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NON À L’AGRESSION CONTRE LA LIBYE

par Hocine Belalloufi, Alger, le 20 mars 2011.

mardi 22 mars 2011

À propos de la Libye, l’analyse de Hocine Bellaloufi met à nu le faux dilemme dans lequel les impérialistes, les ultra-libéraux et leurs relais locaux veulent pousser les États, les peuples et les démocrates du monde entier.
Comme s’il n’y avait d’autre alternative, pour le monde arabe et l’Afrique, que de s’aligner sur les dictateurs ou sur les puissances interventionnistes qui attaquent leurs pays en prétendant les libérer. Ou qui cherchent, ce qui est tout aussi néfaste, à contraindre les peuples, les partisans de l’indépendance et des droits de l’Homme à la paralysie et au statut de spectateurs passifs face à la complexité des situations en forme d’impasses tragiques.

Une autre voie existe, certes difficile, qui exige mobilisation, fermeté et créativité quant aux voies et moyens. C’est la voie des positons autonomes en référence concrète et judicieuse aux principes fondamentaux. Celle qui prend en compte les enjeux réels sous-jacents aux faux semblants sentimentaux ou idéologiques utilisés à des fins propagandistes et de manipulation.

Comme pour les aventures qui avaient visé la Palestine et Gaza, l’ex Yougoslavie, l’Irak, l’Afghanistan, le Liban et tant d’autres, les agresseurs et brigands internationaux seront démasqués et de plus en plus isolés car leurs desseins et agissements sont de plus en plus déphasés par rapport aux besoins, aux intérêts, aux aspirations et aux prises de conscience aussi bien des peuples que des Etats dits "émergents", dont la voix et les positions se font entendre de plus en plus puissamment.

Georges Walker Obama, Nicolas Sarkozy et David Cameron, soutenus par le « socialiste » José Louis Zapatero prétendent que leurs avions de chasse ont commencé à bombarder les troupes d’El Gueddafi le 19 mars 2011 pour « protéger le peuple libyen ». C’est un mensonge !

Au même moment, Georges Walker Obama demandait pudiquement à son fidèle allié Ali Abdellah Saleh – le boucher de Sanaa qui venait de massacrer des dizaines de manifestants pacifiques – de « tenir sa promesse d’autoriser les manifestations à se dérouler pacifiquement ». Ainsi, le peuple yéménite ne bénéficiera pas, lui, de la protection désintéressée des dirigeants des grandes démocraties impérialistes. Le peuple bahreïni qui fait face à la répression de la monarchie locale assistée des troupes saoudiennes et émiraties ne disposera pas davantage de l’assistance des grandes démocraties impérialistes. On sait depuis longtemps, depuis 1948 au moins, que les alliés de Londres, Paris et Washington peuvent en toute impunité massacrer leurs peuples ou les peuples conquis.

Les impérialistes protègent leurs intérêts, non le peuple libyen.

Mais les dirigeants impérialistes auraient tort de penser que les peuples du monde arabe sont dupes et qu’ils prennent pour argent comptant leurs belles professions de foi sur la liberté, la démocratie, la protection des populations…
Ils auraient tort de considérer que leur insatiable soif d’or noir et de gaz a échappé à l’attention des peuples de la région.

Quand on a comme eux soutenu les massacres commis par la soldatesque sioniste à l’encontre des Palestiniens de Gaza en 2009 et des Libanais en 2006, quant on a soutenu jusqu’à la fin les dictateurs amis Moubarak et Benali, lorsqu’on continue de soutenir le régime le plus réactionnaire et antidémocratique qui soit, celui de la famille El Saoud, lorsqu’on se partage les riches eaux de pêche de l’Atlantique sur le dos du peuple sahraoui, lorsqu’on a sur les mains le sang de centaines de milliers de Rwandais et que l’on fomente la guerre civile en Côte d’Ivoire, on ne dispose d’aucune crédibilité.

Georges Walker Obama, l’homme qui a renié son engagement de fermer la prison de Guantanamo située sur la partie de l’île de Cuba que l’impérialisme américain occupe militairement, l’homme qui a reconduit les mesures policières illégales du Patriot Act aux États-Unis, l’homme qui finance généreusement les banquiers responsables de la crise et les magnats de l’industrie automobile, l’homme qui poursuit la guerre en Afghanistan et en Irak, l’homme qui a activement participé au putsch contre le président légitime du Honduras, qui poursuit l’occupation d’Haïti et qui soutient militairement la clique d’extrême-droite à la tête de la Colombie, l’homme qui refuse d’exiger la moindre chose des colonisateurs israéliens, cet homme sans scrupules ose encore se présenter comme un homme de paix, porteur de démocratie et de liberté des peuples.

