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Sadek HADJERES : REPERES BIOGRAPHIQUES ET POLITIQUES (de 1928 à 1966)

vendredi 3 septembre 2010

La période indiquée pour cette évocation biographique de mon parcours politique s’arrête aux années de l’immédiate après-indépendance.
Elle correspond à la limite que s’était fixé l’historien René Gallissot qui, sur sa demande, a utilisé ces matériaux pour son dictionnaire du mouvement ouvrier et syndical algérien.

Je présente ces matériaux - qui restent en chantier - dans leur version originale, comme autant de repères pour mieux situer dans leur contexte historique les documents, récits et évènements dont j’ai été acteur ou témoin et que j’ai évoqués et continuerai à évoquer sur le site SOCIALGERIE et dans d’autres publications.

Dans l’utilisation de ces matériaux par l’auteur du dictionnaire, ce dernier les avait accompagnés à mon insu et sans mon accord, d’appréciations idéologiques de son cru sous une forme ambiguë, c’est à dire intégrées dans différents paragraphes et parfois à l’intérieur même d’une phrase censée reproduire mes propos. De sorte que, pour le lecteur non averti, ces notations pouvaient paraître émanant de moi même (la même chose s’est produite pour l’interview de Henri Alleg).

Cette fois, les matériaux reproduisent directement et sans commentaires externes les faits et les évènements tels que je les ai vécus, ressentis et compris. Ce qui laisse au lecteur la possibilité de les recouper, évaluer et enrichir son jugement et ses références historiques.

A la fin du texte, des notes énumèrent certains des documents ou récits déjà mis en ligne par Socialgerie. Les notes illustrent ou détaillent les données de ces repères biographiques. Plusieurs liens permettent à partir de ces notes d’accéder directement aux articles, documents numérisés, ou documents originaux cités.


RESUMÉ

 :

Né le 13 septembre 1928 à Larbaâ Nath Irathen (ex Fort National) ; études secondaires à Médéa, Blida, Ben Aknoun ; études supérieures à la Faculté de médecine d’Alger ; successivement ou simultanément médecin praticien et chercheur en sciences médicales, homme politique et chercheur en géopolitique

  • responsable SMA (Scouts Musulmans Algériens) en 1943 ; membre du PPA en 1944, responsabilités (dont la présidence) à l’l’AEMAN (Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord) de 1947 à 1951 ;
  • quitte fin 1949 le MTLD-PPA à la suite de la crise dite faussement « berbériste » pour adhérer à une cellule de base du PCA en Janvier 1951 ; élu au Comité central du PCA en Février 1952, au Bureau politique au printemps 1955 ; directeur de la revue « Progrès » (53-54) ;
  • l’interdiction du parti communiste en 1955 le voue à la clandestinité, d’abord comme responsable national adjoint des CDL (Combattants de la Libération) puis avec Bachir Hadj-Ali, négocie et organise avec le FLN l’intégration des combattants communistes à l’ALN en mai - juin 1956 ; tous deux assurent à partir de 1957 la direction du PCA à l’intérieur de l’Algérie jusqu’à l’indépendance ;
  • devient l’un des trois secrétaires du CC du PCA après l’indépendance ; reprend l’activité médicale et la recherche universitaire parallèlement aux activités politiques ; coordonne après le Congrès du FLN du printemps 1964 l’appareil d’organisation redevenu clandestin depuis l’interdiction du PCA par Benbella (29 novembre 1962), mais sans lourde répression directe.
  • Après le coup d’Etat du 19 juin 1965 et le bref épisode du rassemblement ORP, les militants du PCA toujours interdit mais fortement réprimé, s’organisent en 1966 en Parti de l’avant garde socialiste (PAGS) ; il en est de fait le premier secrétaire à partir de 1967, responsabilité dans laquelle il est confirmé publiquement à partir de 1970 et qu’il assume jusque en 1989 dans une clandestinité de vingt quatre ans ;
  • revenu à la vie légale au printemps 1989, il informe en octobre 90 les autres dirigeants en place de sa décision de se dégager de toute responsabilité effective (avant le Congrès de décembre qui le place en tête du nombre de voix des congressistes). Au début de 1992 il se libère de toute affiliation partisane en réaffirmant son engagement social, démocratique et communiste envers l’héritage historique du mouvement ouvrier et communiste algérien. Il considère que l’alignement sur les sphères hégémonistes du pouvoir en place et les projets de démantèlement idéologique et organique du parti sont orchestrés et mis en oeuvre sous les pressions et l’intervention directe du système, à la faveur de la tragédie qui frappe l’Algérie engagée dans un faux pluralisme ; il dénonce le sabordage du PAGS dans une déclaration publiée par El Watan et Alger républicain (de fin novembre 92) ;
  • vit depuis fin 1991 à l’étranger où il se consacre à des travaux en Géopolitique et des publications dans la presse algérienne et internationale.

PREMIÈRE PARTIE :
(jusqu’à l’immédiate après indépendance)

L’enfance et la prime jeunesse

de S. Hadjerès se passent entre régions arabophones et berbérophones. Durant les trois mois de vacances scolaires dans sa Kabylie natale : à Taddart Bouadda (douar Oumalou– Larbâa nath Irathen) d’où est issu son père Khider et à Tikidount (Larbâa des Beni Ouacif) d’où est originaire sa mère Aït Rached Fathma, d’une famille pauvre de lettrés coraniques.

Les neuf autres mois de l’année, l’enfance se déroule dans plusieurs localités arabophones des Hauts plateaux et de la Mitidja (Taguine près de K’sar Chellala, puis Berrouaghia et enfin Larbâa près d’Alger) où enseigne son père Khider, lui même fils d’un des premiers instituteurs de l’enseignement indigène d’Algérie. Khider est musulman pratiquant, syndiqué, abonné à la « Voix des humbles » et à « L’École libératrice ». Parmi les quelques livres présents à la maison, « Le Djurdjura à travers les siècles » , de Boulifa et « Le feu » de Henri Barbusse.

