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L’AMANT DE LA LANGUE

mercredi 18 février 2015

L’amant de la langue

Pour la mémoire vivante de Nour
Pour Samia

Nour.
Lumière de la langue ; versets qui soulèvent le jour de la Nuit. La nuit
c’est quand l’attente assiège tassa*. Tassa, c’est l’indicible langage
de la mère. La longue attente. L’Attente. La mort.
Nour, c’est la lettre écrite dans la langue de la lumière : Lumière.
Tafat*, poème. Amant de la langue de la langue, Livre sacré de la Mère.
Le Livre des livres. La Mère renaissante dans le sourire des enfances
ininterrompues.
Il était ainsi mon frère. Il souriait, il parlait la langue de la Mère.
Awal* surgi de la terre, Akal*. Ameslay* bercé par la Mère, la Terre.
Goutte de miel dans la bouche des enfants.
Il était ainsi mon frère, il berçait les mots, les lettres. Ils sont
fragiles, les mots. Il les protégeait de la nuit de la langue.
Le sommeil est la patrie des Ogres. Il pétrissait les lettres comme
l’argile. Oulman* filés en quenouille, le geste vivant de la mère qui
file la laine.
Azetta*. C’est l’écriture sainte de la Mère. Ses mains, sa craie, geste
qui souffle la vie à la vie. Sein tendu à l’enfance. Aux enfances.
Dans le langage de la tribu, abernous*, c’est le langage sacré de la
laine. Oulman. Aman*. La vie qui conjugue la vie à la vie.
Il était ainsi mon frère,
Amastan*.
Il était ainsi mon frère.
Il est le digne fils de la parole. Parole de la parole. Amant de la
langue.
Les faux-frères ne parlent pas la langue de la terre, de la mère.
Matricide.
La démagogie est l’idéologie des Ogres.
Tagmatt* , balbutiement du langage du feu ; fatiguée, vidé par les faux
frères.
La Mère blessée.
Les frères, c’est la vie qui conjugue la vie à la vie ; mains qui
fatiguent le malheur, la mort de la Mère.
Les frères, mains qui pansent les blessures de la Mère. Craie blanche,
lait de la Mère. Vie dans le geste d’écrire la Mère. La mère c’est la
vie qui conjugue la vie à la vie.
Les faux-frères c’est le sang de la Mère, brebis sacrifiée pour honorer
la divinité noire. Ogresse de l’ogresse. Wayzen*.
Ils sont ainsi les faux frères, ils n’ont plus le goût des mots. Ils
massacrent les mots, les êtres. Ils sacrifient la langue sacrée de la
Mère pour ne plus parler la vie ; ne plus faire entendre la chanson
renaissante des sources.

Les faux-frères, les fausses-sœurs, le faux-pays :
La fausse couche du Pays.

Il est ainsi mon frère,
sourire dans le futur.
Le futur c’est la mémoire de l’enfance.
Azekka*, demain, c’est ce qui prolonge la vie, la parole. C’est ce qui tire la langue de la mère de la mort, Azekka, tombe.
Il était ainsi mon frère,
amant de la langue.

Azeddine Lateb

Notes :
Tassa : foie, siège de la tendresse et de l’affection maternelle.
Tafat : lumière.
Awal : parole.
Akal : terre.
Ameslay : mot.
Oulman : laine.
Azetta : métier à tisser.
Abernous : burnous.
Aman : eau.
Amastan : protecteur, défenseur.
Tagmatt : fraternité.
Wayzen : Ogre.
Azekk : demain.
Azekka : tombe.


texte adressé à socialgerie en septembre 2014