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"RÉACTIONS DANS LE MONDE MUSULMAN AUX PROVOCATIONS DE MILIEUX OCCIDENTAUX : ANALYSES & OPINIONS INTÉRESSANTES"

jeudi 20 septembre 2012

L’ADVERSAIRE ET LE PROBLÈME - Salima Ghezali - Mardi 18 Septembre 2012 - LA NATION - 19 AU 25 SEPTEMBRE 2012


LA DIALECTIQUE INFERNALE - article de Hocine Belalloufi - le Mercredi 19 Septembre 2012 - LA NATION - 19 AU 25 SEPTEMBRE 2012.


كيــف ندافــع عــن النبــي؟ - علاء الاسواني - 18 septembre 2012

Assawra.


"DIMENSIONS TACTIQUE ET STRATEGIQUE DE LA PROVOCATION" - Une opinion de THIERRY MEYSSAN - RÉSEAU VOLTAIRE - 17 SEPTEMBRE 2012 - « SOUS NOS YEUX » - LA TACTIQUE DU BLASPHÈME - par Thierry Meyssan.


FOSSE SEPTIQUE - par K. Selim - Le Quotidien d’Oran - éditorial - le 20 septembre 2012.



L’ADVERSAIRE ET LE PROBLÈME

Salima Ghezali
Mardi 18 Septembre 2012

Combien de milliards ont dépensé les potentats arabes pour se faire les mentors du « printemps arabe », recruter des djihadistes et les armer, financer des journaux, des chaines de télévision et tout ce qui veut bien se vendre de la mer à la mer ? Beaucoup. Pour un résultat qui, au final, donne de cette région l’image d’un foyer de désordre et de discorde à la merci de la moindre provocation.

Il a pourtant suffit, ce lundi à Beyrouth, au charismatique secrétaire général du Hizbollah, Hassan Nassrallah, de moins de trente minutes de discours et de présence au milieu d’une foule disciplinée pour donner à voir la supériorité de la norme sur l’arbitraire. De la structuration politique sur la basse manipulation. Et bien d’autres choses encore.

Il est, certes, utile de savoir, qui a manœuvré qui, pour qu’un minable navet islamophobe se retrouve propulsé au rang d’évènement mondial. Mais devant la répétition des provocations, il est aussi utile de noter le contraste dans la gestion des réactions. Le fait est que certains ont réagi dans la confusion, le désordre et une violence inadmissible, tandis-que d’autres ont saisi l’occasion pour faire une démonstration de force à la fois pacifique, populaire, radicale et maitrisée. Et ceci n’est pas fortuit.

En dépit de tout ce que la propagande déverse quotidiennement sur nos têtes, aucune société ne peut faire l‘économie de son organisation et de sa structuration politique. Selon des règles qui s’imposent à tous. Il n’existe pas de « beylik » (au sens qu’on lui donne chez nous) de la vie publique qui vivrait de sa propre vie, indépendamment de l’investissement citoyen organisé et militant. À l’heure de la globalisation le gérant du « beylik » c’est la matraque (على من إستطاع) et la manipulation (بما كسبت أيديهم). D’où qu’elles viennent.

Internet qui s’est vu attribuée la paternité du « printemps arabe » pour une révolution politiquement immaculée a-t-il pu remplir cette fonction organisatrice de substitution ? Va-t-on le répudier pour incompétence ?

Ou bien va-t-on simplement attendre que l’ouragan passe. Comme sont passés les précédents. Dans le renouvellement des vassalités et des impuissances, le déchaînement des violences et l’aveuglement stratégique.

Ce que l’on peut d’emblée constater, c’est que ceux qui disposent de la plus grande puissance de feu dissuasive (éprouvée et pas seulement achetée), l’Iran et le Hizbolah, disposent également des meilleures capacités de mobilisation populaire pacifique. Comme ils disposent des capacités organisationnelles pour retourner à leur avantage une situation défavorable. De même qu’une stratégie susceptible de multiplier les alliances internationales sur des bases respectables.

Avec tout leur argent, les cheikhs du Golf ont juste réussi à drainer des légions de djihadistes pour transformer le monde arabe en un enfer de destruction où les pires crimes contre Dieu et contre l’humain se commettent aux cris d’Allah Ou Akbar ! Même le très conservateur mouvement des « frères musulmans » est tenu en bride de manière à ne pas prendre trop de libertés politiques. Les gouvernements qui en sont issus se retrouvent dans l’impossibilité de disposer de l’autonomie suffisante pour élaborer de véritables contrats politiques nationaux dans leurs sociétés respectives (Tunisie, Egypte). La création accélérée de groupes salafistes prompts au takfir servant à maintenir la tension à un niveau infra-politique. Un niveau forcément fait de violences, de haines et de désordres.

Ces « amis » de l’Amérique et de l’occident auraient-ils pu accueillir le Pape en visite au Liban comme l’a fait le Hizbolah ? En mobilisant des foules musulmanes aux bras chargés de roses venues souhaiter la bienvenue au saint-pontife et lui exprimer leur souci du vivre-ensemble. Et ceci d’abord par ce que l’affirmation -sans ambiguïté- d’un engagement en faveur du vivre ensemble est un défi majeur. Un défi d’autant plus essentiel à relever que, depuis des siècles, c’est sur la base de l’activation et de la manipulation des dissensions internes qu’ont été conduites la domination, l’exploitation et la colonisation.

Les « amis » arabes des politiques de l’Amérique et de l’occident auraient-ils pu, dans un même élan, mobiliser des masses en colère pour protester contre l’injure faite au Prophète et faire clairement scander à la foule réunie : « Que Dieu protège tous ses envoyés : Abraham, Moïse, Jésus et Mohammed (QSSL) » ?

Le hizbolah l’a fait. Et dans cette partie du monde déchirée par les dissensions religieuses, le fait mérite d’être souligné. Ici, l’affirmation du droit au pluralisme religieux se double de l’engagement politique qui, seul, est à même de garantir, et gérer, l’espace où peut se déployer l’exercice de la liberté dans le respect mutuel.