Sadek, aîné de sept enfants, suit à la fois l’école française (avec les enfants européens, « faveur » accordée aux enfants d’instituteurs ou de certains notables) et l’école arabe, d’abord coranique traditionnelle et plus tard médersas publiques et privées. [1]

Sadek Hadjerès s’éveille à une vie socio-politique publique active en 1943 à Larbâa (Beni Moussa, dans la Mitidja), au milieu des couches populaires de son village saisies par les bouillonnements d’un éveil national massif. Il venait d’interrompre pour deux ans les études secondaires qu’il poursuivait au collège de Blida dont l’internat a été fermé en novembre 42 pour devenir hôpital de guerre anglo-américain. Etudie par correspondance.

Il a alors quinze ans et anime le mouvement des SMA (Scouts musulmans algériens), sous l’égide d’une association culturelle-cultuelle locale (Nadi-l-Islah), influencée à la fois par des éléments Oulamas fréquentant le « Cercle du Progrès » d’Alger, des éléments des AML tels que chikh Boumendjel instituteur (père de Ali et Ahmed) et des éléments du PPA dont Si Mustapha Sahraoui, plus tard membre du CC du MTLD et messaliste, assassiné par les colonialistes en 1956. Il anime le groupe local des SMA, en devient responsable puis chef de district pour l’Est-Mitidja.


Du nationalisme PPA
au communisme PCA

Il adhère au PPA en 1944 et comme militant de ce parti, il continuera à s’impliquer dans les activités associatives et politiques de Larbâa et de sa région, tout en ayant repris en octobre 1944 ses études secondaires au lycée de Ben Aknoun (Alger).

À ce lycée, il rejoindra les jeunes nationalistes qui, après le débarquement anglo-américain de 1942, avaient eu à peu près le même itinéraire associatif et politique que lui à Miliana, où s’étaient provisoirement repliés les élèves de l’Ecole normale d’instituteurs de Bouzaréah. Ils formeront dans le PPA ce que les historiens appelleront le « groupe de Ben Aknoun », particulièrement actif et reflétant le dynamisme politique et organisationnel du district du PPA de Kabylie. Une forte proportion de ces militants en étaient en effet originaires, tels que Ali Laïmèche (mort au maquis à 19 ans en aout 1946) ; Aït Amrane Mohammed, venu de Tiaret et créateur à Ben Aknoun en Février 1945 de l’hymne patriotique « Ekker a mis en Mazigh » en langue berbère ; Ait Ahmed Hocine, Ould Hammouda Ammar, Oussedik Omar qui joueront plus tard un rôle important dans la décision de création de l’OS et son organisation.

Après le baccalauréat, S. Hadjerès entreprend en 1946 des études de médecine à la Faculté d’Alger. Toujours comme militant PPA-MTLD, il assume à l’Université dans le bureau de l’AEMAN (Association des étudiants musulmans d’Afrique du Nord) plusieurs responsabilités (trésorier, secrétaire général, vice-président). Il anime les activités culturelles et de débats idéologiques de l’association. En 1948 il est responsable de la section universitaire du PPA par voie d’élection démocratique, procédure inédite jusque là.

Mais à l’automne 49 il quitte le PPA-MTLD. Il reproche à ses dirigeants en place (qui pour le gagner lui ont proposé un siège au comité central) la gestion autoritaire et sectaire de la crise de 1949, consistant à diaboliser comme « berbériste » la contestation démocratique émanant des militants nationalistes « algérianistes » et radicaux de Kabylie. Pour répondre aux calomnies et à la répression envers ces militants qui revendiquent la tenue d’un Congrès national du parti, il a été,avec Mabrouk Belhocine et Yahia Hénine, l’un des trois rédacteurs d’une plate-forme destinée initialement à être proposée à la direction du parti comme contribution et base de discussion doctrinale. Le texte intégral de ce document « L’Algérie libre vivra » , sous le pseudonyme de Idir el Watani , a été exhumé et réédité par la revue Soual n°6 en 1987. [2] Se proposant de doter le parti d’une stratégie indépendantiste claire, il met en relief trois axes de mobilisation et d’éducation : Nation, Révolution et Démocratie. Le document réfute les approches purement identitaires et exclusivistes de la nation, influencées par les monarchies arabes de l’époque sous tutelle colonialiste.

Sa rupture avec une variété de nationalisme qu’il considérait hégémoniste et porteur de dérives dangereuses pour la cause nationale, amorce le nouvel engagement militant de Sadek Hadjerès. Il s’inscrit dans une évolution socio-politique perceptible au début des années cinquante parmi les milieux de cadres politiques et activistes syndicaux et étudiants partisans d’un patriotisme au contenu social et démocratique affirmé. Dans le contexte des pressions de l’Otan en cours de mise en place au Sud de l’Europe, visant à dévoyer la lutte pour l’indépendance vers des compromissions réformistes, les attentes de ces jeunes patriotes sont déçues par les positions (sociales, idéologiques et tactiques) ambiguës d’une direction nationaliste en proie de plus en plus aux rivalités de factions qui se transformeront les années suivantes en crises politiques et organiques majeures dans lesquelles les « berbéristes » ne sont en aucune façon impliqués. Les indépendantistes radicaux n’acceptent plus les slogans d’agitation démagogiques ou approximatifs. Les plus proches idéologiquement du marxisme, quoique jusque là hostiles ou réticents envers le mouvement communiste et ouvrier algérien incarné par le PCA, sont plus attentifs aux aspects unitaires, démocratiques et sociaux de ses positions, devenues plus attractives pour eux depuis que le PCA a opéré en déclarations et en actes un redressement sensible par rapport à ses écarts des années 43-46 sur la question nationale.

Après qu’il eût quitté le PPA-MTLD en 1949 et avant qu’il n’adhère à une cellule de base du PCA au début de 1951, Sadek Hadjerès est élu sans étiquette partisane et à la quasi unanimité président de l’AEMAN pour l’année universitaire 49-50. Le bureau qu’il a présidé a initié, avec le soutien de la base étudiante, un tournant dans le fonctionnement de l’AEMAN et la gestion de ses activités, dans un sens favorable à l’autonomisation de l’organisation nationale et à sa démocratisation. Le principe et la pratique de représentation unitaire des différents courants politiques nationaux ont été instaurés au bureau de l’association avec une répartition équitable des postes de responsabilité et une présidence annuelle tournante (jusque-là monopolisées par le MTLD), des comptes rendus d’activité réguliers, une consultation systématique de la base par assemblées générales ordinaires ou extraordinaires pour les décisions importantes, des relations de coopération plus équilibrées avec les organisations politiques et associatives nationales sans exclusives.

