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Sixème année de guerre, il y a un demi-siècle

PCA, 1960 : "NOTRE PEUPLE VAINCRA"

UNE ANALYSE CRITIQUE ET MOBILISATRICE

mercredi 25 août 2010

C’est le cinquantième anniversaire d’une publication essentielle du PCA. Pour qui veut connaître de plus près la situation algérienne en cette période précise, les orientations des uns et des autres après six années d’une guerre de libération implacable, il est utile de consulter la brochure éditée à ce moment crucial par le PCA sur le sol national.
Dans une analyse vigilante des facteurs objectifs et subjectifs du combat, excluant le pessimisme et l’euphorie, la brochure illustre l’expérience de lutte acquise sur le terrain et sur une base de principe par les secteurs conséquents du mouvement patriotique. Elle souligne que "ni découragés par les échecs partiels momentanés ou par la longueur de la lutte, ni grisés par les succès, les Algériens peuvent à bon droit être certains que leur lutte se fraiera un chemin jusqu’à la victoire...
Mais comment devant chaque événement envisager l’avenir sans tomber d’illusions brûlantes en froides désillusions ?"

Ces mêmes orientations et préoccupations avaient été exprimées les deux années précédentes par les lettres adressées au GPRA, déjà publiées sur ce site.
Ultérieurement, SOCIALGERIE fera connaître les conditions concrètes dans lesquelles cette brochure a été préparée, discutée, rédigée et diffusée en direction des milieux où elle pouvait avoir le plus grand impact.
Nous n’imaginions pas à ce moment que les évènements allaient aussi rapidement confirmer la validité de ces analyses, à travers notamment le tournant des grandioses manifestations populaires de décembre 1960.
Une fois de plus, c’était la démonstration qu’une juste mobilisation politique est le facteur décisif pour la transformation positive du rapport des forces.

« Il n’y a rien de plus doux pour un homme que sa patrie ».
(HOMERE – L’ ODYSSEE).

Le 14 juin 1830, la bourgeoisie française avide d’expansion, débarquait ses troupes à Sidi Ferruch. « …Anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens… » c’était alors le mot d’ordre civilisateur du Maréchal de Saint Arnaud à ses officiers et soldats…

Mais gloire au peuple algérien, à ses héros indomptables ! À l’issue de la sixième année de guerre pour la libération, il est clair que les colonialistes n’ont réussi ni à nous anéantir, ni à nous faire ramper.

Bien plus, cent trente ans jour pour jour après l’agression française contre l’Etat algérien souverain, le chef de l’ État français a été contraint de parler du « peuple algérien » qu’il s’obstinait quelques mois auparavant à exclure de l’histoire des nations et à réduire à une poussière de « communautés ». Des pourparlers préliminaires se sont officiellement engagés, en juin dernier entre émissaires des deux gouvernements. Bien que ces pourparlers aient été sabotés par les colonialistes, une nouvelle étape s’est ouverte dans notre combat. La récente session de l’ONU. Montre à quel point, face à un de Gaulle qui croit pouvoir impunément tourner le dos à la planète entière, la cause de l’Algérie a gagné le soutien de toute l’humanité progressiste. Et voilà qu’après ses rodomontades du 5 septembre, de Gaulle en est arrivé le 4 novembre à signer l’avis de décès de « l’Algérie française », et à parler de la République Algérienne, mot d’ordre sous lequel s’est concrétisé depuis près de 20 ans l’aspiration puissante et séculaire des Algériens à la libération, mot d’ordre devenu réalité depuis que cette République s’est donnée, il y a deux ans, son gouvernement. Quel chemin parcouru depuis la conquête et quelle fierté pour les Algériens !

Forgée dans les dures épreuves, la nation algérienne réclame, les armes à la main, son droit à l’existence. Aucune force au monde ne pourra l’en priver. Nous sommes au vingtième siècle, ce « quatorzième siècle » du calendrier musulman, dont nos vieilles gens disaient qu’il serait celui de « la fin du monde » et qui est seulement celui de la fin du vieux monde impérialiste, condamné à mort depuis la Grande Révolution d’Octobre 1917. L’État algérien, son drapeau, son armée, son gouvernement, tombés le siècle dernier sur les champs de bataille de la conquête, sont à nouveau debout, alors que la marée libératrice des peuples encercle de toutes parts les impérialistes.

En six ans d’efforts inouïs, les Algériens sont parvenus à creuser la tombe du colonialisme français. Il reste maintenant à l’y précipiter et tout montre qu’il ne se laissera pas faire de bon gré. Rarement peuple a payé aussi cher que le nôtre le prix de la liberté et du bonheur. Nous avons appris que la victoire de la Révolution algérienne ne sera pas seulement une question de courage et d’amour, mais aussi une question de ténacité et de lucidité devant les obstacles. Nous avons appris à mesurer ces obstacles, à mieux connaître l’ennemi qui, bien qu’affaibli, demeure féroce et malfaisant et s’efforce à chacun de ses reculs de regagner le terrain perdu.

Notre peuple a grandi et mûri dans les luttes de libération. Voilà pourquoi, assoiffé de paix, il mène aujourd’hui la guerre avec résolution, afin précisément d’en finir pour toujours avec la guerre. Notre peuple tirera de l’expérience des six années écoulées dont nous dressons aujourd’hui un bilan, une conscience accrue qui sera une arme redoutable contre l’ennemi dans les luttes à venir.

Nous avons, bien avant ce jour, exposé les positions de notre Parti sur divers problèmes de la guerre de libération. Nous l’avons fait, conscients de nos devoirs, car ce doit être là une tâche sacrée, non seulement du gouvernement, mais de toutes les organisations nationales et de chaque Algérien à qui importe le salut de la Patrie. C’est pour servir notre peuple et notamment l’éclairer dans le cours de la lutte tout en nous mettant à son école, que nous avons maintenu notre Parti vivant à travers les épreuves de la guerre. Notre devoir est encore plus pressant aujourd’hui. « Nous devons mobiliser toutes les énergies et appeler à l’union de tous » a déclaré le président Ferhat Abbas dans son appel à la Nation algérienne le 5 juillet dernier. Les communistes répondent une fois de plus « Présents » ! Notre Parti ne veut pas se dérober à la lourde responsabilité que lui vaut, depuis sa fondation, sa situation au point de rencontre de deux courants historiques : les nobles traditions d’un peuple qui n’a jamais marchandé son sang dans la voie de la liberté et de la dignité et le courant triomphant du marxisme-léninisme universel, dont les enseignements scientifiques, répondant aux aspirations matérielles et morales ardentes des masses, bouleversent la face du monde.

La lutte de libération qui a déjà suscité tant de dévouements, tant de sacrifices, ne restera pas inachevée. Le temps du colonialisme dans notre pays est désormais compté.

I. UN BILAN POSITIF

A. LES SUCCÈS SUR LE PLAN MILITAIRE.

Le peuple algérien, sans l’A.L.N., ne serait encore qu’un esclave à genoux. L’A.L.N. c’est le bras droit du peuple. Du jour où les patriotes algériens, aguerris par de nombreuses luttes politiques, furent en mesure de répondre aux armes par les armes, les bases de la domination française furent ébranlées comme elles ne l’avaient jamais été. Il n’est pas une seule de nos conquêtes, si minime soit-elle, dont on ne soit, depuis novembre 1954, directement ou indirectement redevable à la lutte armée. Il importe de le rappeler à l’heure où un de Gaulle s’efforce de discréditer cette lutte armée en déclarant sans cesse : « La guerre que vous menez n’a plus de véritable explication… »

L’ennemi, pour sa part, l’a très bien compris. Dès le début il a jeté dans la bataille des forces considérables, supérieurement équipées, pour tenter l’anéantissement de l’instrument de guerre forgé par notre peuple.

Cela n’a pas empêché l’ALN de se développer. Pour trois mille hommes en 1954, elle compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de combattants (troupes régulières et unités de partisans). Malgré des pertes humaines très grandes, le problème des effectifs ne soulève pas de difficultés pour l’A.L.N.. L’A.L.N. est une armée nationale, unifiée sur la base d’un programme politique commun sous la direction du F.L.N., puis du G.P.R.A. C’est sur cette base politique et anti-impérialiste que s’est opérée, en 1956, à la suite d’un accord entre le P.C.A. et le F.L.N., l’intégration dans l’A.L.N. des communistes combattant dans l’organisation « Les Combattants de la Libération ». L’A.L.N. est doté d’un État-Major unifié depuis la Conférence de Tripoli. Son organisation centralisée et ses liaisons, la coordination de ses opérations pour l’ensemble de l’Algérie, n’empêchent pas une certaine autonomie et une grande initiative à l’échelle des wilayas et des zones. L’armement s’est amélioré en quantité et en qualité. Les fusils de chasse ne se trouvent plus que dans les groupes de partisans. À l’armement léger approprié à cette forme de guerre, se sont ajoutées des armes collectives automatiques, du matériel de sabotage plus perfectionné (mines télécommandées), du matériel de transmission. Dans certaines régions, les unités sont même dotées d’armements semi-lourd : mitrailleuses, mortiers, bazookas, sans compter près des frontières les canons sans recul et les canons anti-aériens.

Enfin, et surtout, les années écoulées ont fait la preuve du courage et de l’endurance de l’A.L.N., de ses qualités combatives, de son expérience croissante et de ses capacités à s’adapter rapidement et à riposter aux plans successifs de l’ennemi.

Pourquoi l’A.L.N. s’est-elle révélée invincible à l’épreuve ? Essentiellement parce qu’elle mène une guerre juste, parce qu’elle est au service des aspirations profondes du peuple algérien. Aussi combat-elle avec un moral élevé. C’est une armée populaire, assurée de l’adhésion des grandes masses. La paysannerie est l’immense réserve dans laquelle l’A.L.N. puise ses effectifs et son infrastructure. C’est grâce à nos fellahs, attachés au sol natal et en connaissant les moindres replis, que les forces énormes de l’ennemi sont contraintes à la dispersion sur un territoire étendu et hostile. Forte de ce soutien, l’A.L.N. est à même d’appliquer la stratégie et la tactique des guerres révolutionnaires.

Face à l’A.L.N., l’armée d’occupation française a un but de guerre injuste : le maintien d’un régime rétrograde haï par notre peuple, condamné par l’histoire et l’opinion mondiale. Beaucoup de soldats et même d’officiers français en ont conscience et leur moral s’en ressent. Cette situation est sans cesse aggravée par une crise sérieuse d’effectifs ainsi que par un manque d’encadrement, dû à la désaffection des jeunes français pour la carrière d’officiers.

De grands chefs de l’armée française continuent pourtant à présenter l’A.L.N. au bord de la catastrophe. Mais si la situation militaire indiquait un réel essoufflement de l’A.L.N., pourquoi l’état-major français a-t-il supprimé la publication de ses bilans hebdomadaires, déjà fortement tronqués ? Si la « pacification » était en vue, pourquoi de Gaulle a-t-il parlé en mars dernier, de la possibilité d’une guerre très longue ? Le 4 septembre dernier, un article d’un journal d’Alger, entièrement inspiré par l’État-Major français, était contraint d’évoquer le caractère « décourageant des attentats spectaculaires et des meurtrières embuscades ». Car la vérité arrive à percer même à travers les « informations » colonialistes.

La vérité est que, malgré les puissants moyens successivement mis en œuvre dans chaque région et depuis vingt mois par le plan Challe, l’ALN n’a pu être détruite. Ses unités ont su à chaque fois se disperser, soit pour se regrouper dans d’autres régions, soit pour poursuivre sur place leurs actions par petites unités encore plus insaisissables. Dix-huit mois après la prétendue « pacification », l’Ouarsenis, cœur de la Wilaya IV, a vu de nouveau la 10ème Division parachutiste s’épuiser dans des opérations telles que celles consistant à lancer trois régiments, appuyés par l’aviation, contre un groupe d’une quinzaine de soldats de l’A.L.N. Comme l’a constaté un colonel français, « les opérations du type "Jumelles" le prouvent bien, après le passage des réserves, si on ne reste pas, tout est à recommencer au bout de trois semaines ». Et Crépin, le nouveau commandant en chef français, a dû pour cette raison, rejeter la suggestion du général Gambiez de retirer les troupes des régions soi-disant pacifiées.

En fait, de nombreux harcèlements, de meurtrières embuscades, avec prises d’armes et de matériel n’ont cessé à maintes reprises de secouer rudement l’optimisme officiellement affiché par les colonialistes. Que ce soit dans le sud Oranais, le Dahra, l’Ouarsenis, le Zaccar, l’Atlas Blidéen, le Sud Algérois, le Djurdjura, la Soummam, les Aurès, le Nord-Constantinois ou au cœur du Sahara, les troupes française ont peine à faire face à la situation et continuent à subir des pertes sérieuses, en particulier parmi les officiers et les sous-officiers, de plus en plus obligés de payer de leurs personnes pour entraîner leurs soldats peu enclins à s’exposer aux dangers. Les forces colonialistes se sont montrées incapables de maintenir la sécurité dans nombre de zones névralgiques. Au Chenoua, malgré des ratissages spectaculaires, les patrouilles de légionnaires ont continué à être attaquées, de nouvelles fermes de colons ont brûlé et Zevaco, le directeur du journal ultra - colonialiste « L’Echo d’Alger » a trouvé un juste châtiment. Dans la Mitidja, les actions armées se déroulent aux portes mêmes du Grand Alger. Sur de grands axes routiers comme la nationale 4 (Alger – Oran), la circulation est interrompue dès 16 heures dans la région de l’Oued Djer.

La situation n’est pas moins préoccupante pour l’ennemi dans les zones du pays proches des frontières tunisienne et marocaine. En partie pour justifier une éventuelle agression contre la Tunisie, les officiers supérieurs français ont sonné à diverses reprises l’alarme sur la situation dans ces régions. Mais il arrive aussi souvent que l’état-major français fasse le silence sur les résultats des furieux engagements qui s’y produisent, comme celui qui s’est déroulé en août dernier près de la frontière marocaine, et pour lequel on chercherait en vain dans la presse colonialiste une allusion aux pertes françaises qui nécessitèrent pourtant un va-et-vient incessant d’ambulances durant toute la journée. Commencée en juillet 1959, la campagne de harcèlement contre les barrages, menée par des unités de l’A.L.N. fortement armées, bien entraînées, fait peser une sérieuse menace sur le dispositif français coûteusement établi dans ces régions. Elle contraint les colonialistes à immobiliser une grande partie des unités d’élite qu’ils auraient voulu utiliser à la poursuite du plan Challe.

Ainsi, durant six ans, portant à un point élevé l’héroïsme et l’esprit de sacrifice, poursuivant inlassablement la guérilla, les unités régulières de l’A.L.N., aidées par des partisans et le peuple tout entier, ont pu préserver leurs forces essentielles et aboutir au fait que, nulle part en Algérie, l’ennemi, malgré son énorme machine de guerre, ne peut se sentir en sécurité. Les troupes françaises sont contraintes, sur le sol de notre patrie, à l’alerte permanente, à la défensive, à l’usure matérielle et morale. L’A.L.N. a créé et maintient dans la plupart des régions du pays des conditions politiques favorables aux Algériens et défavorables à l’ennemi. C’est grâce à elle qu’il a été, par exemple, impossible aux colonialistes de mettre en œuvre leur ridicule « réformette » agraire. C’est grâce à elle que les colons cherchent à vendre leurs terres à moitié prix ou ont été au contraire amenés à apporter leur aide à l’A.L.N., (jusqu’au maire du Telagh, vice-président de la Fédération des maires d’Oranie !). La pression implacable de l’ A.L.N., hantise de l’ennemi, rendra chaque jour plus intenable la situation générale des colonialistes. Elle aggravera toujours plus la situation économique, financière et sociale française, déjà fortement bouleversée.

B. LES SUCCÈS POLITIQUES DE LA CAUSE ALGÉRIENNE

a) Sur le plan algérien. Des succès d’une grande portée :

Depuis que la flamme de l’Insurrection s’est allumée dans notre pays, le peuple algérien a atteint déjà plusieurs des objectifs politiques qu’il s’était assignés. Ces succès constituent autant d’étapes qui faciliteront notre marche en avant vers la conquête de l’indépendance.

Le premier succès décisif a été la constitution en septembre 1958 du Gouvernement provisoire de la République Algérienne. La lutte libératrice a fait surgir de la longue nuit coloniale un gouvernement algérien, porté par la confiance de toute la Nation, jouissant du soutien des plus larges masses tendues dans l’effort de la guerre. L’existence et l’activité de ce gouvernement ont à leur tour joué un rôle mobilisateur, renforcé la cohésion des masses, ont élevé leur vigilance, ont décuplé leur enthousiasme et leurs espoirs dans les perspectives de victoire. Le G.P.R.A. a mis en place les premières structures et institutions du nouvel État algérien. Il a notamment, en un court laps de temps, pourvu à la formation de cadres administratifs et de techniciens plus nombreux que ceux que les colonialistes ont été capables de former en des dizaines d’années de domination. Sur le plan extérieur, l’audience réelle du G.P.R.A. dépasse le nombre des pays qui l’ont officiellement reconnu : il a obtenu à plusieurs reprises à l’O.N.U. un nombre de voix double de celles qui soutiennent les positions françaises. En dehors des gouvernants amis, nombre de pays du camp impérialiste considèrent le G.P.R.A. comme le représentant valable de l’Algérie.

Le deuxième succès politique de grande portée a été, le 16 septembre 1959, la reconnaissance par le Chef de l’Etat français du droit de notre peuple à l’autodétermination. Etant donné les aspirations profondes de notre peuple, que la guerre n’a fait que renforcer, il ne fait aucun doute que c’est l’indépendance nationale que choisiraient les Algériens dans le cas d’une réalisation loyale est sans restriction de ce droit à l’autodétermination. Aussi, la proclamation de ce droit n’a-t-elle pas été un geste de bonne volonté de de Gaulle. Elle lui a été arrachée sous la pression de notre peuple, de l’opinion française et internationale. Le G.P.R.A. ainsi que notre Parti ont rejeté toutes les conditions par lesquelles de Gaulle prétendait réduire à néant la réalisation pratique de ce droit. Les déclarations et les actes du gouvernement français, la « tournée des popotes » ont bien mis en lumière cette intention de de Gaulle et justifié la position du G.P.R.A. qui a fini par démasquer cette duplicité.

