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Juillet 1990, dans un climat de confusions entretenues

24 Juillet 1990 : SADEK AISSAT, SON APPROCHE SOCIALE ET DÉMOCRATIQUE

Courage politique contre hégémonismes de tous bords

dimanche 17 janvier 2010, par Sadek Hadjerès


La lettre ci dessous a été adresse par Sadek Aissat à la direction exécutive provisoire du PAGS le 24 juillet 1990.

Escamotée au niveau des appareils organiques qui auraient dû la mettre largement en circulation et la soumettre au débat, elle est restée longtemps ignorée y compris de moi même.(1)
Les visiteurs du site seront reconnaissants aux camarades qui l’ont conservée et me l’ont fait parvenir.

Comme d’autres épisodes publiés dans la presse ou sur ce site (cf. mon Entretien au Soir d’Algérie de 2007), cette lettre éclaire les interrogations suscitées par les mises à l’écart et persécutions dont S. Aïssat ainsi que sa famille furent l’objet. Non abordées ici, elles sont confirmées et précisées par les témoignages de l’époque.

Mais l’intérêt le plus grand de ce document est qu’il met en lumière une question de fond toujours actuelle : l’importance des luttes sociales autonomes, au plus près des couches populaires, encore plus quand les faiblesses ou l’abandon du terrain social les rendent plus vulnérables à la démagogie et aux populismes réactionnaires.

Ce document répond à des attentes nombreuses, comme les interrogations exprimées dans un article en hommage à Sadek Aissat, publié dans la revue du SILA (Salon du Livre Algérien) de l’automne dernier, sous la signature de M.B, titré : "Sadek Aïssat, l’écrivain Ankaoui" (pages 36 à 39 de la revue)

L’auteur de l’article a rappelé l’itinéraire militant de Aïssat au sein du PAGS et de l’UNJA, dans les rangs desquels « Sadek portait doublement la parole de la jeunesse des quartiers populaires : il en était issu et il s’en occupait exclusivement à l’intérieur du parti ».

L’auteur évoque ensuite "l’épisode douloureux qu’il (S. A.) a vécu (avec tant d’autres) à partir de 1990. On peut comprendre la blessure profonde qui résultera de son exclusion du parti et de l’ordre donné aux militants de ne plus lui adresser la parole. Cette blessure hantera son dernier roman « Je fais comme fait le nageur dans la mer », reprise d’un vers d’une qasida chantée par El Anka. Elle blessera aussi profondément ses anciens camarades des quartiers populaires qui l‘expliqueront comme l’exclusion des « quartiers populaires » par ceux d’El Biar.

Sur la personnalité de Sadek, l’auteur ajoute que « rien ne peut la cerner hormis le mot générosité dans tout et, peut être et surtout, générosité dans le contact et l’écoute ».


"LETTRE DE SADEK AÏSSAT "

le 24 juillet 1990

(voir en pièce jointe le texte manuscrit original)

Il y a environ une année, j’ai répondu positivement à la proposition d’être membre du Secrétariat Provisoire de la Fédération du parti pour la région d’Alger.

Cette décision, je l’avoue, ne m’avait posé aucun problème. Nous sortions de la clandestinité, et il était naturel que je sois au poste que le parti me désignait.

Nous sommes passés par des moments difficiles, et y compris lorsque des camarades remettaient violemment en cause la légitimité de la fédération et sa représentativité, jamais, je n’ai pensé à mettre fin avant terme, c’est-à-dire l’élection des organisations du parti, à ma mission.

Je prends aujourd’hui dans des conditions qui me semblent tout autres, la décision et la responsabilité de démissionner de la Fédération. Je pense ainsi exprimer mon profond désaccord avec la ligne développée par la direction du parti depuis quelques mois, et de façon particulière depuis le scrutin du 12 juin 1990.

J’ai acquis la conviction de l’inutilité de continuer à défendre mes points de vue et opinions au sein du Secrétariat Fédéral pour une part, et pour une autre, ne partageant pas sa ligne, étant même dans l’obligation de m’en démarquer, je ne peux en réaliser les tâches.

1. J’ai déjà donné mon point de vue sur les résultats du scrutin du 12 juin et sur les orientations et tâches qui devraient en découler pour notre parti

(contributions du 16 et du 20 juin 1990). Ce n’est certes qu’un point de vue personnel. Toutefois, force est de constater que la direction du parti ne semble pas vouloir tenir compte des avis d’une grande partie des camarades à la base et parmi l’encadrement, non pas qu’elle n’en ait pas écho, mais plutôt semble-t-il par une volonté de mettre tout le parti devant le fait accompli, de diriger le parti selon les seuls points de vue des membres de sa direction et de son entourage immédiat. Comment, sinon, expliquer le fait que malgré la crise provoquée dans le parti par la déclaration du 18 juin, que de très larges secteurs refusent de diffuser, on s’obstine à faire comme si de rien n’était ?

