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LA QUESTION SYNDICALE AUJOURD’HUI EN ALGÉRIE - COMPTE-RENDU DE LA RÉUNION DÉBAT DU 26 AVRIL 2014

samedi 10 mai 2014

Compte-rendu de la rencontre-débat du 26 avril 2014
organisée par le Rassemblement de gauche – R(d)G –
sur la question syndicale aujourd’hui en Algérie

Sommaire

Interventions :

Débat.


Interventions

1. Zineb Belhamel du CLA

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2. Traduction en français de l’intervention de Zineb Belhamel

Les syndicats autonomes en Algérie

Naissance des syndicats autonomes

Les syndicats autonomes sont apparus dans les années 90 suite à l’ouverture démocratique (bien que limitée) afin de défendre les intérêts des fonctionnaires : mission dont s’est départie l’UGTA en 1963 suite à son allégeance au pouvoir.

Mais la défense des intérêts des travailleurs n’a pas été une tâche facile. La lutte syndicale a été encore plus difficile notamment suite à l’instauration de l’état d’urgence en 1992 et aux mesures induites par cet état d’urgence. La lutte syndicale a été très ardue pour les vrais syndicalistes.

Les années 2000 ont été marquées, en plus de l’activité syndicale, par une résistance face aux tentatives répétées de déstabiliser les syndicats autonomes ; différentes méthodes pour la mainmise sur ces syndicats ont été utilisées allant jusqu’à la corruption de certains leaders.

Le pouvoir a toléré l’existence des syndicats indépendants, mais a refusé de reconnaître beaucoup d’entre eux tant que ceux-ci n’ont pas prêté allégeance.

Le pouvoir a utilisé plusieurs formes de répression : recours à la police, aux tribunaux quand le recours au harcèlement administratif, la manipulation de l’opinion publique à travers certains journaux à la solde du pouvoir a échoué.

Le but de cette politique répressive contre les syndicats autonomes est la dispersion des rangs afin d’éliminer toute forme de lutte à même de faire aboutir les revendications des travailleurs, le maintien du pouvoir politique dictatorial, dépendant des protestations et de l’asservissement de tous ceux qui tentent de se positionner en négociateurs responsables.

Cette politique répressive est la préoccupation essentielle du pouvoir depuis la période relative d’ouverture démocratique entre novembre 1988 et juin 1991. Ce pouvoir dictatorial se cache derrière la constitution faite sur mesure pour son image par rapport à l’étranger, alors que ce pouvoir ne respecte ni la constitution, ni les lois de la république, ni les conventions internationales.

Les syndicats autonomes face à cette répression n’ont recours ni à la justice, ni au parlement, ni a la présidence vu leur inefficacité et leur peu de crédibilité. Le pouvoir réel étant en fait aux mains d’un groupe qui fort d’élections truquées fait le jeu des occidentaux, qui vu l’enjeu pétrolier ferment les yeux sur l’existence d’une politique répressive, politique mise en branle à chaque moment et en tout lieu contre les syndicalistes et les travailleurs qui revendiquent la justice sociale et la fin de l’hégémonie des multinationales qui dilapident les richesse nationales ; laquelle dilapidation est à l’origine de la baisse du pouvoir d’achat et de la détérioration des conditions sociales de larges couches de la population d’où la prolifération de maux sociaux et des émeutes qui freinent l’évolution du pays.

Résistance des syndicats autonomes face à la répression

Aujourd’hui les syndicats autonomes luttent avec la société civile, les associations et les partis politiques et la presse indépendante pour une Algérie démocratique et prospère.

Les différents mouvement de protestation dans le secteur de la fonction publique ont montré la capacité des syndicats à mobiliser et à affronter la politique de terreur utilisée contre la classe travailleuse, et ce malgré toutes les formes de répression, suspension mise en demeure, gel de la carrière professionnelle, harcèlement de la part de l’administration, instrumentalisation de la justice.

En plus de cet arsenal, le pouvoir a recours au « clonage » des syndicats afin de créer la confusion et la scission et mettre ainsi un frein à la stratégie d’organisation et à l’indépendance du fonctionnement de ces syndicats. Ce « clonage » a permis la création de syndicats fantoches prêts à l’allégeance et à l’abandon des revendications des travailleurs.

