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JULIANO MER-KHAMIS, DIRECTEUR DU "THÉÂTRE DE LA LIBERTÉ" ASSASSINÉ à JENINE

jeudi 7 avril 2011


© AFP Des jeunes Palestiniens pleurent Juliano Mer-Khamis (sur l’affiche) devant le "Théâtre de la Liberté" à Jénine, 5 avril 2011

Juliano Mer-Khamis, le directeur israélo-palestinien d’un théâtre à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, a été assassiné lundi après-midi par des hommes armés dans le camp de réfugiés de la ville, a-t-on appris de sources policière et médicales.

Un groupe de tireurs non identifiés a ouvert le feu dans l’après-midi sur la voiture de Juliano Mer-Khamis, comédien et militant très connu en Israël, qui se revendiquait à la fois "juif et palestinien", le touchant de cinq balles, a précisé le chef de la police de Jénine, Mohammad Tayim. Selon des témoins, il a été assassiné par deux tireurs masqués.

"Il a été tué par un tireur masqué qui a tiré cinq balles par la fenêtre de sa voiture", a déclaré de son côté le gouverneur de Jénine, Qaddoura Moussa, ajoutant qu’une femme de Bethléem avait également été blessée à la main par les tirs.

"Nous n’avons encore arrêté personne mais nous avons formé une commission de l’ensemble des services de sécurité palestiniens pour enquêter sur son meurtre et nous espérons des résultats dans les heures qui viennent", a-t-il ajouté, indiquant qu’a sa connaissance le comédien n’avait "pas reçu de menaces".

Le corps a été transféré en Israël, a constaté un photographe. La victime dirigeait le théâtre de la Liberté, fondé dans le camp de réfugiés de Jénine par sa mère, Arna Mer (1930-1995), militante pour les droits des Palestiniens, tout comme son fils, et mariée à Saliba Khamis, un Arabe Israélien, dirigeant du Parti communiste israélien. A l’origine, le "Théâtre des pierres" avait été lancé durant la première Intifada (1987-1993). Pour Arna Mer, ardente militante de la paix, il s’agissait de créer un espace préservé où les enfants échapperaient à la violence du conflit et de l’occupation.

Détruit en 2002 lors d’une opération de l’armée israélienne contre les groupes armés palestiniens, l’établissement a revu le jour en 2006 sous le nom de "Théâtre de la Liberté" grâce à Juliano Mer-Khamis, réalisateur du documentaire "Les enfants d’Arna", avec le soutien de Zakaria Zoubeïdi, chef local du groupe armé palestinien des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa, qui a participé aux combats à l’époque.

Mais le théâtre ne faisait pas l’unanimité à Jénine et a été notamment visé par des tentatives d’incendie, Juliano Mer-Khamis ayant lui-même affirmé avoir été par le passé la cible de menaces. La dernière production du théâtre était une représentation d’"Alice au pays des merveilles".

(Lundi, 04 avril 2011 - Avec les agences de presse)

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Juliano Mer-Khamis né en 1958 à Nazareth, mort a Jénine, le 4 avril 2011) est un acteur, réalisateur et militant politique arabe israélien. Mer-Khamis est le fils d’Arna Mer-Khamis, une militante israélienne pour les droits des Palestiniens, et Saliba Khamis, Arabe israélien et l’un des chefs du Parti Communiste Israélien dans les années 1960.

Mer-Khamis a joué, pendant des années, comme acteur dans la télévision et le cinéma israéliens, ainsi que dans des films étrangers. Sa première apparition au cinéma a été dans le film « La petit fille au tambour » ( en anglais « The Little Drummer Girl » ) un thriller américain réalisé en 1984 par George Roy Hill et dans lequel a joué également Diane Keaton, film qui traite du Conflit israélo-arabe.
Puis, il a joué dans le film d’Avi Nesher « Za’am V’Tehilah » (1985) avant de participer dans plusieurs films israéliens dont « 51 Bar » (1985), « Urs al-Jalil » (1987), « Tel Aviv Stories » (1992), « Zohar » (1993), « Etz Hadomim Tafus » (1994), « Overture 1812 » (1997), « Yom Yom » (1998) et dans bien d’autres.
Il a également joué dans plusieurs films réalisés par Amos Gitai, dont « Berlin-Yersuhalaim » (1989), «  Esther » (1986), « Kippur » (2000), « Kedma » (2002) et « Tahara » (2004).
Mer-Khamis a été nommé pour le prix Ophir du Meilleur Acteur en 2002. De plus, tout a long de sa carrière, Mer-Khamis a également joué dans plusieurs films américains et franco-canadiens.


