique révolutionnaire qui puisse prendre en charge les revendications des masses, un parti politique qui éduquerait le peuple politiquement, qui sera « un outil entre les mains du peuple » et qui sera le porte-parole énergique et le « défenseur incorruptible des masses ». Pour Fanon, atteindre une telle conception d’un parti nécessite d’abord de nous débarrasser de la notion bourgeoise d’élitisme et de l’idée «très méprisante que les masses sont incapables de se diriger.[[Ibid, p. 179.]]»

Pour Fanon, le « nous » était toujours un « nous » créatif, un « nous » de l’action politique et de la praxis, de la réflexion et du raisonnement [[50 Years Later: Fanon’s Legacy, Nigel C Gibson, Keynote address at the Caribbean Symposium Series “50 Years Later: Frantz Fanon’s Legacy to the Caribbean and the Bahamas”, décembre 2011.]]. Pour lui, la nation n’existe pas en dehors d’un programme sociopolitique et économique « élaboré par une direction révolutionnaire et repris lucidement et avec enthousiasme par les masses.[[Fanon, Les damnés de la terre, p. 192.]]» Malheureusement, ce que nous voyons aujourd’hui, c’est l’antithèse de ce pour quoi Fanon a fortement plaidé. Nous voyons la stupidité des bourgeoisies antidémocratiques incarnée dans leurs dictatures tribales et familiales, bannissant le peuple, souvent avec une force brute de la participation au développement de leur pays et favorisant un climat d’immense hostilité entre gouvernants et gouvernés. Fanon, dans sa conclusion des Damnés, soutient que nous devons travailler sur de nouveaux concepts à travers une éducation politique permanente qui s’enrichit à travers la lutte de masse. L’éducation politique pour lui ne consiste pas seulement en des discours politiques, mais plutôt en « la libération des esprits » de la population, « les éveiller, et permettant la naissance de leur intelligence[[Ibid, p. 179.]]».

C’est peut-être l’un des plus grands héritages de Fanon. Sa vision radicale et généreuse est si rafraîchissante et enracinée dans les luttes quotidiennes du peuple qu’elle ouvre des espaces pour de nouvelles idées et de nouveaux imaginaires. Pour lui, tout dépend des masses, d’où son idée d’intellectuels radicaux engagés dans et avec les mouvements populaires et capables de venir avec de nouveaux concepts dans un langage non technique et non professionnel. Tout comme pour Fanon, la culture doit devenir une culture de combat, l’éducation doit mener également à la libération totale. Il écrit: «Le nationalisme, s’il n’est pas explicité, enrichi et approfondi, s’il ne se transforme pas très rapidement en conscience politique et sociale, en humanisme, conduit à une impasse.[[Ibid, p. 193.]]» Et c’est ce que nous devons garder à l’esprit lorsque nous parlons d’éducation dans les écoles et les universités. L’éducation décoloniale dans le sens fanonien est une éducation qui contribue à créer une conscience sociale et un individu social.

Pour Fanon, le militant ou l’intellectuel ne doit pas prendre des raccourcis pour faire avancer les choses car ce serait inhumain et stérile. Il s’agit de se réunir et de réfléchir ensemble, ce qui est le fondement de la société libérée. Et ce n’est pas seulement une abstraction lorsqu’il nous donne des exemples concrets tirés de la révolution algérienne, décrivant la façon dont la création de comités de production /consommation parmi les paysans et le FLN a donné lieu à des questions théoriques sur l’accumulation du capital: «Dans ces régions où nous avons pu mener à bien ces expériences édifiantes, où nous avons assisté à la construction de l’homme par l’institution révolutionnaire, les paysans ont saisi très clairement ce principe qui veut qu’on travaille avec d’autant plus de goût qu’on s’engage plus lucidement dans l’effort. On a pu faire comprendre aux masses que le travail n’est pas une dépense d’énergie, ou le fonctionnement de certains muscles, mais qu’on travaille davantage avec son cerveau et son cœur qu’avec ses muscles et sa sueur.[[Ibid, p.182-183.]]» Il nous parle également d’une autre expérience dans L’an V de la révolution algérienne dans un article sur la radio intitulé « Ici la voix de l’Algérie…[[Fanon, L’an V de la révolution algérienne, p. 51-82.]]». Il décrit une réunion dans une salle où les gens écoutent la radio avec un militant (enseignant) en leur sein. Cette forme de salle de classe sur laquelle il a écrit est un espace démocratique où l’enseignant est un commentateur éclairé pas un administrateur, et où le but de l’éducation politique est l’autonomisation [self-empowerment].

