Accueil > GUERRE DE LIBERATION > 1961 :"LE PEUPLE ALGÉRIEN LUTTE POUR SON INDÉPENDANCE NATIONALE"

1961 :"LE PEUPLE ALGÉRIEN LUTTE POUR SON INDÉPENDANCE NATIONALE"

lundi 15 avril 2013

Reprise de l’article de Larbi Bouhali ( le « KOMMUNIST » - novembre 1960) après les réactions et désinformations d’une partie de la presse française "aux ordres"


À PROPOS DE L’ARTICLE DE LARBI BOUHALI publié par la revue « KOMMUNIST » n°16 - en Novembre 1960 - le 25 janvier 1961- Larbi Bouhali - Secrétaire du Parti Communiste Algérien.


LE PEUPLE ALGÉRIEN LUTTE POUR SON INDÉPENDANCE NATIONALE - Larbi Bouhali - le « KOMMUNIST » - Novembre 1960 ;


À PROPOS DE L’ARTICLE DE LARBI BOUHALI
publié dans le « KOMMUNIST » en Novembre 1960

Après la publication de mon article intitulé « Le peuple algérien lutte pour son indépendance nationale » par la revue « KOMMUNIST »n°16 de novembre dernier, la radio française et la presse colonialiste d’obédience gaulliste se sont livrés à leurs habituelles élucubrations anticommunistes. Les déformations de cet article tentent essentiellement à opposer entre eux patriotes nationalistes et communistes et tenter ainsi de nuire à l’union du peuple algérien.

Il est difficile de faire une « mise au point » qui réponde à la fois aux déformations du « Figaro », du « Monde », du « Populaire », etc… et de la radio. C’est pourquoi il me paraît plus utile de reproduire ici intégralement l’article paru dans le « KOMMUNIST » permettant ainsi aux journaux honnêtes d’informer objectivement leurs lecteurs.

Ceci dit, quelques remarques sont à faire.

1°/ Le Monde des 4 et 5 décembre faisant état de cet article écrit : « KOMMPUNIST fait quelques réserves sur la politique du FLN. »
Pourtant, ce journal qui se pique d’objectivité n’ignore pas que de tels articles n’engagent que leurs auteurs. Mais en recourant à ce procédé malhonnête il voulait à la fois nuire aux relations amicales algéro-soviétiques et jeter la confusion sur le caractère des rapports entre le PCUS et le PCA.

2°/ Alors que le Parti Communiste Algérien avec sa Direction sur le sol national n’a jamais cessé son activité, avant comme depuis le début de la révolution nationale, alors que ses publications : « Liberté », « Réalités algériennes et marxisme », ses brochures et ses tracts, « Informations Algériennes », le « Bulletin de la Fédération de France du PCA » étaient régulièrement envoyés à la presse et aux agences d’informations depuis des années il était entouré de la conspiration du silence. Et voilà que subitement, certainement sur ordre, on se met à parler abondamment du PCA pour… déformer son activité et sa politique, pour l’accuser de s’être attribué le déclenchement des événements de décembre 1960, pour le gratifier d’un « machiavélisme politique » (Paris-presse, etc…) Ce n’est pas par hasard que les efforts de division s’accentuent au moment même où la lutte unie de notre peuple connaît un essor sans précédent bénéficiant d’une solidarité internationale accrue notamment des pays socialistes.

3°/ Ce n’est pas non plus par hasard que les commentaires consacrés à mon article soient strictement limités au chapitre où il est question des rapports du PCA avec le FLN et le GPRA alors que l’essentiel du texte traite de la politique nationale de notre Parti dont le « souci était et demeure : renforcer l’union et la lutte de notre peuple sous toutes les formes en premier lieu la lutte armée » (page 11)

4°/ Tout ce qui précède n’est pas sans lien avec la falsification de « Liberté »n°36, par les services du 2ème Bureau français, falsification dénaturant grossièrement toute la politique du Parti, cherchant en, particulier à l’opposer à celle du Parti Communiste frère du Maroc au sujet de la Mauritanie ». D’ailleurs ce n’est pas la première fois qu’on falsifie « Liberté » comme du reste « El Moudjahid ». Et combien de fois n’é-t-on pas prêté des propos au Président Ferhat ABBAS qu’il n’a jamais tenus ? Toujours dans le même esprit on parle d’une part de « l’Algérie soviétique » et de l’autre « Algérie anarchisante ». Avec ce dernier qualificatif on voudrait d’une part « démontrer » que notre peuple n’est pas mûr pour accéder à son indépendance nationale et d’autre part, contester l’autorité du GPRA comme seul interlocuteur valable pour négocier au nom du peuple algérien.

5°/ Tout ce qui précède souligne avec éclat que devant la résistance victorieuse de notre peuple les soutiens de de Gaulle manœuvrent, cherchent des sujets de diversion et tentent de miner l’union de la nation algérienne au combat. Le peuple algérien a jusque-là fait échec à toutes ces manœuvres et il n’y a aucun doute qu’il fera preuve d’une vigilance accrue afin de préserver son union pour poursuivre et renforcer son combat jusqu’à la réalisation de son indépendance nationale.

Le 25 janvier 1961

Larbi Bouhali
Secrétaire du Parti
Communiste Algérien.-

haut


LE PEUPLE ALGÉRIEN LUTTE
POUR SON INDÉPENDANCE NATIONALE

Larbi Bouhali
le « KOMMUNIST »
Novembre 1960

Au moment où ces lignes sont écrites la XVème session de l’Assemblée générale des Nations Unies se prépare à aborder pour la sixième fois la question algérienne et la guerre d’Algérie entre dans sa septième année.

