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DU 1er AU 15 SEPTEMBRE 2014 : SÉLECTION D’ARTICLES ET DOCUMENTS

mercredi 17 septembre 2014


ALGÉRIE, DIVERSITÉ, IDENTITÉ - par Brahim Senouci - Le Quotidien d’Oran - le 7 septembre 2014


CODE DU TRAVAIL - LUTTES DES TRAVAILLEURS
HISTOIRE SYNDICALE


DÉCLARATION DU PADS : Le plan de la nouvelle offensive du gouvernement contre ce qui reste de conquêtes sociales des travailleurs commence à être dévoilé


ÉCHOS DES LUTTES DES TRAVAILLEURS - Bulletin N°15 - raina - le 8 septembre 2014 ;


SYNDICALISTES DE TOUT LE PAYS, RELISEZ-VOUS ! - par Belkacem Ahcene-Djaballah - Le Quotidien d’Oran - l’Actualité Autrement Vue- le 14 septembre 2014 ;


HOMMAGES



GÉOPOLITIQUE - INTERNATIONAL


QUE SIGNIFIE LE GRAND RETOURNEMENT SAOUDIEN ? -par Thierry Meyssan - voltairenet.org - le 1er septembre 2014 ;


LE SYNDROME TOLSTOIEVSKY - S. Despot - repris sur braniya chiricahua - 14 septembre 2014 ;


SYNDICALISTES DE TOUT LE PAYS, RELISEZ-VOUS !

par Belkacem Ahcene-Djaballah
Le Quotidien d’Oran
l’Actualité Autrement Vue
le 14 septembre 2014

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LES SYNDICALISTES ALGÉRIENS - Leur combat, de l’éveil à la libération, 1936-1962 - Essai historique et mémoriel de Boualem Bourouiba - Préface de Mostefa Lacheraf

LES SYNDICALISTES ALGÉRIENS.
Leur combat, de l’éveil à la libération, 1936-1962.

Essai historique et mémoriel
de Boualem Bourouiba
(Préface de Mostefa Lacheraf)

Editions Dahlab/Editions Enag,
450 pages, 550 dinars, Alger 2009

Il en est l’auteur certes, mais soixante et un compagnons de lutte ont « participé » à l’écriture de ces pages de l’histoire du syndicalisme algérien.
Ils ont, chacun à sa manière, ressorti de précieux souvenirs de leur combat, souvenirs alors « jalousement gardés ».

Résultat final : l’œuvre d’un militant actif, d’un responsable réfléchi et discret « à cheval sur le nationalisme anticolonial et le syndicalisme libérateur d’énergies » (Mostefa Lacheraf).
On y apprend énormément de choses sur la vie syndicale, mêlée à la vie politique.
D’abord, tout au long des parties introductives : sur « La décennie qui compte : 1936-1945 », « L’Après-guerre », « Dans le creux de la vague » et « La Révolution de Novembre ».
Ensuite, et enfin, la naissance de l’Ugta (Abane Ramdane a joué un grand rôle dans la prise de conscience), le 24 février 1956, en pleine tourmente et sous le toit même des Bourouiba (à noter que le père Bourouiba a été un des premiers syndicalistes algériens)... l’interdiction onze mois plus tard… et l’arrestation de ses responsables et militants (dont Aissat Idir)…. La reconstitution à Tunis, les épisodes saillants comme la Bataille d’Alger et, plus tard, les grandes manifestations urbaines de décembre 1960. Les militants de l’Ugta y étaient !

Avis : Un grand livre avec le langage tant prisé par l’auteur, dans le style tant défendu par l’auteur : fort, franc, direct (engagé !), débarrassé de démagogie et de clientélisme.

Extraits :
« Lorsque le crépuscule de la vie est là, tout proche, la tentation est grande de se retourner et de tenter de reconstituer les étapes de sa vie, celles de la société à laquelle on appartient et, plus passionnantes encore, celles de sa patrie » (p 35),
« La peur et la lâcheté sont sans doute contagieuses. Mais, n’en est-il pas de même du courage et de l’héroïsme ? Telle est la nature humaine » (p 312),
« À partir de 1962, les hommes politiques de notre pays, quelquefois par générosité plus souvent, ont eu recours au souvenir de cette époque noire de notre histoire (période coloniale), pour faire oublier qu’ils s’étaient emparés du pouvoir par effraction. Le résultat de cette pratique c’est que, progressivement, dans le subconscient de beaucoup d’Algériens, le travail est devenu synonyme d’exploitation. Il est rarement fait une relation entre le salaire payé et le travail fourni. Rendement, amortissement, bénéfice, endettement, tout cela est fâcheusement abstrait pour nombre de travailleurs » (p 446),
« Une des causes importantes de notre retard est liée au gaspillage, découlant lui-même de la mauvaise gestion. Il se situe, en premier lieu, au sommet, « soulta », et concerne tous ceux qui gravitent autour, vivant dans un monde totalement étranger à la majorité des Algériens. Nombre d’entre-eux sont sortis du néant pour être hissés trop vite et trop haut, jusqu’en avoir le vertige. Enfants gâtés du système, ils ne se refusent rien, éternellement à la recherche du plus beau, parce que plus cher » (p 448).

KAIDI LAKHDAR.
UNE HISTOIRE DU SYNDICALISME ALGÉRIEN.
Entretiens

Livre-entretien de Nasser Djabi
Chihab Editions,
334 pages, 500 dinars, Alger 2005

La démarche est assez originale et pourtant assez payante. Mis à part la courte préface, l’ouvrage est fait d’une suite d’entretiens avec un des plus fameux syndicalistes algériens (décédé en 2004 à l’âge de 81 ans).
Question-réponse, question-réponse, question-réponse… Et, quelle franchise, quel rythme ! Avec, des précisions, des rectifications,... et, par ci-par là, des noms (surtout ceux dont on devine qu’il ne les porte pas trop dans son cœur, car ils l’ont surtout déçu).

Toute une vie de militant et de journaliste aussi y est racontée, dans ses moindres détails… de la naissance à Mila, les premiers pas dans le monde « syndical » (au départ de la simple mais très délicate contestation ouvrière), l’engagement avec la CGT et au sein du PCA,... jusqu’à l’après-65 à Alger, avec ( encore !) une nouvelle arrestation (peut-être la plus douloureuse et surtout la plus traumatisante, car venant d’Algériens… en Algérie… indépendante), l’emprisonnement - sans raison - durant trois mois (il a « participé » à la création de l’ORP, un mouvement politique progressiste opposé au coup d’Etat du 19 juin 65)… et des amis... torturés

Avis : Se lit comme un roman d’aventures, l’auteur étant un très grand « interviewer », comme tout bon et vrai sociologue maîtrisant son sujet comme il se doit, et le « héros » un homme très direct et franc.
Un livre où on y apprend bien plus que dans un livre d’histoire classique. Peut-être un certain dogmatisme. Un militant pur et dur ?