the-wretched-of-the-earth-400x400-imaef9a5jnfk6qgb-203x300.jpgUn militant ou un intellectuel ne peut pas être vraiment productif dans sa mission de servir le peuple sans être entièrement dévoué au changement radical, sans renoncer à la position de privilège (carriérisme) et sans remettre en cause les divisions qui prévalent dans le capitalisme : leader contre les masses, travail intellectuel contre travail manuel, urbain contre rural, centre contre périphérie et ainsi de suite. Pour Fanon, le centre (la capitale, la culture officielle, le leader désigné) doit être désacralisé et démystifié. Il plaide pour un nouveau système de relations mobiles qui doivent remplacer les hiérarchies héritées de l’impérialisme[[Edward Said, Culture et impérialisme.]]. Afin de parvenir à la libération, la conscience de soi, un processus sans fin de découverte, d’empathie, d’encouragement et de communication avec l’autre doit être libéré. C’est une des leçons fondamentales dont nous devons tenir compte lorsque nous construisons des mouvements sociaux à la base, qui soient divers, non-hiérarchiques et intersectionnels.

Fanon n’était pas marxiste mais il croyait fermement que le capitalisme avec son impérialisme et ses divisions asservissent les gens. En outre, son diagnostic précoce sur l’incapacité des élites nationalistes dans l’accomplissement de leur mission historique démontre la pertinence de sa pensée aujourd’hui. En dépit de son propre échec – sa mort précoce à l’âge de 36 ans y joue sans doute un rôle – à mettre en place une idéologie détaillée sur la manière d’aller au-delà de l’impérialisme et du nationalisme orthodoxe et de parvenir à la libération et à l’universalisme, il a sans nul doute réussi à nous fournir des outils cruciaux pour travailler par nous-mêmes : sa conception lumineuse de l’éducation, transformatrice et toujours influencée par la pratique, s’efforçant de libérer toute l’humanité de l’impérialisme. Ceci est l’héritage vivant d’un révolutionnaire et d’un grand penseur.

Source : Counterpunch.
Traduit de l’anglais par SB, pour Etat d’Exception.


HAMZA HAMOUCHENE
Hamza Hamouchene est un militant qui vit en Angleterre. Auteur de nombreux articles, parus notamment sur le site Jadaliyya, il est président de l’Algerian Solidarity Campaign (Londres).


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25 JUIN – RENCONTRE DÉBAT AVEC ALAIN RUSCIO: OAS ET « ULTRAS » DE L’ALGÉRIE FRANÇAISE : ILS ONT VOULU BLOQUER L’HISTOIRE

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(Autour du livre d’Alain Ruscio :

« NOSTALGERIE, L’INTERMINABLE HISTOIRE DE L’OAS »
)

Jeudi 25 juin 2015 à partir de 19 heures 30

Espace Niemeyer 6, avenue Mathurin Moreau, Paris 75019

(Métro Colonel Fabien)

RENCONTRE-DÉBAT AVEC

ALAIN RUSCIO, historien [[Le Credo de l’homme blanc. Regards coloniaux français, XIXe – XXe siècles, Complexe, 1996 ; Y a bon les colonies ? La France sarkozyste face à l’histoire coloniale, à l’identité nationale et à l’immigration, Le Temps des cerises, 2011 ; Nostalgérie (publication citée)]], « Nostalgérie et négationnisme en Histoire »

