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APPROCHES GÉOPOLITIQUES ET LE "GRAND MOYEN ORIENT" (GMO -AMÉRICAIN)

lundi 23 mars 2015


LES FACTEURS GÉOPOLITIQUES QUI FONT PRESSION SUR L’ADMINISTRATION OBAMA - Motivé par une somme de facteurs géopolitiques : Washington opte pour une solution négociée avec Bachar Al Assad - par Abdelkrim GHEZALi - Reporters.dz - le 18 mars 2015 ;


LES CRITIQUES DE LAKHDAR BRAHIMI, ANCIEN REPRÉSENTANT DE L’ONU POUR LA SYRIE - ORIENT XXI - le 18 mars 2015 ;


DAECH, DIVINE SURPRISE DE L’EMPIRE - Paul-Eric Blanrue - repris sur le blog de Messaoud Benyoucef braniya-chiricahua - le 15 mars 2015 ;


LES FACTEURS GÉOPOLITIQUES QUI FONT PRESSION SUR L’ADMINISTRATION OBAMA

Motivé par une somme de facteurs géopolitiques :

Washington opte pour une solution négociée

avec Bachar Al Assad

par Abdelkrim GHEZALi
Reporters.dz
le 18 mars 2015

Est-ce l’âge de raison ou la raison de la conjoncture ? Après prèt de cinq ans de chaos programmé, Washington vient de se rendre compte que Daech est la vraie menace pour la stabilité et la sécurité du Moyen-Orient.

John Kerry a ainsi admis que Washington devra négocier avec le président syrien, Bachar Al Assad, pour mettre fin au conflit qui est entré dimanche dernier dans sa cinquième année et qui a fait plus de 215 000 morts. « Au final, il faudra négocier. Nous avons toujours été pour les négociations dans le cadre du processus (de paix) de Genève I », a déclaré Kerry dans une interview diffusée sur la chaîne CBS dimanche dernier. Washington travaille à « relancer » les efforts visant à trouver une solution politique au conflit, a dit le chef de la diplomatie américaine.
Mais Marie Harf, une porte-parole du Département d’Etat, s’est empressée de préciser sur Twitter que John Kerry avait « réitéré la ligne que nous suivons depuis longtemps. Nous avons besoin d’un processus de négociations avec la participation du régime. Il n’a pas parlé de négociations directes avec Al Assad ». Kerry a affirmé qu’il n’entendait pas relâcher la pression sur le président syrien « pour bien lui faire comprendre que tout le monde est déterminé à trouver une issue politique ».
Jusqu’ici pourtant, l’Administration Obama se montrait plus préoccupée par la lutte contre le groupe Etat islamique, qui contrôle des régions entières d’Irak et de Syrie. Elle appelait aussi de façon constante au départ d’Al Assad. Reste à s’entendre sur les modalités de négociations avec Damas.
Qu’est-ce qui explique cette volte-face américaine, alors que Daech est en perte de vitesse sur le terrain et que l’organisation terroriste se prépare même à évacuer Mossoul, alors que l’armée irakienne n’a pas commencé son offensive contre la ville kurde ?

Un virage important

Vraisemblablement, Washington prend en compte une somme de facteurs qui ne lui laissent pas le choix de changer son fusil d’épaule et d’opter pour une autre démarche.
D’ailleurs, si on fait attention à certains éléments qui caractérisent la politique américaine ces derniers temps, on peut en déduire que Washington est en train d’opérer un virage important par rapport aux options tracées par les faucons du cabinet G. W. Bush quand il était à la Maison-Blanche.

Lors de son investiture en 2008, puis dans son discours du Caire, Obama avait promis un monde meilleur et un rôle plus équilibré pour les Etats-Unis dans la gestion des conflits et des crises qui secouent l’humanité et différentes régions du monde.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’humanité n’a jamais connu une période aussi dramatique que sous le règne de Barak Obama. Parfois, ce dernier donnait même l’impression qu’il n’avait aucune prise sur la politique étrangère de son pays et sur le rôle des différentes agences de renseignement, de sécurité et d’espionnage.

L’Administration Obama n’a fait que poursuivre le plan du GMO (Grand Moyen-Orient) tracé et mis en œuvre par G. W. Bush après septembre 2001.
Les « printemps arabes » étaient la suite logique de l’invasion de l’Afghanistan et de l’Irak et de la mise au pas de l’Iran.