S. Hadjerès adhère à la cellule étudiante « Langevin » du PCA dont les membres à 90 °/° d’origine européenne lui demandent de prononcer en arabe l’allocution à la fête de remise des nouvelles cartes 1951. Rapidement se forment des cellules et groupes d’étudiants communistes arabo-berbères (« musulmans » selon la terminologie de l’époque), notamment la cellule « Fahd » du nom d’un dirigeant communiste du PC irakien récemment exécuté par le régime du roi Fayçal.

Dans ses trois premières années au PCA (jusqu’en 1954) S. Hadjerès s’implique à la base dans les activités organiques et associatives (étudiantes, syndicales et paysannes) ou dans leur suivi au niveau des sections (Est Mitidja) ou de régions (Alger, Sidi Bel Abbès).

Il est élu par le Congrès de Février 1952 du PCA au comité central renforcé par des cadres ouvriers et paysans qui émergent dans la montée des mouvements sociaux anticolonialistes. Sur le front culturel et idéologique, il est directeur de la revue « Progrès » dont paraissent plusieurs numéros en 53-54, orientés vers des études historiques, scientifiques et socio-économiques à la lumière du marxisme et reflétant l’émergence d’actifs courants culturels nationaux à travers Kateb Yacine, Malek Haddad, Mustapha Kateb, Mouloud Mammeri, Reda Houhou, Mohammed Dib, Abdallah Neqli, etc.).

Professionnellement, après des remplacements médicaux et recherches préparant ou prolongeant ses travaux de thèse (soutenue en avril 1954) il exerce à la fois comme praticien à El Harrach avec le Dr Zemirli et comme chercheur en microbiologie (il est alors, avec Taleb Slimane en histologie, l’un des deux seuls algériens chercheurs à la faculté d’Alger).

L’intransigeance aveugle des colonialistes et les impasses politiques engendrées par les rivalités de factions nationalistes précipitent l’issue du recours aux armes. Ses contacts personnels maintenus avec ses anciens camarades au PPA (tels que Said Akli, Amar Ouamrane, Ouali Bennai, Ammar Ould-Hammouda, Omar Oussedik et d’autres), la défaite des colonialistes français à Dien Bien Phu, l’action des fellagas tunisiens répercutée par les reportages des envoyés spéciaux d’Alger républicain et les actions de solidarité du PCA, la carence du régime colonial une fois de plus mise à nu par le séisme d’Orleansville de septembre 1954, les échos provenant des paysans militants communistes des Aurès et enseignants de Kabylie [3]
laissent pressentir le passage imminent à des formes d’action armées. Les évolutions font mesurer d’autant le désarroi et les retards politiques engendrés par les remous de la crise du MTLD.


Guerre de libération

Dans les premiers jours qui ont suivi le 1er Novembre 54, S. Hadjerès applique à son niveau et celui de ses tâches de responsabilité, l’orientation du parti selon deux axes que la direction estime complémentaires pour l’avenir des premières actions insurrectionnelles :

  • d’une part rechercher le contact avec les dirigeants du FLN en vue d’obtenir plus d’informations sur leurs orientations tout en discutant les modalités de participation des communistes et de leur parti au combat armé ;
  • d’autre part œuvrer au sein de la population pour renforcer par tous les moyens légaux et illégaux le soutien multiforme à l’étape et aux formes nouvelles de lutte.

En l’absence de répondant des dirigeants du FLN, Sadek Hadjeres est sollicité en février 55 par Bachir Hadj Ali, lui même désigné à cette tâche par le secrétariat du PCA, pour mettre sur pied l’organisation des CDL en recherchant et regroupant spécifiquement pour la lutte armée ceux des communistes ou sympathisants à qui des secteurs réticents ou hostiles du FLN n’ont pas permis de rejoindre les zones ou les postes de combat qu’ils auraient souhaités. La décision mise en œuvre dans le secret et les cloisonnements qui s’imposent, sera ratifiée par le BP en Mai et la session de juin 55 du Comité central, après plusieurs tournées de prospection consacrées à cet objectif (dont la dernière effectuée en Mai 55 dans le Constantinois).

Parallèlement, en avril 55, le PCA, avec le soutien du quotidien Alger républicain, a décidé face à la campagne de démoralisation colonialiste, de saisir l’occasion des élections de renouvellement partiel des conseils généraux pour la transformer en campagne politique de soutien à la lutte armée confrontée à ce moment là de sérieuses difficultés d’implantation. Sadek Hadjerès mène cette campagne dans le deuxième collège de la circonscription d’El Harrach-Est Mitidja dans laquelle, du côté patriotique, Ali Boumendjel est également candidat au premier tour pour l’UDMA. Sadek Hadjeres, est élu alors que l’objectif de l’intense campagne menée par le parti n’était pas électoral. Outre l’implantation ouvrière et paysanne croissante du parti dans cette région, ce résultat est dû au soutien des jeunes activistes PPA d’El Harrach et Larbâa (qui rejoindront ensuite le FLN non encore implanté et pour l’instant en butte à l’hostilité des messalistes), ainsi qu’aux calculs politiques illusoires de Soustelle à ce moment précis, qui intervint probablement pour bloquer la falsification des résultats juste avant leur proclamation.
Hadjerès démissionne de son mandat électif peu après en même temps que son collègue et camarade Rachid Dalibey (élu constamment depuis des années grâce aux dockers et habitants de la Casbah et du bidonville Mahieddine). Il poursuit la mise en place de l’organisation combattante dans des conditions de semi-clandestinité rendues encore plus précaires par l’interdiction du PCA le 13 septembre 1955. Il se rend en France une dizaine de jours en Octobre pour connaître l’expérience d’anciens résistants français et contacter les camarades algériens désireux de se joindre au combat armé. Il entre en clandestinité totale en Décembre après l’annonce spectaculaire par la presse coloniale de la présence de Laid Lamrani et d’autres cadres communistes dans le maquis FLN des Aurès.
Avec Bachir Hadj Ali, il poursuit la structuration et la mise en train des plans d’action des combattants communistes au niveau des villes et campagnes de différentes régions d’Algérie, dans des modalités variables selon la coopération ou non des responsables locaux du FLN. La capture du chargement d’armes de l’aspirant Maillot rend enfin possible la rencontre des deux responsables communistes des CDL avec les dirigeants du FLN Abbane Ramdane et Benyoucef Benkhedda. [4] L’accord sur les modalités d’intégration des combattants communistes dans l’ALN sous direction politique du FLN est discuté et ratifié par le comité central en Mai et juin 1956. [5]
Sur demande du FLN et tant que ce dernier respecte les termes de l’accord, il n’est pas rendu public par le PCA, qui se maintient en tant que parti et soutient de façon autonome l’action de l’ALN et du FLN. Pour expliquer les accords et concrétiser avec eux l’ensemble leurs implications, Bachir et Sadek réunissent individuellement ou par petits groupes les militants et responsables combattants qui rejoignent l’ALN dans le cadre des accords ou qui avaient pu le faire auparavant. Les contacts politiques et la coopération pratique aux plus hauts niveaux se poursuivent jusqu’à Septembre avec le FLN. Les termes de l’accord sont rendus publics par le PCA quelques mois plus tard (en 1957) lorsque se confirma dans plusieurs régions l’application de mesures discriminatoires envers les combattants communistes.