Voyant une fois de plus, se resserrer contre sa politique la pression implacable des Algériens et de l’opinion française et internationale, de Gaulle a été contraint « d’accepter » la discussion en vue « d’une fin honorable des combats ». Mais les pourparlers de Melun ont fait éclater au grand jour la position indéfendable des néocolonialistes français qui, non seulement, se sont refusés à lier la discussion sur le cessez-le-feu aux discussions nécessaires avec le G.P.R.A. sur les garanties de l’autodétermination mais ont entouré la discussion sur le cessez-le-feu de conditions inadmissibles, équivalant à une mise en demeure de capitulation. Les patriotes, les organisations et le gouvernement algériens n’accepteront l’ouverture de nouveaux pourparlers que si de telles conditions sont abandonnées par la France. Après l’échec de ces premiers pourparlers, le G.P.R.A. a appelé notre peuple à poursuivre l’effort de guerre avec vigilance et résolution. En même temps, le G.P.R.A. laissait la porte ouverte à la négociation. Ce geste a achevé de démasquer de Gaulle, même auprès de certains milieux européens ou musulmans d’Algérie qui entretenaient encore des illusions sur le « libéralisme » de de Gaulle. En effet, ce dernier a répondu aux ouvertures du G.P.R.A. par la poursuite de la guerre à outrance, les exécutions de patriotes algériens, la mise en place des commissions de pseudo-élus, actes en tout point conformes à l’esprit de sa déclaration du 5 septembre dernier, et dont la poursuite est annoncée dans sa déclaration du 4 novembre. Par cette déclaration, puis par l’annonce d’un prochain référendum sur « l’organisation des pouvoirs publics en Algérie », de Gaulle viole encore une fois le principe de l’autodétermination en décidant de nous octroyer des institutions. Notre peuple ne reconnaîtra pas ces institutions même si elles sont qualifiées de « provisoire », de la même façon qu’il n’a pas reconnu celles prévues par la fameuse loi-cadre. Et il boycottera massivement le référendum gaulliste comme il a boycotté toutes les mascarades électorales auxquelles les colonialistes l’ont soumis depuis 6 ans.

Devant la lourde responsabilité des gouvernants français dans la prolongation de l’oppression et des terribles souffrances engendrées par la guerre, devant leur refus de recourir à des négociations directes, que le F.L.N. et notre Parti ont toujours considérées comme la meilleure voie pour la solution du problème algérien, le G.P.R.A. a demandé que le referendum d’autodétermination soit organisé et contrôlé par l’O.N.U. Cette proposition a le soutien massif de notre peuple, qui y voit un bon moyen de mettre les colonialistes à la raison et d’imposer la fin de leur sale guerre. Avec le fait capital que constitue la reconnaissance de fait du G.P.R.A. par le gouvernement soviétique et l’appui inconditionnel à la cause algérienne de l’URSS, de la Chine et de tout le camp socialiste, dans un monde où le rapport de forces entre camp socialiste et camp impérialiste a radicalement changé et où les pays afro-asiatiques font de plus en plus entendre leurs voix, la façon plus claire dont le problème algérien est posée cette année à l’O.N.U. exercera une pression accrue sur le gouvernement français dont l’isolement sur le plan international est chaque jour plus sensible. Cette pression est l’un des principaux facteurs à l’origine de la déclaration du 4 novembre du général de Gaulle selon laquelle « la République Algérienne existera un jour ». Sans être dupe de la volonté gaulliste de manœuvres, sans oublier le caractère purement verbal de cette déclaration et les restrictions que de Gaulle a apportées par avance à la souveraineté de la République Algérienne, le PCA considère cette prise de position comme un nouveau et important succès du peuple algérien et de sa jeune armée nationale. Cette déclaration légitime en effet involontairement le soulèvement de 1954. Elle est, suite à la proclamation de l’autodétermination, l’aveu flagrant de l’échec politique de l’armée française d’occupation, comme le prouve le grand désarroi des milieux ultras d’Algérie. Elle confirme bien que la liberté ne s’offre pas, mais s’arrache par la lutte.

L’échec des manœuvres colonialistes

Combien, à côté de ces grands succès politiques, apparaissent misérables les manœuvres à retardement colonialistes, s’efforçant désespérément de modifier les données du problème algérien, de donner un autre cours aux aspirations nationales de notre peuple. Les colonialistes ne cessent de bavarder sur la nécessité de mettre fin aux « injustices anachroniques », sur la « libération sociale » et la « promotion » des individus. C’est de Gaulle, avec son plan de Constantine et ses rêves de « troisième force nationaliste » qui a poussé avec le plus d’esprit de suite à l’exécution de tels plans politico-économiques de rechange. Mais à l’heure où la « pacification » avec son cortège sanglant fait si bon marché de ce que notre peuple a de meilleur en hommes, en richesses matérielles et spirituelles, quel Algérien prêtera le moindre crédit à ces plans qui sont un instrument de combat contre nos aspirations nationales, dont la portée est dérisoire et qui ne correspondent pas à nos besoins ou vont à leur encontre ? Dans leur grande masse et suivant les cas, les Algériens, ou bien ont boycotté les maigres réalisations entreprises dans le cadre de ces réformes, ou bien ont mis à profit certains de leurs avantages matériels immédiats, tout en rejetant leur contenu politique de diversion anti-nationale.

Le 5 septembre dernier, de Gaulle avait de bonnes raisons de garder le silence sur les 250.000 hectares de terres qu’il avait promis, il y a deux ans, de vendre à crédit à nos paysans démunis de tout. Sur ces 250.000 hectares, qui représentent moins du dixième des terres que nos fellahs pourront acquérir gratuitement dans le cadre de l’indépendance et de la véritable réforme agraire, à peine 30.000 hectares auraient été préparées pour la vente. Encore, n’ont-ils pas trouvé acquéreurs !

Trois cent soixante-dix moyennes et petites entreprises industrielles auraient été agrées par Delouvrier. Les capitaux privés recueillis n’ont atteint que 83 milliards d’anciens France, soit moins du quart des 400 milliards qui auraient dû être investis depuis deux ans, c’est-à-dire depuis le lancement du plan de Constantine, et ce malgré les avantages financiers et les primes accordées aux entreprises nouvelles par l’État français (soit 40 % pour les 83 milliards actuels). Cet échec des investissements privés est le fait de l’insécurité et aussi le « manque de confiance dans l’avenir » pour citer le journal « Le Monde ». Ces entreprises, ainsi que le complexe sidérurgique de Bône et les grandes industries pétrolières, outre qu’elles préparent par leur répartition géographique le partage politique dont de Gaulle nous menace, ne sont pas conçues pour la satisfaction des besoins du marché algérien. Ce sont des prolongements sur notre sol des industries françaises ou occidentales, installées uniquement au profit des capitalistes étrangers. Ni la bourgeoisie algérienne, ni les masses populaires ne peuvent espérer en tirer des avantages. Il n’y aura d’industrialisation rationnelle et profitable à notre peuple que dans l’indépendance nationale et dans la paix. En attendant, les quelques milliers d’emplois fournis par ces entreprises agrées sont impuissants à améliorer les conditions de vie de centaines de milliers d’ouvriers et employés algériens dont les salaires sont restés bloqués depuis des années, à la suite de la répression qui frappe toute revendication et toute activité syndicale digne de ce nom. La situation précaire des petits commerçants algériens a encore empiré. Ceci au moment où la plupart des foyers urbains doivent accueillir des centaines de milliers de parents réfugiés ou sans emploi !

La scolarisation –dans des conditions très souvent lamentables- de dizaines de milliers d’enfants nouveaux peut-elle nous faire oublier le drame de l’éducation de l’enfance algérienne, avec ses centaines de milliers d’enfants orphelins ou séparés de leurs parents, vivant journellement les affres d’un régime inhumain ? Peut-elle nous faire oublier que, pour l’essentiel, l’enseignement n’est pas fait dans la langue nationale et que les médersas sont toujours fermées ?

La « promotion des élites » ? Un rapport officiel de Delouvrier reconnaît les « réticences » des Algériens à prendre des responsabilités. Ceux, rares, qui sont l’objet de cette « promotion » sont pour la plupart conscients du choix devant lequel le colonialisme les place : accepter de mettre un doigt dans l’engrenage de la collaboration contre leur peuple, ou bien être rapidement en butte à la méfiance instinctive des autorités françaises contre tout Algérien instruit. Nous sommes sûrs que, dans leur majorité, les bénéficiaires de ces réformettes ont gardé leur foi patriotique et trouveront divers moyens de le prouver.

La loi française a prétendu améliorer le sort des femmes algériennes. Ces dernières ont compris depuis longtemps que ce n’est pas par une quelconque loi colonialiste étrangère, mais par leur participation effective à la lutte et aux sacrifices communs qu’elles ont déjà conquis des droits réels, un plus grand respect et une place plus grande aux côtés des hommes dans la société algérienne, toutes conquêtes que l’indépendance élargira et consolidera.

Ainsi la lutte du peuple algérien met en pièces toutes les manœuvres néo-colonialistes. C’est cette lutte même qui est à l’origine des contradictions entre les néo-colonialistes et les ultras, contradictions qui ont connu leur point culminant après la déclaration gaulliste du 4 novembre, continuant ainsi à miner et à affaiblir les forces colonialistes en général, aussi bien en Algérie qu’en France.

Où en est l’Algérie nouvelle ?

De Gaulle a émis la prétention de « révéler petit à petit l’Algérie à elle-même ». Comme si la guerre que le peuple algérien mène depuis six ans avec une cohésion et un courage admirables n’était pas la plus haute preuve de sa conscience nationale et de sa maturité politique !

De Gaulle qui a étouffé la démocratie dans son propre pays, prétend la faire revivre dans le nôtre en y organisant périodiquement des élections, alors que notre sol est occupé et que la guerre fait rage. De ces mascarades, déjà vomies par les Algériens avant-guerre, il a tiré des « élus » parmi lesquels ne figurent même plus la plupart des « béni-oui-oui » qui collaboraient avant guerre avec les colonialistes. Et même parmi ces nouveaux « élus », certains éprouvent le besoin de parler de la nécessité de négocier avec le G.P.R.A. et de lui fournir des garanties ; d’autres saisissent la première occasion favorable pour démissionner ou rallier le FL N. La situation est telle que « Le Figaro » parle de « fuite » des « élites » et écrit que la situation rappelle celle qui a précédé le manifeste des « 61 » après l’insurrection de 1954. Dans certaines régions les « élus » font la grève administrative sous la pression des masses.

De Gaulle a affirmé : « Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des réalités ». Sa tentative de créer une troisième force nationaliste n’est précisément qu’un rêve creux. Dans les conditions de la guerre de libération, toutes les classes sociales algériennes, à l’exception d’une poignée de féodaux, se sont unies contre l’ennemi commun : la bourgeoisie colonialiste française. Ces classes sont conscientes de ce qu’elles peuvent, ensemble, obtenir en poursuivant dans l’union et jusqu’au bout une lutte résolue. L’indépendance nationale est apparue de plus en plus, au cours des années écoulées, comme la condition première à la solution de tous les problèmes politiques, économiques, sociaux et culturels, posés à toutes les couches sociales du pays.

Voilà pourquoi « l’Algérie nouvelle » n’est pas celle qu’évoque dans leurs discours les Lacoste, Guy Mollet, Debré et la demoiselle Sid Cara, ni l’Algérie lointaine que de Gaulle voit dans ses rêves. L’Algérie nouvelle, c’est l’Algérie combattante qui n’a pas attendu leur permission pour exister et qui finit de forger son unité dans le feu de la guerre révolutionnaire. C’est l’Algérie des maquis, connue de chaque enfant de chez nous, qui y a ses frères, ses cousins, ses voisins. C’est l’Algérie vers laquelle vont les sommes d’argent prélevées chaque mois sur le maigre salaire du manœuvre, ou les galettes encore chaudes déposées furtivement à deux pas du sentier. C’est l’Algérie qui est née le jour où le fellah, qui ne connaissait d’uniformes que ceux des gendarmes et garde-forestiers français, a vu surgir à la djemaa du village les uniformes frappés de l’étoile et du croissant, ceux de ses frères, fellahs, ouvriers et intellectuels, venus réveiller avec des paroles brûlantes ses propres espoirs longtemps contenus. C’est l’Algérie qui, depuis six ans, s’est trempée dans les combats armés et l’aide aux combattants, dans la résistance quotidienne à la répression et aux manœuvres colonialistes. L’Algérie nouvelle, c’est l’Algérie forgée dans les maquis et les prisons, dans les chambres de tortures et devant les tribunaux colonialistes, sur le sol national et dans l’exil, c’est l’Algérie qui bâtit victorieusement chaque jour son avenir de nation libre, indépendante et démocratique, en brisant les chaînes d’un colonialisme attardé.

b) Sur le plan mondial, nos alliances se renforcent.

Un peuple de dix millions d’habitants dépourvu d’industries n’aurait pu, dans les conditions particulières qui sont celles de l’Algérie, mener la lutte jusqu’à son stade actuel s’il avait été réduit à ses seules ressources. Depuis le début de la guerre, la solidarité des divers peuples et gouvernements à l’Algérie n’a fait que s’accroître, tandis que le cercle des soutiens du colonialisme français n’a fait que se rétrécir.

  • 1°En Afrique du Nord. - De Gaulle, pour l’essentiel, n’est pas parvenu, malgré ses pressions et manœuvres de division, à briser la solidarité à notre égard des peuples et gouvernements tunisien et marocain. L’aide matérielle et morale de ces pays frères à l’A.L.N. et aux réfugiés algériens est considérable. Malgré les réserves importantes qu’on doit faire sur certaines positions des gouvernements tunisiens et marocains à l’égard de de Gaulle, malgré le fait que la solidarité de ces gouvernements ne réponde pas encore à tous les vœux des Algériens et des deux peuples frères, il faut souligner les possibilités de développement de cette solidarité à l’avenir, en raison des menaces croissantes que fait peser la prolongation de la guerre sur l’indépendance et la souveraineté des deux pays voisins, en raison surtout des puissants sentiments de fraternité et d’unité anti-impérialiste qui animent les masses de ces pays frères.
  • 2° En Afrique. – La lutte armée du peuple algérien a grandement accéléré la libération du continent africain. La « Communauté française » elle-même, telle que la voulait de Gaulle, n’a pas résisté plus de deux ans au « vent de l’histoire », grâce en particulier à l’exemple courageux donné par la Guinée. En retour, l’action des peuples africains libérés ou en voie de libération a des conséquences heureuses pour notre lutte. Elle se traduit et se traduira de plus en plus, comme l’a montré l’exemple récent du Mali, par un soutien politique accru à notre cause et des actions d’une efficacité grandissante à l’ONU quelles que soient les pressions exercées par la France sur les gouvernements africains. Ce soutien se traduira également par une aide matérielle telle que celle qui résultera de l’opposition grandissante à la participation à la guerre de soldats africains au sein du corps expéditionnaire français.
  • 3° Les pays du monde afro-asiatique et notamment les pays arabes, auxquels se joignent de plus en plus les pays d’Amérique Latine, en particulier Cuba, accordent à l’Algérie une grande place dans leurs préoccupations. Le rôle de ces pays est décisif lors des débats de l’ONU. La décision de créer des « Brigades de Volontaires » pour combattre aux côtés des Algériens accroîtra symboliquement l’aide matérielle et morale déjà fournie par ces pays sous des formes diverses correspondant à leurs possibilités.
  • 4° La solidarité du prolétariat à l’Algérie s’étend à tout le prolétariat international y compris celui des pays impérialistes et celui du pays qui nous fait la guerre. La visite de de Gaulle en Italie a été accueillie par une campagne d’affiches du Parti Communiste Italien contre lui, tandis que le camarade Togliatti saluait au Parlement la lutte héroïque du peuple algérien. Le parti Communiste de Belgique éduque les ouvriers belges dans l’esprit de l’internationalisme et de la solidarité anti-impérialiste avec leurs camarades algériens travaillant en Belgique. Les partis Communistes d’Amérique Latine combattent la propagande du gouvernement français auprès de ces pays. De façon générale, toutes les luttes menées par les Partis Communistes dans le monde aident directement ou indirectement le peuple algérien.
    De son côté la Fédération Syndicale Mondiale, forte de l’adhésion de cent millions de travailleurs, accroît, par l’intermédiaire de l’UGTA et au sein des comités intersyndicaux internationaux de solidarité, auxquels participe aussi la CISL, l’aide matérielle aux réfugiés et travailleurs algériens. Elle organise avec les Centrales qui lui sont affiliées de nombreuses actions et journées de solidarité.
  • 5 ° Le camp socialiste : Le peuple algérien, au plus fort des épreuves qu’il traverse, a raison de compter sur le soutien du camp socialiste tout entier, à la tête duquel se trouve l’URSS dont la puissance fabuleuse, la ferme résolution face aux impérialistes, sont maintenant connues jusque dans nos douars les plus reculés. Les patriotes algériens ont réagi avec enthousiasme à la réception officielle chaleureuse faite à Moscou au Président Ferhat Abbas, aux discussions fructueuses entre Khrouchtchev et la délégation algérienne à l’ONU, ç la récente visite du président Ferhat Abbas en Chine Populaire, ainsi qu’à la vigoureuse défense de la cause algérienne par le camarade Nikita Khrouchtchev à la tribune des Nations Unies d’où il a également réclamé l’abolition immédiate du système colonial dans le monde entier.
    Comme l’a précisé le camarade Mikoyan à Bagdad, la solidarité du camp socialiste est inconditionnelle. Elle n’est en aucune manière subordonnée dans on fond à telle ou telle circonstance de la vie internationale, pour la simple raison qu’elle correspond à l’intérêt anti-impérialiste commun aux luttes de libération nationale et à la révolution prolétarienne. Dans la pratique, cette solidarité se traduit de façons diverses qui tiennent compte, pour chaque pays socialiste, pour chaque question, des conditions concrètes et du souci de l’ efficacité.
    L’aide directe, c’est en plus d’un soutien politique permanent (à l’O.N.U, etc.), une aide matérielle inestimable dans tous les domaines, ainsi que les facilités accordées aux collectes, aux campagnes d’explication et de solidarité organisés par les Partis et organisations de masse dans ces pays.
    L’aide indirecte du camp socialiste n’est pas la moins importante par ses conséquences réelles. La seule existence du camp socialiste et son combat pour le socialisme et le communisme ont affaibli l’impérialisme, l’ont mis à la portée des coups des peuples coloniaux. Les événements du Liban, de Cuba et du Congo, ont montré que la puissance et l’intervention de l’URSS aux côtés des peuples donnent désormais à réfléchir aux colonialistes. C’est ce qui empêche les Etats-Unis d’accorder un soutien total et sans réserves aux colonialistes français et même les mène parfois à désavouer ces derniers comme à Suez ou à Sakiet-Sidi-Youssef.
    Le camp socialiste est l’animateur de la lutte pour la détente internationale et la coexistence pacifique entre Etats, comme l’a réaffirmé à nouveau la Résolution commune des Partis Communistes et Ouvriers réunis à Bucarest, résolution que notre Parti approuve pleinement. Ce climat est favorable aux luttes de libération. Il contribue à l’isolement des milieux militaristes français qui mènent en Algérie la seule guerre chaude du monde et il diminue la cohésion de l’alliance atlantique. La détente est le résultat de l’affaiblissement des impérialistes, elle aggrave à son tour leur situation au grand profit des peuples.
    Enfin l’aide matérielle et financière désintéressée fournie par le camp socialiste aux pays afro-asiatiques et arabes (RAU, Irak, etc.) permet à ces derniers de mieux résister aux pressions impérialistes et, partant, de nous faire bénéficier de leur aide matérielle.
  • 6 ° L’appui apporté à la France par ses alliés atlantiques, notamment par les Etats-Unis et par l’Allemagne d’Adenauer, est encore important, mais il est inférieur à ce qu’auraient désiré les colonialistes français. L’OTAN est en effet minée par des conflits d’intérêts et des contradictions internes, notamment par les exigences de de Gaulle au sein de cette alliance. D’autre part les pays de l’OTAN ne sont pas libres de leurs mouvements : les progrès du camp socialiste, la lutte des peuples pour une réelle détente, les développements victorieux des peuples afro-asiatiques, la perte de prestige des Etats-Unis dans les pays sous leur tutelle les obligent à tenir compte de la pression des peuples et à mesurer leur soutien à une guerre odieuse.

c) Les difficultés des colonialistes s’accroissent en France même.