Si Washington n’a pas atteint tous ses objectifs, c’est en raison de son triomphalisme quand les faucons ultralibéraux puis l’Administration Obama ont cru que la Russie et la Chine étaient à leurs bottes.
L’arrivée au pouvoir des nationalistes russes a complètement modifié la donne, dès lors que l’Occident n’a pas cessé de harceler la Russie à ses frontières avec les tentatives des « révolutions colorées » et dernièrement avec la crise en Ukraine, qui avec la Syrie constituent pour la Russie des lignes rouges à ne pas franchir.
Pour mieux signifier sa détermination à ne pas se laisser faire, la Russie a clairement affiché son soutien au Venezuela, menacé d’embargo par Washington. Le soutien de tous les pays latino-américains au Venezuela semble avoir découragé les Etats-Unis.
Depuis quelques années, l’Administration Obama s’est engagée, dans le cadre des 5+1, dans des négociations sérieuses avec l’Iran afin d’aboutir à un accord sur le nucléaire iranien et sur la normalisation des relations occidentales et iraniennes.

Entre temps, l’Occident a testé la puissance militaire iranienne sur trois fronts : en Irak, au Liban et en Syrie, où l’Iran a démontré qu’il était loin d’être un enfant de chœur. Sur le plan politique, c’est essentiellement à travers l’alimentation du sentiment anti-chiite que l’Occident à tenter de mobiliser les sunnites pour isoler davantage l’Iran. La guerre civile en Syrie a été une occasion pour l’Occident pour mettre en œuvre cette stratégie confessionnelle, en soutenant les groupes armés sunnites, y compris Ennosra et Daech, contre le régime alaouite, allié de l’Iran et du Hezbollah libanais.
À l’image d’Al Qaïda de Ben Laden après la fin du « djihad » en Afghanistan, dans les années 1990, Daech s’est retourné contre ses maîtres et a commencé à menacer les pays du Golfe et par ricochet les intérêts occidentaux.

Colère et réactions à chaud

Les négociation avec l’Iran avancent dans le bon sens et pourraient aboutir à un accord ce mois de mars.
Ce progrès a nourri la colère d’Israël et de l’Arabie saoudite, qui sont en froid ou presque avec Washington, alors que la Russie et la Chine sont décidées à être un pôle stratégique contre l’hégémonie des Etats-Unis sur le devenir du monde.

C’est dans ce contexte de bouleversement des situations héritées de la chute du Mur de Berlin et de la fin de la guerre froide que les Etats-Unis semblent décidés à revoir leurs options géostratégiques, d’autant plus que le ralentissement de la croissance économique mondiale voile les perspectives géopolitiques telles que tracées au début du XXIe siècle.
La normalisation des relations avec l’Iran, le dialogue avec la Syrie, la nécessité de trouver une issue équitable au conflit israélo-palestinien et l’obligation d’accalmie en Libye et au Yémen, sont autant de signes révélateurs sur les intentions de Washington, qui, au final, doit réchauffer ses relations avec Moscou et calmer le front ukrainien.

La France et la Grande-Bretagne, alliés des Etats-Unis, n’ont pas d’autre choix que d’aller dans le même sens que Berlin a toujours souhaité.
La réaction à chaud de Paris révèle la cécité politique de l’Elysée et la faiblesse de la diplomatie française, qui continue à parler d’un « règlement politique négocié entre les différentes parties syriennes », mais Bachar Al Assad « ne peut s’inscrire dans un tel cadre ». « La solution » au conflit syrien, « c’est une transition politique qui doit préserver les institutions du régime, pas Bachar Al Assad », a renchéri Laurent Fabius à l’issue d’une réunion à Bruxelles.
« Toute autre solution qui remettrait en selle Bachar Al Assad serait un cadeau absolument scandaleux, gigantesque aux terroristes de Daesh », selon le ministre des Affaires étrangères.
La France est aveuglée par son arrogance au point de nier l’évidence d’une réalité sociopolitique et historique qu’imposent la réalité syrienne et les rapports de force politique, militaire et géostratégique.

Sources : http://www.reporters.dz/motive-par-une-somme-de-facteurs-geopolitiques-washington-opte-pour-une-solution-negociee-avec-bachar-al-assad/45760

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En Syrie, « nous nous sommes trompés »


LES CRITIQUES DE LAKHDAR BRAHIMI, ANCIEN REPRÉSENTANT DE L’ONU POUR LA SYRIE

ORIENT XXI
ENTRETIEN
CHLOÉ DOMAT
le 18 MARS 2015

D’août 2012 à mai 2014, Lakhdar Brahimi a été chargé du dossier syrien, à la fois pour le compte des Nations unies et pour celui de la Ligue arabe. Un an après avoir quitté sa mission, et alors que les États-Unis envisagent une forme de dialogue avec le président Bachar Al-Assad, il livre ses impressions personnelles et ses critiques sur l’attitude des différents acteurs internationaux. Orient XXI l’a rencontré à Sciences po où il enseigne.