Quand l’expression de la colère passe par le rappel des principes fondateurs de la civilisation humaine, sans rien céder du droit d’être, de dire et de faire selon le droit inaliénable des peuples à se défendre et à défendre leur dignité, non seulement elle échappe à l’entreprise de dégradation de ceux qui l’ont provoquée, mais elle réaffirme la supériorité morale de l’offensé sur ses détracteurs.

À comparer les prestations du Hizbolah avec celles des nouveaux maitres de la rue à Benghazi, au Caire ou à Tunis, ou avec le silence assourdissant de leurs bailleurs de fonds, il est clair que nous sommes dans un cas face à un adversaire et dans l’autre face à un…problème.

On n’a jamais vu quelqu’un négocier avec un problème.

Salima Ghezali
le 18 septembre 2012

Sources
La Nation infos
http://www.lanation.info/L-adversaire-et-le-probleme_a1403.html

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LA DIALECTIQUE INFERNALE

Hocine Belalloufi
le Mercredi 19 Septembre 2012

La Californie vient de se distinguer par un navet islamophobe aux objectifs politiques clairement avoués. La réaction ne s’est pas fait attendre : multiples manifestations de protestation dans le monde, arabe en particulier, accompagnées de destructions et de morts. Le scénario se répète à l’identique lors de chaque provocation islamophobe. Comment sortir de cette dialectique infernale ?

Le consulat américain de Benghazi. /
Photo prise le 11 septembre 2012/REUTERS/Esam Al-Fetori

Pour quelles raisons des hommes politiques, des journalistes, des « cinéastes » et autres « hommes de culture » font-ils dans la provocation ? Est-ce par pure islamophobie ? S’agit-il pour eux de se présenter, à bon compte, sous les traits de champions de la liberté d’expression et de mettre en évidence, à contrario, « les caractères barbare, non démocratique et non évolué de populations musulmanes fanatiques » ? Ne cherchent-ils pas plutôt à se faire un maximum de publicité gratuite à la manière de ces acteurs et autres chanteurs qui provoquent une polémique ou un scandale publics à la veille de la sortie de leur film ou de la tenue d’un concert ? Et pour quelles raisons la scène politique arabe s’enflamme-t-elle si rapidement, si puissamment et si violemment ?

De quoi le couple provocation-réaction est-il symptomatique dans le cas qui nous intéresse, celui des rapports qu’entretiennent un monde « innocemment » réduit à son statut de musulman et un monde que l’on refuse tout aussi « innocemment » de qualifier de chrétien ? Pourquoi, la majorité des politiques, idéologues et médias dominants des grandes puissances du Nord persiste-t-elle d’ailleurs à recourir à des déterminants culturels (religion, langue, coutumes…) pour désigner des peuples et des nations extrêmement divers et variés alors même que ces derniers ne manquent pas de référents nationaux solidement étayés et souvent cimentés dans le sang de leurs résistances ? Pourquoi ces derniers – les peuples dominés – n’arrivent-ils pas à contester l’aliénation culturaliste imposée depuis des siècles par les dominants Pourquoi persistent-ils à contester la domination impérialiste en acceptant de combattre sur le terrain idéologique des grandes puissances et dans les termes politiques que celles-ci ont choisis ?

On sait que le culturalisme constitue l’idéologie dominante à travers lesquels les puissants (colonialistes, impérialistes, néocolonialistes) appréhendent le monde. La guerre civile qui oppose indépendantistes irlandais et loyalistes à la couronne d’Angleterre est toujours présenté par eux sous les traits d’une guerre entre catholiques et protestants. La colonisation et le nettoyage ethnique de la Palestine par le mouvement sioniste puis l’Etat d’Israël – double processus qui dure depuis le début des années 1920 – prennent chez eux la forme d’une guerre entre juifs et arabes. Cette ethnicisation des conflits politiques et sociaux a toujours permis aux dominants de diviser les dominés afin d’assurer la reproduction de leur pouvoir et de tous les avantages (pillage des richesses naturelles, exploitation des populations, accaparement des terres et des positions géostratégiques…) qui leurs sont inhérents.

De quoi la provocation est-elle symptomatique ?

Les provocations qui se suivent et se ressemblent dépassent désormais le cadre de leurs auteurs immédiats (caricaturistes, metteurs en scènes, acteurs, politiciens…) et des cercles étroits où elles ont pris naissance (médias danois ou français, cinéma californien de série Z…). À force de réédition, elles se banalisent et ambitionnent d’accéder au rang de véritables normes du discours politico-idéologique « occidental » à l’égard des « peuples musulmans ». L’accentuation de la crise économique et sociale favorise leur prise en charge assumée par des mouvements politiques à vocation gouvernementale et non plus seulement par de sectes d’extrême-droite racistes mais marginales.

De telles provocations révèlent une incapacité des grandes puissances du Nord qui donnent le « la » en matière de valeurs – au niveau du discours à tout le moins – à convaincre et à faire partager ces valeurs qu’elles proclament et s’accaparent : liberté, justice, démocratie, droit, égalité en général et égalité des sexes en particulier… Elles expriment une inaptitude à produire de l’hégémonie, à créer une dynamique d’entrainement apte à convaincre les dominés du bien-fondé de ces valeurs. Cette « infirmité » politico-idéologique contraint les forces politiques qui dirigent les pays du Nord à recourir de plus en plus souvent et systématiquement à la politique du fait accompli, de la force et de la violence pour assurer la reproduction de leur pouvoir, tant au niveau interne – remise en cause de la démocratie constatée aux Etats-Unis, au Québec, en Grèce, en Italie… – qu’au niveau externe : ingérences, guerres économiques (de Cuba à l’Iran en passant par de multiples autres pays), pressions diplomatiques, menaces et agressions militaires.

Pourquoi les « peuples musulmans » réagissent-ils si facilement à la provocation ?