Mais cette année la question algérienne se pose dans des conditions plus favorables que jamais pour le peuple algérien. En effet, dans son discours historique du 23 septembre, devant l’assemblée générale, en même temps que le problème du désarmement qui préoccupe tous les peuples, le camarade Khrouchtchev a soulevé la « question de l’élimination complète et finale du régime colonial dans toutes ses formes et toutes ses manifestations, non pas dans un avenir éloigné mais immédiatement et sans condition ». Or, à l’heure actuelle, la guerre d’Algérie constitue l’un des aspects les plus aigus du problème colonial. Le camarade Khrouchtchev a dit très justement que « le colonialisme agonise. Mais ses dernières minutes de vie peuvent encore produire bien des souffrances et des victimes et détruire le fruit du travail de bien des générations ».

Bien sûr, dans sa structure actuelle l’O.N.U. ne peut pas apporter une solution radicale au problème colonial, en général, et à celui de l’Algérie en particulier.

Cependant, du fait que sa physionomie générale est devenue autre que ce qu’elle était l’an passé, l’O.N.U. pourrait prendre une décision qui, en faisant réfléchir les gouvernants français, ferait avancer la solution du problème algérien.

I. – LA POLITIQUE DE L’IMPÉRIALISME FRANÇAIS EN ALGÉRIE

On sait que depuis que la bourgeoisie française a conquis l’Algérie, elle s’est employée à détruire l’Etat algérien et toutes ses institutions, à transformer notre pays en « province française ». Elle a implanté une importante population d’origine européenne, a volé les meilleures terres de nos paysans, s’est approprié toutes les richesses du sol et du sous-sol et exploité férocement l’immense majorité de notre peuple.

Mais le peuple algérien ne s’est jamais incliné devant cette conquête et pendant 123 ans il a opposé à l’envahisseur une résistance tantôt passive, tantôt active, mais permanente. Le 1er Novembre 1954, lorsque dans des conditions nouvelles, il a dû prendre les armes pour faire prévaloir son droit imprescriptible à l’indépendance, l’impérialisme français lui a répondu par une violence encore plus barbare que par le passé. François MITTERAND, ministre de l’intérieur du gouvernement français de l’époque, disait : « L’Algérie c’est la France… il n’y aura pas là-bas de négociation, ce sera la guerre ! Cette formule brutale traduit bien la volonté de l’impérialisme français de maintenir sa domination coloniale en Algérie.

Pour tenter de briser la résistance de notre peuple les colonialistes s’engagèrent dans une guerre qui, petit à petit, se transforma en véritable génocide. Ils mirent sur pied une force militaire colossale.
800.000 soldats et policiers disposent d’un armement massif et moderne, artillerie, tanks, aviation, bombes au napalm, etc… Plus d’un million d’Algériens, essentiellement des civils, a été massacré. Deux millions de personnes, soit le cinquième des algériens, se trouvent dans les prisons, les camps de concentration ou réfugiés en Tunisie ou au Maroc.

Dans la guerre contre le peuple algérien les colonialistes français ont constamment bénéficié de l’aide diplomatique, financière et même militaire de la coalition impérialiste de l’O.T.A.N., avec à sa tête les U.S.A., même si cette aide n’a pas pleinement correspondu au désir des gouvernants français.

Cette politique dite de « pacification » malgré sa férocité, n’a nullement ébranlé la combativité et la volonté d’indépendance de notre peuple. C’est pourquoi tous les gouvernements français qui se sont succédé depuis six ans tentèrent de miner la résistance algérienne par des « réformes » tendant à « améliorer » la situation économique et sociale des Algériens et à accroître leur participation à l’Administration colonialiste. Parallèlement à la « pacification » le « Plan de Constantine » lancé voici deux ans par de Gaulle constitue une pièce maîtresse de la politique gaulliste en Algérie. En cinq ans on se proposait d’atteindre les objectifs suivants :

  • 250.000 hectares de nouvelles terres attribuées aux paysans algériens ;
  • Arrivée et distribution du pétrole et du gaz du Sahara sur la côte ;
  • Installation de quelques ensembles métallurgiques et chimiques (tel le complexe sidérurgique de Bône qui doit fournir 500.000 tonnes d’acier par an et procurer 3.000 emplois) ;
  • Construction de logements pour un million de personnes ;
  • Création de 400.000 emplois nouveaux ;
  • Scolarisation (en français) des deux tiers des enfants Algériens d’âge scolaire.

Ce plan n’est pas réalisé. Bien que les autorités françaises aient réussi à acquérir 200.000 hectares, elles ne parviennent pas à les distribuer car les paysans algériens, même sans terre, refusent ces terres car les accepter signifierait pour eux une trahison nationale. Quant à l’industrialisation, malgré les multiples appels et les avantages inimaginables que le gouvernement français offre au capital privé les investissements obtenus demeurent dérisoires. Ces avantages offerts sont tels qu’un capitaliste qui investirait 30 millions de francs, se trouverait au bout de 10 ans, à la tête d’une entreprise de la valeur de 100 millions de francs. Et si les capitalistes dédaignent de tels profits cela s’explique par l’insécurité actuelle et l’incertitude de l’avenir.

En admettant que le « Plan de Constantine » soit pleinement réalisé, ce qui n’est pas le cas, loin d’atténuer les méfaits du colonialisme il aggraverait le pillage de l’Algérie puisqu’il profiterait avant tout aux capitalistes français et non au peuple algérien. D’ailleurs notre peuple a vite compris le caractère de diversion de telles « réformes » et même ceux des Algériens qui ont pu bénéficier de leurs premiers résultats les mettent au compte de la Révolution et non de la générosité des colonialistes.