Des soldats tués par milliers, plus de trois milliards d’anciens francs dépensés par jour, deux ans de retard de l’économie française sur les prévisions, plus d’un milliard de dollars de devises perdues, un niveau de vie de plus en plus réduit pour les masses laborieuses, l’étouffement de la démocratie et des libertés, le désarroi et parfois la déchéance morale des jeunes qui, à l’aube de leur vie, sont contraints de patauger dans la boue d’une guerre infâme, tels sont les fruits empoisonnés recueillis par la France à la suite de la sauvage agression lancée par sa bourgeoisie impérialiste contre notre peuple.

Sur cette base objective, se déroule une lutte acharnée entre les forces réactionnaires ayant à leur tête les monopoles impérialistes et les forces démocratiques avec à leur tête la classe ouvrière et un grand parti, le Parti Communiste Français, qui s’efforcent de rejeter le fardeau de la guerre coloniale en luttant pour y mettre fin sur une base juste, conforme au droit des peuples.

Depuis plusieurs mois, le peuple français a pris une conscience encore plus grande de la liaison entre la défense de son honneur, de ses libertés et de ses conditions de vie d’une part et la lutte pour la paix négociée en Algérie d’autre part.

La riposte massive des travailleurs français au coup de force des ultras d’Alger, le 1er février dernier, loin d’être un fait isolé et sans lendemain, comme le proclamaient alors d’éternels sceptiques, fut au contraire le premier résultat spectaculaire d’une longue évolution préparée par des années d’efforts, moins spectaculaires mais tenaces, des mouvements anti-colonialistes français pour la conquête des grandes masses populaires, seules capables en dernier ressort d’influer d’une manière décisive sur l’évolution des événements. Des millions de tracts, et brochures, des dizaines de milliers de réunions, plusieurs journées nationales ou locales d’actions, d’innombrables délégations, débrayages, l’activité de centaines de milliers de militants dans les entreprises et quartiers et un effort idéologique intense à l’intérieur du Parti Communiste Français et dans les masses pour mieux connaître la nation algérienne, sa réalité sociale, son histoire, sa culture et le sens de son combat, le souci permanent de regrouper dans l’action les organisations et mouvements partisans de la paix négociée, des milliers d’actions petites et grandes dont chacune, si minime soit-elle, préparait les suivantes, tel est le travail persévérant du Parti Communiste Français qui a ouvert la voie à l’éclosion des larges actions d’aujourd’hui.

Au cours du printemps 1960, on a pu noter les appels et actions communes de diverses organisations syndicales et organisations d’enseignants, les initiatives de Mouvement Français de la Paix, notamment pour la préparation de la Journée Nationale du 28 juin, malgré l’interdiction gouvernementale, la prise de position de l’Union Nationale des Etudiants de France qui a renoué ses contacts avec les étudiants algériens, et a signé un appel commun avec 53 organisations de jeunesse françaises, le colloque de Royaumont, etc. Le nombre de ces actions et prises de positions, leur ampleur, leurs caractéristiques (combativité et union) ont réjoui les Algériens. Elles ont prouvé combien le P.C.A. a eu raison de soutenir depuis toujours qu’il existe une alliance naturelle de combat entre les travailleurs français et le peuple algérien.

Ces actions ont connu depuis le début octobre un regain d’ampleur, par suite de l’aggravation de la guerre, la mise en accusation de la France à l’ONU, l’aggravation de la situation sociale en France, l’intensification de la répression contre les forces démocratiques françaises, les mesures envisagées par le gouvernement français pour l’appel au service militaire à partir de 18 ans. Le Mouvement de la Jeunesse Communiste de France a entamé une vigoureuse campagne contre la conscription à 18 ans, pour le retrait du contingent d’Algérie et pour une paix négociée. Des syndicats départementaux ont organisé en commun le boycott de certaines tournées régionales de de Gaulle. La déclaration des 121 personnalités françaises au sujet du « droit à l’insoumission » témoigne des graves problèmes posés par la guerre aux consciences françaises et constitue un aspect de l’opposition grandissante à celle-ci. Cette opposition se manifeste encore par les récentes prises de position de la SFIO et des jeunesses Socialistes, par l’appel lancé à la Nation française par les dirigeants de tous les syndicats d’enseignants et par d’éminents universitaires pour une paix négociée, par celui signé par de nombreux maires et élus locaux.

Enfin, une grande journée pour la paix en Algérie a été couronnée de succès à travers toute la France, le 27 octobre dernier : dans la région parisienne avec des centaines de milliers de travailleurs débrayant à l’initiative de la CGT, avec 15.000 personnes participant à la manifestation de la Mutualité organisée par l’UNEF, la CFTC et les syndicats d’enseignants, avec 120.000 manifestants dans les quartiers de Paris et dans les localités de banlieue ; dans tout le reste de la France avec de nombreux mouvements de grève : 50.000 travailleurs dans la Loire, 50.000 dans la Seine-Maritime , 40.000 dans la Loire-Atlantique, 35.000 dans le Rhône, etc., avec les rassemblements et manifestations de rues auxquels participaient des centaines de milliers de personnes.

Toutes ces actions ont déjà pesé et pèseront encore davantage sur le cours de la politique française. Elles auront aussi des répercussions sur les jeunes soldats et certains cadres militaires, dans cette armée où rares sont les familles françaises qui n’y ont pas un parent et au sein de laquelle peut également se développer une efficace opposition de masse dans la mesure où s’intensifie le travail systématique, courageusement mené depuis des années par des jeunes soldats conscients qui ont réussi notamment à faire circuler, malgré toutes les difficultés, des milliers de journaux clandestins parmi leurs camarades.

A aucun moment les pressions simultanées de notre lutte, de l’opinion française et internationale ne se sont exercées avec autant de force sur les gouvernants français. Tout montre que notre peuple avance sûrement sur le chemin de la libération.


II. - LES CONDITIONS DE LA VICTOIRE

A) REGARDER LA RÉALITÉ EN FACE.

Pour vaincre, notre peuple doit bien connaître l’ennemi et se connaître soi-même, voir la réalité entière, dans ses bons et ses mauvais côtés. Sinon, ce serait faire preuve d’une insouciance indigne de bons patriotes et de bons révolutionnaires.

a) Quels sont les obstacles rencontrés dans notre lutte ?

  • 1° - L’Algérie représente pour les colonialistes un bastion décisif.
    Contraints de céder en Indochine, au Maroc, en Tunisie, en Afrique Noire et à Madagascar, les colonialistes s’agrippent désespérément à l’Algérie. Notre pays présente pour eux une grande importance économique, surtout depuis la découverte du pétrole saharien en 1956. L’Algérie c’est aussi la porte d’entrée vers le continent africain, la clé de voûte de la « communauté franco-africaine ». c’est aussi, grâce à l’Algérie , que la France peut mieux contrôler la Méditerranée Occidentale. Le Sahara est enfin utilisé comme un terrain d’essais atomiques et de fusées.
    Le rêve de de Gaulle, représentant de certaines couches de l’oligarchie financière française, est de constituer, en s’appuyant sur son armée, un ensemble eurafricain dominé par la France. L’Algérie, par son importance économique et stratégique, se trouve justement au centre de ces ambitions mondiales. Voilà pourquoi il était et il reste dangereux pour les Algériens de se laisser aller à des illusions sur le prétendu « libéralisme » de de Gaulle ou sur telle ou telle de ses intentions présumées.
  • 2° le problème de la minorité européenne.
    La minorité européenne d’Algérie, par son importance numérique, l’ancienneté de son implantation, son rôle économique, n’est pas négligeable. Elle constitue l’un des problèmes dont la solution juste conditionne le règlement d’ensemble de la question algérienne.
    Or, ces années de guerre l’ont bien montré, la crainte engendrée chez cette minorité par l’incertitude au sujet de l’avenir a créé des obstacles sérieux à notre lutte. Les Européens, dans leur majorité, ont été utilisés comme masse de manœuvre par les ultras qui sont parvenus dans une grande mesure à estomper dans la conscience de ces Européens les différences d’intérêts existant entre la grosse colonisation et les travailleurs européens, ainsi que les intérêts communs qui pourraient rapprocher du peuple algérien certaines couches d’Européens telles que les ouvriers. Sur le plan français, la grosse colonisation a toujours invoqué le sort des « petite européens » pour inciter l’opinion métropolitaine à maintenir à tout prix la « présence française ». Enfin, de Gaulle en tire prétexte pour imposer sa solution ou justifier un partage éventuel.
  • 3° - Certaines particularités de la lutte militaire.
    L’armée colonialiste, déjà soutenue par l’énorme potentiel industriel de la France, bénéficie de l’aide matérielle et financière des USA et de l’O.T.A.N. Les bases militaires de France sont proches du territoire algérien. En Algérie même existent d’importantes bases françaises aussi bien dans les grandes villes à peuplement européen, qu’à l’intérieur où le climat et les conditions naturelles ne sont pas trop différents de celles de la France. Contrairement à ce qui était le cas dans les rizières tropicales et insalubres et les forêts inextricables du lointain Viêt-Nam, qui étaient un véritable cauchemar pour le corps expéditionnaire français. Ses conditions naturelles jointes à l’interpénétration des forces en présence font également que l’établissement et la préservation de « bases arrière » sont plus difficiles à réaliser qu’au Viêt-Nam où elles avaient permis le développement de petites industries de guerre et un début de réforme agraire. De plus, après quinze ans de brigandage, les colonialistes ont acquis une expérience plus grande , ils mettent en œuvre des moyens plus perfectionnés et mieux adaptés : hélicoptères sur une grande échelle, barrages et importants moyens de surveillance aux zone frontières. Ces régions frontalières sont de ce fait, moins bien contrôlées par l’A.L.N. que ne l’étaient par les patriotes vietnamiens leurs régions proches de la Chine.
    Toutes ces conditions propres à l’Algérie favorisent une emprise plus grande du « quadrillage » colonialiste et créent des difficultés supplémentaires pour passer du stade de la guérilla à des formes supérieures de guerre sur des portions plus importantes du territoire. Cependant, la portée de ce désavantage reste relative, car la guérilla est de toute façon la lutte la plus défavorable aux colonialistes, celle qui, dans les conditions concrètes actuelles, offre aux Algériens le maximum d’avantages.
  • 4° - les efforts de l’ennemi pour empêcher la mobilisation totale du peuple dans la lutte. La population civile algérienne a subi des pertes humaines et matérielles extrêmement lourdes, du fait de méthodes d’extermination et de destructions dignes de la barbarie hitlérienne. Les déplacements de la population, avec près de 2 millions de paysans parqués dans les camps, avec les centaines de milliers d’autres qui ont gagné les villes, ont forcément amoindri la contribution à la lutte d’une fraction importante de la paysannerie. L’ennemi vise à la terreur et à l’intimidation en procédant de façon systématique aux emprisonnements, enlèvements, tortures. Il procède au contrôle et au recensement minutieux de la population, il réglemente tout déplacement, etc. Incapable d’entamer l’attachement des diverses couches sociales, prises dans leur ensemble, à l’idéal d’indépendance, l’ennemi a entrepris des efforts de désagrégation à l’échelle des individus, des petites localités, des quartiers. Pour cela, il fait jouer la corruption alliée aux menaces, à la pratique de la « responsabilité collective » et au chantage sous diverses formes. Il se livre à ces crimes provocateurs pour attiser la haine et la division. C’est par des obstacles ainsi dressés que l’ennemi est parvenu momentanément à entraver dans une certaine mesure l’action armée dans certaines villes.
  • 5 ° - Chez certains de nos alliés les conditions d’un soutien accru à l’Algérie ne mûrissent pas spontanément et du jour au lendemain. Ainsi le soutien important des pays frères tels que le Maroc et la Tunisie, certains pays arabes, reste cependant moins résolu que le soutien qui fut apporté au Viêt-Nam par la Chine Populaire. La différence réside dans le fait que, contrairement à la Chine Populaire, dans ces pays non encore libérés de la présence (militaire ou économique) impérialiste, les gouvernants bourgeois au pouvoir sont hésitants. Ils ne sont pas anti-impérialistes jusqu’au bout. C’est ainsi que plusieurs décisions de la Conférence Nord-Africaine de Tanger n’ont pas encore été appliquées. Les gouvernants de ces pays n’ont pas suffisamment souligné dans le passé la grave responsabilité de de Gaulle dans le refus d’une solution négociée, afin d’en tirer les conséquences. Ils ont su mettre à profit la lutte du peuple algérien pour arracher à la France des concessions consolidant leurs intérêts nationaux, en même temps que leurs positions de classe (évacuation échelonnée des troupes françaises du Maroc, acheminement du pétrole algérien d’Edjelé vers Gabès, etc.). Mais ils n’ont pas déployé à leur tour une vigueur suffisante pour mobiliser au maximum leur nation dans l’aide au peuple algérien.
    Ces insuffisances de la solidarité nord-africaine ou arabe sont liées à des manœuvres de de Gaulle. Elles ne correspondent pas à la volonté ardente des masses de ces pays. C’est pourquoi nous applaudissons à chaque progrès des forces anti-impérialistes, démocratiques et populaires dans ces pays : ce fut le cas pour la Révolution d’Irak de juillet 1958 et pour le renversement en Turquie du gouvernement Mendérès qui ne soutenait pas la cause algérienne. C’est pourquoi aussi nous ne pouvons rester indifférents à la répression féroce qui s’exerce contre les forces démocratiques en RAU, aux entraves apportées à l’action des forces progressistes au Maroc, mesures qui ont débuté (comme toujours) par la suspension du Parti Communiste Marocain. Ces mesures, tout en affaiblissant le mouvement national dans ce pays, ralentissent le soutien populaire à notre cause, rendent les gouvernants de ces pays plus sensibles aux pressions impérialistes.
    Certains dirigeants de la « Communauté franco-africaine » devenus indépendants sont encore, à l’exception de ceux du Mali, sous l’emprise des manœuvres de de Gaulle. D’où les tentatives de médiation, destinées surtout à éviter à la France une condamnation de sa politique à l’ONU.
    Il existe également des obstacles sérieux rencontrés par notre allié, le prolétariat français, au sein du peuple de France. Dans la conduite de la guerre coloniale, la grande bourgeoisie française a fait le maximum pour chloroformer l’opinion déjà pétrie de tenaces préjugés colonialistes, elle s’est acharnée à empêtrer habilement les Français dans un réseau d’habitudes et d’obligations, comme le fait par exemple de faire accomplir en Algérie le service militaire normal, bien que prolongé, de tous les jeunes Français afin de soulever moins de réactions qu’il n’y en eut pour l’envoi en Algérie des rappelés. De plus, l’avènement du pouvoir gaulliste a donné aux colonialistes de nouveaux moyens de contrainte. Enfin, l’union des forces anticolonialistes françaises a été constamment entravée, essentiellement par l’exclusive anticommuniste des dirigeants de la SFIO et d’autres organisations et journaux de gauche de la petite bourgeoisie française (« L’Express », « France -Observateur », etc.).
    Actuellement encore, des entraves sont apportées de tous côtés au mouvement des masses françaises qui ne cesse de grandir en faveur de la négociation avec le G.P.R.A. : diversion de certains éléments du Syndicat National des Instituteurs ou des dirigeants de la SFIO qui prétendent ne vouloir de négociation qu’avec « toutes les tendances algériennes » ; refus opposé jusqu’ici à la CGT par les Centrales Syndicales FO et CFTC de constituer l’échelle confédérale un front syndical commun contre la guerre d’Algérie ; manœuvres de division d’organisations comme la CFTC, FO et l’UNEF, tendant à jeter l’exclusive contre la CGT et le Parti Communiste Français ou à s’en servir comme force d’appoint ; campagnes d’excitations chauvines habilement orchestrées à l’occasion de certaines actions armées (au Chenoua), de l’exécution de deux soldats français coupables d’exactions et condamnés à mort par un tribunal algérien, ou à l’occasion du procès du réseau de soutien français au F.L.N., etc.
    Les Algériens comptent beaucoup sur l’appui que leur apporteront encore les actions de masse du peuple français : non pas seulement sur quelques actions spectaculaires ou d’avant-garde, mais surtout sur un mouvement profond témoignant d’une prise de conscience accrue des larges couches de la population dont l’action unie isolera le pouvoir colonialiste. La réticence à agir aux côtés des communistes, alimentée par des considérations idéologiques n’ayant rien à voir avec la guerre d’Algérie, et soigneusement attisée par les ennemis de notre peuple, constitue le principal obstacle au développement de cette action, qui sans cela serait devenue ou deviendrait très vite irrésistible.
    Nous comprenons les difficultés qu’éprouvent nos alliés français sue le plan politique, lequel est déterminant pour l’action des masses. Nous savons qu’il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour entraîner les masses. Nous nous souvenons des milliers et des milliers des nôtres qui, poussés par la misère et trompés par les colonialistes, combattirent leurs frères marocains en 1925 ou, plus près de nous , en 1947, en plein essor de notre mouvement national, allèrent combattre l’armée de la République Démocratique vietnamienne. Notre Parti se souvient des efforts politiques et pratiques acharnés qu’il dut lui-même déployer pour surmonter les incompréhensions ou l’esprit d’étroitesse des partis nationalistes qui ne comprenaient pas la nécessité patriotique d’organiser la solidarité des travailleurs algériens à l’égard du peuple vietnamien en lutte pour sa libération.
    Nous sommes certains que la lutte acharnée et clairvoyante des éléments avancés de la classe ouvrière et du peuple français surmontera tous les obstacles et que le courant en faveur de la paix négociée finira par l’emporter de manière décisive.
  • 6 ° -Certaines erreurs du mouvement de libération, insuffisamment corrigées, dans la poursuite de la Guerre. – Comme l’a montré Mao-Tsé-Toung, l’issue d’une guerre dépend aussi de la capacité du mouvement de libération à exploiter des conditions avantageuses tout en se gardant de commettre des fautes et des erreurs. Aussi, les erreurs peuvent-elles être mises, du point de vue de leurs conséquences, sur le même plan négatif que les obstacles dressés par l’ennemi. Il n’a jamais existé un mouvement entraînant de larges masses, aussi fort et aussi habile soit-il, qui ait été à l’abri des erreurs. Le mouvement algérien de libération, et notamment le F.L.N. en tant que dirigeant de la lutte de libération, ne pouvait échapper à cette règle. Certaines de ses faiblesses sont le prolongement de celles qui n’avaient pas été complètement éliminées des rangs du nationalisme algérien dans le courant des luttes politiques d’avant-guerre. D’autres ont surgi dans les conditions de la lutte armée. La prolongation de la guerre et les difficultés font apparaître ces erreurs avec plus de relief encore : certaines étroitesses dans la conception de l’union et du rassemblement des organisations nationales et des masses ; certaines tendances à la surestimation de l’action militaire pure et à la sous-estimation du travail de mobilisation politique ; la sous-estimation du problème de la minorité européenne ; la sous-estimation du problème de l’opinion publique française. Notre Parti, tout en participant de diverses manières à la guerre de libération dès son déclenchement, aurait dû, pour sa part, accorder plus d’attention, dans les premiers mois de la lutte, avant sa dissolution, aux questions purement militaires. Nous ne dirons rien des erreurs de la direction du MNA, parce qu’il ne s’agit pas d’erreurs en fait, mais de positions franchement contre–révolutionnaires, anti-nationales et de collaboration avec les néo-colonialistes, comme l’ont montré récemment encore les positions de Messali et de ses dirigeants au sujet de la « Table Ronde », ainsi que l’annonce faite par les services de l’information colonialiste de la parution à Alger d’un journal légal messaliste.
    Un mouvement révolutionnaire doit combattre ceux qui critiquent ses erreurs pour l’affaiblir et le dénigrer. Mais il doit accorder la plus grande attention à la critique constructive émanant des militants des organisations et des masses. Le redressement à temps des erreurs, loin de diminuer les erreurs des individus et des organismes dirigeants, témoigne de leur esprit de responsabilité, de leur dévouement total à la cause du peuple et renforce leurs capacités de direction. C’est un signe de force et de confiance dans le peuple.
    L’ennemi tente toujours de spéculer sur la reconnaissance par les partis révolutionnaires de certaines de leurs faiblesses. L’essentiel pour nous est que l’ennemi, dans son action, ne puisse plus mettre à profit ces faiblesses. Il faut donc les corriger. Leur correction n’est possible que si les racines sont mises à nu et si les larges masses participent à ce redressement. C’est l’une des tâches les plus difficiles, pendant que se poursuit une guerre sans merci contre un ennemi dangereux. Mais il n’y a aussi rien de plus vital que notre cause.

