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1936 - 1938 : LA GUERRE D’ESPAGNE - TÉMOIGNAGES -

samedi 17 septembre 2011

“ENTRETIEN AVEC LA PRÉSIDENTE CENTENAIRE du PC ARGENTIN, FANNY EDELMAN SUR SON EXPÉRIENCE DE BRIGADISTE INTERNATIONALE PENDANT LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE”,solidarite-internationale, ? LE 15 septembre 2011.


“1936 - 1938 : CES ARABES, HÉROS PERDUS DE LA GUERRE D’ESPAGNE”, Edouard Waintrop - « Libération », le 13 janvier 1998.



ENTRETIEN AVEC LA PRÉSIDENTE CENTENAIRE du PC ARGENTIN, FANNY EDELMAN
SUR SON EXPÉRIENCE DE BRIGADISTE INTERNATIONALE PENDANT LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE

Traduction AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/

Ses premiers pas en politique, elle les a effectués à l’âge de 20 ans. En février, elle a fêté ses 100 années de vie et 80 de lutte pour un monde meilleur. Elle a combattu les forces de Franco pendant la guerre civile espagnole. Elle a parcouru le monde, soutenant les revendications des travailleurs et l’exigence d’une égalité de genre. Fanny Edelman est tout un symbole du fait que l’engagement militant n’est jamais terminé.

Comme beaucoup de jeunes qui s’engagent aujourd’hui mus par le désir de construire un monde meilleur, Fanny Edelman avait seulement 20 ans quand elle a fait ses premiers pas dans la lutte contre les injustices sociales. Elle fit partie du Secours rouge ; rejoignit le Parti communiste ; participa à la défense de la République pendant la Guerre civile espagnole ; travailla pendant 50 ans (de 1947 à 1997) à l’Union des femmes argentines ; fut secrétaire-générale de la Fédération démocratique internationale des femmes, organisation qui sous sa direction a réalisé des efforts importants avec l’ONU, l’UNESCO, l’UNICEF et l’OIT (sous sa direction, la Fédération fut une des organisations qui a proposé à l’ONU la création de la journée internationale de la femme).
Son engagement militant l’a menée au Vietnam, à Cuba, en Afrique et dans chaque coin du monde où elle pouvait œuvrer pour les droits et les revendications des travailleurs et pour l’égalité de genre.
Aujourd’hui, à tout juste 100 ans, elle continue à militer avec lucidité et enthousiasme. Elle préside le Parti communiste et assure qu’il faut soutenir de manière critique le processus mené par le gouvernement de Cristina Fernández Kirchner.

Peu de temps après la commémoration d’un nouvel anniversaire de la fin de la Guerre civile espagnole, nous nous entretenons avec elle sur ses débuts dans la vie militante et sa participation à ce processus qui a marqué l’histoire mondiale, et dont assure-t-elle elle garde la ferme conviction qu’un peuple qui se bat pour ses droits possède une force invincible.

Quelles furent les origines de votre engagement ?
J’ai toujours été sensible aux souffrances des autres. Je viens d’un foyer très modeste qui a également beaucoup souffert. Jusqu’à l’âge de 20 ans, je me suis toute consacrée à aider mon père et ma mère. Mais je dirai que le grand saut je l’ai fait au moment de la première dictature militaire, dans les années 1930. Cette dictature qui a volé des droits, qui a transformé complètement la vie de la nation. Cette dictature a lancé une grande campagne de répression contre les anarchistes et les communistes. Les prisons se sont remplies.

C’est dans ce contexte que vous avez fait vos premiers pas dans la vie militante ?
Dans ces circonstances, j’ai fait la connaissance d’une russe, dont le nom m’échappe aujourd’hui, une femme qui après le triomphe de la révolution russe a été poussée à l’exil par son mari, qui n’avait pas beaucoup de sympathie pour les révolutionnaires. Elle a toujours ressenti une douleur intense d’avoir abandonné son pays qu’elle aimait beaucoup et dont elle aimait tant également le processus qui s’y déroulait.

Quand je l’ai connue, elle s’est rendue compte de mes inquiétudes, de mes préoccupations et m’a invité à travailler au Secours rouge. Elle m’a expliqué que le Secours rouge était une institution internationale qui mettait en pratique une solidarité active avec les prisonniers politiques et sociaux. Les membres de ce groupe parcouraient les villes et récoltaient des aliments pour les prisonniers et pour les proches des prisonniers. Par ailleurs, on collectait de l’argent pour compenser le salaire que le chef de famille ne pouvait plus apporter en tant que prisonnier.