Il a aussi joué dans plusieurs pièces de théâtre, au Théâtre de Beit Lessin ainsi qu’au Théâtre de Habima.
En 2003, Mer-Khamis a produit et réalisé, avec Danniel Danniel, son premier film documentaire, « Les enfants d’Arna ». Le film raconte le travail de sa mère pour créer une troupe théâtrale d’enfants à Jénine pendant les années 1980. Sept ans après la mort de sa mère, et suite à la bataille de Jénine, en 2002, Mer-Khamis est retourné à cette ville pour rencontrer et interviewer les enfants (devenus adultes) qui avaient participé à la troupe théâtrale pour découvrir que certains d’entre eux sont devenus des combattants et ont été tués par l’armée israélienne. Dans le documentaire, réalisé en 2004, apparaissent, notamment, Zakaria Zubeidi, ancien chef militaire des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa à Jénine, et Tali Fahima, militante pacifiste israélienne qui vivait à Jénine avant son arrestation par l’armée israélienne. En 2006, suite à une campagne internationale de soutien suscitée par son film, Mer-Khamis a ouvert un théâtre communautaire pour les enfants et les adultes de Jénine, appelé « Théâtre de la Liberté ».

Le Théâtre de la Liberté était, pour Mer-Khamis, une poursuite du travail de sa mère, et il l’a créé en collaboration avec Zakaria Zubeidi, Jonatan Stanczak, militant israélo-suédois, et Dror Feiler, artiste israélo-suédois. L’objectif de ce théâtre est d’offrir des opportunités aux enfants et aux jeunes du Camp de Réfugiés de Jénine de développer leurs talents, de se connaître soi-même et d’avoir confiance en soi en utilisant un processus créatif comme modèle de changement social.

Mer-Khamis est également un militant politique dans le conflit israélo-arabe. Il proteste contre l’occupation israélienne des territoires et contre la construction des colonies israéliennes, et il est militant des droits de l’homme des Palestiniens vivant dans les territoires occupés.

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L’assassinat de Juliano Mer Khamis est une nouvelle tragique pour le peuple palestinien et pour tous les combattants pour une paix juste au Proche-Orient.

Né de père militant palestinien d’Israël et de mère juive israélienne, Juliano Mer Khamis, qui était un acteur connu en Israël, aurait pu développer une carrière lucrative dans ce pays. Mais il a préféré sans hésitation mettre son talent au service des jeunes Palestiniens.
Lors de la première intifada à Jénine, sa mère Arna a animé auprès des jeunes du camp de réfugiés un travail culturel, particulièrement théâtral, qui leur permettait de résister à leur vie quotidienne marquée par les violences, les humiliations et l’oppression imposée par les autorités israéliennes.

Ce travail, Juliano l’a continué en créant en 2006 le Théâtre de Liberté de Jénine après avoir réalisé le film « Les enfants d’Arna », qui raconte le travail de sa mère, sa création d’un premier théâtre, et le destin tragique lors de l’opération Rempart en 2002 de plusieurs jeunes très actifs dans ce premier Théâtre.

J’ai pu constater directement lors de ma première visite au Freedom Theatre en 2007 combien le travail artistique et l’état d’esprit de Juliano auprès des jeunes leur permettaient de libérer leurs angoisses, de s’épanouir, de mieux maîtriser leur vie quotidienne.

Juliano était par son histoire personnelle promoteur d’une réconciliation entre Palestiniens et Israéliens, mais de la seule réconciliation réelle et durable, celle qui passe par la reconnaissance et la réparation des crimes sionistes et par la libération du peuple palestinien.