Lakhdar Brahimi, 4 mars 2015 © Chloé Domat..

  • Chloé Domat. Depuis quatre ans maintenant, la guerre fait rage en Syrie. Le bilan est très lourd : plus de 200 000 morts, 1 million de blessés, la moitié de la population syrienne déplacée. Quelle est votre appréciation de la situation ?

Lakhdar Brahimi. — J’ai l’impression que tout le monde se rend un peu plus compte que c’est un problème extrêmement sérieux, mais il semble que les gens qui ont les moyens d’y mettre fin ne soient pas prêts à faire les concessions nécessaires à une solution.

  • C. D. Pendant près de deux ans, vous avez été l’envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie. Vous avez mené les négociations. Pourquoi votre mission a-t-elle échoué ?

L. B. — Elle a échoué parce que les protagonistes les plus importants à l’intérieur de la Syrie d’abord — mais aussi, il faut le dire, à l’extérieur de la Syrie — continuaient à avoir pour objectif une victoire totale.
Le gouvernement a toujours affirmé que c’était une conspiration qui venait de l’extérieur et qu’il faisait son devoir pour protéger la population syrienne.
De l’autre côté, les opposants au régime, c’est-à-dire les Syriens et ceux qui les soutenaient à l’étranger, ont toujours dit que la solution commencerait par le départ du président Bachar Al-Assad et la chute du régime.
Ni l’un ni l’autre n’envisageait une solution autre que l’imposition de son point de vue.
Je ne me faisais pas d’illusions. Je savais très bien que ce serait très difficile, mais nous n’avons pas fait de progrès et donc à un certain moment il fallait bien dire « ça suffit ». C’était en réalité le meilleur et le seul moyen dont je disposais pour attirer davantage l’attention sur ce problème très douloureux et qui coûte tellement cher au peuple syrien.

  • C. D. Bachar Al-Assad a affirmé récemment que le peuple syrien soutenait fermement le régime. Vous l’avez rencontré à plusieurs reprises, dans quelle réalité vit-il ?

L. B. — Il est très bien informé. Tout le monde a eu l’impression à un moment qu’on lui cachait la vérité, qu’il ne savait pas ce qui se passait réellement, mais ce n’est pas vrai. Je doute qu’il y croie vraiment quand il dit qu’il s’agit d’une conspiration extérieure — des États-Unis et d’Israël en passant par la France, le Royaume-Uni, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar…C’est vrai que tous ces pays sont hostiles à son régime et à sa personne, mais dire que le problème se résume à eux n’est quand même pas vrai. Ces enfants qui ont commencé le 15 mars à Deraa [1] ne pouvaient pas faire partie d’une conspiration extérieure ! La population syrienne, comme celle de beaucoup de pays dans la région, voulait un changement véritable et il a refusé de le lui donner.

  • C. D. Pouvez-vous nous parler un peu de sa personnalité ?

L. B. — Je crois qu’il est rationnel. Il n’est pas suicidaire mais il a une certaine conception de l’État, du pouvoir. C’est un pouvoir familial qu’il a littéralement hérité de son père et que probablement il envisageait de transmettre lui aussi. J’imagine qu’il sait maintenant que ce sera un peu difficile de laisser le pouvoir à son fils qui a 9 ans, mais il n’a pas l’intention de s’en aller tout de suite.

  • C. D.Parlons du rôle des pays occidentaux. Vous avez dit à plusieurs reprises qu’ils avaient analysé le « printemps arabe » de façon erronée. Qu’est-ce que cela veut dire pour le conflit syrien ?

