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RAPPORT DE SADEK HADJERÈS PRÉPARÉ POUR L’ASSEMBLÉE DES CADRES D’AOÛT 1990

samedi 20 février 2016

La rédaction de ce document m’avait été demandée par l‘exécutif en place. Il était destiné à l’assemblée d‘information prévue pour les militants et cadres en août 1990.
Socialgerie dans une de ses publications [1] a déjà indiqué les circonstances et motivations de son élaboration puis de son blocage au dernier moment, à l’insu des participants auxquels il était destiné.
Le déroulement de l’assemblée a été décrit dans le même article de Socialgérie, mais le texte du rapport aujourd’hui retrouvé n’avait jamais été porté à la connaissance des militants.

Une précision sur le contexte du moment : toutes les composantes du champ politique et médiatique algérien étaient tournées vers la perspective des futures élections législatives dont la date n’était pas encore fixée. Abderrahmane Chergou présidait la commission chargée de préparer activement les échéances de cette bataille.

Le contexte de l’époque restait encore ouvert aux luttes politiques, sociales et culturelles pacifiques. Le contenu du rapport apporte un éclairage sur les différents points de vue qui se manifestaient dans ce contexte et sur les propositions d’action de masse et de mobilisation démocratique des rangs du parti.


FACE AU DANGER RÉACTIONNAIRE QUI MENACE LE PROCESSUS DÉMOCRATIQUE
MOBILISER LES MASSES
POUR LE SOUTIEN DE LEURS PROBLÈMES DANS LES CONDITIONS LES PLUS FAVORABLES POUR :

  • la clarification politique
  • la bataille des élections législatives
  • la mobilisation du Parti.

Cet exposé n’est pas une évaluation globale et en profondeur de la situation : une telle évaluation avait été confiée à un groupe qui sur la base de multiples données (économiques, internationales, évolution des rapports de force socio-politiques à la base et au sommet, facteurs subjectifs, etc.) poursuivra encore ses efforts et devra recevoir un soutien collectif encore plus large et plus intense. Cela se justifie encore plus avec les développements d’importance géopolitique mondiale survenus autour de la question du Golfe ces derniers jours.

Quant au présent exposé, il m’a été confié avec un objectif politique délimité mais important : apporter ma contribution au débat collectif qui s’est instauré autour du ou des mots d’ordre qui conviendraient le mieux aux besoins de nos luttes dans la situation qui s’est créée après les élections communales, dans la perspective des élections législatives.

Je rappelle que pour ces législatives, considérées comme une bataille centrale, un exposé à part, préparé par un autre groupe, a été prévu pour cette session (en perspective de l’assemblée de « l’encadrement »). Je ne développe donc pas ce thème des législatives, tout en sachant que les mots d’ordre d’action abordés dans l’exposé et leur discussion doivent contribuer à éclairer et appuyer la bataille électorale.

J’aborde donc ici dans leur substance des interrogation, des incompréhensions ou des différences d’approche qui se sont manifestées autour de la question posée après le 12 Juin : comment répondre au besoin vital d’action et d’union des forces populaires et démocratiques après ce que nous avons considéré à juste titre comme une défaite et une grave menace pour notre peuple, pour l’ensemble des forces démocratiques et particulièrement pour notre Parti.

Les interrogations ont porté d’abord sur le mot d’ordre d’annulation des résultats des élections du 12 Juin. Je rappelle que ce mot d’ordre a été atténué dans sa formulation. Il n’était plus une revendication, mais une appréciation sur ce qui aurait dû être fait. Et il n’a pas été présenté comme un mot d’ordre central dans la déclaration du 18 Juin, qui a mis en avant l’action même des forces démocratiques.

Les interrogations se sont poursuivies avec le problème de la constitutionnalité du FIS. Des avis ont été avancés tendant à lancer rapidement la discussion sur le mot d’ordre d’interdiction du FIS. Selon ces avis, cette formulation radicale peut créer les conditions d’un barrage puissant à la montée du FIS. Pour d’autres, ce serait une position dangereuse qui consoliderait le FIS dans sa base électorale, pourrait se retourner contre notre Parti et l’isoler.

Pour avancer dans un débat de cette importance, il faut s’efforcer d’en aborder les données avec ouverture et sang-froid, en évitant d’étiqueter à l’avance les points de vue qui s’expriment de part et d’autre. C’est le cas quand on considère d’emblée que l’un ignore ou sous-estime la contradiction principale qu’affronte notre société ou que l’autre ignore ou néglige les réalités de notre peuple, qui exigent au niveau des masses et de l’opinion une approche plus souple et diversifiée.

De plus, il ne s’agit pas seulement d’estimer que tel mot d’ordre est inapproprié, unilatéral ou insuffisant. Il faut surtout rechercher et aller vers le mot d’ordre et l’alternative qui intègrent le mieux les données et les besoins de la situation.

Tout le monde dans notre Parti partage la conviction que la montée du FIS enregistrée le 12 Juin constitue un grave danger. Celui-ci peut devenir mortel pour la démocratie s’il se prolonge par son succès aux législatives.

Au service du capital spéculateur et mercantile, le FIS est un parti réactionnaire au plan des intérêts de classe et au plan doctrinal. Comme tel il est incapable de faire face aux problèmes de développement de notre pays. Cette incapacité le poussera à l’exercice d’un pouvoir totalitaire sous des formes fascisantes et avec des justifications idéologiques obscurantistes.

S’opposer à cette régression du pays est pour nous et les autres forces démocratiques une tâche vitale. Cette tâche est difficile parce que la riposte doit être donnée avec une ampleur et une qualité exceptionnelles. En l’espace de quelques mois seulement doit surgir un front d’action capable soit de barrer au FIS la route vers le pouvoir central, soit au moins de parvenir à ce que la prise de pouvoir du FIS ne soit pas totale dans ses diverses expression, et que les forces de progrès et de démocratie puissent constituer une opposition assez importante et efficace. Notre préoccupation est également que les luttes immédiates soient engagées dans des formes et des conditions qui favorisent les phases suivantes :

Quelles doivent être la nature et les formes de cette riposte immédiate ? C’est là, il faut le souligner, que les orientations de principe et les données de la réalité doivent se rejoindre pour aboutir à une synthèse opérationnelle.