Face aux provocations les plus grossières de courants et officines racistes, la réactivité exacerbée d’une partie des « peuples musulmans » s’avère symptomatique d’une propension à réagir au lieu d’agir. Elle dénote d’une difficulté à réaliser une critique de fond du discours culturaliste émanant des forces dominantes et à produire un discours réellement alternatif. En dépit de la virulence de sa réaction, elle se révèle incapable de rompre sur le fonds avec la logique culturaliste dominante. Son opposition se réduit à l’adoption d’une posture symétrique qui reste sur le terrain du choc des civilisations. À la haine du musulman elle oppose la haine du chrétien ou du juif.

Cette réactivité exacerbée illustre en même temps l’absence de capacité d’initiative. Pourquoi ne pas choisir soi-même le terrain, le moment et les moyens de l’affrontement au lieu de foncer tête baissée dans le piège tendu ? Pourquoi ne pas entamer un travail de fond, à l’exemple de celui effectué par la résistance nationale libanaise qui a, sous la direction du Hezbollah, intégré et subordonné sa tactique militaire à une dynamique politique et sociale d’ensemble : étude et suivi minutieux de toutes les facettes de la société israélienne et de ses contradictions, apprentissage de l’hébreu, prise en charge des victimes des agressions sionistes et de leurs familles, production d’une doctrine militaire adaptée à un contexte de guerre populaire asymétrique, définition d’une politique intérieure visant à ne pas isoler la résistance armée de la population mais à lui gagner au contraire le maximum d’alliés afin d’isoler les courants antinationaux… ?

Le double caractère de la provocation

Contrairement à ce qu’affirment les partisans des visions unilatérales, l’esprit de provocation possède, en occident, un double caractère. Un caractère « innocent » et un caractère manipulateur.

Le caractère innocent provient du fait que les peuples occidentaux ont subi, des siècles durant, l’oppression conjointe de l’Eglise et de la monarchie absolue : inquisition, sanglantes et cruelles guerres de religions, pouvoir de « droit divin »… Les révolutions culturelles (siècle des Lumières…) et politiques (révolutions anglaises, françaises et printemps des peuples européens…) qui éclatèrent dans ces pays tendaient justement à remettre en cause cette oppression conjointe de l’Eglise et du pouvoir temporel. Les peuples occidentaux, d’Europe en particulier, arrachèrent alors de haute lutte un droit absolu à la critique. Rien n’échappe désormais à ce droit d’inventaire et de passage au crible de l’examen contradictoire qui n’épargne ni le sacré ni le pouvoir établi.

Pour ces « provocateurs innocents », la critique acerbe ou la dérision à l’égard de l’islam et des musulmans est dénuée d’arrière-pensées racistes. Elle équivaut en toute bonne foi à celle du christianisme ou du judaïsme. Elle ne relève pas d’une aversion particulière à l’endroit du seul islam.

Il existe en revanche une tendance à la provocation qui est loin d’être innocente et qui vise en toute conscience à susciter des peurs et à manipuler politiquement l’opinion publique contre des boucs-émissaires : travailleurs immigrés, communautés religieuses, peuples de certains pays… Pour ces forces, l’islamophobie constitue une forme de gestion politique intérieure (division des populations sur des bases ethniques) et extérieure (discrédit jeté sur les peuples des « pays musulmans » et d’Afrique assimilés à des peuples réactionnaires aux mœurs bizarres et réfractaires à la modernité, à la démocratie, à la laïcité voire à l’histoire donc à l’évolution). La provocation à l’égard des immigrés ou des peuples dominés représente pour ces courants politiques un moyen d’assurer la domination des groupes sociaux pour le compte desquels ils agissent : multinationales privées ou publiques, marchés financiers…

Du caractère éminemment politique
de la réaction des « peuples musulmans »

Les multiples manifestations, minoritaires ou massives, auxquelles nous assistons dans l’ensemble des « pays musulmans » possèdent un aspect religieux indéniable. Elles expriment l’indignation de certains croyants sincèrement blessés. Cet aspect religieux occupe indéniablement le devant de la scène, mais il s’avère en réalité secondaire par rapport à quelque chose de plus profond qui n’est pas toujours clairement exprimé : le rejet d’un rapport de domination, d’une politique de deux poids deux mesures systématique, d’un rapport d’inégalité sociale, de pillage et d’exploitation.

L’explosion de colère qui s’est déversée dans les rues de certains pays du monde arabe doit donc être prioritairement lue comme une réaction politique. Ce n’est pas tant l’auteur du film qui est incriminé que les Etats-Unis et leur politique dans la région. De nombreux Arabes – musulmans, chrétiens, juifs, non-croyants – considèrent que l’islamophobie dont se nourrissent les provocations incessantes auxquelles nous assistons dans les pays du Nord fait partie, au moins objectivement, du dispositif de domination des peuples de la région. Ils établissent donc un lien direct entre les provocations islamophobes et la politique totalement partiale des Etats-Unis en faveur d’Israël, leur soutien passé aux dictateurs déchus ou présent à ceux qui sont encore en place (Bahreïn, Arabie Saoudite…), leur politique d’embargo à l’égard des régimes récalcitrants (Syrie, Soudan, Iran…), leurs menaces d’agression et leur offensive militaire contre des Etats souverains (Libye)…

Causes et limites de la domination du discours islamiste

Les multiples manifestations, minoritaires ou massives, auxquelles nous assistons dans le monde arabe expriment donc en dernière instance un rejet politique de la domination occidentale. Le fait que cet anti-impérialisme s’exprime en termes religieux marque tout simplement l’hégémonie, dans la région, du discours islamiste sur la pensée politique. Une partie du courant islamiste a occupé ces dernières décennies la place détenue jadis dans le mouvement anti-impérialiste par les courants nationaliste et socialiste. Ceux-ci (OLP, partis communistes et socialistes, partis nationalistes…) avaient considérablement régressé. Les islamistes bénéficièrent donc d’un boulevard politique alimenté par la victoire de la révolution iranienne et par la guerre en Afghanistan.

