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Un document officiel algérien de 1961 éclaire les évolutions

RELATIONS du FLN et du GPRA avec LES PAYS SOCIALISTES

Pourquoi avoir tant tardé ?

mardi 9 février 2010

Le document officiel du GPRA présenté dans cet article confirme à l’évidence deux choses. Elles avaient déjà été analysées dans l’article d’Al Hourriya (Liberté) de 1957, reproduit dans l’article du site : « 1957 : POURQUOI RETARDER LE SOUTIEN ACTIF DES PAYS SOCIALISTES A L’ALGÉRIE EN GUERRE ? » (socialgerie - article n° 34).

  1. Contrairement aux allégations propagandistes émanant de milieux dirigeants FLN, ce ne sont pas les pays socialistes qui étaient réticents au soutien (y compris en logistique militaire) de la lutte de libération. Ce sont ces dirigeants qui se sont au départ délibérément refusés à se tourner vers ce soutien. Ils avaient l’illusion que l’OTAN (et les USA principalement) se désolidariseraient de leur allié français. L’adhésion de l’UGTA à la CISL, ainsi que les déclarations malveillantes et les exclusives envers les communistes algériens, avec les implications négatives que l’on sait pour le front intérieur, faisaient partie de cette logique.
  1. Comme indiqué dans l’article n° 167 consacré aux « RELATIONS PCA-FLN DURANT LA GUERRE DE LIBERATION », à l’intérieur de l’Algérie (à propos de l’ouvrage « Des Chemins et des Hommes » ), une évolution positive s’est produite seulement à partir de la deuxième moitié de la guerre d’indépendance. Céder aux chantages impérialistes et aux préjugés idéologiques s’avérait un faux calcul, préjudiciable à la lutte de libération. Les alliances nécessaires ont fini par prendre un cours plus naturel suite aux sérieuses difficultés de la lutte armée face aux énormes opérations décidées par le général De Gaulle à partir de 1958 et sous la pression de l’opinion populaire algérienne.

Le document d’archive du GPRA est accompagné ci-dessous de quelques notations inédites de Sadek Hadjerès, qui évoque certains moments de ces évolutions.

EXTRAITS D’UN RAPPORT DE POLITIQUE GÉNÉRALE (1961) SUR LES PAYS SOCIALISTES DANS LEURS RELATIONS AVEC L’ALGÉRIE

Ce rapport officiel, que l’on peut consulter dans le document joint ci-dessous a été rédigé par Abdelmalek Benhabyles, en date du 28 février 1961. Il a été publié dans l’ouvrage de Mohamed HARBI : "Les archives de la révolution algérienne" , éditions Jeune Afrique, 1981.

On le confrontera avec d’autres documents émanant du PCA pour la même période, notamment les lettres adressées depuis le sol national au GPRA en 1958 et 1959, voir : « LETTRES ADRESSEES AU G.P.R.A. AU COURS DE LA GUERRE POUR L’INDEPENDANCE AU NOM DU COMITE CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE ALGERIEN » (socialgerie, aticle 92).

On consultera aussi utilement les textes du PCA de 1957 « 1957 : POURQUOI RETARDER LE SOUTIEN ACTIF DES PAYS SOCIALISTES A L’ALGERIE EN GUERRE ? » ( socialgerie - article n° 34, sus-cité) réfutant les allégations de divers responsables FLN qui tendaient à nier toute participation des communistes à la lutte de libération. Ils croyaient par là obtenir les faveurs des USA. Une naïveté ou une myopie politique, induite par les préjugés idéologiques. La réponse la plus efficace au chantage occidental était de proclamer simplement que le FLN et le peuple algérien étaient ouverts à tout soutien à la cause algérienne d’où qu’il vienne et qu’ils reconnaîtraient leurs vrais amis à leurs actes.

Pour terminer, plusieurs faits et épisodes rapportés ci-dessous sont significatifs du tort apporté à la lutte et aux clarifications par les préjugés repris des sphères occidentales antisocialistes :

En 1957 :

Les faits relevés en 1957 par l’organe du PCA Al Hourriya (Liberté) n’ont fait que prolonger des orientations proclamées ouvertement ou non par une partie des dirigeants FLN depuis Novembre 54. Ils témoignent d’illusions liées à des approches subjectives et idéologiques qui paralysaient chez eux toute analyse objective concernant les mécanismes de l’OTAN et les implications de l’adhésion de la France au Pacte Atlantique (voir en pièce jointe un extrait de l’article concernant l’OTAN et la guerre de libération : « QUAND DEPUIS 60 ANS L’OTAN S’INVITE EN MEDITERRANEE, QUELQUES REPERES HISTORIQUES », Sadek Hadjerès, Le Quotidien d’Oran du 5 avril 2007).