Si la situation actuelle est tellement dangereuse, c’est parce qu’une organisation politique qui vise des objectifs réactionnaires et bien structurée a pu faire sa jonction avec une forte composante populaire, sur la base de l’aspiration au changement radical.
Pour l’essentiel, ce ne sont pas les falsifications réelles et importantes du scrutin du 12 Juin qui ont été à l’origine de ce résultat électoral. Celui-ci est dû à plusieurs facteurs dont certains ont des racines profondes et durables. Nous aurons à en tenir compte si on veut que notre action ait un impact assez fort dans la campagne pour les législatives.

  • 1. La situation économique a continué à se dégrader après Octobre 88 au détriment du secteur productif, principalement sous l’effet de la diminution de la rente pétrolière. Celui-ci subit fortement les atteintes et l’empreinte négative de l’économie spéculative. L’injustice sociale aggravée par cette situation est mise globalement par les couches populaires et les chômeurs sur le compte de ceux qui contrôlent le secteur d’Etat, cette interprétation étant amplifiée par diverses propagandes partisanes.
    La restructuration du capital international en cours depuis quelques années n’est pas étrangère à ces évolutions. Il n’y a pas encore d’indication assez claire sur toutes les répercussions possibles de cette restructuration sur notre pays et le Maghreb en général ; les grands changements survenus en Europe de l’Est et les grandes conséquences à prévoir à partir des événements du Golfe accroissent ces difficultés et incertitudes.
    Dans le meilleur des cas, les réformes économiques et les mesures de redressement ne pourront avoir un effet immédiat assez sensible sur les couches laborieuses et populaires.
    Ce rétrécissement des capacités productives est au cœur des problèmes vécus par le pays. L’ampleur et la complication des mouvements revendicatifs qui continuent à s’étendre soulignent ce phénomène. Sans résultat décisif dans ces domaines (économiques et sociaux), il sera difficile d’atténuer l’impact du mouvement intégriste sur les masses. Cela nous donne une indication sur le contenu essentiel et la difficulté des efforts qui attendent les forces démocratiques et de progrès : le redressement économique et la justice sociale.
  • 2. La foi religieuse a joué un rôle important, souvent décisif : le FIS a réussi à dévoyer les sentiments religieux en se faisant passer aux yeux des fidèles pour le représentant de Dieu, garant, de ce fait à la fois de l’’esprit de justice sociale en ce monde et de paradis dans l’au-delà.
    Pour une grande partie de ces fidèles, la démocratie reste encore une notion lointaine. Elle n’est pas encore à leurs yeux et dans leur vie un facteur capable de les aider à sortir de leur situation précaire d’autant plus que
    • cette démocratie est proclamée par un gouvernement qu’ils jugent responsable de leur situation,
    • de nombreux démocrates leur apparaissent ou leur sont présentés comme hostiles à leur foi religieuse ou étrangers à leur sensibilité identitaire nationale et ignorant leurs problèmes quotidiens ;
    • enfin et surtout les promesses de justice sociale fondées sur des lois islamiques n’ont pas encore été mises à l’épreuve de l’exercice du pouvoir, alors que les orientations dites socialistes (en Algérie et dans le monde) ont été perçues négativement et amplifiées par la propagande formidable et quotidienne des mosquées et des médias.
      On doit dire, malgré quelques efforts réalisés dans ce domaine, que notre Parti n’a pas encore accordé la grande attention nécessaire à cette composante majeure de la conscience socio-psychologique de notre peuple. Nous devons maintenant être encore plus attentifs à l’évolution de cette conscience sous l’effet de la flambée du nationalisme arabe et tiers-mondiste (« sudiste ») avec les événements du Golfe.
  • 3. Au plan politique, les forces patriotiques et démocratiques (dont notre Parti) ont été desservies par la tournure politique fortement bipolarisée qu’a pris le scrutin, poussant la masse des électeurs au vote utile pour départager entre le FIS et le F.L.N.
    Cette bipolarisation elle-même est un reflet de la situation de faiblesse plus ou moins grande que devront surmonter les formations politiques démocratiques qui se sont engagées dans l’arène du multipartisme. Que les positions de ces partis soient tranchantes ou au contraire trop floues, ils doivent rapidement engager des efforts pour asseoir leur autorité politique et idéologique auprès des masses à travers des clarifications objectives et crédibles, surmonter les effets de leur faible implantation et de leur dispersion, forger leur combativité à travers les actions et les tâches du moment. Comme il a été et sera encore possible de l’illustrer dans l’examen autocritique de notre campagne des APC, il y a là des tâches urgentes qui se posent au PAGS s’il veut ne pas être davantage marginalisé et s’il veut jouer un rôle moteur dans le redressement des forces démocratiques. _ Car c’est un fait jusqu’ici ces forces (en y incluant le FLN) n’ont pas pu présenter une alternative suffisamment crédible et attrayante pour constituer –chacune prise à part ou toutes ensemble- un contrepoids suffisant à la montée du FIS.

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Comme on peut le constater, aucun des trois facteurs cités ci-dessus (économique, spirituel et politique) ne pourrait être modifié profondément et durablement par les seules mesures administratives telles que l’annulation générale des élections communales.

Dans le rapport de forces actuel et avec le niveau de conscience sociale et politique présent, un tel mot d’ordre serait d’abord irréaliste et non mobilisateur.

Le placer comme mot d’ordre central supposerait que la lutte pour le réaliser pourrait dans les conditions présentes s’appuyer à la fois :

  1. sur un pouvoir résolu à prendre une telle mesure sans en ressentir de sérieux dangers immédiats pour lui et la stabilité du pays ;
  2. sur un mouvement de masse assez fort ayant déjà acquis l’expérience et la conviction que le FIS était bien un mouvement réactionnaire opposé à ses intérêts. Or, aux yeux d’une grande partie des masses populaires, il est apparu comme le sauveur souhaité et pour une autre grande partie comme un mal moindre que le FLN.