Ce clonage a eu lieu en 2003 pour le CLA.
Pour le SNAPAP en 2004.
Pour le SATEF, Syndicat autonomes des travailleurs de l’éducation et de la formation, représenté par Mohamed Salem Saadali alors que le clone est représenté par Amoura.
De même le CNES dont beaucoup de sections ont été marginalisées après que Rahmani se soit accaparé la présidence de ce syndicat.
Ainsi que le SNTE (Syndicat national des travailleurs de l’éducation) dont le secrétaire général légitime était Mohamed Benoui, et Boudjenah celui du « clone ».

Le fait est que tous ces syndicats fantoches ont bénéficié dès leur création de l’appui du ministère du Travail, censé être le garant du respect du droit syndical.

Dans ce contexte difficile, les syndicats autonomes ont mesuré la nécessité de la solidarité afin de contrecarrer les manœuvres du pouvoir, et la nécessité de la coordination syndicale. Ainsi fut créée l’IAFP (intersyndicale de la fonction publique) et l’intersyndicale de l’éducation regroupant plusieurs syndicats autonomes et dernièrement la confédération des syndicats autonomes regroupant les syndicats autonomes de la fonction publique et 12 syndicats autonomes du secteur économique.

Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie

  1. Syndicat national autonome de la Banque de l’Agriculture et du développement rural (SNABADR).
  2. Syndicat régional autonome des travailleurs de la Construction du Bois et des dérivés (SRATCBD).
  3. Syndicat national autonome des travailleurs du Jardin d’Essai d’El Hamma.
  4. Syndicat national autonome des travailleurs du nettoiement et de l’assainissement (SNATNA).
  5. Syndicat national autonome des travailleurs de la Fabrication et de la Transformation du Papier et de l’emballage.
  6. Syndicat national autonome des travailleurs du Tabac.
  7. Syndicat national autonome des travailleurs des Parcs Zoologiques pour les Loisirs et la Culture.
  8. Syndicat national autonome des travailleurs d’EUREST Algérie.
  9. Syndicat national autonome des travailleurs des Transports.
  10. Syndicat national autonome du Groupe Sonatrach.
  11. Syndicat national autonome des travailleurs d’ArcelorMittal.
  12. Syndicat national autonome des travailleurs des Mutuelles algériennes.

Perspectives

L’ensemble des syndicats autonomes étant corporatistes (plusieurs syndicats dans le secteur de l’éducation et de la santé), la construction d’un rapport de force réel est difficile.

C’est pour cela que les syndicalistes appellent à la création d’un front social fort qui rassemble plusieurs syndicats pour unifier les rangs autour d’une plate-forme de revendications essentielles comme la révision du statut général de la fonction publique, l’augmentation du point indiciaire, la suppression des contrats pré-emploi, la retraite a 100% et les libertés syndicales.

La vigilance est de mise pour préserver les acquis arrachés par les luttes de plusieurs générations de travailleurs et la lutte est la seule issue pour en arracher d’autres et réaliser les espoirs des travailleurs

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3. Intervention de Djamel Rouani du Snapest

Expériences sociales et syndicales dans la situation actuelle

Même si le premier syndicat autonome, l’UNPEM, a vu le jour en 1991, l’année 2003 marque la naissance véritable du mouvement syndical autonome. Dix années nous semblent insuffisantes pour tirer un réel bilan des syndicats autonomes. De même faut-il éviter de porter des jugements définitifs. C’est ainsi que l’UGTA n’est pas un syndicat homogène. Il existe en son sein des travailleurs et des militants combatifs et formés. D’ailleurs, nombre de syndicats autonomes ont été créés par d’anciens membres de l’UGTA qui ont apporté leur combativité, leur savoir-faire et leur formation.

Au niveau de notre syndicat, le SNAPEST, nous luttons inlassablement pour la préservation des acquis des travailleurs et l’amélioration de leurs conditions socioprofessionnelles en revendiquant la permanisation du corps de l’éducation avec des moyens adéquats à leur noble mission.

Nous appelons à la défense d’une école publique de qualité, à son amélioration pour un enseignement moderne et sa promotion aux exigences du 21 siècle.