Extraits :
Comme homme, Lakhdar Kaidi a personnifié à travers son long itinéraire de lutte, avant et après l’Indépendance, le lien réussi entre le militantisme politique et le militantisme syndical, entre l’enracinement national et la dimension internationaliste humaniste et engagée. Expérience individuelle qui, hélas, n’a pas connu le succès qui lui aurait permis de se transformer en une règle de conduite générale… » (Nasser Djabi, p 11),
« Aujourd’hui, le mouvement syndical algérien, dans ses différentes composantes organiques, les anciennes et les nouvelles, vit une crise profonde dans sa relation avec la société et avec les forces sociales qu’il est censé représenter et défendre. Le syndicat et le syndicalistes ont perdu une grande part de l’image positive qui était liée à eux et à leurs combats » ( Nasser Djabi, p 11),
« Le révolutionnaire, c’est celui qui ne néglige aucune possibilité de faire avancer le mouvement, qui ne néglige aucune voie qui de toute évidence ne peut que renforcer la lutte générale » ( Kaidi Lakhdar, p 211),
« L’UGTA se trouve sous la pesanteur de son passé, se trouve une organisation au service non pas du FLN, parti unique, mais au service du pouvoir et pour paraphraser la célèbre phrase à propos de la Palestine, aujourd’hui, chez nous, l’UGTA est pour le pouvoir, que ce dernier ait raison ou tort » (Kaidi Lakhdar, p 230),
« Ben Bella, à l’époque, dirigeait l’Etat comme on dirige son épicerie » (Kaidi Lakhdar, p 310)

AISSAT IDIR.
DOCUMENTS ET TÉMOIGNAGES SUR LE SYNDICALISME ALGÉRIEN

Étude de Mohamed Tayeb Farès
(préface de Mahfoud Kadache).
Enag Editions, 196 pages, 880 dinars, Alger 2012

L’auteur, décédé en 2006, à l’âge de 96 ans, enseigna longtemps dans le primaire puis, juste après 62, à l’Université où il fut un de mes (inoubliables) enseignants à l’École nationale supérieure de Journalisme de l’époque. On savait déjà qu’il était un « mordu » de la recherche scientifique et il avait, pour objectif principal, l’écriture de l’histoire du syndicalisme national et, surtout, la mise en valeur les efforts et le sacrifice des grands militants de la cause nationale,… dont, assurément, Aissat Idir, le 1er secrétaire général, un héros qu’il avait bien connu, ayant été lui-même un syndicaliste actif.

Ici, comme le dit si bien Mahfoud Kaddache, le préfacier, l’auteur est allé encore plus loin que la simple biographie. « C’est en fait l’histoire du syndicalisme nationaliste algérien d’avant 1962 et celle d’un aspect de la participation des travailleurs algériens à la guerre de libération qui sont évoquées ».

À travers les documents et les témoignages (il avait constituées et exploitées 240 biographies), il fait revivre le cadre familial et social du héros mais,en même temps, il décrit l’Algérie profonde, celle d’abord en attente de la libération, celle des combattants qu’étaient les syndicalistes, et les conditions de la création, avec douze syndicats nationaux, de l’UGTA (le 24 février 1956), puis l’extraordinaire consécration internationale avec l’adhésion à la CISL en juillet 56, malgré tous les obstacles créés par l’USTA (« Messaliste », proche de la CGT-Force ouvrière, membre de la CISL) et l’UGSA (CGT, adhérente à la FSM) . Que de noms (pour beaucoup oubliés), que de sacrifices, que de combats, que d’interdictions et d’arrestations, que d’emprisonnements et de tortures… et le meurtre, par les forces d’occupation, du leader, « kidnappé » le 13 janvier 1959 et torturé sauvagement par ses bourreaux. Il est déclaré décédé le 26 juillet 1959. Il parait que le président Ben Bella avait demandé (à Djermane Rabah), en 1963 ( !!!), « quelles sont les ressources de la famille ? » alors aidée par des amis... et par la CISL et l’Union Syndicale suisse. Rien n’a effectivement suivi. Il a même fallu, pour obtenir une pension, « prouver » la participation du père (Aissat Idir) à la lutte de libération nationale… grâce au témoignage de Youcef Benkhedda. Aujourd’hui, que d’oublis, hélas !

Avis : Une monographie du syndicalisme et une biographie de son promoteur-animateur de type académique, donc très utile pour tous : syndicalistes, chercheurs, journalistes (Aissat Idir a été un très grand journaliste, un vrai de vrai). Une démarche assez académique (problématique, questionnements, etc…) et pédagogique. Ouvrage complet avec ses annexes, ses sources et références, sa riche bibliographie ainsi qu’un index des noms cités. Mais, personnellement, je n’ai pas apprécié le format qui ne correspond pas à la valeur scientifique de l’ouvrage.

Extraits :
« On l’appelait, à juste titre d’ailleurs, Idir le sage… un « bûcheur » hors catégorie » (selon un de ses camarades de classe, p 19),
« Aissat était un militant de grande classe : sérieux, secret, modeste, très prudent, compétent dans le domaine de la presse et de la propagande… Aissat se situe dans la catégorie des militants qui devaient garder l’anonymat et assurer la continuité du mouvement national. Il était peu connu du public. Il était apprécié par la direction centrale du parti. » (p 24),
« Le lancement du journal « L’Ouvrier Algérien » le 6 avril 1956 occupe des dizaines de collaborateurs dès le 1er mois et tire déjà à 30 000 exemplaires » (p 94)

Note :

Lire aussi, pour compléter votre culture syndicale, en tout cas pour vous faire une idée sur le syndicalisme post- 62, et surtout pour connaître certains « dessous » des relations subies ou/et recherchées UGTA- centres de pouvoir- parti du FLN

« Le Mouvement syndical algérien à l’épreuve de l’Indépendance »

de Abdelmadjid Azzi, avec une lettre-préface de Tahar Gaïd, membre fondateur de l’UGTA

Alger-Livres Editions, 437 pages, 850 dinars, Alger

Conclusion – bien sombre et non forcément objective - de l’auteur (extrait) :
« L’image peu reluisante que présente, aujourd’hui, l’UGTA, cette organisation prestigieuse pour laquelle tant d’hommes se sont vaillamment battus, ne réjouit guère » (p 399)

Sources : Le Quotidien d’Oran

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LE SYNDROME TOLSTOIEVSKY

S. Despot
repris sur braniya chiricahua
blog de Messaoud Benyoucef
14 septembre 2014

Citoyen suisse, d’origine bosno-serbe, S. Despot est écrivain, traducteur et éditeur. C’est un esprit libre. Lisez, amis visiteurs du blogue, cet article recueilli sur son propre blogue : http://blog.despot.ch/le-syndrome-tolstoievsky, que je reproduis in extenso ci-après pour la qualité des idées qui y sont développées ainsi que pour le style lumineux qui les porte.

Magnifique hommage rendu à la Russie et volée de bois vert assénée à un Occident de plus en plus inculte, de plus en plus servile, de plus en plus barbare finalement, livré qu’il est au culte de Mamon et aux usuriers de Wall Street. Décapant et tonique, à lire absolument !

Le problème, avec l’approche occidentale de la Russie, n’est pas tant dans le manque de volonté de comprendre que dans l’excès de volonté de ne rien savoir.

"Cette nation qui a donné Pouchkine et “Guerre et Paix” , Nijinsky et le “Lac des Cygnes” , qui a l’une des plus riches traditions picturales au monde, qui a classé les éléments de la nature, qui fut la première à envoyer un homme dans l’espace (et la dernière à ce jour), qui a produit des pelletées de génies du cinéma, de la poésie, de l’architecture, de la théologie, des sciences, qui a vaincu Napoléon et Hitler, qui édite les meilleurs manuels — et de loin — de physique, de mathématiques et de chimie, qui a su trouver un modus vivendi séculaire et pacifique, sur fond de respect et de compréhension mutuelle, avec ses Tatars et ses indénombrables musulmans, khazars, bouddhistes, Tchouktches, Bouriates et Toungouzes, qui a bâti la plus longue voie de chemin de fer au monde et l’utilise encore (à la différence des USA où les rails légendaires finissent en rouille), qui a minutieusement exploré et cartographié les terres, usages, ethnies et langues de l’espace eurasien, qui construit des avions de combat redoutables et des sous-marins géants, qui a reconstitué une classe moyenne en moins de quinze ans après la tiers-mondisation gorbatcho-eltsinienne, cette immense nation, donc, qui gouverne le sixième des terres émergées, est soudain traitée, du jour au lendemain, comme un ramassis de brutes qu’il s’agit de débarrasser de leur dictateur caricatural et sanglant avant de les éduquer à servir la « vraie » civilisation !

L’Occident ressort la même guignolerie haineuse à chaque crise, depuis Ivan le Terrible à « Putler »-Poutine, en passant par le tsar Paul, la guerre de Crimée, le pauvre et tragique Nicolas II, et même l’URSS où tout succès était dit « soviétique » et tout échec dénigré comme « russe ».

