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GRÈCE - VILLEPIN : « NOTRE DEVOIR POUR L’EUROPE »

jeudi 9 juillet 2015

« NOTRE DEVOIR POUR L’EUROPE »

par Dominique de Villepin,
Premier ministre,
le 7 juillet 2015

repris par Saoudi Abdelaziz
blog algerieinfos
le 8 Juillet 2015

Merkel-Hollande : « méchant flic, gentil flic »
"Il est nécessaire que la Grèce reprenne son destin en main et c’est pourquoi le référendum de dimanche dernier était une bonne nouvelle et d’une certaine manière un geste gaullien".

EXTRAIT

(...) L’histoire récente de la Grèce, c’est l’histoire de la plus grande punition d’un pays en temps de paix.
Il n’y a guère d’exemple d’un pays développé subissant, sans guerre, une telle chute de son revenu -25% depuis 2009.
Un chômage des jeunes de 60%, c’est à dire une génération sacrifiée.
Peut-on imaginer la rancœur qui s’installe pour des décennies dans ce pays, cultivant le ressentiment et le sentiment d’être victime de l’histoire ?

La morale de l’histoire grecque, c’est bien : « Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
Les grands pays ne payent pas les dettes quand elles sont écrasantes. Les Allemands en premier – ni en 1919, ni en 1945 puisque les dettes ont été remises en 1953. Et la France n’a cessé de dissoudre ses dettes par la planche à billets du temps du franc. Nous ne sommes pas les mieux placés pour donner des leçons à la Grèce, y compris dans notre histoire récente.

En somme c’est un pays qui ressemble davantage aux pays du Moyen-Orient qu’à ceux d’Europe du Nord, qui peine à surmonter son passé et à s’affranchir de sa dépendance aux capitaux étrangers. C’est un pays que nous punissons de ne pas être à la hauteur de nos rêves. C’est la vengeance de Lord Byron, des philhellènes déçus et des belles âmes romantiques. Et c’est d’ailleurs la même déception de notre orientalisme de pacotille qui nous rend incapable de voir les pays arabes tels qu’ils sont et nous plonge dans une spirale d’interventions militaires.

L’erreur de l’Europe c’est de croire qu’on change des peuples par des directives européennes. Nous, Français, nous devrions comprendre ce que c’est de faire face à ses démons.

C’est aux Grecs de prendre en main leur destin. Et c’est aux Européens de les aider :

Parce qu’on ne change pas de voisins. Un continent, ça ne déménage pas.

Parce qu’une Grèce forte est importante pour le rôle de l’Europe en Méditerranée. Une Grèce nationaliste et humiliée c’est la garantie de tensions avec une Turquie qui, elle-même, est en proie au doute. C’est le conflit chypriote qui se pérennise. C’est une immigration plus difficile encore à maîtriser.

Parce que punir les Grecs, c’est donner le signe de la mise au pas de toute l’Europe. Et qui décidera à quoi doit ressembler un bon Européen ?

Avons-nous « sauvé » une Grèce ingrate en la renflouant depuis 2010 ? Trois fois non.

D’abord nous avons substitué des créances publiques à des créances privées pour sauver nos banques, les banques françaises et allemandes essentiellement, exposées à la dette grecque. Et nous avons eu raison de le faire, pour éviter une nouvelle crise économique.

Ensuite nous avons imposé des réformes à contre-temps qui ont cassé l’économie grecque, au point de la rendre incapable de rembourser les 317 milliards de dettes accumulées.

Un exemple : on demande à grands cris la fin des préretraites – c’est légitime sans doute, mais cela n’a aucun sens dans un pays avec 26% de chômage où le seul effet de la réforme serait de mettre au chômage des préretraités et donc de réduire leurs pensions.

Enfin nous avons volontairement refusé de la sauver complètement, pour maintenir la pression, parce que nous n’avions aucune confiance dans leurs gouvernants. Résultat : une crise qui pouvait se régler presque sans coûts en 2010 promet aujourd’hui une perte sèche – rien que pour la France – d’un tiers à la totalité des 42 milliards d’euros que la Grèce doit, directement ou indirectement, à la France.

Alors que faire ? En finir avec la morale et faire enfin de la politique – en Grèce comme en Europe.

La clé en Grèce c’est l’investissement. Il y a des propositions sur la table. Pourquoi ne pas coupler le remboursement des créances à des investissements en Grèce, à travers les banques de développement européennes et grecque ? Chaque euro remboursé dans les cinq prochaines années serait réinvesti en Grèce. On créerait ainsi un cercle vertueux de relance économique sans un sou payé par les contribuables européens, puisque les sommes seraient à terme remboursées.

Il est urgent de rappeler que l’avenir de la Grèce est dans l’Union européenne et dans la zone euro. Le coût d’une sortie de l’euro serait économiquement effarant pour une Grèce qui importe tout ce qu’elle consomme et serait politiquement calamiteux pour une zone euro qui reviendrait trente ans en arrière au Serpent Monétaire Européen, ni assez souple, ni assez rigide et conduisant à la concurrence de tous contre tous par la désinflation compétitive. Il est temps d’avoir une gouvernance économique de la zone euro avec un budget propre et une représentation parlementaire spécifique, visant à l’harmonisation fiscale et sociale graduelle.

Il est urgent également que le FMI sorte de la gestion de la crise grecque pour européaniser la gestion de la crise.

Il est nécessaire que la Grèce reprenne son destin en main et c’est pourquoi le référendum de dimanche dernier était une bonne nouvelle et d’une certaine manière un geste gaullien. On peut espérer que ce soit un point de départ de la démocratie grecque davantage qu’un point final à la crise grecque.

Il est essentiel, enfin, de trouver un tiers de confiance entre la Grèce et l’Allemagne, qui ne sont plus en mesure de se parler sereinement. Ce devrait être le rôle de la France, mais notre gouvernement n’a cessé de tenir un double langage qui nous a disqualifiés, dans un jeu de rôle « méchant flic, gentil flic » totalement inefficace. Le sommet européen aujourd’hui doit aboutir à des gestes forts autant qu’à des décisions, par exemple un voyage commun de François Hollande et Angela Merkel à Athènes.

Gageons que le général de Gaulle y serait allé et, à la fin de son discours place Syntagma, aurait levé les bras au ciel en s’exclamant « Vive la Grèce ! ».

Source : Mediapart

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