Après que la répression coloniale (notamment au premier semestre de 1957 à l’occasion de la « bataille d’Alger ») eût arrêté, torturé, emprisonné ou expulsé la plupart des dirigeants communistes restés à l’intérieur (Larbi Bouhali, premier secrétaire, est sorti clandestinement en novembre 56 à l’étranger pour diriger la délégation extérieure), Bachir et Sadek en liaison avec d’autres responsables du CC ayant échappé aux arrestations, prennent en charge à partir du milieu de 1957 l’ensemble des tâches de direction. Dans le prolongement de l’action des CDL, ils restent en relation avec plusieurs camarades des maquis qui leur font part des difficultés rencontrées (consignées plus tard dans les lettres adressées au GPRA en 1959 ; [6]
une partie en a été publiée par les « Archives de la révolution » de Mohammed Harbi ; le document de fond principal qui les accompagnait a été publié par le PCA en octobre 62, peu avant sa nouvelle interdiction).
Le quadrillage répressif et la traque policière incessante mettent à plusieurs reprises les deux dirigeants et leurs collaborateurs immédiats à deux doigts de l’arrestation (même en mai 62, après le cessez le feu, Hadjerès est embarqué pour quelques jours dans un camp de triage de Beni Messous, il est libéré sans avoir été reconnu). Ils y échappent à la fois par chance et par des mesures de vigilance sévères auxquelles les avaient préparés la nature de leurs activités dans les CDL. Sadek, qualifié par la radio et la presse de « médecin pyromane » est condamné en 1957 à vingt ans de travaux forcés par contumace dans un des procès du réseau de bombes. Mais l’enjeu pour les autorités coloniales n’est plus les sanctions pénales des chefs d’accusation multiples, c’est la décapitation de la résistance communiste. Les investigations à l’occasion de toutes les arrestations opérées se concentrent sur le noyau dirigeant pour des raisons à la fois de politique intérieure et internationale.

L’insécurité, la lenteur et la précarité des liaisons rendent difficile et parfois aléatoire le travail d’échanges et d’orientation politique. Les deux dirigeants le mènent en concertation permanente entre eux et avec les autres camarades du CC et les cadres actifs dans les prisons, l’exil ou la clandestinité, en particulier à Oran et Constantine où les responsables ne se contentent pas de diffuser l’organe central, mais éditent leur propre bulletin régional. Les thèmes récurrents en sont l’analyse de l’actualité, les mots d’ordre d’action et les problèmes de fond anciens ou nouveaux, tels que celui de la nation, la conduite de la guerre, la politique unitaire avec le FLN et le GPRA, les problèmes internationaux, le contenu et les perspectives de l’indépendance etc. Les résultats en sont consignés dans « Réalités algériennes et Marxisme » en supplément de la presse clandestine « Al Houriya » (Liberté) qui paraîtra et sera diffusée sans interruption (avec une périodicité de un à trois mois selon les conditions et l’actualité, en plus de brochures résultant de longues discussions et rédigées par l’un ou l’autre d’entre nous telles que « Essai sur la Nation algérienne » rédigé par Bachir Hadj Ali [7]
et « Notre Peuple vaincra » rédigé par Sadek hadjerès (1960) [8] ainsi que de nombreux articles d’actualité ou thématiques, la plupart non signés.
Entre les deux responsables travaillant sous la tension répressive quotidienne des quadrillages permanents et des opérations éclairs, la répartition des tâches pratiques (contacts, logistique, etc.) s’est faite de façon pragmatique et interchangeable, en fonction des événements et des contraintes de liaison. D’une façon générale, Bachir secrétaire du parti, assure la coordination et les orientations principales du travail d’ensemble, tout en suivant particulièrement les relations avec les partis frères et avec les camarades représentant le parti à l’étranger. Sadek assure le suivi de l’imprimerie, de la diffusion et de nombreux contacts organiques, cherchant à privilégier les secteurs du travail de masse syndical et étudiant. Dans le monde ouvrier en particulier, les dockers emmenés par Ammi Saïd et d’autres anciens de l’UGSA (ex CGT) secouent le repli et la passivité des responsables UGTA à qui ils reprochent de penser seulement à collecter de l’argent mais n’être plus là quand sont engagées les luttes de terrain. Chez les étudiants, les communistes sous la responsabilité de Henine Moula (lui même en liaison avec des responsables de la wilaya IV) font, malgré l’obstruction de responsables qui se réclament de l’UGEMA et du FLN, jonction avec les étudiants libéraux européens dans la manifestation contre les ultras colonialistes du début novembre 1960. Elle aura dans la jeunesse et la population des résonances positives quelques semaines avant les grandes manifestations populaires de Décembre 1960. Ammi Said et Henine Moula seront tous deux assassinés plus tard par l’OAS.
Au cours de la dernière année de guerre, Sadek est particulièrement frappé, à travers ses contacts avec les camarades libérés des camps tels que Belaid Khelifa, etc., par le contraste que ces derniers ont constaté entre le climat entretenu envers eux par leurs codétenus nationalistes, (nombre d’entre eux préfigurent déjà la future aristocratie syndicale ou la bureaucratie du futur parti unique) et l’accueil chaleureux des responsables FLN restés ou émergés sur le terrain. Non seulement ces militants FLN ne les évitent pas mais les sollicitent pour assumer des tâches et des responsabilités précisément en raison de leur qualité de communistes déclarés. (Il est intéressant de noter qu’à la même période, le GPRA à Tunis a fait la sourde oreille à Henri Alleg qui, après son évasion de Rennes où il était emprisonné, se mettait à sa disposition, alors que des officiers algériens restés jusque là dans l’armée française trouvaient porte ouverte).