Mais le discours idéologique islamiste et le courant politique qui le porte sont depuis entrés eux-mêmes en crise. L’échec des expériences soudanaise, égyptienne, algérienne et turque, le manque d’enthousiasme pour le modèle iranien et l’opposition des régimes sunnites pro-impérialistes à son égard accélèrent sa crise et favorisent la décantation et les reclassements en son sein. Certains mouvements vont entamer une rupture avec le projet d’instauration d’Etat théocratique. Ils vont se réclamer ouvertement de la laïcité (AKP turc) ou de l’Etat humaniste (Hezbollah). Le premier mouvement exprime les intérêts bien compris d’une bourgeoisie turque à l’assise économique large et solide et au regard tourné vers les puissances occidentales (Europe, Etats-Unis, OTAN et monarchies du Golfe). Le second, plus ancré dans la petite bourgeoisie libanaise, adopte une politique de résistance active à la domination politique impérialiste sur la région.

Les autres mouvements, celui des Frères musulmans en particulier, sont progressivement amenés à renoncer à l’instauration d’un régime théocratique auquel ils préfèrent un régime conservateur acceptant le cadre parlementaire libéral. Ils sont sur les pas de l’AKP. Alliés des Américains, ils sont écartelés entre leur haine idéologique viscérale des mécréants et la communauté de leurs intérêts économiques et politiques avec ces mêmes mécréants. Que feraient les monarchies du Golfe sans le parapluie politique et militaire américain ?
Cette évolution libère un espace qu’occupent les salafistes. Mais le radicalisme de ce courant heurte une grande partie de la population. Il risque donc de se marginaliser à court ou moyen termes.

Ces reclassements ne s’avèrent évidemment pas irréversibles ni même totalement achevés. Ils peuvent connaître des involutions et s’opéreront fatalement à travers des crises politiques car il ne s’agit pas d’une évolution purement intellectuelle mais de la confrontation d’intérêts politiques exprimant des intérêts économiques et sociaux tout ce qu’il y a de plus matériel. Il n’empêche que cette division du courant islamiste originel amoindrit d’une manière générale sa capacité à asseoir son hégémonie sur la société. On ne voit pas, en l’état actuel des choses, comment il arriverait à surmonter ses contradictions et à repartir de plus belle à l’offensive. Ses contradictions risquent plutôt de s’aiguiser à l’avenir. La dénonciation strictement idéologique (purement religieuse) de l’occident masque chez les Frères musulmans une accointance économique et politique avec ce même occident honni. Une telle contradiction relève jusqu’à un certain point de la tactique politicienne. Leur accession à la gestion des affaires publiques (présidence de la République, gouvernement…) leur ôte cependant la couverture qui masquait le caractère contradictoire des intérêts qu’ils représentaient (direction de milliardaires et base sociale pauvre ou petite-bourgeoise en voie de paupérisation). Ils éprouvent et éprouveront de grandes difficultés à tenir les deux bouts du manche et sont et seront irrémédiablement condamnés à choisir donc à se discréditer. C’est ce qui est arrivé au MSP qui a participé à tous les gouvernements algériens depuis 1997.

L’aptitude de l’islamisme à monopoliser l’expression et la représentation du religieux risque elle-même d’être contestée par d’autres courants religieux (soufis…) qui développent une vision laïque et démocratique de la religion.

Il convient en même temps de compter avec la remontée progressive, inégale d’un pays à l’autre, mais constante d’un mouvement social (syndicats, mouvements de chômeurs, de jeunes…) et de formations politiques progressistes (partis de gauche, forums sociaux…) qui récupèrent leur capacité de mobilisation au rythme de l’approfondissement de la crise économique mondiale, des difficultés que rencontre le courant islamiste et du discrédit des pouvoirs en place.

Le retour de ce courant authentiquement anti-impérialiste constitue le seul espoir pour en finir avec la dialectique infernale de la fausse opposition provocation islamophobe-réaction. Ce renouveau n’a pourtant rien d’inéluctable. Il dépend de l’aptitude de ce courant à élaborer un projet patriotique, démocratique et social.

Sources :
http://www.lanation.info/La-dialectique-infernale_a1404.html

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كيــف ندافــع عــن النبــي؟

علاء الاسواني

18 septembre 2012

سواء كنت مسلماً أو مسيحياً أو من أتباع أي دين، فمن حقك أن تمارس شعائر دينك ويجب أن يحترم الآخرون عقيدتك الدينية فلا يسخر أحد من معتقداتك أو يحقرها، من حق المسلمين اذاً أن يغضبوا عندما يشاهدون فيلماً ركيكاً ورديئاً يقدم نبي المسلمين بصورة سيئة وكاذبة ومستفزة. كان المسلمون على حق أيضاً عندما غضبوا من الرسوم المسيئة للنبي التي نشرت في الدانمارك من سنوات، وكانوا أيضاً على حق عندما غضبوا من فيلم « فتنة » الذي أنتجه المتعصب الهولندي خيرت فيلدرز العام 2006 ليسيء الى الدين الاسلامي ويعتبره أصل الارهاب في العالم. في كل هذه الوقائع كان المسلمون على حق في غضبهم وكان أمامهم معركة مشروعة من أجل إقناع الرأي العام في العالم أن من حقهم كبشر أن يتمتعوا باحترام كامل لمقدساتهم الدينية. لكن، للأسف، فإن المسلمين في كل هذه المعارك، خسروا حقهم وساهموا بأنفسهم في تشويه صورة الاسلام والمسلمين. السبب أنهم تركوا العنان لمشاعر الغضب وفاتتهم الحقائق التالية :