C’est là que se fit le lien avec la pensée communiste ?
Oui, ce fut là car le Secours rouge était dirigé par trois communistes éminents qui eurent une très grande influence sur moi, surtout Alcides de la Peña, médecin diplômée de Córdoba qui avait été expulsée de la faculté car communiste. J’ai noué avec elle une profonde amitié jusqu’à sa mort. Une femme que je respectais infiniment.

D’autres personnes m’ont également beaucoup enrichi. Lorsque nous vivions à Vicente López, nous avons connu un groupe d’anarchistes. Des hommes de grand talent, des gens d’une très grande valeur humaine.
Pour moi cela a signifié beaucoup car ils m’ont fait pénétré dans les aspects culturels de la pensée révolutionnaire. Je connus là des figures comme Álvaro Yunque, qui m’a énormément impressionnée ; ou Leónidas Barleta, qui avait créé le théâtre du peuple. Avec mon compagnon, nous avons noué une amitié solide avec lui. C’est une figure qui hélas est un peu passée dans l’oubli, celle de Leónidas Barleta.

C’est à cette époque que commence à prendre forme ce qui deviendra ensuite la Guerre civile espagnole ?
En 1934, nous avons été profondément émus par une grande grève du bassin minier des Asturies, qui fut réprimée brutalement. Ils étaient les moins bien payés de toute l’Europe. Cette grève eut des répercussions ici, dans ce que nous appelions le Comité espagnol de l’aide aux victimes de la Mine. Nous nous sommes rapprochés à ce moment-là. La répression fut si brutale, dirigée qu’elle était par le général Franco, qu’une commission s’était formée pour enquêter sur ces horreurs. Il y eut des fosses communes, des tortures brutales, une chose épouvantable. C’est alors qu’apparut la figure de la Pasionaria, fille de mineurs, épouse de mineurs, sœur de mineurs. Elle a consacré toute sa force et ses capacités à la solidarité avec les mineurs. Une femme à la personnalité passionnante, par sa capacité de mobilisation, sa détermination, son contact humain permanent avec le peuple. Pendant la guerre, elle a joué un rôle capital.


Comment avez-vous rejoint les troupes qui allaient combattre en Espagne ?
Quand la guerre a éclaté, notre parti et d’autres forces politiques ont lancé un grand mouvement de solidarité. Un mouvement de solidarité matérielle, morale et politique. On a constitué ce qu’on a appelé la Fédération d’organisations d’aide à la République espagnole, qui a mobilisé plusieurs milliers de personnes. On a récolté de l’argent, des vêtements, des chaussures, des médicaments, des couvertures, tout ce qu’il était possible de récolter. Mon compagnon était journaliste d’une grande organisation ouvrière, la Fédération du Bâtiment. Dans le petit cercle où il travaillait, on commentait la présence de plus en plus importante en Espagne de brigades internationales ; en réalité, il s’agissait de camarades persécutés dans leurs pays d’origine qui devaient aller ailleurs. Ces brigades internationales ont joué un rôle essentiel pendant la guerre et, naturellement, ont impulsé une solidarité massive. Pour moi, la solidarité est un élément essentiel de notre pensée révolutionnaire. C’est à ce moment-là que naquit l’idée d’aller en Espagne.

Comment y avez-vous participé ?
En Espagne, j’ai intégré le Secours rouge et mon compagnon, qui était journaliste, y est allé comme reporter de la Nueva España, qui était le journal qui représentait sur place le mouvement de solidarité.

Nous y sommes restés deux ans. Ce fut une expérience inoubliable, incomparable. Quand un peuple défend sa survie, quelle force il peut avoir.. quelle force. On luttait avec la faim, le froid et même parfois désarmés.

C’est dans ce contexte que vous avez fait la connaissance du poète Antonio Machado ?
_ Oui, nous avons eu la chance, la chance énorme, de connaître le grand poète Antonio Machado, qui fut celui qui, lors du rude hiver 1936, a lancé un appel espagnol afin de donner tout ce qu’il pouvait pour répondre aux besoins des soldats. Et je fus chargé de mener la campagne, un honneur extraordinaire et une expérience inoubliable.