Le terrain de nos revendications ne nous a jamais fait oublier notre devoir envers l’éducation et les sacrifices pour un enseignement de qualité. Les reformes du système scolaire entamées il y’a quelques années ont été appliquées par le corps enseignant malgré le manque de moyens et de formation. Dans cette précipitation des pouvoirs publics, nous avons accompli notre mission et nous avons fait des suggestions à travers les comités pédagogiques.

Le SNAPEST a ouvert des ateliers sur la violence scolaire, la déperdition scolaire. Notre syndicat a toujours fait des propositions dans ces domaines et demande l’amélioration du niveau de l’encadrement pédagogique par des formations aux « NTIC » et d’autres performances.

Notre mobilisation permanente à l’écoute de tout le corps enseignant et de tous nos partenaires sociaux nous a permis d’établir une stratégie de partenariat responsable et engagée dans la société en général et dans le monde syndical en particulier, avec cette lutte réfléchie et sans précipitation dans la construction d’un syndicat fort autonome et responsable.

Nos repères revendicatifs tracés depuis l’année 2003 étaient :

  • un salaire digne, bien que les dernières augmentations acquises ont vite été rattrapées par l’inflation.
  • une retraite à 25 ans, que les conditions de travail ont rendus nécessaire.
  • un statut pour le corps de l’éducation et l’amélioration de la médecine du travail.

Le chemin est, et sera, long pour l’édification de nos revendications sur le terrain. D’autres revendications, telles que : le logement, les primes des travailleurs du sud, la préservation de l’enseignement technique, l’avancement du plan de carrière sont venues s’implanter dans nos luttes, émanant toujours de nos bases syndicales.

Notre 1er congrès du 26 au 28 mars 2011 organisé à Jijel est venu renforcer nos instances et redonner un nouveau souffle à notre organisation. Tout un plan de stratégie, de communication de formation de nos militants et responsables a été tracé. Le rajeunissement des cadres de notre conseil national et du bureau était une priorité de construction d’un syndicat fort qui s’inscrit dans la durée.

Nous avons toujours appelé à dépasser le corporatisme et à établir des liens avec les syndicats de la fonction publique. Nous avons appris à travailler ensemble et à dépasser nos divergences. Nous défendons ensemble les acquis de la fonction publique et des travailleurs.

Les syndicats corporatistes oublient les problèmes réels de la société tels que ceux de la marchandisation de l’école, la lourdeur des programmes scolaires et des cartables des élèves…

À le veille du 1er mai, nous nous inclinons devant la mémoire de tous nos militants qui nous ont quitté que Dieu ait leurs âmes.

Nous saluons à la sortie de notre dernier congrès les membres fondateurs qui nous ont quittés pour d’autres missions dans le domaine de l’éducation qui nous sont restés fidèles par leurs conseils et leurs engagements sans oublier nos sympathisants du monde associatif, de la société civile, de l’union de la fédération des parents d’élèves.

Nous saluons les luttes des femmes travailleuses en Algérie et nous n’oublierons jamais leurs sacrifices avec à leurs tête les onze (11) enseignantes assassinées à sidi Bel Abbés le 27 Septembre 1997, elles qui semaient dans les générations futures le savoir d’une Algérie éclairée moderne et progressiste.

N’oublions pas les corps de l’éducation qui se battent pour cette permanisation des contractuels qui sont toujours contre la clochardisation de cette noble mission.

Nous serons toujours exigeants des pouvoirs publics, d’assurer un niveau de vie décent et digne pour tous les citoyens algériens.

Nous serons toujours aux côté de tous les corps de l’éducation, de la santé, de l’enseignement supérieur et tous les ouvrières et ouvriers pour la défense et l’amélioration de leurs conditions socioprofessionnelles ainsi que de leur statut.

En ces moments, d’espoir, de changement et de mobilisation de toute la classe ouvrière du monde du travail.

« Nous rendons un grand hommage et nous nous inclinons devant la mémoire des syndicalistes intègres de Aissat idir à Chouaki Salah à Abedelhak Benhamouda à Amar Khodja du CNLTT à notre cher camarade Redouane Osmane du CLA et la liste , hélas, est longue, à Ahmed Kerroumi du CNES que nous avons perdu cruellement le 23 avril 2011.

Gloire à ces « militants et martyres » du monde du travail et du syndicalisme en Algérie ».

Nos vives salutations, à la veille de la célébration de la journée mondiale de la liberté de la presse, aux journalistes pour leurs contributions dans le domaine de l’information pour une presse libre n’obéissant qu’aux règles universelles.