أولاً : طبيعة حرية التعبير في الغرب

الناس في المجتمعات الغربية قد تخلوا منذ عقود عن فكرة قداسة الدين. وبالتالي، هم يعتبرون نقد الأديان مباحاً من باب حرية التعبير. أمام كل فيلم يسيء للاسلام في الغرب هناك عشرة أفلام تسيء الى المسيحية يتم إنتاجها وعرضها. ويغضب المتدينون المسيحيون، ويدعون الى مقاطعتها، ويرفعون القضايا من أجل إيقاف عرضها، وغالباً ما يفشلون في ذلك. وفي الغرب ملحدون يتحدثون في وسائل الإعلام فيصفون السيد المسيح بأنه وهم ويهزؤون من فكرة أن يكون الله قد أرسل أنبياء أساساً، ويهاجمون الكنيسة بضراوة باعتبارها مؤسسة رأسمالية فاسدة. يحدث كل ذلك هناك، فلا يستوقفُ أحداً ولا يُغضب أحداً، لأن كل انسان من حقه أن يعتقد ما يشاء في حدود القانون الذي لا يجرم نقد الأديان، وإنما يجرم التحريض على الكراهية.. لا عقوبة في الغرب على من يكفر بالدين أو ينكر الأنبياء، لكن العقوبة تقع على من يحرض الناس على كراهية اتباع دين معين، وهذه التهمة لا بد من إثباتها أمام المحاكم ... ولو أن المسلمين أدركوا طبيعة المجتمع الغربي، لكانوا استفادوا من حرية التعبير في الغرب وأنتجوا أفلاماً جيدة تقدم حقيقة الإسلام الى الجمهور الغربي الذي يتوق الى المعرفة. ولو أن المسلمين فهموا طبيعة الغرب لخاضوا معركة قانونية ولجأوا الى أكبر المحامين هناك لمقاضاة صانعي الأفلام المسيئة للاسلام، لأنها تحرض على احتقار المسلمين وكراهيتهم، اذ تصورهم همجاً متوحشين يسفكون الدماء على أهون سبب. لكن المسلمين لم يفعلوا ذلك، واستسلموا الى الغضب بلا تفكير، مما دفعهم الى تصرفات خاطئة، وأحياناً الى جرائم أكدت، للأسف، الصورة السلبية التي تريد الأفلام المسيئة إلصاقها بالمسلمين. كيف نقنع العالم أن الفيلم المسيء للرسول كذب وافتراء وقد قام المسلمون في ليبيا بقتل أربعة ديبلوماسيين أميركيين من بينهم السفير الأميركي الذي نشرت وكالات الأنباء صورة جثته والصبية الليبيون يسحلونها ويعبثون بها؟ هل من الإسلام أن نقتل رجالاً أبرياء كانوا يمثلون بلادهم في ليبيا ولاعلاقة لهم من قريب أو بعيد بالفيلم الذي أثار غضبنا؟

ثانياً : طبيعة السلطة في الغرب

نعيش نحن العرب في مجتمع الاستبداد، حيث يستطيع صاحب السلطة أن يفعل ما يشاء. اذا تشاجرت في مصر مع بواب منزلك فسوف تتصل بأحد معارفك من الضباط لكي يتولى تأديبه، وإذا تشاجرت مع الضابط سوف تبحث عمن يعرف مدير الأمن ليؤدب الضابط. أما رئيس الجمهورية أو الملك أو شيخ الإمارة فله السلطة كاملة غير منقوصة. يستطيع أن يغلق القنوات التلفزيونية والصحف ويلقي بالمواطنين في السجون ويلفق لهم ما شاء من التهم. في ظل هذه السلطة المطلقة، يكون كل ما يبث في وسائل الاعلام أو ينتج في السينما بالتأكيد من مسؤولية الحاكم، لأنه لو لم يكن راضياً عنه لأوقفه. عندما تشن وسيلة إعلامية عربية حملة ضد المسؤولين في بلد عربي آخر، فإن المسؤولين المتضررين عادة ما يشتكون الى حاكم البلد الذي يهاجمهم الإعلام فيه. عندئذ، يستطيع الحاكم أن يوقف الحملة ضدهم بإشارة من إصبعه وربما (اذا أراد إكرامهم) يأمر بإغلاق القناة أو الصحيفة التي تطاولت عليهم.. للأسف، فإن مسلمين كثيرين يعتقدون أن المجتمع الغربي يسير على طريقتنا، وبالتالي، يحملون الحكومات الغربية مسؤولية كل ما يُنتج من أفلام ويُكتب من مقالات في الغرب. هذا التصور الساذج عن النظام السياسي الغربي يدفع الكثيرين الى تصرفات خاطئة. المجتمع الغربي ديموقراطي، وبالتالي، فإن كل مسؤول في الدولة له سلطات محددة لا يمكن أن يتخطاها وإلا تم عزله من منصبه وحوكم. رئيس الجمهورية في الغرب لا يملك أن يتدخل في محتوى ما ينشر في وسائل الاعلام، وهو لا يستطيع أن يغلق جريدة أو قناة تلفزيونية وإنما الصحافة هي التي تستطيع عزل الرئيس اذا أقنعت الناخبين بأنه لا يصلح لمنصبه. لا تستطيع أي حكومة غربية أن تمنع عرض أي فيلم، وإلا تعرضت الى فضيحة سياسية قد تؤدي الى سقوطها. هذه حقيقة لا يدركها مسلمون كثيرون، وبالتالي، يقتحمون السفارات الغربية ويحرقونها ويقتلون الديبلوماسيين الأبرياء ظناً منهم أنهم بذلك يضغطون على الحكومات لكي توقف عرض الفيلم المسيء للإسلام. تكون النتيجة أن تتأكد الصورة السلبية عن المسلمين باعتبارهم همجاً وإرهابيين.