Il s’attaquait aussi aux divisions parmi le peuple palestinien, militait pour les libertés dans le monde arabe, et ses dernières pièces, notamment l’adaptation de la « Ferme des animaux » de George Orwell, bousculaient les conservatismes.

Il avait déjà été l’objet d’une agression il y a deux ans.

Il a signé le 17 octobre la pétition parue dans « Le Monde » sous le titre « Boycotter Israël c’est lutter pour une paix juste »

Je me souviendrai de lui comme d’un ami chaleureux, gai, qui dégageait un certain charisme, et qui était volontiers provocateur pour mieux exprimer sa volonté de justice et de dénonciation de toute hypocrisie.

Il aimait la vie, il l’aimait « autant qu’il est possible » comme disait Darwich dans l’un de ses poèmes. Mais maintenant que cela ne lui est plus possible, il nous appartient de continuer, à notre mesure, ses combats et ses idéaux.

Nous exprimons nos plus sincères condoléances à Jenny sa compagne, à ses proches et à toute l’équipe du Théâtre de la Liberté.

Une soirée d’hommage à sa mémoire aura lieu prochainement.

Pour l’UJFP,
Jean-Guy Greilsamer, ancien président des « Amis du Théâtre de la Liberté de Jénine »
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Communist Party of Israel mourns
Juliano Mer-Khamis

The Communist Party of Israel (CPI) mourns the tragic slaying by masked gunmen of our friend Juliano ("Jules") Mer-Khamis. He was a major figure in the struggle for a just peace and the forging of a new progressive society in Palestine and Israel based on human rights, freedom, equality and, not least, creative and critical expression.

Mer-Khamis, filmmaker, actor and the co-founder and director of the Freedom Theatre in Jenin, supported the work of the radical peace camp in Israel and frequently attended demonstrations and showing his films to activists and sharing his thoughts and personal vision.

Mer-Khamis was born in the city of Nazareth to a Jewish mother, Arna Mer, and an Arab-Palestinian father, Salivah Khamis, a well know leading member of the CPI. He was murdered in Jenin on Tuesday is being laid to rest today (Wednesday) at the kibbutz Ramot Menashe cemetery, where he will be buried next to his mother Arna.

Source Al-Oufok, le 4 avril 2011


En 2003, Juliano Mer-Khamis a produit et réalisé, avec Danniel Danniel, son premier film documentaire, « Les enfants d’Arna ». Le film raconte le travail de sa mère pour créer une troupe théâtrale d’enfants à Jénine pendant les années 1980. Sept ans après la mort de sa mère, et suite à la bataille de Jénine, en 2002, Mer-Khamis est retourné à cette ville pour rencontrer et interviewer les enfants (devenus adultes) qui avaient participé à la troupe théâtrale pour découvrir que certains d’entre eux sont devenus des combattants et ont été tués par l’armée israélienne.

Dans le documentaire, réalisé en 2004, apparaissent, notamment, Zakaria Zubeidi, ancien chef militaire des Brigades des martyrs d’Al-Aqsa à Jénine, et Tali Fahima, militante pacifiste israélienne qui vivait à Jénine avant son arrestation par l’armée israélienne.
En 2006, suite à une campagne internationale de soutien suscitée par son film, Juliano Mer-Khamis a ouvert un théâtre communautaire pour les enfants et les adultes de Jénine, appelé « Théâtre de la Liberté ».

Le Théâtre de la Liberté était, pour Juliano Mer-Khamis, une poursuite du travail de sa mère, et il l’a créé en collaboration avec Zakaria Zubeidi, Jonatan Stanczak, militant israélo-suédois, et Dror Feiler, artiste israélo-suédois.

L’objectif de ce théâtre est d’offrir des opportunités aux enfants et aux jeunes du Camp de Réfugiés de Jénine de développer leurs talents, de se connaître soi-même et d’avoir confiance en soi en utilisant un processus créatif comme modèle de changement social.