b) comment apprécier ces difficultés ?

Les positions successives de de Gaulle, contradictoires en apparence seulement, ont toujours été marquées de la même volonté d’accroître et d’exploiter nos difficultés. Il n’a jamais cessé de donner à ses forces militaires les moyens supplémentaires de s’engager à fond. En faisant tour à tour étalage d’intransigeance ou de « libéralisme réaliste », il croit pouvoir porter atteinte au courage des Algériens en misant sur leur grande soif de paix, sur leurs grandes souffrances physiques et morales.

Le peuple algérien mettra en échec ces visées diaboliques qui ne s’appuient que sur un aspect de la réalité.

Il serait faux et dangereux pour les Algériens de se laisser impressionner par leurs difficultés, de les voir isolément. Pour la plupart, elles sont liées à nos succès, elles ont surgi au fur et à mesure que notre lutte gagnait en vigueur et en efficacité. L’ennemi aurait-il eu besoin de construire des barrages, d’engager des centaines de milliards dans les dépenses militaires et les investissements, de se livrer à l’extermination massive, de modifier son code pénal en l’aggravant, etc., s’il n’avait eu en face de lui un adversaire redoutable ?

Les avantages de l’ennemi ont essentiellement un caractère matériel et technique, alors que ses faiblesses sont de caractère politique : il combat pour une mauvaise cause [1], il est divisé, ses alliances sont plus faibles que les nôtres. Par contre, si les Algériens sont encore faibles sur le plan matériel, de nombreux facteurs politiques les avantagent. Ils combattent pour une cause juste, ils sont unis, ils disposent d’alliés plus nombreux et plus résolus que ceux de la France colonialiste.

Or, dans de telles luttes, quels sont les avantages décisifs ?
Ce sont les avantages politiques qui permettent au camp qui en dispose de puiser des forces matérielles dans la source inépuisable que constitue un peuple conscient de lutter pour une juste cause et assuré de la solidarité des forces de progrès dans le monde. Par contre, des avantages matériels, même importants, peuvent être réduits à néant ou aller en diminuant fortement lorsqu’ils sont au service de forces politiques d’oppression, condamnées par l’évolution de la société.

Il ne s’agit pas là de vues de l’esprit. L’expérience de toutes les jeunes révolutions le prouve, ainsi que notre propre lutte de libération. Comment expliquer que le monstre colonialiste, armé jusqu’aux dents, ait vu toutes ses possessions africaines lui échapper une à une depuis le début de notre lutte ? Comment expliquer qu’il ait fini par admettre au bout de cinq ans l’indépendance (baptisée par lui « sécession ») comme l’une des trois solutions possibles alors que la moindre petite réforme était impensable ou sabotée avant la guerre ? Cette évolution n’est pas achevée. Nous savons toutes les capacités de résistance et d’adaptation déployées, malgré les souffrances, par notre peuple depuis six ans. Et que de forces révolutionnaires encore inutilisées ! Que chacun regarde autour de lui ! Que de ressources et d’énergies qui dorment encore ou qui n’ont pas donné toute leur mesure, nous pourrions réveiller et développer par un travail systématique de mobilisation politique et d’organisation ! Comment ne pas voir aussi les grandes possibilités d’extension et de renforcement de nos alliances en Asie, en Afrique, au sein du prolétariat et du peuple français. Comment ne pas voir toutes les possibilités politiques, militaires et diplomatiques, du développement de notre lutte, grâce à l’aide toujours plus grande du puissant camp socialiste.

Enfin, comment ne pas voir les inextricables contradictions dans lesquelles s’enfonce l’ennemi à chacun des pas qu’il fait pour accroître nos difficultés. Il peut construire des barrages frontaliers aussi profonds qu’il le voudra, il sera toujours obligé d’y concentrer des forces importantes retirées de l’intérieur du pays. Il manque d’effectifs, il recrute des harkis et multiplie ainsi les possibilités de désertion avec armes et bagages. Il crée des « groupes d’auto-défense » composés d’Algériens dont beaucoup deviennent pour l’A.L.N. une source de munitions au cours de combats simulés. Il regroupe des populations mais il lui faut des troupes pour la garde des camps et il abandonne de toutes façons à l’A.L.N. le contrôle de vastes « zones interdites ». Il extermine, torture et, de ce fait, soulève la haine et dément la démagogie de la « fraternisation ». Comment pourrait-il développer davantage les opérations militaires sans accroître les effectifs, sans augmenter la durée du service militaire et exiger du peuple français de nouveaux sacrifices financiers ? Or, la colère monte parmi les travailleurs, la jeunesse et chez les intellectuels de France. De Gaulle veut se servir de l’Algérie pour réaliser ses ambitions mondiales, mais ces dernières ont compromises tant qu’il traîne le boulet de la guerre d’Algérie. Quoi qu’il fasse, il mène tout droit son pays à l’isolement diplomatique ; dans un contexte de détente, il s’isole en menaçant la paix en Afrique du Nord ; dans un contexte de guerre froide, ses complices atlantiques ont la crainte, en le soutenant, d’être encore plus haï par les peuples afro-asiatiques.

Quant aux erreurs commises par les Algériens dans la conduite de la guerre, du fait même qu’elles ne dépendent pas de l’ennemi, il ne tient qu’aux patriotes de les corriger rapidement et de poursuivre ainsi la lutte avec une efficacité accrue.

Voilà pourquoi, ni découragés par les échecs partiels momentanés ou par la longueur de la lutte, ni grisés par les succès, les Algériens peuvent à bon droit être certains que leur lutte se fraiera un chemin jusqu’à la victoire.

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Mais comment se présentent de façon plus précise les perspectives ? Et comment, devant chaque événement envisager l’avenir sans tomber d’illusions brûlantes en froides désillusions ?

Les divers aspects de la situation après six ans de guerre montrent :

  • 1. Malgré la disproportion actuelle apparente des forces, l’armée française d’occupation ne peut vaincre militairement l’A.L.N.
  • 2. L’objectif de l’A.L.N, dans les conditions spécifiques et actuelles de la guerre d’Algérie, est moins de battre l’armée française sur le terrain strictement militaire dans une guerre de mouvement avec batailles rangées que de la tenir en échec, de rendre vains ses efforts, de l’user dans une guérilla incessante, d’aboutir ainsi à une victoire politique qui sera non seulement le résultat de sa propre action militaire, mais aussi celui des autres formes d’action de notre peuple et de l’appui de nos alliés à travers le monde.
  • 3. Après six ans de guerre, on ne peut dire que :
    - d’une part, la position générale des colonialistes français, qui est allée sans cesse en s’affaiblissant, n’est pas encore suffisamment affaiblie sur les plans militaire, politique, économique, financier ; sur le plan de leurs alliances avec les impérialistes occidentaux ;
    - d’autre part, et comparativement, la position de notre mouvement de libération qui est allé sans cesse en se renforçant, ne s’est pas encore suffisamment renforcée sur les plans militaire, politique, et de l’aide de ses alliés, au point que notre objectif politique fondamental, l’indépendance, qui sera inévitablement atteint, puisse être arraché dans l’immédiat.
    C’est pourquoi, pour arriver à ce résultat, les Algériens doivent savoir qu’ils peuvent être contraints de mener encore une guerre de longue durée, mais que cette guerre ne peut s’achever que par la victoire politique des Algériens.
  • 4. Néanmoins, en raison des conditions générales qui entourent cette guerre, en raison notamment de l’évolution très rapide de la situation en France, en Algérie et en Afrique et dans le monde, les conditions mûrissent pour faire céder encore les colonialistes, pour les contraindre à une négociation sérieuse. L’échec des pourparlers de Melun ne signifie pas que des négociations directes franco-algériennes soient définitivement exclues. L’internationalisation elle-même du problème algérien, la menace d’extension ou l’extension effective de la guerre d’Algérie peut déboucher (et influer) sur la négociation d’une solution ayant l’accord des deux parties. Les derniers développements d’une situation très mouvante montrent du reste qu’il s’agit là d’une éventualité sérieuse, requérant attention et vigilance de la part de tous les patriotes algériens. C’est pourquoi notre Parti, toujours soucieux à la fois de faire aboutir les revendications nationales algériennes et d’abréger les souffrances de notre peuple, soutiendra tout effort, toute initiative du G.P.R.A. pour continuer à mettre au pied du mur les gouvernants français devant l’opinion mondiale et pour faire avancer la question des garanties réelles et indispensables de l’application loyale et libre de l’autodétermination. En tout état de cause, des négociations bilatérales ne peuvent se dérouler que dans des conditions autres que celles de Melun. Les Algériens ne se contenteront pas de paroles. Aux gouvernants français de montrer par des actes s’ils sont réellement désireux de négocier sur un pied d’égalité.

Dans une telle éventualité, et même en cas de succès des négociations, la lutte se poursuivrait sous d’autres formes en vue de la réalisation totale de notre libération nationale. Bien que se déroulant dans de toutes autres conditions que la guerre actuelle, cette lutte n’en serait pas moins difficile et complexe, elle ne demanderait pas moins d’union, de vigilance et d’efforts soutenus à tous les patriotes et militants de la cause nationale.

B) CE QU’IL FAUT FAIRE POUR VAINCRE :

a) Avoir un but clair

Le peuple algérien sait qu’il lutte contre l’oppression coloniale POUR L’INDEPENDANCE TOTALE. Il faut néanmoins donner aux masses une conscience plus claire de nos buts de guerre afin de les armer contre les tentatives des colonialistes de jeter la confusion.

  • 1 ° - Indépendance et rapport avec la France. – Les néo-colonialistes parlent de la nécessité entre l’Algérie et la France d’une « association » qu’ils parent des plus belles couleurs. Les Algériens, notre Parti l’a très souvent dit dans le passé, ne sont pas a priori contre tout rapport avec la France. Mais, tout le monde sait que pour s’associer, il faut d’abord exister. Or, les colonialistes en sont encore à nier le droit de l’Algérie à l’existence, puisque l’association qu’ils proposent exclut l’indépendance. Les Algériens rejettent cette duperie, à l’heure même où même des anciens amis des néo-colonialistes comme Houphouët-Boigny ont obtenu pour leur pays d’abord l’indépendance et l’admission à l’ONU avant toute discussion sur une éventuelle association.
    Par contre, une Algérie indépendante pourra envisager dans l’intérêt des deux peuples et dans le respect de notre souveraineté l’établissement de rapports librement consentis avec la France. Son choix sera dicté par le contenu de la formule qui lui sera proposée. Si c’est le maintien de l’Algérie dans le régime néo-colonial et paternaliste de la communauté, dans une prison dorée, la réponse sera « Non ».
  • 2 ° L’autodétermination. – Au moment de la proclamation par de Gaulle du droit de l’Algérie à l’autodétermination, certains milieux politiques étrangers ont parlé de l’inutilité pour les Algériens de poursuivre désormais la lutte armée ou ont « regretté » notre insistance à exiger des garanties. D’autres, à l’inverse, ont pu penser que l’acceptation par les Algériens du droit à l’autodétermination comme base de règlement possible, constituait un recul sur le mot d’ordre de l’indépendance ou un recul dans la volonté de mener la lutte jusqu’à son terme. Dans sa polémique avec Rosa Luxembourg, Lénine écrivait justement à propos de cette question :
    « Si nous voulons, sans jouer sur les définitions juridiques… comprendre ce qu’est la libre détermination des nations, nous ne pouvons manquer d’aboutir à cette conclusion : par autodétermination, on entend leur séparation en tant qu’Etat d’avec les collectivités nationales étrangères, on entend la formation d’Etats nationaux indépendants »  [2]
    En fait, la réalisation effective du droit à l’autodétermination ne peut signifier pour le peuple algérien autre chose que son accession à l’indépendance nationale, objectif permanent pour lequel il a mené de longues luttes politiques puis il a pris les armes. Contre les colonialistes qui voulaient ôter à l’autodétermination sa signification naturelle, nous avons mené et mènerons, aussi longtemps qu’il le sera nécessaire, la lutte arme avec la plus grande résolution. Mais nous ne négligerons pas pour autant tout autre moyen pacifique sérieux de parvenir à notre but, en épargnant notre peuple, durement éprouvé, de nouvelles souffrances.

Dans la poursuite de la lutte pour l’indépendance, il faut éviter deux positions erronées :

    • Celle des partisans du « compromis » à tout prix », de ceux qui sont effrayés par les difficultés de la guerre et ne comprennent pas la nécessité des sacrifices, ainsi que les partisans de la « politique pure » qui, à l’exemple du Président Bourguiba, ne voyaient pas la nécessité de préserver nos forces armées, d’exiger des garanties avant de « prendre l’avion à l’instant même pour Paris » et qui faisaient, jusqu’à une période encore récente, des comparaisons abusives en parlant de la facilité avec laquelle la Tunisie et d’autres pays ont accédé à l’indépendance, oubliant qu’ils le doivent justement en grande partie à la lutte armée se déroulant sur le sol algérien.
    • Celle du tout ou rien, qui consiste à croire que tout ne peut être arraché que par la guerre, à l’exclusion de tout autre moyen. Ce n’est pas voir les possibilités que font surgir en 1960 à la fois notre lutte armée, la solidarité internationale dans le cadre du renforcement du camp socialiste et des mouvements de libération nationale et la lutte des anti-colonialistes et du prolétariat français. Ces trois facteurs ont placé et placent l’ennemi dans une situation de plus en plus intenable, pouvant le contraindre à un accord qui, sans rabaisser d’aucune manière le niveau de lutte ou la vigilance des masses, ouvrirait la voie à l’indépendance de l’Algérie.

b) – L’ESSENTIEL AUJOURD’HUI ? C’EST L’EFFORT DE GUERRE

« Où donc est l’homme de foi qui vaut dix hommes
Et dont le bras vengeur fera éclater la poudre
[et charger nos fusils »

se demandait un poète algérien du siècle dernier, au lendemain de la chute de Constantine. Ce patriote qui en vaut dix, c’est aujourd’hui à chaque Algérien de le devenir pour vaincre dans cette lutte surhumaine.