La défaite fut un coup très dur ?
La guerre ne s’est pas perdue par notre incompétence, mais plutôt en raison de la trahison d’un des chefs de la République, qui a ouvert les portes de Madrid aux troupes franquistes.

Ce fut un moment réellement tragique, tragique. Il y eut la ruée vers la frontière française de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, de vieux et de jeunes. Et à la frontière française, au lieu de les recevoir comme des réfugiés, on les a mis dans des camps de concentration. Le gouvernement français a une responsabilité terrible, car elle a favorisé la politique de Franco et de ses alliés nazis en empêchant que les armes que le gouvernement Espagnol avait acheté traversent la frontière et entrent en Espagne. Ce fut vraiment une période sombre.

Comment fut le retour ?
Nous sommes revenus et nous nous sommes consacrés à l’accueil des réfugiés. Dans le mouvement de solidarité d’Argentine, du Chili et d’Uruguay, nous avons récolté de l’argent pour 3 000 réfugiés. Ensuite aussi, avec beaucoup plus de difficultés, nous avons organisé l’aide aux prisonniers politiques. La dictature de Franco comptait 100 000 prisonniers politiques, dont 20 000 femmes. Les tortures, les crimes qui furent commis pendant 40 ans de dictature sont indicibles.

Des crimes qui restent impunis.
C’est seulement maintenant, 70 ans après la fin de la guerre, que le gouvernement espagnol commence un peu à bouger pour renouer avec la mémoire. Cela a été permis grâce à la pression énorme des proches de ceux qui sont morts durant la guerre, pour trouver les fosses communes et retrouver leurs morts.

Cette guerre fut fondamentale non seulement pour l’Espagne mais pour le monde entier.
Franco a pris le pouvoir en avril et en septembre les nazis attaquaient la Pologne et c’était le début de la seconde guerre mondiale, qui est devenue une guerre anti-fasciste après l’entrée en guerre de l’Union soviétique et la mise en place de la coalition des pays anti-fascistes. Ici aussi se développa un mouvement énorme de solidarité profondément enraciné au sein du peuple. Je crois que ces deux mouvements (pour l’Espagne d’abord et pour l’Union soviétique ensuite) ont contribué à une élévation considérable du sentiment anti-fasciste de notre peuple. La Guerre civile espagnole l’a réveillé et la Seconde guerre mondiale l’a développé de façon extraordinaire.

Vous avez dit dans une précédente interview que la défaite de la Guerre civile espagnole ne vous avez laissé aucune déception.
Non, car nous connaissions le peuple. Nous connaissions son héroïsme, son esprit de sacrifice, et ce sentiment patriotique si profond, ancré au fond de chacun d’entre eux. Par ailleurs, il convient de faire remarquer que le gouvernement de Front populaire a élaboré la constitution la plus progressiste qu’ait connue l’Europe, et a mis en œuvre la réforme agraire, quelque chose de fondamental pour un peuple soumis pendant des siècles à la rapacité du féodalisme de la noblesse. Ce fut donc pour les paysans une libération extraordinaire. Et cela fut mis en place pendant la guerre. Ce fut une expérience extraordinaire.

Bien plus qu’une figure historique, Edelman participe activement au débats politiques au sein du Parti communiste argentin, voilà pourquoi on ne pouvait mettre cette question de côté dans notre conversation :

Quel est votre rapport avec le Gouvernement ?
La présence de la jeunesse, poussée par la mort de Kirchner, est une question à approfondir encore plus. Pourquoi la mort d’un homme comme Kirchner a tant mobilisé les jeunes ? Je crois que cette jeunesse a vu dans la politique kirchnériste un changement. Nous avons une politique très claire vis-à-vis du gouvernement. Nous sommes dialectiques, et nous entendons bien qu’il y a des aspects de la politique gouvernementale qui sont positifs et que nous devons soutenir.
Nous soutenons l’Allocation universelle par enfant, les avancées sur les retraites, la nationalisation de la compagnie aérienne Aerolineas, la Loi sur les médias cassant les monopoles privés, la politique étrangère avec tout ce que représente l’UNASUR ; nous avons également soutenu le Gouvernement pendant le conflit de la résolution 125 [taxe sur l’industrie agro-alimentaire destinée à financer les programmes sociaux du gouvernement et qui a suscité l’opposition massive des industriels du secteur], etc. Ce sont des progrès nets pour la société.
Mais, de la même façon, nous le critiquons sur d’autres questions, comme la loi sur les partis politiques, qui selon nous va dans le sens du bi-partisme, la loi anti-terroriste, ou l’insuffisance des mesures frappant les grandes multi-nationales, afin d’obtenir l’argent qui garantisse aux retraités un taux de couverture de 82%.
Nous attendons du gouvernement qu’il radicalise sa politique et, entre autres, reprenne possession du patrimoine national (le pétrole, les mines, la marine marchande, etc.).