L. B. — Oui, ils se sont trompés. Enfin, nous nous sommes trompés. Tout le monde s’est trompé lamentablement à chaque fois, pas seulement en Syrie.
Souvenez-vous de Michèle Alliot-Marie [2] en Tunisie qui pensait que c’était une vague de protestation et que le président Zine El-Abidine Ben Ali allait surmonter cette difficulté en rétablissant l’ordre... Ça n’a évidemment pas été le cas.
En Égypte, on a encore dit que Hosni Moubarak allait rétablir l’ordre et quand ce fut le tour de la Syrie, on s’est à nouveau trompé mais de façon différente. Si Ben Ali était tombé si facilement, si Moubarak avait été renversé si facilement, Bachar Al-Assad n’allait sûrement pas pouvoir tenir. On a affirmé qu’il allait être vaincu rapidement, qu’il allait partir. On pensait au lendemain, à ce qu’il faudrait faire une fois que le régime se serait effondré, mais il s’est maintenu !
Les Russes, eux, n’ont pas fait cette erreur. Ils ont dit depuis le début que la Syrie était différente des autres pays et que le régime allait résister.

  • C. D. Pourquoi l’analyse russe était-elle plus juste ?

L. B. — Les Occidentaux avaient une présence superficielle, avec des ambassades à Damas mais pas beaucoup plus, tandis que les Russes sont très bien implantés en Syrie. Il y a une vraie coopération dans plusieurs domaines, militaires mais aussi industriels. Il y a des centaines, peut-être des milliers d’officiers et d’ingénieurs russes qui sont présents en Syrie depuis le début des années 1950, donc ils étaient mieux informés que les autres depuis le début.

  • C. D.Parlons de ce nouvel acteur : l’organisation de l’État islamique. Il n’existait presque pas quand vous meniez les négociations, comment pèse-t-il dans la balance aujourd’hui ?

L. B. — Il existait mais on ne regardait pas dans cette direction. Il s’agit d’une organisation irakienne, qui a pris la suite d’Al-Qaida et s’est étendue vers la Syrie. Tout le monde la voyait mais personne ne faisait attention parce que tout le monde était concentré sur le fait de se débarrasser du régime de Bachar Al-Assad. Entre temps cette organisation s’est auto-proclamée État, califat, mais ça ne change pas grand-chose. Ses membres ont une présence réelle, cependant je dis depuis le premier jour qu’ils seront vaincus. Combien de temps cela va-t-il prendre ? Tout dépend de la coopération entre différents pays. Depuis quelques mois, une coalition menée par les États-Unis intervient militairement contre l’organisation de l’État islamique en Syrie et en Irak.

  • C. D.Comment évaluez-vous cette stratégie ?

L. B. — Dans une certaine mesure on est en train d’aider Bachar Al-Assad. Cette intervention en Irak et en Syrie ne réussira pas suffisamment rapidement pour régler le problème.
Si les bombardements aériens ne font pas partie d’un véritable plan politique pour la Syrie et pour l’Irak, cela ne marchera pas.
Les bombardements à eux seuls ne peuvent pas régler le problème.

  • C. D.Dès lors, quelle est la solution de rechange pour les pays occidentaux, à un moment où ils se sentent de plus en plus menacés par l’organisation État islamique ?

L. B. — Il faut savoir de quoi on parle. Si c’est de 2 000 ou 3 000 Européens qui partent rejoindre l’organisation État islamique, cela ne règlera pas le problème, ni ici ni là-bas. Cette organisation succède à Al-Qaida. Depuis combien de temps lutte-t-on contre Al-Qaida maintenant ? Avec quel succès ? À présent, on a une deuxième organisation et demain on en aura une troisième.
Ce qu’il faut régler ce sont les problèmes en Syrie et en Irak. Ensuite, par voie de conséquence, les problèmes qui se posent aux pays occidentaux seront réglés.
Si on pense simplement au nombre de djihadistes qui viennent de l’Occident, on passe à côté de quelque chose.
L’organisation dispose de dizaines de milliers de combattants dans la région, sans compter certainement beaucoup de sympathie populaire en Syrie, en Irak et ailleurs. Il faut s’attaquer au vrai problème, pas simplement aux symptômes finalement secondaires que l’on peut voir.

  • C. D.Pourtant les Européens sont inquiets de voir de plus en plus de jeunes quitter le Vieux Continent pour rejoindre l’organisation de l’État islamique...Quel message peut-on faire passer à ces jeunes ?

L. B. — Il faut que chacun d’entre nous regarde un petit peu ce qui se passe dans son pays et se pose exactement la question que vous posez vous-même : pourquoi des Hollandais éprouvent-ils le besoin d’aller mettre leur vie en péril si loin ? Il ne s’agit pas simplement d’arrêter ces garçons et ces filles à l’aéroport, mais de faire en sorte qu’ils n’éprouvent pas le besoin d’aller là-bas.

  • C. D.Pensez-vous que la communauté internationale a les moyens de résoudre les vrais problèmes en Syrie et en Irak ?