Notre peuple ne fait pas la guerre pour la guerre ; il a perdu ses fils et ses filles parmi les meilleurs ; il a subi dans ses biens des destructions immenses. De toute son âme, il aspire à la paix. Mais quel Algérien ne voit aussi à quel point son propre avenir, sa dignité, son bonheur dépendent, tant que l’ennemi n’aura pas été contraint à des négociations sérieuses, de notre capacité à mettre en échec la puissance militaire colonialiste ? Où trouver de nouvelles énergies, comment décupler les forces existantes ? C’est la préoccupation qui doit hanter l’esprit de chaque Algérien.

1 ° La lutte armée :

En premier lieu, il faut poursuivre, accentuer aussi longtemps qu’il le faudra la guérilla sur toute l’étendue du territoire, en gardant l’initiative par un grand nombre d’actions même petites, en combinant les actions d’usure (harcèlement, accrochages, actions de diversion, etc., avec les actions de destruction des forces ennemies, (embuscades, raids contre les postes peu protégés, etc.) qui permettront la prise d’armes et de munitions si précieuses pour nos soldats.


L’action des unités régulières doit être appuyée par les actions innombrables des « mousseblines ». La guerre de libration doit être la guerre du peuple tout entier, une lutte armée sous mille et une formes correspondant aux possibilités de chacun et de chaque région : actions contre l’armée ennemie, destructions de ses installations et voies de communications, châtiment des traîtres notoires, qui se sont mis définitivement au service du colonialisme, etc. L’ennemi craint particulièrement cette forme d’action surgie des masses, insaisissable, qui le contraint à la dispersion, le rend ainsi plus vulnérable aux coups de l’A.L.N. C’est pourquoi il réagit contre elle par des représailles massives et le « contrôle » draconien de la population civile. Il faut précisément, malgré ces … ??..ures, exploiter toutes les possibilités réelles pour que ces actions ne cessent pas. C’est aux jeunes notamment de redoubler d’audace, d’ingéniosité, pour découvrir et frapper les points faibles de l’ennemi, trouver des nouvelles formes d’action auxquelles il s’attend le moins. Dans les usines ? …..s il faut accroître le sabotage du matériel utilisé par l’ennemi, insuffisamment pratiqués jusqu’ici.

La guérilla exige de l’initiative et de l’audace, mais aussi de la patience et une appréciation juste des objectifs à atteindre. Attaquer l’ennemi lorsqu’il est en position d’infériorité, l’éviter là où il peut riposter en ? par la ? force, c’est la règle valable , aussi bien pour une opération isolée que pour un plan d’opérations plus vaste. Pour cette raison, la lutte armée ne peut se développer dans certaines grandes villes que dans des ……tes moins larges qu’à la campagne, en raison de la concentration des forces ennemies et du poids de la population européenne. Les actions initiées y ont des objectifs plus limités, elles visent à des résultats beaucoup plus politiques que militaires. L’expérience de ces six ans a montré le bien fondé de ces remarques. N’est-ce pas une erreur d’orientation, lors de ce qui a été appelé « la bataille d’Alger » (2ème semestre 1956 – début 1957) d’avoir conçu cette bataille comme une action armée « de masse » (ou destinée à le devenir) contre les forces militaires colonialistes et les ….ls ultras et activistes européens, dans une ville et à un moment où ces derniers y étaient fortement concentrés et jouissaient d’une base de ……sse ?

Certes, on peut dire que cette « bataille » a attiré à Alger des unités colonialistes « d’élite », facilitant la tâche des unités de l’A.L.N. dans certaines zones de l’Algérois. Mais cet avantage temporaire a été contre- balancé ??? par la diminution ultérieure à Alger, non seulement du nombre des actions armées, mais aussi des autres formes d’action et de l’important soutien matériel et moral apporté sous des formes diverses par le maquis d’Alger » aux autres maquis de l’intérieur.

Ne pas sous-estimer les possibilités de l’ennemi et, en même temps, ne pas craindre sa supériorité matérielle et technique, tirer le meilleur parti des conditions spécifiques de la guerre en Algérie et de l’évolution de ces conditions, c’est l’orientation qui assurera le succès de la guérilla, arme principale de notre guerre de libération.

En même temps, il sera nécessaire d’accroître la pression et l’action des grandes unités de l’A.L.N. dans les zones proches des frontières, de continuer à les doter d’un équipement supérieur, à la fois pour affaiblir l’implantation militaire de l’ennemi dans les zones centrales de l’Algérie et aussi pour assurer le passage, vers les maquis de ces régions, des armes et encore des armes. Créer les conditions pour un passage plus rapide à des armes supérieures de lutte dans ces zones frontalières hâtera considérablement l’évolution positive de la guerre d’Algérie sur tous les plans, y compris sur les plans politique et diplomatique.

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Il importe de mettre l’accent sur deux tâches directement liées à la lutte armée :

- La première est d’élever constamment la formation politique des combattants

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Cette formation assurera à notre armée un moral toujours plus élevé. Elle aidera les combattants à entretenir avec la population des rapports toujours plus étroits et fraternels. Elle permettra enfin d’assurer à tous les échelons, y compris chez ceux des responsables, que les conditions de lutte obligent à agir de leur propre initiative, une orientation meilleure des actions, toujours plus conforme aux objectifs politiques de la guerre de libération.

Les combattants algériens sont des soldats réguliers au service d’une cause politique noble. Comme l’a souligné le P.C.A. depuis le début de cette guerre, tous leurs actes doivent faire progresser cette cause, aucun ne doit lui nuire. Il ne s’agit pas seulement d’obéir à des considérations humaines et morales telles que celles qui ont fait un devoir à notre gouvernement de ratifier les Conventions de Genève et cela malgré que les colonialistes aient multiplié contre notre peuple les actes de sauvagerie, il s’agit aussi et surtout d’un impératif politique.

Aucun Algérien ne prêtera attention aux lamentations hypocrites des colonialistes français au sujet des « attentats » et du « terrorisme ». Aucun Algérien ne pleurera le sort des « civils » européens, soldats des unités territoriales, tortionnaires, dénonciateurs et ultra-colonialistes, et celui des Algériens traîtres et valets du colonialisme, condamnés et châtiés par notre armée au service du peuple. Mais il arrive encore, en dehors des nombreuses provocations auxquelles se livrent les colonialistes pour jeter le discrédit sur l’A.L.N. ou semer la divisions parmi les Algériens, que des actions menées par des patriotes fassent des victimes, non par accident, mais de façon prévisible parmi les civils musulmans, juifs ou européens se trouvant là tout à fait par hasard. C’est le cas des engins explosifs déposés dans les autobus ou dans les endroits passagers.

Certains patriotes pensent : de telles actions « remontent le moral » des Algériens, lassés des rodomontades colonialistes sur le « calme rétabli », ou indignés parles crimes ignobles des ultras. Or, il ne manque pas d’actions armées pouvant d’autant mieux galvaniser le peuple qu’elles sont politiquement bien orientées, comme le furent le châtiment de Froger, du président du Conseil général de Saïda, du directeur de « l’Echo d’Alger » et de tant de policiers et chiens colonialistes.

Les actions mal orientées risquent de développer l’esprit de facilité chez les combattants au détriment de l’esprit de responsabilité. Les combattants doivent au contraire redoubler d’ingéniosité et d’audace pour porter l’insécurité et la démoralisation de façon spectaculaire dans les forces vives de l’ennemi ! Quels meilleurs exemples de fidayines intrépides et hautement conscients que les patriotes algériens qui ont châtié les Chekkal, Benhabilès, Abdesselam et autres et qui n’ont pas craint de retarder à plusieurs reprises leur geste, augmentant pourtant leurs propres risques, pour ne pas avoir à causer, parmi les Français présents, d’autres victimes que ces traîtres ou leurs protecteurs policiers.

Multiplier les actions armées en renforçant l’esprit de responsabilité politique des combattants, diffuser plus largement dans la population, à propos de certaines actions armées, les explications politiques qui doivent en éclairer, si nécessaire, les raisons, telles est la voie la plus digne de l’héroïsme et de l’esprit de sacrifice des jeunes soldats de notre armée.

La seconde tache importante liée directement à la lutte armée est la désagrégation du moral de l’armée ennemie


grâce à un travail audacieux d’explications en direction de ses soldats. Le traitement correct des prisonniers, les tracts laissés sur place après le harcèlement d’un poste ou d’une localité, ou sur les chemins empruntés par les patrouilles ennemies, les inscriptions sur les routes, les lettres et journaux adressés par poste aux soldats, doivent leur faire mesurer l’injustice de la cause pour laquelle on les oblige à combattre. Ce travail doit être des plus actifs auprès des « supplétifs » algériens, membres des harkas ou des groupes d’auto-défense dont une majorité a été enrôlée par la contrainte ou en spéculant sur leur misère. Nous devons éviter de les jeter pour toujours dans les bras de l’ennemi, considérer comme des « frères égarés » ceux qui n’ont pas commis de crimes contre le peuple. Cela permet à la fois de renforcer l’union du peuple algérien et de récupérer armes et munitions en quantités à l’heure où la mobilisation des « classes creuses » crée pour l’armée française un grave problème d’effectifs.

2 ° La mobilisation politique des masses.

- En premier lieu, consolider l’union :

L’union du peuple en guerre, raison principale des succès de la cause algérienne, s’est réalisée sous diverses formes : sur le plan militaire, armée nationale unifiée sous la direction du F.L.N ; sur le plan politique, d’une part, fusion des anciens partis nationalistes (sauf le MNA) avec adhésion individuelle de leurs adhérents au F.L.N, d’autre part, soutien de la lutte anti-impérialiste du F.L.N. par le P.C.A ; sur le plan syndical, unité au sein de l’Union Générale des Travailleurs algériens (UGTA) ; enfin, organisations de masse également uniques pour les commerçants et artisans, pour les étudiants (UGEMA) et pour les travailleurs algériens en France (AGTA), ces derniers étant par ailleurs organisés aussi dans les syndicats français et plus particulièrement dans ceux qui défendent le mieux leurs aspirations et leurs revendications., c’est-à-dire la CGT, comme le recommande notre Parti.

La constitution du G.P.R.A. a renforcé l’union du peuple. En saluant le G.P.R.A, notre Parti l’a assuré de son soutien total, il s’est déclaré prêt à y assumer ses responsabilités sans subordonner ce soutien à sa participation au gouvernement.

Le P.C.A, organisation indépendante au sein du mouvement national, combat les tentatives des néo-colonialistes et de leurs alliés du MNA, qui subordonnent l’ouverture des négociations franco-algériennes à une « table ronde » groupant toutes les « tendances algériennes ». Il s’agit là d’une diversion colonialiste pour barrer aux Algériens le chemin de la paix et de l’indépendance. Notre Parti affirme, une fois de plus, que c’est avec le G.P.R.A. que doivent être discutés le cessez-le-feu et les garanties de l’autodétermination.

En faisant appel à « l’union de tous », le Président Ferhat Abbas, dans son discours du 5 juillet, a opportunément rappelé que l’union du peuple n’est jamais un fait acquis une fois pour toutes. La consolidation, l’élargissement de l’union requièrent des soins constants, le rejet de tout ce qui divise la Nation ; ils requièrent une recherche passionnée de tout ce qui peut rapprocher encore plus tous les éléments sains de la communauté nationale.

Sur le plan des organisations,


nous estimons qu’il convient de réaliser au maximum et à tous les échelons la coopération et l’unité d’action politique du F.L.N. et du P.C.A.

À cet égard, les dirigeants du F.L.N. n’ont pas réalisé de façon constante et conséquente l’application de la formule correcte et féconde qu’ils avaient énoncée dans le courant de la première année de la guerre : « Le F.L.N. tiendra compte de toutes les forces anticolonialistes, y compris celles qui échappent à son contrôle ». C’est ainsi qu’ils ont proposé, comme seule formule possible d’union, que notre Parti, par analogie avec les formations nationalistes, se dissolve et que tous ses militants n’agissent et ne soient considérés que comme militants du Front.

Dans un souci d’union et de discipline militaire, le P.C.A. a admis que les communistes algériens qui combattent au sein de l’A.L.N. n’aient aucune liaison organique ou politique avec lui jusqu’à l’indépendance et, tout en gardant leurs convictions politiques, comme tous les autres patriotes, relèvent uniquement du Front. Nous avons demandé que les autres membres du Parti militent dans le Front, comme les autres patriotes, tout en demeurant membres du Parti, qui garde son autonomie au sein du mouvement national. La proposition de dissolution du PCA n’est, en effet, ni efficace ni réaliste sur le plan de la lutte. Cette proposition ne tient pas compte de la nature de notre Parti, parti algérien de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre, à la fois soucieux de l’intérêt national et fidèle aux principes marxistes-léninistes, nature qui lui fait un devoir de maintenir son organisation autonome. Les années de guerre ont montré combien le maintien et l’activité de notre Parti étaient utiles à la cause algérienne. L’expérience a d’ailleurs montré que la coopération entre le P.C.A. et le F.L.N. avait été non seulement possible mais fructueuse. La poursuite de cette coopération aurait certainement accru, dans l’intérêt national, l’efficacité des efforts que notre Parti n’a cessé de déployer pour mettre en application, dans tous les domaines, les dispositions qui avaient été arrêtées d’un commun accord entre les directions du F.L.N. et du P.C.A, en vue du renforcement continu de la lutte.

Lorsqu’ existent plusieurs organisations, l’union la plus solide, la plus fructueuse, n’est pas forcément une fusion qui enlèverait à l’une ou plusieurs d’entre elles ce qui fait précisément leur force. L’union la plus solide est celle qui, sans nuire en rien à l’unité de direction et à la discipline, indispensables dans la lutte, n’exclut pas l’existence indépendante des éléments qui s’unissent. Ce principe a fait ses preuves, les communistes l’appliquent dans tous les mouvements de libération nationale, y compris ceux qu’ils ont dirigés, comme en Chine ou au Viêt-Nam. Car l’union sur de telles bases donne au mouvement une force plus grande que la simple addition des militants des diverses organisations. Elle s’enrichit de l’apport original de chaque courant politique organisé. Tenant compte du fait que, sur le plan essentiel de la lutte patriotique pour l’indépendance, les points d’accord sont solides, les différences idéologiques ou d’appréciation politique sur certains problèmes ne font alors que stimuler les patriotes dans la recherche des meilleures voies et elles élèvent leur vigilance révolutionnaire.

Une conception erronée de l’union ne fait que diminuer l’apport de nombreux patriotes à la lutte, alors qu’il s’agit d’y faire participer tous les Algériens jusqu’au dernier.

Après la dissolution de l’UGTA et de l’UGSA et après que notre Parti eût prouvé, une fois de plus, sa volonté unitaire en demandant à ses militants de s’organiser dans l’UGTA clandestine, il est arrivé dans plusieurs entreprises ou corporations que des possibilités immédiates de remise sur pied des organisations de l’UGTA par nos camarades, jouissant de la confiance de tous les ouvriers, aient été entravées par des interventions de certains nationalistes. Ces positions, impossibles à justifier politiquement ont eu chaque fois pour résultat l’immobilisme.

Il est arrivé également dans le passé que des camarades, en dépit d’un comportement exemplaire, aient été l’objet de discriminations jusqu’au sein de l’A.L.N. D’autre part, des organisations locales du Front se sont efforcées de faire pression sur certains de nos militants ou d’entraver le travail propre de certaines de nos organisations de base. Nous pouvons signaler également, dans certains camps et prisons, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres, les efforts de certains responsables nationalistes des comités de camp pour dresser une barrière entre patriotes nationalistes et communistes, alors que, face aux garde-chiourmes, l’union de tous était des plus nécessaires.

Fort heureusement, les choses ne se sont pas passées partout de la même façon et on pourrait citer nombre d’exemples positifs de coopération. Néanmoins, les exemples négatifs cités plus haut sont suffisamment révélateurs d’un sectarisme nuisible, qu’il importe de combattre au sein du F.L.N. de la même façon que le P.C.A. combat victorieusement dans ses propres rangs les manifestations sectaires à l’égard des patriotes nationalistes.

On nous a dit, en 1956, à l’appui des dirigeants du F.L.N. de voir notre Parti se dissoudre : « On vous craint (les communistes), même quand vous êtes en petit nombre ». Dans certains camps et prisons, les nationalistes n’ont pas caché à nos camarades que la crainte du rayonnement de nos idées était une des raisons principales du refus des activités communes. Il est vrai que les communistes engagés dans des actions communes font toujours le maximum pour apporter un élément qualitativement différent, une contribution positive à tout mouvement auquel ils participent. Mais c’est aux colonialistes de s’en effrayer et non aux patriotes. Pour leur part, les communistes sont les premiers à se féliciter des efforts positifs de leurs partenaires dans les actions communes. Sur le plan idéologique, c’est un fait que les influences les plus diverses ou même les plus contradictoires s’exercent sur l’ensemble du peuple algérien et sur ses diverses couches sociales unies dans la lutte nationale : personne ne peut rien y changer, c’est un fait qui découle de la réalité historique et sociale de l’Algérie au vingtième siècle. Cette diversité idéologique n’est nullement incompatible avec l’unité d’action politique. De plus, nous sommes convaincus pour notre part qu’une influence encore plus grande de l’idéologie d’avant-garde de la classe ouvrière algérienne ne peut qu’avoir des répercussions favorables sur l’ensemble du mouvement de libération et contribuer à faire reculer certaines de ses faiblesses.

L’anticommunisme, la crainte irraisonnée du communisme, desservent toujours l’union et la lutte. Ce n’est pas par hasard que les mouvements de libération nationale les plus anti-impérialistes, les plus proches des aspirations des peuples, sont ceux où il n’y a pas d’anticommunisme, ou bien où l’anticommunisme a le moins de prise, qu’il s’agisse de mouvements dirigés par les communistes (comme au Viêt-Nam) ou de mouvements dirigés par la bourgeoisie nationaliste (comme à Cuba ou en Indonésie). Alors qu’à l’inverse, les tendances les moins anti-impérialistes des mouvements nationaux, ou les plus compromises avec l’impérialisme, sont en même temps les plus anticommunistes.