Il en a découlé dès cette époque un manque à gagner sur les besoins importants de l’ALN en matériel de guerre. Dès sa sortie clandestine à l’étranger à la fin 1956, Larbi Bouhali, premier secrétaire du PCA, a pu grâce à l’aide du PCF rencontrer les directions des PC d’Albanie et de Yougoslavie. Ces derniers se sont immédiatement engagés à apporter une aide logistique à l’ALN. Ils souhaitaient seulement qu’on leur indique et discute les modalités de livraison. Plus tard, avec les mêmes résultats, Larbi a rencontré les dirigeants chinois (dont Mao Tsé Toung) et vietnamiens. Nous n’avions plus, depuis Alger, la possibilité de joindre les dirigeants du FLN pour les informer. Les efforts de Guerroudj (responsable dans l’Algérois depuis le départ de Benzine) n’avaient déjà pas abouti en novembre-décembre 56, alors qu’il avait été chargé de prendre contact avrc les dirigeants FLN en vue d’une rencontre au plus haut niveau pour des explications sur les discriminations subies par les combattants ex-CDL depuis le congrès de la Soummam. Plus tard, il y a eu l’étau répressif qui a contraint les dirigeants FLN à quitter la capitale, puis leur départ vers l’étranger. Hors d’Algérie, les dirigeants FLN ont évité toute approche pour les raisons suffisamment éclairées par les déclarations publiques de leurs porte-parole.

À partir de 1958-59 :

Il y eut à l’étranger quelques rencontres de politesse, furtives et sans contenu politique avec des représentants FLN invités à des Congrès ou commémorations de PC de pays socialistes. A l’une d’elles, Larbi a remis notre première lettre au GPRA à Benkhedda, qui au premier abord s’était d’abord montré réticent même à la prendre. Je sais aussi que plus tard, Omar Oussedik, sorti d’Algérie où il était en wilaya IV, a rendu visite à Larbi Bouhali hospitalisé dans une capitale socialiste. Je ne me souviens pas si c’est à lui qu’il a remis les lettres suivantes (c’est Bachir qui suivait directement çà). Mais Oussedik lui a promis que des contacts à l’intérieur que nous souhaitions pourraient avoir lieu. Il n’y en a pas eu. (Même plus tard, lorsque Oussedik est rentré à Alger après le cessez le feu pour la Zone Autonome d’Alger, il a évité une rencontre que je lui ai proposée directement par l’intermédiaire de HK).

Il y a eu progressivement le tournant, bien marqué à partir de 1960, que relate assez éloquemment le document officiel du GPRA cité dans cet article.

Pour l’anecdote, un épisode lié au premier voyage de Benkhedda en Chine, dont je ne situe plus la date exacte. Il illustre les évolutions survenues dans la direction FLN, pour des raisons pragmatiques bien sûr plus qu’idéologiques. Mabrouk Belhocine, à l’aéroport de Genève saluait Benkhedda en attente de décoller pour Pékin.
Une dizaine d’années auparavant, grosse discussion et tension à la Commission centrale de presse du MTLD présidée par Benkhedda, à propos d’un article de l’organe central (était-ce déjà l’Algérie libre ou encore Al Maghreb El Arabi ?). L’Armée populaire de libération chinoise menait une offensive généralisée et prit le contrôle d’une grande ville, je crois que c’était Shangaï. Le titre proposé par un rédacteur était d’abord « Libération de Shangaï ». Opposition de Benkhedda qui optait pour « Occupation de Shangaï », ce que refusèrent d’autres membres de la commission dont Belhocine, Amyoud et Henine. Blocage prolongé de la parution. Un compromis neutre a été trouvé, quelque chose comme : « Chute de Shangaï » !
Le souvenir fit dire à Belhocine, jamais avare de brèves formules malicieuses : « Si-Benyoussef, tu vas à Pékin libéré ou à Pékin occupé » ?
Sourires de connivence, circonstances obligent.

Sur le fond du problème, Benkhedda, comme d’autres, a été victime et prisonnier d’une acception du terme « nationaliste » compris comme l’expression du patriotisme pur en toutes circonstances historiques, alors que dès le milieu des années quarante, dans nos débats étudiants, nous faisions la différence entre nationalisme « libérateur » et nationalisme « oppressif », inscrivant évidemment notre combat dans le premier.
La dévotion de Benkhedda et de quelques autres envers un « Nationalisme » abstrait et mythique, sans référence à son contenu, l’amenait à de grosses erreurs d’appréciation, comme l’alignement préférentiel sur les nationalistes Franco et Tchang Kaï Chek et une allergie irraisonnée envers leurs ennemis républicains ou communistes.
Ces préjugés chez lui comme chez d’autres ont contribué aux retards préjudiciables à nouer des relations sérieuses avec les pays socialistes, en parallèle avec les inévitables efforts en direction des pays occidentaux.
Cet état d’esprit, lié à sa vision globale du monde, a aussi influé négativement sur lui en matière de politique intérieure. D’une honnêteté personnelle quasi mystique, je pense qu’il est tombé ainsi dans des positionnements en contradiction avec des orientations démocratiques alors qu’il eut à endurer lui-même des atteintes aux droits et libertés humains. Il persista toujours à considérer la conception d’une « Algérie algérienne » comme opposée à l’arabité ou à l’islamité. Il refusa son témoignage d’ancien moudjahid à Bachir Hadj Ali, sous prétexte que ce dernier n’avait pas été organiquement membre du FLN ! Etonnant argument pour quelqu’un qui subit avec Ferhat Abbas dans les années 70 les méfaits de cette « unicité » de pensée et d’organisation, elle-même déjà bien discréditée dans l’opinion démocratique et de larges milieux patriotiques.