Nous avons notre propre programme, qui vise au socialisme, mais dans les conditions actuelles, nous croyons que nous devons apporter un soutien critique et constructif, car nous ne croyons pas que les autres partis politiques peuvent défendre une politique en faveur des intérêts du peuple.

Source : solidarité internationale

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1936 - 1938 : CES ARABES, HÉROS PERDUS DE LA GUERRE D’ESPAGNE

Portraits de combattants républicains
qui ont souffert du racisme de leur propre camp

Même si les historiens ont préféré insister sur les Maures qui ont servi Franco, des centaines de volontaires arabes ont combattu aux côtés des républicains espagnols entre 1936 et 1938. On a commencé à le dire à Lausanne, lors d’un colloque consacré aux Brigades internationales [1].

Ce dossier, Abdelatif Ben Salem, sociologue de formation, Tunisien hispanophile, Parisien passionné d’histoire, le connaît bien. Voila des années qu’il est sur les traces de ces combattants inconnus. Et qu’il est certain que Said Mohamed, l’ouvrier anar de l banlieue parisienne devenu le responsable politique des étrangers de la colo,,e Durruti, n’tait pas le seul Arabe à se battre aux côtés des antifranquistes.

Dans une première intervention sur ce sujet à Valence en 1988, il a montré que de nombreux Algériens et Tunisiens et que des Palestiniens avaient rejoint les Brigades internationales. Ils l’avaient fait, parfois, pour prouver que contrairement à ce que proclamait la propagande républicaine, les Arabes n’étaient pas tous des fascistes. Et parfois par devoir militant.

Ci-dessus, en décembre 1936, André Malraux avec Julien Segnaire (à droite) et Mohamed Belaïdi (à gauche), membres des Brigades internationales, mort le 27 décembre 1936 lors d’un combat aérien.

Belaïdi et l’escadre España.

Depuis, Ben Salem a approfondi ses recherches. Jean Belaïdi est toujours en tête de sa liste. Le vrai prénom de ce brigadiste, connu des lecteurs de L’Espoir d’ André Malraux sous le nom de Saïdi, est Mohamed. Dans la véritable histoire Mohamed Belaïdi, ouvrier mécanicien, s’engage pour montrer qu’on peut vaincre le fascisme les armes à la main. À 25 ans, ce volontaire d’origine algérienne arrive à Albacete, lieu de rassemblement et de formation des interbrigadistes. C’est là que Malraux, qui a besoin de mécaniciens pour l’escadre aérienne España, le recrute. Ben Salem explique que Malraux était très attaché à Belaïdi, qu’il considérait comme l’exemple même du volontaire courageux et convaincu.

Au début, Belaïdi n’est qu’un « rampant » : son travail est au sol. Mais, le 27 décembre 1936, il embarque à bord d’un Potez 540 comme mitrailleur. Au retour de mission, l’avion est intercepté et abattu par des Heinkel allemands près de Teruel. La plupârt des membres de l’équipage s’en sortent , mais pas Belaïdi, qui a té criblé de balles. Quand la nouvelle parvient à Malraux, il organise les secours. Cet épisode, il l’a raconté, notamment dans la dernière séquence de son film Espoir, Sierra de Teruel. Où l’on voit passer un cercueil surmonté d’une mitrailleuse tordue, comme l’était celui de Belaïdi.

Autre personnage emblématique : Rabah Oussidhum.

D’après sa biographie officielle, sans doute un peu arrangée pour la bolcheviser, ce soldat français, né en Algérie a participé, dans les années 20, à la guerre du Rif [2] et il a déserté pour rejoindre les Rifains. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’il est ensuite revenu en France, où il a adhéré au Parti communiste. Il a ensuite appartenu au comité « affaires coloniales » de ce parti. C’est en tant que cadre militaire qu’il rejoint les Brigades internationales en Espagne. Bombardé capitaine, il commande la compagnie Ralph Fox, qui dépend de la 14ème brigade. Il est mort au combat le 17 mars 1938, à Rio Guadalupe, en Aragon.

