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SYRIE : KOFFI ANAN, MEDIATEUR ET HOMME LIBRE FACE AUX VA-T-EN GUERRE IRRESPONSABLES

dimanche 8 juillet 2012

par M. Saadoune

publié par le Quotidien d’Oran, le 8 juillet 2012
sous le titre :
“LE TÉLÉGRAPHISTE OU L’HOMME LIBRE”

Kofi Annan, émissaire des Nations unies et de la Ligue arabe pour la Syrie, est peut-être arrivé au bout de sa mission impossible en Syrie. Il a choisi d’en parler avec une liberté de ton qui risque de provoquer des réactions de dépit chez les Occidentaux. Dans la crise syrienne, les spin doctors, les gourous de la communication stratégique, ont définitivement placé Russes et Chinois dans le camp des méchants, de ceux qui entravent la solution.

A la réunion des « amis de la Syrie » à Paris, Hillary Clinton a appelé à « faire payer » à la Russie et à la Chine leur « tendance à freiner » le règlement de la crise. Le Qatar, un curieux parangon de démocratie, est allé encore plus loin en suggérant de se passer du “Conseil de sécurité”, ce que même Clinton n’a pas osé puisqu’elle a demandé une « résolution du Conseil de sécurité... y compris sous chapitre VII ».
M. Kofi Annan, sans être complaisant avec le régime de Damas, va clairement à l’encontre de cette « unanimité » antirusse des Occidentaux et de certains pays arabes. Il constate que la Russie, comme d’autres pays impliqués dans la crise en Syrie, y a des intérêts et qu’il convient de les prendre en compte et d’œuvrer à répondre à la situation comme les protéger. Les Occidentaux comme la Russie ont intérêt à travailler ensemble pour « s’assurer que la Syrie n’éclate pas en morceaux, qu’elle ne répande pas les problèmes chez ses voisins » au lieu de se livrer à une « compétition destructrice dans laquelle chacun finit par être perdant ».

Il est très rare, depuis le début de la crise syrienne, d’entendre un discours qui mette en exergue le fait que les Occidentaux ne sont pas dans la posture angélique de défenseur désintéressé du peuple syrien.
En réalité, explique Kofi Annan, « il faut penser aux pauvres Syriens et aux habitants de la région » et il faut que l’ensemble de la communauté internationale - il est clair que, pour lui, elle inclut la Russie et la Chine - agisse pour aller vers la solution politique.
Sur cet aspect, son entretien paru dans le journal le Monde sonnera désagréablement aux oreilles des Occidentaux et de leurs alliés arabes engagés dans la crise syrienne. La Russie, explique-t-il, a de l’influence en Syrie mais les événements ne sont pas déterminés par elle seule. Il observe qu’on a délibérément écarté l’Iran alors que c’est « un acteur » qui « devrait faire partie de la solution ». Et, surtout, il s’étonne de la focalisation des commentaires négatifs sur la Russie, alors que « peu de choses sont dites à propos des autres pays qui envoient des armes, de l’argent et pèsent sur la situation sur le terrain ». Ces pays, relève-t-il, disent vouloir une « solution pacifique » mais prennent « des initiatives individuelles et collectives qui minent le sens même des résolutions du Conseil de sécurité ».

Il sera difficile d’accuser KOFI ANNAN d’être « vendu » à Moscou ou de se faire le propagandiste de Damas.
Ses déclarations sont une remise en perspective de la crise syrienne et des jeux extérieurs qui l’influent lourdement.
Il n’hésite pas à relever que la manière dont la « Responsabilité de Protéger » a été utilisée dans le cas libyen a disqualifié ce concept.
« Dès que l’on discute de la Syrie, c’est “l’éléphant dans la pièce” », a-t-il dit en parlant de la transformation de la résolution de l’ONU sur la Libye en processus de changement de régime.

Les propos de KOFI ANNAN ont peu de chance d’être appréciés par les partisans d’une intervention armée.
Il reste qu’en rappelant la complexité et la dangerosité des jeux des puissances, occidentales comprises, il assume pleinement son rôle de médiateur.
Depuis le début de cette mission « impossible » en Syrie, KOFI ANNAN avait le choix d’agir en simple « télégraphiste » des occidentaux ou de jouer pleinement son rôle de médiateur à la recherche d’une solution inclusive susceptible de préserver les intérêts des Syriens et des pays de la région.
À l’évidence, même si cela risque de froisser les Va-t-en-Guerre et leurs Spin Doctors, il a choisi la seconde option.

KOFI ANNAN, dont le mandat s’achève à la fin du mois d’août, témoigne en homme libre.


Voir en ligne : http://www.lequotidien-oran.com/?ne...