Tout en poursuivant la « pacification » et la politique de diversion sur les plans économique et social les gouvernants français se sont constamment ingéniés, par la ruse et les manœuvres de toutes sortes, à diviser notre peuple, à isoler l’Armée de Libération Nationale et le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne, à faire renoncer les algériens à la lutte armée. Combien de fois en ces six dernières années on a tenté de créer artificiellement une « troisième force » avec des « élites musulmanes », des « nationalistes modérés » et, d’une manière générale, des Algériens « raisonnables » qui seraient d’accord avec la solution imposée par les nationalistes.
À cet effet, on a organisé des parodies électorales sous le contrôle d’une armée d’occupation. Bien entendu de telles procédures n’ont effectivement donné que des « élus » qui ne représentent qu’eux-mêmes et d’ailleurs souvent « élus » contre leur volonté. Et c’est avec des « Commissions d’élus » de ce genre que de Gaulle se propose de discuter pour trancher unilatéralement l’avenir de l’Algérie.

Depuis le gouvernement du socialiste Guy Mollet à l’actuel gouvernement gaulliste on recherche un Bao Daïe nationaliste, qu’on croit trouver en la personne d’un ex-leader nationaliste Messali Hadj, président du M.N.A. (Mouvement National Algérien), formation tombée entre les mains des trotskystes français et dont les dirigeants combattent le F.L.N. et le G.P.R.A. et font ouvertement le jeu des colonialistes.
Tout comme certains milieux français proches du Gouvernement, Messali Hadj préconise la réunion d’une « table ronde » où seraient représentés non seulement les diverses tendances politiques algériennes, mais aussi les ultra-colonialistes, sous l’arbitrage du gouvernement français, pour rechercher une solution au problème algérien !
On devine aisément à quoi aboutirait une telle opération si, par impossible, elle était acceptée alors que le peuple algérien dans son immense majorité se trouve uni derrière son A.L.N. et son gouvernement provisoire. Voilà pourquoi notre peuple rejette résolument cette « Table ronde ».

Pour tenter de tromper l’opinion publique internationale et éviter une condamnation sévère les gouvernants français se sont évertués, à la veille de chaque session de l’O.N.U., à fabriquer des slogans d’apparence libérale tel que le triptyque « cessez-le-feu, élections, négociations » de Guy Mollet en 1956, la « paix des braves » en 1958, « autodétermination » en 1959, « Algérie algérienne » en 1960, formulés par de Gaulle. Mais ces slogans ne trompent plus que ceux qui veulent bien se laisser tromper, car après chaque session, la « pacification » reprenait de plus belle avec l’espoir d’écraser la Résistance par la force avant la session suivante.

En octobre 1959, lorsque ce Gaulle était contraint de reconnaître au peuple algérien le droit à l’autodétermination non seulement il vide ce principe démocratique de sa substance par toute une série de réserves et de restrictions mais encore il menace de recourir au partage de l’Algérie dans le cas où notre peuple se prononcerait pour son indépendance nationale. Quoiqu’il arrive et quelle que soit la durée de la guerre le peuple algérien n’acceptera jamais que l’on porte atteinte à l’intégrité territoriale de sa patrie.

Pour expliquer le problème algérien et retarder la plus possible sa véritable solution les gouvernants français ont souvent mis en avant ou bien le problème de la minorité européenne résidant en Algérie (un million sur dix millions d’habitants environ) qui risque, selon eux, d’être « jetés à la mer », ou bien la « colère de l’armée » décidée à maintenir la « présence française en Algérie ». Ce sont là deux faux problèmes ou pour le moins deux problèmes démesurément exagérés par les colonialistes.

Pour les Européens d’Algérie il est vrai que dans leur immense majorité ils se sont laissés tromper par la grosse colonisation pour se dresser contre la cause du peuple algérien. Mais la lutte de notre peuple n’est dirigée ni contre eux ni contre le peuple de France, mais contre le régime colonial condamné par l’histoire. Le F.L.N. et le G.P.R.A. comme le Parti Communiste Algérien, rappellent souvent que la minorité européenne n’a rien à redouter d’une Algérie indépendante où ceux d’entre eux qui opteraient pour la citoyenneté algérienne seraient traités au même titre que les autres citoyens et ceux qui préféreraient garder la citoyenneté française bénéficieraient d’un régime semblable à celui qu’obtiendraient les 500.000 Algériens qui résident en France. De plus, leurs intérêts légitimes, non colonialistes, seront expressément garantis par l’Etat algérien. Dans tous les cas aucun homme de bonne foi ne saurait admettre qu’une minorité de 1/10 impose sa volonté aux 9/10 de la population d’un pays.

Quant à l’Armée française en Algérie sa position est déterminée avant tout pas la position des ultra-colonialistes. Les ultra-colonialistes, qui représentent le colonialisme agraire, défendent leurs privilèges, leur puissance politique et économique et n’acceptent aucune modification au régime actuel. Pour sauvegarder cette situation ils exigent une guerre d’extermination, même si celle-ci doit se prolonger indéfiniment. Ils souffrent peu ou presque pas de la guerre puisque ce ne sont pas eux qui la financent, ce ne sont pas leurs enfants qui la font, ils sont largement indemnisés lorsque leurs propriétés subissent des dégâts et enfin, avec la présence de centaines de milliers de soldats, ils trouvent un débouché inespéré à leurs produits. C’est vrai que leur puissance politique et économique n’est pas négligeable ni en Algérie ni en France où ils bénéficient de nombreuses complicités jusque dans les milieux gouvernementaux. En outre, ils ont gagné à leur cause un nombre appréciable d’officiers intéressés à la poursuite de la guerre et dont certains, comme le maréchal Juin, possède des terres tout comme les colons.