Au moment où notre mouvement de libération prend, notamment sur le plan des alliances extérieures, une orientation encore plus résolument anti-impérialiste, les colonialistes français ne manqueront pas d’accentuer leurs manœuvres de division entre les patriotes communistes et nationalistes. Nous ne pouvons donc que nous réjouir, dans l’intérêt de notre Patrie, des déclarations de Ferhat Abbas rejetant les sollicitations occidentales à l’anticommunisme, ainsi que la cessation de certaines déclarations anticommunistes malheureuses des premières années de la guerre. Nous sommes sûrs que cela répond au sentiment profond des masses populaires de notre pays.

Sur le plan des masses :


Toutes les couches de la population, et en particulier les plus hésitantes ou celles placées sous la contrainte de l’ennemi, doivent être gagnées par un travail politique patient. L’expérience a montré, dès la troisième année de guerre, que c’est une erreur de négliger ce travail pendant les périodes d’essor rapide du mouvement révolutionnaire et de s’appuyer surtout sur la spontanéité des masses. Lorsque l’ennemi met en œuvre de plus grands moyens et que surgit une période de difficultés, les effets de cette négligence se font sentir. Les patriotes armés risquent alors de céder à la tendance à utiliser la contrainte comme moyen systématique pour faire face à des difficultés pressantes, par exemple pour assurer la perception des impôts ou de cotisations, pour assurer le succès des campagnes de boycotts.

Il est certes dangereux d’oublier que dans une guerre révolutionnaire, la propagande est nécessairement une propagande armée. C’est-à-dire qu’elle doit être entreprise et doit se développer sous la protection des armes chaque fois que cela est nécessaire afin de briser l’intimidation de l’ennemi et de ses agents qui combattent cette propagande par les moyens les plus violents. Ceci dit, en aucun cas, la contrainte n’est capable du point de vue des résultats à obtenir, de remplacer durablement la persuasion. Par contre, si un mot d’ordre est juste, c’est-à-dire s’il correspond à la fois aux aspirations nationales profondes, à la situation et aux possibilités locales et s’il s’accompagne d’un travail d’explications suffisant les masses l’adopteront et l’appliqueront en résistant à l’ennemi même lorsque les groupes de l’A.L.N. se seront repliés vers d’autres zones. Elargir le travail de persuasion, c’est aussi enlever à l’ennemi toute possibilité d’exploiter en sa faveur les courants nés sur la base d’erreurs, d’incompréhensions ou de mécontentements locaux, c’est contrecarrer ses efforts pour mettre sur pieds harkas ou « groupes d’auto-défense », pour recruter mouchards et autres agents.

C’est aussi la persuasion auprès des Algériens trompés qui doit être utilisée contre la politique contre-révolutionnaire antinationale de division et de collaboration avec les colonialistes des dirigeants du M.N.A.

Cependant, malgré tous nos efforts politiques, l’ennemi peut parvenir à quelques résultats avec des individus corrompus qui refusent de se racheter et mènent avec zèle, ouvertement ou clandestinement, une activité des plus dangereuses pour les patriotes. Il ne peut y avoir d’indulgence pour ces traîtres. Leur châtiment, en premier lieu, celui des plus notoires, des plus haïs, est un devoir. Il contribue à élever la vigilance populaire.

De plus, la Révolution algérienne, comme toute révolution, n’est pas à l’abri des aventuriers et profiteurs, à la manière des Hambli, Kouara et autres que l’ennemi s’efforce au demeurant lui-même d’introduire dans les rangs de la Révolution pour saboter, démoraliser les combattants et le peuple. C’est pourquoi, lorsque les combattants et le peuple critiquent tel ou tel responsable, à quelque échelon qu’il se trouve, il faut prêter une oreille attentive, vérifier minutieusement l’exactitude des faits et châtier sévèrement les coupables éventuels.

Élever la conscience politique et le niveau de la lutte :


Le soutien populaire à l’A.L.N. ne peut s’accroître que dans un climat de résistance active à l’ennemi. De nombreux civils algériens se demandent : « Que faire sans arme face à la répression ». Il faut répondre à cette question. Ce qui doit être aussi préoccupant que la répression elle-même, c’est l’état d’esprit attentiste qui risque de s’instaurer à la faveur de celle-ci. La résistance passive, qu’il faut encourager, ne suffit pas. Ne rien faire en croyant éloigner de soi la répression, c’est justement ce que cherchent à obtenir nos oppresseurs pour garder les mains libres contre nos frères combattants, prolonger ainsi ce régime maudit qu frappe aveuglément un jour ou l’autre tout Algérien.

Par quels moyens opposer chaque jour à l’ennemi un front actif, à la fois résolu et sans aventurisme ?

- Accroître l’agitation politique et la propagande :


Les chefs de SAS et de SAU, les services de la direction de l’information colonialiste récemment réorganisés et pourvus de nouveaux moyens matériels (cinéma, radio, télévision jusque dans certains douars) s’efforcent d’enfoncer les Algériens dans les problèmes difficiles de leur vie matérielle quotidienne, de leur faire oublier que la fleur de la jeunesse algérienne combat et meurt, que le monde entier parle de l’Algérie, s’efforcent en un mot de leur masquer toute perspective politique.

Or, le travail politique a justement été trop sous-estimé durant toutes ces années difficiles. La tâche des commissaires politiques a-t-elle été toujours été facilitée et portée à un niveau sans cesse supérieur ? Et dans l’organisation des villes, combien, à côté de tant de cellules F.L.N, de collecteurs de fonds, de matériel, à côté des groupes armés, y a-t-il eu de cellules chargées d’un travail politique systématique, d’élaborer et de diffuser des mots d’ordre, d’assurer l’impression, la distribution de tracts, etc.? La disproportion est grande. Les difficultés matérielles découlant de ces tâches ne doivent pas constituer une entrave. Elles ne sont d’ailleurs pas plus grandes que pour la lutte armée ou d’autres tâches. L’urgence de certaines activités, directement liées à la lutte armée, ne doit pas non plus être un prétexte pour négliger le travail politique. Car, plus le travail politique diminue, plus les difficultés matérielles, y compris pour l’action armée et les collectes, augmentent. Le fusil et le tract sont deux instruments inséparables de la Révolution. Le travail politique permanent, jusque dans les zones prétendues « pacifiées » et « calmes », prouve à la population que les organisations de la Résistance, même en l’absence de groupes armés, sont toujours présentes au milieu d’elles. Il donne à chacun davantage conscience d’appartenir au grand corps vivant de la Patrie au combat. Il maintient les masses en alerte, suscite les dévouements.

Notre parti, malgré des conditions difficiles, s’est toujours efforcé et s’efforcera d’accroître et d’améliorer son travail dans le domaine, multipliant les journaux ou tracts envoyés, distribués ou dispersés, les inscriptions, les mots d’ordre de bouche à oreille, etc. , périodiquement ou à l’occasion d’événements ou d’actions importantes (élections colonialistes, procès, anniversaires nationaux, etc.). Nous avons constaté également que dans la dernière période, et notamment au cours des « élections cantonales », le F.L.N. avait accru ses efforts dans ce domaine par l’envoi et la distribution de papillons, par des inscriptions sur les routes, etc. À tous les patriotes d’amplifier ces efforts par tous les moyens !

Quel doit être le contenu de ce travail ?

Mener une active agitation politique tenant compte de l’évolution de la réalité quotidienne ; faire connaître les communiqués de l’A.L.N. ou du gouvernement et la situation dans le monde, diffuser des mots d’ordre précis et réalistes pour répondre aux questions concrètes qui se posent devant les masses, fournir des arguments sérieux pour combattre les slogans de l’ennemi, démasquer non seulement les mensonges grossiers de la presse des ultras, mais aussi les insinuations plus ou moins subtiles de la presse néo-colonialiste (« Journal d’Alger ») ; enfin, mettre en garde les patriotes contre les spéculations et déformations qui emplissent certains journaux d’information de la grande bourgeoisie française (tel que « Le Monde ») ou qu’on trouve dans les hebdomadaires de la petite bourgeoisie (« L’Express », « France -Observateur »). Si les Algériens savent facilement y reconnaître certaines positions confusionnistes de Mendès-France ou de la Fédération de l’Education Nationale, les calomnies au sujet des massacres de Mélouza, les tentatives d’ingérences dans les affaires du mouvement national sous forme de conseils déguisés donnés aux dirigeants de la lutte de libération, il leur faut par contre une plus grande vigilance pour déceler le danger de spéculations au sujet des diverses tendances du mouvement national (« durs » et « mous », « pro » et « anti-chinois », etc.), spéculations souvent anticommunistes qui tendent à jeter le trouble au sein du mouvement de libération.

À côté de ce travail d’agitation, de grands moyens doivent être mis en œuvre pour une propagande approfondie en faveur des objectifs de la libération nationale.

Les Algériens lutteront avec encore plus d’abnégation s’ils ont la certitude que l’indépendance ne signifie pas seulement la fin des humiliations et des crimes colonialistes, mais aussi l’instauration d’une République démocratique garantissant les libertés fondamentales de tous les Algériens, à la seule exception des agents du colonialisme et des forces anti-nationales rétrogrades. Il faut combattre, auprès de nos masses assoiffées de liberté et de démocratie, le slogan mensonger par lequel l’indépendance ne saurait aboutir qu’à « l’anarchie sanglante » ou à une dictature anti-démocratique du type nassérien. Prêcher les mérites ou la nécessité du parti autoritaire unique dans l’Algérie indépendante de demain, en faisant fi de la maturité politique des Algériens, de leurs traditions démocratiques et des aspirations des diverses classes sociales qui composent la nation algérienne, c’est prêter le flanc à cette propagande colonialiste. Il faut au contraire mettre en valeur le fait que les patriotes combattent pour une Algérie dans laquelle tous les citoyens devront jouir pleinement des libertés démocratiques chèrement acquises, libertés qui permettront à toutes les forces populaires qui oeuvrent dans le sens de la Révolution nationale et démocratique de continuer à se développer dans l’intérêt du pays. Seule une telle conception de l’avenir de l’Algérie suscitera à la fois l’enthousiasme créateur et la discipline nationale si nécessaire à la lutte de libération et à l’édification de notre pays libéré.

Pour entraîner toutes les classes sociales, notamment les plus opprimées, les plus déshéritées, à déployer des trésors infinis d’énergie dans la lutte, il faut qu’elles soient fortement convaincues que la République Algérienne sera une République sociale qui devra réaliser, dans le cadre de la libération nationale, les aspirations les plus urgentes de chacune de ces classes.

Aux paysans pauvres qui rêvent de descendre dans les plaines réoccuper les terres de la colonisation volées à leurs ancêtres et qui mesureront l’indépendance à la quantité de terre qu’elle leur permettra de récupérer, il faut montrer avec plus de précision que par le passé quelle transformation profonde subira leur sort lorsqu’ils sauront, en alliance avec la classe ouvrière, obtenir de l’Etat algérien indépendant une réforme agraire profonde, que notre Parti a mise à son programme depuis sa formation et que le F.L.N. a inscrite parmi ses objectifs.

Il faut montrer à la classe ouvrière que sa lutte pour se libérer des chaînes coloniales est aussi une lutte pour la garantie de ses libertés syndicales, pour la satisfaction de ses revendications de base, juste prix de ses sacrifices dans la guerre de libération et de son travail créateur dans l’étape de l’industrialisation du pays ; que c’est une lutte aussi pour lui permettre de jouer dans le Nation libérée un rôle correspondant à sa conscience d’avant-garde, conformément à ses aspirations de classe pour la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme.

Sachons montrer aux diverses couches de la bourgeoisie que l’indépendance, grâce à la réforme agraire, à la nationalisation des ressources naturelles du sol et du sous-sol algérien, ainsi que des grandes entreprises d’intérêt national, grâce à la suppression des privilèges douaniers, monétaires et fiscaux de la bourgeoisie colonialisatrice française, améliorera considérablement sa position, étouffée dans le carcan colonial.

Avec l’indépendance, les femmes conquerront l’émancipation et l’égalité des droits qui leur manquaient depuis des siècles. Nos jeunes, nos étudiants ne seront pas les moins ardents dans la lutte pour une indépendance qui leur ouvrira si grandes les voies de la science, du bonheur, de l’avenir. Avec la conscience de tels objectifs, il n’est pas un Algérien qui ne se dépenserait sans compter dans le combat patriotique.

Intensifier les luttes quotidiennes :


Les uns tiennent en mains un fusil. Les autres versent une cotisation, fournissent un renseignement, hébergent des combattants, cachent et guident les patriotes recherchés, lisent et font circuler un tract, assurent le transport, ne vont pas voter aux « élections », n’achètent pas de mouton pour le jour de l’Aïd.

Mais il y encore d’autres luttes possibles, les luttes menées collectivement par les grandes masses qui, elles aussi, harcèlent l’ennemi, renforcent la cohésion du peuple et sa confiance dans ses grandes possibilités.
Tels ont été les boycotts (du tabac, de l’alcool, des spectacles, etc.) au début de la guerre, certains boycotts des marchés par les paysans, le boycott de l’état-civil et de la justice française dans certaines zones.
Notre Parti a impulsé au cours de la première année de guerre les manifestations paysannes du Cheliff, le refus des dockers d’Oran de décharger des armes, les luttes des chômeurs de Tlemcen, la grève et les manifestations violentes des mineurs de Miliana, la grève de masse (et notamment des dockers) d’Alger le 5 juillet 1955.
Il y eut par la suite les grèves nationales du 1er novembre 1955 et du 5 juillet 1956, lancées par le F.L.N. et appuyées par notre Parti ; la grève des dockers, des ouvriers du bâtiment et d’autres corporations d’Alger organisée par l’UGSA et impulsées par les militants du P.C.A. contre l’attentat à la bombe des ultras dans la Casbah ; la manifestation de masse organisée par le F.L.N. dans les rues d’Alger le 1er mai 1956 ; les manifestations de Tlemcen après l’assassinat du Docteur Benzerdjeb ; la grève scolaire de fin 1956 ; la grève de huit jours de février 1957, etc.
Toutes ces luttes, gagnant chaque fois de nouvelles couches de la population, ont contribué à l’extension rapide de la guerre d’indépendance.

De telles actions sont devenues plus difficiles à organiser à partir de 1957. cependant, jeunes et femmes ont, à diverses reprises, mené des manifestations ou grèves dans de grandes villes comme Alger, Oran, Mostaganem, Tlemcen, Constantine, à l’occasion de procès de patriotes devant les tribunaux français, pour le soutien des luttes menées par les internés et emprisonnés, pour riposter aux exactions et crimes des ultras. Le 10 octobre dernier, des centaines de patriotes ont crié « Assassins, à bas la France » devant la prison d’Alger après l’exécution d’un combattant. Le 26 octobre dernier, des dizaines de femmes ont manifesté devant la préfecture et la prison d’Alger pour voir leurs maris emprisonnés. Ces diverses manifestations ont de profondes répercussions chez nous et dans le monde. Elles aboutissent parfois à des résultats appréciables, bien que locaux et limités. De telles actions sont cependant restées trop peu nombreuses. D’autre part, le développement et l’activité des organisations de masse (ouvriers, commerçants, jeunes, collégiens et étudiants, femmes, etc.) sont insuffisantes par rapport aux possibilités. Ces insuffisances peuvent être surmontées.

Ce travail nécessite une grande attention portée à l’étude des conditions réelles. Les actions de masse qui ne tiennent pas compte de la nécessité de ménager et consolider les forces en vue d’une résistance de longue haleine risquent, soit d’échouer au départ, soit de mal se terminer et d’entraver ensuite pour plus ou moins longtemps la combativité des masses. Ce fut le cas de la grève de huit jours en février 1957 qui fut menée par les Algériens avec un courage admirable mais qui, par la tension et les sacrifices excessifs qu’elle a exigés, a entraîné par la suite, la répression aidant, un certain fléchissement dans la résistance active des masses de certaines grandes villes. Une grève d’un ou deux jours aurait atteint l’objectif recherché (puisque le succès fut total au cours des premiers jours) sans entraîner les mêmes conséquences négatives. Il en est de même pour la grève des écoliers : limitée dans le temps, elle aurait eu un succès tout aussi significatif. La nécessité de sa prolongation, par contre, ne fut pas comprise par les masses. De sorte que plus tard, même des mouvements de grève plus limités (exemple : 5 juillet 1958) devinrent plus difficiles à réaliser.

Mais le fait qu’un certain nombre d’actions, bien que semi- spontanées, aient pu être menées malgré des conditions difficiles, démontre que de telles actions restent possibles, surtout si elles sont organisées. Il s’agit moins de réaliser au début de grandes actions de masse à tout prix que de mener un travail patient, tenant compte des difficultés, des besoins pressants et du niveau de lutte dans chaque milieu. C’est un effort d’organisation permanent et de petites actions répétées qui permettent, en certaines occasions politiques ou pratiques favorables, l’organisation d’actions plus vastes. Ces dernières sont assurées du succès si, à travers les luttes quotidiennes ; les masses sentent à quel point leurs besoins immédiats, leurs préoccupations trouvent un écho dans la manière dont les organisations nationales les conduisent à l’action.

C’est dans la mesure où les unités de l’A.L.N. montrent leur souci d’aider les paysans à résoudre leurs problèmes de ravitaillement contre le blocus colonialiste, c’est dans la mesure où l’A.L.N. tient compte avec soin des difficultés quotidiennes des fellahs, où elle sait écouter l’avis des assemblées et comités paysans, où elle fait participer ces derniers aux décidions prises, que les fellahs à leur tour s’accrocheront avec acharnement à leurs terres dans les zones interdites , maintiendront leur soutien aux combattants, résisteront jusqu’au bout aux efforts de regroupement de l’ennemi et poursuivront même la lutte jusqu’à l’intérieur des camps de regroupement.