Bien plus, dans les conditions qui ont suivi le 12 Juin, on pouvait craindre que l’appel à une telle mesure d’annulation, injustifiée aux yeux d’une grande partie de l’opinion, ne contribue à souder davantage les électeurs autour du FIS considéré comme victime d’une injustice.
On peut objecter que ce mot d’ordre central, s’il avait été lancé, ne visait pas au réalisme dans l’immédiat, mais qu’il se proposait de provoquer un choc de propagande salutaire pour réveiller ceux qui pouvaient sous-estimer le danger.

Mais était-ce la meilleure façon de mobiliser contre les dangers à venir ?
La démonstration du danger pouvait être beaucoup plus convaincante en s’ouvrant davantage aux préoccupations des gens encore trompés sur la nature du FIS, et en montrant à de larges milieux qu’il était possible d’avancer vers une issue sans passer obligatoirement par cet affrontement brutal immédiat auquel ils n’étaient pas préparés.
Ne pouvait-on pas faire l’économie d’incompréhensions et de risques d’isolement dans l’intérêt même des luttes contre la montée du FIS ?
Fallait-il obligatoirement recourir à ce que de larges milieux progressistes, y compris dans nos rangs ont considéré comme un défi spectaculaire inutile ?
N’aurait-on pas gagné –pour la clarification du danger politique et pour une meilleure mobilisation- à prendre en charge davantage les réticences et réserves qui se sont exprimées parmi des militants dont la combativité n’était pas en cause ?

Il était juste de condamner sévèrement les irrégularités électorales et de revendiquer avec force des garanties de sincérité du scrutin pour les prochaines élections. Cela n’obligeait pas, par les formulations utilisées et l’ordre de succession des paragraphes, à laisser penser que les falsifications électorales avaient eu plus de poids dans les résultats que l’emprise réelle du FIS sur une partie des masses.

Le problème qui est posé est en fait celui du droit d’un mouvement politique dont la représentativité est indéniable, à se voir reconnaître son existence légale dans des instances officielles régulières, à partir des libertés politiques reconnues par la Constitution. Cette existence légale n’est-elle pas contradictoire avec certains actes imputés à juste titre à des militants du FIS et avec l’orientation générale que ce parti défend dans son projet de société ?

C’est le problème de fond qui s’est reposé dans les discussions sur la constitutionnalité du FIS et sur l’opportunité du mot d’ordre de son interdiction.

En fait, comment concevons-nous le processus démocratique et la légalité constitutionnelle que nous avons appuyés, lorsqu’ils sont utilisés par un parti qui ne cache pas qu’il a une autre conception de la démocratie et de la légalité constitutionnelle ?

Comment agir pour contrecarrer les conceptions et les actes antidémocratiques sans frapper la légalité constitutionnelle qui est à la base du processus démocratique actuel ?

C’est un problème qui s’était posé lorsque le FIS a été agrée malgré les références de son sigle à la religion, c’est-à-dire dans une certaine ambiguïté par rapport à un article de la Constitution. L’ambiguïté était facilitée par la Constitution elle-même qui faisait de l’Islam un des principes fondamentaux que chaque parti devait respecter. En réalité, le problème posé à tous les progressistes n’était pas tellement juridique, c’était le suivant : l’avenir démocratique serait-il mieux protégé en contraignant les courants intégristes à la clandestinité, ou en leur ouvrant l’accès sous certaines conditions à l’activité légale ? Ces conditions ont-elles été respectées et quelle est la responsabilité de chaque organisation politique, dont notre Parti, dans ce processus ?

C’est ce que nous devons examiner de façon autocritique et objective, en revoyant avec attention notre position à chaque étape de ce processus. À quels moments y a-t-il eu sous-estimation du danger de l’intégrisme, les positons tactiques envers ce danger étaient-elles appropriées, etc… ?

Aujourd’hui, dans le paysage légal actuel, notre position est guidée par deux approches de principe :

  • d’une façon générale, nous respectons le droit à la légalité de chaque formation politique qui respecte le cadre constitutionnel,
  • nous avons une appréciation ouverte et objective du facteur identitaire religieux parmi les masses populaires et son utilisation possible par les organisations qui s’expriment au nom de ce facteur [2] .

Sur cette base, la voie qui me paraît la plus juste (et en même temps difficile) c’est celle qui consiste à se placer résolument dans le cadre du processus démocratique avec ses avantages et ses inconvénients. Ce processus implique le droit de chaque peuple à faire son expérience. Pour les forces de progrès, il ne s’agit pas comme l’a montré l’expérience historique, d’imposer la voie qu’on estime bénéfique pour son peuple, mais d’éveiller et mobiliser ce dernier pour qu’il emprunte cette voie. La démocratie est une arme et un objectif dans la voie empruntée. Il s’agit avec les travailleurs et toutes les autres forces de progrès, de défendre pas à pas les droits et libertés démocratiques contenus dans l’esprit et la lettre de chaque Constitution. Il s’agit de contraindre chaque citoyen ou organisation politique à respecter ces droits et libertés, à combattre leurs violations.

C’est en ce sens qu’on est en droit et qu’on a le devoir de lutter pour l’annulation de toute mesure et pour la sanction de tout acte qui violent les droits et libertés de la Constitution de 1989, d’où que vienne cette violation.

Cette lutte doit être menée intensément dans tous les milieux sensibles au problème du respect de la démocratie et de la Constitution.

Dans les milieux (dont l’importance par rapport à l’ensemble de la population reste à déterminer), ces orientations de luttes concrètes sont mobilisatrices et peuvent obliger le FIS à rester dans les limites d’une certaine légalité, sous peine de voir reculer son audience dans ces milieux qu’il voudrait gagner ou neutraliser (sans compter qu’il attache de l’intérêt à l’opinion internationale). L’annulation de chaque mesure et la condamnation de chaque acte contraire aux lois et à la Constitution est également un des moyens de faire mûrir chez les citoyens, par leur propre expérience, la conscience plus globale que la politique du FIS tend à la remise en cause de tous les acquis démocratiques.

Quant au mot d’ordre immédiat de l’interdiction du FIS pour des raisons d’anticonstitutionnalité, il ne me semble pas mûr et convaincant pour mobiliser l’opinion démocratique et politique, encore plus dans cette période où pour des raisons tactiques le FIS a fait beaucoup d’efforts pour présenter une apparence conforme aux règles démocratiques. Avancer ce mot d’ordre d’interdiction peut paraître prématuré pour les plus convaincus des dangers du FIS, et comme injustifié pour d’autres qui y verront un esprit partisan de notre part et un acte dangereux pour le processus démocratique en cours. Cela contribuerait à souder au FIS une partie de son électorat qui n’a pas encore fait son expérience et cela ne favorisera pas les décantations que nous voulons provoquer.