Si de Gaulle était véritablement décidé à liquider le colonialisme en Algérie même une telle force serait dérisoire, car il aurait pour le soutenir contre les ultras non seulement la grande majorité de l’armée et du peuple de France – qui l’a déjà prouvé le 1er février dernier avec la grève générale de 13 millions de travailleurs – mais aussi le peuple algérien et toutes les forces de progrès dans le monde. Mais de Gaulle n’a nullement l’intention de liquider le système colonial en Algérie. Ce qu’il cherche c’est le renvoyer dans l’intérêt du capital monopoliste et, dans une certaine mesure, au détriment du colonialisme agraire. C’est là que réside le conflit entre les deux fractions de l’impérialisme français illustré par l’émeute de janvier dernier à Alger.

Ce qui intéresse avant tout le capital monopoliste français en Algérie ce sont les richesses minières, et en premier lieu le pétrole et le gaz du Sahara (on prévoit pour le pétrole une production de 28 millions de tonnes d’ici cinq ans, de 40 à 50 millions de tonnes d’ici dix ans et pour le gaz 2 à 3 milliards de mètres cubes par an) ainsi que la position stratégique du pays. Pour exploiter à plein rendement de telles richesses les monopoles cherchent le rétablissement de la paix, de leur paix, celle précisément qui ne serait pas moins qu’une capitulation du peuple algérien.

Cette guerre coloniale ne constitue pas seulement une calamité pour le peuple algérien. Elle l’est aussi pour le peuple de France. Elle exige plus de 3 milliards de francs de dépenses chaque jour, fauche une partie de la jeunesse et démoralise l’autre, constitue un obstacle au développement économique du pays et est la cause de la dégradation des conditions de vie des travailleurs, permet l’étouffement des libertés démocratiques et favorise les mondes fascistes, isole de plus en plus la France sur l’arène internationale et la pousse dans la voie d’une folle politique de guerre froide, d’armement atomique et d’alliance avec ses pires ennemis, les militaristes et revanchards allemands. Les masses populaires qui en subissent les conséquences manifestent de plus en plus ouvertement leur hostilité et la lutte contre la guerre d’Algérie, impulsée essentiellement pas le Parti Communiste Français a pris une certaine ampleur au cours de la dernière période. Les mesures répressives prises récemment par le Gouvernement gaulliste, notamment contre les intellectuels, témoignent de l’ampleur du mouvement contre la guerre d’Algérie. Le mouvement des travailleurs français entre dans une nouvelle étape, étape d’une campagne de masse. En témoigne le jour de lutte contre la guerre d’Algérie, jour organisé le 27 octobre de cette année par les syndicats, les organisations de la jeunesse et par les partis de gauche.

Cependant, les gouvernants français qui sont guidés avant tout par les intérêts du capital monopoliste ne paraissent pas décidés à modifier leur politique en Algérie. Et celle-ci, comme nous l’avons vue, se caractérise par la volonté de maintenir l’essentiel du système colonial en Algérie ce qui amène les gouvernants à refuser une véritable négociation avec les représentants du peuple algérien et à espérer indéfiniment remporter une impossible victoire militaire. Pourtant les possibilités des gouvernants colonialistes sont limitées. Ils peuvent retarder l’évolution des événements mais il n’est pas dans leur pouvoir d’empêcher le peuple algérien de gagner sa cause.

II. - LA LUTTE DU PEUPLE ET SES FRUITS

C’est à la lumière de l’effort déployé, dans tous les domaines, par les colonialistes français que l’on mesure la valeur de la Résistance algérienne, le courage, la combativité, l’esprit de sacrifice et d’abnégation du peuple algérien.

L’insurrection nationale qui s’est transformée en une guerre libératrice a débuté le 1er Novembre 1954 par les actions armées déclenchées pas des éléments d’avant-garde eu nombre de 3.000 hommes disposant d’armes rudimentaires, surtout des fusils de chasse. Mais comme la domination coloniale devenait de plus en plus insupportable et que cette forme de lutte correspondait à la volonté profonde de tout un peuple les larges masses populaires s’y engagèrent avec un enthousiasme et un esprit d’initiative insoupçonnables. C’est sur les bases de cet élan que l’Armée de Libération Nationale (A.L.N.) fut constituée.
Composée essentiellement de paysans pauvres, d’ouvriers et des couches sociales qui souffrent le plus du joug colonial, elle a combattu et continue de combattre avec un mordant et un moral très élevé. Une telle armée ne connaît pas de difficultés de recrutement mais le problème qui se pose pour elle est celui des armes qu’elle s’est procurée jusqu’à maintenant en grande partie chez l’ennemi. C’est surtout ce problème qui entrave son développement et limite ses effectifs à plusieurs dizaines de milliers de combattants. Mais telle qu’elle est l’A.L.N. constitue une force redoutable pour l’ennemi à qui elle a infligé et continue d’infliger des pertes sévères.

L’armée française a dû souvent changer de tactique pour réduire à l’impuissance l’A.L.N. ce fut en vain. L’armée populaire reste insaisissable. Mêlée au peuple, dans les montagnes comme dans les plaines, agissant la nuit et disparaissant le jour, l’A.L.N. choisit elle-même le terrain et le moment pour attaquer et disparaître.

Prenant leurs désirs pour des réalités, depuis six ans, les colonialistes prophétisent l’anéantissement de l’A.L.N., annoncent périodiquement son « essoufflement », l’affaiblissement de son mordant et la perspective d’une prochaine « pacification ». Mais chaque fois ces perspectives ne tardent pas à être démenties par une activité accrue de l’A.L.N.
Aux pourparlers de Melun les délégués du gouvernement français ont prétendu parler à ceux du gouvernement algérien en vainqueurs parce qu’ils ont interprété la décision de ce dernier d’envoyer une délégation en France comme un signe de faiblesse et l’annonce de sa capitulation. Or, au lendemain de l’échec de ces pourparlers l’A.L.N. a fait preuve d’une activité et d’un mordant plus grands qu’à la veille des pourparlers, malgré les consignes de silence données à la presse et à la radio françaises.