L. B. — S’il y a la volonté politique, certainement. Mais je ne suis pas sûr qu’elle existe partout. En théorie, la solution est simple : si se forme une alliance véritable de tous les pays de la région avec les grandes puissances, y compris la Russie et l’Iran, alors la question sera réglée. Mais si tous ces pays travaillent les uns contre les autres, ça facilite un peu le jeu de l’organisation de l’État islamique.

  • C. D. — Depuis le début des frappes aériennes, la coalition et le régime de Damas sont de facto dans le même camp et coopèrent lors des bombardements contre l’organisation de l’État islamique. Bachar Al-Assad peut-il redevenir un allié ?

L. B. — Évidemment, il est convaincu qu’on finira pas revenir vers lui et qu’il survivra à cette crise. Ce sera certainement très difficile : il y a vraiment quelque chose qui s’est cassé. Deux cent mille morts, ce n’est pas rien, on ne peut pas balayer cela, sans parler des millions de réfugiés et de déplacés — la moitié de la population. Il faut qu’il y ait un changement en Syrie, et qui ne soit pas seulement cosmétique. Quand et comment cela va arriver, je ne le sais pas, mais j’ai l’impression que cela arrivera.

  • C. D. La Syrie peut-elle survivre dans ses frontières actuelles ?

L. B. — Oui, je ne pense pas que le pays va éclater ou se diviser. Je crois qu’il va encore beaucoup souffrir, mais c’est un vieil État, une vieille population. Je ne vois pas comment on pourrait créer, par exemple, un État pour les chrétiens ou les Kurdes… Ils ont une petite région où ils sont la majorité mais ils ne sont pas seuls, et puis la majorité de combien ? Ils représentent 60 %, pas 95 %. Tout le monde a intérêt à ce que le Syrie reste entière. Le Liban, à côté, est beaucoup plus divisé en communautés et il a tenu quinze années de guerre civile sans exploser. Je pense que la Syrie survivra à cette catastrophe, même si la reconstruction sera difficile et coûtera cher.

  • C. D.Depuis le début vous avez mis en garde contre le risque de débordement régional de la crise syrienne ; aujourd’hui c’est en partie une réalité au Liban, en Irak, en Jordanie. Comment arrêter cette extension ?

L. B. — Il faut arrêter de se raconter des histoires. Tout le monde dit qu’il n’y a pas de solution militaire au conflit syrien, mais en réalité tous travaillent pour une solution militaire. Tout le monde donne des armes, entraîne les uns ou les autres. Il n’y a que le secrétaire général des Nations unies qui demande qu’on arrête de déverser des armes en Syrie. Qu’on développe une vraie volonté politique commune et on commencera à sortir de la crise petit à petit.

  • C. D.Après 60 ans de carrière dans la diplomatie internationale, pensez-vous qu’il est devenu plus difficile de négocier ?

L. B. — Les statistiques disent qu’il y a quand même moins de conflits. Bien sûr, si vous expliquez cela aux Syriens ou aux Irakiens, ils vous diront « merci beaucoup, mais ça ne nous avance pas à grand-chose ». Mais il n’y a pas de doute, on comprend de mieux en mieux les conflits, il y a une volonté internationale de faire quelque chose et beaucoup de générosité. Des dizaines, peut-être même des centaines de milliards sont dépensés par la communauté internationale pour mettre fin aux conflits, pour reconstruire, pour combattre la faim et la maladie. Sur ce plan-là, l’humanité a fait des progrès réels, mais là où il y a des conflits, ils sont terribles. Et là, la communauté internationale ne fait pas ce qu’elle doit faire ou le fait mal. C’est ce qu’il faut essayer de corriger.

  • C. D.Allez-vous encore essayer de corriger le tir ?

L. B. — Je crois que j’ai joué mon rôle. Ça m’étonnerait que je sois appelé de nouveau pour intervenir dans des situations de conflit.

  • C. D.Et si vous êtes rappelé ?