Cela n’est pas contradictoire avec des clarifications politiques qui, à partir du terrain de la vie et des actes concrets mettront davantage le FIS sur la défensive en dévoilant la ligne et la trame anticonstitutionnelles de nombreux actes. Mais ces clarifications pour être plus convaincantes, ne doivent pas prendre la forme de slogans répétitifs, apparaissant comme des prémisses de procès d’intention ou des a priori visant à l’interdiction du FIS. Elles doivent être perçues comme le reflet naturel des actes que l’opinion condamne. Chez nos propres militants, elles ne doivent pas mener à ce style de répétition mécanique qui éloigne de l’effort créateur pour démasquer et démystifier la politique du FIS, dans des formes que la vie permet et facilite, sans qu’il y ait besoin de notre côté de surchauffer l’atmosphère politique de façon préjudiciable à cet effort de démystification du FIS.

Cela est-il possible et réaliste ? Toute l’évolution après le 12 Juin indique que face aux dangers, il existe un large champ d’actions offensives et rassembleuses pour mobiliser les couches les plus diverses et les plus vastes de la population autour de la solution de leurs problèmes (la relance économique, la justice sociale, le refus de l’arbitraire, la paix civile, etc..) et d’une façon qui facilite la clarification politico-idéologique et les décantations y compris au sein des couches conquises ou influencées par le FIS.

QUELLE ÉVOLUTION DEPUIS LE 12 JUIN ?

De nombreuses actions, spontanées ou organisées par notre Parti ou d’autres forces démocratiques ont confirmé cela.

Lorsque le travail en profondeur est engagé et qu’on amène la population à s’attaquer à des problèmes les plus sensibles, il se crée aussitôt le terrain le plus favorable à la démystification du FIS. Cette prise de conscience, si elle se prolonge par l’action unie à la base avec nos militants et d’autres secteurs démocratiques, est un premier pas pour redonner aux citoyens confiance dans une alternative démocratique, qui prend en charge l’emploi, la justice sociale, la dignité et les droits démocratiques, le patrimoine spirituel, etc… , autant d’éléments qui peuvent constituer notre plateforme électorale rendue crédible par notre présence dans l’action.

C’est ce qu’ont compris de nombreux camarades restés liés à la base populaire après le 12 Juin, y compris ceux qui avaient tendance sous le coup de l’échec électoral à renvoyer les électeurs du FIS venus les solliciter pour la solution de leurs problèmes au lendemain des élections, ou qui avaient tendance à abandonner le terrain syndical au FIS.

C’est aussi ce qu’a bien compris le FIS qui fait des efforts pour s’enraciner sur le terrain de l’action sociale légale en essayant de montrer un visage rassembleur et réaliste sur de nombreux problèmes.

Pour cela, le FIS essaie de s’appuyer sur une plateforme politique modérée (voir déclaration de Abassi Madani). Dans le même temps, il met plus ou moins en veilleuse les activités qui risquent le plus d’effrayer, et procède dans les APC par « ballons d’essais », avançant ou reculant selon les premières réactions. Il semble donner la plus grande importance à l’action sociale en profondeur :

  • enquêtes sur la gestion des anciennes APC dans les différents domaines,
  • comités de quartier avec double mission (mobilisation et « quadrillage »),
  • associations de bienfaisance (où il est en compétition avec d’autres associations religieuses),
  • et diverses actions de volontariat (sanitaire, écoles du soir, colonies de vacances..
  • implantation d’organisation de masse,
    la plus importante étant le SIT (syndicat islamique) qu’il fait de plus en plus intervenir dans les conflits sociaux importants (exemple : les transports) et où il préconise l’entente de classe : « travailleurs-patrons » dans le cadre islamique.

Il nous faut connaître et étudier au maximum toutes ces activités en comparant à nos propres moyens (et ceux des autres démocrates) d’occuper ce terrain, où le plus souvent il s’agit d’orientations et d’initiatives que nous avons laissées en chantier.

Nous devons être attentifs au fait que, contrairement à ce qui a été dit après la marche du FIS du 20 Avril, la partie cachée de l’iceberg du FIS est plus importante qu’on ne croit. Nous devons mieux connaître cette activité quotidienne dans ses formes (porte à porte, mosquées, association, etc..) et son contenu. On ne doit pas non plus exclure qu’il engagera des manifestations spectaculaires à l’occasion d’événements importants comme ceux du Golfe.

Pour mieux faire fructifier les décantations qui peuvent s’opérer nous devons étudier toutes les particularités des mouvements intégristes dans notre pays, dans un pays à tradition sunnite et surtout où notre peuple a connu les avantages concrets de l’industrialisation et d’une politique sociale avancée. Nous devons mieux connaître les caractéristiques de ces mouvements telles qu’elles se dégagent aussi de leur appartenance à l’Internationale Islamique, domaine dans lequel l’expérience de partis tels que soudanais et égyptien nous serait très précieuse.

Nous devons être enfin très attentifs à ce que les difficultés du FIS dans les APC, en cours ou prévisibles, ne nous cachent pas l’impact important qu’aura un argument central dans la campagne des législatives : nous sommes empêchés d’appliquer le programme électoral pour lequel vous nous avez élu : pour le réaliser il faudra une majorité FIS à l’APN !

Ceci dit, c’est un fait que le FIS a commencé à perdre du terrain dans l’opinion. Très peu encore par rapport à ce qu’il faudrait. Mais d’une façon assez significative qui doit inspirer l’action systématique des forces démocratiques. Voici quelques exemples, parmi d’autres, des actions du FIS qui amènent les différents secteurs de l’opinion à s’interroger ou à prendre conscience de leur erreur de vote :

Il ne s’agit pas de simples maladresses, mais de l’application d’une ligne générale.
Les effets de cette ligne ne touchent pas seulement les couches instruites ou matériellement à l’aise ; les plus sensibles aux violations démocratiques de l’individu. Ces couches ont effectivement ressenti de façon vive les interdits vestimentaires (shorts, etc..), les restrictions sur les plages, la fermeture des débits de boisson, les menaces contre la mixité, les entraves ou interdictions concernant les loisirs, les activités culturelles, etc.. En général, il y a eu des ripostes ponctuelles intéressantes, mais pas assez amples encore par rapport à la sensibilité démocratique de ces milieux.