Acteur et réalisateur, Juliano Mer-Khamis avait consacrée à l’oeuvre de sa mère emporté en 1995 par un cancer, un documentaire extraordinaire :

Les enfants d’Arna (voir un extrait ci-dessous).

Sans nul doute le meilleur film pour comprendre la seconde intifada.

Source : Al-Oufok


TEMOIGNAGES

Le metteur en scène judéo-arabe Juliano Mer-Khamis a été tué le 4 avril à Jénine. Ce crime a plongé dans la consternation les intellectuels de Ramallah. Samih Muhsen, un des membres influents du Syndicat des écrivains palestiniens, lui rend hommage.

"Un Israélien vivant dans le camp de Jénine a été abattu par des inconnus devant le théâtre de la Liberté." Quand j’ai reçu ce texto, en fin d’après-midi, le lundi 4 avril, je me suis demandé qui pouvait bien être cet Israélien qui vivait dans un camp de réfugiés palestiniens. J’ai pensé qu’il devait s’agir d’un militant anti-occupation, mais qu’il n’avait certainement pas choisi le camp comme lieu d’habitation, pas plus qu’il n’avait été adopté par les habitants. Une heure plus tard, je me suis rendu au rond-point Menara à Ramallah, où est organisé le sit-in de l’Alliance des jeunes du 15 mars. C’est vers cet endroit qu’ont convergé, peu de temps après, des dizaines de personnes des deux sexes et de tous âges. Des amis de Juliano Mer-Khamis, des artistes et des intellectuels palestiniens qui avaient du mal à retenir leurs larmes tenaient une grande pancarte sur laquelle ils avaient écrit : "Qui a tué le metteur en scène du théâtre de la Liberté ?" Sur d’autres, on pouvait lire : "Nous demandons à l’Autorité palestinienne d’arrêter l’assassin", ou encore : "Non à la loi du silence !" C’est seulement là que j’ai su qui était la victime.

Malgré la proximité géographique entre Jénine et mon village de Naqoura, je n’avais jamais eu l’honneur de le rencontrer. En discutant avec les gens, j’ai appris qu’il était originaire de la ville de Nazareth et qu’il était le fils de Saliba Khamis, militant communiste palestinien de renom.
Or il se trouve qu’en 1993 j’avais croisé Saliba Khamis lors d’une conférence à Nazareth. Pendant deux jours, je n’avais pas raté une occasion de l’écouter parler de la lutte du peuple palestinien. Cela avait été la première fois de ma vie que j’avais rencontré une figure communiste palestinienne de ce niveau.
C’est cela qui avait dû pousser Juliano à s’installer à Jénine et à vivre parmi ses habitants. Cela a dû être pour lui une manière de suivre la voie inaugurée par son père pour la défense de son peuple, ainsi que par sa mère, juive, dans la lutte contre l’occupation. [Arna Mer-Khamis, célèbre militante israélienne pour les droits de l’homme, avait choisi de vivre dans un camp de réfugiés palestiniens à Jénine jusqu’à sa mort, en 1994.]

L’un de ses amis m’a expliqué que cet artiste patriote, progressiste et internationaliste avait accompli un travail impressionnant en formant des jeunes du camp aux métiers du théâtre, notamment les plus marginalisés d’entre eux. Il avait réussi à transformer des vendeurs ambulants en acteurs professionnels.
Le lendemain de sa mort, des dizaines d’artistes, écrivains, journalistes et intellectuels se sont réunis à nouveau sur ce même rond-point Menara pour dénoncer le crime, puis ont défilé devant le ministère de la Culture jusqu’au tombeau de l’ancien président Yasser Arafat.
Pour eux, l’assassinat de Juliano Mer-Khamis constitue une agression contre la culture nationale palestinienne tout entière.
Comment la main de l’assassin, s’il est palestinien, n’a-t-elle pas refusé d’appuyer sur la détente plutôt que de tuer une des plus grandes figures parmi ceux qui nous permettent de rêver ? Quel drame, cette perte ! Quel être "humain" a bien pu commettre ce crime ?

article original en arabe : ...

Source : http://www.courrierinternational.com ...



Voir en ligne : http://www.aloufok.net/spip.php?art...