Sur la lancée de l’effervescence et des démonstrations populaires des derniers mois de guerre, la direction publie en avril 1962 le Programme du PCA pour l’Algérie indépendante. [9] Il avait fait l’objet d’une préparation et de longs échanges à l’intérieur et à l’extérieur de l’Algérie. Un mois plus tard, en Mai 62, paraît la brochure de Sadek Hadjerès sur les problèmes et les perspectives de la Démocratie dans l’Algérie indépendante . [10] Elle recevra un bon accueil dans le climat d’inquiétude généré par la crise du FLN. Ce climat favorable doit quelque chose à la fois à l’expérience des milieux patriotiques qui ont été en contact avec des militants communistes et au rayonnement du système socialiste mondial à cette époque.


L’Indépendance,
du PCA au PAGS

C’est dire qu’après la proclamation de l’indépendance et les espoirs socio -démocratiques de la population qui l’ont accompagnée, le terrain se prête à l’entreprise audacieuse et difficile de relance d’Alger républicain, mise en œuvre par ses anciens responsables et fortement marquée notamment par le dynamisme et l’esprit d’initiative de Henri Alleg, avec Boualem Khalfa codirecteur et Abdelhamid Benzine rédacteur en chef. Le quotidien est chaleureusement accueilli par la population en raison de sa sensibilité et sa proximité aux besoins et aspirations d’une population qui a hâte de respirer et construire. D’où le succès de campagnes telles que l’appel à la paix civile (Sebaâ snin barakat, sept ans ça suffit) et la publication par Alger républicain du programme de Tripoli du FLN, deux initiatives qui sont boudées ou condamnées par différents clans nationalistes plongés dans les affrontements pour le pouvoir.
Dans le climat aiguisé par les attentes populaires et les pressions hégémonistes des factions armées rivales (Zone autonome d’Alger, wilaya IV, Bureau Politique FLN), l’ancien comité central du PCA, amputé des cadres tombés durant la guerre, est élargi par cooptation en attendant un Congrès. Il met en place dans des conditions pratiques improvisées et des locaux de fortune une direction provisoire dans laquelle Sadek est membre du secrétariat avec Bachir (premier secrétaire) et Larbi Bouhali. Il s’occupe du suivi de l’hebdomadaire central (Al Houriya-Liberté) et de mise en place, avec des moyens précaires, de bases logistiques et structures organiques nouvelles.

Au fil des semaines qui suivent l’indépendance, il constate avec ses camarades un contraste qui s’accentue : d’un côté l’influence grandissante du parti dans l’opinion (tirage d’Alger républicain supérieur à celui des organes nationalistes, montée des courants syndicaux démocratiques, écho massif de la campagne de solidarité contre la menace d’agression US à Cuba, alors que les tentatives similaires du FLN tombent à plat ; d’un autre côté le statut fragile d’une activité légale de fait du PCA de plus en plus menacée. La déception de la population, née de la crise du FLN et des comportements des milieux qui se disputent le pouvoir, accroît la fébrilité des autorités, elles craignent que la désaffection populaire ne favorise la progression du mouvement communiste. Les saisies de l’hebdomadaire du parti, les pressions sur le quotidien Alger républicain et les interdictions de meetings du PCA (tel que celui que devait tenir S. Hadjerès à Sétif) se multiplient et débouchent sur l’interdiction du parti notifiée le 30 novembre 62 sans aucune justification juridique. L’interdiction épargne Alger républicain, signe à la fois de l’ancrage de ce dernier dans l’opinion et de l’ambiguïté d’un pouvoir tiraillé entre orientations proclamées et visées hégémonistes.

Entre-temps, Sadek a retrouvé sa famille dont il était coupé durant les sept ans de guerre. Le père et d’autres parents avaient été torturés à cause de lui en 1957 aux sinistres « Deux Caves » d’El Harrach, son frère cadet Hanafi est tombé en mai 1961 dans les Aurès où il était opérateur radio de l’ALN. Il épouse en novembre 1962 (douze jours avant la nouvelle interdiction du PCA) Eliette Loup qu’il avait connue en 1960 quand elle est revenue à l’activité clandestine après les tortures de 1957 et son emprisonnement de trois ans. [11] Leur vie de couple effective, hachée par les contraintes militantes, va durer deux ans et demi. Après le coup d’Etat du 19 juin 65 qui replonge Sadek dans la vie clandestine, Eliette va assumer seule l’éducation des trois enfants, leur père ne les aura connus que un an et demi (Ali), six mois (Safia) et quinze jours (Touria, orpheline âgée d’environ cinq ans, adoptée depuis deux semaines seulement). Le déchirement familial sera infiniment plus lourd pour la mère, subissant la surveillance permanente, les pressions psychologiques et incompréhensions d’un environnement socio-politique immédiat hostile ou indifférent, toutes conditions qui rendent plus difficiles les contacts humains, la solidarité matérielle et affective de ses camarades. Les tracasseries policières et les risques de provocations décideront finalement les parents à envoyer les enfants dès leur adolescence dans les pays socialistes pour y poursuivre leur cycle d’études.