Qui peut-il encore tromper ? Il arrive peut-être à abuser une partie du peuple américain qui n’a pas encore compris que le locataire de la Maison-Blanche, qu’il soit noir ou blanc, est avant tout le fondé de pouvoir du grand capital américain, c’est-à-dire des magnats de la finance qui ont provoqué la crise de 2008 et de ceux du complexe militaro-industriel au sein duquel on compte les magnats du pétrole.

Mais dans le Sud de la planète, et singulièrement dans le monde arabe, Georges Walker Obama ne fait pas illusion et est pris pour ce qu’il est réellement : le défenseur des intérêts impérialistes US.
Il en va de même pour les dirigeants européens, ces grands démocrates qui ont contraint le peuple irlandais à revoter plusieurs fois jusqu’à ce qu’il acquiesce à un Traité européen qui n’est pas pour rien dans la crise sociale aigue que vit ce même peuple aujourd’hui et ses semblables du vieux continent (Grèce, Espagne, Portugal, France…). Ces démocrates européens qui ont refusé que leurs peuples soient consultés par référendum de peur qu’ils ne les rejettent.
Ce sont ces gens-là qui viennent aujourd’hui nous donner des leçons de démocratie et qui se présentent, toute honte bue, comme les défenseurs et protecteurs du peuple libyen. Silvio Berlusconi peut-il être crédible en défenseur des peuples ?

La responsabilité écrasante du régime d’El Gueddafi

Il va de soi que les va-t-en guerre américains, français, britanniques, italiens et canadiens doivent être dénoncés et combattus. Idem pour les régimes arabes qui tentent de donner une coloration arabe à cette agression impérialiste : ceux qui participent directement à l’action militaire (Qatar et Emirats arabes unis) et le reste des régimes de la Ligue arabe qui ont tous cautionné la décision du Conseil de sécurité.

Mais peut-on passer sous silence la responsabilité écrasante du régime d’El Gueddafi dans ce qui se déroule ?
L’expérience du régime de Saddam Hussein ne nous a-t-elle donc rien appris ?
L’expérience plus récente du régime de Khartoum ne nous a-t-elle rien enseignés ?
Peut-on exiger d’un peuple soumis à l’arbitraire d’une clique militaire depuis quarante ans de continuer à subir ce régime sous prétexte de « ne pas faire le jeu de l’impérialisme » ?
Ceux qui n’ont rien appris de l’Irak et qui refusent d’apprendre aujourd’hui de la Libye ne comprendront rien, demain, lorsque le problème se posera de nouveau au Soudan, mais aussi en Syrie ou en Iran. Le problème est pourtant d’une aveuglante clarté.
Les régimes qui résistent aux grandes puissances impérialistes tout en opprimant leurs propres peuples se privent de la seule arme de dissuasion et de résistance réelle contre les impérialistes et leurs alliés. Ils scient la branche sur laquelle ils sont assis et préparent non seulement leurs propres défaites mais, surtout, la défaite de leurs propres peuples.

Pourquoi la « petite » résistance nationale libanaise arrive-t-elle à contrecarrer les agressions de l’armée sioniste et à infliger des défaites politiques à l’Etat colonialiste israélien ? Parce qu’il s’agit d’une résistance populaire qui dispose du soutien du peuple libanais et qui travaille à le conserver et à l’étendre. Il n’y a pas de miracles. La victoire de la résistance libanaise repose sur sa symbiose avec son peuple. Il ne s’agit pas d’une victoire militaire au sens étroit et réducteur du terme, mais d’une victoire politique. Qu’elle perde ce soutien politique et son sort sera irrémédiablement scellé.

C’est donc El Gueddafi lui-même et son régime qu’il convient en premier lieu de blâmer. El Gueddafi, l’ami de Berlusconi et de Sarkozy. El Gueddafi, l’homme qui a accepté de jouer le rôle peu glorieux de garde-frontière de l’UE dans sa traque des émigrants venus en Libye pour tenter de rejoindre la riche Europe qui exploite et pille leurs pays par le biais des multinationales et des groupes financiers américains, européens et japonais. El Gueddafi, l’homme qui a généreusement ouvert ses champs de pétrole aux compagnies occidentales, cet homme doit être dénoncé et sa responsabilité écrasante mise en lumière dans l’agression impérialiste.

Peut-on efficacement combattre les troupes impérialistes alors qu’on leur vend l’essentiel de ses hydrocarbures ? Peut-on engager une lutte efficiente contre l’occident impérialiste lorsque l’on place l’argent du pétrole et l’argent détourné par une poignée de dirigeants libyens dans les grandes banques des pays du G7 et dans les paradis fiscaux que ces derniers contrôlent ? Peut-on sérieusement résister à l’impérialisme après avoir tenu son peuple d’une main de fer ? Les exemples du régime de Saddam renversé sans réaction du peuple irakien et du régime d’Omar el Bachir qui a perdu toute la région sud du Soudan dont la population avait subi les affres de la dictature militaro-islamiste de Khartoum prouvent que non.