Plus importants et plus prometteurs pour l’action future sont encore les actes et les mesures qui touchent des aspects sensibles des traditions nationales populaires et qui touchent aussi des intérêts de classe des couches concernées qui croyaient voir dans le FIS un défenseur.

Les événements de Berriane ont dévoilé un aspect des sanglantes divisions ethnico-religieuses qui menacent le pays si le FIS persiste à vouloir imposer son hégémonisme sur les mosquées et sur la société. Des dizaines de milliers de fidèles, des dizaines d’imams, sont mécontents du contenu des sermons et de la main mise sur les mosquées et l’ont exprimé de diverses façons. Le risque tragique de « fitnas » en série ou d’une grande « fitna nationale » est mieux perçu. Dans les couches les plus populaires comme dans les couches moyennes, on n’’apprécie pas du tout le nouveau style –étranger au pays et incompréhensible- que les « Frère s » veulent imposer dans les mariages et les enterrements, qui sèment aussitôt la division et la haine dans des familles que ces événements devaient unir.

Les travailleurs et les chômeurs sont sensibles aux revirements des élus du FIS qui leur avaient promis de protéger leurs emplois ou d’en créer (coopérateurs, etc..) et qui, maintenant, tournent le dos à des engagements très concrets (projets présentés par les intéressés à un stade avancé d’élaboration).

Bien plus c’est de licenciement du personnel qu’il est question maintenant dans de nombreuses APC. Le FIS convie et encourage des licenciements massifs dans des unités de production et services, comme c’est le cas à Mostaganem où la solidarité locale ne suffit plus et les travailleurs font appel à la solidarité nationale.

Parmi les paysans qui ont manifesté devant l’APN contre les restitutions aux gros propriétaires fonciers, nombreux ont exprimé à nos camarades leurs déception vis-à-vis du FIS. C’est également leur déception à l’égard du FIS qu’ont voulu exprimer, y compris sur des banderoles, les mal-logés de Bab Ez Zouar. C’est la même réaction chez les bénéficiaires de l’autoconstruction rurale à Boufarik, dont les projets sont maintenant bloqués par les nouveaux élus du FIS, tout cela semblant d’ailleurs lié à des projets spéculatifs de grande envergure auxquels nous devons être très attentifs.

Il y a aussi une série d’actes d’hégémonisme, d’arbitraire, de calomnies et d’interdits, que ce soit dans le domaine de la vie courante ou de la vie politique. Ces actes touchent les citoyens, les choquent, les indignent ou les inquiètent, qu’ils soient ou non conscients du caractère anticonstitutionnel ou non de ces actes : hospitaliers et paramédicaux de Constantine luttant pour leurs droits, commerçants soumis à des souscriptions forcées, réunions ou manifestations politiques interdites ou entravées comme à Bordj el Kiffan, opacité de la gestion des APC à partir des mosquées qui commencent à remplacer dans ce rôle les qasmate du FLN, etc..

Cette longue énumération n’a pour autre objectif que de montrer le large champ de mobilisation et d’action qui reste ouvert avec les citoyens, où qu’ils se situent par rapport à la base électorale du FIS et quel que soit aujourd’hui leur projet de société. Le mot d’ordre central visant à mobiliser les différentes catégories de citoyens pour résoudre leurs problèmes les plus sensibles, d’une part, s’éloigne du danger de confrontations politico-idéologiques abstraites et à partir de faux clivages au sein des masses. D’autre part, il prend en charge la nécessaire clarification politique envers les différents aspects de la montée du danger réactionnaire. Il implique, en effet, un appui sur l’expérience croissante des masses, des luttes pied à pied contre les obstacles de nature politique (antidémocratique), de classe ou idéologiques qui contrecarrent la solution de ces problèmes.

La clarification politique doit continuer à s’appuyer sur les problèmes qui se posent sur les lieux de travail, d’habitation et de la vie associative, pour ne pas se couper des problèmes réels : en même temps, ce passage de la bataille des APC à celle de l’APN va impliquer une politisation encore plus grande au plan national.

La bataille pour l’APN va se dérouler alors que notre pays va affronter :

  1. Une pression énorme des problèmes internationaux sur la scène politique arabe, avec une forte influence sur le paysage et les sensibilités politiques de notre pays,
  2. des tensions sociales très aiguës (nombreuses grèves, et conflits en préparation), au moment où les problèmes de l’investissement et de l’application des réformes économiques entrent dans une période de choix concrets que notre Parti doit sérieusement analyser,
  3. des problèmes d’orientation et d’alliances politico-idéologiques rendus très complexes à la fois par la mobilité de l’opinion à la base en cette période où le multipartisme est en train de se rôder et par les luttes au sommet qui se voient dans le pouvoir et les organisations politiques.

Dans l’ensemble les données internationales vont de plus en plus influencer directement la conjoncture nationale, y compris le comportement du mouvement islamiste.

Quelles que soient la complexité et l’évolution des ces facteurs, pour l’essentiel, l’objectif d’isoler le courant réactionnaire véhiculé par le FIS demeurera notre préoccupation centrale. Et on s’appuiera pour cela à la fois sur notre action à la base et sur une juste politique d’union avec l’ensemble des forces et courants démocratiques.

L’action pour isoler le FIS au niveau de la base populaire a été illustrée par divers exemples au cours desquels nos camarades ont combiné l’action autour des intérêts de classe les plus sensibles et une clarification politique. Cette clarification était souple dans le choix du moment d’intervention, dans sa forme, dans son intensité c’est-à-dire ne se fixait pas comme préalable d’attaquer à tous les coups et systématiquement le parti du FIS, mais s’efforçait de maîtriser les données de cette clarification..