Il serait trop long de faire un bilan de l’activité de l’A.L.N., ne serait-ce que pour un mois. Mais pour se rendre un peu compte de son importance il suffirait de se référer à l’opinion de l’ennemi lui-même. On sait que pour minimiser l’ampleur de la guerre d’Algérie l’Etat-Major de l’armée d’occupation a décidé de ne plus publier ses bilans hebdomadaires. A l’occasion de la session actuelle de l’O.N.U. il ne fait que multiplier les communiqués annonçant de prétendues redditions de combattants de l’A.L.N. Malgré toutes ces précautions il n’y a pas de jour où la presse colonialiste elle-même n’annonce des engagements, des embuscades, tenues par des unités de l’A.L.N., des attaques de postes militaires ou de gendarmeries, des coups de main jusque dans les villages et faubourgs des villes et des attentats de toutes sortes.

Quoique les colonialistes puissent espérer et dire l’A.L.N. est devenue une force invisible et indéracinable parce qu’elle a une claire conscience de sa mission, parce qu’elle est l’expression de la volonté d’un peuple. Au demeurant, le peuple algérien lui fournit tous les moyens pour faire face à l’ennemi et la soutient pas sa propre action multiforme, pas sa résistance active et passive.

Au cours des années de guerre il s’est pleinement confirmé que face à la violence coloniale, seule la lutte, et en premier lieu la lutte armée, est payante. Malgré ses immenses souffrances et sacrifices, le peuple algérien peut déjà dresser avec une légitime fierté un bilan positif de sa lutte.

Le premier résultat de la lutte a été la réalisation de l’union du peuple algérien. A la dispersion des forces nationales qui caractérisait la période précédant l’insurrection nationale du 1er Novembre 1954 succède ke rassemblement de toutes les énergies nationales autour du F.L.N. comme dirigeant de la lutte. Sans doute, cette union n’a pas la même forme et le même contenu que celle que ne cesse de préconiser le Parti Communiste Algérien. Il n’en est pas moins vrai que toutes les couches sociales, des ouvriers agricoles jusqu’à certains féodaux, en passant par des paysans, des ouvriers, des intellectuels, des bourgeois et même une fraction d’Européens d’Algérie, soutiennent sous une forme ou sous une autre l’action antiimpérialiste du F.L.N. même s’ils n’en sont pas membres. Pour sa part le Parti Communiste Algérien, tout en sauvegardant son indépendance politique et organique, en tant que Parti de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre, a toujours soutenu l’A.J.N. et le F.L.N. Pratiquement il n’y a qu’une fraction des anciennes forces nationalistes, le M.N.A. de Messali Hadj, qui soit hostile au F.L.N. et qui, du reste, ne représente pas grand-chose tant en Algérie que parmi les travailleurs algériens en France où il exerçait une influence appréciable.

Le second résultat de la lutte c’est la formation de l’Armée de Libération Nationale qui a été le principal facteur des succès du peuple algérien et qui demeure le garant de sa victoire sur l’impérialisme. Le fait que tous les gouvernants français se soient toujours et avant tout efforcés de détruire l’A.L.N., par la force ou par des manœuvres, souligne que c’est là l’atout principal du peuple algérien auquel il doit veiller comme à la prunelle de ses yeux.

La lutte victorieuse du peuple algérien s’est traduite par la formation en septembre 1958, du Gouvernement Provisoire de la République Algérienne qui symbolise le premier acte de restauration de l’Etat algérien détruit par le colonialisme. La formation du G.P.R.A. a non seulement donné un nouvel élan à la Révolution mais aussi brisé l’isolement international dans lequel le colonialisme rêvait d’enfermer l’Algérie. Le G.P.R.A. a été officiellement reconnu par un nombre appréciable d’Etats sans parler de ceux qui le reconnaissent « de facto ». Le gouvernement français lui-même a beau traiter le G.P.R.A. d’ "organisation extérieure de la rébellion", le fait qu’il ait engagé des pourparlers officiels avec ses représentants à Melun signifie pour toute l’opinion mondiale, y compris celle de la France, une reconnaissance de fait.
L’accueil réservé au représentant du GPRA à la XVème session de l’ONU par les délégations des pays socialistes et celles de la plupart des pays afro-asiatiques témoigne de l’autorité grandissante du gouvernement algérien et de l’isolement de la France impérialiste. Tout cela a pour conséquence l’accroissement de la solidarité sous toutes les formes ce qui favorise le triomphe de la cause du peuple algérien.

La reconnaissance par le général de Gaulle au peuple algérien du droit à l’autodétermination est aussi une grande victoire de la nation algérienne. Car même si cette reconnaissance n’a été jusqu’ici que verbale et comporte une bonne part de manœuvre il n’en reste pas moins que son auteur l’a faite sous la pression de la lutte de notre peuple et de toutes les forces hostiles à la guerre coloniale en Algérie.
En outre, elle constitue une condamnation irréversible du mythe séculaire d l’Algérie « province française » et qu’ils le veuillent ou non, tôt ou tard, les gouvernants français finiront pas admettre l’existence de la nation algérienne et son droit imprescriptible à l’indépendance.

À ces succès essentiels il faut ajouter le fait que jusque-là le peuple algérien a systématiquement tenu en échec tous les plans colonialistes, tant sur le plan militaire que sur les plans politique et économique comme nous l’avons souligné par ailleurs. Le refus de coopération de notre peuple avec l’Administration colonialiste se traduit par le fait que les autorités françaises voient en chaque Algérien un « rebelle en puissance ».