JEAN-PHILIPPE OULD-AOUDIA, témoin[[ L’assassinat de Château-Royal. Alger, 15 mars 1962, Éditions Tirésias, 1992 ; Deux fers au feu, de Gaulle et l’Algérie, 1961, suivi de : Un crime d’État, Paris, 23 mai 1959, Éditions Tirésias, 2015]], « L’OAS contre les centres sociaux éducatifs d’Algérie »

DELPHINE RENARD, témoin [[ Tu choisiras la vie, Éditions Grasset et Fasquelle, 2013 ; La grande maison de brique rose, Éditions Tirésias, 2015]], « La mémoire blessée dans l’attentat de l’OAS contre André Malraux (1962) »

À l’initiative des Cahiers d’Histoire. Revue d’histoire critique chrhc.revues.org,

Débat animé par Hafid Hamdi-Cherif, de la revue algérienne Naqd, et Anne Jollet, coordonnatrice de la rédaction des Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique

19 h. 30 : accueil et dédicace par les intervenant/es

20 h. : débat

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nostalgerie.jpg « Pour des centaines de milliers d’Européens qui ont naguère vécu en Algérie, l’idéalisation du passé s’est transformée en une « nostalgérie », beau mot chargé de mélancolie. Mais le drame commence lorsqu’on constate qu’une seule famille politique française, celle des anciens de l’Organisation armée secrète (OAS) et de leurs héritiers, l’a malhonnêtement et durablement instrumentalisée. Non contents d’avoir mené toute une communauté à l’impasse puis à l’exil, les « ultras » de l’Algérie française ont tenté, depuis, d’accaparer sa mémoire. Et ils y sont en partie parvenus. Ces hommes ont fait le choix, à partir de février 1961, d’enclencher en toute connaissance de cause une incroyable spirale de violence terroriste, en Algérie comme en France. Alain Ruscio propose dans ce livre un récit synthétique des racines et de l’histoire de ce tragique épisode, ainsi que de ses séquelles contemporaines. Mobilisant un impressionnant corpus documentaire – dont beaucoup de mémoires d’anciens de l’OAS –, l’auteur retrace la dérive de ces officiers à l’idéal patriotique dévoyé, militants fascisants et petits malfrats transformés en assassins, qui ont eu l’incroyable prétention de « bloquer l’histoire », comme l’avait écrit Pierre Nora dès 1961. Enfin, Alain Ruscio explique comment et pourquoi la mémoire brûlante de ces années de folie meurtrière travaille toujours, de façon souterraine, la société française.

Ce livre est une précieuse réponse à l’un des derniers négationnismes que véhicule encore une certaine histoire coloniale « à la française » [[http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Nostalg__rie-9782707185648.html]] .

À l’occasion de la publication du n° 126 des Cahiers, « Rebelle face à l’ordre colonial »

http://chrhc.revues.org/

Entrée libre et gratuite.

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« PENSER L’APRÈS » – livre de Jacques Fath- en librairie depuis le 11 Juin 2015

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« ESSAI SUR LA GUERRE, LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE, LA PUISSANCE ET LA PAIX DANS LE NOUVEL ÉTAT DU MONDE »

Jacques Fath

Les enjeux de la sécurité internationale et la guerre elle-même n’ont plus grand-chose à voir avec ce qui caractérisa le XXe siècle et ses deux grands conflits mondiaux. La violence et la conflictualité sont maintenant d’abord le fruit des crises issues d’un type de développement et des dominations dont on mesure quotidiennement la brutalité pour les êtres humains et pour les sociétés. Les réponses sécuritaires et militaires, les logiques de force et les stratégies de puissance conduisent à des impasses politiques majeures, à des situations de chaos.

Ce livre est une invitation à réfléchir sur le monde, sur la guerre, les conflits, les résistances sociales et politiques, sur les stratégies à l’œuvre et leurs impasses.

Un autre ordre international est à construire dans l’exigence de la responsabilité collective, du multilatéralisme, du désarmement et de la sécurité humaine.

Pour penser l’après…

Disponible en librairie ou en commande sur le site : www.editions-arcane17.net
Sortie officielle jeudi 11 juin 2015.
236 pages – 20.00€

ISBN: 978-2-918721-41-3
ISSN: 2104-59-76