Des nations serviles qui accordent aux Américains un crédit illimité de forfaiture et de brigandage « parce-qu’ils-nous-ont-libérés-en-45 » n’ont pas un mot, pas une pensée de gratitude pour la nation qui a le plus contribué à vaincre l’hydre national-socialiste… et qui en a payé le prix le plus lourd.
Ses élus sont traités en importuns, son président caricaturé avec une haine obsessionnelle, la liberté de mouvement et de commerce de ses citoyens, savants, universitaires et hommes d’affaires est suspendue au bon vouloir d’obscures commissions européennes dont les peuples qu’elles prétendent représenter ne connaissent pas le nom d’un seul membre, ni pourquoi il y siège plutôt qu’un autre larbin des multinationales.

Mais tout ceci n’est encore rien. C’est dans l’ordre des choses. L’Occident et la Russie ne font que jouer les prolongations, à l’infini, du conflit Rome-Byzance en l’étendant aux continents voisins voire à l’espace interplanétaire. La vraie guerre des civilisations, la seule, est là. Barbare comme le sac de Constantinople, apocalyptique comme sa chute, ancienne et sournoise comme les schismes théologiques masquant de perfides prises de pouvoir. Tapie dans les replis du temps, mais prête à bondir et à mordre comme un piège à loups. C’est le seul piège, du reste, que l’empire occidental n’ait pas posé tout seul et qu’il ne puisse donc désamorcer. (Étant entendu que la menace islamique n’est que le produit des manœuvres coloniales anglo-saxonnes, de la cupidité pétrolière et de l’action de services d’État occupés à cultiver des épouvantails pour effrayer leurs propres sujets, puis à les abattre pour les convaincre de leur propre puissance et de leur nécessité.)

La menace russe, elle, est d’une autre nature. Voici une civilisation quasi-jumelle, ancrée sur ses terres, consciente d’elle-même et totalement ouverte aux trois océans, à l’Arctique comme à l’Himalaya, aux forêts de Finlande comme aux steppes de Mongolie.
Voici des souverains qui — depuis la bataille de Kazan remportée par ce même Ivan qui nous sert de Père Fouettard — portent le titre de Khans tatars en même temps que d’Empereurs chrétiens siégeant dans l’ultime Rome, la troisième, Moscou, qui fleurit au moment où Byzance gémissait sous l’Ottoman et le pape sous la verge de ses mignons.
Voici une terre aux horizons infinis, mais dont les contours sont gravés dans l’histoire du monde, inviolables bien que diffus.
Voici des gens, enfin, et surtout, aussi divers qu’on peut l’imaginer, mêlant au sein d’un même peuple le poil blond des Vikings aux yeux obliques et aux peaux tannées de l’Asie. Ils n’ont pas attendu le coup de départ du métissage obligé, les Russes, ils l’ont dans leur sang, si bien assimilé qu’ils n’y pensent plus. Les obsédés de la race au crâne rasé qu’on exhibe sur les chaînes anglo-saxonnes ont la même fonction que les coucous suisses : des articles pour touristes.

Cela ressemble tellement à l’Europe. Et c’en est tellement loin ! Tellement loin que les infatigables arpenteurs des mers — génois, anglais, néerlandais, espagnols —, qui connaissent l’odeur de la fève de tonka et la variété des bois de Sumatra, ne savent rien de la composition d’un borchtch. Ni même de la manière dont on prononce le nom de cette soupe. Ce n’est pas qu’ils ne pourraient pas l’apprendre. C’est qu’ils n’en ont pas envie. Pas plus qu’ils ne veulent connaître, vraiment, l’esprit, les coutumes et la mentalité des immigrants exotiques qu’ils accueillent désormais par millions et qu’ils laissent s’agglutiner en ghettos parce qu’ils ne savent comment leur parler.

J’ai dû, moi, petit Serbe, apprendre deux langues et deux alphabets pour entamer ma vie d’immigré. J’en ai appris d’autres pour mieux connaître le monde où je vis. Je m’étonne sincèrement de voir que mes compatriotes suisses ne savent pas, pour la plupart, les deux autres grandes langues de leur pays.
Comment connaître autrui si vous ne savez rien de la langue qu’il parle ? C’est le minimum de la courtoisie.
Et cette courtoisie, désormais, se réduit de plus en plus à des rudiments d’anglais d’aéroport.

De même font les Russes, dont l’éducation intègre la culture ouest-européenne en sus de la leur propre.
Où voit-on la réciproque, à l’ouest du Dniepr ?
Depuis Pierre le Grand, ils se considéraient européens à part entière. Les artistes de la Renaissance et les penseurs des Lumières sont les leurs. Leontiev, le père Serge Boulgakov, Répine, Bounine, Prokofiev et Chestov sont-ils pour autant les nôtres ? Non, bien entendu.
Parler français fut deux siècles durant la règle dans les bonnes maisons — et le reste encore parfois. Ils se sont intensément crus européens, mais l’Europe s’est acharnée à leur dissiper cette illusion.
Quand les jeunes Russes vous chantent Brassens par cœur, vous leur répondez en évoquant « Tolstoïevsky ».
L’Europe de Lisbonne à Vladivostok n’aura été réelle qu’à l’Est. A l’Ouest, elle ne fut jamais que la projection livresque de quelques visionnaires.

L’Europe de Lisbonne à Vladivostok ! Imagine-t-on la puissance, la continuité, le rayonnement, les ressources d’un tel ensemble ?
Non. On préfère definitely se mirer dans l’Atlantique. Un monde vieillissant et ses propres outlaws mal dégrossis s’étreignant désespérément par-dessus la mer vide et refusant de voir dans le monde extérieur autre chose qu’un miroir ou un butin.
Leur derniers échanges chaleureux avec la Russie remontent à Gorbatchev. Normal : le cocu zélé avait entrepris de démonter son empire sans autre contrepartie qu’une paire de santiags au ranch de Reagan.
Vingt ans plus tard, les soudards de l’OTAN occupaient toutes les terres, de Vienne à Lviv, qu’ils avaient juré de ne jamais toucher !
Au plus fort de la Gorbymania, Alexandre Zinoviev lançait son axiome que tous les Russes devraient apprendre au berceau : « Ils n’aimeront le tsar que tant qu’il détruira la Russie ! »

« Ah, vous les Slaves ! » — ouïs-je souvent dire — « Quel don pour les langues ! » Je me suis longtemps rengorgé, prenant le compliment pour argent comptant.
Puis, ayant voyagé, j’ai fini par comprendre. Ce n’est pas « nous les Slaves » qui avons de l’aisance pour les langues : c’est vous, les « Européens » qui n’en avez pas. Qui n’en avez pas besoin, estimant depuis des siècles que votre packagelinguistique (anglais, français, allemand, espagnol) gouverne le monde.
Pourquoi s’escrimer à parler bantou ? Votre langue, étendard de votre civilisation, vous suffit amplement, puisqu’au-delà de votre civilisation, c’est le limes (comme au temps de César), et qu’au-delà du limes, mon Dieu… Ce sont les terres des Scythes, des Sarmates, des Marcheurs Blancs, bref de la barbarie. Voire, carrément, le bord du monde où les navires dévalent dans l’abîme infini.

Voilà pourquoi le russe, pour vous, c’est du chinois. Et le chinois de l’arabe, et l’arabe de l’ennemi. Vous n’avez plus même, dans votre nombrilisme, les outils cognitifs pour saisir ce que les autres — qui soudain commencent à compter — pensent et disent, réellement, de vous.
Ah ! Frémiriez-vous, si vous pigiez l’arabe des prédicateurs de banlieue !
Ah ! Railleriez-vous si vous entraviez des miettes de ce que les serveurs chinois du XIIIe dégoisent sur vous.
Ah ! Ririez-vous s’il vous était donné de saisir la finesse de l’humour noir des Russes, plutôt que de vous persuader à chacun de leurs haussements de sourcil que leurs chenilles sont au bord de votre gazon.