C’est la lutte qui a conduit le peuple algérien à ces résultats et c’est indiscutablement la lutte et son renforcement qui sera le facteur décisif de la victoire finale.

III. LA POLITIQUE DU G.P.R.A.

La politique du GPRA, à l’étape actuelle, consiste essentiellement à conduire la lutte du peuple algérien, à poursuivre résolument la guerre jusqu’à la libération de la patrie des chaînes coloniales.
Mais il ne fait pas cette guerre avec plaisir. Pour lui la guerre est un moyen et non une fin. Il sait que notre peuple a été contraint de recourir à ce moyen extrême et coûteux pour faire prévaloir ses droits sacrés. Ce sont les colonialistes qui ont rendu la guerre inévitable et qui sont les sels responsables de sa prolongation.

Le GPRA sait parfaitement ce que cette guerre coûte au peuple algérien, qu’elle risque d’un moment à l’autre d’embraser toute l’Afrique du Nord, qu’elle constitue une menace permanente pour la paix mondiale. C’est pourquoi tout en la poursuivant avec résolution il se prononce avec la même résolution pour une solution pacifique et négociée du conflit, pour la coexistence pacifique entre Etats à systèmes sociaux différents, pour le désarmement, pour la coopération entre les peuples. Il est bien évident que c’est à l’ombre de la tension internationale et de la guerre froide que l’impérialisme français a pu poursuivre sa guerre chaude en Algérie et qu’il lui serait difficile de continuer la même politique de force dans une atmosphère de détente internationale.

Depuis le début de l’insurrection nationale, le FLN d’abord, le GPRA ensuite, ont inlassablement recherché la négociation avec le gouvernement français. Mais ce sont les gouvernants français qui ont systématiquement rejeté cette procédure espérant pouvoir imposer par les armes leur volonté au peuple algérien. Lorsque de Gaulle a été amené à proclamer le droit du peuple algérien à l’autodétermination le GPRA s’est immédiatement rallié à ce principe démocratique que notre peuple réclamait toujours.
Abandonnant tout préalable, le GPRA demanda aussitôt l’ouverture de négociations à la fois sur les conditions du cessez-le-feu et les garanties de l’application effective et honnête du principe de l’autodétermination. Continuant pendant des mois à refuser la négociation de Gaulle et son gouvernement ont transformé le terme d’autodétermination en un slogan de propagande vide de sens.

Le 14 juin dernier, lorsque de Gaulle s’est de nouveau prononcé pour l’autodétermination en admettant la possibilité d’une négociation avec le GPRA celui-ci n’a pas laissé passer l’occasion. Il s’est immédiatement déclaré disposé à envoyer une délégation en France, conduite par le Président Ferhat Abbas, en vue d’entamer des négociations avec les représentants du gouvernement français. Deux émissaires du GPRA se sont rendu en France pour déterminer les conditions dans lesquelles s’ouvriraient les négociations proprement dites. Or, le gouvernement français a délibérément torpillé les pourparlers préliminaires de Melun.

Les pourparlers de Melun, bien que terminés par un échec total, ont été utiles parce qu’ils ont contribué à mettre en évidence les véritables intentions des gouvernants français. Les représentants de ces derniers sont venus à la rencontre de Melun non pas avec le désir sincère d’ouvrir des négociations véritables sur un pied d’égalité mais simplement pour soumettre les conditions du cessez-le-feu décidées unilatéralement par de Gaulle et qui étaient à prendre ou à laisser, sans la moindre possibilité de les discuter. C’était un véritable diktat qui ne peut se concevoir que pour un gouvernement et une armée vaincus. Aucun patriote algérien n’est disposé à accepter de telles prétentions et le GPRA a traduit les sentiments profonds du peuple algérien en les rejetant.

Dans sa conférence de presse du 5 septembre et dans tous les discours publics qui l’ont suivie, de Gaulle a jeté une lumière supplémentaire sur les causes réelles de l’échec des pourparlers de Melun. Il est devenu plus évident que jamais que ce qu’il recherche ce n’est pas une réelle négociation avec la mise en application du principe de l’autodétermination mais une capitulation pure et simple de l’ALN et du peuple algérien. Bien sûr pour tenter de camoufler sa responsabilité de Gaulle essaye de déformer la position du GPRA. Il prétend que l’échec des pourparlers est provoqué par le GPRA de se faire reconnaître par le gouvernement français et d’imposer à la France les négociations sur l’avenir de l’Algérie. Or, toute l’opinion publique internationale sait parfaitement que cette accusation est absolument contraire à la vérité et que tout ce que demande le GPRA c’est négocier sur la mise en application de l’autodétermination en même temps que les conditions du cessez-le-feu. Cette demande est d’autant plus légitime que la mauvaise foi de de Gaulle et de son gouvernement est devenue manifeste pour les Algériens.

Se rendant compte de la fragilité de cet « argument » de Gaulle enfourche un nouveau dada. Selon lui, pour négocier les algériens doivent commencer par « déposer le couteau au vestiaire » pendant que les forces colonialistes au nombre de 800.000 soldats et policiers continueraient d’agir à leur guise. Certains partisans de de Gaulle se sont dépêchés de baptiser cette opération « trêve » alors qu’il ne s’agit pas moins que d’une capitulation de l’ALN. Car où et quand a-t-on vue une armée abandonner ses armes avant que ne commencent les négociations sur l’objet du litige ? Accepter une telle procédure c’est capituler d’avance devant le diktat de l’adversaire. Aussi le GPRA a-t-il eu raison de rejeter une telle exigence.