Cela suppose que nos militants comprennent mieux les préoccupations et l’état d’esprit des travailleurs, des paysans, des chômeurs, des enseignants et étudiants et les organisations sociales et syndicales qui doivent être le cadre naturel de leur mobilisation.

Sur ce terrain doit s’affirmer clairement l’identité et la combativité de notre parti autour d’une plateforme nationale électorale issue de l’action et de l’expérience des masses et tournée vers l’action. C’est dans ce sens qu’ont agi nos camarades syndicalistes de Tizi Ouzou en oeuvrant à la coordination des organisations syndicales de base de plusieurs unités de la région pour une véritable relance démocratique de l’UGTA après le dernier Congrès, en appelant à tirer les enseignements de cet événement. C’est dans ce sens aussi qu’ont agi les camarades de Zemmouri en impulsant les Comités de chômeurs qui ont obtenu l’ouverture de 3 Unités pour 45 emplois et qui, sur cette base, ont permis de contrecarrer l’anticommunisme dans l’électorat du FIS. La grande manifestation des paysans attributaires devant l’APN a montré aussi à quels résultats peut aboutir le patient et long travail en profondeur mené aussi bien directement auprès des paysans qu’auprès des responsables à différents niveaux de l’UNPA.

Toutes ces actions sont le meilleur soutien à nos efforts d’unité d’action et de coopération avec les autres courants démocratiques. Dans ce domaine, il nous faudra faire un bilan de cette activité, mieux faire circuler l’information pour que l’ensemble du Parti bénéficie des expériences positives et négatives de la dernière période en les intégrant dans notre ligne d’action.

L’un des premiers grands enseignements est qu’il faut davantage faire fructifier les efforts unitaires à la base, ou à d’autres niveaux, avec les militants et les personnalités les plus actives et les plus unitaires, même si ce n’est pas dans des cadres formels constitués par les partis existants. De ce point de vue, les expériences des camarades de Bou Merdès, de Dely Ibrahim, etc… sont encourageantes. Il est certain qu’un grand nombre d’initiatives, de débats, d’actions communes non formalisées existent dans le pays, mais elles sont encore insuffisantes et elles ne sont pas médiatisées, on se prive de l’influence positive qu’elles peuvent exercer sur l’opinion publique.

De sérieux efforts doivent être poursuivis en direction de ces courants ou personnalités à sensibilité de « gauche », œuvrant formellement en dehors ou à côté des partis, en vue d’un front électoral pouvant se concrétiser ou non dans des listes communes.

Dans le domaine des partis politiques, les obstacles sérieux demeurent pour parvenir à un front électoral se traduisant par exemple par des listes communes de candidats autour de plateformes communes. Nous devons mieux étudier les problèmes de fond qui sont posés, sous un éclairage global, notamment avec le RCD, le FFS, le MDA et le FLN.

Pour ce dernier, deuxième force électorale après le FIS, se pose à nous la nécessité d’une expression plus précise de notre position différenciée, pour faire reculer la confusion, mal digérée dans l’opinion progressiste, entre notre volonté unitaire et ce qui est perçu comme une position opportuniste envers les courants discrédités du FLN…

Quelles que soient les difficultés présentes pour tous ces partis, nous devons faire avancer dans la clarté l’importance que pourraient avoir des listes communes fondées sur une plateforme anti-réactionnaire et d’édification à défendre ensemble bien avant les élections.

Il y a donc trois possibilités qu’on doit étudier en fonction de leurs avantages et de leurs possibilités objectives : front électoral de gauche, front de partis et listes séparées du PAGS.

Dans tous les cas, une donnée (essentielle pour nous) pour influencer l’évolution, c’est la façon dont le Parti parviendra à intervenir avec les masses sur les axes de mobilisation et d’action les plus sensibles. C’est sur cette base que la campagne électorale, jointe aux débats politico-idéologiques autour de la situation et autour de l’AP/RPI jouera le mieux son rôle de clarification politique. C’est le meilleur support pour les listes de candidats du Parti que dans tous les cas nous aurons à préparer au départ.

LA PRISE EN CHARGE DES PRINCIPAUX AXES DE MOBILISATION ET D’ACTION

Il s’agit donc pour la Direction, autour de la tâche centrale des élections de l’APN (dont l’organisation fait l’objet d’un rapport à part) d’articuler le suivi des tâches liées aux principaux axes d’action. Ces axes devraient recouvrir les problèmes les plus sensibles du pays. En dehors de certains cas, ce suivi central a été insuffisant ; il n’a pas été systématique. Il ne suffit pas sur la base d’orientations générales, de dire à la base et aux organisations territoriales : prenez des initiatives. Cet esprit d’initiative est indispensable. Mais surtout dans les phases initiales, il ne fructifiera bien que si on réalise un suivi plus serré, dont les résultats peuvent ensuite être généralisés. En un mot, combiner les avantages de l’organisation territoriale avec ceux d’un suivi et d’une articulation verticale trop abandonnés.

Prenons comme exemple l’axe de la lutte pour l’emploi. Avec l’aide et l’impulsion centrale de quelques camarades, il existe aujourd’hui un mouvement de masse légal des jeunes chômeurs qui a obtenu des résultats dans plusieurs wilayas. Mais ce mouvement est encore trop peu suivi tant au plan politique que technique. Il est nécessaire que ce suivi soit systématisé et qu’un responsable et un groupe d’impulsion central tourné vers la base, aident à libérer et à conseiller les initiatives : essentiellement pour que dans les communes les jeunes, aidés par les cellules, sections ou fédérations du Parti soient en mesure de dégager les objectifs et programmes d’action communaux concrets. L’autre consiste à mieux orienter les relations des camarades avec les masses, les autorités locales et nationales, les médias, etc.. en s’appuyant sur l’expérience déjà accumulée par tout le Parti.

Les mêmes recommandations sont valables pour une série d’autres axes tels que :
- Les APC et la vie associative
les élections à l’APN ne diminuent pas l’importance des problèmes locaux : elles posent au contraire le problème des conditions de réalisation des programmes communaux)

- Autre problème posé par les camarades de la base : comment agir avec les élus des listes du FIS…

- Les Syndicats et les luttes des travailleurs : sera particulièrement sensible avec les hausses du coût de la vie, fermetures d’usines, etc… Le problème de la ligne syndicale se repose avec force avec l’évaluation des suites du 8e Congrès de l’UGTA et la création du SIT.