Sidqi, du PC palestinien.

Parmi tous ces volontaires, le Palestinien Nadjati Sidiqi est l’un des personnages les plus passionnants. Né en 1905 à Jérusalem d’un père turc et d’une mère arabe, Sidiqi adhère, dans les années 20, à la Hisadrout, le syndicat fondé par les juifs, et au Poalé Zion, un groupe sioniste d’extrême gauche. Il participe ensuite à la fondation du Parti communiste palestinien, où cohabitent militants juifs et arabes. Activiste remarqué, il est appelé à suivre une formation politique à Moscou.

Il revient en 1929 à Jérusalem et participe au travail d’arabisation du PCP. En 1930, il est arrêté par les Anglais et condamné à trois ans de prison. Après quoi il part en France.

Ben Salem explique que c’est sur la suggestion de Manouilski, président de la section orientale de l’Internationale communiste, que Sidqi passe en Espagne en août 1936. Dans ses mémoires, malheureusement non publiées, Sidqi décrit son séjour en Espagne. Il commence par être enthousiasmé par le courage du peuple espagnol.

Prenant contact avec la direction du PSUC (le Parti socialiste unifié de Catalogne, union des socialistes et des staliniens mais contrôlée par ces derniers), il décide de s’occuper de la propagande dirigée vers les soldats marocains de Franco. Il part pour Madrid, rencontre les leaders du PCE et commence à rédiger des appels dans Mundo Obrero, qu’il signe du pseudo de « Mustapha Ibnu Jala ». il anime aussi l’association hispano-marocaine fraîchement créée.

Mais, rapidement, il se trouve face à une double contradiction. D’une part il a du mal à faire comprendre à la gauche espagnole (sauf aux indépendantistes catalans, aux anarchistes et aux poumistes, tous favorables aux autonomies) la nécessité de la décolonisation. Ensuite il appelle les Marocains à la désertion, leur promet un bon accueil, mais s’aperçoit vite que s’ils sont pris par les troupes républicaines, ces mêmes Marocains risquent leur vie.


Ci-contre en 1938, sous le titre « Invasion »,
une affiche de propagande républicaine
contre les Marocains assimilés dans leur ensemble
à ceux d’entre eux qui avaient été enrôlés dans les troupes de Franco.

Racisme côté républicain.

Il découvre ainsi que la propagande gouvernementale et celle du PCE ne s’embarrassent pas de nuances. Ce sont tous des Marocains qui sont dénoncés comme envahisseurs. Dolores Ibarruri, dirigeante stalinienne plus connue sous son nom de Pasionaria, n’a-t-elle pas qualifié les soldats marocains de Franco de « horde mauresque, sauvage, ivre de sensualité, qui se répand en violant atrocement [les] filles et [les] femmes » ?

« le mythe du Moro assoiffé de sang devint un abcès de fixation, explique Ben Salem. Jusqu’à nos jours il a détourné l’opinion des erreurs tragiques que la République a commise en rejetant l’alliance avec un mouvement nationaliste marocain qui aurait pu soulever le Rif sur les arrières de Franco. »

Sidqi, lassé par les mots d’ordre racistes de ses camarades, se révolte quand il entend parler d’assassinats de prisonniers marocains. La coupe déborde lorsque, pendant la bataille de Madrid en novembre 1936, la junte de défense fait rafler des musulmans dans les rues pour les incorporer de force dans l’armée et les jeter en première ligne. Pratiquement tous périssent dans ces combats, à l’exception de quelques-uns qui sont fusillés pour abandon de poste. En décembre 1936, Sidqi quitte l’Espagne : « Je sentais au fond de mon cœur que ma mission était en train d’échouer, écrira-t-il. Je devais chercher un autre chemin plus utile… »

Il tente de partir pour l’Algérie afin de monter une radio en dialecte marocain. Il échoue. Il veut retourner en Espagne, mais le PCF, en raison des désaccords politiques que désormais il ne cache plus, le lui interdit. En 1940, il revient en Palestine et travaille pour une radio. En 1948, lors du conflit israélo-arabe, il part pour Chypre.
Il meurt à Athènes le 17 novembre 1979.

Edouard Waintrop
« Libération », le 13 janvier 1998, page 35.

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[1“Libération” du 27 et 28 décembre 1997

[2Guerre menée par les français contre Abd-el-Krim qui réclamait l’indépendance du Maroc.

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