Nos salutations respectueuses à la classe ouvrière dans le monde entier, et en particulier le monde arabe pour sa lutte en ces moments particuliers.

Hommage aux travailleurs algériens pour leurs sacrifices pour une Algérie stable
moderne et digne de ses martyres.

Hier nous avons combattu avec honneur et loyauté pour la défense des intérêts des enseignants, aujourd’hui ne peut être que la continuité du combat d’hier.

Au SNAPEST notre devise est : « Entre le tout et rien, il y a toujours le possible. »

Vive le syndicalisme
Vive la classe ouvrière
Vive l’Algérie stable, moderne et démocratique

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4. Ahmed Badaoui, ancien syndicaliste de l’UGTA

Je tiens à préciser que je ne parle pas ici au nom de l’UGTA, mais de ma propre sensibilité et de ma propre expérience de militant au sein de ce syndicat. J’ai adhéré à cette organisation en 1977 et j’y ai milité jusqu’à mon exclusion en 2005. La situation de l’UGTA est connue, elle n’est ni toute noire ni toute blanche. Il convient de distinguer l’appareil de l’UGTA de la base militante qui lutte quotidiennement aussi bien pour la prise en charge des problèmes matériels et moraux des travailleurs que des problèmes de fonctionnement fondamentalement antidémocratiques. Pour mieux comprendre la situation actuelle de l’UGTA, il faut revenir, même de façon rapide, à l’histoire.

Lors de sa création en 1956, la mission de l’UGTA était sensée être axée seulement sur la défense des intérêts des travailleurs algériens. Mais dans le contexte de la guerre de libération nationale d’une part et l’hégémonie du Front de libération nationale (FLN) d’autre part, l’organisation syndicale des travailleurs s’est donc impliquée exclusivement dans la lutte pour l’indépendance du pays en apportant son soutien au FLN et à l’ALN.

En 1962 et à la fin de la domination coloniale sur notre pays, l’UGTA aspirait à disposer de son indépendance par rapport au pouvoir. Mais à partir du 1er congrès de 1963, le nouveau régime a réprimé toutes les libertés et velléités d’indépendance et d’autonomie de la centrale syndicale en écartant les uns et en emprisonnant les autres. Les formes d’organisation (UW, UT, UL) basées essentiellement sur les structures horizontales répondaient davantage aux besoins du pouvoir d’encadrer et de contrôler les travailleurs qu’aux nécessités de la défense des intérêts de ces derniers. Au cours des années qui suivirent, l’UGTA a accompagné toutes les mesures sociales et politiques prises par le pouvoir (“Révolution agraire”, “Gestion socialiste des entreprises”, “nationalisation des hydrocarbures”, “santé gratuite”, “école publique”…).

En dépit de la mainmise du pouvoir sur l’organisation, l’UGTA a connu des batailles permanentes en son sein. Des syndicalistes et des structures ont mené une lutte pour la démocratiser et la rendre indépendante ou, à tout le moins, autonome du pouvoir. Ces éléments et structures créeront des intersyndicales (années 1970), s’investiront dans la préparation et la tenue du Vème congrès de 1978 (renouveau syndical) et mèneront de nombreuses batailles, à compter de 1982, contre l’application des articles 120 et 121 des statuts du FLN qui obligeaient les responsables d’organisations de masse (UGTA, UNFA, UNJA…) à être adhérent du FLN. Ces articles visaient à affaiblir les travailleurs en excluant les syndicalistes combatifs et des militants sincères des responsabilités. Des batailles se menèrent aussi autour de la question des formes d’organisation, les syndicalistes combatifs luttant pour privilégier les structures verticales (Syndicat national, Syndicat d’entreprise et Fédérations…).

De nombreux syndicalistes furent exclus par les directions bureaucratiques qui se sont succédé à la tête de l’UGTA. Ils ont été exclus avec la complicité du pouvoir qui les a réprimés car ils luttaient pour l’indépendance de l’UGTA, ce que refusait la direction. Il convient donc de comprendre que l’UGTA n‘est pas une organisation de moutons qui suivent la direction. C’est ainsi, à titre d’exemple, que le Xème congrès de la centrale fut le théâtre d’une terrible bataille pour faire passer la question amazighe et poser la question de l’indépendance de l’organisation vis-à-vis du régime.