Mais vous ne riez pas. Vous ne riez plus jamais. Même vos vaudevilles présidentiels sont désormais commentés avec des mines de fesse-mathieu. Vous êtes graves comme des chats qui caquent dans votre quiétude de couvre-feu, alors qu’eux, là-bas, rient, pleurent et festoient dans leurs appartements miniatures, leur métro somptueux, sur leur banquise, dans leurs isbas et jusque sous les pluies d’obus.

Tout ceci n’est rien, disais-je, parlant du malentendu historique qui nous oppose. La partie grave, elle arrive maintenant.
Vous ne leur en voulez pas pour trois bouts d’Ukraine dont vous ignoriez jusqu’à l’existence.
Vous leur en voulez d’être ce qu’ils sont, et de ne pas en démordre !
Vous leur en voulez de leur respect de la tradition, de la famille, des icônes et de l’héroïsme — bref, de toutes les valeurs qu’on vous a dressés à vomir.
Vous leur en voulez de ne pas organiser pour l’amour de l’Autre la haine du Soi.
Vous les enviez d’avoir résolu le dilemme qui vous mine et qui vous transforme en hypocrites congénitaux : Jusqu’à quand défendrons-nous des couleurs qui ne sont pas les nôtres ?

Vous leur en voulez de tout ce que vous avez manqué d’être !

Ce qui impressionne le plus, c’est la quantité d’ignorance et de bêtise qu’il vous faut déployer désormais pour entretenir votre guignolerie du ramassis de brutes qu’il s’agit de débarrasser de leur dictateur caricatural et sanglant avant de les éduquer à servir la « vraie » civilisation.
Car tout la dément : et les excellentes relations de la Russie avec les nations qui comptent et se tiennent debout (BRICS), et le dynamisme réel de ce peuple, et l’habileté de ses stratèges, et la culture générale du premier Russe venu, par opposition à l’inculture spécialisée du « chercheur » universitaire parisien qui prétend nous expliquer son obscurantisme et son arriération.
C’est que ce ramassis de brutes croit encore à l’instruction et au savoir quand l’école européenne produit de l’ignorance socialisée ; croit encore en ses institutions quand celles de l’UE prêtent à rire ; croit encore en son destin quand les vieilles nations d’Europe confient le leur au cours de la Bourse et aux banquiers de Wall Street.

Du coup, la propagande a tout envahi, jusqu’à l’air qu’on respire. Le gouvernement d’Obama prend des sanctions contre le régime de Poutine : tout est dit !
D’un côté, Guantanamo, les assassinats par drones aux quatre coins du monde, la suspension des droits élémentaires et le permis de tuer sans procès ses propres citoyens — et, surtout, vingt-cinq ans de guerres coloniales calamiteuses, sales et ratées qui ont fait du Moyen-Orient, de la Bosnie à Kandahar, un enfer sur terre.
De l’autre, une puissance qui essaie pas à pas de faire le ménage à ses propres frontières, celles justement dont on s’était engagé à ne jamais s’approcher.
Votre gouvernement contre leur régime…

Savez-vous de quoi vous vous privez en vous coupant ainsi, deux fois par siècle, de la Russie ?
Du refuge ultime des vos dissidents, en premier lieu du témoin capital Snowden.
Des sources d’une part considérable de votre science, de votre art, de votre musique, et même, ces jours-ci, du dernier transporteur capable d’emmener vos gens dans l’espace.
Mais qu’importe, puisque vous avez soumis votre science, votre art, votre musique et votre quête spatiale à la loi suicidaire du rendement et de la spéculation.
Et qu’être traqués et épiés à chaque pas, comme Snowden vous l’a prouvé, ne vous dérange au fond pas plus que ça. À quoi bon implanter une puce GPS à des chiens déjà solidement tenus en laisse ? Quant à la dissidence… Elle n’est bonne que pour saper la Russie.
Tout est bon pour saper la Russie. Y compris les nazis enragés de Kiev que vous soutenez sans gêne et n’hésitez pas à houspiller contre leurs propres concitoyens. Quelle que soit l’issue, cela fera toujours quelques milliers de Slaves en moins…

Que vous a-t-il donc fait, ce pays, pour que vous en arriviez à pousser contre lui les forces les plus sanguinaires enfantées par la malice humaine : les nazis et les djihadistes ?
Comment pouvez-vous songer à contourner un peuple étendu sur onze fuseaux horaires ? En l’exterminant ou en le réduisant en esclavage ? (Il est vrai que « toutes les options sont sur la table », comme on dit à l’OTAN.) Destituer de l’extérieur un chef d’État plus populaire que tous vos polichinelles réunis ? Êtes-vous déments ? Ou la Terre est-elle trop petite, à vos yeux, pour que l’« Occident » puisse y cohabiter avec un État russe ?

C’est peut-être cela, tout compte fait. La Russie est l’avant-poste, aujourd’hui, d’un monde nouveau, de la première décolonisation véritable.
Celle des idées, des échanges, des monnaies, des mentalités.
À moins que vous, atlantistes et eurocrates, ne parveniez à entraîner la nappe dans votre chute en provoquant une guerre atomique, le banquet de demain sera multipolaire. Vous n’y aurez que la place qui vous revient. Ce sera une première dans votre histoire : mieux vaut vous y préparer."

Slobodan Despot, le 8 septembre 2014

Sources : braniya chiricahua blog

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• Quelques lectures appropriées :

Jürgen Elsässer : Comment le djihad est arrivé en Europe

A.S. Khomiakov : L’Église latine et le Protestantisme au point de vue de l’Église d’Orient

Naomi Klein : La stratégie du choc

Konstantin Leontiev : L’Européen moyen, idéal et outil de la destruction universelle

C.S. Lewis : L’Abolition de l’Homme

Carroll Quigley : Tragedy and Hope

Steven Runciman : La chute de Constantinople

Eric Werner : De l’extermination, L’avant-guerre civile

Alexandre Zinoviev : La Grande Rupture, L’Occidentisme

http://blog.despot.ch/le-syndrome-tolstoievsky

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QUE SIGNIFIE LE GRAND RETOURNEMENT SAOUDIEN ?

par Thierry Meyssan
voltairenet.org
le 1er septembre 2014

Alors que depuis 35 ans, l’Arabie saoudite soutient tous les mouvements jihadistes jusqu’aux plus extrémistes, Riyad semble changer soudainement de politique. Menacée dans son existence même par une possible attaque de l’Émirat islamique, l’Arabie saoudite a donné le signal de la destruction de l’organisation. Mais contrairement aux apparences, l’ÉI reste soutenu par la Turquie et Israël qui recèlent le pétrole qu’il pille.

Préliminaire : l’ÉI est une création occidentale

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Sur cette photographie diffusée par l’Émirat islamique, on voit un de ses combattants armé d’un Famas français alors que Paris nie tout contact avec cette organisation. En réalité, la France a armé l’Armée syrienne libre avec instruction de reverser les deux-tiers de son matériel au Front Al-Nosra (c’est-à-dire à Al-Qaïda en Syrie), ainsi que l’atteste un document fourni par la Syrie au Conseil de sécurité de l’Onu. Par la suite plusieurs unités d’Al-Nosra se sont ralliées avec leurs armes à l’Émirat islamique. En outre, contrairement aux déclarations officielles, le commandant de l’Émirat islamique, l’actuel calife Ibrahim, cumulait ses fonctions avec celles de membre de l’état-major de l’Armée syrienne libre.

L’unanimité du Conseil de sécurité contre l’Émirat islamique (ÉI) et le vote de la résolution 2170 ne sont qu’une attitude de façade. Ils ne sauraient faire oublier le soutien étatique dont l’ÉI a disposé et dispose encore.

Pour ne prendre que les événements récents en Irak, chacun a pu observer que ses combattants sont entrés dans le pays à bord de colonnes de Toyota flambants neufs et armés de matériels ukrainiens, également neufs. C’est avec cet équipement qu’ils ont saisi les armes états-uniennes de l’Armée irakienne. De même chacun s’est étonné de ce que l’ÉI disposait d’administrateurs civils capables de prendre en main instantanément la gestion des territoires conquis et de spécialistes en communication aptes à promouvoir son action sur Internet et à la télévision ; un personnel clairement formé à Fort Bragg.