Au lendemain de l’interdiction du PCA, début décembre 62, S. Hadjerès se rend en mission à l’étranger pendant deux mois et demi (au lieu d’une semaine initialement prévue pour le Congrès du PC italien). Il informe de nombreux partis communistes, ainsi que les dirigeants cubains, d’une situation algérienne qui désoriente beaucoup d’entre eux. Il relate dans un long reportage publié par Alger républicain l’expérience cubaine au sortir de la « crise des Caraïbes ». [12] Il participe aux rencontres des délégations conduites par Bachir Hadj Ali et au cours desquelles Waldeck Rochet pour le PCF et N. Khrouchtchev pour le PCUS réaffirment publiquement leur solidarité avec le PCA interdit.

À son retour coexistent à la fois les brutales attaques contre les associations syndicales et les premières mesures socio-économiques se réclamant d’une orientation socialiste (« autogestion » etc.). Entre-temps, la direction du PCA avait rejeté les pulsions aventuristes et minoritaires de certains d’un retour délibéré à la clandestinité et à l’opposition frontale (logique dominante des clans se déchirant pour le pouvoir, à laquelle les anticommunistes souhaitaient acculer le parti). Elle a débattu et exploré les moyens d’une action de masse, inspirée de l’intérêt national et de celui des classes et couches exploitées et défavorisées, à travers un Front large (ne se confondant pas avec un parti unique) susceptible d’exercer une pression politique assez forte sans prêter le flanc à une aggravation de l’autoritarisme répressif que cherchaient à mettre en oeuvre les courants les plus antidémocratiques et antisociaux au sein et en dehors du pouvoir.
Dans la pratique, les membres du secrétariat et cadres de la direction du PCA émettent alors leurs opinions et orientations à travers des interventions dans la presse, les assemblées d’organisations de masse, les lieux de travail et d’habitation ou des conférences à thèmes multiples notamment culturels. Ils le font soit individuellement soit en s’exprimant comme « communistes algériens », ce que tout le monde comprend comme l’expression des positions du PCA.
Les progrès réalisés à travers ces orientations sont sensibles dans tous les secteurs Ils sont particulièrement apparents dans le secteur étudiant que suit directement S. Hadjerès. La base étudiante issue des années de guerre aspire au respect des normes démocratiques et veut contribuer aux efforts de reconstruction du pays. D’où le rejet massif des groupuscules bureaucratiques ou réactionnaires mis en avant par la direction du parti FLN, dont nombre d’entre eux parmi les plus actifs viennent adhérer au PCA ou soutiennent ses orientations. Au point que dans l’UNEA (dont les étudiants ont voulu souligner le caractère national en changeant le sigle à connotation confessionnelle de l’UGEMA), il fallut souvent recourir au repêchage artificiel et après coup de candidats FLN malheureux à qui était offert le siège d’élus communistes ou progressistes qui démissionnaient pour ne pas faire perdre totalement la face au parti officiel. Celui ci, prétendant imposer l’unicité fondée sur les méthodes bureaucratiques et les orientations démagogiquement nationalistes, faisait tout pour diviser la base associative qui au contraire aspirait à l’union autour des tâches et besoins concrets aussi bien des étudiants que de la société entière.

Cette évolution dans les couches les plus éveillées parmi les jeunes, les travailleurs, les femmes, les milieux culturels, ainsi que l’ancrage grandissant des communistes soutenus par une base défendant pied à pied les méthodes démocratiques dans les organisations de masse (UGTA, UNEA, UNFA, JFLN, Volontaires du CAREC, écrivains, artistes, etc.) a conduit les milieux officiels et dirigeants à deux sortes de comportements contradictoires, auxquels le PCA devait faire face simultanément. D’une part, cela incitait ceux d’entre eux les plus favorables aux options de progrès (qu’ils qualifiaient de socialisme « spécifique ») [13] à rechercher le soutien des communistes. Une première rencontre de Bachir Hadj Ali et S. Hadjeres avec Benbella, préparée de part et d’autre par Hamid Benzine et Bachir Boumaza, a eu lieu vers la fin 63, cependant que Boumediene et d’autres émissaires de son entourage, au fur et à mesure que grandissaient leurs contradictions avec Benbella, affichaient ostensiblement de meilleures dispositions envers les communistes. D’un autre côté, les pressions des milieux hostiles à l’option socialiste officielle, menée il est vrai de manière brouillonne, démagogique et hégémoniste, se sont traduites par des attaques anti-communistes multiformes.
Ainsi le 1er Congrès du parti FLN d’avril 1964, tout en adoptant la Charte d’Alger et le choix du socialisme, s’est fait l’écho des exigences pressantes de suppression d’Alger républicain. Présentées au nom de « l’unicité des forces révolutionnaires », elles exprimaient en fait les intérêts et les souhaits des courants les plus hostiles à une orientation socialiste. Sous pression de son aile droite et de ses propres calculs de pouvoir, Benbella proposa et fit adopter unilatéralement par le Congrès le maintien du quotidien comme organe du parti FLN au service de la Charte d’Alger.
Le PCA s’est trouvé ainsi enfermé dans une alliance au contenu et aux formes autrement plus ambiguës que celle consciemment assumée durant la guerre de libération. D’un côté il appelait officiellement ses membres à rejoindre les rangs du FLN pour y contribuer à des orientations socialistes plus conséquentes, laissant penser, faute d’autre précision et c’était une erreur, que le PCA n’existerait plus à terme comme organisation ? Parallèlement, il maintenait son organisation clandestine et le contact politique et idéologique entre ses instances aux différents niveaux. S. Hadjeres a été alors chargé dans le secrétariat du parti de coordonner la structure et les moyens logistiques assurant la liaison entre la direction centrale (BP-CC), les directions régionales et les secteurs militants impliqués ou non dans le travail de masse, y compris ceux déjà formellement intégrés au FLN. La différence avec la guerre de libération est que ce maintien n’a pas été proclamé publiquement, d’où l’équivoque renforcée dans l’opinion. L’une des explications réside sans doute dans le mimétisme envers le processus de fusion observé à Cuba entre les forces acquises à l’option socialiste. Or en Algérie, même si les Congrès des syndicats, des femmes, des jeunes ont marqué de réels succès au printemps 65, les facteurs de maturation d’un processus similaire à celui de Cuba étaient loin d’autoriser la même perspective sur le court terme. En pratique, les milieux hégémonistes et antisocialistes dans le FLN et dans le pouvoir réussissaient à faire barrage autant à l’intégration individuelle des militants du PCA dans leurs rangs (même pour nombre de ceux qui en avaient fait partie durant la guerre) qu’à leurs contributions multiformes à l’édification et aux revendications socio-démocratiques en dehors du FLN. Le constat de ces relations de plus en plus tendues a été mis en avant vers le mois de mai 65 lors de la rencontre d’une délégation du PCA (Bachir Hadj Ali et Boualem Khalfa) auprès de Benbella. Ce dernier a dit à nos camarades au d’une entrevue plutôt tendue : « faites ce qu’il vous paraît bon de faire ».