Enfin l’attitude des deux parties à l’égard de l’ONU permet de juger la sincérité ou la mauvaise foi de leurs déclarations. Pour de Gaulle, bien qu’il parle d’ « Algérie algérienne » et reconnaît en paroles le principe de l’autodétermination, il récuse à l’avance toute décision que l’ONU serait amenée à prendre sur la question algérienne. Cette organisation internationale est pour de Gaulle un « machin » qu’il traite avec mépris. Au contraire, parce que le GPRA prend au sérieux le principe de l’autodétermination, parce qu’il est arrivé à la conviction de ce principe, et, aussi, parce qu’il souscrit pleinement à la Charte des Nations Unies, il fait appel à l’ONU pour qu’elle organise et contrôle un référendum en Algérie. Le gouvernement algérien est sincèrement pour cette procédure parce qu’il n’a pas le moindre doute sur la volonté du peuple algérien de se prononcer unanimement pour son indépendance nationale.

Sana doute, nous aurions préféré, et tout le peuple algérien comme son gouvernement provisoire auraient préféré, des négociations directes entre l’Algérie et la France, sans intermédiaire, ni de l’ONU ni d’aucun autre médiateur. C’est, en effet, là l’intérêt des peuples français et algérien. Mais l’attitude des gouvernants français écarte cette possibilité et oblige le peuple algérien à faire appel à l’ONU.

IV. LA POSITION DU PARTI COMMUNISTE ALGÉRIEN

Le Parti Communiste Algérien soutient cette initiative du GPRA comme il a soutenu les autres initiatives diplomatiques.

L’attitude du PCA dans cette guerre de libération est bien claire. Dès le début de l’insurrection il l’a soutenue et, petit à petit tous ses militants ont pris leur place dans le combat. Son soutien était et demeure : renforcer l’union et la lutte de notre peuple sous toutes les formes, en premier lieu la lutte armée.

Dès que le GPRA a été formé notre Parti salua et exprima sa volonté de le soutenir en même temps que son désir d’y prendre ses responsabilités, au même titre que nos militants prennent la leur dans les maquis comme ailleurs. Il faut dire, bien sûr, qu’il n’y a jamais eu de suite à ce désir de notre Parti. Il y a lieu, par conséquent, de rappeler qu’il n’y a pas de communistes ni dans le G.P.R.A. ni dans aucun de ses organismes.
Bien plus, au sein du GPRA il y a même des hommes qui ne font pas mystère de leur anticommunisme. Mais le Parti Communiste Algérien ne poursuit pas moins son soutien au GPRA parce qu’il n’a jamais conditionné ce soutien par sa participation au gouvernement.

Ce soutien n’est ni une manœuvre ni une position tactique. Il part des positions de principe communes à tous les Partis communistes et ouvriers, marxistes-léninistes. En effet, les communistes, où qu’ils se trouvent, soutiennent tout mouvement de libération nationale, sans s’occuper de la tendance politique de ses dirigeants, pourvu qu’ils soient effectivement antiimpérialistes . Outre cette position de principe les communistes algériens ont d’autres raisons fondamentales qui expliquent leur position à l’égard du GPRA.

À l’étape actuelle de l’évolution historique de l’Algérie la principale contradiction qu’il importe de résoudre n’est pas celle qui oppose la classe ouvrière à la bourgeoisie – et qui demeure – mais celle qui oppose l’ensemble du peuple algérien à l’oppresseur étranger, la bourgeoisie colonialiste française. Dans le combat engagé pour mettre un terme à la domination coloniale toutes les classes de la société algérienne se trouvent unies, à l’exception d’une poignée de féodaux ou de l’essentiel des Européens d’Algérie. Il s’agit donc d’une Révolution démocratique antiimpérialiste et antiféodale. Cette révolution se trouve dirigée par des bourgeois ou des hommes qui, bien que de conditions modestes, épousent l’idéologie de la bourgeoisie nationale.

Dans la même mesure que la bourgeoisie nationale la classe ouvrière et la paysannerie pauvre ont intérêt à la liquidation du régime colonial et à l’établissement d’un régime démocratique et de progrès social qui représente leurs intérêts, le Parti Communiste Algérien, se trouvent pleinement engagés dans la lutte et soutiennent le GPRA sans pour autant oublier leurs intérêts de classe. D’ailleurs le caractère démocratique et progressiste de la lutte révolutionnaire sera fonction du rôle qu’auront joué dans la lutte la classe ouvrière, la paysannerie pauvre et toutes les masses laborieuses guidées par leur Parti.

Les bourgeoisies nationales des pays coloniaux ne perdent pas entièrement leurs caractères propres : les hésitations dans la lutte et la tendance au compromis. Cependant, le nouveau rapport des forces existant à l’échelle internationale et l’aide dont peut bénéficier le mouvement de libération de la part du camp socialiste permettent à la bourgeoisie de se montrer plus ferme à l’égard de l’impérialisme. La révolution nationale en Algérie confirme cette constatation.

Cela ne signifie pas que la révolution nationale dirigée pas la bourgeoisie soit exempte de défauts et d’erreurs. Ceux-ci existent en Algérie et le rôle du Parti Communiste Algérien est précisément de les relever et de tout mettre en œuvre, en faisant appel aux masses populaires, pour les éliminer. Il ne continue pas moins à soutenir le GPRA et à le considérer, dans les conditions actuelles, comme la seule autorité qualifiée tant pour conduire la guerre que pour conclure la paix. Notre Parti est décidé à rester sur cette position aussi longtemps que le GPRA poursuivra le combat antiimpérialiste conformément à la volonté de notre peuple.

V. POUR UNE VICTOIRE RAPIDE

La victoire totale de notre peuple est un phénomène historique inévitable. L’une des caractéristiques de notre époque est la désagrégation du système colonial de l’impérialisme. Et aujourd’hui la liquidation totale et définitive du système colonial est à l’ordre du jour. L’Algérie ne peut pas faire exception à cette évolution générale de l’humanité.