Bien que la censure états-unienne en ait interdit toute recension, nous savons par l’agence britannique Reuters qu’une session secrète du Congrès a voté, en janvier 2014 le financement et l’armement de l’Armée syrienne libre, du Front islamique, du Front Al-Nosra et de l’Émirat islamique jusqu’au 30 septembre 2014 [1]. Quelques jours plus tard, “Al-Arabiya” se vantait que le prince Abdul Rahman était le véritable chef de l’Émirat islamique [2]. Puis, le 6 février, le secrétaire à la Sécurité de la Patrie US réunissait les principaux ministres de l’Intérieur européens en Pologne pour leur demander de maintenir les jihadistes européens au Levant en leur interdisant le retour dans leurs pays d’origine, de la sorte l’ÉI serait assez nombreux pour attaquer l’Irak [3]. Enfin, à la mi-février, un séminaire de deux jours a rassemblé au Conseil de sécurité nationale US les chefs des services secrets alliés impliqués en Syrie, certainement pour préparer l’offensive de l’ÉI en Irak [4].

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(Reportage d’août 2012 sur le fanatisme religieux de la prétendue « opposition démocratique »)

“Une guerre contre la liberté religieuse”
http://www.youtube.com/watch?v=Cw7YLKDIqJI&list=UU3TR6S1FgdXmtbBPMvAabYg

Il est extrêmement choquant d’observer les médias internationaux dénoncer subitement les crimes des jihadistes alors que ceux-ci se déroulent sans interruption depuis trois ans. Il n’y a rien de nouveau dans les égorgements publics et les crucifixions : à titre d’exemple, l’Émirat islamique de Baba Amr, en février 2012, s’était doté d’un « tribunal religieux » qui condamna a mort par égorgement plus de 150 personnes sans soulever la moindre réaction occidentale ni des Nations unies [5].
En mai 2013, le commandant de la Brigade Al-Farouk de l’Armée syrienne libre (les fameux « modérés ») diffusa une vidéo au cours de laquelle il découpait un soldat syrien et mangeait son cœur. À l’époque, les Occidentaux persistaient à présenter ces jihadistes comme des « opposants modérés », mais désespérés, se battant pour la « démocratie ».
La BBC donnait même la parole au cannibale pour qu’il se justifie.

“SYRIA’S ’HEART-EATING CANNIBAL’ ABU SAKKAR BBC NEWS”
http://www.youtube.com/watch?v=ouBzc6gNPf8

Il ne fait aucun doute que la différence établie par Laurent Fabius entre jihadistes « modérés » (l’Armée syrienne libre et le Front Al-Nosra —c’est-à-dire Al-Qaïda— jusqu’au début 2013) et jihadistes « extrémistes » (le Front Al-Nosra à partir de 2013 et l’ÉI) est un pur artifice de communication.
Le cas du calife Ibrahim est éclairant : en mai 2013, lors de la visite de John McCain à l’ASL, il était à la fois membre de l’état-major « modéré » et leader de la faction « extrémiste » [6].
Identiquement, une lettre du général Salim Idriss, chef d’état-major de l’ASL, datée du 17 janvier 2014, atteste que la France et la Turquie livraient des munitions pour un tiers à l’ASL et pour deux tiers à Al-Qaïda via l’ASL.
Présenté par l’ambassadeur syrien au Conseil de sécurité, Bachar Jaafari, l’authenticité de ce document n’a pas été contestée par la délégation française [7].

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John McCain et l’état-major de l’Armée syrienne libre. Au premier plan à gauche, Ibrahim al-Badri, avec lequel le sénateur est en train de discuter. Juste après, le brigadier général Salim Idriss (avec des lunettes).

Ceci étant posé, il est clair que l’attitude de certaines puissances de l’Otan et du CCG a changé au cours du mois d’août 2014 pour passer d’un soutien secret, massif et permanent, à une franche hostilité. Pourquoi ?

La doctrine Brzezinki du jihadisme

Il faut revenir ici 35 ans en arrière pour comprendre l’importance du virage que l’Arabie saoudite —et peut-être les États-Unis— sont en train d’accomplir. Depuis 1979, Washington, à l’instigation du conseiller de sécurité nationale Zbignew Brzezinski, a décidé de soutenir l’islam politique contre l’influence soviétique, renouant avec la politique adoptée en Égypte de soutien aux Frères musulmans contre Gamal Abdel Nasser.

Brzezinski décida de lancer une vaste « révolution islamique » depuis l’Afghanistan (alors gouvernée par le régime communiste de Muhammad Taraki) et l’Iran (où il organisa lui-même le retour de l’imam Rouhollah Khomeiny). Par la suite, cette révolution islamique devait se propager dans le monde arabe et emporter avec elle les mouvements nationalistes associés à l’URSS.

L’opération en Afghanistan fut une réussite inespérée : les jihadistes de la Ligue anti-communiste mondiale (WACL) [8], recrutés au sein des Frères musulmans et dirigés par le milliardaire anti-communiste Oussama Ben Laden, lancèrent une campagne terroriste qui conduisit le gouvernement à faire appel aux Soviétiques. L’Armée rouge entra en Afghanistan et s’y enlisa durant cinq ans, accélérant la chute de l’URSS.

L’opération en Iran fut au contraire un désastre : Brzezinski fut stupéfait de constater que Khomeiny n’était pas l’homme qu’on lui avait dit —un vieil ayatollah cherchant à récupérer ses propriétés foncières confisquées par le Shah—, mais un authentique anti-impérialiste. Considérant un peu tard que le mot « islamiste » n’avait pas du tout le même sens pour les uns et les autres, il décida de distinguer les bons sunnites (collaborateurs) des mauvais chiites (anti-impérialistes) et de confier la gestion des premiers à l’Arabie saoudite.

Enfin, considérant le renouveau de l’alliance entre Washington et les Séoud, le président Carter annonça, lors de son discours sur l’état de l’Union du 23 janvier 1980 que, désormais, l’accès au pétrole du Golfe était un objectif de sécurité nationale états-unienne.

Depuis cette période, les jihadistes ont été chargés de tous les mauvais coups contre les Soviétiques (puis les Russes) et contre les régimes arabes nationalistes ou récalcitrants. La période allant de l’accusation lancée contre les jihadistes d’avoir fomenté et réalisé les attentats du 11-Septembre jusqu’à l’annonce de la prétendue mort d’Oussama Ben Laden au Pakistan (2001-11) a compliqué les choses. Il s’agissait à la fois de nier toute relation avec les jihadistes et de les utiliser comme prétexte à des interventions. Les choses sont redevenues claires en 2011 avec la collaboration officielle entre les jihadistes et l’Otan en Libye et en Syrie.

Le virage saoudien d’août 2014

Durant 35 ans, l’Arabie saoudite a financé et armé tous les courants politiques musulmans dès lors

  1. qu’ils étaient sunnites,
  2. qu’ils affirmaient le modèle économique des États-Unis compatible avec l’islam
  3. et que —dans le cas ou leur pays aurait signé un accord avec Israël— ils ne le remettaient pas en question.

Durant 35 ans, l’immense majorité des sunnites a fermé les yeux sur la collusion entre les jihadistes et l’impérialisme. Elle s’est déclarée solidaire de tout ce qu’ils ont fait et de tout ce qu’on leur a attribué. Enfin, elle a légitimé le wahhabisme comme une forme authentique de l’islam malgré les destructions de lieux saints en Arabie saoudite.

Observant avec surprise le « printemps arabe », à la préparation duquel elle n’avait pas été conviée, l’Arabie saoudite s’inquiéta du rôle accordé par Washington au Qatar et aux Frères musulmans. Riyad ne tarda pas à entrer en compétition avec Doha pour sponsoriser les jihadistes en Libye et surtout en Syrie.