Le coup d’Etat du 19 juin a rendu obsolète la question de savoir quelles décisions allaient être prises de part et d’autre. Dans les semaines précédentes s’étaient accentuées les sollicitations des clans rivaux dans le pouvoir envers les militants communistes, tandis que s’alourdissait le mécontentement social et politique dans le pays.

À la croisée des chemins vers ce qui aurait de toute façon mené à une crise sérieuse entre le PCA et le pouvoir, les putschistes du clan d’Oujda ont levé les interrogations et la situation en porte à faux des communistes par rapport au pouvoir. Ils exigèrent d’eux en effet et en particulier d’Alger républicain qu’ils subordonnent leurs orientations aux pratiques antidémocratiques du nouveau pouvoir. Avec d’autres responsables du PCA et d’Alger républicain, S. Hadjeres va entrer en semi -clandestinité pendant une quinzaine de jours environ, pour entrer à nouveau dans une clandestinité totale dont il ne se doutait pas alors qu’elle durera pour lui presque quatre fois plus longtemps (vingt quatre ans.) que celle de la guerre de libération.

Une certaine confusion persistera néanmoins quant au rapport des communistes avec le FLN, du moins avec la frange de ce parti dont plusieurs membres du CC ont exprimé leur opposition au coup d’Etat en créant l’ORP. La suite confirmera en quelques semaines (de juillet aux arrestations de Septembre) l’improvisation de cette initiative et notamment son infiltration et sa manipulation par la Sécurité militaire. Malgré des réticences justifiées et inégales de ses membres, la direction du PCA s’était jointe à cette coalition d’opposition au coup de force sans saisir au même moment cette occasion de formuler explicitement la réémergence publique et l’autonomie politique et organique du PCA. La décision de se joindre à cette coalition sans prendre le minimum de temps pour en maîtriser les formes, le contenu et les perspectives, résulte en partie d’un fait accompli, l’accord donné par Hadj Ali et Benzine aux initiateurs de ce rassemblement se réclamant de la légitimité FLN sans que la question ait été préalablement posée et discutée au BP du PCA. La direction est entrée dans cet engrenage à la fois par esprit unitaire et par surestimation de l’importance du courant de protestation démocratique dans le FLN. Des effets pervers de cette confusion s’ensuivront dans les mois qui suivent et plus tard sur le moyen terme.

Après l’arrestation de Bachir Hadj Ali, Hocine Zahouane, Mohammed Harbi et d’autres responsables et membres de l’ORP pendant l’été 65, commence la deuxième étape, la plus longue et la plus importante de la vie et de l’itinéraire politique de S. Hadjeres.
Elle n’est pas abordée dans cette biographie qui, dans le cadre du dictionnaire du mouvement ouvrier, doit s’arrêter à l’indépendance et à l’immédiate après indépendance. Les notes qui suivent se contentent d’évoquer quelques repères d’une transition au cours de laquelle Hadjeres participe à la mise en place du PAGS dont il assumera la direction jusqu’en 1990.

Depuis le départ à l’étranger (février ou mars 66) de Larbi Bouhali plusieurs mois après le coup d’Etat, S. Hadjeres, resté seul secrétaire du parti en liberté sur le sol national, assume dans les faits la direction de l’appareil organique du PCA qui constitue l’ossature et la quasi totalité du nouveau parti d’avant-garde, dont la mise en place a été décidée conjointement entre les responsables de l’ORP emprisonnés (communistes et FLN) et les dirigeants et cadres communistes demeurés en liberté. Après la proclamation de la plate-forme du 26 janvier 66, la dénomination de ce parti évoluera progressivement vers l’appellation définitive de Parti de l’Avant Garde Socialiste. Le sigle se proposait d’exprimer la différence avec le « parti de masse » FLN ou la coalition ORP, il soulignait en même temps le caractère socialiste sans équivoque de ses orientations.

La responsabilité de fait de S. Hadjeres est confirmée par des conférences nationales clandestines telles que celles de 67 et 69. C’est également à ce titre que S. Hadjeres expose les positions fondamentales du parti dans la Lettre à Boumediène (14 septembre 68) [14] à l’un des moments les plus aigus des vagues répressives permanentes qui ne s’apaiseront dans leurs formes les plus agressives qu’en 1974. La reconnaissance du PAGS par le mouvement communiste international intervient à la Conférence des partis communistes de 1969 à Budapest où le PAGS est représenté par sa délégation extérieure, ce qui suite au chantage du pouvoir algérien, provoquera la suspension des relations diplomatiques entre l’Algérie et la Hongrie. En 1971 la nouvelle direction et les nouveaux rapports internationaux du PAGS commencent à se structurer à l’occasion d’une sortie clandestine de S. Hadjeres à l’étranger où il rencontre Larbi Bouhali, Tayeb Bouhraoua, Ali Bouchakdji, Henri Alleg ainsi que les représentants du PCUS et ceux du PCF.