Aujourd’hui, les syndicats autonomes, venus dans leur majorité de l’UGTA, ont hérités de la culture de l’UGTA. Ils ont reproduit les méthodes positives et négatives de cette culture. Certains d’entre eux sont à la tête de leur organisation depuis presque vingt ans reproduisant les mêmes attitudes et les mêmes pratiques héritées de l’organisation mère qui n’est autre que l’UGTA. D’autres ont, ou essayent d’adopter de bonnes méthodes et de bonnes mœurs syndicales. Mais les syndicats autonomes se caractérisent par leur émiettement. Il existe parfois plusieurs organisations professionnelles dans le même secteur. Certes, la diversité syndicale est une richesse, mais l’union syndicale est une force.

Autre problème, si les syndicats autonomes vont au-delà du corporatisme, ils ne peuvent mobiliser car les travailleurs ne les suivent pas. Les grandes mobilisations des syndicats autonomes se font sur les revendications sociales. Ils ne luttent pas encore, la majorité du moins, sur le terrain de la lutte démocratique.

Que faire en conclusion dans ces conditions ? Nous avons créé avec d’autres camarades membres ou anciens membres de l’UGTA un Comité national de réappropriation et de sauvegarde de l’UGTA. Peut-on se réapproprier cette organisation ou non ? Cette organisation peut-elle aujourd’hui constituer un espace de regroupement et d’union de tout le mouvement syndical ou, au contraire peut on affirmer que le rôle historique de cette organisation est arrivé à son terme ? Par ailleurs, comment préserver et faire converger cette richesse du multisyndicalisme et la force d’un grand rassemblement des forces syndicales ? Comment ériger des passerelles de luttes avec l’espace politique dans l’intérêt exclusif des travailleurs ? Autant de questions qui se posent aujourd’hui à toutes les forces et à tous les militants honnêtes et sincères du mouvement syndical. Seul les luttes et l’avenir nous apporteront l’éclairage et les réponses nécessaires à ces questions.

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Débat

Avertissement :

le présent compte-rendu du débat ne prétend pas à l’exhaustivité et à la fidélité absolue aux propos des intervenants. Ne reposant pas sur un enregistrement sonore, mais sur des notes manuscrites, il a sans doute oublié quelques interventions ou parties d’interventions. Il peut en même temps avoir, de bonne foi, déformé la pensée de certains. Qu’ils veuillent bien nous en excuser. Notre objectif consiste simplement à laisser une trace écrite de notre rencontre au profit de ceux qui y ont participé et, surtout, à celui des absents qui suivent nos débats avec intérêt ou qui s’intéressent simplement à certaines questions que nous abordons. Nous voulons contribuer à recréer une tradition de l’écrit car les paroles s’envolent…

Un peu moins d’une trentaine de personnes ont assisté à la rencontre dont un tiers de syndicalistes appartenant à des syndicats autonomes ou à l’UGTA et d’anciens syndicalistes ayant milité à l’UGTA ou à l’UGTA puis dans un syndicat autonome. Près de la moitié des présents ont participé au débat.

Celui-ci a soulevé plusieurs questions :

. La formation :

Il s’agit d’une préoccupation importante des syndicalistes qui sont confrontés à la rupture de la continuité en matière de traditions syndicales et de formation. Les travailleurs et adhérents aux syndicats ne connaissent pas leurs droits économiques, sociaux et syndicaux, ne maitrisent pas la législation du travail et le règlement. Ils ne sont pas suffisamment pris en charge en matière de formation, même si certains syndicats accordent une importance plus grande à ce volet.
Cette carence en matière de formation explique la difficulté des syndicats autonomes à disposer d’une vision, à dépasser le corporatisme. Les syndicalistes savent qu’ils défendent les intérêts des salariés au niveau de leur unité, de leur entreprise, de leur profession, de leur secteur… Mais combien ont intériorisé l’idée qu’ils forment une classe exploitée et que leur lutte se mène contre une classe exploiteuse dont le pouvoir défend les intérêts ? Combien en concluent qu’il faut alors réaliser l’unité la plus large des organisations syndicales pour présenter un front solide face au patronat et au gouvernement ?