ثالثاً : ازدواج المعايير في البلاد العربية

لا يمكن أن ننادي باحترام المبادئ بينما نحن أول من يخالفها. عندما يصدر فيلم يسيء للإسلام او يتعرض المسلمون في الغرب الى تمييز ضدهم فنحن نغضب هنا وننادي باحترام حق المسلمين في الغرب في ممارسة دينهم.. لكننا في بلادنا العربية للأسف لا نحترم حقوق مواطنينا الذين ينتمون الى أديان مختلفة. هل من حق الحكومة السعودية أن تعترض على منع النقاب في فرنسا وتنادي باحترام الأقليات، بينما هي تضطهد الشيعة في بلادها وقد أرسلت قواتها لتقتل المواطنين الشيعة في البحرين لمجرد أنهم تظاهروا وطالبوا بحقوقهم؟ هل من حق السلفيين المصريين أن يطالبوا باحترام حقوق المسلمين في الغرب بينما هم في بلادهم يعتبرون الأقباط مواطنين من الدرجة الثانية، لا يجوز لهم تولي رئاسة الجمهورية، ولا قيادة الجيش، ويعتبرون البهائيين كفاراً مرتدين يجب استتابتهم، فإن لم يتوبوا يجب قتلهم...؟ في مصر الآن مواطن حوكم وألقي به في السجن لمجرد أنه شيعي.. في مصر ترفض الدولة أن تعترف بحق المواطنين البهائيين في تسجيل ديانتهم. كم مرة اعتدى المتطرفون المسلمون على الأقباط لأنهم أرادوا بناء كنيسة؟ كم مرة خرج مشايخ متطرفون ليحقروا من عقيدة الأقباط ويعتبرونهم كفاراً لا يجوز الترحم على موتاهم، وحرام على المسلمين تهنئتهم بأعيادهم؟ في مصر تهمة اسمها ازدراء الأديان لا تطبق إلا على من يتطاول على الاسلام، أما الذين يطعنون في عقائد الأقباط أو الشيعة أو البهائيين، فهؤلاء آمنون لا تتم محاسبتهم أبداً.. منذ أيام وضع شاب مصري قبطي اسمه « ألبير صابر » الفيلم المسيء للرسول على صفحته الشخصية في موقع فايسبوك، فتجمع أهالي المنطقة التي يسكن فيها لكي يقتحموا بيته ويعتدوا عليه، وعندما استغاثت والدته برجال الشرطة جاؤوا وبدلاً من أن يحموا المواطن ألبير من الاعتداء، قبضوا عليه وقدموه للمحاكمة بتهمة ازدراء الأديان، وأوعز الضابط الى السجناء فظلوا يضربون ألبير حتى أصيب بجرح قطعي خطير في عنقه .. ما الجريمة التي ارتكبها ألبير صابر؟ إنه تفرج على الفيلم المسيء ووضعه على صفحته الشخصية؟ ملايين المصريين شاهدوا الفيلم المسيء وتناقلوه على « فايسبوك » فلم يقبض عليهم أحد، بل ان الشيخ خالد عبدالله أول من عرض هذا الفيلم في قناة الناس على ملايين المتفرجين.. لكن ألبير قبطي يجوز التنكيل به على أهون سبب، أما الشيخ خالد عبدالله فهو شيخ إسلامي له أن يفعل ما يـشاء بغير حساب. هل هذا هو العدل الذي يأمرنا به الإسلام؟.

لقد خرجت المظاهرات في مصر احتجاجاً على الفيلم المسيء للرسول فاشترك فيها الأقباط والمسلمون، كما أصدرت الكنيسة المصرية والجمعيات القبطية بيانات إدانة للفيلم في إشارة رائعة لتوحد المصريين دفاعاً عن النبي صلى الله عليه وآله سلم ولكن ماذا فعل المتطرفون؟ حملوا لافتات تحقر من الأقباط وتصفهم بعبدة الصليب، وقال الشيخ وجدي غنيم إن القساوسة شواذ، ووصف قبطيات المهجر جميعهن بأنهن مومسات. هل هذا هو السلوك الإسلامي الذي نقدمه للعالم؟ أحد المشايخ اسمه أبو إسلام، قام بحرق الإنجيل وتمزيقه علناً أمام الكاميرات، وقال إنه في المرة القادمة سوف يتبول عليه..

هل يحق لنا بعد ذلك أن نطالب باحترام مقدساتنا اذا كنا نفعل ذلك بمقدسات الآخرين الدينية؟ في النهاية فإن معركتنا لوقف الإساءة للإسلام مشروعة ونستطيع أن نكسبها إذا اتبعنا الوسائل الآتية :

1 ـ يجب أن يعطي المسلمون نموذجاً حضارياً (يحض عليه الاسلام فعلا) في احترام عقيدة الآخرين وحقوقهم. يجب أن نمنح المواطنين في بلادنا حرية الاعتقاد فيؤمن من يؤمن ويكفر من يكفر ويختار كل مواطن الدين الذي يشاء، وتظل الدولة في كل الأحوال ضامنة وراعية لحقوق المواطنين جميعاً بغض النظر عن أديانهم. عندما نحترم نحن مقدسات الآخرين الدينية سيكون من حقنا الدفاع عن مقدساتنا وسيقنع موقــفنا الأخلاقــي المتماسك الرأي العام في العالم لكي ينضم الينا في منع الإسـاءة الى الإسلام.

2 ـ يجب أن نقدم الى الرأي العام الغربي حقيقة الاسلام. الأموال العربية التي تتراكم من عائد النفط أتمنى أن نوجه جزءاً يسيراً منها من أجل إنتاج أفلام عالمية تقدم حقيقة الرسول صلى الله عليه وآله وسلم، حتى يعرف العالم الجوهر الانساني للاسلام.

3 ـ يجب أن نكشف بالضبط من يقف وراء إنتاج الأفلام المسيئة للإسلام ونستعين بالجالية المسلمة في الغرب من أجل مقاطعة منتجات أية شركة أو مؤسسة تمول الأفلام المسيئة.

4 ـ يجب أن نلجأ الى مكاتب قانونية متخصصة في الغرب لمقاضاة صانعي الأفلام المسيئة للاسلام لأنهم ارتكبوا جريمة التحريض على كراهية المسلمين التي تجرمها القوانين الغربية جميعاً.