Ainsi, en 1966, quinze ans après son adhésion au PCA, vingt deux ans après le début de ses activités militantes, S Hadjerès a poursuivi avec ses camarades, après les remous de l’immédiate après indépendance, l’inscription grandissante du PAGS dans la vie politique du pays. Ils l’ont fait à travers les actions des différentes couches sociales pour la défense des objectifs sociaux et démocratiques que les Chartes officielles de Tripoli et d’Alger avaient tracés sans que soient mis en œuvre la mobilisation et les leviers irremplaçables de leur réalisation. Le projet socialiste, malgré les proclamations officielles, a continué à se heurter à l’hégémonisme nationaliste bureaucratique, d’abord dans un contexte international d’alliance anti-impérialiste entre le Tiers monde et le système socialiste mondial puis dans le reflux du mouvement anti impérialiste et de la montée du néolibéralisme capitaliste mondial et des intégrismes réactionnaires.

(La deuxième partie de la biographie concernera la période du PAGS et de l’après PAGS)


[1QUATRE GENERATIONS, DEUX CULTURES, article de Sadek Hadjerès, paru dans « La Nouvelle Critique » (revue du marxisme militant), en Janvier 1960

Pour accéder à l’article, mis en ligne par Socialgerie le 7 juin 2009, cliquer ici…

Pour accéder au document numérisé téléchargeable, cliquer ici …


[2« L’ALGÉRIE LIBRE VIVRA, 1949 : VIVE L’ALGÉRIE, par IDIR EL-WATTANI », article 74, mis en ligne sur le site le vendredi 20 novembre 2009.

Pour accéder à l’article cliquer ici…

Pour accéder au document numérisé téléchargeable, cliquer ici …


[3Voir le témoignage de Jean Galland dans son livre « EN ALGERIE, du temps de la France  », mis en ligne sur le site Socialgerie le 27 août 2009.

Pour accéder à des extraits du livre relatifs à la rencontre de Amar Ouamrane avec J. Galland pendant l’été 1954 ( document numérisé téléchargeable), cliquer ici …


[6LETTRES ADRESSÉES AU G.P.R.A. AU COURS DE LA GUERRE POUR L’INDÉPENDANCE AU NOM DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE ALGÉRIEN (le 15 NOVEMBRE 1958 & le 15 JUILLET 1959), publiées dans « AL HOURIYA », le 20 septembre 1962

Pour accéder à l’article, mis en ligne par Socialgerie le 9 février 2010, cliquer ici…

Pour accéder au document numérisé téléchargeable : LETTRES ADRESSÉES PAR LE PCA AU G.P.R.A. AU COURS DE LA GUERRE POUR L’INDÉPENDANCE : AU NOM DU COMITÉ CENTRAL DU PARTI COMMUNISTE ALGÉRIEN… (234.8 ko) , cliquer ici …


[7ESSAI SUR LA NATION ALGÉRIENNE, Réalités algériennes et marxisme , revue théorique éditée par le Parti communiste algérien, numéro spécial, juillet 1958.

Ce document a été repris dans un supplément aux « Cahiers du Communisme » - N° 8 – Août 1958


[10ESSAI SUR LES PROBLEMES DE LA DEMOCRATIE DANS L’ALGERIE INDEPENDANTE,
par Sadek Hadjerés Membre du BP du PCA, Ed : « Al Houryya », Alger (mai 1962)  »,

pour accéder au texte mis en ligne par socialgerie, article 306, cliquer ici ...

pour accéder au document original cliquer ici ...


[11SERKADJI , quartier des femmes, « AL HOURIYA » (LIBERTÉ), ALGER – 1961

Voir article 38, mis en ligne sur le site le 8 juillet 2009.

Pour accéder à l’article cliquer ici…

Pour accéder à « Serkadji quartier de femmes - Al Houriya – 1960 », document numérisé téléchargeable, fac-similé de l’original, cliquer ici …


[12L’ÉDIFICATION DES INSTRUMENTS POLITIQUES DE LA RÉVOLUTION A CUBA (1962-1963), Notes de voyage de Sadek Hadjeres , Préface de Bachir Hadjali, brochure , publiée par le PAGS le 11 avril 1978
mis en ligne par Socialgerie le 27 février 2010

pour accéder au scan de la brochure originale (5.3 Mo), cliquer ici…

Retour d’un voyage à Cuba 1963 : 4 articles de Sadek Hadjeres publiés par Alger Républicain les 4, 5, 6 et 7 juin 1963 :
AVANT-GARDE RÉVOLUTIONNAIRE ET FRONT DE MASSE À CUBA (Alger Républicain:du 4 Juin 1963 ;
LA DÉMOCRATIE : ARME INDISPENSABLE DU SOCIALISME (5 juin 1963)
LA MOBILISATION DÉMOCRATIQUE DU PEUPLE (6 juin 1963)
QUELQUES ENSEIGNEMENTS de la révolution cubaine (7 JUIN 1963)

Pour accéder aux documents originaux scanés (pdf., 2.5 Mo), mis en ligne par Socialgerie le 27 février 2010, cliquer ici…


[13Voir l’article de Sadek Hadjerès : RÉFLEXIONS AUTOUR DE TROIS DÉCENNIES DE « SOCIALISME SPÉCIFIQUE » EN ALGÉRIE, article 247, mis en ligne sur le site le 1er juillet 2010.
Extrait du livre "Expériences socialistes en Afrique, 1960 - 1990"
François Arzalier et Coll., édition "Le Temps des Cerises", Paris-2010

Pour accéder à l’article cliquer ici…

Pour accéder au document numérisé téléchargeable : RÉFLEXIONS AUTOUR DE TROIS DECENNIES DE « SOCIALISME SPÉCIFIQUE » EN ALGÉRIE, extrait du livre : "Expériences socialistes en Afrique, 1960 - 1990", François Arzalier et Coll. , édition "Le Temps des Cerises", Paris-2010 , page 129 , format pdf imprimable, cliquer ici …


[14LETTRE À BOUMEDIENE
adressée le 14 septembre 1968 à M. le Président Houari Boumediène, par la Direction Nationale du Parti de l’Avant-Garde Socialiste ,
publiée par le P.A.G.S. le 20 Novembre 1968

Pour accéder à l’article 117, mis en ligne sur le site le 20 novembre 2009. cliquer ici…

Pour accéder au document numérisé téléchargeable, cliquer ici …


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