Aussi le roi Abdallah sauva-t-il l’économie égyptienne lorsque le général Abdel Fattah al-Sissi devenu président d’Égypte lui transmis ainsi qu’aux Émirats la copie complète des dossiers de police des Frères musulmans. Toutefois, dans le cadre de la lutte contre la Confrérie, le général Al-Sissi découvrit et transmit en février 2014 le plan détaillé des Frères pour s’emparer du pouvoir à Riyad et à Abou Dhabi. En quelques jours les comploteurs furent arrêtés et avouèrent, tandis que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis menaçaient le Qatar, le parrain des Frères, de le détruire s’il ne lâchait pas immédiatement la confrérie.

Riyad n’a pas tardé à découvrir que l’Émirat islamique était lui aussi gangréné et s’apprêtait à l’attaquer après s’être emparé d’un tiers de l’Irak.

Le verrou idéologique patiemment construit durant 35 ans a été pulvérisé par les Émirats et l’Égypte. Le 11 août, le grand imam de l’université Al-Azhar, Ahmad al-Tayyeb, condamnait sévèrement l’Émirat islamique et Al-Qaïda. Il était suivi le lendemain par le grand mufti d’Égypte, Shawki Allam [9]. Il semble que cette action ait été entreprise sans en informer préalablement Washington.

Le 19 août, le grand mufti d’Arabie saoudite, cheik Abdul-Aziz Al al-Sheikh, se décidait —enfin— à qualifier les jihadistes de l’Émirat islamique et d’Al-Qaïda « d’ennemis numéro 1 de l’islam » [10].

Les conséquences du retournement saoudien

Le retournement de l’Arabie saoudite aura été si rapide que les acteurs régionaux n’ont pas eu le temps de s’adapter et se trouvent donc avec des positions contradictoires selon les dossiers. D’une manière générale, les alliés de Washington condamnent l’Émirat islamique en Irak, mais pas encore en Syrie.

Plus surprenant, alors que le Conseil de sécurité a condamné l’Émirat islamique dans sa déclaration présidentielle du 28 juillet et dans sa résolution 2170 du 15 août, il est clair que l’organisation jihadiste dispose encore de soutiens étatiques : en violation des principes rappelés ou édictés par ces textes, le pétrole irakien pillé par l’ÉI transite par la Turquie. Il est chargé au port de Ceyhan sur des pétroliers qui font escale en Israël, puis repartent vers l’Europe. Pour le moment, le nom des sociétés commanditaires n’est pas établi, mais la responsabilité de la Turquie et d’Israël est évidente.

De son côté, le Qatar, qui continue à abriter nombre de personnalités des Frères musulmans, nie soutenir encore l’Émirat islamique.

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Réunion des ministres des Affaires étrangères de l’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de l’Égypte et… du Qatar à Jeddah, le 24 août 2014, pour faire face à l’Émirat islamique. La Jordanie était représentée à ce sommet.

Lors de conférences de presse coordonnées, les ministres russe et syrien des Affaires étrangères, Sergey Lavrov et Walid Mouallem, ont appelé à constituer une coalition internationale contre le terrorisme. Cependant les États-Unis, tout en préparant des opérations au sol sur le territoire syrien avec les Britanniques (la « Force d’intervention noire » [11]), ont refusé de s’allier à la République arabe syrienne et persistent à exiger la démission du président élu Bachar el-Assad.

Le clash qui vient de mettre fin à 35 ans de politique saoudienne se transforme en affrontement entre Ryad et Ankara.
D’ores et déjà, le parti kurde turc et syrien, le PKK, qui est toujours considéré par Washington et Bruxelles comme une organisation terroriste, est soutenu par le Pentagone contre l’Émirat islamique. En effet, et contrairement aux présentations équivoques de la presse atlantiste, ce sont les combattants turcs et syriens du PKK et non pas les peshmergas irakiens du Gouvernement local du Kurdistan qui ont repoussé l’Émirat islamique ces derniers jours, avec l’aide de l’aviation états-unienne.

Conclusion provisoire

Il est difficile de savoir si la situation actuelle est une mise en scène ou une réalité. Les États-Unis ont-ils réellement l’intention de détruire l’Émirat islamique qu’ils ont formé et qui leur aurait échappé ou vont-ils simplement l’affaiblir et le conserver comme outil politique régional ? Ankara et Tel-Aviv soutiennent-ils l’ÉI pour le compte de Washington ou contre Washington, ou encore jouent-ils sur des dissensions internes aux États-Unis ? Les Séoud iront-ils, pour sauver la monarchie, jusqu’à s’allier avec l’Iran et la Syrie ou parviendront-ils à un accord avec Washington sur le sort de l’ÉI ?

Thierry Meyssan

Sources : voltairenet.org

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AMAR METREF NOUS A QUITTÉ

Arezki Metref
Le Soir d’Algérie - Chronique
le 14 septembre 2014

... Décès subit d’Amar Metref, foudroyé à 80 ans par une maladie qui l’a emporté en quelques semaines.

Dda Maâmar, qui était mon oncle, n’était pas moins une figure d’At Yani, apprécié de tous.

Écrivain, il a publié notamment “La gardienne du feu sacré” à la fin des années 1970, et plus récemment “Raconter At Yani” et un roman biographique sur Ramdane Metref, son père.

Il avait encore plein de projets d’écriture, certains terminés et d’autres bien entamés.

Dda Maamar, c’était d’abord l’enseignant. Toute sa vie, il l’a vouée à apprendre aux enfants la rationalité et la rigueur.
À At Yani où il a exercé pendant des années et des années, des générations entières d’élèves l’ont eu, et s’en souviennent avec reconnaissance et affection, soit comme enseignant soit enfin comme directeur de collège.

Mais pour tous, c’était d’abord l’homme droit, honnête, animé du sens du devoir, solidaire, dévoué aux autres.

C’était aussi un homme cultivé, maîtrisant parfaitement toutes les langues à sa portée (le kabyle bien sûr, l’arabe, le français et l’anglais).

Profondément attaché au partage, il pouvait passer de longues heures à discuter.

C’est une grande perte, non seulement pour sa famille, mais aussi pour toutes celles et tous ceux qui appréciaient sa vaste culture, sa générosité et son talent d’écrivain.

Repose en paix, sous le figuier des ancêtres, Dda Maâmar !

Sources : le Soir d’Algérie
le 14 septembre 2014

sur socialgerie : “L’ACB OUVRE LES GUILLEMETS À AMAR METREF” - brève 639.

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Le plan de la nouvelle offensive du gouvernement contre ce qui reste de conquêtes sociales des travailleurs commence à être dévoilé

Cette analyse des projets de loi gouvernementaux est extraite de la déclaration du PADS.
La déclaration intégrale du PADS est accessible en ligne sur les sites soit d’“Alger républicain” soit “Le Lien”

Le Code du travail va être refondu

dans un sens ouvertement anti-ouvrier

Selon les informations divulguées par des syndicalistes qui ont eu en main la mouture finale des modifications projetées, les contrats à durée déterminée (CDD) sont généralisés. L’employé est à la merci du patron. Il ne bénéficie d’aucune protection. Le contrat à durée déterminée devient une exception. La clause de l’autorisation préalable de l’inspection du travail pour le recrutement des travailleurs en CDD, pour des raisons liées à la nature objective des activités, avait été levée par les lois sociales de 1990, donnant liberté totale au patron de fixer arbitrairement la durée du contrat sans possibilité de recours pour le travailleur. Les nouveaux textes ont entériné cette régression anti-ouvrière. Le projet ne prévoit pas d’article punissant l’employeur qui refuse de reconnaître le droit du travailleur en CDD à se syndiquer. Le syndicat du pouvoir UGTA est le premier à dénier ce droit aux travailleurs en CDD pour les empêcher de porter à la tête des syndicats des éléments combatifs qui refusent le "pacte social" passé avec leurs exploiteurs.