Le peuple algérien a bénéficié d’une solidarité active et efficace de toutes les forces de liberté et de paix dans le monde. La situation générale étant plus favorable à notre peuple qu’à l’impérialisme français il ne fait pas l’ombre d’un doute que cette solidarité ira en s’accroissant tant de la part des pays afro-asiatiques et des pays socialistes, que du mouvement ouvrier et démocratique international, y compris du mouvement progressiste de France.

Cependant, cette situation favorable ne peut pas nous cacher la réalité de la guerre qui continue à ravager l’Algérie. De même que le capitalisme ne renonce jamais volontairement à son pouvoir économique et politique, le colonialisme ne renonce jamais de son gré à ses privilèges dans les colonies. Aussi, la guerre d’Algérie peut encore se prolonger par l’entêtement des gouvernants français. C’est pourquoi la question qui se pose devant le peuple algérien c’est rapprocher l’hure de la victoire et le moyen le plus sûr c’est le renforcement de sa lutte, en premier lieu la lutte armée, sur le sol national.

Malgré ses pertes et ses sacrifices, le peuple algérien recèle encore en lui d’inépuisables ressources matérielles et morales. Il appartient avant tout au GPRA de les déceler et de les mettre en valeur pour rendre la lutte du peuple algérien plus efficace.

C’est vrai que la tâche principale, à l’heure actuelle, celle qui prime tout, c’est le renforcement et l’extension de la lutte armée, ce qui veut dire renforcer les rangs de l’ALN et la doter de tous les moyens techniques et matériels pour lui permettre de remplir sa mission.

Mais le côté matériel du renforcement de l’ALN n’est pas tout, ni même le plus décisif, pour une armée révolutionnaire. C’est le côté politique qui est décisif, car une armée qui a une conscience politique élevée peut elle-même résoudre les problèmes qui se posent devant elle, y compris celui de l’armement. Opposer le militaire au politique au détriment de ce dernier comme c’est souvent le cas, ne peut aboutir qu’à l’affaiblissement de la valeur militaire de l’ALN. Il est donc vital d’élever sans cesse le niveau politique des combattants, veiller pour qu’elle reste une armée populaire intimement liée au peuple et au service exclusif du peuple.

Pour l’ALN, comme pour les larges masses populaires qui sont sa source de vie, il ne faut pas hésiter de poser les problèmes politiques y compris les difficultés à surmonter, d’éclairer les perspectives de la lutte, de rappeler inlassablement et clairement les objectifs pour lesquels nous nous battons et pour lesquels nous devons supporter les plus lourds sacrifices. Bien sûr, cela suppose, en même temps, ne pas permettre à des éléments troubles de salir, par leur comportement, le noble but de notre peuple et prendre contre eux les mesures les plus radicales.

L’éducation politique de l’ALN et des masses populaires sera facilitée si on a une conception plus correcte du problème de l’unité.
Bien sûr, on pourrait discuter à perte de vue sur sa forme mais ce qui doit primer c’est le rassemblement de toutes les forces décidées à combattre et qui soutiennent le GPRA, sans aucune exclusivité.
Par exemple, cela signifie, en premier lieu, cesser de jeter l’exclusive sur les communistes algériens qui ont fait leurs preuves tant sur le champ d’honneur que par leur soutien indéfectible au GPRA et accepter l’unité d’action qu’ils ne cessent de proposer entre le FLN et le PCA.

Comme soutien à la lutte armée, il faut développer largement l’action de masses sous toutes les formes possibles et en veillant de ne demander à chaque couche sociale que ce qu’elle est capable de réaliser, en sachant que chaque action réussie, si petite soit-elle entraîne à d’autres plus importantes et plus élevées. Pour impulser cette action il est évident qu’il faut créer de multiples organisations de masses, diversifiées et clandestines, à commencer par l’organisation de la classe ouvrière, l’UGTA ; et en veillant pour que chaque organisation réponde avant tout aux besoins immédiats de ceux qui la composent.

Il ne faut pas négliger le travail politique à faire au sein de la minorité européenne d’Algérie afin de la soustraire à l’influence néfaste des colonisateurs. Pour cela il ne faut pas se contenter des déclarations générales de principe mais veiller à ce que cette position de principe se reflète dans la vie quotidienne au travers du comportement de chaque Algérien.

Parallèlement à la lutte armée il faut faire un travail politique persévérant dans les rangs de l’Armée française pour éclairer les jeunes Français, en premier lieu les ouvriers et les paysans, trompés et entraînés dans une guerre injuste et contraire à leurs propres intérêts. Cela suppose aussi une attitude plus correcte et plus positive à l’égard des forces progressistes françaises.

Enfin, il faut élargir et consolider sans cesse les alliances du peuple algérien avec toutes les forces de progrès dans le monde et notamment les pays socialistes, nos alliés naturels et fidèles dans la lutte antiimpérialiste. À ce propos, nous saluons avec joie le voyage du président Ferhat Abbas en Chine et en URSS où il a été accueilli chaleureusement et fraternellement, voyage qui s’est traduit par une reconnaissance « de facto » du GPRA par l’Union soviétique.

Telles sont quelques-unes des mesures que notre Parti préconise en vue de porter à un niveau plus élevé la lutte du peuple algérien et de hâter l’heure de la victoire. En les réalisant notre peuple créera une nouvelle situation, une situation intenable pour les colonialistes français, qui, contre leur gré, finiront pas admettre l’indépendance et la souveraineté de la nation algérienne.

o0o

haut


Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

  • Lien hypertexte

    (Si votre message se réfère à un article publié sur le Web, ou à une page fournissant plus d’informations, vous pouvez indiquer ci-après le titre de la page et son adresse.)