La nécessaire décantation au sein de l’opposition libyenne

On ne peut reprocher aux Libyens de s’être révoltés contre le régime dictatorial d’El Gueddafi. La révolte du peuple libyen reste légitime et il ne peut être question de réduire de manière caricaturale les opposants au tyran de Tripoli à une bande de marionnettes monarchistes aux mains des impérialistes.

On dispose de très peu d’informations sur cette opposition, mais il est certain que des marionnettes existent en son sein. Des Karzaï naissent partout. Ils peuvent même, à un moment donné, se trouver en position dominante. De même y a-t-il des opposants qui, confrontés à l’offensive bien réelle des troupes d’El Gueddafi, ont pensé en toute sincérité, qu’il leur fallait utiliser tactiquement l’aide militaire d’où qu’elle vienne, mais qui refusent toute entrée des troupes étrangères en Libye. Enfin, il existe également des Libyens opposants réels au régime d’El Gueddafi, mais qui refusent toute intervention militaire impérialiste qu’elle soit terrestre ou aérienne parce qu’ils ont saisi la motivation réelle de Washington, Paris et Londres.

Il faut aujourd’hui que ces deux derniers groupes d’opposants se démarquent clairement des puissances impérialistes et de leurs marionnettes et qu’elles développent un programme démocratique contre le régime dictatorial, mais aussi un programme social et anti-impérialiste axé sur le refus du pillage économique des richesses et de la mainmise politique des grandes puissances du G7 sur la Libye, de la normalisation avec l’État colonial d’Israël, etc.

Ces deux groupes doivent proposer un pacte aux forces qui soutiennent El Gueddafi en vue de faire face ensemble à l’intervention militaire impérialiste. Mais la condition d’une telle alliance réside dans la démocratisation de la Libye. On ne peut exiger des forces rebelles qui ne sont pas pro-impérialistes de se soumettre à un régime dictatorial, corrompu et qui n’est pas anti-impérialiste.
Une alliance entre les forces fidèles au régime et celles de la rébellion en vue de dénoncer et combattre l’agression impérialiste est possible et nécessaire à condition que s’instaure un climat démocratique entre ces forces.

L’émergence de ces forces aurait été plus facile si un ou plusieurs régimes progressistes avaient soutenu la rébellion au lieu de laisser les impérialistes français, américains et anglais apparaître aux yeux de nombre de Libyens comme leurs amis désintéressés.
Malheureusement, ces régimes progressistes ne purent ou ne voulurent pas aider la rébellion libyenne contre El Gueddafi.
En refusant de soutenir les insurgés voire en soutenant El Gueddafi sous prétexte que les Américains étaient contre lui, ces régimes ont ouvert un boulevard politique dans lequel Sarkozy s’est engouffré.
Rappelons-nous que c’est la création du Parti communiste chinois (PCL) en 1921 – avec le soutien politique de l’Internationale de Lénine et de Trotski – et le triomphe au sein de ce même PCL de l’orientation de Mao Zedong qui permirent au peuple chinois de combattre successivement et avec succès le dictateur Chiang Kaï-chek puis l’impérialisme japonais puis, une nouvelle fois, le dictateur Chiang Kaï-chek.

Il relève donc de la responsabilité des anti-impérialistes d’apporter un soutien politique à ceux des opposants libyens qui refusent que leur pays ne se transforme en nouvelle plate-forme au profit des impérialistes et autres sionistes tout en résistant au régime dictatorial d’El Gueddafi.
Il convient également de fustiger les marionnettes aux mains de Georges Walker Obama, de Nicolas Sarkozy et de David Cameron.

Certes, la voie est complexe et étroite, donc difficile pour ceux qui refusent d’opposer légitime révolte du peuple libyen contre le régime dictatorial d’El Gueddafi à refus de la domination impérialiste.
Mais à moins de se réfugier dans des dénonciations incantatoires moralement confortables mais politiquement inopérantes, il n’existe pas de solution simple.
C’est au sein du peuple libyen et seulement en son sein que se lèveront les forces qui bouteront dehors les impérialistes tout en mettant fin à la dictature militariste locale.
Ces forces représentent l’avenir, donc l’espoir.
S’appuyer sur un régime dictatorial et corrompu pour combattre l’impérialisme ne peut que pousser le peuple libyen dans les bras des impérialistes.
Seul un peuple libéré de l’oppression sera en mesure de résister consciemment et efficacement à l’impérialisme.

Partout dans le monde, nous devons dévoiler les motifs profonds de l’agression impérialiste de Georges Walker Obama, de Nicolas Sarkozy et de David Cameron, la condamner, la combattre politiquement, elle et ceux qui la soutiennent.

Alger, le 20 mars 2011
Hocine Belalloufi


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