Passons sur le fait que le compte-rendu sur la réunion du CC ne mentionne même pas la moindre attention à ces problèmes.

Pire encore.
Ainsi s’ouvre l’édito de SEC No 188 de juillet /août 90 =

« Réunions, bilans, débats passionnés, passionnants, critiques et auto- critiques dans les cellules et organisations du parti ; débats et luttes avec les citoyens, avec les travailleurs dans les quartiers, les usines, les champs, les bureaux. Pas de doute le PAGS vit une accélération de ses activités » (!!!)

On se croirait dans une bande dessinée de Slim ou dans un autre parti ! Le canular remplace l’analyse lucide et courageuse de la réalité.

Dans le même numéro de SEC et toujours en page 1, on propose comme étant « LA SEULE ALTERNATIVE » l’alliance avec les autres forces politiques.

Voilà comment on compte armer les camarades pour le combat.

La Conférence Nationale des démocrates du 20 juillet, devenue conférence du RCD, a confirmé l’idée que le parti sombrait, qu’il se mettait à la traîne de la pire des petites bourgeoisies, la petite bourgeoisie occidentalisée.

Le 18 juillet, la direction du parti a rendu public un autre communiqué (« Contre la ligne anti-constitutionnelle du FIS ») confirmant la ligne développée ces derniers temps.
Ce communiqué illustre bien ce qu’on veut faire du PAGS.

Ce n’est pas ici le lieu d’en faire la critique ni d’en relever les innombrables contradictions.

Je considère, pour ma part, cette ligne comme défensive et poussant à la jonction, parce qu’elle en exprime bien le désarroi, avec la petite bourgeoisie occidentalisée. Elle nous coupe du peuple et de la réalité. Elle est porteuse, en germes, de positions non-nationales. C’est cette ligne qui apparaît de façon élaborée et cohérente dans le projet de résolution politique et idéologique.

2. A mon sens le problème n’est pas d’apparaître à coups de communiqués dans la presse comme les ennemis les plus déterminés du FIS, mais d’être par notre orientation et par notre action les alliés les plus déterminés du peuple.

Il me semble que l’orientation la plus juste aujourd’hui, la tâche vitale des communistes, c’est d’œuvrer à gagner la classe ouvrière et les couches les plus larges de notre peuple au combat pour la démocratie.
Ce qui est grave, le plus grand danger pour la démocratie ce n’est pas la présence du FIS , mais l’absence du peuple dans le combat pour la démocratie.

C’est sur cela me semble-t-il que doit être fondée notre ligne, c’est cela qui élargira la base sociale du processus démocratique en lui imprimant un contenu qui exprime les aspirations et les intérêts des couches les plus larges de notre peuple.

C’est cela notre responsabilité, là est le combat des communistes. En tournant le dos à notre peuple nous ne commettrions par une erreur, notre parti aura failli à sa responsabilité devant l’histoire. Ce ne sera alors plus une erreur, ce sera une trahison.

on ne peut se contenter « d’attendre que cela passe »...

3. Certains camarades évoqueront probablement « les pressions » ou « les faiblesses » idéologiques pour expliquer cette décision. C’est en tous cas l’explication déjà donnée au départ d’un certain nombre de camarades.
Il est vrai que la carte politique d’après Octobre, l’émergence de nouveaux partis, les changements que connaît le monde, ne peut épargner à notre parti un certain nombre d’implications. Seulement lorsque le malaise prend les proportions d’une crise profonde, on ne peut se contenter « d’attendre que cela passe ».

Sadek AISSAT


(1) En relation avec les années 1989-1990, et la "crise" du PAGS, SOCIALGERIE a mis en ligne certaines contributions et articles, dont les liens sont donnés ci-dessous :


RÉFLEXIONS D’UN MILITANT SUR LA RÉORGANSATION DU PARTI
CONTRIBUTION DE TAHAR ABADA
 ; en date du 11 décembre 1989 ;
date de mise en ligne : 30 janvier 2010
Lire la contribution de Tahar Abada...


Le PAGS A BESOIN D’UN FONCTIONNEMENT DEMOCRATIQUE
PAR MHD KHADDA ET CELLULE D’ALGER-CENTRE
 ; en date du 2
juillet 1990 ; daTe de la mise en ligne : 17 février 2010
Lire la contribution de la cellule d’Alger-Centre ...


UNE DÉMYSTIFICATION DU DISCOURS ULTRALIBÉRAL "MODERNISTE"
ET PSEUDO-MARXISTE
 ; automne 1990 ; date de la mise en ligne : vendredi 19 juin 2009
Lire la contribution ...


REHABILITER LE POLITIQUE ; HADJERES AU "SOIR D"ALGERIE", GRAND ENTRETIEN AVEC AREZKI METREF ; mai-juin 2007 ; date de mise en ligne sur SOCIALGERIE : dimanche 31 mai 2009
Lire l’entretien...


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