L. B. — Si on me le demande, je crois que j’ai le droit, maintenant, de dire non.

CHLOÉ DOMAT
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LAKHDAR BRAHIMI est un spécialiste des négociations internationales, un diplomate aux multiples facettes : représentant du Front de libération national (FLN) algérien en Asie du sud-est en 1956 à seulement 22 ans, il est ensuite ambassadeur, conseiller diplomatique du président Chadli Bendjedid, secrétaire général adjoint de la Ligue Arabe de 1989 à 1991 (période durant laquelle il contribue à l’architecture des accords de Taëf qui mettent fin à la guerre civile libanaise), puis ministre des affaires étrangères de l’Algérie. En 1993, âgé de 59 ans, il débute une seconde carrière auprès des Nations unies. Il participe aux négociations pour la paix en Haïti, en Afrique du Sud, en Afghanistan et en Irak. En août 2012, il succède à Kofi Annan comme envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, un poste qu’il occupe avec difficulté jusqu’à l’échec de la conférence de Genève II du 15 février 2014.

CHLOÉ DOMAT
Étudiante à Sciences Po en master Affaires internationales et journalisme. Elle travaille comme journaliste indépendante depuis Beyrouth où elle collabore notamment avec L’Obs, Qantara et Monocle.

Sources : ORIENT XXI

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DAECH, DIVINE SURPRISE DE L’EMPIRE

Un article de Paul-Eric Blanrue
braniya chiticahua blog
publié par Messaoud Benyoucef
le 15 mars 2015


Daech vient de diffuser une vidéo montrant l’exécution, par un enfant habillé en treillis, d’un Arabe israélien accusé d’espionnage. Vrai ou faux ? Vrai/faux ? Peu importe, l’essentiel est ailleurs. La vérité, ici, se situe moins dans les faits que dans le sens : dans l’impact que suscite ce genre d’information, dans le choc psychologique que les auteurs de telles images désirent créer dans l’opinion.

Il y a 20 ans, 10 ans, 5 ans, l’islam était perçu, dans le monde, en particulier du côté des persécutés, comme une alternative révolutionnaire crédible à l’américano-sionisme, une force de résistance au mondialisme, un pôle vivant de spiritualité se dressant face à la décadence générale des consciences et au matérialisme triomphant. Il fallait que cela cesse, le danger était trop grand. L’innocence de la juste révolte devait être pervertie.

Depuis l’entreprise de Daech, l’islam est désormais regardé comme un vecteur de barbarie et de nihilisme pire que le système auquel il fait obstacle. Ce que les salafistes, les wahhabites dans leurs excès, et Al-Qaïda, n’avaient pas réussi à réaliser, Daech l’a accompli en quelques mois. La communication bien huilée de l’État islamique, réhabilitant de manière très opportune l’idée du Califat tout en l’associant à des méchants stéréotypés dignes de ceux que les séries télé nous ont habitués à détester, est telle que c’est l’islam tout entier qui en est devenu prisonnier.

L’épouvantable image de Daech a déteint sur le message du Prophète. Pour la majorité des populations non-musulmanes, frappées de stupeur, la confusion se fait lentement mais sûrement – et d’ailleurs Daech ne dit-il pas qu’il représente l’islam authentique, celui des origines ? Les médias en rajoutent, mais ils ne sont qu’une courroie de transmission.

Toutes les puissances, laïques, chrétiennes, musulmanes et juives, qui ont soutenu à ses débuts cette organisation de fanatiques en lui envoyant des armes et en lui accordant une légitimité politique, sont les responsables de la situation actuelle. Dans la plupart des cas, ces sinistres circonstances arrangent leurs affaires à merveille : la démonstration de la cruauté, la bestialité filmée avec délectation, les atrocités revendiquées, sont un exceptionnel facteur de division au sein de la Résistance et permettent aux dirigeants des pays impérialistes et à leurs laquais de mener des campagnes sécuritaires et d’union nationale auxquelles le peuple est par nature sensible. Ceux qui suivent aujourd’hui ces âmes perdues (plus nombreuses qu’on le suppose), non seulement se suicident eux-mêmes, non seulement se rendent complices de ceux qui ont pour mission de conspuer l’islam jour et nuit, mais participent de facto à la décadence de leur religion qu’ils pourrissent de l’intérieur, moralement et spirituellement. Sans comprendre que le but du jeu est de tuer la contestation, de rendre le Système inévitable, de le faire tourner en boucle, d’empêcher toute évasion et remise en cause radicale.

Daech est la « divine surprise » de l’Empire. Israël se frotte les mains.

Sources :
http://www.egaliteetreconciliation.fr/Daech-divine-surprise-de-l-Empire-31673.html

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[1On considère que le soulèvement populaire syrien a commencé dans la ville de Deraa où une poignée de manifestants, principalement des étudiants, ont exprimé des slogans anti-gouvernementaux sur les murs de la ville. Certains d’entre eux ont été arrêtés et torturés.

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