Les cadres syndicaux de ces organisations émergent grâce à leur combativité, mais ne disposent généralement pas d’une culture syndicale. Combien de syndicalistes connaissent l’histoire du mouvement syndical algérien ? L’histoire du syndicalisme sous la colonisation ? L’histoire du syndicalisme durant la guerre de libération nationale (CGT, UTSA, UGSA, UGTA) ? L’histoire du syndicat UGTA après l’indépendance ? Les vieux syndicalistes et anciens syndicalistes de l’UGTA et les militants de partis de gauche bénéficient généralement d’une meilleure formation, mais celle-ci reste insuffisante et insuffisamment transmise.

L’absence ou l’insuffisance de démocratie interne ne favorise pas la formation syndicale, car celle-ci a besoin d’un climat de liberté interne, voire de confrontation, dans lequel les militants et les travailleurs se forgent une conscience et une idée sur tous les problèmes soulevés. Or, les syndicats, et pas seulement l’UGTA, ne fonctionnent pas toujours démocratiquement.

. La question de l’UGTA :

L’histoire du mouvement syndical a été rappelée par plusieurs intervenants pour mettre en lumière le fait que la lutte syndicale dans notre pays n’est pas tombée du ciel ni née d’hier. Elle dispose au contraire d’une longue histoire et d’une riche tradition, largement méconnue des nouvelles générations de syndicalistes. Ont été évoquées l’histoire syndicale sous la colonisation, avant et après que les travailleurs algériens puissent adhérer aux syndicats et y prendre des responsabilités. En dépit de la colonisation, les travailleurs luttaient et s’organisaient dans des syndicats. Certains de ces derniers étaient réformistes, d’autres révolutionnaires. La classe ouvrière algérienne était essentiellement constituée à l’époque de mineurs et d’ouvriers agricoles. C’est là que les syndicats étaient implantés.

La création de l’UGTA, en pleine guerre de libération nationale, a marqué l’histoire de cette organisation. Les syndicats naissent traditionnellement à la base, à partir des luttes et de l’action quotidiennes des travailleurs. Or, l’UGTA fut créé par en haut – à l’instar des partis – car le FLN entendait exercer une hégémonie absolue sur les travailleurs.

D’autres intervenants iront dans le même sens en soulignant que l’UGTA ne fut pas le fruit de l’unification de syndicats de branches dans une confédération, mais le résultat d’une décision de création d’une centrale. En pleine guerre de libération nationale, le politique pesait énormément sur le syndicalisme. Cette volonté de caporalisation va se perpétuer après l’indépendance. Son but était d’empêcher les travailleurs de disposer de leur propre organisation indépendante pour se défendre et pour peser dans le sens d’une révolution socialiste. De nombreux syndicalistes seront exclus, d’autres seront achetés ou aspirés dans les appareils politiques (FLN) ou administratifs.

Dans les années 1980, on disposait, aux meilleurs moments, des politiques qui faisaient du syndicalisme. Il a suffi du petit rouleau compresseur du pouvoir pour que tout s’écroule. Par la suite, la répression, la disparition du PAGS, l’application du Plan d’ajustement structurel, l’action politique et militaire de l’islamisme, la complicité de la direction menée par Sidi Saïd et le soutien du PT à Bouteflika se sont conjugués pour affaiblir le combat des travailleurs et l’UGTA.

Aujourd’hui, la nécessité de ne pas confondre la direction et la base de l’UGTA a été soulignée par maints intervenants. Des travailleurs et des syndicalistes très combatifs et parfois conscients et formés existent dans l’organisation actuellement dirigée par Abdelmadjid Sidi Saïd. Il suffit pour s’en convaincre de consulter la liste des luttes et grèves menées par des sections syndicales et des syndicats d’entreprise appartenant à l’UGTA alors même que la direction de la centrale est « tenue » par la signature d’un pacte économique et social visant à entraver le droit de grève des travailleurs et que le pouvoir utilise systématiquement la justice pour attenter aux libertés syndicales et casser ainsi les luttes des travailleurs. La répression (passage en commission de discipline, exclusion…) de syndicalistes de base, de cadres intermédiaires voire, plus rarement, de dirigeants nationaux au sein de la centrale confirme cette dualité entre une direction bureaucratique étroitement intégrée au régime et des syndicalistes combatifs et sincères qui expriment les revendications des travailleurs et qui tentent de les faire aboutir par l’action.