Juillet 1962 :

Revenu à Alger à la tête du GPRA en pleine crise du FLN et de l’ALN, Benkhedda réserva un accueil courtois à la délégation du PCA (composée de Bachir, Bouchama et moi-même) venue le saluer au siège de l’ancien Gouverneur général français. A notre question concernant le sort réservé aux lettres que nous avions adressées au GPRA, il nous assura que c’était « les autres » qui les avaient enfouies dans les tiroirs. La semaine suivante, une autre délégation du PCA auprès du groupe de « Tlemcen » installé à Oran, se vit à son tour répondre par Ouzegane, au nom de Benbella qui passa voir la délégation en coup de vent, que c’était « les autres » qui avaient escamoté ce courrier !

De toute façon, depuis longtemps les faits de guerre avaient commencé à nous instruire sur les positionnements successifs sans principe des protagonistes qui allaient s’affronter dans la crise FLN de l’été 62.
Nous apprenions que la règle était le plus souvent l’écart entre leurs actes et leurs déclarations programmatiques généreuses, ainsi que leur dédain pour une union nationale en actes concernant les tâches pressantes et vitales pour la nation, cette union n’étant viable à leurs yeux que si elle se réalisait sous leur égide exclusive.
Un demi siècle après l’indépendance, il est possible aux chercheurs comme aux militants et aux citoyens, de mesurer qui était le plus proche des réalités et des évolutions qu’allait connaître l’Algérie : les certitudes mirobolantes sur le ton de l’émotion et de l’arrogance grinçante dont Ouzegane s’était fait une spécialité, ou les opinions et hypothèses non moins patriotiques mais fondées sur des analyses de classe, telles que Larbi Bouhali les avait exprimées dans l’article du Kommunist (revue soviétique) que Ouzegane foudroyait dans son « Meilleur combat », se gaussant aussi de la présence de Larbi en pays socialiste au lieu de se trouver en Algérie, comme si la seule façon de servir son pays était de le faire à partir de Tunis ou du Caire ?

Deuxième moitié des années 80 :

Je crois me souvenir que c’était aux approches du 25ème anniversaire de l’indépendance algérienne (1987 ?). J’étais toujours clandestin mais depuis trois ans à l’étranger. Les camarades soviétiques avaient sollicité mon avis sur une initiative qu’ils envisageaient de prendre pour célébrer cet anniversaire dans un esprit de solidarité : ils se proposaient de rendre public le bilan détaillé de toute l’aide en armement et logistique fournie à l’Algérie en guerre, la plus grande partie par l’intermédiaire de l’Etat égyptien. J’ai trouvé qu’au surplus cela serait une mise au point irréfutable contre les allégations encore présentes, selon lesquelles l’URSS avait montré de la tiédeur envers la lutte armée de libération ou qu’elle n’avait pas fait tout ce qu’elle aurait pu faire. Il n’y a pas eu de suite à ce projet que j’estimais utile. C’est ce que je craignais quand ils m’avaient ajouté qu’ils consulteraient aussi les autorités algériennes et égyptiennes. Je suppose que toutes deux ont exprimé des réticences, chacune pour des raisons différentes.
Et j’ai regretté une fois de plus qu’en l’occurrence, l’invocation des raisons d’Etat s’avérait un frein à l’information souhaitable des opinions publiques sur la base des réalités.
Qu’y aurait-il eu d’anormal si des journaux ou des radios soviétiques avaient célébré l’évènement en rappelant des faits véridiques et en renforçant par là même les sentiments d’amitié entre peuples et travailleurs des deux pays ?

Je souhaite que ces quelques évocations et les documents cités en même temps apportent un éclairage utile à la connaissance des nombreuses raisons pour lesquelles l’Algérie a pu sortir de la nuit coloniale. Il me semble aussi que cela peut aider à comprendre comment les mêmes orientations qui ont freiné la coopération en temps de guerre sont parmi les facteurs nationaux et internationaux qui ont entravé les efforts des courants patriotiques et progressistes visant à donner un contenu plus social et démocratique à l’indépendance conquise et lui éviter les déboires non encore surmontés aujourd’hui.

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