Il faut se soucier de l’organisation clandestine des ouvriers au sein de l’UGTA dans les usines, les chantiers, les bureaux, non pour la simple collecte de cotisations, mais en vue de lier dans l’action les aspirations nationales et les revendications propres de la classe ouvrière. Divers signes montrent que l’action revendicative correspond aux aspirations et aux possibilités des travailleurs qui ressentent durement une exploitation aggravée : mécontentement chez les dockers, grève des ouvriers boulangers à Alger, des transports publics à Bône et à Oran, abstention massive aux élections aux caisses de Sécurité Sociale (58% d’abstentions officiellement reconnues – à noter que 42% de votants sont en grande majorité européens), grèves dans les chantiers pétroliers, menaces de grèves dans les transports algérois, etc. L’organisation de cette action et la création de sections syndicales UGTA doivent surgir de la masse même des travailleurs. Les ouvriers les plus conscients, jouissant d’une certaine expérience et de la confiance de leurs camarades doivent en prendre l’initiative, sans perdre de temps, étant donné les circonstances.

Par mille tâches diverses, les femmes algériennes prendront plus vite conscience encore de leurs grandes possibilités, élargiront le champ d’action du mouvement national, assumeront de plus en plus des responsabilités correspondant à leur patriotisme, à leur volonté d’émancipation, à leur situation particulière.

Que de formes peut prendre également la résistance chez les écoliers, les étudiants, les lycées, les enseignants, les artistes ! Former des cadres techniques pour l’Algérie de demain, développer le patrimoine culturel algérien sur des bases nationales, scientifiques et populaires, telles sont les tâches auxquelles doivent aussi se consacrer ceux de nos compatriotes vivant à l’étranger et disposant pour cela de plus de facilités.
Ce combat culturel doit se poursuivre sur le sol de la Patrie : apprendre à lire et à écrire en arabe et en français jusque dans les maquis ou au fond des prisons, faire circuler en langue populaire les poèmes et les chants de la Résistance, tourner les obstacles pour faire pénétrer dans notre pays les ouvrages traitant de notre lutte de libération, préparer notre jeunesse à ses tâches patriotiques en laissant n saisissant chaque occasion de lui faire connaître l’histoire de notre pays et d’exalter nos valeurs nationales, nous battre pied à pied contre les efforts d’étouffement de notre culture, faire en sorte que toute production littéraire ou artistique algérienne, venue au jour même dans l’étouffante atmosphère colonialiste, serve non de diversion à notre lutte, mais raffermisse la volonté et élève la conscience du peuple, voilà des objectifs dignes de l’intelligence, du talent et du patriotisme de chaque Algérien instruit ou possédant des dons artistiques.

Il faut soutenir de toutes les manières possibles les luttes qui se poursuivent à l’intérieur des prisons et des camps de concentration colonialistes. Il faut faire une chaîne de solidarité matérielle et morale autour des familles des victimes de la guerre. Il faut développer la combativité et la vigilance contre les brimades et manœuvres colonialistes, harceler l’ennemi de revendications pressantes jusque dans les SAS et les SAU qui ont réussi par la contrainte à s’imposer à la population. Tout ce qui sera ainsi arraché encourage, tandis que ce qui est « octroyé » par les colonialistes risque de corrompre et d’endormir. En un mot, il ne faut négliger aucune possibilité d’action et même dans certains cas ne pas craindre d’exploiter les infimes possibilités de la « légalité » colonialiste, en veillant bien à ce que ces actions servent la lutte de libération et n’aboutissent pas à cautionner la politique de troisième force gaulliste.

Rien de tout cela n’est facile alors que des millions d’Algériens sont plongés dans l’enfer de la répression colonialiste. Mais un tel travail est la condition du succès. Il s’agit de notre peuple, d’hommes et de femmes qu’animent ou ont animé les mêmes aspirations patriotiques ardentes, mais dont certains redoutent seulement les difficultés ou sont paralysés par elles. Comment ne saurions-nous pas trouver le chemin cers le cœur et la raison de chacun d’eux pour les entraîner dans une lutte plus active ?

c) Accroître les efforts en direction des Européens d’Algérie.

Notre Parti a montré dès 1939 les possibilités de solution du problème de la minorité européenne dans le cadre de la nation algérienne, à plus forte raison dans un État algérien. Il a toujours souligné aussi la nécessité de mettre à profit les différenciations sociales existant dans la population européenne afin d’isoler au maximum la couche la plus dangereuse des ultras, de gagner au mouvement national les ouvriers et intellectuels les plus avancés, ainsi qu’une part importante des israélites, d’amener enfin à la neutralité un certain nombre de couches moyennes, en particulier de petits colons, techniciens, etc., dont les intérêts légitimes non colonialistes doivent être sauvegardés dans une Algérie libre.

Le déroulement de la guerre de libération a justifié le bien-fondé de ces préoccupations de notre Parti. On a pu constater la participation d’Européens à la lutte libératrice, au sein du P.C.A. ou du F.L.N., la neutralité ou la coopération de nombreux petits colons avec l’A.L.N. De plus, l’existence d’une fraction de travailleurs européens qui ont lutté au côtés du mouvement national ou sympathisé avec lui déjà avant 1954 est un fait politique important qui ne pourra manquer de ressurgir un jour ou l’autre dans un climat devenu plus favorable, comme l’ont prouvé nombre de réactions et prises de positions qui montrent, depuis janvier 1960, que les ultras font de moins en moins l’unanimité des Européens derrière eux.

L’utilité des efforts des patriotes algériens en direction des Européens découle implicitement des déclarations de principe du F.L.N. en novembre 1954 ; elle a été plus nettement exprimée au Congrès de la Soummam. Elle s’est traduite par des actes tels que la libération des civils européens par l’A.L.N. et par des déclarations de personnalités et de responsables du Front, dont la plus importante est l’appel du Président Ferhat Abbas aux Européens d’Algérie en février dernier.

Cependant, une telle orientation ne sera efficace que si elle se prolonge dans la pratique quotidienne par le souci constant de surmonter énergiquement les insuffisances et étroitesses qui subsistent. Cette juste orientation ne doit pas être contredite par des déclarations telles que parue il y a quelques années dans « El Moudjahid », confondant l’ensemble des Européens en disant « Tout français en Algérie méprise, opprime, domine », appréciation heureusement corrigée plus tard dans le même journal. Cette orientation ne doit pas être contredite non plus par des actions sans discernement, « en représailles » contre l’ensemble de la population européenne à la suite d’atrocités commises par les ultras. Beaucoup de « simples gens » européens ont déduit à tort de certaines actions malheureuses que l’appel de Abbas n’était qu’une habileté tactique. Il faut leur montrer que cet appel exprime réellement le fond de la politique de tout le mouvement de libération. Il faut donc multiplier les gestes qui montrent que la lutte est dirigée avant tout contre les forces de répression, contre les collaborateurs patentés du colonialisme qui ont trahi la patrie ouvertement et sans esprit de retour ; donner la plus grande diffusion aux explications concernant le châtiment de tel pou tel Européen tortionnaire. Dans les luttes revendicatives des travailleurs algériens, il faut aussi chaque fois s’efforcer d’entraîner les Européens et rappeler que l’UGTA est ouverte à tous les travailleurs anti-colonialistes.

Avec l’aiguisement des contradictions entre les ultras et néo-colonialistes, consécutif à la déclaration de de Gaulle sur le République Algérienne, les tâches des patriotes algériens auprès des Européens d’Algérie acquièrent une plus grande importance. Il faut d’une part combattre les mensonges sur le compte du mouvement de libération, auxquels recourent les dirigeants ultras pour s’efforcer d’accroître l’inquiétude des grandes masses européennes quant à leur avenir dans une République Algérienne. Il faut aussi se tenir prêts à faire face à toute situation pouvant résulter d’un coup de force des ultras à l’appui de leur projet de « gouvernement de l’Algérie française ». L’action commune des étudiants algériens et de certains étudiants européens de l’Université d’Alger contre la grève déclenchée par les étudiants ultras en faveur de Lagaillarde constitue un excellent exemple de travail juste pour isoler et réduire à l’impuissance les ennemis les plus virulents de notre peuple.

d) Etendre et renforcer les alliances

1 ° Il faut renforcer l’aide nord-africaine, africaine et arabe


à la cause algérienne en ne s’adressant pas aux seuls gouvernants, dont certains ont des réticences ou bien ne sont pas libres de tous leurs mouvements. Il faut s’adresser aussi aux organisations et aux masses populaires dont la pression est capable d’impulser une solidarité plus grande et amènera les gouvernants à consacrer une plus grande part de leurs efforts et des ressources de leurs pays à une cause qui ne doit pas rester seulement la nôtre. Le P.C.A. pour sa part se félicite des efforts déployés par les Partis Communistes frères, tels ceux d’Irak, du Maroc, de Tunisie et d’autres organisations comme l’Union des Forces Populaires au Maroc pour montrer à leurs peuples toute l’importance que revêt « le grave problème de la solidarité avec le peuple algérien ». Nous affirmons également qu’en affirmant leur solidarité avec les classes ouvrières, démocratiques et populaires en butte aux attaques réactionnaires au Maroc, en Tunisie et dans d’autres pays arabes, les Partis et organisations de masse de l’Algérie combattante servent leur propre cause, celle de la libération du Maghreb et du monde arabe tout entier. Enfin, il faut lutter pour l’application des décisions prises à Tanger afin de faire avancer l’unité nord-africaine sur des bases fédérales, démocratiques et au profit des masses nord-africaines, ce qui ferait échec à toutes les manœuvres impérialistes, qu’elles tendent à diviser nos trois peuples ou qu’elles tendent à ce que le Maghreb soit conservateur sur le plan intérieur et acquis à l’Occident impérialiste sur le plan extérieur.

2 ° Il faut renforcer, dans la propagande et l’action, notre alliance objective de combat avec le prolétariat français et la solidarité avec les autres couches anticolonialistes du peuple français

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Cela veut dire que, d’une part, il faut veiller, afin d’encourager notre peuple dans sa lutte, à mettre en valeur auprès de lui, sur la base des faits, l’opposition d’une large fraction du peuple français à ses gouvernants colonialistes. Et, d’autre part, vis-à-vis du peuple français, nous devons faire tout ce qui est possible de l’éclairer et de souligner les convergences d’intérêts entre nos deux peuples.

Il faut se féliciter des positions de principe allant dans ce sens adoptées par le F.L.N. à son Congrès de la Soummam en 1956. Un certain nombre de déclarations officielles du F.L.N. et du G.P.R.A., d’appels lancés au peuple de France par des organisations comme l’AGTA ou la Fédération de’ France du F.L.N. ont confirmé cette orientation. La libération, décidée par le G.P.R.A., de soldats français prisonniers a eu un grand retentissement dans l’opinion française. Devant les tribunaux français, de nombreux patriotes algériens ont à cœur d’expliquer le sens de leur combat, d’affirmer leur qualité de combattants anticolonialistes et non anti-français. Le discours de Ferhat Abbas le 5 juillet dernier, les rencontres des représentants de l’UGEMA et de l’UNEF, l’appel de l’UGTA aux Centrales syndicales françaises au lendemain de l’échec des pourparlers de Melun, sont autant d’excellentes contributions au renforcement de cette alliance de combat.

Il importe à notre mouvement de libération de faire tout e qui est en son pouvoir pour aider le mouvement actuel des masses françaises à se développer jusqu’à peser de façon décisive sur l’issue de la guerre. Il faut mettre fin aux acrimonies, aux procès d’intention qui ont trop souvent et bien inutilement constitué la note dominante dans certaines publications du F.L.N. concernant l’opinion française ou adressées à elle. En avril dernier, à Belgrade, Lamine Khane déclarait : « les éléments avancés de la classe ouvrière et de la gauche française n’ont rien fait et ne font encore rien (souligné par nous) de positif… Ils persistent à croire que leurs gouvernants abdiqueront de leur propre vouloir les intérêts du colonialisme en Algérie… » Cela au moment où se multipliaient depuis quelques mois les signes d’un développement rapide du mouvement des masses en France. Certes, aucun mouvement n’est à l’abri des critiques ou des insuffisances. Mais la critique, lorsqu’elle est fondée, doit être constructive. Elle ne doit pas viser à diminuer ou à dénigrer nos alliés naturels, mais à renforcer la solidarité de lutte dont il faut déceler, sauvegarder et développer les moindres possibilités.

Combien plus féconde pour notre cause apparaît la déclaration de Mohamed Yazid qui a dit au Congrès des Nations africaines indépendantistes à Addis-Abeba : « C’est avec satisfaction que nous enregistrons l’existence en France de démocrates, ouvriers, étudiants et intellectuels qui luttent pour la cause de la paix en Algérie ».

La sous-estimation du rôle de l’opinion française s’est le plus souvent accompagnée de positions négatives à l’égard du Parti Communiste Français, alors que la France est le seul pays possédant des colonies où a réussi à se développer un puissant Parti Communiste, forgé dans la lutte contre la bourgeoisie impérialiste et qui a créé dans les masses laborieuses un courant anticolonialiste assez fort pour entraver et retarder dès les premières années l’effort de mobilisation pour la « guerre totale » désiré par les ultras et pour peser sur les décisions de leurs gouvernants. Dans quelle autre métropole colonialiste y a-t-il jamais eu des manifestations anticolonialistes d’une telle ampleur ? Qu’on s’interroge honnêtement sur ce que serait le mouvement français actuel pour la paix en Algérie si, par impossible, il était amputé de ce que lui apporte le PCF ?

Nous avons également souligné, en son temps, le caractère, allant à l’encontre du but recherché, des actions armées déclenchées sur le sol de France en août 1958. En dehors de certaines actions judicieuses contre des traîtres comme Chekkal et Abdesselam ou les actes de légitime défense des patriotes contre les policiers français et leur hommes de main recrutés dans la pègre en Algérie et qui traquent nos compatriotes, de telles actions, sans intérêt militaire et stratégique déterminant, ont eu un effet politique négatif, contribuant à freiner pour un temps l’essor du mouvement des masses françaises pour la paix. Le gouvernement algérien a bien fait de les arrêter.

En un mot, il faut, dans la lutte contre les ultras et pour la conquête de l’opinion française, nous départir de toute étroitesse, ne pas voir la situation politique française de façon sentimentale et idéaliste, ne pas croire que chaque ouvrier ou intellectuel français doit être spontanément et a priori anticolonialiste, et ne pas fermer les yeux sur les conditions réelles et- complexes dans lesquelles se déroule nécessairement en France la lutte anticolonialiste.

3 ° Il faut rechercher l’aide et la solidarité de tous les peuples sans discrimination


et combattre au sein du mouvement de libération les orientations qui tendraient à nous priver des forces les plus résolument anti-impérialistes, au premier rang desquelles celles du camp socialiste. Les événements de Cuba et du Congo ont montré avec un relief saisissant que l’existence des deux camps mondiaux ne résulte pas d’un quelconque « partage de zones d’influence entre les Grands », comme ne cesse de le répéter des commentateurs superficiels ou intéressés. L’existence des deux camps traduit la réalité profonde de notre époque dans laquelle s’affrontent pour leur vie ou leur mort d’une part, les masses populaires de tous les pays, petits ou grands, d’autre part, les sordides intérêts des pays impérialistes, petits comme la Belgique, ou grands comme les Etats-Unis. C’est ce que notre Parti a toujours dit. C’est ce qui ressort de la déclaration faite à Moscou, en octobre dernier, par Ferhat Abbas.

Aujourd’hui, les patriotes algériens, quelque soit leur appréciation sur le socialisme et le communisme en tant que doctrines sociales, distinguent mieux où sont leurs alliés et leurs ennemis naturels. Ils ont accueilli avec enthousiasme les paroles suivantes du camarade Nikita Khrouchtchev : « On peut considérer que nos réunions et nos conversations avec les représentants du gouvernement provisoire algérien signifient une reconnaissance de facto de ce gouvernement… J’ai déjà dit que le peuple soviétique avait toujours marqué de la sympathie pour les peuples colonisés qui luttent pour leur indépendance et pour leur liberté. Comment, dans ces conditions, pouvons-nous exclure le grand peuple arabe, le peuple d’Algérie, qui lutte pour son indépendance et pour sa liberté ? Nous saluons de tout cœur son combat et nous lui apporterons toujours le maximum d’aide, une aide qui lui servira à gagner la liberté ».

Les patriotes algériens comprennent chaque jour mieux combien étaient dangereuses les illusions qui ont persisté longtemps et persistent encore sous des formes atténuées chez des patriotes de moins en moins nombreux sur le prétendu « anticolonialisme » du gouvernement des Etats-Unis. Les Algériens, et notre Parti en premier lieu, se félicitent de l’amélioration continue qu’ils ont constatée dans l’orientation de la politique extérieure du F.L.N., amélioration qui correspond aux changements survenus dans l’état d’esprit des masses algériennes à qui la guerre a très vite ouvert les yeux.

« L’anticolonialisme du dimanche » des gouvernants des Etats-Unis n’est qu’une manœuvre pour sauvegarder leurs intérêts devant la montée des peuples. Dans les faits, nous enregistrons leur aide matérielle et politique constante à nos oppresseurs, aide que le G.P.R.A. dénonce à juste raison avec une vigueur croissante. L’expérience et l’exemple récent de Cuba ont montré aux patriotes qui en doutaient que lorsqu’on veut résolument faire avancer la cause nationale, on ne peut être neutre dans les faits entre les impérialistes américains et occidentaux d’une part, le camp socialiste et le mouvement communiste international d’autre part. Le Pacte Atlantique, dénoncé par le G.P.R.A., est à la fois un syndicat des colonialistes complices des crimes de la France impérialiste en Algérie et un instrument de guerre antisoviétique. Le G.P.R.A. a affirmé d’autre part dans les communiqués communs qu’il a signés au cours de la tournée de sa délégation en Extrême-Orient son soutien aux efforts des gouvernements et des peuples chinois, nord-coréen et nord-vietnamien pour la détente, pour l’unification de leur pays, le recouvrement de leurs territoires encore occupés et l’édification du socialisme dans leur pays. Ce faisant, le G.P.R.A. a montré, non pas qu’il a pris position pour l’instauration du socialisme dans le monde, mais qu’il prend conscience de l’alliance objective de lutte entre le système socialiste mondial et notre peuple engagé dans la guerre de libération.

Notre Parti soutient cette orientation de notre politique extérieure qui n’a rien à voir avec cette prétendue « neutralité entre les blocs » de certains dirigeants bourgeois des pays afro-asiatiques qui renvoient dos à dos les deux camps et qui, par exemple comme la Tunisie, s’abstiennent dans le vote à l’O.N.U. sur la discussion de l’admission de la Chine Populaire.