Les lois anti-grèves introduites en 1990 par le gouvernement "réformateur" de Hamrouche sont aggravées. Le dispositif mis en place avait pour but de rendre pratiquement impossible une grève "légale". C’est sur cette base que presque toutes les grèves qui ont eu lieu dans le secteur privé, ainsi que dans certaines entreprises publiques, ont été systématiquement déclarées illégales par les tribunaux et les représentants des travailleurs jetés à la rue, condamnés à payer des amendes ou à des peines de prison. Les amendements renforcent l’arsenal répressif en ajoutant de nouvelles exigences. Les organisateurs des grèves sont tenus de fixer à l’avance leur durée, leur date, leur lieu et les effectifs engagés dans l’action. Des sanctions sont prévues contre eux s’ils les modifient en fonction des impératifs de la lutte revendicative. Plus grave aussi, le projet considère que la relation de travail est suspendue en cas de grève. C’est une forme grossièrement déguisée d’octroi au patron du droit de "lock-out".
Le projet légalise la pratique scélérate des patrons en leur reconnaissant le droit de ne pas réintégrer les travailleurs, et notamment les syndicalistes, abusivement licenciés même si les tribunaux donnent raison à ces derniers. L’amendement introduit en 1997 par le Conseil de transition est maintenu : pour être reconnu par le patron, le syndicat doit lui remettre la liste nominative de ses adhérents qui prouve qu’il regroupe 20% au minimum des travailleurs. Autant dire que le syndicat envoie ses adhérents à la guillotine patronale !

D’autres amendements portent la trace profonde de cette régression.

Ces amendements rétrogrades ont été concoctés de façon anti-démocratique, sans consultation des premiers concernés, les travailleurs qui produisent les richesses du pays. Ils sont l’expression parfaite de la nature de classe du système bourgeois et mafieux qui gouverne le pays, un système qui sert les intérêts des capitalistes exploiteurs et des sociétés étrangères assoiffés de profits, cherchant à saigner à blanc le peuple.

Ces amendements sont avancés derrière le rideau de fumée de l’abrogation annoncée pour le 1er janvier prochain de l’article 87 bis des lois sociales adopté après l’accord passé avec le FMI en 1994. Cet article avait inclus les primes dans le salaire minimum garanti (SNMG), privant de la sorte de ses augmentations les travailleurs situés au bas de l’échelle. L’annonce hypocrite de cette décision a cependant soigneusement évité de soulever les problèmes du non respect du SNMG par les patrons, en toute impunité, et la pratique largement répandue de la non déclaration des travailleurs à la sécurité sociale.

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ÉCHOS DES LUTTES DES TRAVAILLEURS

Bulletin N°15

raina
le 8 septembre 2014

à consulter sur raina

Sommaire


Le nouveau projet de Code du travail prévoit des restrictions -
Droit de grève : ce qui va changer

par Said SMATI ;



Code du travail : fini le statut de travailleur permanent

par Rafik Meddour ;



Nouveau code du travail : Syndicats autonomes et UGTA sur la même longueur d’onde

par Abdelkrim Zerzouri ;



Libertés syndicales, CCD, Travail des enfants - Code du travail : L’UGTA dit “non”

par : Azzeddine Bensouiah ;



L’avant-projet remis en cause : L’UGTA dénonce un code du travail « répressif et régressif »

par Ghania Oukazi ;



Pour « charmer les IDE »

par G.O



SUPPRESSION DU FAMEUX 87-BIS - Le satisfecit des fédérations UGTA



Déclaration-appel du CLA



Les syndicats autonomes « encore une fois » ignorés - par M. Mehdi ;



RENCONTRE DE LA CONFÉDÉRATION GÉNÉRALE DU PATRONAT DU BTPH À ORAN - A.B. ;



Les salaires font toujours débat - par A. El Abci ;



Le MDS : « La nouvelle loi privilégie les intérêts des forces de l’argent » - Mohand Aziri ;

Education : Intégration et promotion de 150.000 travailleurs - par R. N. ;



Education : le Satef encense la ministre et interpelle le gouvernement - Amine Sadek ;



Le Syndicat autonome de Sonelgaz poursuit Boutarfa en justice - A. Sadek ;

Les postiers annoncent une grève pour la fin septembre - Meriem Saci ;



L’entreprise Socerca liquidée et une centaine d’ouvriers mis au chômage - Riad Madi ;



« Les Politiques de l’emploi et les programmes actifs du marché du travail »



Sources : raina

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NOTRE AMIE, NOTRE CAMARADE

MAMA BENCHEDAD,

DIRECTRICE DE L’EDUCATION DE LA WILAYA DE SAIDA

VIENT DE NOUS QUITTER !

raina
le 6 septembre 2014

Notre amie, notre camarade Mama Benchedad directrice de l’éducation de la Wilaya de Saïda vient de partir.
La faucheuse a eu raison de sa ténacité, de son opiniâtreté, de sa force et de l’amour qu’elle portât à ce pays et à ses enfants.
Qui mieux que le parti (PAGS), son parti pour lui rendre hommage. Un Hommage à la hauteur de la femme qu’elle a été, de la militante progressiste, de l’enseignante, de l’éducatrice, de l’aimante des gens et des causes justes.

De 1982 à 1993, elle a été de tous les combats, dés fois, il a fallu que "je" décloisonne pour tempérer son ardeur, lui dire combien nous sommes attentifs et reconnaissants à son travail, mais en même temps soucieux de sa sécurité et de l’efficacité organique du travail de tous les camarades.

Toujours aux premiers postes, après 1993, soumise à des menaces, sa vie était en danger, elle quitta sa ville, son lycée pour l’extrême sud du pays où elle fit des merveilles.

Elle redoubla d’abnégation,d’ingéniosité, et aujourd’hui, elle s’en est allée debout à son poste d’éducatrice, de grande dame de l’école algérienne quelle rêvât performante et moderne.

Adieu camarade, ta vie a été un champ, un chant, d’espoir pour tous les jeunes d’Algérie que tu as aimés, et pour nous.

Sources : “raina.dz”
Contre l’oubli-"Manansaouche"

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ALGÉRIE, DIVERSITÉ, IDENTITÉ

par Brahim Senouci
Le Quotidien d’Oran
le 7 septembre 2014

Il est de bon ton de pointer les travers de notre société, travers souvent graves. En témoigne l’insupportable homicide commis à l’encontre du footballeur camerounais de la JSK, Albert Ebossé.

Ce drame récent est une illustration parfaite, non seulement de la violence qui imprègne nos comportements, mais aussi de l’absurdité qui la sous-tend, voire qui la fonde.

Ainsi, la pierre fatale a été lancée depuis le carré des supporters du club local, supporters qui manifestaient en toute occasion leur attachement à ce joueur. C’est donc d’une main amie, lancée par des mains plus habituées à l’ovationner, qu’est mort Albert…

Je me suis bien souvent posé la question de savoir si nos valeurs traditionnelles avaient vraiment disparu. Je commençais à croire que oui. Et puis, cette anecdote…

Je roule sur l’autoroute qui mène à Oran. Il y a trois files sur cette autoroute. Celle de gauche est abandonnée aux bolides, celle du milieu aux gens "normaux", celle de droite aux véhicules lents. Parmi les véhicules lents, il y a bien sûr les camions. Il se trouve que, parfois, ces derniers débordent de leur portion de route et mordent largement sur la file du milieu. Je me suis trouvé derrière un poids lourd, immatriculé à Sétif, qui se trouvait dans cette situation. Il fallait que je le double. Je ne pouvais pas le faire en passant sur la file de gauche, siège d’un cortège incessant de voitures survitaminées roulant à tombeau ouvert. Je ne pouvais le faire qu’en empruntant la voie du milieu. Encore fallait-il que ce camion qui me précédait s’écarte et se remette bien sur la droite. Je lui fais des appels de phare, qu’il ignore. Furieux, je joue du klaxon jusqu’à ce qu’il finisse par s’écarter, de bien mauvaise grâce. Je peux enfin lui passer devant et retrouver une allure raisonnable. Je me rends compte alors, en regardant dans mon rétroviseur, qu’il a accéléré et qu’il semble me poursuivre ! De plus, il multiplie les appels de phare et me fait de grands signes de la main pour me demander de m’arrêter. Après tout, me dis-je, arrêtons-nous. Ça ne ressemble à rien de détaler sur des kilomètres pour fuir un homme seul. Je m’engage donc sur la bande d’arrêt d’urgence. Il me précède et vient se ranger juste devant moi. Nous descendons en même temps de nos véhicules respectifs. Je constate que ce très jeune homme ne manifeste aucun signe d’hostilité. Il se dirige vers moi et m’annonce que mon pneu arrière droit pose problème. Comment cela ? Il vibre d’une drôle de manière, me répond-il, il donne l’impression de vouloir se détacher. Le mieux, ajoute-t-il, c’est de le démonter. Je me rends à cette suggestion. J’ouvre le coffre. Il se précipite pour se saisir, avant que je puisse le faire, du cric et de la manivelle. "Pas la peine de te salir", grommelle-t-il. Il enlève la roue et nous constatons tous deux que le pneu est déchiré, quasiment fendu, probablement sur le point d’éclater ! " Tu me dois un repas ", me dit-il. Il installe la roue de secours en restant sourd à mes protestations et en y répondant simplement que je n’ai " pas besoin de me salir " ! Quand tout fut fait, je le remerciai et commis l’énorme bêtise de lui offrir un petit billet (" des bonbons pour les enfants "). C’est là qu’il se mit en colère et qu’il rejoignit son camion en toute hâte en répétant " Pas d’argent, pas d’argent ". Mais, comme s’il ne voulait pas rester sur cette mauvaise impression, il se retourna une dernière fois vers moi en me disant "Bon voyage, 3ammou !"