- La paysannerie : comment poursuivre et systématiser le travail engagé dans une période qui va être très chaude ?

- Les entreprises industrielles et les réformes économique : quelles propositions globales et ponctuelles en reprenant et renforçant les activités et débats menés déjà avec les travailleurs des complexes.

- Les instruments de la clarification politico-idéologique : avoir une politique et une pratique organisée = formation, moyens matériels. ;

  • non seulement la propagande écrite du Parti (journaux, revues) ;
  • mais aussi de l’activité médiatique (porte-paroles, prise de position immédiates, etc.)
  • de la concertation avec les autres organisations politiques , etc.
  • de moyens de communication pour la campagne électorale (meetings, affiches) etc..
  • suivi des journalistes, etc..

- Jeunesse, ses problèmes et ses initiatives…

- Système d’enseignement (à tous les niveaux) : grèves de la rentrée !

- Lutte idéologique et identitaire : les problèmes de l’Islam et du socialisme tels qu’ils se reflètent dans notre société : plus particulièrement le problème de l’alternative au projet « intégriste-islamiste ».

- Émigration

En principe tous ces axes d’action devraient aider à fournir et enrichir la matière de la plateforme qui sera l’illustration vivante et actuelle et condensée des orientations qui se dégageront des discussions de l’AP /RPI.

La remarque la plus importante concernant la mise en œuvre de ces axes d’action sera sans doute abordée dans le rapport sur la campagne électorale APN.
Nous ne devons pas perdre de vue, comme l’a montré la campagne pour les APC, que le travail en profondeur selon ces axes, se déroule dans une période légale et de compétition très animée, où le rythme et le caractère spectaculaire des activités influencent fortement les différentes couches de la population. Dans de telles conditions, le caractère offensif de nos orientations n’est pas lié seulement à leur juste contenu, mais aussi à leur style d’expression et d’action.

Ainsi nous aurons à mieux dégager et organiser les potentialités humaines et matérielles, et à agencer les plans de travail qui permettront à ce caractère offensif de mieux s’exprimer.

Cela veut dire qu’au moment où d’autres formations se préparent activement à la compétition électorale, il nous faut dépasser plus rapidement les facteurs de démobilisation et de découragement politique et pratique qui ont pris une tournure aigue après le 12 Juin dernier.

REMOBILISER LE PARTI

Cela exige démocratie, transparence et participation pleine des camarades aux différents niveaux à l’élaboration et à l’application des tâches.

Le besoin de la remobilisation est partagé pour tous les militants. Mais les cadres et la base mettent en cause tant les orientations que les modalités de leur adoption. Ils considèrent de ce fait la Direction comme responsable du blocage du Parti.

Ce processus remonte déjà à une période plus longue, il a connu un moment culminant après les élections du 12 Juin.

Il y a là une réflexion approfondie à mener sur l’ensemble de ce processus, mais il y a des mesures urgentes à prendre :

  • pour dépasser ce climat
  • pour relancer et rentabiliser les activités du Parti
  • pour approfondir et enrichir la réflexion autour des orientations.

Cela exige à la fois :

  1. qu’on s’efforce de répondre à toutes les interrogations légitimes, tant sur la situation actuelle que sur les orientations de fond,
  2. qu’on élargisse les structures de discussion et d’action, permettant une participation réelle de tous les intéressés selon leurs capacités et leurs possibilités.

C’est ce qui rendra plus crédibles toutes les perspectives d’assemblées de cadres, de conférences ou de Congrès annoncés.

Si nous réalisons de telles conditions, la discussion de l’AP /PRI est l’un des facteurs qui contribuera à redonner espoir, parce que le redressement apparaîtra déjà dans la vie et le fonctionnement quotidiens. C’est la meilleure façon de neutraliser les dérapages à caractère subjectif et les tendances au travail fractionnel (conscient ou inconscient) à tous les niveaux.

Pour le POINT 1° : cela veut dire qu’il faut prendre en considération les critiques et réserves émises sur certains aspects de nos positions qui ont suivi les élections du 12 Juin. Je suis convaincu qu’on ne peut faire l’économie d’une vraie discussion sur ces questions au nom seulement d’une discipline formelle (ex : diffusez d’abord après on discute) ou au nom de la justesse de la ligne générale qui apparaît alors (à tort ou à raison) plaquée.

En fait, cela concerne de nombreuses autres interrogations légitimes avancées dans le passé (le pourquoi et le comment des mises en place des Fédérations, les rythmes et formes de travail de la légalité, les besoins de l’information et de l’organisation, nos alliances (un des aspects aigus : formulation de notre soutien à la marche du FLN du 17 Mai) ; insuffisances du travail théorique et de l’éducation, etc.).

Il est certain que les évolutions politiques objectives en dehors de nous sont très rapides et exigent parfois des positions sans consultations assez larges possibles. Mais même dans ces conditions, l’important est d’utiliser les possibilités après coup, d’être à l’écoute, de ne pas fermer la discussion en considérant comme définitivement acquises toutes les dimensions d’une position. Cela doit permettre aux directions et aux cadres pas seulement de mieux convaincre les autres sur les aspects bien pris en charge par les positions prises, mais de vérifier en soi d’autres aspects de ces positions.

Cette participation aux discussions et décisions ne peut que susciter la participation constructive à la correction de toutes les faiblesses à travers les tâches en cours, c’est-à-dire un renforcement de la discipline et de l’unité d’action réelles dont a besoin le Parti.

Pour le POINT 2° c’est-à-dire l’élargissement des structures, il doit être vu dans la perspective du Congrès, qu’il y ait ou non entre temps des jalons (conférences, etc…). Il se pose à mon sens sous deux formes

  • a) Le besoin d ‘une structure centrale provisoire et de transition dans le domaine de l’élaboration et des décisions (même chose pour les instances fédérales),
  • b) L’appui au travail de Direction à travers des groupes de travail ou commissions.