مهما بلغ بنا الغضب يجب أن ندافع عن النبي بطريقة متحضرة وعاقلة تعكس حضارة الإسلام التي علمت الدنيا التسامح والعدل والحرية.

Sources :
Assawra : http://www.assawra.info/spip.php?article920

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"DIMENSIONS TACTIQUE ET STRATEGIQUE DE LA PROVOCATION"

Une opinion de THIERRY MEYSSAN

RÉSEAU VOLTAIRE - 17 SEPTEMBRE 2012

« SOUS NOS YEUX »

LA TACTIQUE DU BLASPHÈME

par Thierry Meyssan

La diffusion d’un extrait du film d’insultes anti-islam « L’Innocence des musulmans » a soulevé une vague de colère dans le monde arabe. Pour Thierry Meyssan, les choses sont plus complexes qu’il n’y paraît car cette diffusion a d’abord été faite en arabe sur YouTube et sur la chaîne salafiste égyptienne Al Nas. Le film n’est pas destiné au public états-unien, ni même au public musulman, mais au seul public arabe. Sa diffusion a été effectuée par ceux-là même qui ont appelé à son interdiction. Qui se cache derrière cette provocation ?

La diffusion sur Internet d’extraits du film L’Innocence des musulmans a suscité des manifestations de colère dans le monde, dont une qui a dégénéré à Benghazi. L’ambassadeur US en Libye et des membres de son escorte ont été tués.

Au premier abord, l’affaire se situe dans une longue lignée qui va des Versets sataniques de Salman Rushdié aux autodafés du Coran par le pasteur Terry Jones. Toutefois cette nouvelle attaque se distingue des autres en ce que le film n’est pas destiné au public occidental, mais a uniquement été conçu comme un instrument de provocation à l’adresse des musulmans.

Attaque du consulat US à Benghazi (Libye)

En termes politiques, cette affaire peut être analysée de deux manières selon qu’on l’observe au plan tactique comme une manipulation anti-US ou au plan stratégique comme une attaque psychologique anti-musulmane.

Le film est présenté comme produit par un groupe sioniste composé de juifs ayant la double nationalité israélo-US et d’un copte égyptien. Il était prêt depuis plusieurs mois et a été utilisé le moment voulu pour provoquer des émeutes dirigées contre les États-Unis. Des agents israéliens ont été déployés dans plusieurs grandes villes avec mission d’orienter la colère de la foule contre des cibles US ou coptes (jamais israéliennes). Sans surprise, l’effet maximum a été atteint à Benghazi.

La population de Benghazi est connue pour abriter des groupes particulièrement réactionnaires et racistes. On se souvient que lors de l’affaire des caricatures de Mahomet, des salafistes avaient attaqué le consulat du Danemark. En application de la Convention de Vienne, le gouvernement libyen de Mouammar el-Khadafi avait dû faire usage de la troupe pour protéger la représentation diplomatique. La répression de l’émeute avait fait de nombreuses victimes. Par la suite, les Occidentaux qui voulaient renverser le régime libyen avaient financé des publications salafistes accusant le colonel Khadafi d’avoir protégé le consulat du Danemark parce qu’il aurait été lui-même le commanditaire des caricatures.
Le 15 février 2011, les salafistes avaient organisé à Benghazi une manifestation commémorative de la tuerie au cours de laquelle une fusillade éclata, marquant le début de l’insurrection de la Cyrénaïque et ouvrant la voie à l’intervention de l’OTAN. La police libyenne arrêta trois membres des forces spéciales italiennes qui avouèrent avoir tiré depuis les toits à la fois sur les manifestants et sur les policiers pour créer la confusion. Retenus prisonniers durant toute la guerre, ils furent libérés lors de la prise de la capitale par l’OTAN et furent exfiltrés vers Malte sur un petit bateau de pêche sur lequel je me trouvais avec eux.

Cette fois, la manipulation de la foule de Benghazi par les agents israéliens avait pour but d’assassiner l’ambassadeur US ; un acte de guerre sans précédent depuis le bombardement de l’USS Liberty par la marine israélienne, en 1967. Par ailleurs, c’est le premier assassinat, depuis 1979, d’un ambassadeur US dans l’exercice de ses fonctions. Et celui-ci est d’autant plus grave que dans un pays où le gouvernement est une pure fiction juridique, l’ambassadeur US n’est pas un simple diplomate, mais fait office de gouverneur, de chef d’État de facto.

Au cours des dernières semaines, les plus hauts responsables militaires états-uniens sont entrés en conflit ouvert avec le gouvernement israélien. Ils ont multiplié les déclarations attestant leur volonté d’interrompre le cycle de guerres débuté dans le 11-Septembre (Afghanistan, Irak, Libye, Syrie), alors que les accords officieux de 2001 en prévoient encore d’autres (Soudan, Somalie, Iran). Un premier coup de semonce s’était matérialisé avec l’attaque au missile de l’avion du chef d’état-major inter armes US, le général Dempsey. Le deuxième avertissement est plus brutal.

Par ailleurs, si l’on envisage cette affaire en termes de psychologie sociale, elle apparaît comme une attaque frontale contre les croyances des musulmans. En cela, elle n’est pas différente de l’épisode des Pussy Riot violant la liberté de culte jusque dans la cathédrale orthodoxe du Saint-Sauveur et les nombreuses performances de pornographie conceptuelle qui précédèrent. Ces différentes opérations visent à désacraliser des sociétés qui résistent au projet de domination globale.