Permets-moi de te rappeler, ami(e) lecteur(trice), que cet homme qui m’a probablement sauvé d’un danger est le même que celui que j’insultais un quart d’heure plus tôt parce qu’il ne se rangeait pas assez vite pour me laisser passer. Est-ce que tu en connais beaucoup, des pays où ce type de comportement est possible ? Pas moi…

Le camionneur était Sétifien. Il aurait pu être de Constantine, de Mascara ou de Tizi Ouzou. L’histoire aurait probablement été la même. Au-delà des particularismes régionaux, culturels ou linguistiques, la manifestation la plus patente de l’unité de notre pays réside dans le fait d’y retrouver partout des attitudes semblables, pour le pire et le meilleur du reste. Ce footballeur, Albert Ebossé, aurait pu mourir dans un autre stade d’Algérie puisque le lancer de pierres n’est pas une exclusivité de la Kabylie. Cela me renvoie, encore et toujours, à cette controverse sur les langues qui nous agite. Cette controverse ne serait pas si grave si elle ne se doublait d’un prurit séparatiste. J’ose espérer qu’il est minoritaire.

Pas seulement pour l’intégrité de notre pays mais aussi pour éviter qu’une partie de notre peuple s’égare dans une aventure mortelle ! La Kabylie a donné beaucoup de ses enfants à la cause de l’indépendance algérienne. Elle a souffert dans sa chair des méfaits de la colonisation. Elle a connu l’incendie de ses villages, les emmurements et les enfumades. Elle a vécu la répression impitoyable qui a suivi la révolte du cheikh El Mokrani, répression qui a inspiré à Akli Yahyaten sa magnifique chanson "El Menfi". Comment après cela accepterait-elle de suivre l’homme lige de la revendication indépendantiste, Ferhat Mehenni, quand elle sait, quand elle doit savoir, que ce Monsieur ne cesse de glorifier la France et appelle à sa protection ? Quand elle sait, quand elle doit savoir, que ce Monsieur s’est rendu en Israël pour assurer aux criminels qui dirigent ce pays que "la Kabylie est la petite sœur d’Israël" ?

Bien sûr qu’il faut régler les questions de l’identité, de la culture, de la mémoire.Pour cela, il faut d’abord qu’elles soient posées dans un cadre national. L’amazighité concerne tous les Algériens. Aucun de nous ne peut se croire indemne d’une ascendance berbère et/ou arabe. Il faudrait donc étendre l’apprentissage du tamazight à l’ensemble du pays. Il faudrait aussi revoir nos manuels d’histoire pour y inscrire le récit berbère. Pour autant, cela doit-il être le prétexte pour laisser à l’arabe la portion congrue ? Non ! La formule de Kateb Yacine sur "le Français, butin de guerre", est contestable, comme le serait une variante du style " le jazz est un butin de guerre de l’esclavage ". Elle serait carrément ridicule si elle était appliquée à l’arabe, comme certains le suggèrent. L’arabe est enraciné en Algérie.

Il a été intériorisé par la population. Des écoles coraniques où l’on apprenait l’arabe se comptaient par centaines, notamment en Kabylie, avant la colonisation. Ce sont les Berbères, eux qui formaient la grande majorité de la population d’Algérie au moment de l’arrivée des Arabes, qui ont fait vivre cette langue, qui ont contribué à la façonner et à la faire rayonner dans le monde. Cette langue est la leur ! Leurs ancêtres ont assuré sa pérennité durant près de quinze siècles. Qui voudrait défaire ce que ses aïeux ont fait ?

À Mascara, il y a eu de tout temps une présence kabyle. Plusieurs familles y sont implantées depuis des temps lointains. Elles n’ont jamais fait mystère de leur amazighité. Elles pratiquaient bien sûr l’arabe dialectal (bien plus riche que son ridicule avatar actuel), mais elles s’exprimaient en tamazight et l’enseignaient à leurs enfants. Ces familles ont toujours fait l’objet du respect qui leur était dû, non en raison de leurs origines, mais de la dignité, de la modestie doublée d’une certaine noblesse qui les caractérisaient. Elles partageaient leurs joies et leurs peines avec l’ensemble de leurs concitoyens. Aucun Mascaréen ne pourrait les imaginer comme des familles étrangères.
Je voudrais évoquer en particulier feu 3Ammi Messaoud Benbouabdallah, tailleur de son état, discret sur ses talents de musicien, ayant gardé de sa jeunesse à Beni Yenni un fort accent kabyle. Homme à l’humeur égale, c’était une figure de la ville. Il officiait dans un petit atelier, derrière une vitre qui l’offrait aux regards des passants. Personne ne se serait avisé de passer devant sa boutique sans le saluer. Sans le professer, sans le déclamer, il était l’image même de la synthèse algérienne. Il est mort depuis peu, entouré de l’affection de sa famille, notamment de ses filles bien-aimées, pleuré par ses concitoyens.

Sources “Le Quotidien d’Oran”

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[2« L’ÉIIL est commandé par le prince Abdul Rahman », Réseau Voltaire, 3 février 2014.

[4« Washington coordonne la guerre secrète contre la Syrie », Réseau Voltaire, 21 février 2014.

[5« The Burial Brigade of Homs : An Executioner for Syria’s Rebels Tells His Story », par Ulrike Putz, Der Spiegel, 29 mars 2012. Version française in « Les dernières manœuvres de Washington et de ses alliés européens, turcs et arabes », par Pierre Khalaf, New Orient News, Réseau Voltaire, 10 avril 2012

[6« John McCain, le chef d’orchestre du « printemps arabe », et le Calife », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 18 août 2014.

[8« La Ligue anti-communiste mondiale, une internationale du crime », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 12 mai 2004.

[9« Le grand mufti d’Égypte condamne l’État islamique en Irak », Radio Vatican, 13 août.]].

Le 18 août et à nouveau le 22, Abou Dhabi a bombardé, avec l’assistance du Caire, des terroristes à Tripoli (Libye). Pour la première fois, deux États sunnites s’alliaient pour attaquer des extrémistes sunnites dans un troisième État sunnite. Leur cible n’était autre qu’une alliance incluant Abdelhakim Belhaj, ancien numéro 3 d’Al-Qaïda nommé gouverneur militaire de Tripoli par l’Otan[[ « Comment les hommes d’Al-Qaida sont arrivés au pouvoir en Libye », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 6 septembre 2011.

[10« Déclaration du mufti du Royaume sur l’extrémisme », Agence de presse saoudienne, 19 août 2014.

[11« SAS and US special forces forming hunter killer unit to ’smash Islamic State’ », par Aaron Sharp, The Sunday People (The Mirror), 23 août 2014.

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