Depuis longtemps déjà existe le problème de l’impulsion et de l’organisation des tâches susceptibles d’assurer la relance de l’activité globale et sectorielle du Parti à partir de l’échelle centrale. La solution ne pouvait se trouver ni politiquement ni matériellement dans les seuls membres de la Direction actuelle, ceci aussi bien dans l’intérêt de la relance que pour une meilleure appréciation des critères qui assureront l’élargissement et le fonctionnement de la structure centrale provisoire et de la Direction future.

Les conditions pour ces solutions ont beaucoup mûri et certaines mesures, qui débloqueraient les suivantes, pourraient être concrétisées assez rapidement, notamment dans les domaines où l’insuffisance est la plus criante.

La garantie de crédibilité et de succès de ces mesures, notamment pour la structure centrale, réside dans la démocratie et la transparence dans la façon dont seront informés, consultés et associés les cercles larges de cadres et militants qui ont une expérience politique et pratique.

C’est de cette façon qu’on n’aura pas ce simple élargissement quantitatif, qui pourrait reproduire (en plus grand) les insuffisances, les aspects stériles ou hégémoniques existants ou potentiels au sein d’une Direction.

En ce qui concerne le problème des structures d’appui (commissions ou groupes opérationnels composés de spécialistes et de militants liés à la base et à divers milieux de la société), ce problème a été l’objet de nombreux malentendus ou blocages, ce qui, à mon sens, a entretenu ou suscité la paralysie au niveau des tâches concernées.

On doit aborder cette question urgente et vitale en soulignant que la relance de ces groupes ou la création d’autres n’est pas du tout incompatible :

  • avec l’action tournée vers les besoins de la base et la société (expériences des actions impulsées vers la paysannerie, séminaires pour les entreprises, éducation, conférences publiques, séminaire politique et religieux, etc..).
    L’affaiblissement de ces structures d’appui, quand elles ne jouent plus leur rôle, diminue les capacités de réflexion et d’action de la Direction vers ces tâches de la base. Il mène, dans ces domaines, la Direction soit à un activisme et une dispersion par le haut, soit à un vide d’orientation dans les objectifs et problèmes IMMÉDIATS.
  • l’existence de ces groupes ou commissions n’est pas incompatible avec la définition précise (à la lumière de l’expérience) de leurs prérogatives et de leurs tâche, évitant les chevauchements avec ceux de la Direction et créant au contraire les conditions de l’efficacité ;
  • la mise en œuvre de ces groupes n’est pas incompatible avec l’élaboration en cours d’une politique de cadres plus globale. Il est nécessaire et possible de faire fonctionner ces groupes, en faisant reculer les risques d’appareils bureaucratiques, la griserie possible de cadres ou la trop grande spontanéité dans la mise en place ou le choix des participants au travail.

L’important dans la composition et l’activité de ces commissions c’est l ‘effort réel qu’elles apportent à l’activité du Parti (aux plans conceptuel et opérationnel) et l’élément de transparence qu’elles aident à introduire dans le fonctionnement du Parti et de la Direction. La mise à l’épreuve dans les tâches (dans les commissions comme dans toute organisation du Parti) constitue le meilleur éclairage pour l’élaboration et la politique des cadres. La légalité nous fournit un grand champ dans ce domaine, c’est-à-dire que l’évaluation et la mise à l’épreuve deviennent l’affaire de tout le Parti et non des seuls dirigeants.

Nous devons nous interroger si, en plus des retards constatés dans ces domaines et dont il faut rechercher les causes, nous ne sommes pas apparus comme administratifs et autoritaires, comme travaillant en vase clos sans consultations suffisantes organisées ?

Il m’apparaît que non seulement la légalité, mais l’époque même que vivent le pays et le monde, nous appellent à l’ouverture vers les potentialités se situant hors de la Direction qui, avec son expérience, sa vision d’ensemble, ne constitue pas cependant le seul creuset des orientations du Parti ou la seule matrice obligatoire des forces dirigeantes nouvelles.

La discipline et l’unité d’action, vitales au Parti pour son travail de masse et son implantation gagneront beaucoup plus par les stimulations positives organisées que par les seuls interdits. Les mesures d’organisation d’un tel travail ne devraient pas apparaître comme un corset ou un obstacle à l’élargissement urgent dont nous avons peut-être manqué l’occasion ces derniers mois, mais comme moyen meilleur de le faire fructifier.

Si nous prenons en considération que l’unité du Parti n’est pas synonyme de monolithisme, on peut dire que nous traversons certes une étape très difficile de l’édification du Parti. Mais l’élan, l’espoir, existent encore dans le Parti, de nombreuses actions et initiatives l’attestent encore, mais ils demeurent repliés sur eux-mêmes, empreints d’amertume et à juste titre exigeants.

Nous devons prouver que nous sommes en mesure de prendre en charge ce qui est valable dans ces exigences pour forger l’unité du Parti, qui est sa force principale, dans l’action et le débat transparent et digne, politiquement et humainement.

Je n’ai pas pris en charge volontairement dans cette évaluation une certaine réversibilité de la situation. Cela mérite une évaluation à part.


[1Juillet-août 90 : Crise du PAGS (suite 4) -ASSEMBLÉE D’AOÛT 1990 : COMMENT ON ENTERRE UN DÉBAT AVANT DE L’OUVRIR– Sadek Hadjerès - socialgerie, article 259, le 26 juillet 2010.
http://www.socialgerie.net/IMG/pdf/259_juillet_1990_4_assemblee.pdf

[2Ce facteur identitaire religieux est l’une des seules armes-refuges qui restent à ceux qui ont été exclus de la vie économique et du progrès culturel. Cette arme porte en elle une double potentialité :

  • une confuse combativité de progrès, avec des potentialités pour cette combativité à faire jonction avec les courants qui s’expriment pour la justice sociale, pour la “moralisation” (dans le bon sens du terme) des pratiques sociales , etc…
    C’est pourquoi ce serait une erreur de taxer d’emblée ce facteur identitaire de réactionnaire.
  • un fatalisme rétrograde et obscurantiste (on s’en remet aux lois religieuses anciennes, chariâ, pour nous régler les problèmes).
    Si l’initiative historique est prise sur cette base par une organisation comme le FIS, le risque est énorme pour qu’elle soit un tremplin vers des positions politiques réactionnaires cristallisées.
    L’erreur serait de ne pas barrer la route à temps à ce danger.