Dans les sociétés démocratiques et multiculturelles, le sacré ne s’exprime plus que dans la sphère privée. Cependant, un nouvel espace sacré collectif est en cours de formation. Les États ouest-européens se sont dotés de lois mémorielles qui ont transformé un événement historique, la destruction des juifs d’Europe par les nazis, en un fait religieux (la « Shoah » selon la terminologie juive, ou « l’Holocauste » selon le vocabulaire évangélique). Ce crime est alors élevé au rang d’événement unique au mépris des victimes d’autres massacres, y compris au mépris des autres victimes du nazisme. La mise en cause du dogme, c’est-à-dire de l’interprétation théologique du fait historique, est passible de sanctions pénales comme l’était jadis le blasphème. Identiquement, en 2001, les USA, les États membres de l’Union européenne, et nombre de leurs alliés ont imposé par décret à toute leur population une minute de silence en mémoire des victimes des attentats du 11-Septembre. Cette initiative s’accompagnait d’une interprétation idéologique des causes du massacre. Dans les deux cas, avoir été tué parce que juif ou parce que États-unien donne un statut particulier aux victimes devant lequel le reste de l’humanité est invité à s’incliner.

Lors des derniers Jeux Olympiques à Londres, les délégations israélienne et états-unienne ont tenté d’étendre cet espace sacré en imposant une minute de silence durant la cérémonie d’ouverture, l’événement télévisuel le plus regardé dans le monde. Il se serait agi de célébrer la mémoire des victimes de la prise d’otage des Jeux de Munich. En définitive la proposition a été écartée, le Comité olympique se contentant d’une discrète cérémonie distincte. Quoi qu’il en soit, l’enjeu est de créer une liturgie collective qui légitime l’empire global.

Ainsi, L’Innocence des musulmans est à la fois un moyen de pression pour rappeler à l’ordre Washington, tenté de s’éloigner du projet de domination sioniste, et un moyen de poursuivre ce projet en blessant dans leurs croyances ceux qui lui résistent.

Vidéo : (en anglais) ;
L’ambassadeur assassiné de États-Unis faisait des éloges de « rebelles » libyens.
« S Ambassador praising Lybian rebels ».

{{{http://www.liveleak.com/view?i=10d_1347458349 }}}

Sources :
http://www.voltairenet.org/La-tactique-du-blaspheme

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FOSSE SEPTIQUE

par K. Selim

Le Quotidien d’Oran - éditorial
le 20 septembre 2012

Il y a près d’une année (3 novembre 2011), dans ces colonnes, exerçant notre droit à l’expression sans contrainte, on avait écrit que Charlie Hebdo était une publication excrémentielle. Il n’y a rien à modifier à ce constat. Il reste, encore une fois, à espérer que les musulmans ne cèdent pas à l’émotion devant une nouvelle provocation, se bouchent le nez et passent leur chemin. Il n’y a rien d’autre de plus à dire sur ce nouveau coup de pub de la bande de petites frappes réacs et racistes qui anime Charlie Hebdo.

On ne va pas revenir sur la relativité de la liberté d’expression dans les pays d’Occident… Quant à la caricature, exercice historiquement complexe, on se souvient que les nazis avaient d’excellents dessinateurs. On sait où cela a mené l’Europe de la Civilisation. Pas plus qu’on ne reviendra sur le fait que Charlie Hebdo est, en terme de ligne, un journal néoconservateur, réactionnaire et opportuniste. Son impertinence post-soixante-huitarde, très convenue, ne sort pas du cadre de l’idéologie dominante et derrière la modernité des mœurs et de ton, il défend un ordre social conservateur qui a besoin, en temps de crise, de trouver les boucs émissaires commodes. Pour le reste, il faut se faire une raison, le journal ne pouvait pas résister à l’opportunité de se faire de la pub quitte à mettre dans l’embarras des officiels, au fond satisfaits que l’on parle d’autre chose que de la crise économique.

En réalité, il ne faut pas discuter du caractère « absolu » de la liberté d’expression - même si on n’a pas le droit de tout dire - en Occident et même si beaucoup n’ont aucun accès à l’expression. C’est un combat perdu d’avance, la liberté de s’exprimer étant toujours - et à juste titre - préférable à la censure et à l’autocensure. Dans ce domaine, il vaut mieux discuter avec les Occidentaux des tabous et des limites qu’ils imposent à la liberté d’expression plutôt que de leur demander de censurer ou d’interdire. La partie est perdue d’avance si on part de l’idée qu’il faut limiter l’expression alors qu’il faut, au contraire, défendre son élargissement, chez nous bien sûr, mais aussi chez eux…

Tout le monde ne s’exprime pas comme il veut en Occident, c’est un fait, même si les interdits et les bâillons sont plus habilement institués. Il y a suffisamment de travail documenté sur le fonctionnement de plus en plus encadré des médias en Occident, sur la fonction centrale de chiens de garde, pour que la contradiction soit portée, non au nom de la défense du sacré, mais au nom du caractère présumé universel du droit à l’expression. On ne doit pas se tromper de controverse. Il faut empêcher les plus bruyants dans le monde musulman - et qui ne sont pas les plus pertinents - de décider de nos indignations et de la manière dont elles doivent être exprimées. Il faut cesser de réagir de manière pavlovienne aux stimulations des médias « libres » d’Occident et d’être prévisible. Il faut savoir manier l’arme du mépris, être capable de suggérer le bruit de chasse d’eau que l’on tire derrière les déjections de vulgaires folliculaires…

Aucun journal ne pourra entacher l’image du Prophète de l’Islam aux yeux des musulmans, ce ne sont pas les caricatures ou les crachats de quelques racistes qui pourraient l’atteindre. Il n’y a pas à s’inquiéter pour le Prophète et nous le savons tous. Ce dont il faut s’inquiéter, encore et toujours, c’est plutôt la propension d’une frange, minoritaire, des musulmans à sauter sur l’occasion pour créer l’esclandre dont les seuls bénéficiaires sont les petites frappes du monde de l’imposture qui posent aux chantres de la liberté. Il faut apprendre la dérision et faire l’éloge de la réponse par le mépris. Et laisser ceux qui baignent dans les fosses septiques mourir de leur propre poison.

K. Selim
Le Quotidien d’Oran
le 20 septembre 2012

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