. La question des syndicats autonomes :

Les syndicats autonomes constituent une réalité contrastée. Certaines organisations sont des coquilles vides. D’autres s’avèrent extrêmement actifs et combatifs. Si des syndicats sont attentifs à fonctionner démocratiquement, d’autres recourent aux mêmes pratiques antidémocratiques que celles utilisées par les bureaucrates de l’UGTA. D’autres enfin sont de simples clones créés artificiellement par le pouvoir pour paralyser et entraver l’action des syndicats combatifs et revendicatifs.

Les syndicats autonomes sont divisés. Dans le même secteur (éducation, santé…) on trouve plusieurs organisations concurrentes. Cette division ainsi que le corporatisme ne tombent pas du ciel. Ils sont encouragés par le pouvoir. C’es ainsi que les différences entre corporations (médecins, corps communs et paramédicaux dans la santé ; enseignants et autres personnels voire enseignants de différents paliers) atomisent le mouvement syndical qui peine à réaliser son unité, ce qui pèse négativement sur sa capacité de lutte face à l’administration. Peu de syndicats autonomes prennent position sur des questions dépassant le cadre immédiat de la relation employeurs/employés. La défense de l’école publique et de la santé publique ne sont pas reprises par certains syndicats de ces secteurs qui ne vont pas au-delà de revendications salariales et de statuts. Quels sont les syndicats autonomes qui se sont opposés à la loi Khelil sur les hydrocarbures qui engageait pourtant l’avenir du pays tout entier ?

Un autre obstacle réside dans la répression dont sont victimes les syndicalistes et dans la violation des libertés syndicales (droits de grève…) par le gouvernement qui actionne la justice.

L’éparpillement du mouvement syndical reflète également les divisions objectives du prolétariat en Algérie, c’est-à-dire de ceux qui vivent exclusivement du produit (salaire) de la vente de leur force de travail. Divisions entre chômeurs et retraités d’un côté et travailleurs actifs de l’autre, entre travailleurs de la Fonction publique et travailleurs du secteur économique public, entre ces derniers et ceux du secteur privé national et étranger… Ceci, sans parler des divisions idéologiques et politiques qui aboutissent à créer des organisations syndicales distinctes.

. La question des perspectives :

En matière de formation, l’idée d’unir les forces des différentes organisations autonomes pour créer une école de formation a été soulevée. Mais elle pourrait aussi se réaliser avec des syndicalistes et anciens syndicalistes de l’UGTA qui ont reçu une formation parfois solide et qui disposent d’une expérience plus ou moins avérée. Les moyens écrits (brochures, bulletins, articles, internet…), mais aussi audiovisuels (CD audio, data show, films…) devraient contribuer à former les nouvelles générations de syndicalistes.

La nécessité de se lutter pour se réapproprier l’UGTA a été abordée. On constate en effet que de nombreux adhérents de cette organisation et des cadres syndicaux de base voire intermédiaires se battent quotidiennement sans l’aval de leur direction. La construction d’un mouvement syndical puissant et à même de résister au diktat du pouvoir capitaliste est à l’ordre du jour. La question de l’unité, par-delà les sigles et les frontières organisationnelles formelles, s’avère essentielle. Il y a urgence à réaliser l’unité d’action pour dépasser les divisions et créer un rapport de forces favorable aux travailleurs face au patronat et au gouvernement. Il ne s’agit pas de choisir une ou des organisations contre d’autres, mais de pousser dans le sens de l’union des forces, de la démocratie interne, de la formation et du développement d’une conscience de classe.

Pour certains intervenants, la multiplicité des syndicats est une bonne chose parce qu’elle permet aux travailleurs de choisir leur organisation. Le temps des syndicats et partis uniques est révolu. La plupart regrettent en revanche le morcellement actuel qui constitue certainement un passage obligé, mais qui doit être dépassé, à partir des luttes et non par une simple unification des sigles.

D’autres questions ont été évoquées, mais ont été insuffisamment débattues, faute de temps. On peut citer la question des rapports entre partis et syndicats, celle du recul de l’industrie et ses conséquences sur la physionomie, la conscience et l’organisation de la classe ouvrière algérienne, celle de l’absence de presse syndicale…

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Sources : Perspectives socialistes - afaqichtirakiya.wordpress.com/