Dans la lutte de libération nationale, on peut et on doit mettre à profit les contradictions réelles qui existent à certains moments et jusqu’à un certain degré entre la France et les autres pays impérialistes. Ne pas le faire serait une erreur. Mais pour que cela soit efficace et sans dommages pour notre cause, ces contradictions ne doivent jamais nous faire oublier la solidarité fondamentale des impérialistes dès qu’un peuple veut se libérer réellement. L’expérience a montré que le meilleur moyen d’accroître les difficultés entre impérialistes c’est de mener une lutte anti-impérialiste conséquente. Or, cette lutte conséquente est naturellement liée au développement et aux succès du camp socialiste, avec l’URSS à sa tête.

D’autre part, dans le meilleur des cas, si les gouvernants des Etats-Unis (comme cela pourrait se manifester encore plus nettement avec Kennedy, le nouveau président), d’Angleterre ou d’Allemagne Fédérale sont amenés à prendre leurs distances par rapport à la politique algérienne de la France, ils le font non dans l’intérêt de l’Algérie, mais sur des bases néo-colonialistes pour sauvegarder les positions stratégiques de l’Occident impérialiste, les intérêts des trusts internationaux, « ces forces occultes qui convoitent nos richesses nationales ». de plus, ils ont peur de se couper définitivement des peuples afro-asiatiques qui font de plus en plus la différence entre le camp impérialiste et le camp socialiste. On voit encore là un des aspects bénéfiques pour l’Afrique du soutien du camp socialiste par rapport auquel se détermine la politique occidentale sur les questions coloniales.

Enfin, il faut veiller à ce que le souci légitime d’exploiter les contradictions entre les impérialistes n’entraîne pas de conséquences nuisibles pour le renforcement de nos alliances naturelles et pour le renforcement de l’union et de la lutte de notre peuple. Les illusions persistantes sur l’impérialisme américain n’ont-elles pas été une des raisons qui, dans les premières années de la guerre, ont amené certains dirigeants du F.L.N. à ne pas rechercher la coopération et l’unité d’action avec le P.C.A. et à retarder la recherche active de la solidarité du camp socialiste ? Le fait même qu l’UGTA ait recherché l’affiliation à la Centrale syndicale CISL, dont les principaux dirigeants américains sont anticommunistes et liés aux trusts des USA, n’a-t-il pas été à l’origine du refus opposé par les dirigeants de l’UGTA aux demandes d’unification de l’UGSA sous des formes démocratiques ? N’a-t-il pas ainsi retardé l’unité syndicale en Algérie ? Cette affiliation ne doit pas en tout cas freiner aujourd’hui l’appui total que devrait apporter l’UGTA à la création d’une Centrale syndicale africaine, fidèle à la solidarité internationale des travailleurs sans exclusive. Nous félicitons l’UGTA pour ses efforts en vue d’assurer à la classe ouvrière algérienne et à notre lutte la solidarité active des travailleurs du monde entier. Nous appuierons les efforts qu’elle déploiera contre l’étroitesse dans laquelle la CISL veut confiner le mouvement syndical algérien et ses efforts pour un véritable internationalisme prolétarien, pour l’unité des travailleurs du monde.

Il se trouve des commentateurs étrangers ou même des Algériens pour dire que l’aide du camp socialiste n’est pas recherchée ou reçue de si bon cœur par les patriotes algériens, que son acceptation est simplement une « tactique habile » pour faire pression suer les impérialistes. Cette position pourrait être modifiée si les impérialistes voulaient se montrer un peu plus « compréhensifs ». Les Algériens qui tiendraient de tels raisonnements nourriraient des illusions dangereuses. Certes, l’appui du camp socialiste permet d’exercer une pression efficace sur les impérialistes. Changer cette politique fondée sur les réalités solides au moindre recul des impérialistes serait tomber dans le piège de ces derniers qui affectent de devenir « compréhensifs » pour éviter l’étouffement et poursuivre leurs agissements de brigands.

C’est aussi parce que l’alliance naturelle du camp socialiste et des peuples en lutte pour leur libération est une donnée réelle, solide, et non une alliance fortuite que nous avons combattu les spéculations sans fondements, décourageantes pour notre peuple, selon lesquelles les marchandages sur l’Algérie étaient possibles entre colonialistes français et gouvernement soviétique, dans le cadre de la lutte ^pour la détente internationale. Quarante années d’histoire de l’Union Soviétique ont montré, non seulement que cette dernière mène, quelle qu’en soit la forme, une inflexible politique de principes, mais que tout ce qui a renforcé l’URSS a rejailli en dernier ressort, avec le plus grand bénéfice, sur tous les travailleurs, sur tous les peuples du monde.

Au moment où, sur la question des alliances extérieures, les problèmes deviennent plus clairs pour le peuple algérien, des manœuvres se multiplient pour le troubler, le diviser. Il y a les mensonges des nouveaux services de propagande colonialiste en Algérie et leurs méprisables valets tels Boubakeur, directeur nommé par la France de la mosquée de Paris, qui a le front de parler de « grave menace matérialiste contre la spiritualité de tout le continent africain », alors qu’il a honteusement vendu aux colonialistes français les valeurs spirituelles qu’il prétend servir. Il y a les mensonges des Occidentaux qui « brandissent hypocritement l’étendard de l’anticommunisme », comme l’a déclaré Ferhat Abbas. Il y a aussi les positions regrettables de certains dirigeants afro-asiatiques. C’est ainsi que le président Bourguiba assimile le soutien de principe de l’URSS et du camp socialiste à l’Algérie à une manœuvre intéressée, au « choix d’un bon cheval de bataille », laissant entendre que l’intérêt du camp socialiste est dans la prolongation de la guerre d’Algérie, feignant d’oublier la politique fondamentale de paix de l’URSS, les positions maintes fois affirmées de Khrouchtchev en faveur d’une solution pacifique fondée sur une réelle et loyale autodétermination, oubliant que le gouvernement de l’URSS a réaffirmé qu’il appuyait le G.P.R.A. aussi bien dans ses efforts de guerre que dans ses efforts en vue d’une solution pacifique, oubliant enfin que c’est aux colonialistes français et à leurs complices occidentaux que l’Algérie doit de connaître depuis six longues années le fer et le feu. Les masses algériennes ont fait la constatation éclatante que c’est l’appui inconditionnel de l’URSS, de la Chine populaire et de tout le camp socialiste qui, sur le plan extérieur, contribue de façon décisive à rapprocher l’heure de la libération et de la paix.

D’autre part, le Président Bourguiba ne cesse de déplorer dans ses déclarations, l’affaiblissement des positions de l’Occident et s’inquiète constamment des moyens de leur épargner la catastrophe alors que chaque patriote maghrébin s’écrie : « Que périssent les impérialistes occidentaux pour que vivent nos peuples ! ». A cette tactique dite de « chantage » le G.P.R.A. a répondu déjà dans le mémorandum dénonçant le Pacte Atlantique : « …Ce sont des jeux stériles dont six ans de guerre implacable ont épuisé l’intérêt… ».

Enfin, certains dirigeants nord-africains, comme le prince Moulay Hassan, disent (argument d’ailleurs repris par les colonialistes) que l’appui soviétique à l’Algérie va transformer notre pays en terrain de guerre froide entre les deux camps, socialiste et impérialiste. C’est assimiler bien vite les efforts de paix de l’URSS et du camp socialiste aux préparatifs agressifs des Etats-Unis et de l’OTAN. C’est oublier que l’appui du camp socialiste à l’Algérie est inconditionnel, comme l’a déclaré le Président du G.P.R.A, que l’URSS ne possède en Afrique du Nord aucune base militaire, contrairement aux impérialistes américains (bases aériennes au Maroc et en Libye), que Mers-El-Kébir et Bizerte sont entre les mains de colonialistes français, que c’est la présence, depuis très longtemps, des impérialistes sur le sol nord-africain qui crée un danger mortel pour l’avenir et la liberté des peuples nord-africains. Ceux qui découvrent les dangers de guerre froide consécutifs à l’aide du camp socialiste feraient bien de nous dire pourquoi c’est seulement à présent qu’ils découvrent des dangers qui remontent à l’installation des bases étrangères sur le sol nord-africain, à l’inclusion de l’Algérie dans le Pacte Atlantique et à l’intervention américaine dans le conflit algérien avec l’appui donné à la France. N’est-ce pas plutôt le caractère profondément populaire et démocratique de la Révolution algérienne qui les inquiète, ainsi que sa force d’attraction sur les masses tunisiennes et marocaines, qui attendant toujours des années après l’indépendance, la réforme agraire et la satisfaction de leurs légitimes revendications.

Faudrait-il renoncer au soutien du camp socialiste pour que continuent les massacres, la guerre chaude sur notre sol ? Ou faut-il au contraire que se renforce la solidarité inconditionnelle du camp socialiste et de tous les pays sans exception pour que cesse la guerre qui nous est faite, pour que le peuple algérien demain libre et indépendant, ne tolère aucune base étrangère sur son sol, pour que l’Afrique du Nord et toute l’Afrique soient une zone de paix ! Voila la véritable question. La réponse du peuple algérien est connue. Elle a été clairement exprimée par le G.P.R.A. Les leçons du Congo sont présentes à la mémoire de chaque patriote : affaiblis, démasqués par la lutte du peuple congolais avec l’appui conséquent du camp socialiste, de la Guinée et du Ghana, ne pouvant plus agir ouvertement, les impérialistes se sont efforcés d’intervenir, détournant l’O.N.U. de ses véritables buts, comme ils l’avaient déjà fait pour la Corée. Ils utilisent Tchombé et Mobutu. Ils manœuvrent en brandissant l’antisoviétisme et l’anticommunisme auprès de certains dirigeants bourgeois de pays afro-asiatiques. C’est ainsi que la délégation tunisienne s’est abstenue dur la question de la représentation à l’O.N.U. du gouvernement Lumumba.

Dans les heures difficiles que vit notre pays, le P.C.A. rappelle cette vérité : chaque calomnie anticommuniste ou antisoviétique qui viendrait à trouver crédit auprès de notre peuple représenterait de nouveaux flots de sang et de larmes sous le joug des colonialistes. Le renforcement du soutien inconditionnel du camp socialiste, c’est par contre, l’assurance que nous avançons fermement et rapidement vers la paix et l’indépendance, comme l’ont affirmé Krim Belkacem et Mohammed Yazid, soulignant l’importante contribution du camp socialiste à la libération de l’Algérie et de l’Afrique. Réduire à néant les manœuvres anticommunistes qui ne manqueront pas de s’accroître dans les jours à venir, comme le prouve le dernier discours du général de Gaulle, c’est la tâche hautement patriotique qui sera menée à bien, avec l’appui des plus larges masses, de tous les éléments sains de notre peuple dont l’enthousiasme et la reconnaissance n’ont jamais été aussi profonds envers le camp socialiste, avec à sa tête la grande Union Soviétique.


NOTRE PEUPLE VAINCRA

En examinant les grandes tâches posées par la poursuite de la guerre devant notre peuple, nous nous sommes volontairement étendus sur certaines difficultés et faiblesses. En prendre conscience pour les surmonter, ce n’est pas s’affaiblir, c’est ouvrir le chemin de la victoire. En s’efforçant d’éclairer ces tâches patriotiques, notre Parti ne fait que son devoir, comme il s’est toujours efforcé de le faire, publiquement ou en faisant part à tous nos frères de lutte, à la direction du F.L.N. et au G.P.R.A, de ses observations et propositions constructives.

L’objectif actuel de notre Parti, comme celui de tous les patriotes n’est pas la lutte pour instaurer le socialisme en Algérie mais la lutte pour libérer définitivement notre Patrie du joug colonial. Il n’est pas inutile de le rappeler avec force au moment où les colonialistes parlent à tort et à travers d’ « Algérie Soviétique ». Toutefois, de nombreux enseignements du marxisme-léninisme issus d’une science universelle et d’une longue expérience, sont aussi valables pour les luttes de libération nationale. Ils ont amplement fait leurs preuves dans les glorieuses luttes de libération nationale des peuples chinois et vietnamien, où de tels principes adaptés à la réalité nationale, ont été définis dès le début de longues et cruelles années de guerre. Ces principes, alliés à la connaissance de notre réalité nationale, aideront notre Parti ; ils pourront aider tous les patriotes algériens, quelles que soient leurs conceptions sur la structure sociale de l’Algérie future, à mieux lutter pour jeter bas l’oppression coloniale.

Ces enseignements aideront les Algériens à affronter leurs tâches patriotiques avec un esprit révolutionnaire véritable, c’est-à-dire hardiment et avec confiance dans les masses, mais aussi sans impatience et en mesurant bien les obstacles. Ces enseignements nous apprennent à la fois à rejeter résolument le poison réformiste et opportuniste et à lutter avec une égale vigueur contre le gauchisme, l’étroitesse et le sectarisme. L’expérience de la guerre d’Algérie a confirmé tous ces enseignements, à savoir qu’il faut mener de front la lutte armée et la mobilisation politique des masses. Le mouvement de libération nationale, toutes classes unies, doit s’appuyer sur l’action des masses les plus opprimées dont il doit prendre en charge les intérêts les plus profonds dans le cadre de la Révolution nationale et démocratique. Le mouvement de libération doit enfin faire les plus grands efforts en Algérie, en France et dans le monde pour isoler l’ennemi principal et s’unir plus étroitement à ses alliés sincères.

Mais il ne suffit pas de voir clair. Il faut encore rassembler les énergies, frapper l’ennemi à coups redoublés. Le PCA est sûr que notre peuple, meurtri, mais trempé pas six ans de guerre, fera son devoir jusqu’au bout. Dans cette lutte difficile, notre Parti n’a pas été, il ne sera jamais de ceux qui « disent et ne font pas ». Il mettra toutes ses forces, toute sa foi patriotique, tout son esprit unitaire au service de la cause sacrée de l’indépendance pour laquelle tant de siens, parmi les meilleurs, se sont sacrifiés. C’est dans cet esprit que le PCA, dont les positions passées reçoivent dans les faits d’éclatantes vérifications, appelle les travailleurs, les jeunes, les femmes de notre pays à renforcer ses rangs , à s’organiser dans ses groupes actifs, vivants, liés aux masses dans les usines, les chantiers, les quartiers, les villages, à renforcer l’A.L.N. et les organisations nationales de masse au travers de toutes les activités de la guerre de libération dans l’union la plus étroite autour du G.P.R.A.

Frères et sœurs, il ne fait aucun doute que NOTRE PEUPLE VAINCRA. Ce n’est pas un vain souhait. C’est la conclusion qui, de plus en plus, se dégage de toutes parts, de notre lutte ardente sur le sol national, comme de ce qui se passe partout dans le monde. Les peuples ont mis à l’ordre du jour la tâche historique de purifier définitivement l’atmosphère mondiale, selon l’expression de Khrouchtchev, en la débarrassant du cadavre en putréfaction du colonialisme. Notre lutte se poursuit à l’époque de l’essor victorieux des forces du socialisme et du communisme, ainsi que des mouvements de libération nationale, le développement et la cohésion du mouvement ouvrier international, formant ensemble le grand camp mondial de la paix, capable d’imposer la coexistence pacifique, de bannir les guerres à jamais et de réduire à l’impuissance les oppresseurs impérialistes, dont le système mondial est en pleine désagrégation. Jusqu’au sein de ce système impérialiste, surgissent quotidiennement comme en Turquie ou au Japon, en Amérique Latine et au Laos ou, comme l’a montré l’ampleur des manifestations internationales du 1er novembre pour l’Algérie, jusque dans les pays occidentaux, de nouvelles forces favorables à la paix et à l’indépendance des peuples. A s’efforcer de surmonter le courant, qui soutient notre lutte, les colonialistes français échoueront lamentablement. D’autant que se dressent de plus en plus de larges masses françaises, résolues à ne pas tomber dans la catastrophe et le fascisme, où risque de les entraîner l’entêtement de leurs gouvernants !

Sur le sol de la patrie, notre peuple continue à faire le vide autour de l’administration française, au point que les « élus » préfabriqués sont « dans le désarroi », selon un journal français et « glissent entre les mains » de ceux qui les ont nommés. Les patriotes, jeunes et vieux, hommes et femmes ont juré qu’ils ne supporteraient jamais plus le fardeau colonial. L’Algérie libre et indépendante ne tardera pas à naître. Elle vit déjà dans le cœur des combattants pour qui l’avenir de la Patrie compte plus que leur propre vie, dans le cœur des patriotes qui, tombés aux main,s de l’ennemi, n’ont d’autre pensée que de s’évader au plus vite des camps et prisons pour reprendre le combat dans le cœur de tous les simples gens, atrocement déchirés par la guerre, mais qui, à l’exemple de ceux de Mechta Kebara, trouvent toujours la force et la dignité d’opposer un silence glacial aux harangues des gouvernants français venus les « visiter ».
Demain, l’Algérie libérée, réchauffée par le soleil de l’indépendance, guérira ses deuils, pansera ses blessures. Elle connaîtra la paix et la fraternité. Elle vaincra en de nouveaux combats pacifiques la misère et l’analphabétisme. Elle marchera avec ses sœurs, les nations africaines, en harmonie et amitié avec tous les peuples qui, aujourd’hui, l’entourent de leur aide, vers toujours plus de démocratie, de progrès, de justice et de bonheur.

SŒURS ET FRERES ALGERIENS, CET AVENIR LUMINEUX SE GAGNE DANS LES COMBATS DE CHAQUE JOUR !

LE PARTI COMMUNISTE ALGERIEN ;

Alger, le 18 novembre 1960

Imprimerie Spéciale du Parti Communiste Algérien


[1Seule la défense des droits de la minorité européenne, dans ce qu’elle a de légitime, est susceptible de constituer pour les colonialistes un facteur politique pouvant leur valoir quelques avantages temporaires. Mais les patriotes algériens mèneront également de plus en plus la lutte sur ce terrain pour arracher aux colonialistes cet alibi qu’ils brandissent hypocritement. Car seule une Algérie libre sera en mesure de sauvegarder les droits des Européens, alors que le colonialisme mène la minorité européenne à sa perte.

[2Lénine : Du droit des Nations à disposer d’elles-mêmes. Œuvres complètes – Tome 20 – Edition Française.

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